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Info:
été 1461.

[RP] Objectif : Orléanais.

--Ayena_de_t.



[Languedoc. Vers le 10 Aout.]

Une marche, une autre. Ayena entre dans la voiture et ferme elle même la porte. Voilà. Elle vient de poser son pied pour la dernière fois sur ses terres. Elle part. Elle fuit. Enfin bref, elle quitte son Comté d'adoption, celui où elle a connu l'amour, la mort, le veuvage. Elle ne pourra que voir un meilleur avenir. Car pour elle, le séjour languedocien a été si terrible qu'elle en sort blessée, estropiée. Moralement s'entend. Car estropiée physiquement, elle l'était déjà avant. Suffirait pas de mettre sur le dos du Languedoc toutes les peines du monde non plus.

Un dernier regard à la porte de la forteresse, l'esprit vide, le cœur gros. C'est ici qu'elle a vécu pendant près de deux années. Deux années très riches en bouleversements. Très ? Trop. Si elle reviendra ? Peut être. Peut être pas.

La voiture s'ébranle. Le top départ a été donné. La Baronne se refuse à regarder le paysage défiler. Aussi darde t-elle plutôt ses yeux bleus sur le visage de son fils qui gazouille dans un couffin posé sur la banquette opposée. Il ne se souviendra pas de Crussol, de sa falaise, des gorges ardéchoises, du vent, de la chaleur... De l'accent des autochtones... De son père. Ha ! Le père. Adrien Desage. L'Hibou du Vivarais, qu'on l’appelait, de son vivant. Et, égoïstement, en se retirant, Ayena espère que les souvenirs de son tendre et cher époux s'évaporeront. Car il est temps pour elle de revivre. De s'ouvrir à nouveau au monde. Parce qu'elle est jeune encore, parce que son fils doit avoir pour père autre chose qu'un fantôme. Parce qu'elle a envie d'avancer. De cesser de râbacher. Se complaire dans le désespoir, elle en a marre.

Et quoi de mieux pour oublier que de renouer les anciens liens d'amitié ? Ceux qui ont été laissé de côté le temps d'une idylle matrimoniale et d'un veuvage catastrophique ? Ayena a été invitée à bouger. Elle ira chez Elisel d'Andéol. Parce que c'est très loin, qu'elle ne connait pas... Et qu'il y a peut être là bas des célibataires compréhensifs (car il faut l'être sacrément pour convoler avec une boiteuse veuve et mère !).

Malgré elle, le dehors l'attire. Alors elle admire, pour une dernière fois, les hauts et les bas qui soulèvent les terres, qui lui donne sa vie, son caractère. Elle grave dans son esprit les routes qui tournent, les chemins cahoteux, les fleuves rebelles qui descendent au fond de la vallée. Elle dit au revoir aux châteaux, aux chèvres, aux bergers, aux vins. Et elle pleure le fenouil, les rillettes, l'huile d'olive.
C'est une tristesse sereine. Comme voulue, comme aidant à la cicatrisation. Même superficielle, qu'importe. C'est mieux que rien.

On roule jusqu'à ce qu'Ayena ait les hanches fourbues, la jambe qui palpite d'une douleur continue. Et puis on décide de s'arrêter pour la nuit.

La jeune femme est montée seule dans sa carriole, mais ce soir, elle a besoin d'aide pour en sortir. Car la Boiteuse est vaillante au repos, mais dépendante des autres rapidement. Elle prend sa cane et se laisse porter hors de la voiture par un valet qui n'a d'autres responsabilités que celle de maintenir debout la Talleyrand.

L'auberge est vide, ils sont les seuls voyageurs de passage. Tant mieux. Tant pis. Car cela impose une face à face entre Ayena et son vassal. Et cela a parfois des conséquences étranges.


- J'ai faim, pas vous ?

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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Fooldeboishardy
Le cavalier avait chevauché toute la journée au pas tranquille de la carriole qui transportait sa suzeraine. Si Fool voyait comme son devoir de protéger sa suzeraine durant ce trajet, il s’interrogeait sur les autres raisons qui l’avaient poussées à quitter un nouvelle fois le Languedoc.

Alors que Bélénos de son pas tranquille et sûr devançait légèrement la carriole, Fool était resté pensif et silencieux une grande partie de la journée. Son esprit de soldat, vigilant sur les dangers potentiels de la route et une fraction de son esprit d’homme, préoccupé sur sa situation et surtout sa position vis à vis de sa suzeraine. D’ailleurs pouvait-il l’appeler encore sa suzeraine ? qu’était-elle devenue pour lui ? Une amie ? Il avait des sentiments pour elle et ainsi que pour son fils mais il restait partagé par sa fidélité qu’il devait à Adrien, qu’il avait l’impression de trahir en se laissant porter par ses sentiments. Il savait aussi qu’en tant que simple roturier et soldat fatigué, il n’avait guère d’atout pour plaire à une jeune et jolie baronne. Une forte contradiction montait en lui, semant le chaos dans son esprit. Ce dernier avait donc profité de ce simili répit pour tenter de détricoter ce noeud Gordien.

Fool n’avait pas eut le temps de réfléchir à tout ceci avant le départ, trop occupé à prendre des dispositions pour son domaine montpelliérain et à voir un forgeron pour remplacer sa main senestre récemment perdue. Il jeta un œil au crochet qui brillait au bout de son bras. Il avait conscience que cela faisait par trop théâtrale mais faute de mieux, il devait s’en contenter. L’astucieux forgeron avait aussi réalisé un mécanisme pour pouvoir y fixer son nouveau bouclier. Cela devrait passer l’épreuve du feu pour en mesurer la fiabilité.

Il sortit de son mutisme que lorsque la petite troupe fit halte pour la nuit devant une hostellerie. La maîtresse de la troupe sortie de sa voiture, et Fool la rejoignit devant la porte de l’établissement, après s’être assuré que les montures et les bagages étaient pris en charge correctement par les serviteurs.


