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[RP] Beaucoup de suicides ne sont dus...

--Dacien2
Il avait pesé chaque mot. Il avait étiré chaque syllabe. Il laissait résonner chaque phrase entre ses tempes, ses jades vides dans ses grises punitives. Chaque son devait traverser son esprit. Chaque allocution devait être avalé et chaque aveu de se concentrer pour mieux tambouriner dans sa conscience.
Doucement, la colère venait à ébullition au point de déborder allègrement. Le rapprochement se faisait à leur défaut quand d’un crime naissait l’absolution de se retrouver dans la même envie soudaine.

Disparaitre. Sous ses mains. Sous ses poings. Le laisser tuer ce qui venait de le transformer en cette âme destructrice de ce Mal qui le rongeait peu à peu, à chaque minute quand sa force se taisait pour mieux s’engouffrer et ressortir face aux aveux de la Loque. Ce gris qui, d’habitude, taisait tout sentiment, gardait la froideur de ses pensées, se décuplait seconde après seconde et de transparaitre brûlante de la douleur quand Dacien eut fini de déclarer ses pêchés.


Tues-moi….Je ne vaux que ça….

Il n’était plus rien. Non. Tout l’avait anéanti. Plus rien ne pouvait le ramener à cette raison qui pouvait vous souffler de relever la tête, de garder la conscience que la vie n’était jamais facile et d’assumer ses pêchés. Plus rien. Il ne lui devait plus rien, si ce ne fut que le privilège de lui offrir la possibilité de taire tout ce qui pouvait lui brûler l’intérieur de son âme pour se sentir revivre ensuite.
Le Néant l’attendait. Plus rien autour ne tournait à part Lui quand, sous ses mains, il voulait disparaitre à jamais, lui donner la satisfaction de l’emmener dans l’Enfer qu’il avait vécu. Dacien ne lui gardera pas de place non. Aucune.

Il pouvait. Son Gouffre avait tout pouvoir à cet instant. Il ne voulait plus lutter contre quoi que ce soit quand la Mort l’appelait pour le crime qu’il avait commis. "Vas-y frappes. Frappes jusqu’à plus soif." De ses jades vides, il conviait les coups bienfaiteurs de cette Bête qui ne désirait que lui infliger la correction qu’il méritait. La Mort. Dacien l’était déjà. Seul son corps bougeait par impulsion mais, son âme était déjà loin.
Plus rien ne pouvait arrêter son Gouffre alors qu’il s’illuminait de toute la rage pour mieux lui administrer chaque esquisse de colère, chaque dessin de fureur, chaque toile de frénésie. Sa dextre sur son torse poussant à une immobilité commune. La Loque ne souhaitait pas bouger. Il voulait juste lui laisser la possibilité de finir ce qu’il avait commencé.
Dacien s’abandonna entre ses doigts. Son corps n’appartenait qu’à lui à cet instant. Lui rendre ce qui devait lui revenir de droit. Il garda son regard dans le sien, appelant chaque tracé, chaque foulure, chaque coupure. Posséder sa colère pour s’en emparer et la transformer en prison de ses tourments et ne plus rien ressentir alors que ses phalanges trituraient son visage sans ménagement. Aucune peur. Son rythme cardiaque était calme, au ralenti de se laisser imbriquer dans cette envie de disparaitre. Des bruits autour ne pouvant rien déstabiliser quand, pour la première fois, la Loque et le Gouffre étaient raccord sur ce qu’ils désiraient. Deux êtres qui ne formaient plus qu’un dans cette adversité commune.

La déraison brillait de tout son éclat. Chaque étincelle démontrait cette nécessité vengeresse et cette envie de le voir mourir sous ses mains. Dacien lui avait pris sa dignité. Adryan détenait son âme. Quoi de plus beau que de s’offrir entièrement à la personne que l’on aimait jusqu’à la mort. La voilà. Elle était au bout de ses poings. Il n’avait plus qu’à s’appliquer. Frapper là où il fallait.

