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[RP] Adoubement, what Else ?

Else
    [Quelques instants plus tard, dans une chambre d’enfant…]

Tourner. Virer. Heurter le coin d'une malle, pester, frotter son genou. Tourner encore. Virer encore. Entre les quatre murs sinistres suintant la détresse de l'enfance ballottée, les doigts serrés sur un petit mouchoir offert au retour de la campagne d'Anjou, Kermorial s’est défaite de sa digne sclérose. Qu’importe ? Les deux chiens fidèles montent la garde derrière porte close ; sans yeux pour voir, les brides peuvent bien se desserrer. Du reste, elles claquent difficilement, incrustées qu’elles sont dans la chair retenue. La raideur persiste ; c’est dedans que ça bout.

Que ça bouge.

Que ça ressasse.

Echos de souvenirs distendus par la mémoire.


    Vannes, taverne de la Rabine. Pommières, en substance, sur le ton de la conversation : « Au fait. Vous êtes diaconesse, hein ? J’ai besoin d’un clerc. C’est pour un adoubement. »
    Elle : « Vous êtes au courant, au moins, que ce n’est pas mon rayon ? »
    Lui : « Dieu est à tous les étages. »
    Soit. Montfort, elle, claquera la porte. Pour l'instant.
Entre devoirs profanes, nécessités sacrées et besoins singuliers, que la corde est fragile, sur laquelle dansent les serviteurs de Dieu… Aussi ténue que le fil de cobalt qui s’échappe du mouchoir au myosotis rongé. Elle le saisit délicatement entre le pouce et l’index ; un point saute. Triste, le visage dans le grand miroir.

    Rennes, couloirs de l’assemblée des clercs. Elle évoque la question. Botherel regimbe : l’affaire l’interloque, et ne lui plait guère. Ce sont les ordres qui adoubent, dit-il. Elle n’en a pas le droit. Que cherche-t-elle ? Kermorial hésite, ne sait pas répondre. Le doute s’installe. La foi, c’est à la carte ? Oui, non…
    Lui : « Au fait, et votre nièce ? »
    Elle : « Vassale. Meurtrière. »
    La conversation se poursuit, en perspectives inespérées, qu’elle hésite à saisir encore.
L’œil de Dieu est partout, il faut donc se garder de marcher dessus. Qu’est-ce qui est juste ? Qu’est-ce qui est bien ? Pour soi, pour les autres, pour le Tout. La réponse souvent miroite, insaisissable, comme la lumière du soir sur un petit coupe-papier d’argent abandonné dans la ruelle du vaste lit où Alix noie ses cauchemars.

    Vannes, la Rabine. La fatigue est trop grande, un soir, de supporter le couple chamailleur sans parvenir à pénétrer leur monde. Comment guider qui l’on n’arrive même pas à toucher ? Elle cède la place, Chimera s’insurge et chasse, l’autre demande confirmation : « Est-ce que je vous pèse ? »
    Elle : « Oui. »
    La porte se referme, pour la deuxième fois, sur un échec programmé.
Le couvercle d'une écritoire s'ouvre sur quelques feuillets, couverts d’une écriture ronde et soigneuse. Dans une maison de la noblesse angevine, Alix Ann fut élevée à devenir une parfaite petite fille modèle. Petite fille à modeler. Caprice, ou choix ? Et de qui ? Faudra-t-il finalement lui ôter le peu qui lui reste d'enfance ?

