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[RP] Angélique ! Joffrey ! Angélique ! Joffrey !

Johannes
Citation:
[...] À Toulouse, vous ne pieuterez pas dans la rue. M'aviez déjà fait le coup en Anjou, et vous vous souvenez sans doute de l'issue. Histoire de prévenir tout argumentaire et toute entaille supplémentaire à la paume de votre main, je vous le dis tout net : vous pioncerez au-dessus de mon rade ou dans mon appartement dans le centre, mais pas sous le crachin. Votre carne y sera tranquille et au calme puisque je ne serai pas dans les parages - du moins si vous choisissez la piaule. Notez que je ne vous brusque pas en vous invitant dans ma propriété même, et qu'il n'est pas question de charité puisque vous faisant venir jusqu'ici vous êtes en quelque sorte mon invité. Voilà.

Du reste, disons dans trois jours au « Blaireau Vérolé » qui est situé dans le faubourg St Cyprien.[...]


« QUOI ? Elle commence déjà, alors c'est Astana, vois-tu caillou, c'est la meilleure, même pas j'ai mis les pieds dans c'te ville qu'elle commence, elle enquille, voilà, madame décide, monsieur dormira là, ou là, ou bien là, mais pas où il veut, attention, non, car il faut, il faut suivre les ordres.Vous dormirez dans MON rade, mais quelle amabilité... ou dans MON appartement... mais bien sûr, hum, tout à fait... et puis j'irai dépoussiérer vos armures, et j'irai recoudre vos bas en attendant bien sagement l'heure de votre auguste visite... puisque d'ailleurs, Madame Astana ne m'invite pas dans sa propriété même, notez-le bien petit caillou, mais dans ses résidences secondaires. Notez bien qu'il n'est pas question de charité, puisque ce sont des ordres, enfin. Vous vous rendez, vous rendez-vous bien compte ? »


***


Trois jours plus tard, Blondin tournicote dans une piaule, à l'anglaise et à poil. Le soleil d'hiver commence à se faire la malle. Même que ça caille. Même que le rendez-vous se profile, on dirait. Ou j'attends que la nuit soit bien tombée ? Qu'on y voit plus un pet de rat ? Et si elle ne me reconnaît pas ? Si c'est pas éclairé ? Et puis où ? Devant le Blaireau ? Dans la rue ? Oui, dans la rue, dans la rue Blondin. Dans la rue... Mes tempes grattent. Je gratte trop mes tempes, je fais finir par les avoir chauves... Merdre.


Blondin ronge ses ongles en zieutant le soleil qui tombe.


Et puis dans la rue, et ensuite ? Merdre. J'fais quoi ? Elle veut quoi ? Ça veut quoi une blonde ? Hein dis ? Merdre. On lâche les tempes, adieu soleil. Blondin reluque sa trogne dans un reflet, tant que le reste de jour le permet. Bordel, t'aurais pas pu te raser hier. Comment j'vais arranger ça ? En même temps avec ta tronche de déterré, ça devient nécessaire d'attendre la nuit noire, ça fait un peu de sursis en rab'. Hein. Sûr qu'elle va s'barrer en courant, si ça se trouve. Ou qu'elle va faire mine de pas le reconnaître.


Sinon, tu comptes te pointer à poil ?


Blondin lance un regard furtif vers le pieu, comme s'il y avait toute une garde-robe qu'allait apparaître là, dans le genre magique, tellement brillante que ça lui rendrait une gueule de prince charmant. De facto, il y a deux chemises, une noire, une blanche. Ça devrait pas être compliqué. N'empêche, il bloque. Ça fait pas un peu crétin, la blanche ? Ou trop sérieux, la noire ? Je viens de me ronger un bout d'ongle en trop, la noire, ça fait trop ce-soir-tu-vas-prendre, non ? Ça va l'effrayer. En même temps, elle la connaît, la noire. La blanche aussi. Trop sage ? Trop péquenaud ?

Agenouillé devant la paire de chemises, la tête entre les deux mains, Blondin nerveux comme un jeunot devant sa première paire de loches. Long soupir de premier rendez-vous. Pour un peu il se sentirait con, mais sa cervelle est une cervelle d'homme, toute marquée en filigrane par un mot d'ordre : per-for-mance. Tu m'emmerdes. La noire ou la blanche ? Pourquoi j'ai que deux chemises ? Pourquoi qu'elles sont vieilles et tachées ? Reprends-toi, parce que franchement, la noire ou la blanche, on a vu plus casse-tête comme choix. N'empêche, il y a du crucial là-dedans. Parce que blanc, peut-être pas, mais noir... bon, hein. Noir ?

_________________
[...]
Astana
Noire, ou noire ? C'est ce qu'on appelle une garde robe très variée. Blondeur avise le tas de chemises en vrac sur son pieu d'un air atrocement concerné. Le commun des mortels n'y verrait rien d'autre qu'un amas de tissus charbonneux. Mais c'est le détail qui tue, ou fait tout. Une broderie par-ci, une déchi... UNE DÉCHIRURE !? Non, mais tu ne vas pas te radiner avec une chemise trouée, la blonde. Faut pas déconner. L'allure esquintée ça le fait pas ; pour ça y'a ta trogne et ça suffit amplement. Après il va croire que tu t'en bats l'orbite, de ce rendez-vous. Et...

- « Hinhinhin. »

Ricanement nerveux.

