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[RP] Expiation

--Finitou



Jules fit son entrée, debout sur la charrette, devant affronter le regard inquisiteur des limousins.
Les jurons et autres mots de rage fusaient parmi la foule.
Quelques personnes ne bougeaient plus et ne parlaient plus, fixant Jules comme si il était devenu inhumain.

Corenthine vit même quelques tomates voler vers lui. Elle était pour sa part toujours adossée au mur. Ses yeux suivirent Jules, qui avait l’air de flotter au dessus la foule, comme un messie.

L'escorte s’approcha de l’estrade.
Il allait enfin expier ses fautes, même si cela ne ferait pas revenir Stannis, les doigts de Trokinas ou l’oreille d’Aliénaure. Beaucoup de personnes avaient laissé des plumes dans cette histoire.

Maintenant c’était à Jules de souffrir.
Malgré sa haine, elle ressentait encore beaucoup d’incompréhension.
Les images de Jules oeuvrant à l’infirmerie avec elle pour soigner les soldats lui revenait en mémoire... Balayées soudain par les images de Stannis et leur folle poursuite près de la chapelle, à la recherche d’Ewa et d’Aliénaure.

Jules laisserait son nom pour la postérité mais pas celle qu’on croyait.
Un brasero était allumé sur l’estrade, un tison bien au chaud dedans. Le bourreau attendait l’inculpé pour le marquer à vie.

Jules allait garder en ses chairs la marque de ses abominations à jamais incrustée, comme un vulgaire animal.
Il porterait cette marque inavouable, comme un lépreux porte sa maladie.



--Erynie
Il arrivait, le condamné. Il approchait, fendant la foule, et la foule s'ouvrait devant eux comme une mer houleuse. Enfin elle arrivait à apercevoir celui dont elle allait s'occuper. Un être roux, amaigri sans doute par les geôles, couvert de haillons sales, aux bras entravés par des chaines, tenu comme en laisse par deux sortes de buffets normands, les deux buffets étant précédés par un autre, qui ouvrait la voie et, de temps à autre, frappait le condamné.

Au cri du garde, annonçant que venait un criminel, une "crapule comme ils disaient, et qu'il allait recevoir son châtiment, un soupir échappa à l'Erynie, qui regardait approcher le rouquin depuis l'estrade. Elle n'aimait pas particulièrement les exécutions ou supplices publics. Trop de sentiments là-dedans. Elle n'y était pas aussi à l'aise que dans l'ombre des geôles. Et ce rouquin qui approchait... Bizarrement, pour la première fois, elle sentait que ce ne serait pas comme les autres fois. A le voir approcher lentement, en pantin désarticulé, trainé, poussé, battu par ses gardes, l'indifférence de la bourrelle laissa place à autre chose. A de la curiosité : qu'es-tce qui avait bien pu le pousser à agir ainsi, à enlever et maltraiter deux grandes figures du Comté ? Et à de la pitié. Il aurait pu être son petit frère... Il devait être plus jeune qu'elle, mais sans doute pas de beaucoup. Et il ne semblait pas avoir cet endurcissement au crime qu'avaient les autres condamnés.

Le soupir s'exhala finalement, souffle d'air filtrant entre les lèvres jusque là serrées de l'Erynie. C'était sans doute encore un mauvais tour du Destin. Un mauvais tour pour l'homme qui allait être marqué de sa main. Un mauvais tour pour tous ceux qui avaient été pris dans la tourmente fatale de ce jour funeste, quelques mois auparavant. Un mauvais tour pour leurs proches. Et un mauvais tour, dans un autre genre, pour elle, pour elle la bourrelle,, car ce jour-là, elle éprouvait de la curiosité pour les motivations d'un condamné et de la pitié pour lui.