    Vannes, la venelle. Kermorial s’est désengagée du nœud coulant de l’irrégulier sacrement. S’ils tiennent à un clerc, elle n’est pas le bon. Devant Dieu, il faut être honnête. Les lettres s’enchaînent, à deux, à trois – on saute ? et les refus cousus d’urgence. On ne s’entend pas. Littéralement.
    L’autre : « Je vous déteste. »
    Lui : « Je ne vous demande rien – et pour moi, c’est tout. »
    Elle : « Vous me demandez tout – je ne peux ni ne veux accorder rien. »
    Un jour, les lettres cessent. Elle croit avoir convaincu, ou vaincu tout court.
Fallait-il se faire violence ? Une plume se brise entre ses doigts et lui entaille la peau. Non… Elle ne doute pas de son choix, surtout pas maintenant que le duo cintré a laissé paraître toute la formidable ampleur de son impudence. Elle a fait ce qu’elle pouvait, et ce qu’il fallait – même pour eux. C’est déjà trop. Sur un point, cependant, Marzina rafle la mise : Alix ne comprendra pas.

    Paris, hôtel Montfort. A l’étage, l’oncle et suzerain négocie les fiançailles de la gosse. Au rez-de-chaussée, dans un boudoir sans fenêtres, les tantes hostiles et enfermées s’ingénient à faire sauter la porte. Curieuses alliées, plus ennemies que l’ennemi.
    L’autre : « C’est votre faute. »
    Elle : « Famille de vipères. »
    Le moyen d’œuvrer ensemble au bonheur d'une enfant, lorsqu'elles ne s'entendent même pas sur la définition ?
Le regard désabusé arpente une tapisserie, dans l’espoir de se divertir des rabâchages inutiles. Une histoire d’animaux de toutes espèces, sans doute pour conjurer l’absence de la ménagerie qu’Alix a importée de Château-Gontier. Dans un coin rouge, les yeux se heurtent à un garçonnet blond penché sur un puits. Elisabeth s’effondre sur une malle.

De quoi encore sera-t-elle incapable de la protéger ? Il y eut tant d'épreuves dans cette vie d'enfant… Finira-t-elle comme l'autre ?


- Seigneur, aide-moi…
Finn
Mais quelle mauvaise foi...

C'est du pur génie à ce niveau, le Gaélique ne peut retenir un sourire de franchir le seuil de ses babines, carnassier. C'est aussi nettement plus appréciable lorsqu'il n'en est pas la victime. Cette Princesse et sa vision déformée des faits ont parfois le don de décourager le plus brave des hommes. Mais là, face à la clerc récalcitrante, il s'émerveille du stratagème dévoilé par la Prinsez. L'enflure... Qu'elle est belle quand elle tourmente son monde.

Toujours aussi fasciné, le vieux singe ricane lorsqu'elle relève la peine encourue par Kermorial au prochain déjeuner.


- « Diable non. On les élève et les hisse parmi les meilleurs du monde. On y mange pas beaucoup, en fait. Je creusais la neige pour me nourrir de galettes de terre, je vous l'ai déjà dit. »

Ou le conte du pauvre petit Finn sans chemise et sans pantalon. Une œuvre devenue véritable best-seller entre eux.

- « Mais les Romains n'ont jamais foulé notre sol. »

Vrai, à défaut du clergé qui a pénétré jusqu'aux cœurs des insulaires. Il n'y a qu'à voir cet Irlandais là, pétri de bondieuseries jusqu'à la moelle. Mais si on peut placer cette prouesse régionale, c'est toujours ça. Assouvir sa fierté patriotique n'a pas de prix.

- « Alors c'est pas une Diaconesse vénète qui va me les casser.  »

La représentante de Rome n'a qu'à bien se tenir.

- « D'ailleurs, vous savez quoi ? Vous êtes brillante. »

L'œil légèrement pétillant, il couche une main sur celle de sa complice.
Ce whiskey est vraiment une tuerie...