Citation:
J’ai faim, pas vous ?


Absorbé par ses pensées, il n’avait rien mangé depuis le matin et aurait sans doute sauté le dîner si la jeune femme ne l’avait pas rappelé à cette nécessité physique. A cette évocation, son ventre cria famine sans discrétion.

Il sourit à sa maîtresse pour cacher son léger embarras. Elle paraissait exténuée par le voyage. Un coup d’œil vers Madrien et sa nourrice. L’enfant semblait endormi. Il revint à Ayena.


De toute évidence si, Dame Ayena. Que voulez-vous que je commande pour vous à l’aubergiste ?
--Ayena_de_t.


Il avait l'air ailleurs mais elle ne s'attarda pas. Poser une question intime ou personnelle, elle l'avait bien compris, était dangereux si l'on était point préparé à encaisser la réponse. Elle fit donc semblant de ne point voir la fatigue de son vassal-ami et évita de faire fleurir un sourire qui eut pu paraitre déplacé.

- Venez, venez. Entrons, entrons.

Oui, parce que répéter tout en double, ça comble les silences.
Ayena s'appuie sur sa canne et franchit les quelques pas qui la sépare encore de l'auberge dont elle ouvre la porte grinçante.

- Bonjour, qu'elle dit à la volée, avant que d'aller s'asseoir sur un banc bien malgré elle. Du lard et du pain. Du vin et de la bière. Pour tout le monde.

C'est simple, mais on est en voyage et suffirait pas qu'à faire bombance on ralentisse le convoi devenu trop chargé. Et elle montre ainsi à Fool qu'elle n'est pas une précieuse (au sens péjoratif du terme) quelle n'a pas besoin d'un homme pour commander à manger. Non mais.
Puis, au valet dont le rôle est de pourvoir au bien être d'Ayena et de son postérieur, elle grogne :


- Ramène moi un fauteuil correct, ou des coussins, que sais-je...

Lorsqu'enfin la Talleyrand fut installée à son aise, la hanche calée par un savant assemblage de rembourrage qui atténuait la douleur, elle soupira d'aise.

- La dernière fois que j'ai fait ce voyage, et à l'envers, encore, les routes étaient moins cahoteuses...

Ou alors elle était moins amochée, mais le lui faire remarquer aurait été malvenu. Ne plus pouvoir se tenir debout plus d'un quart d'heure, ne pas pouvoir rester assise sans une montagne de coussins, marcher avec une canne... Tout cela ne révélait pas une santé flamboyante. Il n'y avait qu'allongée qu'Ayena ressentait enfin un apaisement certain. Et s'allonger sur une table n'était pas encore dans les moeurs du temps. Alors elle souffrait, la plupart du temps en silence, grommelant à l'occasion. Cela finissait pas la rentre irritable.

L'aubergiste amena un plateau sur lequel trônait un lard bien gras, bien luisant mais à la couleur un peu grise. Cela était destiné à Fool et Ayena, qui, pour l'heure, profitaient d'un tête à tête. Ne manquaient plus que les chandelles...
Les valets et le reste du personnel (qui n'était pas nombreux) avait une table à part. Seule la nourrice, portant Madrien, s'était mise près du feu pour bercer l'enfançon en attendant que sa mère soit dans un endroit plus calme et puisse lui offrir son sein blanc.

La Baronne pris une chope de bière et plongea le nez dans la mousse.


- Au fait, commet cela se passe ? Vous avez du avertir la Licorne de votre déplacement ?

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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Fooldeboishardy
Ainsi se prenait-il un vent à vouloir être agréable… il grimaça doucement. Toutefois il estimait qu’il avait assez malmené Ayena lors de la discussion précédente pour se dire que c’était un juste retour des choses. Au moins n’avait-elle pas perdu de sa force de caractère malgré la fatigue de la route.

Citation:
La dernière fois que j'ai fait ce voyage, et à l'envers, encore, les routes étaient moins cahoteuses...


Je pense que les conflits du règne précédent n’ont pas permis de prioriser la remise en état des routes de tout le Royaume. Baronne, les guerres coûtent cher.

Un échange de banalités. On aurait pu parler du temps qui fait, mais sans doute cela était gardé pour la prochaine étape. Comment devait-il prendre cela ? Il était sans doute plus prudent d’éviter les sujets qui fâchent et se cantonner à ceux usuels pour le moment.

Citation:
Au fait, commet cela se passe ? Vous avez du avertir la Licorne de votre déplacement ?


Non je ne les ai pas informés. Tant qu’ils ne battent pas le rappel des licorneux... Mes serviteurs à Montpellier sauront où m’envoyer un message si des nouvelles arrivaient d’ici là. Mais je pense que remonter dans l’orléanais facilite la chose. Je suis plus souvent amené à opérer dans le Nord qu’au Sud du Royaume.

Il regarda l’épaisse couche de coussin sur laquelle Ayena reposait. Il prit un air soucieux. Il hésita un instant avant de prendre la parole.

Sauf votre respect, Baronne, croyez vous qu’il soit sage de prendre la route ainsi ? nous sommes qu’au premier jour et vous êtes déjà exténuée.

Il ne se faisait pas d’illusion sur la réponse de sa suzeraine mais il lui devait conseils autant en tant que vassal que comme ami.

Je suis réellement inquiet de votre état au terme de notre périple. Je vous conjure d’y réfléchir. Il n’est pas trop tard.

En fait si, il était trop tard. Ayena ne reviendrait sur sa décision autant par fierté que par envie de fuite, Fool en était convaincu. Mais il devait essayer. Il était extrêmement préoccupé par l’état d’Ayena. Comment supporterait-elle la suite de ce cahoteux voyage ? Jusqu’ou sa volonté la porterait-elle ?
--Ayena_de_t.