La main nobiliaire s’encra à son cou, sous son menton pour mieux tenir ce qui restait en place. Un coup asséné. Un souffle sourd. Il le caressa encore une fois. Sa tête se disloqua lentement quand un filet de sang sortit d’entre ses lèvres, coulant le long de sa joue. La Loque le laissa continuer. Un coup. Encore. Toutes ses forces. Tout son être se portait à son poing. Toute sa rage se sentait dans cette main resserrée pour l’affubler avec la tempête qui se trouvait à l’intérieur. Son Gouffre était sûr de lui, avec cette facilité qui l’avait envouté lorsque la Loque lui avait transmis ces pénitences. Dacien avait huilé la machine si bien que l’engrenage tournait de plein fouet. Les gouttes rouges volaient sur le vert du jardin. Une toux vint extirper un caillot de sang qui dévala le long de sa joue. Sa mâchoire craqua sous les coups sans que la douleur n’apparaisse une seule fois. Ses jades ne lâchèrent pas ses grises. Ce vide n’appelait que cette rage. Et ses caresses qui se multipliaient n’atteignaient encore rien. Seule la Fin serait l’ultime moyen.


"Vas jusqu’au bout Adryan. Prends ce qui te revient de droit…."

Alphonse_tabouret
(A quatre mains)


Immobile, statue forgée aux entrelacs glacés d’une scène qui vomissait les aveux tout autant que le courroux, Alphonse accusa, mutique, chaque mot prononcé devant tous par l’Arrogant, effeuillant, un à un, les doutes qui subsistaient pour ne laisser que le cœur d’une colère blême tout autant qu’enragée.
Mensonge, trahison, silence coupable, attitudes imbéciles… A eux deux, l’herboriste et le courtisan avaient gaspillé un temps précieux qui avait brulé le nobliau jusqu’à l’asservir à une rage qui, aujourd’hui, trouvait enfin son défouloir, et si Dacien lavait Camille des dernières reliquats de doute qui l’entouraient, elle restait l’imbuvable harpie qui avait donné son consentement à cette culpabilité muette, qui s’était tue quand elle savait tout et qui aujourd’hui encore, déchirait de ses yeux sombres, les derniers voiles de la tempête pour les laisser face à l’ouragan. Le regard noir du chat sombra sur la putain, nimbé d’une rancœur toute autre que les accusations jusque-là plantées à l’ombre de la silhouette, imputant sans l’ombre de la moindre compassion le gel de la contamination.

Coupable.
Coupable, foutue catin de ton silence et de tes manigances.
Coupable quand il aurait été si simple d’avouer, de te mettre à nue pour la paix de tous.
Coupable, de ton orgueil blessé et de ta fuite plutôt que de nous donner les mots en guise de baume…
Si cela ne tenait qu’à moi, c’est ta tête que je fracasserais sur ce sol froid jusqu’à ce que tu expires ton dernier souffle empoisonné.


Désormais, les mots n’avaient plus d’utilité, plus de substance, encore moins de relief et la lourdeur du silence trôna quelques illusoires secondes sur le tableau de famille avant que le premier coup ne s’abatte et ne répercute sa note jusque dans les os de chacun.
L’attente dans sa chambre devant le corps brulant de fièvre d’Adryan lui revint en bouche, les heures égrenées à la faveur d’un silence méditatif qui avait emprisonné la silhouette du chat contre un mur jusqu’à ce que le parasite reprenne conscience l’égara quelques instants tandis que le poing du Castillon s’abattait sans plus aucune restriction, déversant la colère, l’incompréhension, et la douleur du savoir, poison catégorique qui ne laissait plus l’ombre et son paisible voilage masquer les non-dits.

Et toi… Toi, l’imbécile arrogant, ne t’avais-je pas prévenu du gouffre dans lequel tu te précipitais ? Ne t’avais-je pas dit que de nous deux, c’était lui que tu trahissais ?
A combien désormais, estimes-tu le prix de ta peine ? Oseras-tu t’offrir en pâture jusqu’à l’absolution pour t’épargner les comptes de ta trahison ?
Je veille Dacien.
Pas sur toi.
Sur lui.