Après tout... Ils étaient semblables, symétriques, chacun d'un côté du fil qui séparait le crime de la loi. C'était la première fois qu'elle ressentait pareille émotion, pareille impression au moment d'exécuter une sentence. Auparavant, que lui auraient importé les raisons pour lesquelles on auait enlevé et maltraité deux gandes figures du Comté ? Elle aurait simplement marqué ou exécuté le coupable. Mais ce jour-là, devant ce jeune homme qui maintenant gravissait les degré de l'estrade, ce rouquin qui chacelait mais toujours continuait sa route, comme indifférent à ce qui se passait autour de lui, elle entrevoyait pour la première fois sa proximité avec les condamnés.

Pour la première fois, elle se rendait compte qu'elle, l'Erynie, la bourrelle, et ses malheureux suppliciés étaient séparés du reste de l'humanité par un abîme vertigineux. Le commun des mortels, les nobles, les roturiers, les paysans, seigneurs, lettrés, artisans, et même les soldats n'avaient rien à voir avec les criminels ou elle. Les premiers obéissaient à la loi et y étaient volontairement soumis ; quant aux criminels et elle, par révolte ou par choix, ils s'étaient affranchis (ou avaient été affranchis) de ce carcan moral et de ces jeux d'apparences et de miroirs qui assuraient un soi-disant ordre public.

Il avait maintenant gravi les degrés de l'estrade, et il était face à elle. Les yeux noirs de la bourrelle cherchèrent le regard du rouquin pour glisser aussitôt sur son cou. Derrière la nuque, lui avait-on dit. Elle le contourna et, d'un geste rapide, l'Erynie dégagea la nuque du rouquin, dévoila une longue cicatrice. Laide, fort laide cicatrice. A son goût du moins... Elle profita de sa position pour lui glisser, assez bas pour n'être pas entendue par les gardes qui étaient montés à sa suite :


Courage, fils. Ca va faire mal.

S'écartant immédiatement, elle s'éloigna vers le coin opposé de l'estrade, faisant signe aux gardes de descendre de son domaine. Leur rôle était fini. Et le rouquin entravé ne serait sans doute pas trop hargneux. Il avait l'air tellement affaibli... Et pendant qu'elle ramenait vers le centre de l'estrade le braséro dans lequel chauffait le fer, elle reprit, dans un murmure monocorde (dont sa voix toujours froide et tranchante était coutmière, quoique cette fois, elle s'était comme... humanisée) :

Toi et moi, au fond, nous sommes pareils... Nous faisons tous les deux souffrir. Notre seule vraie différence, c'est que tu n'as pas choisi le bon côté. Ce que je fais est autorisé, et ce que tu fais ne l'est pas. Je suis bourrelle, et toi, tu es un criminel. Pas de chance...

Revenue au centre de l'estrade, la bourrelle se tourna vers le Château. A ses pieds, dans les braises du braséro, le fer rougeoyait comme s'il avait été plongé au milieu des flammes de l'enfer. Le regard noir de l'Erynie se fixa vers la fenêtre d'où la Comtesse ne manquerait pas de lui faire le signe qui marquerait le début de l'exécution de la sentence. L'infâmant fer marquerait impitoyablement ce rouquin, quels que soient les sentiments de la bourrelle à cet égard. Comme pour elle-même, l'Erynie murmura :

J'attends votre ordre, Comtesse...
Juleslevagabond
[ Entre folie et clairvoyance - Place principale de Limoges, 6 Juin 1457 ]


Et il marche et il marche, il fait la sourde oreille à tout ceux qui s'époumonent à répéter stupidement les mots du Limousin damné, comme des moutons de panurge. Il n'en a cure, il sait ce qu'il va se passer, du moins une bonne idée. Devant cette folle populace clamant son nom, il porte sa main à son front, la lumière d'Hélios l'aveuglant.

Une ombre s'affiche, droite et fière... Et lui l'assassin, il reprend encore un peu du menu de l'escorte. Il s'est arrêté, il n'a pas le droit... Il ne commande pas la cadence du groupe. Et de nouveau il se rabaisse devant la lâcheté de ses "gardiens". Il maudit ce fer qui l'empêche de leur rendre à tous leurs coups vicieux puissance dix...
Alors il se relève, ravale sa haine, la met de côté pour un jour funeste ; et le capitaine de l'escorte reprend ses pas, sourire fier gravé sur son visage, comme s'il était celui qui l'avait capturé.