Ses "serviteurs" à Montpellier ! Bah, il était riche, finalement, le garçon... Et Ayena se rendit compte, par le biais de cette simple expression, qu'elle ne connaissait pas vraiment Fool, encore une fois. Il se payait des serviteurs, avait un beau cheval... Çà rapportait gros, donc, de risquer sa vie ? Et l'oeil de la jeune femme dévia sur le crochet. Heu, nan. Çà rapportait pas. En plus, il avait accepté le bouclier qu'elle lui avait offert. Peut être pour ne pas perdre sa deuxième main... Elle déglutit à cette idée, dégoutée par l'image qui venait de s'imposer à elle. Elle tenta de le cacher, mais avala de travers sa gorgée de bière et finit par tout recracher sur la table. Gênée, elle fronça les sourcils, et grogna :

- Elle est aigre, cette bière !

Ce qui n'était pas du tout le cas. M'enfin, il valait mieux un mensonge que d'avouer à Fool qu'elle venait de l'imaginer en train de caresser son corps avec des moignons. Hierk.
Entre temps, il avait pris un air inquiet et essayait de faire comprendre à Ayena qu'elle ne valait rien d'autre que la casse.

- Si ma jambe m'oblige à ne plus bouger ma vie durant, autant mourir de suite. Vous m'imaginez cloitrée à Crussol, pour le restant de mes jours ? Soyez sérieux... Je n'ai pas encore vingt ans...

Et si, il était trop tard pour faire machine arrière. Elle voulait l'Orléanais. Elle voulait retrouver Paris. Le Louvre, même, peut être. Elle voulait se changer les idées. Revenir à "avant". Quand elle était jeune et reconnue, quand elle touchait les rois et les reines. Et même si ça n'était plus possible parce qu'elle était totalement impotente, elle voulait encore se convaincre que c'était possible. Un tout petit peu.
Mais le pauvre Fool, dans sa mansuétude éternelle, s'il avait pensé bien faire, se trouvait confronté à l'orgueil de celle qu'il aimait. Et comme elle était de mauvaise humeur, que sa hanche la lançait encore à intervalle régulier et qu'il venait de mettre le doigt là où, justement, ça faisait mal (au sens figuré, comprenez), il s'en pris une en pleine poire. Une ? Une gifle. Mais au sens figuré, comprenez.


- Est-ce que je vous demande de ne plus vous battre parce que vous n'avez plus qu'un bras correct, moi ?

C'était bas, c'était mesquin, c'était horrible. Elle s'en voulut aussitôt. Elle se serait bien flagellée à la seconde, si elle avait eu le matériel adéquat.
La Baronne avait baissé la tête et rougit, comme de coutume.


- Pardon. Je suis fatiguée. Ce n'est surement pas une bonne excuse... Mais... Mes mots ont dépassé ma pensée...

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- Héraldique > Ayena est habillée par DECO
Fooldeboishardy
Entre la grimace à la vue de son crochet, le ton cinglant utilisé par Ayena pour le remettre à sa place et sa sortie sur son handicap, Fool se demanda ce qu’il était aujourd’hui pour Ayena. Un vassal, un ami, un outil, un exutoire? Mais il tenta de garder son sang-froid. Juste le temps de faire disparaître la sensation de picotements dans sa main disparue, par une profonde inspiration. Il ne toucha pas à la bière posée devant lui. Il n’avait pas envie de connaître les réponses qu’il y trouverait.

Il regarda la jeune femme calmement. Il n’avait que trop laissé parler ses émotions dernièrement et les choses s’en étaient que compliquées avec Ayena. Sans doute sa volonté de jouer le rôle qu’y lui était nouveau : d’ami, de vassal et autre chose qu’il ne savait pas nommer, il se trouvait maladroit dans ses intentions de la soulager et d’être prévenant. Fool imagina que cela laissait penser la baronne qu’il la considérait comme une incapable. Ce qui était loin d’être le cas. Pouvait-il avoir un fort intérêt, du respect et des sentiments pour une personne qu’il aurait pu voir comme une incapable ? Il estima toutefois plus prudent de ne pas rentrer dans ce sujet pour le moment: Le terrain était glissant.


Je n’ai pas été non plus très tendre ni correct avec vous la dernière fois par mes propos. Je vous en demande pardon. Sans doute étais-je aussi fatigué par mon voyage de retour à Crussol…

Il marqua une pause. Voilà un partout, balle au centre. Encore que Fool ne voyait pas cela comme un jeux. La pirouette était facile mais c'était à son sens le seul moyen pour ménager la sensibilité à fleur de peau des deux intéressés.

Donc oublions les paroles prononcées et dites-moi votre pensée si vous estimez celle-ci plus juste. Je ne m'en vexerai pas... promis.

Il ponctua d’un sourire encourageant. Il oubliait parfois que ce réflexe donnait parfois à son visage un étrange rictus compte tenu des cicatrices.
--Ayena_de_t.



Sa pensée ? Oui... Mais à quoi pensait-elle ? Cette conversation se compliquait. Car si Ayena avait été au clair avec ses sentiments, elle ne se serait sans doute pas conduite de la sorte.

- Vous me troublez, Fool.

Elle parlait à voix basse, espérant que e personnel n'entendrait pas la suite de la conversation. Ayena n'aimait pas les racontars quoiqu'elle donnât à ses ouailles largement de quoi s'occuper.

- Enfin, je veux dire...

Oui. Que voulait-elle dire ? Le verbe "troubler" était assez vague pour être acceptable, non ?

- Je ne sais plus quoi penser.

Et puis, sa fatigue n'était pas feinte et aligner deux phrases à la suite l'une de l'autre comment à devenir difficile.

- Je n'arrive pas à me rendre compte de ce que je pourrais ressentir à votre encontre...

Une histoire à mettre, au conditionnel...

- ... Ni maintenant, ni dans le futur...

Et les négations commençaient à s'accumuler. Mais elle ne pouvait pas mieux faire. C'était comme ça. Et le pauvre devrait s'y faire... Ou pas.