En écho au mouvement d’Étienne, le comptable avança, pas lent, mesuré, l’humeur tiraillée entre l’irascible mépris qui lui cisaillait les nerfs depuis plusieurs semaines face à l’impardonnable geste de Dacien, et la certitude que l’exutoire le plus bénéfique n’était jamais la solution, funambule vacillant au sens d’un vent qu’il ne pouvait s’empêcher de trouver apaisant dans la folie de son courroux.

Fais attention.

La voix aimée imprégna chaque parcelle de chair, gangrène fatidique qui, l’espace d’un instant, apaisa la brulure vindicative et redessina étrangement les contours de l’âme jusqu’à la rendre humaine, amenant le velours noir du regard à cueillir les fractales dépareillées pour y sonder l’inquiétude et la trouver brute, nette, concernée, le manque évident de cet Autre l’engouffrant jusqu’à la lie, apparaissant comme insurmontable quand il se trouvait à exister à ses yeux.
Dans le dos d’Adryan, la silhouette faune se figea, étrange spectateur sur lequel une éclaboussure de sang s’attacha jusqu’à ce que la voix s’élève sans pourtant prendre de l’ampleur.


Jolie litanie qui louvoyait entre les tempes féroces d'Adryan, fouillant le vide pour débusquer un éclat de raison. Qu’elle était audacieuse, la légère sarabande de jasmin, à se hasarder à vouloir entailler de sa clarté le carmin sombre et caverneux. Trop vaporeuse pourtant, pour lutter contre la résonance des coups lobotomisant l’esprit castillon. La drogue était autre et celle de Camille impuissante. Un halètement rauque suffit à souffler l’aubade, décharnant les mots de leurs sens pour les réduire en sons disloqués. Supplication, pitié, indulgence, imploration, mesure, étaient brutalement bannis du monde que la Bête arpentait. Là tout n’était que rouge, qu’éclaboussure, que lave, que souffre. La Bête tenait contre lui la dépouille de sa proie et la léchait de sa haine. Au Diable si là, tout était laid, aride et funeste. Si le ciel pouvait attendre, l’Enfer était pressé et en cet instant, piaffait d’impatience et réclamait son dû avec fracas, s’octroyant tous les droits pour ne pas s’étouffer de fureur. Comprenait-Elle seulement, la Vipère aimée, que l’acharnement était inéluctable, le besoin tant vissé au creux du ventre que n’importe quelle cible aurait été assez bonne à détruire ? Un mur. Un inconnu croisé au hasard d’une ruelle. Elle. Elle qui avait préféré le silence. La soif de sang était inextricable, telle était la fervente prière du couperet.

Délaissant le soin des conseils des injonctions à d’autres, La Bête levait à nouveau le poing au dessus du visage ravagé qu’il contemplait d’un regard blême ignoblement tacheté de rouge. A peine quelques ombres mouvantes dans son dos parasitaient la mortelle démence.


Ce n’est pas ça, Parasite, qui te lavera… Le surnom habituellement réservé à son propre monde et soumis au Castillon au firmament d’un serment brula les lèvres fauves, ajustant au sobriquet la valeur unique de l’adversaire… Ne t’ai-je rien promis ?, demanda-t-il en baissant la voix, convaincu que ce ne serait ni la force, ni la hargne qui ramenait Adryan à des terres moins stériles mais tout aussi désertiques que celles que laissait apparaitre le carnage en cours.

« Parasite. »

Les lettres roulèrent dans la cervelle estropiée d'Adryan, s’agglutinant entre elles pour se faire syllabes puis mot. Rouage se mettant en branle, le mot gonfla jusqu’à accoucher d’un sens que la raison castillonne observa comme une bête curieuse. Le coude nobiliaire s’arma, s’étirant encore. « Ne t’ai-je rien promis ? » et se figea. Connue et reconnue, la voix derrière triturait l’habituel agacement venu dont il ne savait plus d’où. Qu’importait l’origine de l’irritation partagée, quand le simple fait d’être salvateur justifiait toutes les rancœurs. Le regard nobiliaire se brouilla, gommant la charpie sur le sol glacé pour le calme de murs immaculés.