La carcasse de la danoise s'affaisse lourdement sur le lit, le nez dans les fringues. Du bout des doigts elle triture le premier truc qu'elle agrippe, à savoir les trois tifs qu'elle a sur le caillou. Naturellement le geste va pour s'allonger, et la main retombe dans le vide. Elle tique. Putain mais que c'est court. Pourquoi ça repousse pas plus vite, ces machins-là ? Parce qu'il fallait pas couper au départ ? Aussi. Mais déjà si ça te choque, imagine un peu la gueule qu'il va tirer Blondin. Il a dit qu'il s'en foutait, mais il a pas vu. Ça lui fera une bonne excuse pour se tirer en te laissant en plan. Comme d'habi... Ta gueule.

Inspire. Expire.


Mais non, y'a pas de quoi avoir la pression. C'est pas comme si vous vous étiez pas vus depuis des longes. Suffit de considérer ça comme un troisième dépucelage de votre... Ouais tiens, d'ailleurs. Qu'est-ce qu'on est, Johannes ? Astana n'a jamais été une grande adepte des étiquettes collées sur les gens. Pourtant là de suite, y'a que ça. On est quoi ? Voilà ce qui arrive quand on côtoie des adolescentes : on réfléchit pareil. Bientôt le palpitant va s'emballer et t'auras des papillons dans le bide ? Tssss. T'es pitoyable.

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Johannes
Pi-to-y-a-ble. Pitoy-â-ble, pitoi... noire, et on en parle plus. Déjà qu'il est aussi souriant qu'un endeuillé, ça fera raccord. Un petit air de marche funèbre qui collerait bien s'il avait pas le derche à l'air. Ça serait poilant, de mourir juste avant de se pointer au rendez-vous, le crâne fendu par une poutre tombée du ciel. Ou mettre les deux chemises, la blanche par-dessus, l'ôter si sa Blondeur grimace un peu en le voyant, ridicule pour ridicule, en face de ma blonde... ou la blonde. Ne précipitons rien. C'est un premier rendez-vous. Tout neuf. Tête de veuf.

Fringué, les cieux qui bleuissent. J'aime pas novembre. Et si elle ne venait pas ? Si elle lui avait préparé une blague cosmique ? Un gros lapin. Blondin se marre. N'empêche qu'il aurait plus envie d'en verser une, si ça arrivait. Ou n'arrivait pas. Il se comprend. Il se regarde encore dans un reflet d'eau. On a plus le temps de tout changer. Il fait les cent pas. Pitoyable. Elle me reconnaîtra plus. J'ai les joues creuses. Le ventre aussi, n'empêche qu'il avalera rien, que dalle, peut pas, c'est bouché. Un peu de contenance que diable... et tu crois que c'est facile ? J'ai les mollets qui tremblent.

Et puis ça m'énerve. Mais elle viendra. Fatalement. C'est hors du possible qu'elle ne se pointe pas. Déjà qu'il arrive pas à envisager la soirée. Ou la tronche qu'il devra tirer. Ni même la couleur de sa chemise. Ou ce qu'il va devoir faire, dire, ne pas dire. A combien de longes se tenir d'une blondeur quand on veut pas paraître froid, ni l'effaroucher ? Comment ça se construit, un regard tendre mais pas pesant ? Comment ça, ça devrait venir naturellement ? Foutaises. Rien n'est naturel, tout est calculé, c'est un troisième premier rendez-vous enfin, si le premier premier rendez-vous s'était un peu passé à la manque, celui-ci était décisivement décisif.


« Mais quelle horreur. »
_________________
[...]
Astana
Vrai que c'est affreux cette coupe de cheveux. Mais tu vas pas te coller une perruque sur la tronche. Suffirait qu'il passe sa main dedans, que ça devienne physique, pour que ça lui reste entre les pattes. Adieu crédibilité, bonjour gueule de con. Mais non, c'est rien Johannes ! rien que mes faux cheveux que j'avais mis pour pas vous dégouter, mettez-les de côté, fermez les yeux et continuons, vous voulez bien ? ... Non. Les tifs à la garçonne te vont bien. Garçon manqué fille améliorée, comme dirait l'autre. Sujet clos.

De retour à la verticale avec son drap qui lui sert de robe, la danoise va ouvrir le carreau. Ça caille au dehors, mais elle crève de chaud. C'est l'émotion, on dit. Peut-être le vent lui fera du bien. Il s'engouffre sous le linge et lui taquine les cicatrices. D'habitude, elle aurait pas senti ; ça l'agace. Elle défait le drap pour s'examiner et pige le pourquoi du comment. Clavicule, avant bras, jambe, pommette et tout ça. Autant d'endroits vierges au départ du blond qui sont à présent raturés. Fallait pas aller faire ta ferrailleuse, Sa Blondeur. Lui ne sait plus te recoudre et toi tu sais pas te préserver. Il sermonnera, tu crois ? Ou il se contentera de passer les doigts dessus ? Teuh. Mais je m'en fous, moi, elles vont pas s'effacer comme ça. Mes cicatrices.