- Je suis navrée. Vous méritez mieux qu'une indécise qui vous mène la vie dure.

Elle déglutit, regarda avec regret le plateau de lard auquel elle ne toucherait finalement pas. Elle avait besoin de Fool. Peut être simplement comme vassal ? Lui demander de l'escorter, c'était une demande de suzeraine, pas de femme courtisée... A moins que sa présence fut devenue nécessaire à la jeune Baronne ?
Ayena, outre ces considérations sentimentales, était fortement gênée de se livrer de la sorte. Elle était du genre pudique et n'avait pas envisagé le fait que voyager en compagnie d'un homme amoureux la mettrait face à ce genre de situation embarrassante.

La jeune femme resta un moment silencieuse, fuyant tout regard. C'est ce moment que choisit Charles Madrien pour gémir. Juste un petit bruit de rien du tout.

- Je vais aller nourrir le petit et me coucher. Nous partirons tôt demain, et la journée sera longue. Il faut que je me repose.

Elle chercha du regard le valet préposé à l'aider à se bouger, mais le bougre avait disparu. Et se sortir de là toute seule, maintenant, elle ne s'en sentait pas capable.

- Voudriez-vous... Heu... M'aider ?

Ou comment se jeter dans les bras du loup. Enfin, pas sûr qu'un loup ait des bras, mais vous avez compris l'idée. Or, démunie comme elle l'était, il lui fallait bien de l'aide. C'est un regard exprimant tant l'humiliation qu'une prière muette qu'elle lança à Fool, cette fois.

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- Héraldique > Devenez beaux et belles !
Fooldeboishardy
Fool écouta en silence la jeune femme. Il sourit intérieurement quand elle fit référence à son trouble ou encore qu’il méritait mieux qu’une indécise. Non que les propos ou la situation étaient amusants, loin de là ; mais parce qu’il se rendait compte que la jeune femme semblait partager ses sentiments. Ces fameux sentiments qui n’avaient de valeurs que s’ils étaient partagés. Il voulut la rassurer, lui dire que si lui avait fait la paix avec ses sentiments, il pouvait patienter pour qu’elle-même en fasse autant et y voit plus clair quel qu’en soit la finalité. Que s’il avait la première fois avouer ses sentiments aussi durement, c’est qu’il les avait découvert par un biais difficilement avouable : la jalousie. Enfin que si elle estimait qu’il ne la méritait pas que devait-il penser, lui roturier, vieux, handicapé et perpétuellement absent. Mais malgré tout cela il ne pouvait ignorer aujourd’hui les sentiments qu’il avait à son égard quel qu’en soit le résultat.
Avant qu’il ait pu ouvrir la bouche, Ayena coupa court à la conversation. Déçu, il obtempéra. Il ne souhaitait pas la mettre dans l’embarras.

Sa demande le surprit, et après un rapide coup d’œil dans la pièce, il constata comme sa maîtresse, que le valet n’était point dans les parages. Il hésita un instant à l’appeler. Non qu’il s’estimait indigne de cette besogne, mais au fond de lui il redoutait le trouble du contact avec Ayena. Il se leva et s’approcha de cette dernière. Fort heureusement elle restait fluette et son seul bras droit devait suffire à l’aider.


Avec plaisir Baronne.. Il lui sourit.

Lui tendant la main, il l’invita à s’en saisir, et l’attira à lui pour l’extraire de sa « couche » sans difficulté. Même manchot et vieillissant, le soldat restait ferme à l’effort physique. La soutenant, le parfum d’Ayena devint vite entêtant et magnétisant.

Ou… Ou voulez-vous que je vous conduise ? Balbutia t il.

Il pria pour qu’Ayena prenne cela pour un effort qu’il fournissait et non pour une sobre ivresse qui le gagnait.
--Ayena_de_t.


Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle se retrouva debout, levée par cette force toute masculine. Ses deux mains sur le bras qui avait été tendu, elle resta immobile un moment, réalisant qu'elle venait de provoquer ce contact, en le demandant expressément. Ou elle était naïve, ou elle était nigaude. Ou les deux à la fois, remarquez.
La bouche asséchée par la situation, les joues rougies par la promiscuité, le souffle court, elle balbutia :

- Oh, je... Ne... Me... Je...

Ce n'est que le silence régnant dans la salle et le poids des regards qu'elle sentit tout à coup sur sa nuque qui lui firent lâcher le bras salvateur et reculer d'un pas, perdant presque l'équilibre.

- Merci. Je vais me débrouiller, maintenant.

Elle ne l'avait pas quitté des yeux, se demandant ce qui était bien en train de lui arriver. Deux pas en arrière, elle arrive au niveau de la nourrice à qui elle fait signe d'avancer.

- Bonne nuit, Fool, chuchote t-elle en partant.

Et la Baronne se retira.
Le soir, dans sa chambre, après avoir laissé son petit boire tout son soule, elle se coucha et frissonna, incapable de mettre des mots sur ce qui s'était passé un peu plus tôt. Décidément, rien n'était simple.

Le lendemain, forte de l'expérience de la veille qui l'avait mise dans tous ses états, elle resta courtoise, mais ne provoqua pas de nouveau de moments privilégiés : ni conversation, ni contact. Elle évita de rester diner avec la petite troupe, s'isolant très vite, prétextant souvent les soins à donner à l'enfançon.
Cela dura plusieurs jours. Elle fit des efforts quant à son comportement, cachant ses douleurs, son insomnie. Elle prit sur elle pour ne pas froisser Fool et resta affable, sans plus. Elle savait qu'elle risquait de blesser son vassal, qu'elle avait d'ailleurs tendance à ne plus considérer comme un simple vassal, mais avait besoin de cette distance pour respirer à son aise sans sentir un poids étrange sur sa poitrine. Dès qu'Ayena croisait le regard de Fool, elle prenait en pleine face une vague d'angoisse, un élan de je-ne-sais-quoi qui, pour parler franchement, la terrorisait. Mais le temps passait, doucement, calmement.