"Je t’en fais le serment Comptable, nul autre que toi ne me donnera le coup de grâce."
"Je ne laisserai personne d’autre le faire, dussé-je me battre pour cela."


Le serment murmuré des semaines auparavant cria aux oreilles castillones jusqu’à faire vaciller le coude qui flancha et s’abaissa pour se redresser aussi vite. Imbuvable comptable qui savait trouver les mots tout autant que les silences. Le poing serré blanchit encore davantage sous le gant, se découvrant douloureux. Insupportable comptable qui savait outrageusement être présent pour tendre la main à chaque embuche. Le mouvement fut sec alors que le bras se tirait vers l’arrière pour mieux briser l’élan ravageur d’une secousse tiraillée. Satané comptable de savoir veiller, de panser les plaies, de se taire par respect, sans jamais céder à la facilité d’une complaisance ignominieuse et mensongère. Emportée par la valse des contradictions la tête d’Adryan tanguait avec désordre sous une bataille dont il se trouvait spectateur. Maudit respect qui ne laissait d’autre issue que de respecter le serment s’érigeant malgré lui en garde fou. Le bras hésita encore et enfin chuta, vaincu, alors que la gorge se dénouait enfin un hurlement aussi terrifiant que douloureux.

Ce fut comme une symphonie de silence, assourdissante, le poing ensanglanté retombant au fil d’une lutte maladive pour venir effleurer le sol et y laisser un pourpre étonnamment profond se ficher à sa surface en une trainée fluette, laissant au comptable le poids du pacte se signer au visage ravagé de Dacien. Perdu dans les limbes, la silhouette Parasite sembla d’abord s’ensabler avant, au tranchant d’une seconde, de laisser un cri exploser à sa gorge comme autant de de notes frustratoires échappant au contrôle du maitre d’orchestre, ricochant aux murs en un panache de souffrances discordantes jusqu’à noyer l’espace au diapason d’une rage fatale .
Les doigts du chat, effleurant l’épaule s’y suspendirent quelques instants, filin tendu à travers la brume avant de s’y amarrer, pont définitif rattachant le corps et l’esprit aux enfers d’un monde façonné par leurs propres péchés.

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--Dacien2
Chaque poing abattu contre sa joue n’était qu’une légère entaille à l’attentat subit par pure jalousie, possession et amour parcourant son corps dans chaque veine. Comment cela avait-il pu le pousser à agir de la sorte…..Comment avait-il pu acter la violence de cette nouvelle par une ignominie invraisemblable poussant à quémander le crime pour mieux le laver de ses péchés. Tout n’avait été que abysse, l’entrainant dans le fond de la clairvoyance pouvant se dévoiler ce soir, laissant ce goût inextricable de la déchéance pouvant emmener l’autre dans ce puits sans fond sans s’en rendre compte, juste pour lui donner satisfaction que rien ne recommencerait.

Dacien n’avait plus conscience de rien. Il désirait juste qu’il en finisse une bonne fois pour toutes. La censure ne devait pas avoir lieu. Rien ne pouvait l’arrêter à ce moment précis. Même pas Elle. Alors que sa présence était là. Il sentait son souffle entre ses tempes. Il entendait finement les suppliques de pouvoir mettre fin à cette tempête sans précédent. Mais rien. Ses mots n’égratignèrent aucune parcelle de peau. La machine était bel et bien lancé dans cette noirceur trahie par les quelques brillants parsemant ce ciel.
Un coup encore qui tomba. Le sifflement au fin fond de son crâne apparaissant et ses coups qui résonnaient contre sa peau en sourdine. On aurait dit qu’un voile venait de se poser sur son visage. Et cette main gantée qui tenait toujours son menton pour s’assurer de l’atterrissage du percutant. L’affliction rattrapa l’équité. La douleur apparut, à chaque poing, pour sentir la rage et de pouvoir s’en laver face au crime qu’il lui avait infligé. Pas un mot. Pas un souffle. Juste souffrir en silence quand cela devait être à son tour de le faire.