La distance avec l'estrade se réduit petit à petit, mais les yeux de l'homme - enfin ce qu'il en reste - sont toujours attirés par cet inconnu, celui qui l'attend pour lui infliger le revers "juste" du Limousin. Quel est le nom déjà de ce "justicier" peu commun...? N'avait-il pas entendu un jour des murmures sur le nom du monstre de Limoges qui, chaque jour, avait une table de libre en taverne, pain à l'opposé de la tradition pour avertissement ?

Les pensées s'entremêlent, lui rappelle cette abysse qu'il rejoindra de nouveau lorsqu'on en aura fini avec lui, devant tout ces fous accaparés par la violence de l'acte. Un pantin dans un spectacle... C'est bien le seul ressentiment qu'il éprouve depuis que ses jambes l'ont porté dans cette place pavée. Il n'y arrive pas, il n'y a pas de nom derrière ce masque... Juste... Une bête à qui on a offert un travail à sa mesure. Mais que peut-on en avoir à foutre après tout...? On ne dit pas mieux de lui.

Les insultes fusent par dizaines, la tête est baissée dorénavant, les bras ballants, les cheveux longs roux et filasses forment une ombre, masquent les yeux de ténèbres. L'assassin se laisse porter par les bêtes boîtes de conserve... Aussi frêle qu'une petite chose à la naissance. Il ne remarque pas les personnes les plus importantes venues assister à la punition. Et tant mieux. Sinon il se serait obligé un nouvel arrêt, pour tenir le regard à chacune de ses victimes, indirectes ou non. Et à force cela lui vaudrait cher au bassin. Il ne pense même pas aux bleus qui doivent virer à une couleur mauvaise suite à toutes les fourberies de l'escorte ; pas plus à ces légumes gâchés - et sûrement gâtés - s'écrasant sur lui ; Qu'importe, qu'on l'y amène à cette estrade, et qu'on en finisse.

Il faut attendre encore quelques minutes pour se frayer un chemin, pour qu'enfin ses pieds frôlent le bois frais. Les jambes peinent à le porter sur les quelques marches. Le destin fait mal les choses. Foutu faible corps... Tout cet entrainement pour ce résultat... Pathétique... Vraiment con...
Mais alors qu'il maudit de nouveau ce monde et se laisse happer par la honte et le dégoût, un frémissement l'enlève soudainement à ses réflexions...

On le..................... Touche. Une main fine mais rugueuse qui parcourt la furie passée de la rouquine... Qui... Qui ose ?!
A qui appartient cette présence qui l'englobe, l'écrase maintenant ? Quel est ce froid murmure...


Courage, fils. Ca va faire mal.


Ce n'est pas un homme, pas une telle voix. Qui es-tu étrangère ? Que viens-tu faire ici dans ce monde vicieux et violent où la clairvoyance et la vérité n'existent plus ? Tu... Tu ne peux pas être...


Toi et moi, au fond, nous sommes pareils... Nous faisons tous les deux souffrir. Notre seule vraie différence, c'est que tu n'as pas choisi le bon côté. Ce que je fais est autorisé, et ce que tu fais ne l'est pas. Je suis bourrelle, et toi, tu es un criminel. Pas de chance...


Limousin... Aurais-tu créé pareille chose... Une femme bourrelle ?... Tu as bien changé... Trop changé...

Et alors que l'assassin tente de garder sa surprise cachée au fin fond de ses tripes, regard de jais parcourant l'Erynie, lentement et calmement l'ange déchu attend le signe. Enfin enfin le peuple allait se délecter de l'exécution de la punition tant promise. Mais... A quel prix ?

