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[RP] Why do we even dream, anyway ?*

Seed
Et puis pourquoi on rêve, de toute façon ?
--------- 5 février, 1463 ---------

Je déteste écrire.

Je veux dire, si le bon Dieu avait voulu qu'on soit tous scribes, Il nous aurait donné des doigts qui tâchent. Je ne sais pas pour tout les autres, mais les miens ne laissent pas de trace. La plupart du temps, du moins.

Si je commence ce journal de merde, c'est juste que à cause de ce vieux médicastre de pacotille auquel Kem m'a traîné. Paraît que je gênais tout le monde dans le campement la nuit. Il a blablaté je ne sais combien de temps sur je ne sais quoi - il me semble qu'il a parlé de tisanes, ou quelque boisson de femme comme ça - avant de me tendre ce vieux carnet. Je l'ai pris, un peu perplexe pour le coup : peut-être qu'il fallait bouffer les pages ? Mais non, il m'a dit : Si jamais vous vous réveillez avec vos rêves en tête, notez-les ici avant de les oublier.

Et si je me réveille en pleine nuit ?

Faites-le toujours.


J'allais protester sur l’impraticabilité d'écrire dans un lit la nuit quand le vieux reprit la parole. Et avec tout ça, ça ne vous est jamais venu à l'idée que les rêves signifient quoique ce soit ? Pensez ; tout le monde rêve. Pas certaines personnes, pas que les Français, tout le monde. Et nous le faisons au moment où nous sommes le plus vulnérables : endormis, inconscients du monde qui nous entoure. Il me regarda avec ses yeux bleus légèrement voilés par l'age. Jeune homme, les rêves sont le reflet le plus pur de votre âme que jamais vous ne verrez, peu importe ce que l'on dit sur les yeux. Il m'avait fait signe de la main de déguerpir. Allez, remplissez moi ça. Si vous ne trouvez toujours pas vos réponses, revenez ici dans trois mois.

Du coup, me voilà, pas plus tard que le lendemain. Il doit être... Aux alentours de trois heures du matin, je pense. Je me les gèle. Si ce n'était parce que j'en ai marre de mes insomnies, je ne pense pas que j'aurais eu le courage de me forcer à prendre la plume. Je ne connais en plus pas de meilleur somnifère que la respiration lente et rythmée de dormeurs satisfaits comme ceux qui m'entourent. On avait beau se plaindre qu'on serait serrés ici, finalement, c'est pas plus mal. Une main égarée peut vite trouver quelconque courbe féminine où se loger. Il faut juste savoir si on peut se risquer au réveil : Kem est assez clémente là-dessus, mais les autres n'hésitent pas à tabasser si elles me surprennent. Le coup de l'endormi ne marche plus.

Je m'égare. Mon rêve, donc.

Au départ, j'étais assis dans une clairière de forêt, pas dissimilaire à celui où nous avons monté le campement cette nuit. Il faisait jour, je suppose ; en tout cas je voyais bien, au moins jusqu'à la lisière des arbres. Devant, la route continue, derrière celle que nous avons empruntée pour arriver ici. Je dis "on", mais finalement, je ne sais pas si j'étais accompagné... Rah. J'ai trop tergiversé. Peu importe comment j'essaie de retenir les détails, ils filent entre mes mains comme une poignée d'eau. Il vaut mieux que je me concentre sur ce qui est sûr.

Arrive un pigeon. J'ai eu le sentiment que c'était le mien. J'ai lu le courrier attaché à sa patte, mais je ne me souviens pas que le message ait été important. Ou peut-être que si. J'ai brisé le cou de l'animal et j'ai jeté sa carcasse ainsi que la lettre sur le feu de camp devant moi avant de me lever. En partant de là, je suis passé à côté d'une souche d'arbre, où, pris d'une envie, j'ai gravé mon nom. Le geste me paraît familier... Ça me revient ! J'ai fait ça quelque part au nord, à la frontière des Flandres. Je ne rêve donc pas de n'importe quoi. J'ai donc repris la route. Le paysage était terne, indistinct. Sans importance, même. Si je ne m'abuse pas, un voile gris m'empêchait de voir beaucoup plus loin que le bas-côté, mais jamais la curiosité ne m'est venu d'aller de l'autre côté. J'avais un but, et de toute façon la route me menait à lui, nul besoin de sortir de la chaussée. Où alors, est-ce qu'elle m'en éloignait ? Je ne sais pas... Mais la route et le but étaient liés.