Et puis peut-être qu'il t'approchera pas. Donc il verra pas. Même-pas-en-rêve-que-je-te-touche-avec-un-bâton. Qu'est-ce qui te dis que ça va être des retrouvailles chaleureuses ? Taiseuses, ouais ! et maladroites. Alors que la proximité réglerait pas mal de choses. Et que j'en crève d'envie en vrai. Mais t'es pas comme ça Blondin. Et moi non plus. Ou peut-être que si. Je sais pas. Je sais plus ? Faut préserver les apparences. Et s'il effleure ma main comme la fois à Paris, je fais quoi ? Je la retire tout net, ou je laisse traîner un peu ? Pas paraître trop froide, ni trop enjouée. Tout dans la maîtrise, le juste milieu. C'est la solution p'tit suisse. Cette plaie.

De suite, t'as moins une grande gueule hein. Ça fait moins la maline. T'as jamais été très douée pour le relationnel. Et pourtant t'es là, avec tes coins vides et tes questionnements foireux dignes d'une minette de vingt piges, à attendre tu sais pas quoi. Et t'as toujours pas choisi de chemise.


- « Putain, mais c'est d'un ridicule... »
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Johannes
Mais je suis totalement d'accord sa Blondeur, c'est au-delà du ridicule. On a percé l'plafond. Parce qu'encore, t'as quel âge ? Mais moi ? Je les ai passées mes trente piges. Tu penses que c'est ma première fois ! Gratte-moi l'dos, j'en ai eu, hein, des « rendez-vous », alors à mon âge, on va pas s'poisser pour une chemise, crois-moi bien, noire ? Noire. Noire et c'est tout. Affaire close. Tu m'auras pas sur ça. Du détail tout ça, du détail mon cher. Avoir le sens des priorités.

Encore cul nul et la tête entre les pattes, Blondin pense à des phrases. Il prépare dans sa caboche, une liste de phrases qui seraient bien à dire. Il égrène les réactions que ça pourrait causer à sa Blondeur. « Tu sais qu't'as une gueule à tut... ». Non, surfait. Surfait. Rien n'ira. « Vous êtes très en beauté ce soir blondeur. Mais je vous en prie, passez dev... vous me laissez passer ? Merci, vous êtes fort urbaine. » «  J'aime bien l'odeur d'une blonde au petit matin. »

« Cette chemise ? Oh, une vieillerie... un fond de placard, m'en voyez navré... »
« Et je passais par là, et je me suis dit, pourquoi pas Toulouse, hein ? »
« Du coup j'ai vu de la lumière... »
« T'es en vie ferrailleuse ? Miracle ! »
« J'allumerais un cierge pour vos hanches. »
« Le cierge de mes braiRAAAaaaah ! »


« Merdre. »

En parlant de braies, serait temps de les passer. Là. Une jambe après l'autre, c'est dans le domaine du faisable. Des bas de laine perclus d'accroc, ta paire de bottes astiquée au-dessus, crottée en dessous. C'est quoi cette tache sur mes bottes ? Qu'est-ce qu'elle fout là cette tache ? Enfin comment voulez-vous que j'y parvienne avec cette tache ? Tu trembles Blondin. Oui, ça caille, c'est novembre. Tu trembles dedans. Bah j'ai froid dedans, et puis il y a une tache, sur mes bottes.

On n'y voit plus très clair, dans ta piaule. Blondin allume un bougie à l'amadou, un peu comme s'il allumait un cierge pour les heures qui viennent. Une troisième fois, il penche son nez vers l'eau. Il lui a pas menti à sa Blondeur, il a des tifs à lui prêter si elle veut. Tu parles que des mois de retranchement chez les helvètes, il a pas croisé une paire de cisailles. Y a-t-il un homme derrière tous ses poils ? « Non mais, comme m'avez dit qu'êtiez chauve, j'ai laissé pousser, par solidarité, voyez... »



« Merdre. Merdre, merdre, merdre, merdre merdre. »

La situation étant ce qu'elle est, ta tête d'homme des bois, tes nippes pourries et tes côtes qui tremblent, il est trop tard. C'est dans l'acceptation que l'on atteint la sérénité. Blondin, pas plus serein pour un sou, vient se poster au rebord de la fenêtre. Dès que c'est tout noir, il quitte la piaule vers le grand bain. D'agacement, parce tout est trop lent, et tout se rapproche trop vite dans le temps, il allume sa pipe, inspire trop vite, essuie une toux contre un revers de main. Bref, il attend.

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[...]
Astana
Attendre, toujours, qu'une chemise sorte du lot. Une n'ayant pas été trop maltraitée par le temps, l'alcool, ou les accès d'angoisse de la blonde. Une qui ne lui en voudrait pas d'être une piètre propriétaire, en plus de toujours se saper pareil. À quelques détails près. Une qui soit indulgente et se sacrifie pour la bonne cause blondesque. Oui car les objets ont des sentiments, voyez ? C'est comme pour les chaises. Ne pas leur faire (trop) de mal, sinon elles vous pètent entre les doigts, et Johannes gueule. Même quand il est pas là. Il beugle dans le carafon de la danoise qui se surprend à crier tout pareil. « Andrea PAS LES CHAISES, BORDEL ! ». Et ça fait rire. Mais c'est pas drôle.

- « Ma doue... »

Dépitée par son incompétence, elle lâche l'affaire et fait sauter le bouchon d'une boutanche.
Viens-là mon petit courage liquide. Aide-moi, je suis paumée. Elle tise une gorgée, et grimace.


- « C'est râpeux... mais ça f'ra l'affaire. »

Et vlan. Dans tes dents. Mouvement de recul.