_________________
--Erynie
[Quand sonne l'heure - L'estrade, 6 juin 1457]

La foule s'excitait manifestement, l'attente ne pouvait guère qu'attiser la curiosité. Après tout, qu'étaient-ils tous venus voir ? Un homme, ce squelette roux au regard brûlant au fond d'orbites creusées par le séjour dans de sinistres geôles glacées, un homme qui allait être marqué au fer. Qu'attendaient-ils ? Un miracle ? Une apparition ? Un signe de la providence divine ?

Cette foule massée là pour un supplice ne savait rien. Oh, peut-être, par endroits, certains avaient-ils senti ce qui pouvait se passer dans les esprits de la bourrelle, du condamné, des victimes de cette soirée, bien des mois auparavant. Mais aucun ne savait l'odeur de la chair maltraitée et du sang, aucun ne savait ce qu'infliger la souffrance provoquait. Et, alors qu'elle tendait la main vers le fer, prête à exécuter la sentence quand le signal en serait donné, à mesure qu'elle observait la foule qui les entourait, le condamné et elle, autour de cette estrade de mauvais augure, l'Erynie se sentait toujours plus en marge de l'humanité. Seule sur un roc, immobile au milieu d'un monde qui changeait inexorablement, seule au milieu d'un courant qui s'enfuyait loin d'elle et de ce qu'elle était devenue, parfois rejointe par un condamné de passage qui replongeait bien vite dans les ondes des foules.

Le regard de la bourrelle se reporta vers la terrasse d'où le signal devait être donné. A peu de distance de l'estrade, elle abritait la Comtesse Ewaele et quelques membres de son Conseil, la Juge notamment. Rien d'étonnant, même si cette dernière était passablement pâle, comme indisposée... Bref, la Comtesse était là, raide comme la Justice, implacable beauté rousse. Et, au bout d'un temps qui sembla infini et pourtant mille fois trop court à la bourrelle, elle hocha la tête. Simplement. Le spectacle allait commencer.

L'Erynie ne s'embarrassait jamais de lire les sentences. Elle n'était pas là pour ça, il y avait des crieurs publics et autres hérauts pour pareille besogne. Aussi fut-ce sans transition, sans annonce aucune que sa main se referma plus fermement sur le manche du fer qui rougeoyait dans les braises et le tira de son enfer. Le métal rougi flamboya dans l'air où il décrivit un arc de cercle, répandant une odeur néfaste alentours. L'heure avait sonné. Mais il lui restait un détail à régler avant d'exécuter la sentence prononcée contre le rouquin. Il lui fallait s'endurcir contre elle-même.

Il fallait cesser de ressentir cette atroce proximité entre leurs conditions. Il fallait cesser de s'apitoyer sur lui. Il fallait qu'elle redevienne le monstre sans coeur et, qui sait ? sans âme que les Limousins connaissaient comme leur bourrelle en chef, sinistre personnage dont le seul nom obligeait les simples à se signer. Qu'elle redevienne l'Erynie noire et sanglante qui hantait les geôles sans se soucier de ce que ressentaient les condamnés, de leurs motivations, de leur être.

Le regard noir de la bourrelle se durcit. Elle n'avait pas à savoir pourquoi elle agissait. Et si obéir pouvait résumer ses actions, on pouvait aussi concevoir son rôle comme celui de l'exécuteur, et pas seulement du servile suiveur. Et ce regard de pierre, froid comme le marbre, se posa de nouveau sur le rouquin. La faiblesse, la compassion des instants précédents n'était presque plus qu'un souvenir gênant, comme une morsure de puce. La main libre, celle qui ne tenait pas le fer, attrapa le rouquin derrière la nuque, l'obligeant à ployer le cou vers le sol, et l'autre fit s'abattre le fer sur la peau déjà marquée par la longue cicatrice qu'elle avait observée auparavant.

Les armes incandescentes du Limousin et de la Marche s'appliquèrent sur le cou du jeune homme dans un léger crépitement. L'odeur ne tarderait pas à venir. Comme dans chaque supplice de ce genre...
Cerridween
La foule est dense aux abords de l'estrade...