Je ne me rappelle plus réellement du reste. Il y avait... des roues. Des nobles. Peut-être une femme rousse ? Mais le tout dans un silence assourdissant. Maintenant que j'y pense, est-ce que mes rêves ont toujours été silencieux ? Je me rappelle parfois d'avoir compris les paroles de certains, mais jamais de les avoir entendus. C'est comme s'ils me naissaient directement dans l'esprit. Peut-être que ça ressemble à cela, la vraie télépathie ; la naissance des mots. Pas simplement entendre la voix des autres dans sa tête.

Je vais arrêter là, pour ce soir, je pense. Le reste me fuit. Et je crois que ma bougie va s'éteindre bientôt. A en juger par la lueur dehors, Sessi sera bientôt levée, et avec elle toute possibilité de sommeil sera anéantie.
Seed
--------- 6 février, 1463 ---------

Encore, déjà. J'espère sincèrement que je ne subirai pas ce sort tous les jours. Je pensais que le but de ce truc, c'était de régler mes problèmes, pas de me faire perdre encore plus de sommeil.

Je me suis réveillé plus tard cette nuit - ou plutôt, plus tôt. Le noir a déjà viré au gris terne, dehors, et à l'intérieur je n'ai pas besoin de bougie pour écrire. Tant mieux ; Kem aurait certainement fini par se demander où ils partaient tous. Si ça finit comme hier, le soleil sera déjà bien levé d'ici à ce que j'aie fini de raconter. Faut absolument que je finisse avant que les autres ne se lèvent : quoique je réponde à leurs questions sur mes écrits, ils voudront les voir, et je refuse d'infliger les méandres abstraits de mon esprit aux autres. Ça, et puis si les rêves sont réellement "le reflet de l'âme" ou je ne sais quoi d'autre qu'il a dit, ce vieux fou, alors il est hors de question que les autres voient aussi bien en moi.

Cette fois, j'étais sur un toit plat. Et il y avait un lampadaire, de toute les choses étranges à foutre sur un toit, voilà qui prend le pompon. D'ailleurs, maintenant que j'y pense, le toit était pavé. Comme une route. Mais je suis catégoriquement sûr que c'était un toit.

Je me demande pourquoi les choses les plus absurdes paraissent si... normales dans nos rêves. Du moins, les miens. Me voilà à attendre je-ne-sais-quoi sur un toit, en plein hiver, sous un lampadaire, mais non, pas une seule fois je ne questionne ma santé mentale. C'est comme si on était libéré de toute convention, ou de toute conséquence. Je savais que je n'allais pas tomber malade, ou tomber, ou avoir froid, et si même si ça m'arrivait, je n'y pourrais rien. J'ai pensé à une bonne allégorie : là où la vie est un lac où on navigue où on veut, les rêves sont une rivière en crue. Beurk. Je suis poète.
Donc, j'attendais sous la lanterne - allumée - à essayer de lire le courrier que je venais de recevoir. Mais il neigeait, et entre les flocons et l'humidité sur la page je ne voyais qu'un mot sur dix, et rien de significatif. Décidément, j'ai des problèmes de communication dans mes rêves. C'est censé vouloir dire quoi ? Que j'ai quelque chose à dire mais que je n'y arrive pas ? Ou alors qu'il y a quelque chose que je refuse d'entendre ? Qu'on me dise ce que c'est alors. J'ai fini par abandonner ma lecture et descendre du toit via l'escalier qui y menait. Plus loin, la route menait à un pont, où il y avait un second lampadaire. Je ne me souviens pas du décor. Dessus, je sais qu'il y avait écrit des symboles, mais je ne sais plus lesquels... et la lune - oui, miraculeusement elle perçait à travers nuages et chutes de neige - s'alignait parfaitement avec la flamme rougeoyante de la lanterne.

Je me suis réveillé en voyant ça. J'ai encore la couleur du mélange en tête, une espèce d'auburn argenté. C'est pas mal, mais difficile à décrire. J'ai la sensation de l'avoir déjà vu. Peut-être les cheveux d'une femme, mais je ne connais pas beaucoup de rousses, hormis Phez et Carensa. Et c'est pas Phez, les siens sont plus clairs, je le vois d'ici. Carrie, donc. C'était peut-être elle, la femme rousse de mon rêve d'hier.