C'est que ça sonne drôlement comme la première fois à Paris, tout ça. On est nostalgique, Blondeur ? On déraille et on sait plus ce qu'on dit ? Bientôt tu vas faire ta vieille, à vivre dans le passé et à emmerder les jeunots avec tes histoires d'antan ? Astana libère un rire amer. Non mais allez, quoi, c'était beau. Quand même. Me suis faite avoir par un coup de picrate et ta gueule de blond empoussiéré qui cuit des rats avec trop de sel. Classieux. Que physique, pas de sentiment ; jusqu'à ce que je veuille t'étrangler avec mes cuisses. Romantique, je te dis ! Nés pour ça. C'est... c'est... un sourire !? Que c'est ni... - Mais non, je souris pas. Je tire la gueule. Voilà. T'es content ?

... mais sérieux, je veux bien finir comme à Paris.
Parce que c'était mieux avant. C'était plus simple.

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Johannes
Blondin ? C'est l'heure.
C'est l'heure.
Blondin, c'est l'heure.
L'heure.
Et l'heure c'est l'heure.
C'est l'heure Blondin.
Blondin ?
C'est l'heure.

Mais je sais. Mes jambes veulent pas bouger. Se sentir con avant d'être en face d'elle, faut le faire. Mais c'est l'heure. Je me pointerai en chemise. Même si ça caille. Je m'en fous. Je mettrai pas ma cape dégueulasse, parce que je ne repartirai pas cette nuit, et parce que je ne voyage pas... plus, ou peut-être plus, ou plus comme avant ou pas encore, mais ce soir, je me pointerai en chemise. Est-ce qu'elle va prendre la sauce à l'ancienne, avec toutes les crasses qu'on s'est envoyés dans la gueule ?

Le temps des dernières taffes et des dernières résolutions. Dans la rue, Blondin demande son chemin, parce qu'il a pas voulu faire les repérages dans l'après-midi, ni prendre le risque de se faire griller avant l'heure par sa Blondeur. Si pour une fois on pouvait faire les choses comme il faut. Ou tout du moins avoir l'intention de. Tiens, une face qu'a l'air rouge. Il doit connaître son rade à la blonde, lui, même qu'il doit avoir la carte de tous les rades de France et de Navarre tatouée dans le dos.


« 'scusez-moi, l'Blaireau ? »
« C'toi l'blaireau ! »
« Merci bien ! »


Mais il est là le Blaireau, ton rade de rendez-vous. J'espère qu'il porte bonheur ton blaireau. Une blonde de dos, dans la rue. C'est toi ? Presque, il l'a alpaguée, et puis non, que t'es con, elle t'a dit qu'elle était chauve. C'était pas vous, tu te rends compte. Donc, tu la reconnaîtras tout de suite, et de toute façon tu le sais. Pourquoi tu voulais parler avec la blonde de dos dans la rue ? Pour fuir une dernière petite fois ? Le sursis d'une bourde ? Excusez-moi, j'ai cru que ? Blondin a regardé ses pieds jusqu'au Blaireau.

Troisième premier rendez-vous au Blaireau Vérolé. Si c'est pas signé cette affaire-là. Mais il s'est arrêté à plusieurs toises de l'entrée, il a calé son épaule contre le froid d'un mur, là où c'est moins éclairé. Je ne peux pas entrer sans signe. Je ne peux pas entrer sans rien. En parlant de rien... Blondin baisse le regard sur ses mains vides. Bordel. J'ai rien amené. Un an sans la voir, et j'ai rien amené. Mais quel con. Il a pas pensé. Je viens d'y penser. Il lance des regards aux alentours, comme si une corbeille de trucs à amener allait tomber par terre.

En même temps, tu veux que j'amène quoi ? On s'est rien laissé. Des fleurs ? T'as vu ça où ? Je crois même qu'on s'en fout tous les deux. Il a relevé le regard vers l'entrée, Blondin. Déjà qu'une minute c'est long, mais alors deux. Trois. Quatre. Il a perdu le compte. Allez sa Blondeur, c'est plus qu'une histoire de pas. Je t'aiderais bien à les faire, mais t'es une grande fille, et je peux pas, parce que je suis bloqué contre ce pan de mur. Descends. Descends. Je suis à deux doigts de faire flancher la muraille ce soir. Ça risque pas, tu peux descendre.

_________________
[...]
Astana
Tu peux descen... Bah ouais, nan, t'es toujours à poil. Tu vas attraper la mort. Ça serait con de crever avant d'arriver, avant d'avoir vu. Bon. Et cette foutue chemise ? Tu te décides ou t'y vas en drap ? Encore une gorgée pour se pousser au cul et effacer les réflexions bizarres. Elle secoue ses frusques, les balance frénétiquement une à une par-dessus l'épaule jusqu'à foutre la main sur du tissu gris. Ha ha ! Victoire ! C'est la chemise de la capitale, bordel. C'est elle. La même. Si c'est pas un foutu signe ça... Allez vous faire voir, ce soir j'suis grise pas noire. Le vêtement est passé fissa, étrangement il lui va mieux qu'un autre. Forcément. T'es bonne, Sa Blondeur. Mais c'est pas objectif.

