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[RP] A tes genoux

Anaon
" Quelqu'un qui vous choisit vous sépare fatalement d'un autre pour mieux vous garder. "
    - Marie-Claire Blais -


    *

    Il s'approche. La mercenaire ne peut retenir la tension qui lui noue la nuque. Avant le souvenir des étreintes, avant le souvenir des douceurs et de sa chaleur, il y a celui des mots durs et des blessures qu'aucune excuse n'est venu panser. C'est un peu raide que l'oreille se fait attentive. Alençon... Les lèvres se tendent brièvement d'un sourire amer et d'un brusque soupire de dérision. Ainsi, pendant ces mois où elle était persuadée que son fils se trouvait en Bourgogne, il n'était qu'en Alençon... A quelques pas d'elle. Peut-être ont-ils même été dans la même ville... Alors voilà... La vie prendra toujours un malin plaisir à l'accabler d'ironie...

    Judas s'éloigne, annonçant son départ. Les azurites s'affolent soudainement, cherchant le seigneur dans ses suppliques muettes. Quoi ? Déjà ? Non... Non pas déjà ! Il ne peut pas ! L'esprit se rebelle pourtant à peine, que déjà il se résigne. Elle savait bien qu'elle n'allait pas rester la journée avec son fils, ni les jours à venir, ni éternellement... mais chaque entrevue ne pourrait être que trop courte. Elle contemple Judas avec la mine déconfite des enfants punis, avant que son visage ne s'éclaire brusquement. Les mains glissent vivement sous sa cape pour de tâter avec nervosité la besace pendant à son épaule. Les paumes trouvent son contact et se calment. Les doigts s'immiscent alors dans l'ouverture et s'y rassurent. Les bouclent sont défaites et les mains en extraient un petit coffret et une poupée de chiffon. Le regard se pose sur la petite peluche longiligne, cousue de velours brun, aux sabots et aux bois de cuir. Un petit cerf, que la mère avait tenu à faire de ses mains. Rien d'autre qu'un petit cadeau. Un petit bout d'elle-même. Judas verra dans le choix de l'animal une inspiration hivernale... mais pour l'Anaon, pour Kenan, çà représente bien plus que cela.

    La poupée est tendue au seigneur et la main désormais libre revient sur le coffret.

    _ C'est sa coiffe... sa matrice. Que j'ai conservé dans un linge blanc et une bourse de velours à sa naissance.

    Au regard posé sur le Von Frayner, l'Anaon comprend qu'elle doit donner quelques éclaircissements sur les sombres secrets de la mise au monde.

    _ Il est né coiffé... Ce qui veut dire que son enveloppe n'a pas percé et qu'il est venu au monde entouré et protéger d'elle. Ce sont les enfants bénis, promis à un grand avenir qui naissent ainsi... Des enfants rois. On dit que l'ange gardien demeure de sa coiffe durant toute sa vie... C'est un bien précieux qui doit rester près de lui... Il ne faut absolument pas que tu t'en sépares... Et ce n'est pas... une superstition païenne..

    Elle ne mentionne pas le double fond du coffret qui recèle le tas de lettre qu'elle a écrit à son fils, durant ces longs mois d'absence. Parce qu'elle n'y pense pas... et que pour elle ce n'est pas un fait d'importance pour l'heure. Judas tombera peut-être dessus de lui-même, un jour. Le petit coffre de bois, subtilement ouvragé est tendu vers lui avant de s'immobiliser. Le pouce fait sauter le moraillon non cadenassé pour entrouvrir le coffret, face à elle, et prouvé à Judas la transparence de ses dires. Puis il est à nouveau tendu à lui.

    _ Je voudrais aussi que tu me dises... Ou que tu m'écrives dans les jours à venir, pour me dire où vit Kenan exactement... J'ai le droit de savoir.

    Ne viens pas me hisser cet enfant en drapeau blanc si c'est pour me donner de nouvelles raisons de te faire la guerre... La dextre se pose une fois de plus dans le dos du petit garçon et les doigts froissent l'étoffe avec affection. Les lèvres s'approchent, embrassent la chevelure sombre. Tout son visage se ferme... Cette odeur... Qu'elle ne sentira plus qu'en souvenir dans quelques minutes. Sa petite respiration apaisée. Le cœur se fait amer quand il s'écrase sur lui-même. Elle sent qu'elle s'éternise. Elle sent qu'il ne faut pas... Alors la volonté se fait douloureusement violence pour s'arracher de son fils. La mère se détache, recule de quelques pas, les bras croisés contre sa poitrine.

    Mâchoires vissées l'une à l'autre, elle attend sans un mot, un geste, du Diable à l'enfant.