Je vois Sessi qui gigote dans le lit de Kem. Elle sera surement bientôt debout, et à en juger par l'odeur du feu, Woods s'est déjà levé.
Seed
--------- 10 février, 1463 ---------

Ça fait quelque jours que je ne rêve pas. Ou du moins, que je ne m'en rappelle pas au réveil ; il me semble que le vieux médicastre avait dit qu'on rêvait systématiquement, mais qu'on ne s'en souvenait pas toujours. Je pense que la raison principale en est notre reprise de la route : je suis tellement crevé le soir après les lieues parcourues que même moi, j'arrive à m'endormir, alors que d'habitude ma soirée se prolonge longuement au son des ronflements de mes compagnons de route.

Pourquoi j'écris, alors ? Parce que je ne suis pas sûr si les rêves éveillés comptent.

Mise en contexte. C'est pas qu'elle soit un peu bancale, cette roulotte, mais disons que pour peu que la route soit autre chose que l'équivalent terrestre d'un lac encalminé, les mouvements berçants qu'elle fait subir aux occupants a tendance à les envoyer directement toquer chez Morphée. Ce qui est plus ou moins dangereux, selon le rôle qu'occupe ladite personne dans la bonne gestion et/ou direction du véhicule. En l'occurrence, j'étais avachi à mon endroit habituel. De toute façon, dès que j'ai l'occasion de descendre de ce putain de poney, je le fais. Déteste ces bêtes.

Je somnolais donc paisiblement. Enfin, j'imagine. C'est une sensation étrange, de s'endormir contre sa volonté, ou plutôt à l'insu de sa conscience. Tout d'un coup, on se reprend, et on se rend compte que les dernières minutes sont perdues, floues, sans vraiment qu'on ait eu le souvenir de les voir disparaitre. C'est le voile gris qui descend, l'effet tunnel.
J'adore ça.
Ce n'est pas comme s'endormir le soir. Non, là, c'est un acte recherché, on ferme les yeux exprès, on se met bien. Là, je n'ai aucun souvenir de la descente de mes paupières, et qu'est-ce que j'ai mal au cou.

Je ne sais pas vraiment de quoi j'ai rêvé. Mais c'était élaboré, toute une histoire. J'ai traversé des rivières, des villes entières, rencontré des tas de personnes aux visages familiers mais totalement indistincts. Ça m'a amené à deux questions... De un, comment sais-je qui est qui dans mes rêves, si personne n'a de visage ni de voix ? Et de deux, comment peut-on vivre toute une vie d'aventure alors que le soleil ne bouge qu'à peine dans le ciel. Je veux dire, je n'ai pas pu m'assoupir plus d'un quart d'heure.

Je ne sais plus où j'avais entendu que toutes les personnes qu'on voyait dans ses rêves étaient des gens qu'on avait croisé dans la vie réelle. Rien d'imaginaire, tout était basé sur ses expériences personnelles. Ça voudrait dire que ce que l'on perçoit le mieux chez les gens, c'est ce que nos sens ne nous disent pas ? Le feeling ?
Quant au passage du temps... Peut être que quand nous sommes éveillés, le cerveau se limite au corps. Fondamentalement, ça ne lui servirait à rien de foncer à pleine vitesse si le corps ne peut pas suivre à cause des limitations du monde réel. Du coup, lorsqu'il en est désentravé il vit à son propre rythme.

Je raconte surement de la merde. Je ne suis pas fait pour être philosophe.

J'avais quand même commencé à croire que ce carnet allait m'apporter des réponses, mais je me rends compte qu'à chaque nouvelle entrée, je finis avec davantage de questions...
Carensa.


--------- 10 février, 1463 ---------


Le visage de ceux qu’on n’aime pas encor
Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves
Et va s’illuminant sur de pâles décors
Dans un argentement de lune qui se lève.

Il flotte du divin aux grâces de leur corps
Leur regard est intense et leur bouche attentive ;
Il semble qu’ils aient vu les jardins de la mort
Et que plus rien en eux de réel ne survive.
Anna de Noilles - Les rêves



 
Limoges..la ville était calme, et je me remettais lentement de cette descente aux Enfers. J'avais perdu "notre" enfant... et "Lui" par la même occasion. Rien ne serait plus comme avant. Jamais.
 