Ça mérite bien un petit remontant. Elle va pour se rincer le gosier tout en zieutant la gueule que fait la nuit. Il fait noir. Merde. Il va attendre. T'es à la bourre. Il va attendre, voir que tu te pointes pas et se tirer. Non ça peut pas. Il oserait pas partir comme ça pour quelques malheureuses minutes de retard. Pas son genre. Moi je l'ai attendu un an. On parie ?


- « 'chier ! »

Quatrième vitesse. Et vas-y que ça attrape son mantel, que ça enfile ses braies, ses bottes à moitié en marchant et que ça se pète le museau au tournant de la porte. Pas grave. Ça gueule. On s'en fout. On a pas le temps, tu vas être à la bourre je te dis. Dehors, Astana ne regarde pas où elle fout les pieds vraiment. Elle sait où elle va. Trajet habituel direction le Blaireau, cinq minutes avant atterrissage. Ça pèle, elle se magne en coupant par les venelles sans nom. Bientôt, la ruelle du Cul-Béni se fait sentir par les relents d'alcool qui flottent dans l'air. Et la blonde flippe soudainement. Elle pile tout net. Et s'il était déjà à l'intérieur, ton Johannes ? Ça le fait pas. Et puis on voit rien.

Faut maîtriser les apparences, on a dit. Plutôt que de se radiner la bouche en coeur par l'entrée principale, la dépigmentée passe par la Sanguinaire logée à quelques mètres de son rade. Entre les deux il y a une cour qui mène droit à son réduit. Les bouges qui communiquent : l'invention qui sauve une vie. La tienne en l’occurrence. Ça y est. Plus qu'une porte. La dernière. Derrière Il est peut-être. Le palpitant s'accélère un brin. Elle tend l'esgourde voir si y'a du bruit. Mais tu crois quoi ? Qu'il cause tout seul à ton comptoir ?

Vas-y, ouvre. Fais comme si t'avais toujours été là. Et montre nous de quoi t'es capable.

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Johannes
Ouais, je serais capable de me barrer, mais non, je vais pas le faire. Vais rester là. Si je meurs de froid, ce sera de ta faute, au petit matin en venant ouvrir ton bouge, tu tomberas nez-à-nez avec un blond statufié, bloqué contre un pan de mur. Mais je ne bougerai pas de ce mur. Mon épaule et lui commencent à bien s'entendre, ça sympathise. Je crois qu'il discutent du prix des vaches. Je ne les écoute pas. De toute façon, je suis déjà un peu statufié.

Peut-être aurais-je dû jeter une poignée de sel par-dessus mon épaule, malgré que tu te foutes de mes superstitions. Peut-être tu viendrais comme ça, avec une poignée de sel. Il se pourrait encore que tu avances dans mon dos, et que je fixe bêtement ton rade, avec les gens qui passent et qui savent pas. Mais je ne jouerai pas ma vie sur une poignée de sel, et je ne me barrerai pas. Si je dois le faire, ce sera après avoir fixé tes grands yeux pleins de reproches.

Comme t'es chauve, je suis sûr qu'il te bouffent le visage, tes yeux. Tu vas te demander comment je te trouve, avec ton petit champ blond sur le crâne. Je ne dirai pas que tu es belle, parce que ça fait toujours un peu couillon et que dans mon cas, on ne peut pas se le permettre. Je trouverai autre chose à dire, et ça ne te plaira pas, parce que ça ne calmera pas tes angoisses. De l'absolu, pour rassurer une femme. Et tu as beau être mercenaire, tu n'en restes pas moins une.

Tout comme je demeure, moi, bloqué contre mon pan de mur et dans ma condition d'homme, à ne pas savoir comment te filer de l'absolu en préservant les apparences. J'aimerais t'expliquer pourquoi je me suis barré, la première, la seconde, et puis surtout la troisième fois ; mais je ne me l'explique pas à moi-même. Sans doute, il y avait de ça que je ne voulais pas voir ce que les jours deviendraient. Je suis lâche devant l'amertume, Astana. Elle me paralyse.

C'est peut-être parce que je me suis rendu trimardeur, alors j'ai dû louper quelques notions. Tout comme lorsque je te parle, comme là, dans mon crâne, et que je suis convaincu que tu m'entends. Je sais que c'est con, mais je ne sais pas m'empêcher, et ça aussi, ça me passe à côté du nez. Tu te marres ? Je ne suis pas très doué ? T'as pas tort.

_________________
[...]
Astana
J'ai même complètement raison. Tu t'es tiré. Y'a personne. Rien que moi et le vent que je viens de me prendre.

La lourde claque contre le mur dans un bruit sourd puis revient un peu dans le champ de vision de la blonde qui l'arrête d'un geste. La main se crispe un peu, comme la mâchoire. Même que tu fronces les sourcils, là, en loucedé. Très vite. Pour pas qu'on voit que ça te plaît pas, ce grand vide dans la pièce. Cette absence de tignasse dorée. Même si y'a pas un zig pour constater que ça te reste en travers de la gorge. Bordel, il fait soif d'un coup. Elle passe derrière la planche, celle du cousin borgne, et se sert un truc qui fait mal au crâne.

Astana se l'enquille dans la seconde. Ça brûle. Et puis elle scrute le fantôme du blond qui est passé ici sûrement, et qu'est pas resté. Même pas il aurait laissé un mot, le lâche. « T'as une gueule à tutoyer les anges, mais non. ». Si ça se trouve il a eu peur du vide aussi. Peut-être que les coins l'ont agressé et l'ont bouffé. Mais t'aurais quand même pu laisser une note, Blondin. Ça se fait, tu sais. De laisser des mots. Des miettes de pain. Me suis quand même rétamée pour tes chasses noires, mon nez a mal à cause de ça.