Un soir, alors qu'ils arrivaient sur les abords de Limoges, elle ordonna qu'on ne reprenne point la route dès le lendemain et que l'on donne à chacun un jour de congé. Aujourd'hui, les élancements avaient été si forts, qu'elle en avait pleuré, seule, dans sa voiture.
On choisit une auberge très humble. Le personnel logerait dans la grange. Seule Ayena, Madrien et sa nourrice et Fool eurent le droit à une chambre. Ayena dormirait seule, la nourrice prendrait soin de Charles Madrien dans une autre chambre pour laisser Ayena récupérer correctement, et Fool, logé sous les toits, profitait de la dernière chambre que l'aubergiste pouvait offrir.
Très tôt, comme elle en avait pris l'habitude, Ayena s'isola. Elle détacha ses cheveux et se déshabilla seule, ayant refusé l'aide de chambrières. Elle demanda à ce qu'on lui apporte un baquet pour prendre un bain et se détendit longtemps dans l'eau chaude : les muscles de sa hanche et de sa jambe droite, tendus à l’extrême, trouvèrent un peu de réconfort dans ce soin. Et elle se coucha.

Pour la première fois depuis le départ du Languedoc, elle sombra dans un sommeil récupérateur, sans rêves. Mais le Très Haut, sans doute, avait d'autres plans. Ayena ne dormait que depuis quelques heures lorsqu'un éclair zébra le ciel. La jeune femme s'éveilla en sursaut. Le silence était total dans l'auberge. Cela ne rassura pas la Baronne, qui, bien au contraire, se prit d'un pressentiment inexplicable.
Un nouvel éclair.
Mue par elle ne sait quoi, Ayena pose ses pieds au sol et se lève. Elle ouvre sa porte qui ne grince pas. Le parquet au sol, est lui aussi muet. Et c'est une Baronne aux cheveux détachés et seulement vêtue d'une chainse qui s'avance dans le couloir désert et qui pose, un à un, ses pieds nus sur les marches qui mènent à l'antre de Fool. Lorsqu'elle entre dans la chambre de son vassal, sans mal aucun et sans qu'aucun verrou ne l'en empêche, un nouvel éclair illumine la nuit. Mais cette fois, le tonnerre résonne, sourd, grave. Elle frissonne, cligne des yeux dans l'obscurité. Et (saura t-elle expliquer un jour pourquoi ?), elle avance encore jusqu'au lit où est étendu le corps de cet homme et s'allonge à côté de son vassal, par dessus le drap rêche qui recouvre la peau de Fool. A nouveau, le tonnerre retentit.





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- Héraldique > Devenez beaux et belles !
Fooldeboishardy
Laissé là par Ayena, au milieu de la salle commune, Fool avait regardé la femme qu’il aimait s’éloigner de lui. Partagé entre plusieurs impressions, il ne savait ce qu’il devait en penser. Toutefois il avait la ferme intention de laisser le temps au temps pour faire son office.

Bonne nuit Ayena. Chuchota t il pensif, alors que sa suzeraine avait déjà quitté la pièce.

Les jours suivants se ressemblèrent étrangement : lui chevauchant devant le convoi et Ayena dans la voiture bringuebalante sur le chemin cahoteux. A peine quelques mots échangés, cordiaux mais sans plus. La patience de Fool était mise à rude épreuve. Non qu’il était pressé par quoi que ce soit, mais la quasi ignorance dans laquelle le mettait Ayena l’inquiétait, l’interpellait, le désappointait.

Après une nuit trop courte à se tourner et retourner dans une couche trop inconfortable, à ressasser toujours les mêmes questions, il s’était levé le matin de fort méchante humeur. Pestant contre le chemin mal entretenu, la lourdeur de l’air, la lenteur du convoi, il finit par partir au galop devant le convoi au prétexte qu’il avait vu quelque chose. Après avoir galopé jusqu’à être fourbus, lui et sa monture, il s’était arrêté. Laissant Bélénos vaquer à ses occupations, il s’était allongé dans l’herbe, les mains sous la tête, à regarder les nuages qui passaient dans le ciel. Le bruit d’un ruisseau non loin de là, l’aida à retrouver son calme propre à la réflexion.

Il n’avait rien à offrir à la jeune femme, et sa présence semblait dorénavant l’indisposer, même si la baronne restait courtoise. Que pouvait-il espérer encore ? La situation ne faisait que se dégrader, malgré le vague espoir qu’il avait eu au début du voyage. Il ne lui restait plus qu’à agir honorablement. Rester à sa place qu’il n’aurait jamais dû avoir l’outrecuidance de quitter : Un bon vassal bien soumis et bien lisse… Il terminerait son escorte jusqu’à Orléans et là repartirait si tôt vers le Languedoc pour protéger les terres de sa suzeraine. C’était ce qu’il avait de mieux à faire : étouffer coûte que coûte ses sentiments qui n’avaient eus de cesse de le trahir.

Il se releva et chercha le ruisseau. Il s’y baigna. La fraîcheur de l’eau termina de le libérer de ses dernières ombres, de ses derniers doutes, de le calmer…
Il rejoignit après une longue absence le convoi et reprit son rôle d’escorte. Il se sentait serein. Dorénavant il savait ce qu’il devait faire. Il était prêt à affronter le désintérêt d’Ayena.