    Vas... Pars... Moi j'en serais incapable...


Musique : " Evenstar ", reprise à la harpe, originale de d'Howard Shore.
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- Anaon à dire et à lire "Anaonne" - Réponses au ralenti pour une ou deux semaines
Judas
    [ Aimer cette femme-là et pas une autre, c'est grotesquement naturel. Et comme tout besoin naturel, on ne s'y soustrait pas. Au noble homme, on ne pose jamais question sur sa relation avec Anaon. Par respect peut-être, par crainte ou simplement parce que sa nature est trop évidente pour être vraie. On ne met pas à nu celui qui prend tant de précautions pour rester vêtu... On pense qu'il est une pièce vide, où l'écho de certaines émotions se perd sans revenir, certainement.

    Judas ne se mettait pas de remparts au cœur, lui... Non. Il avait simplement depuis la mort de sa sœur largement eut l'Amour absent. Insipide. Inutile? Mort, quelque part, porté disparu. Comme s'il s'était caché pour expirer, pudique et honteux. Le manège des femmes le distrayait toujours, mais tout restait en surface. Un jeu de séduction, une nuit, deux nuit peut-être, puis une vague lassitude, une nouvelle rencontre, un jeu de séduction... Tout était sans compter sur l'Anaon. Elle est apparue comme on s'invite, elle a mordu sa chair et griffé ses reins, elle a dit Encore; Judas a dit: d'accord.

    Ho, il pourrait bien lui dire qu'il la laisserait mettre le désordre dans sa vie, d'une autre manière, à sa manière. Ce n'est pas comme si elle ne l'avait pas déja fait. Oui, il pourrait lui dire qu'il aurait aimé toucher la panse fertile de lui. Qu'elle n'aurait qu'un mot à prononcer pour qu'il sorte de ses habitudes toutes les autres. Et qu'il l'aimerait bien ainsi... Mais elle, l'aimerait-il ainsi? Elle la roture, elle la torture... Elle qu'il n'épousera jamais. La crainte tait sa part, et puis on se ramollit un peu, on n'en perd pas pour autant tout ce qui fait soi... Il n'y a pas d'accalmie, pas d'apaisement. C'est juste le vent qui souffle d'une autre façon. Aimer Anaon c'est une traversée périlleuse, ça vous fait des nuits radieuses et des drôles de leçons . ] - RP " Que reste-t-il?" -




La main libre saisit le cerf de velours, sacré que seul le Roy pouvait se permettre de chasser. Le coffre vint se loger contre sa hanche et son bras, sans qu'il n'ouvre la bouche à son sujet, se contentant d'acquiescer. Il se souvenait très bien du moment où après avoir donné naissance à son fils, elle lui avait dit qu'il était né coiffé, et l'importance qu'elle semblait y accorder. L'idée qu'une partie de ... Qu'un tissus humain soit contenu dans le coffret - qui n'était pas sans lui rappeler celui avec lequel elle l'avait empoisonné - , surtout de ce genre là, le répugnait férocement. Il se tenait éloigné de toutes les coutumes et autres pratiques attenantes à la maternité, de tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à la partie maternelle de la conception par crainte et par dégoût, peu enclin à s'émouvoir sur un corps qui s'éventre pour en amener un autre à la vie. Judas fermait les yeux sur tout ce qui le dérangeait, ou s'appliquait à faire fermer les yeux d'autrui. Elle tenait à ce que le coffre reste auprès de son fils, mais avait-elle seulement envisagé la difficulté de laisser une telle chose chez lui, sous le regard sans faille de sa jeune épouse? Qu'aurait-il à répondre aux questions qu'elle lui poserait si jamais elle l'ouvrait? Il s'imagina inventer un énième mensonge, le présenter comme un tribut de chasse...

Pour autant, elle semblait lui céder des affaires comme si elle n'escomptait jamais reprendre son fils, ce qui en soit le rassurait. Jamais Judas ne lui laisserai reprendre son enfant. Jamais. Quitte à la faire pendre et à la pleurer jusqu'à la fin de ses jours, il avait tant échafaudé autour de cette naissance, tant inscrit cette imposture dans l'ordre naturel des choses... Que si la Roide tentait de prendre le jeune Von Frayner, elle commettrait aux yeux de tous un enlèvement. Ironie de la vie... Il accueillit sa requête avec clémence, sûr que pour empêcher son instinct ou son appétit légitime de tout gâcher, il fallait la nourrir autrement. Faute de liberté, quelques facilités. L'on empêcherait jamais Judas d'être négociant. Il était né pour commercer, après tout... Posée et ouverte, la conversation se poursuivit.