Une foule bigarrée. Les exécutions ont ça de particulier d'attirer du monde. Attrait morbide et exutoire. Ici on déverse toutes ses colères, toutes ses frustrations. Ses rancœurs, ses contrariétés. On y oublie les injustices, pour y voir celles qui sont châtiées. Les artisans ont délaissé leur échoppes pour se tenir le poing levé sur les pavés de la place. Les bigotes viennent sont là sous leur voile se signant d'un air horrifié. Les chapeaux de pailles des paysans ont été enlevé des têtes pour mieux voir le spectacle du jour. Les enfants courent entre les corps amassés, récoltant quelques réprimandes et grognements quand ils bousculent un peu trop les bonnes gens attroupés.
Non loin sous couvert de déguisements, la maraude rode. Voleurs à la tire surtout qui profitent que les badauds aient les yeux rivés sur la scène et l'esprit obnubilé par leur colère pour fouiller poches, besace et faire en une journée leur salaire de la semaine. Ironie du sort. Eux n'étaient pas encore à sa place. Peut- être n'y seraient-ils jamais.

Elle n'a pas de besace aujourd'hui la Pivoine. Si l'un des «vendangeurs» venaient à chercher sous son mantel il n'y trouverait que ses armes habituelles, à nue. Elle connait à force d'avoir fréquenter de nuit sous toutes formes de masques et d'identités les bouges et les bas fonds de Limoges, toutes les combines, toutes les arnaques et toutes les recettes des voyous et des gens pratiquant le petit larcin et le crime de rue. Des mois... des mois qu'avaient commencé sa mission, de retrouver celui qui avait envoyé ad patres son compagnon d'arme. Le ressentiment n'a pas faibli. Un peu érodé par la lassitude de stagner peut-être, mais renforçant la haine froide qui la tient debout, ce jour de juin, encapuchonnée de noir au milieu de la foule, les émeraudes rivées vers l'estrade de bois, non loin d'elle. Des mois à attendre ce jour. Des recherches. Langue de Serpent était toujours dans sa cave, comme un trophée presque. Elle lui avait promis la vie sauve, à ce couard de bas étage, pour tout ce qu'il pourrait lui confirmer ou infirmer. De lui, elle a beaucoup appris. Une partie de la science du crime, des noms. Elle a appris petit à petit l'argot des rues, les codes, les coutumes de l'autre monde. Elle s'est enrichi d'une expérience qu'elle n'avait pas eu le temps d'acquérir et qui lui était bien utile dans ce qui semblait une nouvelle voie, et qui n'était au final que la conséquence de son affinité avec l'ombre. Mais les deux noms balancés par l'homme au visage livide, les deux cibles qu'elle recherchait étaient restés introuvables. Et les jours qui avaient filés étaient comme autant de brin de pailles qui s'accumulaient pour masquer les traces des aiguilles qui devaient maintenant être loin.