Le soir, seul dans la chambre de la soupente étouffante, il sentit, par l’œil-de-bœuf qu’il avait ouvert, le vent et la fraîcheur de la pluie arriver. Un orage approchait.
Il se coucha avec les seuls draps de la couche pour le protéger de la fraîcheur bienvenue de la nuit. L’épée posée à côté de lui, à moitié en veille. On avait déjà vu un bâtiment brûlé car touché par la foudre. Toutefois la fatigue de la chevauchée fit son office…

Le premier coup de tonnerre éveille vaguement sa conscience, trop loin, pas de danger… Deuxième coup ; il se rapproche. Mais il ne bouge pas non plus, restant allongé à guetter à demi conscient… Un sentiment étrange commence à se faire ressentir, un pré sentiment. L’instinct du soldat pris le dessus, le sommeil disparut. Doucement sa main s’assure que la poignée de son épée était à sa place. Aucun bruit ne filtre, mais Fool jurait que quelqu’un se déplace dans la bâtisse. Sans bouger, il guette du coin de l’œil sa porte, l’ouie aux aguets. La porte s’ouvre, une forme pâle se distingue dans le chambranle. La main de Fool saisit la poignée de son épée. Un nouvel éclair illumine la chambre. Fool n’en croit pas ses yeux en découvrant Ayena sur le pas de la porte. Le tonnerre roule et secoue la maisonnée. La porte se referme, des pas glissent furtivement sur le plancher. Fool sent qu’elle s’installe sur sa couche.
Il ose à peine bouger, juste pour lâcher son arme encore à côté de son lit. A travers les draps, il ressent la douce chaleur qui irradie du corps de la jeune femme. Son parfum enivre son esprit. Les yeux grands ouverts, il ne peut quitter le visage posé à côté de lui que l’orage éclaire par intermittence. Il écoute la respiration régulière. Pour lui, c’est à peine s’il ose respirer. Son estomac est noué en boule compacte. Il ne sait que penser de cette situation. Ses belles décisions de la journée se troublèrent à chaque éclair qui lui révélait le visage de la passion.

Il sent que ses sentiments si chastes à l’égard d’Ayena se transforment. Le désir, disparut depuis si longtemps, envahit de nouveau son âme. Il roule sur le côté et glisse son bras sous la tête. Enfin plus à son aise, il jouit du plaisir à admirer les traits délicats d’Ayena, de regarder les courbes de son corps souligné par son vêtement léger à chaque nouvel éclair.

Le nuit avançait au rythme des flashs orageux.
--Ayena_de_t.


Quand Adrien avait rencontré Ayena pour la première fois, la foudre était tombée dans le champ à côté. Pour l'heure, le tonnerre grondait comme jamais, laissant croire qu'à chaque instant, le ciel allait se déchirer.

Contre Fool, Ayena était immobile et calme, regardant les éclairs illuminer parfois la petite chambre. Comme sereine. Elle savait qu'il la détaillait, qu'il scrutait sans doute le moindre mouvement. Probablement ne comprenait-il pas ce qu'elle venait faire là, à se lover contre lui alors qu'elle l'avait savamment ignorée les derniers jours. Et puis, elle réalisa que s'il avait été offusqué, il l'aurait chassée. A moins qu'on ne puisse chasser sa suzeraine, et que ce n'était que les servantes dévergondées qu'on traitait de la sorte. Étonnement, Ayena ne rougit pas. Sans doute l'obscurité, quoique troublée par des flashs réguliers, désinhibait- elle sa pruderie. Et à quoi bon rougir lorsque personne ne peut voir vos joues s'empourprer ? La Baronne serra le poing, qui la démangeait : car si le désir masculin était une chose courue, le désir féminin était tu, tabou. Or ce qu'elle ressentait aux tréfonds d'elle à l'instant, à savoir une vague de chaleur mystérieuse, ne pouvait être rien d'autre qu'une soif effrontée de gouter à l'homme. Le mâle.
Mais la Talleyrand, bien que soumise à mille pensées charnellement sensuelles, gardait en elle cette bienséance constitutive de son caractère. Ainsi, ce ne fut qu'après un long moment, lorsque l'esprit ayenien eut cessé de tergiverser, que la suzeraine posa une main qui eut pu paraitre chaste sur le torse de Fool. Alors qu'elle était brulante.

Elle ne dormit pas. Bien sûr que non.

Et ce n'est qu'au matin, lorsqu'on entendit du bruit en bas, dans l'auberge que la jeune femme émergea de cette parenthèse nocturne. Réalisa qu'elle avait enfreint là toutes les règles de bonne conduite de A jusqu'à Z. Elle faisait une belle veuve, tenez...
Elle s'assit sur la couche, offrant alors son dos à son compagnon de la nuit.

Hum. Dans cette circonstances, qui devait prendre la parole en premier ? Qui devait dire quoi ?
Ayena se demanda une seconde si elle devait s'excuser avant de chasser cette idée : elle ne regrettait pas d'être venue. Elle avait agit sur un coup de tête. Mais il fallait savoir assumer. Même si c'était dur.


- Je...

Non, après tout, rien. Qui connaissait les mots pour exprimer ce qu'elle ressentait ? Personne. Autant ne pas parler. Elle se tourna vers le licorneux, tentant d'appréhender la façon dont lui réagissait à cette intrusion nocturne. Son visage à elle reflétait une certaine inquiétude, mais la honte avait été refoulée. Leurs avenirs se décidaient maintenant... Ou pas. Mais Ayena en avait l'impression.