"Emmènes-moi aux Enfers." La seule chose que la Loque désirait. La seule chose que la Bête engageait. Il ne voyait plus. Ses yeux bouffis par les coups, rougis par la violence qu’il avait enclin et ces grises qu’il enfermait dans l’absolution d’aller jusqu’au bout. Ses oreilles sifflaient doucement, abruties par les poings qui s’étaient affalés dont il permettait de tout faire voler en éclat. Sa mâchoire se disloqua à nouveau. Une goutte d’eau roula le long de sa peau sans qu’aucun gémissement ne se fasse entendre. Et, entre deux clignements pour garder à portée de mains ce contact de folie pour mieux le persuader d’atteindre la Fin, un corps se posa dans son dos. Le Comptable. Etre humain qui ne s’entichait guère du moindre sobriquet indéniable devant autant de hargne. Chaque mot sortant de sa bouche était mesuré, rassasié d’une pensée sans éclaboussure, épanouie dans l’abnégation de la vérité cachée pour mieux garder la raisonnance de l’acte implacable et de pouvoir arrêter l’engrenage entrepris. Si, ce jour-là, il l’avait écouté. Si, ce jour-là, il lui avait donné raison. Si, ce jour-là, il n’avait pas eu les yeux plus gros que le ventre.
Une lueur venait de passer. Quelques mots. Le Chat venait de lui souffler quelques mots qui changèrent son regard. Ses grises n’étaient plus folie. Elles redevenaient raison. Le Chaos ne résonnait plus. Dacien ne bougeait pas d’un pouce. La douleur s’imprégna doucement à son visage, quand dans son corps, il y avait longtemps qu’elle était engouffrée. Le poing s’arma, se maintenant une ou deux secondes en l’air. Les rouages venaient de se gripper. Ses verdures implorant de lui asséner ce dernier coup, la Loque prit un dernier souffle, retint son regard, ferma ses paupières mais le poing s’abattit à quelques millimètres de sa tempe. Au sol. Tout venait de s’arrêter. Même cette Fin tant attendue.


"Regardes Alphonse. Regardes comme j’ai bien œuvré cette fois. Regardes comme je n’étais pas piètre. Regardes comme pour une fois, j’avais raison. Veilles sur Lui, pas sur moi."

Un cri perça cette nuit. Ce cri qui résonna dans un silence limpide. Le souffle court. Ce regard atrophié par le désespoir de cet arrêt soudain. L’amendement qui balaya toute supplique s’était forgé. Une toux subite vint s’emparer de cette gorge encombré par un caillot de sang qui tomba à terre lorsqu’il tourna la tête pour l’extraire. Plus rien pour assouvir ce désir si fort lorsque la Mort parcourait votre âme toute entière. Plus rien pour venir étancher cette soif quand elle fut coupée dans son élan. Ses émeraudes ne le lâchèrent pas une seconde encore. Et, dans un soubresaut, un dernier aveu sonna.

Je t’aime…

Jamais ces mots-là n’avaient franchi le seuil de la gorge. Jamais ils n’avaient outrepassé ses lèvres. Et quand bien même, il n’avait jamais envisagé cette Fin, à présent, il pouvait mourir en paix.

--Adryan
Le cri s’éteignit tel un feu couvé d’une seule main, laissant apercevoir l’aurore d’un sol brulé et dévasté. Main un instant reçue et permise malgré son incongruité. Les ennemis intimes ne se permettaient le contact de la peau sur la peau qu’au couvert de leurs dérapages, entre quatre yeux. Mais la situation éclatait tant d’unicité que sous le regard de tous, les adversaires impénitents daignèrent livrer un fragment de cette relation paradoxale, soigneusement emmitouflée du secret et de la discrétion les plus maniaques. Certains gardaient les amours secrets, d’autres leurs confrontations. Peut-être car il était juste insupportable de savoir ces dernières si salvatrices malgré le déni fissuré.

