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[RP] Preuves d'amour en or plaqué

Axelle
Il en avait mis du temps pour se réveiller, le mal léché, tant et si bien que la gitane visée à chaise trop dure commençait à en avoir mal fesses de l’attendre. Sauf que quand il se réveilla… Quand il se réveilla, elle aurait pu prier tous les Saints et même en inventer pour qu’il reste endormi tant il piaillait, gesticulait, éclatait d’une colère qui, bien que compréhensive lui cassait les oreilles tout autant que les pieds. Ils étaient quittes finalement, une caboche cassée contre une paire d’esgourdes et une d’arpions fracassées.

Bien peu apeurée devant les éclats furibonds, quand le silence sembla daigner enfin reprendre ses droits, ce fut elle qui ni une ni deux le brisa abruptement en se levant comme une furie.


Z’avez bientôt fini d’couiner comme un goret oui ? J'vous ai estourbi, pas égorgé, ‘lors soyez content ! C’vous apprendra à foutre vos pattes où qu’y faut pas et à m’refiler vos boites ! Pis arrêtez d’mentir, ou z’allez bigrement m’fiche en colère. D’qui ça vient, j’vous l’ai demandé, et z’avez pas voulu m’répondre et l’auriez pas fait c’coup ci non plus ! J’suis p’têt malade, mais pas encore complètement abrutie. Non, mais faudrait voir à voir hein ! Qu’y vienne donc Vot’ Marquis à la noix, qui vienne donc ! Il verra comment qu’y s’est tromper, cause qu’vot’Mamours, Menours, Nemours, j’l’connais fichtre pas !

Elle se figea soudait, le sifflet coupé court par un couperet de souvenirs. Nemours…

« Avez-vous dans l'idée d'organiser des festivités sous peu à Nemours ? »


Dans les méandres de la cervelle gitane, la voix du Prince de Clichy retentit, doucement étouffée par la toile d’une tente de soin. Mais devant ses yeux noirs, ce fut bien le visage de l’interlocuteur qui flotta. L’interlocuteur… Le Pierrot… Aimbaud… Nemours. Bras ballants et bouche entrouverte, les mirettes se posèrent sur les boites, engoncées de lueurs tour à tour attendries, penaudes, curieuses, stupéfaites, en colère, amourachées…

Mais j’lui avais dit que…

Relevant un regard sec sur l’homme ligoté, elle contourna le poteau de bois et d’un coup sec trancha de sa lame les cordes qui le maintenait prisonnier.


Filez, et revenez plus, sinon, j’vous jure d’vous montrer qu’suis plus habile avec un couteau qu’avec un bâton. Zou ! Du vent !


Vas-t’en. Vas-t’en et laisses moi ouvrir ces boites en paix.
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Aimbaud
Ce devait être une femme de caractère. C'est en observant le bandage loqueteux entourant le crâne de son serviteur qu'Aimbaud de Josselinière en était arrivé à cette conclusion. Le Chevalier du chaos avait fort geint, s'était fort accroché à ses manches et à ses jambes, l'avait fort supplié de ne jamais plus l'envoyer livrer de colis, lui avait pleuré qu'il n'était pas fait pour ce rude métier, qu'il ferait tout ce qu'on ordonnerait de lui mais plus ça, par pitié, par charité, par miséricorde, seigneur, amen. Évidement, Aimbaud avait fait grand cas des maux de son enlumineur personnel, mais plus encore du récit de son agression.

Lui avez-vous mal parlé ?
Grand Dieu, mais non ! Jamais ! Moi ! Comment !
De quelle arme a-t'elle usé ?
Une arme terrible ! C'tait une pierre, grosse comme ça au moins. J'y ai vu toute ma vie défiler d'vant mes yeux.
Vous a-t'elle injurié ?
L'ma traité d'tous les noms de la terre !
Mais... Lui avez-vous dit que ces présents lui étaient par moi prodigués ?
J'y ai pas eu le choix, elle m'menaçait de m'égorger les tripes !
N'a-t'elle point parut heureuse ?
Pour sûr non ! M'y a chassé d'chez elle en m'jetant des cailloux ! M'a maudit sur treize générations !
A-t'elle dit quelque chose pour moi ?
"Zou ! Du vent ! Foutez-y moi la paix !"
Vraiment rien d'autre ?
Des cailloux !
C'est épouvantable...
Épouvantable !


Ce devait être une femme de très mauvais caractère, se répétait Aimbaud, quotidiennement, depuis ce compte-rendu dramatique. Le plaisir platonique (et légal d'un point de vue théologique), qu'il avait tiré de ces offrandes à cette bête fille du peuple, avait soudainement disparu au profit d'un lamentable chagrin. Chagrin qui creusait un nouveau sous-sol dans les souterrains de sa profonde dépression de veuf, coupable, père célibataire, en hiver, avec de la pluie dehors. Il touchait le fond, vous voyez. Il était un étranger chez lui, dans le château de sa défunte femme ; il restait terrifié par sa toute jeune fille dont il ne comprenait pas les cris ; le monde lui semblait voué à d'éternelles pluies et tempêtes de grêlons, il n'avait plus le goût des armes, plus le goût de la table, ni de la lecture, ni du Louvre, ni des humains. Alors, entretenir cette fille, cette pauvresse, de quelques présents sans attendre retour, lui avait permis de se sentir utile à quelqu'un, de tenir la tête hors de l'eau, à l'heure où ses jours n'avaient jamais été plus sombres et solitaires.