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Marzina
La tempête s'est calmée, la Tornade blonde aussi, par la même occasion. Lorsque les vents se calment, la destruction prend fin, et une nouvelle période de calme peut alors débuter avec la douceur des premiers rayons de soleil du printemps. Quelques jours étaient passés, des discussions avaient été engagées, des décisions avaient été prises.
Ce soir-là, il avait décidé de se débarrasser d'une partie de son passé.
Ce matin-là, elle avait décidé de le suivre dans sa folie, glissant sa main dans la sienne en guise d'accord solennel.
Elle ne connaissait pas encore tous les tenants et aboutissants, mais pour la première fois depuis sa tendre enfance, elle faisait confiance. Oh, pas totalement, on ne peut pas apprendre du jour au lendemain à l'animal sauvage à ne pas mordre la main de l'homme qui se tend vers lui. Elle voulait des détails, marcher les yeux fermés ne lui était pas possible, se dire qu'il sait ce qu'il fait, qu'il ne lui dit pas pour une bonne raison, elle ne l'accepte pas encore complètement. Un long travail d'apprentissage avait débuté trois mois plus tôt, et si les bourgeons commençaient à apparaitre, il était encore loin de porter ses fruits. Mais elle avait accepté de le suivre, de quitter la Bretagne un temps pour voyager à ses cotés sans ses gens, sans ses gardes, juste lui. Et Alix Ann. La seule condition non négociable, l'élément auquel il ne peut toucher, qu'il n'a même pas cherché à refuser. Peut-être aurait-il réussi à la faire céder, mais le prix à payer aurait été grand, autant pour elle que pour lui. Ça l'aurait détruite, elle aurait fini par le détester. Sûrement le savait-il, il n'avait pas couru le risque.
Allongée à son coté, songeuse et ensommeillée, elle repense à leur discussion dans le pigeonnier à l'aube naissante. Le corps nu vient se coller contre son homologue masculin, chercher la chaleur de l'endormi partagée un peu plus tôt, quand l'astre orangé s'était élevé dans le ciel aux teintes rosées. Ce départ là avait un goût de saut dans le vide. Et alors, qu'est-ce qui les attendrait, tout en bas? La terre ferme sur laquelle ils s'écraseront tous deux, ou la mer qui ne l'engloutirait qu'elle, seule des deux à ne pas savoir nager? L'espace d'un instant elle se souvint de l'eau glacée de l'hiver venant lécher son corps affaibli par la grossesse et frissonna. Elle l'enlaça, et les yeux noirs remontèrent à nouveau sur les rouflaquettes rasées de frais. Doué qu'il pouvait avoir des idées étranges parfois!
Finalement, elle se décida à faire remarquer:


"Nous allons devoir la relâcher."

Là, oui, le clerc qu'ils avaient kidnappé, par caprice et par orgueil. L'amour déraisonné de deux tourtereaux tarés peut pousser aux pires folies. Mais la conscience refait surface, au bout d'un moment. Et même si Marzina déteste Elisabeth, elle aurait été bien incapable de la blesser physiquement, ni même de la laisser mourir. Elle avait demandé à ce qu'elle soit bien traitée, qu'elle ait une nourriture convenable, et qu'on lui propose de quoi lire si elle le souhaitait. Dorer un minimum la cage de cet oiseau des grands froids. Elle avait pensé plusieurs fois lui rendre visite, peut-être lui parler, et finalement, ne l'avait pas fait. En son esprit, la traitrise venait d'Elisabeth la première, la sienne n'était que réponse. Faire le premier pas reviendrait à s'exposer à une nouvelle traitrise, et ça elle n'en voulait pas. Elle avait tenu finalement, à ce qu'elle soit la troisième personne de cet adoubement, parce que donner un rôle important signifiait que la personne prenait également de l'importance pour elle. Si Finn avait insisté au début pour que ce soit elle, qu'il s'était heurté à la colère de l'Altesse, à la fin, c'était elle qui refusait de choisir un autre clerc.
Maintenant, les choses se précipitaient. L'adoubement devait être réglé avant leur départ. Qui sait ce qui pouvait se passer durant le voyage? Ils savaient ce qu'ils risquaient en voyageant, avec le passé mercenaire de Finn, le passé personnel de Marzina, les ennemis se dressaient dans chaque duché, dans chaque comté.
Alors finalement elle se lève, elle s'habille, et elle vient se dresser devant la porte de la filleule, gardien de prison de l'archidiaconesse. Elle fait tourner la clé, et elle entre, posant les yeux sur Elisabeth.