Près du domaine de Moulicent... Le manoir est précisément, au nord du domaine de Moulicent. Il est entouré de grilles et de murailles envahies par la végétation, tu passerais à coté que tu ne le remarquerais sans doute même pas... Et puis.


Et puis il fit les quelques pas qu'elle avait imposé à leur au revoir, faute de pouvoir poser ses mains sur ses joues, faute de pouvoir imprimer un contact véritable qui pervertirait encore un peu les pensées de ses nuits à venir. Le front finit par se coller au sien, les yeux s'arrimer aux bleus, graves et torturés. Les mots furent murmurés comme une prière, et comme un supplice mêlé de crainte et de désir.


Le muet sait où me trouver. Je préfère que tu ne te rendes pas au manoir... Isaure ne comprendrait pas. Amadeus finira aussi par ne plus comprendre... Tôt ou tard.


Ou par comprendre. Justement. Judas redoutait le jour où la vérité referait surface. Car ce jour viendrait. Avec son lot de drame, comme le jour où elle avait été ensevelie. Anaon soupçonnait à peine les enjeux... Les siens n'étaient que la partie émergée de la glace, là où pour Judas, la découverte du secret pouvait anéantir tant. Il ferma les yeux, finit par laisser le contact du front clair disparaitre au profit de ses maigres lèvres en un baiser sonnant la fin du temps qui leur était alloué. Elle lui manquait déjà. Comme lorsqu'il se faisait mal de vivre ses absences Parisiennes. Se retournant, faisant violence à la faiblesse qui semblait revenir pervertir ses envies au détriment de sa raison, il s'éloigna, chargé de l'enfant, des présents, et du poids de ses choix.


Si tu veux voir ton fils fais le moi savoir. Je m'arrangerais pour t'exaucer , le plus rapidement possible. Envoie moi le muet, il vit à Mortagne.


Le contact avait été rétabli. Désormais, l'histoire pouvait reprendre son cours. Il s''éloigna encore jusqu'à disparaitre. Jusqu'à la prochaine entrevue. Peut-être moins angoissante, plus tendre, et plus libre.
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Anaon

      Gortozet 'm eus, gortozet pell
        J'ai attendu, j'ai attendu longtemps
      E skeud teñval an tourioù gell
        Dans l'ombre sombre des tours brunes
      E skeud teñval an tourioù gell
        Dans l'ombre sombre des tours brunes


    Il s'approche et l'Anaon resserre la camisole de ses bras. Le seigneur l'a toujours bousculé à sa manière, décidé, à vouloir fêler la glace quand elle se solidifiait. Elle se fait enfant boudeuse sous son front, butée, alors que l'intérieur s'ébranle. Les azurites tiennent bien peu accrochées aux prunelles du seigneur et elles préfèrent glisser jusqu'au visage endormi de leur fils. Au premier murmure, l'Anaon se renfrogne. Vexée, car il la croit assez stupide. Vexée... car il la sait assez téméraire...

    Elle ferme les yeux. Secouée par un frisson chétif qui cherche à s'épanouir sur ses flancs. Leurs respirations tranquilles qui bercent ses oreilles et la sienne, tendue, qui s'entrecoupe. Judas s'ébranle, posant un chaste baiser sur le blanc de son front. L'Anaon se pique d'un frisson gelé. Elle voudrait lui dire qu'il n'a pas le droit de l'embrasser comme çà. On embrasse sur le front comme on jure protection. Et Judas n'a jamais été capable de la protéger de lui-même. Elle le prendrait presque mal. Une part d'elle s'en attendrit pourtant... Mais les lèvres ne bougent pas... Seul ses yeux troublés se posent sur le dos du seigneur qui s'éloigne, puis qui passe l'encadrement de la porte.
    Il n'est plus là.


      E skeud teñval an tourioù glav
        Dans l'ombre sombre des tours de pluie
      C'hwi am gwelo gortoz atav
        Vous me verrez attendre toujours
      C'hwi am gwelo gortoz atav
        Vous me verrez attendre toujours


    La chambre est vide...

    Vide, d'un silence qui lui fait entendre son propre sang entre les tempes. L'Anaon est seule... Le regard arpente la pièce, comme si elle la découvrait. Hagarde de l'instant passé. Latence qui précèdera le contre-coup. Les meubles croulent sous un manteau cendré. Le plancher ne travaille même plus de ces craquements qui le rendaient si vivant. Les azurites se suspendent aux grains de poussières qui se moirent dans la lumière, arrachés des volutes de leur passage qui s'échouent, à retardement. Elle remonte le halo opalescent pour s'attarder sur la fenêtre qui dilue son aura blafarde. Elle s'en approche, jusqu'à se faire éblouir par le blanc reflet d'hivers. Et alors...