C'était une fatale connerie.

Déjà il n'avait jamais su s'y prendre pour faire la cour à une femme. Et il était doublement idiot de prétendre faire la cour à une éleveuse de chèvres. Et il était déplorable d'avoir des pensées galantes en sa période de deuil. Et il avait bien mérité de se prendre un râteau.

Il donna son congé à ******** alias Chevalier du Chaos, traîna ses ribouques le long des couloirs en frottant la tête contre les tapisseries, s'écroula face contre un tapis puis resta longtemps immobile dans la position du caillou, en attendant que le monde lui procure quelque chose de positif.

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Axelle
« C'est toi, toi qui vaut de l'or »
Zazie – J’envoie valser.


Les pas chaotiques de l’escogriffe avaient à peine déguerpis de la petite maisonnée dans un concert de jurons que la gitane n’entendait plus, que les mirettes noires se figèrent sur ces boites qui l’avaient tant embarrassée. Pourquoi tant de secret ? Pourquoi n’avoir pas écouté ce qu’elle avait demandé ? Pourquoi n’avoir pas compris que cette chevalière à son pouce, était tout ce dont elle avait besoin. Un peu de Lui sur elle. Mais à cet instant, la caboche bohémienne se vidait comme une outre percée La porte refermée sur la longue et sombre silhouette de malheur avec un calme équivoque, elle ouvrit avec une précaution neuve la boite que l’horrible personnage avait abandonnée sur le coin de sa table.

Sans une exclamation, sans même que son visage ne s’orne de la moindre expression, son regard glissa sur l’enchevêtrement de couleurs, ne posant pas la moindre empreinte sur les draps, comme s’ils risquaient la piquer autant que les aiguilles qu’elle ne savait pas manier. Les mirettes glissèrent un peu plus loin pour se poser sur la bouteille et les amandes. Si le visage brun restait de marbre, le cœur se serrait, en l’imaginant, Lui, le profil baissé dans la lueur de chandelles éparpillées, appliqué à préparer ses offrandes. Pour elle. Juste pour elle. La danseuse resta là, stupidement émue par l’attention Lunaire, sans oser poser le moindre bout de doigt sur ce qu’elle avait dédaigné par ignorance, délaissant la richesse des présents pour se réfugier dans ce sentiment battant au fond de sa poitrine.

De mouvements toujours lents, comme sournoisement groggy d’un mal étrange, le couvercle de bois rendit l’ombre aux précieux objets rangés avec soin sur une étagère où, rien, ne pourrait déranger leur sommeil délicat.

Avec le même soin, la boite encore celée fut à son tour découverte. Deux mondes s’entrechoquant ne pouvaient se caresser sans casse. Et la casse glissa le long de la joue gitane d’une perle sans valeur mais peut-être aussi précieuse que celles ornant la cornette. La coiffe était magnifique et claquait d’une richesse ostentatoire. Trop riche, trop soyeuse, trop lointaine pour que la gitane puisse un jour la porter. Son ventre se tirailla, éperonné d’une réalité qui, le temps d’une nuit sous un toit, avait accepté de se cacher sous les soupirs et les murmures. La larme roula au menton ambré et s’écrasa d’un petit bruit sec sur la table maculée d’auréoles. Pourtant, les doigts enfin osèrent et effleurèrent la soie crème d’une hésitation toute respectueuse, pour mieux déraper sur la rondeur fragile des flacons, jusqu’à saisir de celui dont le verre renvoyait de chauds reflets orangés. Comme si le capuchon risquait de se faire poussière entre ses doigts, la Casas le déboucha pour y poser le bout d’un museau frétillant sous les senteurs rondes et sucrées et sourit, transportée soudainement là bas, chez elle, sous le soleil de l’été camarguais. Reposant le flacon, elle prit le second bourdonnant de reflets verts avec la même précaution. A peine débouché, la farouche gitane se trouva ensorcelée par les notes boisées et épicées qui s’en échappaient. Sauvages sans être entêtantes. Envoutantes jusqu’à s’en mordre la lèvre. Refusant de s’y perdre davantage, le flacon retrouva son écrin de bois, emprisonné d’un même geste emporté dans l’ombre de sa boite aussitôt abandonnée à coté de sa jumelle. S’arrachant à leur vue dans un tourbillon carmin légèrement essoufflé, Axelle se promettait de ne plus y poser le moindre regard. Pourtant, du geste vif de celles qui savent chaparder, le flacon vert se vit arraché de son repos pour rejoindre la poche rouge.


Moi, c’que j’voulais, c’est vous voir. C’tout.


[Suite à venir sous peu à la « Maison Josselinière-L’Épine »]

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