"Demat Elisabeth. J'espère qu'on vous a bien traitée."

Les yeux noirs se posent sur elle. Plus aucune animosité maintenant, la blonde a retrouvé son calme, la voix est presque douce, comme si elle était vraiment devant une invitée, et pas une hôte forcée. Elle est ici pour la libérer, mais elle a décidé de ne pas lui dire tout de suite. Ça ne lui coûte plus rien maintenant, parce qu'elle ne sait pas quand elle pourra rentrer, si même elle pourra rentrer, alors elle tente une nouvelle fois:

"Avez-vous réfléchi et changé d'avis? Allez-vous nous aider, ou continuer de nous tourmenter?"

La tonalité de la voix annonce clairement que ce serait la dernière fois que la question serait posée, renforcée par le soupir las qui suit. Elle aurait pu commencer par lui dire que de toute façon, elle la ferait sortir aujourd'hui, mais dans l'esprit de l'Altesse, lui annoncer sa liberté retrouvée ne serait qu'une raison de plus pour elle de refuser. Et s'il ne restait qu'une chance, une mince chance encore, qu'Elisabeth accepte, elle voulait la préserver.
Même si elle s'y prenait mal.
Elle n'a jamais été douée pour ça.

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Else
- Rapunzel, Rapunzel, lass dein Haar herunter*…

Au cliquetis délicat de la serrure, Kermorial se détourne de la fenêtre à laquelle elle est accoudée. Le manque de sommeil a sensiblement altéré ses traits : les nuits sont pires que les jours, dans la geôle que son entêtement rend plus pénible que ne le prévoient les instructions de la geôlière. Elle a refusé tous les livres, mangé du bout des lèvres – du reste, elle n’a guère faim – et envisagé même, le premier jour, de ne toucher nulle nourriture. A cette pensée, cependant, un vieux réseau d’alarmes s’est déclenché : « La conservation est la faculté d’œuvrer à sa propre survie – crrr – elle est la conscience – crrr – de ses besoins premiers en eau, en nourriture et – crrr – en sommeil. » Bon, bon, d'accord. Pas de jeûne protestataire. Dormir serait plus compliqué : on ne choisit pas l'insomnie. Mais de lecture, pas question ! Plutôt sauter par la fenêtre que d’accepter le moindre superflu.

Superflu, mhm ? En ce jugement, la cabocharde se trompait lourdement. Car bien sûr, des mots étrangers eussent au moins détourné son attention quelques heures par jour, l'éloignant de certains abîmes mentaux dans lesquels il eut été bon qu'elle s'économisât le plongeon. Mais que voulez-vous… Point de divertissement, avait-elle décidé, surtout pas aux frais de la Princesse ! Prière, et méditation. Espèce de fille de clerc, va !

Il faut dire aussi que, là où elle eut pu voir autant d’embryons de drapeaux blancs, ou tout du moins la preuve que la folie Montfort s’arrête avant la cruauté, ses yeux aveugles ne discernaient plus que des injures. Chaque politesse redessinait le portrait de l’Irlandais attablé, paisible, enthousiaste même, et honteusement sûr de son bon droit. Son bon droit ! L'indigne…Lorsqu’elle croupissait dans cette chambre glauque d’enfant ! Lorsqu’Alix en avait été chassée, elle, pour affronter la même solitude dans sa future prison dorée ! Tous ces gestes lui ressemblaient bien… Était-ce lui qui les soufflait à sa future suzeraine les meilleurs moyens de faire enrager sa prisonnière ? Avait-il fomenté l'enlèvement ? Et on lui demandait de bénir ça ?
Non… pas question d’accepter le moindre livre. Et même lorsque, dans un sursaut de volonté, Elisabeth parvenait à brider son dégoût galopant, elle refusait encore, par principe. Et il n'y a pas d'allergie à l'oisiveté qui tienne !