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- Héraldique > Devenez beaux et belles !
Fooldeboishardy
Il devait bien l’avouer, l’homme était perdu. Si les sentiments de Fool chantaient l’hymne à la joie (vous me pardonnerez cet anachronisme) en cet instant, sa raison, qui ne l’avait tout de même pas complètement abandonnée, lui criait, par dessus la cacophonie, (des sentiments, suivez un peu), que cela était trop beau. Que plus haute était l’envolée plus dure serait la chute. Il n’y avait pas de doute là-dessus. Si elle arrivait, la gamelle serait effroyable, un vrai carnage.
Mais en cet instant, seul avec la personne qu’il aimait, dans sa chambre illuminée par les éclairs, la raison avait bien peu voix au chapitre.
Il préféra ne faire aucun geste, ne prononçer aucune parole. Quitte à pécher autant que cela soit par excès de prudence…

A la fin du dernier mouvement (de l’hymne à la joie bien sûr, bon vous suivez ou pas ?), le licorneux se mit à réfléchir. La raison retrouvant place au chapitre. Que venait chercher une femme en pleine nuit dans la chambre d’un homme qu’elle sait amoureux ? Fool écarta aussitôt les mauvaises pensées. Connaissant Ayena cela était trop simple, trop vulgaire. Il en aurait été sans doute déçu au final. Car si cette situation ne pouvait qu’émoustiller ses sens masculins, de nombreux barrages l’empêchaient de jouir pleinement du moment. Au premier du rang duquel se trouvait l’immense respect qu’il avait pour Ayena. Le souvenir d’Adrien, il devait bien l’avouer n’était pas loin derrière…
Mais peut-être était-ce plus simple? Ayena cherche t elle assurance face à l’orage qui fait trembler la bâtisse, une présence rassurante en somme? est-ce plus subtil, un test ? mais quel test ? mais pourquoi le tester alors qu’elle savait pertinemment ce qu’il pensait ? A quoi pensait-elle à cet instant alors que l’éclair éclaira son visage et fit ressortir de ses yeux un brasier incandescent ? mille questions, et par forcément pour un champion.

Une main douce et chaleureuse se posa sur son torse. Il tressaillit autant par surprise que par plaisir. Il ne bougea point, ne voulant troubler cet instant d’aucune manière. Il se ravisa. Il posa sa main valide par dessus, doucement de peur d’effaroucher la jeune femme. La sensation de cette petite main douce lui fit fermer les yeux et crisper la mâchoire en refoulant un frisson de désir…

Ce n’est que lorsqu’Ayena s’assit que Fool s’aperçut à regret que le matin était déjà là, chassant l’obscurité et l’orage. Il prit peur qu’elle ne s’en aille sans un mot, sans un regard, comme un fantôme disparaît avec le nuit. Mais non, elle hésita à dire quelque chose. A la place elle se retourna et le regarda. Etait ce à lui de dire quelque chose ? il avait tant de choses à dire et en fait si peu exprimables. Si maladroit avec les mots, il était plus habitué aux ordres qu’aux discussions mondaines.

Ce fut un long silence d’observation mutuelle qui précéda le moment ou Fool pris la décision d’exprimer sa pensée. Il ne voulait plus subir la loi des non-dits. Il prit alors conscience, (était-ce par le regard de la jeune femme ou le frisson de l’air frais du matin sur sa peau ?) qu’il se trouvait torse nu, couturé de cicatrices diverses et variées mais musclé, devant sa suzeraine. Les draps ayant glissés à sa taille alors qu’il s’était assit sans y prendre garde.
Il remonta les draps dans un geste hâtif, mais tardif, de pudeur.


Je vous prie de bien vouloir me pardonner… Je ne m’en étais point rendu compte.

Ce n’était pas forcément la parole idéale qu’il avait souhaité prononcer en cet instant. Encore qu’il ne fut pas certain de faire mieux en fait. Il regarda la Baronne. Cela pouvait dédramatiser la situation ou bien au contraire précipiter sa chute si Ayena n’avait point goûter au spectacle ?
Ayena
Elle avait observé à la dérobée ce torse offert. Fool était un balafré, comme l'avait été Adrien. Une cicatrice ici, une autre là et autant de preuve de leur courage, de leur force, de leur vaillance. Oui, Ayena avait besoin d'un pilier, d'un homme robuste, qui donnait l'impression de pouvoir la protéger à jamais. Et ces marques, sur la peau, comme autant de petits raccords, semblaient déjà familiers à Ayena, Haute Couturière qu'elle était. Car l'arrière pensée de pouvoir être utile à une homme qui revenait sans cesse tout découpé n'était pas loin. Rendre à celui qui donnait. Ou allait lui donner.
Ayena constata que la nuit avait calmé ses appréhensions vis à vis du moignon. Elle évitait de poser ses yeux turquoises dessus, par pudeur, peut être. Elle venait de comprendre que Fool était à présent aussi estropié qu'elle, qui boitait plus que de raison. Ils étaient à égalité. Il s'inquiétait pour sa Suzeraine. Elle s'inquièterait pour son Vassal. Mais plus tard. Pour le moment, la contemplation prenait fin.


- C'est rien.

Non. La nudité n'effraya pas la jeune femme, même si cela avait été le cas dans le passé. De l'eau avait coulé sous les ponts. Et un homme torse nu n'était qu'un homme torse nu. On en voyait souvent dans les villages, dans les armées. Même si Ayena mettait peu souvent le pied dans des camps de soldats... Brrouu !
Elle baissa tout de même la tête. Parce que lui semblait gêné.

Et à nouveau le silence se fit. C'était de ce genre de silence qu'observent deux amoureux après une première étreinte. Quand on ne sait pas encore si on a fait une bêtise, si l'autre regrette le moment d'intimité. Il allait falloir se lancer à l'eau. Sans se noyer.


- Il faut que je retourne à ma chambre avant que tout le monde ne soit levé. Je ne veux point que l'on me voit ainsi.

Elle avala sa salive tout en se mettant maladroitement debout.

- Vous ne voulez pas d'une Suzeraine humiliée, n'est-ce pas ?, ajoute t-elle d'un ton doux avant de se rendre compte que la phrase est à double sens et qu'il ne faudrait pas que Fool croit que l'humiliation en question serait d'avoir passé la nuit avec lui. Euh, enfin je veux dire...

Elle secoue la tête, navrée, ne trouvant pas les termes. Et puis que vient-elle l'assommer encore de la hiérarchie qui les lie ? Elle ne vaut plus rien : on ne doit pas être amoureux de son vassal. Alors elle s'approche du licorneux qui retenait toujours son drap de sa main valide, pose la sienne sur cette dernière et, la bouche sèche, murmure :

- Merci.