Le froid s’invita aux jambes du Castillon, la neige fondant pour s’insinuer sournoisement dans la trame du riche tissu de ses braies le laissait frissonnant. La respiration, sous ses volutes blanches, peinait à s’apaiser, comme après une jouissance féroce quand le regard, retrouvant enfin la vue, se pencha sur le visage ravagé gisant sous lui. Et enfin le vit. Tel qu’il était. Gonflé, boursouflé, sanglant, mais surtout décomposé de ces remords qui bouffaient l’Arrogant depuis aussi longtemps que le noble était bouffé de doutes. Cadavre encore vivant que surplombait le souffle d’une Vipère. Et l’espace d’un instant, Adryan reçut en réponse à sa sauvagerie, l’assaut de la pitié.


"Je t’aime…"

Le regard gris s’accrocha à ces lèvres blessées offrant leur dernier aveu et se brouilla furtivement de chagrin. Le gâchis était insondable, inimaginable, les fracassant tous deux à l’unisson.


J’aurai pu Dacien, si tu m’avais entendu…

Mais tout était trop tard. Une poignée mots suffisait à répondre à tous les pourquoi. Sans doute, le Castillon aurait préféré à cet instant entendre « je te hais ». Tout aurait alors pu se nimber d’une logique rassurante et justifiée, où le déchainement et les mauvais coups auraient été légion sans que rien n’entache la conscience. Sans qu’au moment où une cohorte de questions trouvait enfin leur réponses, d’autres ne viennent les remplacer en sautillant, narquoises de piétiner une paix qui peinait à trouver son chemin dans les méandres de la cervelle castillonne. Le gris resta figé un instant dans le vert affreusement délavé de rouge, offrant aux deux hommes, une esquisse furtive d’acceptation. Pourtant, le monstre ironique et vorace réchauffait encore le sang bleu, réfractaire à un repli trop prompt quand il espérait pouvoir encore se gaver.

Valse de regards quand les corps se figeaient, les prunelles grises s’échappèrent des lianes vertes et remontèrent avec une lenteur équivoque sur le visage peint de Camille. Que le faste et le jeu de la soirée lui semblaient loin. Que ces maquillages semblaient déplacés et grotesques. Jamais les faux semblants ne s’étaient gaussés d’être aussi virulents. La bouche nobiliaire s’ouvrit, sans qu’aucun mot ne parvienne à en franchir le seuil gelé jusqu’à ce qu’enfin, la sentence ne tombe, froide et sans concession, funambule d’une voix blanche et sans âme.


Tu as raison Camille, l’Amour n’est qu’une saloperie. Une saloperie putréfiée d’hypocrisie, de lâcheté, de douleur et d’imbécillité. Lui en voulait-il de ses silences butés et fiers ? Oui, sans aucun doute, comme il en voulait à la terre entière d’être aussi laide et fausse, et lui en tête de rang d’avoir trop longtemps plongé la tête dans le sable, faible qu’il avait été. Faible ou naïf d’avoir pu croire que tout n’était peut-être pas si abject.

Erreur, et cette main qui avait eu l’audace de fouiller la conscience castillonne pour renouer le fil de la réalité avait réalisé le prodige avec tant de maestria qu’elle écorcha l’épaule revêche qui s’éveillait trop reconnaissante pour ne pas s’en consumer de hargne. Ingratitude toute puissante pour que le pacte étincelle à nouveau, magistral et vierge de toute griffure.

Lâche-moi !

Se relevant comme un beau diable, le nobliau se libéra de l’emprise comptable d’un mouvement brutal, à ce point encore groggy qu’il ne sentit pas son coude riper sèchement sur la pommette féline. L’Aphrodite était bien trop gourmande pour ne pas se pourlécher les babines d’autres proies.

Qu’elle se régale donc, la déesse tout puissante à dévorer ses enfants dans de grands éclats de rire, les pas du Castillon s’engouffraient déjà dans son ventre. Sonné et abasourdi, il ne trouva comme ultime rébellion face à la tortionnaire, que d’envoyer voler les verres délaissés sur le bar, les éparpillant en une pluie futile de diamants sur le plancher dans un fracas cristallin ricochant entre les murs de velours.