Sasha et Niki me manquaient encore plus maintenant et je n'avais plus qu'une idée en tête, partir d'ici pour les retrouver et les serrer dans mes bras jusqu'à l'étouffement.
 
L'hiver se faisait doux en ce seizième jour de février, mais je n'avais pas envie de sortir, juste rester sous cette épaisse couette en plumes d'oie. Je me sentais si vide, ma vie semblait si vide de sens et d'importance. Pourtant, je n'oubliais pas mes petits pour qui je devrais chaque jour faire un pas de plus.
 
Au mur était accroché une peinture représentant une scène de la vie de tous les jours. Une taverne, quelques clients accoudés ici et là. La peinture devait être vieille déjà, les affres du temps avaient dégarnis involontairement quelques cranes ou visages. Je devrais la mettre au feu, ce serait rendre service au proprio de l'auberge. Non, je n'avais pas envie de quitter ce nid douillet. Un autre que moi s'en chargerait.

Mon regard se reporta une nouvelle fois sur l'oeuvre déchue. Au fond de la taverne un visage anguleux semblait naître de nulle part. Était-ce mon imagination ? De grands yeux lui mangeaient presque le visage. J'avais l'impression de le connaitre, une vague impression de déjà vu. Je haussais les épaules au fond de mon lit et tournais la tête, décidée à dormir..chose que je ne faisais plus depuis que ma vie avait été bousculée.
 
Mes paupières étaient lourdes mais, mon esprit ne semblait pas se décider à quitter la terre ferme alors il ressassait de vieilles rengaines, des points de ma vie, des visages, des odeurs familières et des rires.

Sans savoir pourquoi il se prit à vouloir refaire le chemin qui m'avait mené à Tournai. Quelle étrange idée quand même. Le voyage avait été sans problème et je n'en voyais pas l'intérêt parce que je connaissais la finalité. La honte, la culpabilité et puis surtout la déception.
 
Mes mains se crispèrent sur mon ventre encore douloureux et des larmes glissèrent sur mes joues pâles malgré moi. Non..ne plus y penser, je ne voulais plus songer à tout ça. Mon retour dans les Flandres d'ici quelques jours serait déjà suffisamment difficile sans en plus en rajouter. M'avait il oublié..déjà ? Comment était ce possible..je ne le sais toujours pas. Comment pouvait on oublier une personne que l'on disait aimer, comment pouvait on ignorer les lettres envoyées, les plans échafaudés pour se retrouver avec elle, lui faire l'amour comme on le fait à la femme de "sa vie" puis tout rayer d'un coup, d'un seul. Comment était-ce possible qu'il m'habite autant, que je sois aussi dépendante de lui.. Tournai pourtant serait un passage obligé et le seul plaisir de revoir le "chouvalier" me réconfortait. Je savais qu'il ne me laisserait pas tomber. Il m'appréciait et ses mots avaient été réconfortants. Il était la figure paternelle qui avait manqué à ma vie sans doute mais je ne mesurais encore pas à quel point.
 
Un soupire d'agacement m'arracha un bâillement. Il fallait absolument que j'arrive à trouver le sommeil, nous devions reprendre la route cette nuit et sans repos avec ce que je venais de vivre, je ne tiendrais pas la cadence..d'autant qu'on nous avait bien informé de la présence de brigands sur notre route.

L'azur se porta à nouveau sur le cadre et finalement sans que je ne sache comment, je réussis enfin à dormir. Peut-être était-ce cette chemise portant son odeur qui m'apaisait encore...

Je suffoquais, un poids lourd sur la tête, j'avais l'impression qu'on appuyait dessus pour m'empêcher de remonter à la surface. Oui, il s'agissait bien de ça, car quand j'ouvris les yeux j'étais dans l'eau, une eau glacée qui me transperçait les entrailles, qui pénétrait dans mes chairs pour les mordre à grands coups d'incisives. Je me débattais, seule, tellement seule et je crois qu'à un moment j'ai voulu abandonner... Ce qui m'a fait changer d'avis ? Sans doute cette espèce de méduse fluorescente qui nageait sous moi..comme si elle voulait me porter plus haut, je crois qu'elle l'a fait parce que je me suis réveillée au bord d'une rivière où tout était calme.. Un homme s'est rapproché, il m'a demandé si je voyageais, j'ai répondu que oui et nous avons entamé une longue discussion qui a duré toute la nuit..