Là, c'est un peu comme si tu t'étais jamais pointé. Rien n'a bougé. J'ai mal au nez. Même la chaise couchée tu l'as pas relevée. Ça doit être la chemise qui porte malheur. Fallait mettre du noir. Elle secoue la trogne, et va la redresser sur ses quatre pieds. Bien sèchement. Tiens, espèce de chaise. Tu vas prendre à sa place. Hinhinhin. Ça soulage une seconde pas plus. Juste le temps qu'elle se rende compte qu'elle a l'air con à martyriser un pauvre meuble innocent.

Retour à la planche. Deuxième verre qu'elle ne boit pas encore. D'abord elle imprime son rade tout moche vide de blond et de chaise cassée. Pour trinquer à ce foirage majestueux. Ça la fait rire en-dedans. Pitoyable. Allez bois. Zieutage de chaise. La danoise avorte d'un sourire dans son godet. T'es juste pas venu en fait, c'est ça ?

T'es planqué où ?

_________________
Johannes
Qu'est-ce que tu gamberges ?
Tu m'as oublié ?
Té, non. Je suis le Blond.
Râle pas. Je sais, c'est tout.
C'est un bruit de porte ça ?
Ça vient d'où ?

Blondin a posé ses billes concentrées sur le rade. Il n'a plus perçu d'autres bruits ensuite. C'est peut-être qu'avec l'impatience, ses oreilles commencent à lui jouer des tours. Ça serait bien poilant que ses yeux se mettent à partir dans le pas réel aussi. Cette nuit, j'ai attendu contre un mur, et tu n'es pas venue, mais j'ai vu trois cents Astana franchir le seuil de ton bouge. Il y en avait en robe rouge, d'autres écaillées d'armure, certaines étaient toutes gosses encore, d'autres avaient des cheveux qui tombaient jusqu'au sol ; toutes elles étaient bariolées de cicatrices et elles n'aimaient pas leur père.

Mais le temps file, et des trucs changent. Tu as cousin maintenant, tu m'as dit. Tu as sans doute quelques marques en plus sur la peau, parce que tu ne sais pas faire autrement. Et moi, plus vieux que toi, je suis ton vase communicant, tu coupes tes poils, je les laisse vivre, tu te maltraites, je me garde. Tu ouvres, je recouds. Tu es toujours entourée d'hommes qui ouvrent comme toi, même que vous vous en foutez tous. Qu'est-ce qu'on avait dit ? Que j'y entraverais jamais rien, on prend la ferrailleuse avec l'amante. Et ça n'est pas le genre de leçon qu'on apprend en une nuit. Il m'a fallu un an. Tu sais que je suis toujours un peu longuet à la détente. T'm'en vois désolé. Sincère.

Une silhouette noire, toute fine comme une brindille, vient casser l'éclat du bauge sur le sol de la rue. Ça y est, les yeux s'y mettent. Blondin frotte son col de chemise, pour faire partir des dernières pellicules de lâcheté au sol. Il a passé une main emmerdée dans ses tifs, elle a réveillé de vieux épis. Dire qu'il se recompose une contenance parce que les yeux le trompent, ou pour un potentiel ivrogne. Au reste, il n'a plus tellement le choix d'avancer, non ? T'as la trouille Blondin ? Alors avance.

Un bout de Blondin apparaît derrière un carreau de fenêtre. Il est caché en dessous du nez. Les noires se posent sur une chaise laissée en cadavre – au moins, pense-t-il, je me suis pas trompé, on est au Blaireau. Il a fixé la chaise avec une ancienne douleur dans le regard. Non, j'ai jamais supporté qu'on s'en prenne aux chaises. Va comprendre. En général, j'ai le cœur bien accroché, j'ai beaucoup marché, j'ai vu des guerres et des ordures, j'ai appris à ne plus sourciller, mais les chaises, je partage leur peine de chaise. Je sais pas faire autrement. J'ai envie de les recoudre aussi.

Bonne chance pour aller recoudre du bois, Blondin. Redresse la chaise sa Blondeur. Moi je peux pas entrer encore, entre toi et redresse la chaise, peut-être que ça relèvera le voile lourd que j'ai vu se poser autour de ton Blaireau. Sa Blondeur était à l'autre bout de la pièce, même qu'il ne l'a pas vue venir, et qu'il n'a pas percuté tout de suite, mais elle est venue remettre la chaise sur ses pattes. Vlan. Avant même qu'il comprenne que c'est de sa Blondeur qu'il s'agît, Blondin a articulé à voix basse et dans le noir : « Mais non, mais pas comme ça... »

Qui a fait ça ? Qui d'autre Blondin ? Ses billes ont lâché la chaise pour suivre le circuit de la tenancière, son retour au comptoir et le sort qu'elle a fait à son verre d'alcool. Ce que ça leur a fait, à Blondin à ses tripes, de la revoir comme ça après un an, ça sera tû, parce que ce sont des choses qu'on ne raconte pas. Alors, toi aussi, tu es bloquée sa Blondeur ? T'aurais dû attendre de voir ma trogne avant de te mettre à enquiller des verres, ça t'aurait fait une bonne raison, crois-moi.