En cette Sainte Nuit, ce serait la bouteille qu’Adryan aimerait à la folie.
--Dacien2
Tout était fini. Chaque chose reprenait sa place. La Bête n’était plus. La douleur était apparue, emprisonnant son visage dans une tumeur de souffrance. Sa mâchoire ne se sentait plus. Ses paupières peinaient à s’ouvrir tellement les boursouflures les avaient gonflées. Son cou comportait les stigmates d’une empoignade éprouvante, la marque de ses doigts rougie par le serrement d’un maintien correct pour s’adonner à la cruauté nécessaire. Son minois n’était plus que douleur, sang s’asséchant par le froid de la nuit et tuméfié par les circonstances qu’il avait engréné dans une inconscience véridique dont chaque goutte de sang avait entrainé ce désir de le posséder. Pourtant, malgré les affres, Dacien ne sentait plus rien. Un gémissement léger, comme l’automatisme de garder en mémoire de fond les poings rageurs, emprunt à cette force surnaturelle d’avoir amorcer l’impensable.

Il le regarda se relever avec ce gris qui le caractérisait à chaque instant. Ce froid qui se remettait en place doucement pour n’entrevoir que la bénédiction de l’impassibilité face aux évènements. Dacien s’en fichait bien. Il se moquait de tout et de tous. Qu’est-ce qui pouvait bien paraitre plus important à cette heure-ci que de lui avoir avouer ce qu’il avait fait, tout ce qu’il avait fait, sans exception aucune et de ressentir cette ignorance de ne pas avoir compris plus tôt, les recommandations du Comptable alors qu’il avait essayé de lui dire. Ce dernier aveu lancé. Cette dernière phrase. Dernier souffle d’une survie implacable jusqu’à une Sainte Nuit.

Comme cela était ironique dans le fond. Une Sainte Nuit pour se laver de ses péchés, pour nettoyer le peu d’âme qui lui restait. Au final, ce fut la Sienne qu’il décrassa de quelques questions, de précieux tourments. La Sienne qu’il libéra en premier lieu pour se libérer ensuite lui-même. Saloperie d’amour qui avait brûle chaque partie de son corps. Hypocrisie dévalant de vouloir l’éviter à tout prix alors que l’envie avait pris possession de chaque parcelle de son épiderme. Lâcheté acerbe de lui avoir caché tout ce qu’il ressentait jusque là. Douleur poignante qui l’enivrait chaque soir pour mieux le torturer. L’imbécilité dévorante de le maintenir contre lui, ce jour-là, par pur désir insassiable. C’était Lui qui avait raison. Chaque mot sonnait étrangement bien.

Dacien se mit debout tant bien que mal, les yeux emplis de cette eau salée que la douleur appelait. La douleur des coups, la douleur des maux qu’il lui avait fait subir pour sentir sur sa peau l’affliction méritée.
Mais la lâcheté fait mal, un mal de chien, n’y cède jamais. Ces quelques mots lui revinrent en mémoire. Ces quelques mots qui n’avaient gangréné que jusqu’à maintenant. "Regardes Adryan jusqu’où la lâcheté m’a poussé….."Il ne sentait pas le froid tombant. Il ne sentait pas les flocons de neige recouvrant le sol, la marque de son corps dans la poudreuse. Dacien les observa tous. Tour à tour. Les voilà qui venaient de trouver réponses à toutes les questions qu’ils devaient se poser devant le scénario qui s’était déroulé devant eux pendant tout ce temps. Edgar. Fournisseur d’alcool sous la cohorte d’un silence endurci par quelques écus. Nej’Ma qui savait l’existence de ses tourments au point de lui demander comment les faire taire. Etienne. Patron n’ayant posé aucune question, ne voulant pas savoir pourquoi ce retour. Alphonse. Vieil ami ô combien regretter quand il eut compris bien trop tard l’élan de ses dires. Camille. Elle. De sa vengeance, il n’eut rien dit quand ce n’était que par sa faute qu’elle avait engendré une aussi belle victoire. Et Lui. Adryan. Source de plaies, de tourments, de pénitence quotidienne. S’ils savaient tous à quel point il venait de prendre conscience de tout le Mal qu’il avait fait. La famille ne devait pas posséder une seule mauvaise graine. Il l’était. Il fallait la supprimer. Cette suppression impitoyable se secouait dans son esprit. Plus un mot. Plus rien. Il ne pouvait en dire aucun. Il ne pouvait que reprendre le chemin de sa chambre, son antre, lieu où il serait le mieux pour terminer le travail qu’il avait commencé.