Je crois qu'il s'agissait de l'homme de la peinture, celui aux grands yeux bleus mais c'est sa bouche qui m'a le plus marqué..oui..sa bouche...et à mon réveil..mes doigts s'étaient glissés sur la mienne.




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Seed
--------- 11 février, 1463 ---------

J'étais dans un château. Pas un truc de campagne, non plus, ça ressemblait vraiment à un donjon imprenable. Des tours qui se dressent haut, décalquées contre la lune, aveugles tant les meurtrières se confondaient à la pierre grise. Ce château, c'était une impossibilité physique, personne ne pourrait le construire aussi haut, aussi fier, sur un pic. C'était absurde. Ne serait-ce que la muraille qui l'encerclait : épaisse, aux jointures parfaites, on eût dit qu'elle avait été creusée dans la pierre vivante de la montagne.

J'y étais parvenu en groupe. Le plus loin que je me souvienne, on s'était retrouvé au pied de la colline. Il n'y avait pas de route, ni même d'escalier, simplement un trou béant dans le flanc de la montage, entrée vers un tunnel que je savais nous mènerait là-haut, protégé par une grille remontée. Le détail plus marquant dont je me souvienne, là, c'était les gouttes de condensation qui perlaient au pointes menaçantes juste au dessus de nous. J'avais l'impression que tout le reste n'était que contexte à la formation de ces perles, leur agrégation, puis leur chute. Les larmes de la brume.
Je ne me rappelle même pas de mes compagnons : cette fois je n'avais aucune information, je ne savais pas du tout qui ils étaient visage, voix, feeling, intuition, rien. On passa sous la grille. On traversa le tunnel. Rien à signaler dans tout ça, c'était quasi-instantané. On se retrouve dans la cour du château.

Face à moi, l'entrée principale. Une porte de bois, impossiblement haut ; au pied de la porte, regardant vers le haut, on aurait dit qu'elle s'étendait vers l'infini. Et pourtant, parfaitement équilibrée : une simple pichenette et elle s'est entr'ouverte. Je me suis glissé à l'intérieur.

Je ne sais pas à quel moment mes compagnons m'ont déserté, mais j'ai soudainement pris conscience que j'étais seul. Et j'avais froid. Ma respiration dessinait des arabesques blanches dans l'air, et je sentais l'humidité jusqu'au fond de mes poumons. Je continuais d'avancer, pénétrant encore plus loin dans les méandres des corridors de pierre.
D'ailleurs, je ne sais pas comment je faisais pour me repérer, ni même voir, je n'ai pas conscience de quelque illumination que ce fut. Une nouvelle porte s'offre à moi, mais elle est déjà entr'ouverte, celle-ci, et je m'y glisse sans hésitation pour me retrouver dans ce qui avait dû être la bibliothèque, ou la salle d'archives.

Des étagères longeaient les murs, et formaient un dédale d'allées jusqu'au centre de la pièce. Mais il n'y avait aucun livre, aucun vélin, aucun parchemin, rien pour entraver ma vision. Je voyais le groupe devant moi. Ils avaient allumé un feu contre le froid, et s'étaient rassemblés autour. Je me joignis à eux, et nous nous sommes préparés à dormir.
Dormir dans un rêve... Voilà un comble.

Je rouvre les yeux. La feu s'est éteint, et la seule lumière parvient des meurtrières perchées haut sur les murs. On devine les étoiles de l'autre côté, et la lune. Je suis inquiet, je me sens observé. Je me retourne. Je le suis : deux orbites rougeoyantes me fixent depuis l'obscurité. Je suis paralysé. Lentement, la créature s'avance vers notre campement. Lorsqu'elle passe sous un faisceau de lumière, je la vois. Les mots me manquent pour en décrire l'horreur, je vais essayer de la dessiner.



Je crois que le pire, c'était son calme. Ses pas mesurés. Je la sentais sereine, confiante dans son abominable puissance, mais trépidante d'excitation à l'idée de tuer. Elle fait lentement le tour de notre groupe. Les autres dorment toujours, inconscients, et je sens les yeux de la bête me mettant au défi de crier, de les alerter. Mais je ne peux pas, je suis terrorisé. Elle s'arrête, contemplant la figure couchée à ses pieds, avant de prendre doucement sa tête dans sa gueule. La, je vois enfin de qui il s'agit, c'est la femme rousse. Carensa. La bête me fixe, relevant un peu la tête. Le mouvement réveille sa proie, et je vois l'instant de confusion dans ses yeux qu'on ressent tous à s'éveiller dans un endroit peu familier. Elle a les yeux bleus. Elle a le visage pâle. Elle a le sang rouge.