Des mois à attendre. Trois exactement. Trois longs mois, qui avaient été malgré tout du repos. Depuis quand n'avait-elle pas connu ce mot. Depuis quand n'avait-elle pas été dans la même ville aussi longtemps. Elle avait redécouvert certaines choses, plaisirs simple d'une vie sédentaire. Dormir. Dormir dans un lieu qui était maintenant familier. Presque un chez elle, s'il n'avait pas été l'hôtel particulier d'Enguerrand de Lazare. Guérir. Les articulations de son bras lui obéissent maintenant sans plainte et sans rébellion. L'Auvergne s'éloigne laissant sur sa peau de nouvelles traces, encore un peu rosées, qui deviendront de blancs souvenirs dans quelques temps.
Lire. Reprendre certains travaux d'herboristerie, premier amour de jeunesse, avant qu'elle n'emprunte la voie des armes, suivant les pas de son frère. Travaux plus ou moins avouable, son traité d'herboristerie noire s'étant vu augmenté de quelques pages... Aider avec le peu de savoir qu'elle avait acquis à Léard, son ancienne seigneurie dont elle avait jadis jeté le serment qui était lié aux pieds de sa suzeraine et belle-soeur, son écuyer à la remise sur pied de sa vicomté d'Isles, délaissée pendant trop d'années. Remettre en branle les coutumes, revoir les archives pour mettre les comptes à jour, revoir les troupes, les remettre à l'entraînement et au travail.
Et lui... peu vu... si peu...enfermé dans son bureau de travail. Rares moments arrachés aux vélins et aux soucis et à la lassitude qui peuplent maintenant l'océan ambré de son regard. Elle semble loin cette nuit de retrouvailles où meurtrie, elle s'était laissée aller dans les grands bras protecteurs. Elle ne lui en voulait pas. Non. Elle savait le point d'un collier en or, le poids des années de service et de chemins. Elle savait aussi qu'il n'en pouvait plus de la politique, des querelles, des heures à administrer l'ordre royal, qu'elles soient diurnes ou nocturnes. Elle s'en voulait de ne pouvoir faire de nouveau briller les quelques pépites or qui sommeillaient dans les yeux las qui la regardaient avec un sourire triste et résigné. Des questions insidieuses venaient parfois troubler le calme qui sommeillait sous la chevelure feu. Abandon. La tête s'est secouée plusieurs fois. Non pas lui. Pas lui s'est impossible. Il lui avait promis. A travers ses souvenirs embrumés de larmes, elle se rappelle. Il lui a dit qu'il n'y aurait que le destin... que la mort... rien d'autre. Elle lui avait pris la Mort, déjà deux... elle avait cru. Elle le croyait. Elle le croit encore. Malgré les pensées qui la harcèlent, elle le croit encore. Malgré la mélancolie qui semble englué le chevalier. Elle veut ne pas s'être trompée une nouvelle fois.

Mais ce ne sont pas ces questions qui la hantent quand s'avance le rouquin sur l'estrade. Elle est revenue à la case assassinat. Les émeraudes suivent tous les mouvements. Le voilà donc... le voilà donc celui dont tout le monde parle, avec admiration aux fonds des tavernes mal famées. Voilà celui qui s'est dérobé à ses questions, croupissant dans les entrailles du château comtal. Il n'allait pas échappée à une autre forme noire ce jour, celle qui venait de lui dégager la nuque. La main gauche se referme sur la garde de l'épée à une main et demi qui pend à senestre. Du calme, Nemesis... du calme... on t'a promis ton heure, tu l'auras. Il ne tient presque pas debout. Le cachot n'a jamais était un lieu où on se refait une santé. Le souvenir de son frère revenant des geôles angevines revient effleurer sa mémoire et faire grandir la haine qui sommeille dans le fond de son coeur. Elle ne le hait pas encore lui, cet homme aux cheveux englués de crasse et de sueur. Pas encore totalement. Disons que sa haine décuplera en fonction des réponses. Réponses qu'on lui a promises et qu'elle ira chercher. Ton heure va sonner, Nemesis. La tête encapuchonnée se lève un instant et les yeux sinoples cherchent la fenêtre du château comtal, d'autres mèches enflammées. Qu'elle ne trouvera pas. Peu importe. Elle n'entend pas les cris de la foule qui conspue et insulte. Elle n'entend pas le fer qui glisse vers le brasier. Elle ne voit que lui. Elle ne voit que la forme renversée. Tu as tout ce que je veux entendre si j'en crois ce que j'ai glané dans tous les endroits malfamés qui m'ont enlevé mes nuits. Tu as tout ce que je veux savoir... paye pour l'instant ton dû aux hommes et à la Justice. Tu paieras peut-être bien plus cher dans un moment.

Le bruit du crépitement du fer rougi sur la peau est suivi d'un cri de joie morbide par la foule amassée. Elle n'a pas bougé d'un pouce la Pivoine. Toujours dans l'ombre, inlassablement elle attend...

La vengeance reste un plat qui se mange froid...