A suivre ici.


Alphonse_tabouret
Le mouvement Castillon le faucha, accusant le coude à son visage à l’ourlet silencieux d’une gorge que la scène empoignait, reliquat de réflexion ou bien d’acquiescement, au fil de la sentence prononcée et qui, sans surprise, au crépuscule de cette nuit qui avait chanté les vérités et le sang, trouvait un écho fracassant aux pulsations essaimées à ses nerfs.
Si la brulure inonda la pommette, Alphonse n’accorda qu’une grimace éphémère de douleur, s’écartant du passage sans jeter le moindre regard au Parasite et ses mains carmines, refusant de croiser les regards alentours de peur qu’on y lise cette crainte éveillée de se trouver jumeau à cette amertume violente, la défaite absolue pour lui qui avait cru et avait souffert milles morts dans le mutisme d’une absence dont il ne pouvait éradiquer la torture neuve qu’attisait, indécente, la seule présence de cet Autre assassin. Pas un geste ne fut esquissé lorsque la silhouette abimée de Dacien se releva dans le chancellement de ses souffrances, le velours d’un regard noir rivé au sol où s’étalaient, joyaux grotesques, les traces ensanglantées des retrouvailles qui n’étaient pas les siennes.
La musique des pas acheva de poser un point à cette parenthèse brutale et le comptable ramassa ses forces en une bataille personnelle pour que sa senestre cesse de trembler, brisure éternelle qui convulsait en harmonie à ses batailles les plus intimes depuis qu’elle avait été brisée un an plus tôt.


Que l’on nettoie, ordonna-t-il simplement à l’une des soubrettes agglutinées dans le couloir, marée humaine dont le voyeurisme s’abreuvait avec une avidité qu’il n’aurait pu condamner quand bien même le mépris serpentait à ses veines, trop vacillant lui-même pour choisir à quel saint vouer à l’instant la nausée blême qui le contaminait. La dernière fois qu’Étienne s’était montré à l’Aphrodite, ce n’avait été que pour mieux disparaitre, abandonnant le Chat à une nouvelle blessure qui avait scellé la rancœur de son amour imbécile, et s’il avait alors espéré, il n’avait eu d’autres choix que de s’abreuver à l’amertume d’une réalité qui l’avait laissé désemparé. Après la visite de la maréchaussée, De Ligny était parti, sans un mot, sans un geste, sans un battement de cœur ; cette nuit ne le verrait pas mourir une nouvelle fois sans son consentement. Tout l’avait préparé à ce qu’Etienne disparaisse sitôt son dos offert au spectacle et s’il ne pouvait écraser totalement l’étincelle d’un espoir amoureux niché aux replis les plus obscurs de son âme bancale, il attendait, inflexible, cette ultime preuve d’abandon à la façon de ces statues qui, figées, portent sur le monde, le regard calme de leurs résolutions.
Inexpressif, retranché à l’abri d’une forteresse qui n’appartenait qu’à lui, il fit un pas qui l’amena à hauteur de la camériste qui ne bougeait pas, fascinée tant par le sang que par son odeur.

Vite, rajouta-t-il sèchement avant de lancer ses pas dans le couloir pour se diriger vers la Maison Basse.
Point de comptes ce soir, point de lignes de chiffres pour éponger la sévérité de ce carnage, mais le retranchement à sa chambre pour y abimer les heures attenantes jusqu’à l’aube salvatrice

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