Cela se paierait plus tard. Cela se payait déjà, en fait. Régulièrement, elle tombait en proie aux affres de la culpabilité, songeant à l’avenir d’Alix, aux erreurs passées, aux obstacles à venir, déroulant sous un front accablé la liste des prénoms de mômes qu’elle aimait, avait aimés, avait perdus… perdrait ? Et dans le grand miroir des vanités, elle contemplait les brûlures qui ne voulaient plus quitter son bras.
Parfois, c’était la colère qui la terrassait. Alors, elle maudissait le mouvement qui l’avait attirée dans les lacs de Montfort-Pommières : oh, n’être jamais venue… s’être doutée… avoir déchiré la missive… Pourquoi Alix n’avait-elle pas écrit qu’elle se trouvait seule à Buzay ? Avait-on intercepté ses lettres ? Lui avait-on interdit d’en écrire ? Sous quelle sanction futile ? Quelles robes avait-on menacé de lui retirer, à cette malheureuse enfant gâtée, dont on noyait les souffrances dans un bain de sucre ? Oui, désormais, l’Austère était prête à prêter toutes les perfidies du monde à la Princesse.
Parfois encore, elle succombait à l’horreur de sa captivité, dressait l’inventaire de tout ce dont ces murs la privaient, la coupaient, l’empêchaient, pour jamais peut-être – pourquoi pas ? – et implorait une aide divine, humaine, rouquine… Car la mort n’inquiétait pas le clerc qu’elle est, mais tout perdre… ça, oui. Oh, le claquement sourd de la porte qui se referme derrière le garde qui remporte le septième plat à moitié terminé, le douzième bouquin rejeté… Combien de temps encore ? Marzina saurait-elle durcir sa sentence ? La tuer ? Pommières, oui. Et mourant, ferait-elle le choix de revenir ?

Chaque matin, les premières lueurs de l’aube la cueillaient à genoux, et la relevaient lentement, pour plusieurs heures de prière dans lesquelles elle retrouvait un semblant de calme. Alors, pour quelques temps, la tempête se calmait, et elle songeait avec plus de calme à sa drôle de situation.


- Rapunzel, Rapunzel, lass dein Haar herunter…

Ouais… ça lui a pas fait de bien, c't'histoire. De toute manière, les cheveux d’Elsa ne sont pas si longs… C'est qu'il y a haut, tout de même… et il faudrait que son secours sache nager.

Au cliquetis de la serrure, donc, elle se retourne lentement. Il y a quelques heures qu’elle songe, presque paisible pour l'heure, et maintenant que l’ennemie pointe enfin son nez, elle est prête. Mais à quoi ? A tout, peut-être, sauf à se fier. Pourtant, il faut bien reconnaître que Marzina a changé de contenance. Le noir de ses prunelles ne semble plus si noir. La voix, affûtée par le détonant cocktail d’alcool, de colère et de drogue, s’est adoucie. Quant aux mots… Elisabeth doit rassembler sa volonté pour museler un écho de mépris.


- Vos gens ont été corrects, répond-elle froidement, sans préciser qu'elle a été arctique. Comment ça, on s'en doutait ?

Mais tandis qu'elle tente d'estimer si ces bons traitements dureront encore, la suite la fauche dans ses tentatives de pronostic.


- De vous tourmenter ?

Quelque chose comme de la surprise teinte la froideur du ton. Il faut de la force pour considérer le tourment des autres ; elle a disparu, avalée par la lutte contre le cancer qui lui dévore le ventre. Pour un peu, elle ajouterait : « pourquoi moi ? » Mais ce serait trop dire.

- Voyez le genre de choses que vous faites, sur son conseil. J’ai réfléchi. Et je ne changerai pas d’avis.