Je me suis réveillé à ce moment là. J'avais le cœur qui battait follement, j'étais trempé. J'ai encore les mains qui tremblent un peu, ça se voit dans l'écriture. Ça faisait des mois que je n'avais pas eu un cauchemar. J'avais presque oublié ce que ça faisait les terreurs nocturnes.

Je vois encore les gouttes de sang et de salive qui perlent à ses dents lorsqu'elle s'avançait vers moi. Vivement le lever du jour.
Carensa.


--------- 11 février, 1463 ---------

La furtive douceur de leur avènement
Enjôle nos désirs à leurs vouloirs propices,
Nous pressentons en eux d’impérieux amants
Venus pour nous afin que le sort s’accomplisse ;

Ils ont des gestes lents, doux et silencieux,
Notre vie uniment vers leur attente afflue :
Il semble que les corps s’unissent par les yeux
Et que les âmes sont des pages qu’on a lues.
Anna de Noilles - Les rêves



Longtemps durant le voyage, j'ai repensé à ce rêve étrange, me demandant qui pouvait bien être cette méduse..et j'ai compris. Il n'y avait qu'une personne capable de prendre cette forme, Elle. Elle qui malgré l'espace temps qui nous séparait, veillait sur moi, sur les petits, chaque seconde de son existence "ectoplasmique".

Quand au petit matin nous sommes arrivés à destination, je n'ai pas demandé mon reste et j'ai rejoint ma chambre. Je me suis laissée tomber sur le lit et le sommeil m'a gagné..Je n'ai pas lutté à vrai dire, je n'avais qu'une envie, retrouver ces étranges hallucinations qui m'emmenaient loin de mon ennui et de la vie bien trop calme que j'avais, dorénavant, choisi de suivre.

Je me suis réveillée sur une dune de sable la bouche pâteuse, j'avais soif..et pas un godet d'eau aux alentours non..rien le néant ou plutôt, le désert. Quand je me suis redressée, il y avait des trous dans le sable, des trous de souris peut être, non ça semblait plus gros..et puis des trous dans le sable, c'est impossible non ?

Toujours est-il que j'ai commencé de marcher entre les trous, de peur d'y tomber..mourir étouffer, quelle horreur et puis j'ai vu ces traces qui brillaient au soleil, comme un sillage laissé par quelque chose d'humide comme le passage d'un escargot ou d'une limace. Il y avait mille petites étincelles de toutes les couleurs, sans doute les rayons du soleil qui jouaient dessus. C'était presque féerique.

J'évitais encore les trous mais j'avais cette drôle de sensation qu'ils devenaient de plus en plus gros. Si j'étais par malheur tombée dans l'un d'eux, j'aurais été engloutie en une fraction de seconde. Mais je continuais de sauter entre eux, les évitant à chaque fois.

Je me demandais quand est-ce que j'arriverai au bout du chemin, lorsque levant les yeux, une forêt d'énormes arbres, que je n'avais jamais vus, s'éleva devant moi. Ils étaient immenses avec de grosses grappes de boules en bois. J'avais toujours aussi soif et, est-ce mon instinct de survie qui le décida ou simplement mon imagination, mais je ramassais l'une de ces boules qui étaient à terre, et la frappait avec force contre une pierre. Lorsqu'elle s'ouvrit, un liquide ambré et mousseux s'écoula, c'était de la bière !

J'ai horreur de la bière, c'est amère, son odeur est ignoble, ça fait gonfler..bref, je n'aime pas la bière mais dans ce rêve, lorsque j'ai porté la coque à mes lèvres pour en boire le liquide, j'ai aimé, Dieu que j'ai aimé, c'était sucré sans l'être trop, désaltérant, rafraîchissant, un petit goût de reviens-y qui ne me déplaisait pas du tout et j'y suis revenue..revenue encore et encore jusqu'à ne plus pouvoir bouger au pied de l'arbre. Une barrique, je me sentais barrique, je pouvais rouler barrique mais je n'avais plus soif !