_________________
Juleslevagabond
[ Plongeon... ]


Brouhaha lancinant de l'amas humain perçant les tympans, brûlures multiples du fouet du geôlier s'éveillant sous le dur soleil, soif le rappelant en ce bas monde... Mais tout cela est bien futile face à la faim. Le manque se fait ressentir de plus belle. De l'air oui, mais aussi de l'exercice, chose qu'il s'interdisait au cachot pour garder le peu d'énergie qu'il lui restait.

Le rouquin ne se pose plus de questions. Ni même recherche une solution. Il ne bouge plus, genoux à terre. Se lever ? Impossible. Mutinerie du corps. Mutisme qui s'ensuit. Cécité qui l'achève. Faim... Le sucre du miel, le nectar d'un vin, le houblon de la bière, le jus d'une côte de bœuf... Tout ça est loin... Très loin... Trop loin.

La foule se transforme en armée de guerriers aiguisés jusqu'aux dents. Les éclats de voix deviennent tonnerre. L'estrade devient roche. Il ne contrôle plus rien. Toute sa force se retourne contre lui.

Il se rappelle... Ventadour... Bestbuff... Saincte-Merveille... Alcyone... Dorat... Tarrelian... La COLM... Ginger... Alhena... Alyena... "les deux soeurs"... Le lac... La mairie... La Peste... La révolte... Le feu... Et...

Une lumière ? Un ange ? Peut être son gardien. Père ? Mère ? Sœurs ? Avez-vous enfin trouvés une fin à ce feu qui vous a consumé il y a de cela tant d'années...? Tout cela pour la couleur profonde de notre âme... La couleur des Sambre. Ce rouge écarlate qui se reflète tel un miroir dans le tréfonds de nos pupilles si l'on vient à aiguiser son regard de très près. Les exorcistes ont-ils enfin payés...?

Pas de réponse. L'étoile scintillante fond, prend forme humaine. Des jambes effilées, une peau blanche, de longs cheveux dorés, des contours peu charnu, lèvres pulpeuses, yeux bleus transperçant l'abîme de son regard...

Même dans les plus grandes batailles et folies barbares il peut naître... Infime... Fragile... Dérisoire... Puissant... Touchant... Vicieux... Captivant... Destructeur...
L'Amour.
Alors qu'importe les fers brandis par le tonnerre, qu'importe le danger réel qui s'approche, imminent. L'assassin vît pleinement cette vision, sans en perdre une seconde, effluve d'un temps ancien...

Toi... Pourquoi... Pourquoi es-tu partie ? Pourquoi m'avoir laissé rejoindre les ténèbres qui m'ont trop souvent rongées ? Vois, vois ce que j'ai fait pour te faire revenir... Ceux qui t'ont blessé ont tous payé. M'as-tu oublié ?... Te souviens-tu de cette promesse...?

Et tel un rappel à la dure réalité, telle la naissance d'un nouveau-né, le danger s'abat. L'enfant hurle sa douleur. Plus de mutisme. Plus de lumière. Le hurlement est étouffé à la joie non partagée de tout le fouillis de badauds venus juste pour le plaisir du spectacle. Descente aux Enfers à nouveau...

Ô combien de fois a-t-il essayé de faire cesser ces aiguilles vicieuses transperçant avec précision son crane... Combien de fois a-t-il maudit ce monstre du Limousin le retenant d'une poigne de fer pendant la torture... Combien de fois a-t-il haït chaque habitant, parcelle de ce Comté... ?

L'odeur de la chair brulée parvient à ses narines, lui retenant un haut le cœur, tandis que la bourelle retire enfin le fer de sa nuque. La colère s'amplifie, les yeux sont injectés de sang, les larmes coulent sur le visage sale du prisonnier. Les poings se serrent tout comme les dents. Le souffle s'alourdit, s'allonge... Brûlure trop grande pour ne pas crier de nouveau.
C'est sa faute, ce monstre... Elle... La tuer... Maintenant...