Non, ce n’est pas ce qu’il faudrait dire. Du reste, c’est faux : à aucun moment elle n’envisagea vraiment de changer d’avis, trop occupée à se débattre avec ses angoisses et autres rancœurs. C’est dit : cette Kermorial-ci ne sut jamais s’y prendre, avec Marzina. Ni même la rencontrer. L’occasion a passé, peut-être, et elle ne s’en rend même pas compte ; aujourd’hui, il y a un abîme au-dessus duquel elle ne veut plus tendre la main. Pour que l’autre l’y précipite ? Non, merci, ça ira. On imagine tout, sur les ruines d’une confiance jamais née… mais on ne croit plus rien.
Alors, raide et droite, elle attend simplement que la porte claque de nouveau… ou pire.


*Raiponce, Raiponce, fais descendre tes cheveux...
Marzina
Les yeux noirs s'attachent aux détails de l'apparence de l'hôte, note la fatigue aux traits tirés, une légère folie dans le regard. La captivité la pèse, c'est certain, elle a l'impression de voir un peu Dariusz, quand Elfyn l'avait jeté dans les geôles de Nantes. Elle avait fini par accepter les conditions de son père, afin qu'il soit libéré. Fichue conscience!
Mais là, ce n'est pas un cas de conscience, c'est la logique, froide. Ils s'en vont, les tourtereaux tarés, ils vont roucouler sur les routes loin des regards qu'ils sentent méprisants, des jugements sur leur affection mutuelle et leur drôle de lien. Ils n'ont jamais été plus heureux que sur les routes de toute façon, presque seuls au monde, c'était toujours les autres qui finissaient par poser problème, qui retardaient les réconciliations.
Alors ils prenaient la poudre d'escampette, et Marzina espérait pouvoir confier ses terres chéries à une jeune femme qu'elle estimait petit à petit de plus en plus. Elle ne pouvait pas se permettre de laisser trainer des cadavres dans les placards avant son arrivée, car Doué seul savait quand elle reviendrait!
La réflexion d'Elisabeth la surprend, un moment. Elle s'attendait à ce qu'elle refuse, mais elle ne s'attendait pas à ce qu'elle parle de Finn.


"Certes, l'idée fut de lui, mais je l'ai acceptée. Vous nous aviez laissé sur une note de désespoir que nous avons eu du mal à surmonter."

Et encore, la détresse décrite était bien trop faible. Les deux âmes en peine désemparées s'étaient retrouvées déséquilibrées loin de Vannes, finissant même par se heurter. Il fallut tout de même arriver au déboitement de l'épaule fragile de la blonde pour que cessent les hostilités et que se réinvente difficilement un fragile équilibre. Maintenant, ils avaient trouvé une paix toute relative dont ils allaient profiter sur les chemins.

"Vous donner un petit aperçu de la souffrance que vous avez causé m'a semblé être une bonne idée. Oh bien sûr, l'Irlandais avait d'autres motifs qui l'animait. Mais on peut avoir des motivations différentes, et parvenir à s'entendre sur le chemin à suivre."

Elle soupira à nouveau, lasse du combat, et tellement pressée de boucler toutes ses affaires en cours pour partir en escapade vers l'inconnu pour une durée encore indéterminée.

"Très bien, si vous n'avez pas changé de décision, alors c'est fini."

Elle appela un garde.

"Occupez-vous de l'archidiaconesse."

Le garde lui lança un regard perplexe.

"Je dois faire ça où?"

Froncement de sourcils de la blonde.

"Dehors voyons! Ca coule de source."

Il se gratte l'arrière du crâne.

"Vous allez pas m'engueuler si je fous du sang dans la cour?"

Regard noir de l'Altesse.

"Du sang?! Non mais vous allez la raccompagner au continent pacifiquement hein, on n'est pas des barbares!"

C'est ainsi qu'Elisabeth retrouva la liberté. La blonde posa une dernière fois les yeux sur les traits tant honnis qu'adorés, et marmonna un vague "Kenavo", avant de tourner les talons, n'assistant pas au départ.
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