Par logique, il a longé le mur du rade jusqu'à son entrée. On ne sait pas regarder ceux qu'on estime s'enliser, en simple spectateur. C'est un genre de petit pouvoir dont il ne faut pas abuser. Ça toucherait au manque de respect, et peut-être que je ne suis pas le plus grand des délicats, mais j'ai encore des principes de vieux con, et je vois bien que c'est à moi de tracer les dernières longes, parce que le temps que ça te vienne en tête, on y est encore jusqu'en février. Si, j'ai raison.

Blondin a sorti une main de ses poches pour pousser la porte avec sa paume. Et si elle s'ouvrait pas ? S'il tombait sur un champ de cadavres de chaises ? Et la blague cosmique ? Tu vas tirer quelle tronche ? Tu vas faire la maligne ? Tu vas m'envoyer une pique à la tronche ? Elle grince ta porte, mignonne, et je n'ai pas envie que tout ça soit grinçant. Là. J'y suis, à ton embrasure. Tu vois. J'suis venu. Ça te la coupe ? Ça devrait même pas. Statufié, contre ton embrasure de Blonde. Ça s'appelle se mouiller, madame.

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Astana
Peut-être qu'il est planqué et qu'il observe, ton blond. Pour soupeser ce que ça fait de te revoir là comme ça, de loin, vivoter dans ton grand rade tout vide à râler après le blaireau empaillé. Faut arrêter la rétention d'émotions, Sa Blondeur. Tu vas devenir bouffie à force de bloquer, et puis tu causes aux meubles. T'as un grain, t'es toute pétée. Le coup sur le crâne t'as pas arrangée. Heureusement que personne ne voit. Non parce qu'il peut pas être là à espionner. C'est pas concevable comme fait. Tellement pas probable qu'elle ne risque même pas un regard vers le carreau, ni la porte. Pas là. Tra-la-la. Sûrement qu'il est à l'ombre en Rouergue. Ou que ses vieilles cannes de blond n'ont pas su le porter jusqu'ici.

N'empêche que ça serait ballot. Que ses quilles aient lâché en cours de route. Dans la dernière ligne droite. - Qu'est-ce que t'en penses le blaireau ? Tu crois que je devrais envoyer des gens à sa recherche ? Si ça se trouve il est tout crevé dans un fossé. - Froncement de sourcils. - Je sais même pas pourquoi je te parle en fait. Tu portes le nom d'un traître. C'est un peu pour ça que t'es devenu une parure de cheminée. Et la bouteille elle dit quoi ? J'entends pas. - Bordel, j'ai mal au nez. Bon. Faut attendre encore. Au moins jusqu'au petit jour. Pour être sûre. Après elle dépêchera des gens. Et s'ils trouvent son cadavre, elle l'enterrera dans son jardin. Dans un coin. Ça en fera toujours un d'occupé.

Ho Blondeur ?! Ça grince ! Non mais tais-toi. Ça grince, je te dis ! Hein ?
Elle relève brièvement la tête, sans regarder vraiment la figure poilue.


- « On est fermés. »

Qu'elle lâche d'un ton sécos.

Non elle ne l'a pas reconnu. Car la grisaille a filé sur lui sans le voir. Comme on gomme un détail gênant pour faire place nette. Bon, tu la ferme cette porte ? T'as pas compris que c'était pas ouvert ? Il caille là. Ça l'agace. Elle fait claquer sa menteuse contre son palais, et fronce le sourcil. Cette fois-ci, le regard perce.


- « Faut que je vous le dise co... »


Bug. La blonde écarquille un chouïa les yeux et tire une tronche bizarre.
Un peu comme celle qui suit une demande en mariage. Dans ce genre-là.

C'est toi ?

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Johannes
Ne vous en faites pas, je ne vais pas me mettre à genoux. Pas tout de suite. Je sais que vous demander en mariage est une blague que j'adorais faire, mais il ne faut pas abuser des bonnes choses. Et puis vous pourriez défaillir, ça serait galère, hein mon petit. S'il savait dessiner, Blondin aurait aimé immortaliser la tête de sa Blondeur. Il aurait gardé le croquis dans un coin, bien au chaud, afin de le ressortir comme argument pendant une engueulade. Non mais vous avez-vu votre tête ? Allez sa Blondeur, ça ne n'ment pas ces choses là... Comment ça j'ai forcé le trait ? Comment ça vous n'alliez pas gober une mouche ? Té, ça se jouait à un poil ! Allez, avouez, avouez, j'vous ai fait mon p'tit effet. Ne vous dérobez pas devant l'évidence, affrontez un peu sa Blondeur...

Mais puisqu'on en est là, et puisque Blondin ne sait dessiner que les mouches de loin – il suffit de tracer un point noir, c'est simple voyez – il se contente de la regarder bien droit. Qu'elle encaisse la nouvelle qui n'était pas imprévue. Peut-être qu'elle ne m'attendait pas si tôt ? Pourquoi qu'elle a toujours l'air de toiser un fantôme quand elle me recroise ? Merdre, j'ai le cœur qui tamponne encore. Parce qu'à chaque fois tu t'es barré sans dire si tu reviendrais ? A cause des longs silences ? Tu donnes des nouvelles quand ça te chante ? Avant de te taire ensuite ? Parce que tu as passé la dernière année à picoler ? Tout seul avec toi-même, en retranchement, paumé vers Genève ? En bref, parce que tu l'as jouée salaud ? Ou peut-être juste parce que t'as pas amené de fleurs, va savoir.