Ultime effort dans la douleur, les jambes entament l'attaque, les deux bras se fendent sur l'ennemie. Il est proche, tout proche l'assassin, prêt à recommencer... Puis plus rien, le noir, le vide de nouveau, quelques secondes.

L'horrible vengeance du Limousin le réveille. A terre. Enchylosé. Des flammes en délire autour de l'estrade. Une harpie noire à ses côtés, le jaugeant de haut. Et avant de sombrer de nouveau dans les bras de Morphée, il la voit, dans les flammes ; Capuche lui cachant le visage, quelques brins de sa chevelure de braise s'échappant. La Mort...

Et il plonge, il plonge... Le Renégat.

_________________
--Erynie
[Terminus est]

C'était fait. Il n'y avait plus grand chose à rajouter, théoriquement. Théoriquement... Après tout, qui aurait pu savoir quel maëlstrom emportait à la fois la bourrelle et le supplicié, chacun dans une transe différente, et la foule déchainée par le spectacle infâme qui venait de se jouer sous ses yeux...

Quand le fer brûlant s'était posé sur la nuque du rouquin, l'Erynie avait ressenti, pour la première fois depuis ses débuts, un réel dégoût pour l'odeur âcre de chair brûlée qui s'était mêlée à l'air du Limousin. Puanteur infecte dans une atmosphère déjà polluée par les relents de haine de la foule. Et un cri long comme la mort s'était élevé, glaçant le sang de celle qui suppliciait.

Et brusquement, du moins brusquement pour quelqu'un dans son état, le rouquin avait semblé reprendre du poil de la bête, et il s'était comme rué sur l'Erynie. Cela n'avait duré qu'un temps infime avant qu'il ne s'écroule de nouveau, mais elle avait eu le temps de voir les larmes de douleur perler de ses yeux noirs maintenant injectés de sang.

La bourrelle avait reposé son fer dans le braséro avant de s'agenouiller auprès du prisonnier inconscient pour prendre son pouls et de se relever rapidement. Ce n'était pas rare qu'un supplicié perde connaissance, mais lui... Ce n'était pas pareil. Lui était sa prise de conscience. Implacable et irrémédiable. Rien ne serait plus comme avant pour l'Erynie.

Et elle était restée debout à côté de lui, elle la bourrelle, tête penchée vers le sol, mèche échappée de sa sinistre capuche, près de son braséro et de son fer ; seule avec son malaise, seule avec cette odeur insoutenable qui ne voulait plus quitter ses narines, seule avec, soudain, toutes ces pensées morales qu'elle avait chassées, il y avait bien longtemps, pour apprendre à faie son office ; seule avec elle-même, de son côté du gouffre qui la séparait du reste de l'humanité.

Un bref instant, le rouquin avait ouvert les yeux, puis il avait replongé dans les ténèbres. Juste avant qu'il puisse voir une petite goutte salée s'écraser sur le bois de l'estrade, là, sur la grand-place de Limoges. Doucement, l'Erynie s'était penchée, et avait soufflé à l'oreille du prisonnier :


Tu aurais pu être mon frère... Nous sommes pareils.

Et elle s'était relevée. D'un geste, elle avait rappelé l'un de ses apprentis pour qu'il emmène loin d'elle le braséro et le fer, qu'il les remmène au Château, qu'il les fasse disparaître. Peu lui importait ce qu'il en ferait. Elle avait congédié les autres d'un signe de tête. Et elle avait attendu que les gardes viennent rechercher leur proie.

Elle écraserait plus tard la larme qui, à la suite de la première, bien cachée pour le moment à l'ombre de sa capuche, dévalait lentement sa joue. Plus tard. Quand tout cela serait fini, et qu'elle retournerait à son monde souterrain de geôles et de corridors sinistres.
Juleslevagabond
(dur dur les vacs et le boulot hein... pour ces causes le RP est momentanément bloqué jusqu'au 9 septembre. Désolé d'avance... Divertissez vous des autres histoires )


LJD Jules
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