Ayena espérait qu'il comprendrait. Qu'elle ne regrettait pas. Qu'elle espérait ne pas l'avoir froissé. Et qu'elle reviendrait.
Dans un mouvement rapide, elle posa un baiser sur la joue rêche de Fool, comme le vent caresse une feuille et s'en alla, cahin-caha, rejoindre sa chambre. Elle se coucha. Elle s'endormit. Lorsque vers l'heure du déjeuner elle émergea à nouveau, elle se sentit heureuse. Cela la perturba : elle ne l'avait plus été depuis près de deux ans.

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- Héraldique > Devenez beaux et belles !
Fool.deboishardy
Après le départ d’Ayena, Fool fut incapable de se rendormir malgré l’extrême fatigue accumulée. Le plaisir retiré de la nuit passée, la joie du simple mais évocateur baiser d’Ayena et la foule de questions qu’entraînait forcément la situation dissipèrent rapidement les brumes d’une nuit blanche. Le convoi devant repartir que le lendemain, Fool choisit de s’exercer pour vider le trop plein d’énergie. Habillé et équipé, il sortit guilleret dans le petit matin après avoir salué l’aubergiste qui commençait sa journée dans la salle commune.

Pendant ses exercices d’échauffements, il tenta de réfléchir aux conséquences de ce qui s’était passé. Mais chaque fois son esprit revenait à l’image du visage d’Ayena éclairé par l’orage, les yeux pétillants, le nez fin, la bouche sensuelle, le dessin délicat de la courbe de son visage, la gorge, son baiser... Alors que la veille il était prêt à rentrer au plus tôt en Lengadoc. Le retour sur son domaine lui semblait dorénavant un projet bien incertain.

Tant bien que mal, il finit ses échauffements et entrepris de trouver un endroit éloigné pour s’exercer au fléau d’armes. Pas de quintaine à disposition, le tronc d’un arbre mort pouvait sans doute être un palliatif suffisant. Soupesant l’arme, il la lança contre la cible en simulant une botte pour passer la défense de son adversaire. L’image d’Ayena et la sensation du baiser caressant sa joue s’imposant toujours à lui, la concentration et la justesse du geste lui firent défaut. Le poids percuta maladroitement le tronc pour rebondir et frapper le bras, fort heureusement, sans grande puissance. Fool grimaça, rien de cassé, une chance. Il devait être plus concentré et attentif. Par un grand effort, il mit de côté ses rêveries courtoises et s’appliqua à son exercice. Le voyage l’avait un peu rouillé. Il se voulait en pleine forme pour remplir sa mission mais surtout pour elle…
Il sourit intérieurement pour ce début de « coquetterie » qu’il ne se connaissait pas auparavant. Il réagissait comme un jeune puceau. Il devait redevenir un peu sérieux.

Ce n’est qu’en fin de matinée que la fatigue de son bras et la faim le ramenèrent à la réalité. Enfin vidé de ce besoin d’exercices, il retourna vers l’auberge pour y réclamer une bassine d’eau pour ses ablutions et un bon repas. En poussant la porte, il se rappela ses interrogations. Comment réagir avec Ayena vis-à-vis des autres ? Elle ne souhaitait pas que cela s’ébruite comme le laissait penser sa remarque dans la chambre. La fierté et la pudeur de la jeune femme n’étaient plus des secrets pour le licorneux qui en avait fait déjà les frais. Il se résolut à ne pas mettre dans l’embarras la jeune femme et de se comporter comme avant : un vassal et un ami si besoin. Il espéra être capable de cette comédie publique. Mais pour Ayena, pour l’espoir d’un baiser d’elle au petit matin, il ferait l’impossible.

Cette fin de voyage offrait enfin au soldat un nouvel horizon prometteur.

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Ayena
Guillerette, elle demanda à ce qu'on l'aide pour l'habillage. Il fallut sortir quelques malle, au plus grand damne du personnel. Ayena choisit une robe simple, à la coupe avantageuse et aux manches à freppes, seule marques de fantaisie. Lorsque les longs et épais cheveux châtains furent enfin coiffés en deux macarons, la Baronne descendit dans la salle commune. Fool y était, visiblement en pleine forme. Elle lui sourit et entama la fameuse comédie alors que quelques regards de valets les suivaient : pour sûr, la mesnie se doutait de quelque chose. Et pour se mettre des ragots sous la dent, tout était bon à interprétation.

- Bonjorn, Senhèr De Bois Hardy !

Elle boite jusqu'à lui, espérant qu'il saisira que ce trop plein de formalités ne révèle qu'une envie de familiarité. Oui, une femme, c'est compliqué.

- Partageons notre repas, voulez-vous.

Sans le toucher, elle le pousse gentiment vers une table éloignée, alors que les spectateurs se lassent déjà de la pièce. Du moins, en apparence.

- Avez vous passé une bonne nuit ?

Elle s'assoit, les yeux pétillants. Si c'est un test ? Bien sûr. Il va devoir lui donner ses impressions sans en avoir l'air. Il va devoir faire semblant d'ignorer cette lueur dans la prunelle de sa Baronne. Lueur qui était encore trop mince pour être perceptible, la veille, et qui s'est allumée dans le courant de la nuit. Il va devoir lui faire comprendre, enfin, si la nuit prochaine, il voudra d'elle à nouveau. Car Ayena ne pense plus qu'à cela depuis qu'elle est entrée dans la pièce et a retrouvé son vassal. Elle n'envisage plus la soirée que serrée contre lui, à nouveau. Sa chaleur, son odeur. Son souffle dans son oreille... Il est l'heure d'avouer à Ayena que tout ceci ne lui convient pas. Après, il sera trop tard.

On amène un ragout de mouton, du pain bis, un peu de saindoux, et du fromage. La Talleyrand, affamée par ses émotions, entreprend d'éliminer toute trace de nourriture de la table.

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