Fixer sa Blondeur dans le blanc des yeux, jusqu'à ce que l'un des deux flanche, c'est une activité qui vaut le détour. Il aurait bien aimé continuer. Mais ce genre de petit combat de fiertés, ça peut donner naissance à n'importe quoi. Lorsqu'il pèse les possibles, il préfère autant ne pas risquer sa main tout de suite. Blondin, pas ambitieux pour un sou, trouve ses ressources lorsqu'il n'attend plus rien. Il lui semble plus facile de se jeter à l'eau pour du vent, lorsqu'il sent qu'il n'a pas grand chose à perdre. Et puis est-ce que je peux réellement « m'attendre » à quelque chose avec toi sa Blondeur ? Faudrait être couillon. J'ai dit que je ferais les choses bien. On va y mettre les formes.

Tant est que ton âge, tes poils, et tout le temps imprimé sur ta trogne te permettent encore d'y « mettre les formes ».
En attendant je vais pas changer de gueule, donc si tu permets...

… autant jouer le jeu. Blondin a baissé le regard, ça, c'est pour mettre fin au toisement mutuel. Il a redressé sa gueule de blond, il a laissé percé une gouaille amusée dans son regard. Oui, tu m'amuses les billes sa Blondeur. T'y peux rien, c'est les cheveux courts, et puis tout ce bordel autour. Même qu'il a refermé la porte derrière lui – là, tu es piégée. Tremble mignonne. S'il te plaît. Ou fais un effort, parce que le mien est assez manifeste. Tu m'as déjà vu sortir le grand jeu pour une femme ? Non, parce que je ne fais pas ça. Même qu'il s'est avancé jusqu'au comptoir, à la place du client. Ça te rappelle rien ? Comme une rengaine parisienne, mais inversée ? Même qu'il a tendu un bras jusqu'à la moitié du comptoir.

Oui, elle est vide sa main, mais ses doigts font comme s'il tenait un bouquet.


« Tenez, j'vous ai amené des fleurs. »
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[...]
Astana
Sa Blondeur incline la tête sur le côté, regard rivé sur le bouquet imaginaire. On m'a jamais offert de fleurs avant aujourd'hui. Ça me fait tout bizarre. Parce que tu sais Johannes, je suis pas vraiment une femme à fleurs. Alors je sais pas comment faire. Je m'en souviendrais autrement. Peut-être aussi que ma mémoire a choisi d'effacer le côté tendron de la chose. Si ça se trouve, un type m'aura refilé un pissenlit quand j'étais plus jeune. Ou plusieurs. Pour me faire une couronne. Mais je peux pas dire. Alors elle réfléchit, la blonde. Très vite, pour pas rester plantée là comme une plante verte. Si j'étais normale, où est-ce que je foutrais un bouquet ? Dans une bouteille ? Trop petit. Un pot ? J'en ai pas. Ah mais si. Je sais.

Elle redresse les épaules et la grisaille s'anime un brin. D'une lueur gouailleuse.
Le bras s'allonge pour mimer la réception du cadeau et les doigts se referment au-dessus des siens.


- « Je vais les faire sécher. »


Sécher, oui. Comme mes yeux qui sont tout secs. Pourtant crois bien que c'est pas l'envie qui manque de me mettre à chialer. De te voir là, pour de vrai. Mais mon corps est une source tarie, je crois. Tu crois que c'est grave ? Au pire, je crèverais de pas avoir assez chassé des reluits. C'est con comme mort n'empêche. Mais pas autant que de pas avoir de cadeau. Et comme elle le regarde, son blond tout poilu, ça sort tout seul. Dans un sourire goguenard.

- « M'aviez pas menti. Vous avez du poil à revendre. »


Une lame pour te raser. C'est ça que j'aurais dû t'offrir.

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Johannes
« … vous en voulez ? »
De quoi ?

« Des touffes. »
De quoi ?

« De poil, je veux dire. Vous voulez des poils Astana ? »
Embraye, vite, ne lui laisse pas le temps de répondre à ça... Ne lui laisse même pas le temps de prendre conscience que tu as dit ça.

« Enfin j'peux vous en prêter, pour votre crâne... Avec l'hiver tout ça... »
Johannes...

« Mais heu... ou pas. C'est... »
Johannes !

« Enfin moi, hein, personnellement, je m'en fous de votre crâne. »
JOHANNES !

« Enfin non, je m'en fous pas ! J'y tiens beaucoup d'ailleurs ! Juste heu je m'en fous dans le sens où... »


« … ou... Enfin ça n'a pas d'imp... Si. Non. Enfin tout irait. »
Tu pourrais être rousse à poil dur en fait, ça m'irait aussi.

« Vous êtes très... d'ailleurs... hein... »
Tais-toi.

« C'est... On dirait un... un jeune page... »
Honnêtement, ferme-la.

« … enfin je suis pas très... pas du tout friand des jeunes pages. Là c'est parce que je sais c'qu'il y a en dess... »
Il est peut-être encore temps si tu te tais...

« … sinon j'aimerais bien un verre. En fait. »

Blondin a sorti un écu de sa poche et l'a posé sur le comptoir. Pardonne-moi sa Blondeur.

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