    Alors... Elle restera là... A contempler Judas sortir par la grande porte. Elle le regardera aller de son pas altier et monter sur son cheval, son fils entre les bras. Et elle se sentira... Abandonnée. Morte. Comme si le seigneur emportait avec lui ses derniers lambeaux de vie. Ses dernières volontés. Fauchée par l'éteinte glacée de la Camarde.


      Un deiz a vo 'teuio en-dro
        Un jour il reviendra
      Dreist ar morioù, dreist ar maezioù
        Par-dessus les mers, par-dessus les champs


    Quand Judas aura passé la sarrasine, l'Anaon se pressera pour monter sur les remparts et se faire statue parmi les pierres, le regard rivé sur le dos sombre piqué du col mordoré. Et elle restera là, immobile, à ne pas vouloir lâcher un seul morceau de cette vision, jusqu'à ce que corps et monture ne soient que point, jusqu'à ce que point ne soit que souvenir, englouti par l'horizon livide. Alors seulement, elle baissera les yeux, pour voir quelques cristaux blancs éclatés en eau sur le cuir de ses bottes.

      Un deiz a vo 'teuio en-dro
        Un jour il reviendra,
      Dreist ar maezioù, dreist ar morioù
        Par dessus les campagnes, par dessus les mers
      'Teuio en-dro an avel c'hlas
        Reviendra le vent vert
      Da analañ va c'halon gloaz't
        Et emportera avec lui mon coeur blessé


    Ce que l'ourlet de ses yeux refuse de libérer, le ciel le fera pour elle, épanchant ses larmes cristallisées sur la silhouette mouvante qui arpente le chemin de ronde. Elle laissera parfois ses doigts nus frôlés la pierre, comme elle caresserait une part d'elle-même... Des frémissements, des crispations. Des ressentis qui s'immiscent dans sa poitrine assagie. Il fut un temps bien loin, où certain la surnommait "La Lanterne" ou "La gardienne des fantômes". Parce qu'elle était l'une des premières et l'unique à persister à vouloir vivre parmi une foule de spectres. Dans une ville, qu'elle avait eu au cœur et dont elle avait vu un à un les piliers s'effondrer ou bien prendre la fuite vers d'horizons meilleurs. Elle, elle était toujours resté, le cœur plus chaleureux que la lanterne qu'elle promenait souvent dans les rues à l'abandon. Entêtée et gonflée d'espoir, comme le lierre s'accroche aux ruines qui cèdent pourtant sous ses racines. Toujours là... A adorer encore ce qui a pu la faire vibrer. Malgré les fissures... Malgré la pierre qui s'effrite. Sentiment indéfectible...Toujours là... Comme elle est là, à se traîner le cœur sur les pavés de Petit Bolchen.

      D'am laerezh war an treujoù
        M'emporter sur les chemins
      'Teuio en-dro karget a fru
        Il reviendra, chargé d'embruns
      E skeud teñval an tourioù du
        Dans l'ombre sombre des tours noires
      Kaset e vin diouzh e bread
        Grace à son souffle, je serais emporté
      Pell gant ar red en ur vro all
        Loin dans le courant, dans un autre pays


    Elle laissera les souvenirs s'engouffrer entre ses tempes et sa poitrine, fantôme errant, parmi les pierres inhabitées. Écouter les pierres lui narrer sa propre histoire en ses lieux. Lui conter ses sourires. Exhaler ses soupirs. Puis, bien plus tard, elle relèvera le nez et prenant l'obscurité croissante comme excuse pour ne pas rentrer au bourg, elle retournera entre les murs de la demeure. Elle grimpera pour chercher une chambre. Elle passera devant celle de Judas pour aller trouver le corridor menant au petit donjon. Et puis à son sommet, elle poussera la porte d'une petite pièce, avec un lit pour seul mobilier, où elle s'effondrera sur la paillasse couverte d'un édredon poussiéreux. L'esprit tracassé, le cœur paumé, nourri sans être rassasié.
    Jusqu'à la prochaine fois.


      Kaset e vin diouzh e alan
        Je serais emporté, grace à son souffle
      Pell gant ar red, hervez 'deus c'hoant
        Loin dans le courant, selon son désir
      Hervez 'deus c'hoant, pell eus ar bed
        Selon son désir, loin de ce monde
      Etre ar mor hag ar stered
        Entre la mer et les étoiles

"Gortoz a Ran" par les extraordinaires Denez Prigent & Lisa Gerrard
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