Dans mon dos j'entendais des bruits, des rires peut être, oui il s'agissait de petits rires moqueurs. Je ne m'en suis pas préoccupée, non je suis restée le dos contre le tronc durant de longues minutes et puis je me suis relevée.

Il fallait que je visite l'endroit et que je trouve quelqu'un pour me donner le chemin du retour. Je jetais un œil sur le désert qui avait disparu, laissant place à un grand champ avec d'innombrables coquelicots...

Je secouais la tête, presque fatiguée dans mon propre rêve, par ce rêve qui allait bien trop vite à mon goût.

En avançant dans la forêt j'ai remarqué des traces de pas.. J'ai poursuivi mon chemin, ça n'était pas simple, la nature était envahissante mais quel spectacle quand devant moi s'est dressée une immense forteresse. Mon regard a embrassé le monde à cet instant.. Dans l'immense cours un ours et un homme brun se battaient. L'ours semblait avoir le dessus sans mal...J'allais m'approcher pour leur signifier de cesser et j'ai loupé la marche..

Je me suis réveillée en sursaut sur mon lit. Les vêtements collés à la peau tant j'avais transpiré. Mon coeur battait à tout rompre. Mes yeux se sont portés sur le mur, cherchant désespérément un élément me rattachant à la réalité. Les rayons du soleil dessinaient le regard et la bouche d'un homme à travers les rideaux..

- Encore Lui...murmurai-je



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Seed
--------- 14 février, 1463 ---------

Encore une période sans rêves. Ça a été tellement reposant... Ça va faire bientôt deux semaines que je note mes rêves, et je crois sincèrement que ce truc commence à marcher : je m'endors plus rapidement, j'y ai même hâte. Mine de rien, j'aime bien raconter mes aventures nocturnes, même les terrifiantes. A défaut d'en avoir la journée...

J'ai essayé de réfléchir à mon cauchemar. Si j'ai bien compris, les cauchemars reprennent des thèmes que l'on trouve dérangeants le jour pour les rendre invivables la nuit. Encore le côté débridé du sommeil, j'imagine.
C'est étrange, parce que je n'ai ni peur des loups, ni des châteaux. Ai-je donc peur de perdre Carensa ? Ce serait absurde, je la connais à peine. C'est vrai qu'on a échangé quelques courriers, mais rien de très significatif : juste les nouvelles l'un de l'autre. Mais étant donné que c'est depuis le début de ce carnet la seule personne distincte dans mes rêves, peut-être que mon subconscient a repéré quelque chose que mes sens conscients ont raté. C'est fort possible, après tout, j'étais un peu distrait : elle a vraiment de beaux seins. Je n'ai surement pas de quoi tout irriguer en même temps.


--------- 15 février, 1463 ---------

Et voilà, il a fallu que je le dise pour que ça s'avère faux. J'ai fait un rêve étrange cette nuit. Enfin, étrange... Autant que d'habitude quoi.

Quand je me suis endormi, je me suis retrouvé dans une taverne. D'ailleurs, c'est étrange, mais maintenant que j'y pense on ne sait jamais comment on arrive à ces situations. Dans la vie, on a tout un fil conducteur d'évènements qui nous emmène d'histoire en histoire, mais dans les rêves, pouf, on débarque quelque part. Et on ne questionne jamais, qui plus est. Peut-être que je vais essayer de me forcer à questionner ma présence : je me demande ce que ça fait si, dans un rêve, on prend conscience qu'on est en train de rêver. Est-ce qu'on se réveille, ou... ? A voir... bref. C'était exactement la taverne que je venais de quitter avec Phez. Je l'ai quittée une nouvelle fois, sur le chemin du campement. Les rues étaient bondées, mais, comme à chaque fois, c'était une foule de visages floues, jusqu'à ce que j'aperçoive plus loin devant moi un éclat d'auburn. C'était encore Carrie. Je l'ai su de dos, pas eu besoin de reconnaitre son visage cette fois. J'ai tenté de presser le pas pour arriver à sa hauteur, mais plus je me pressais, plus les rangs semblaient se resserrer autour de moi, m'empêchant d'avancer. Et à l'inverse, quand je ralentissais, ils se dissipaient. J'ai fini par la perdre de vue.

Je me suis fait embarquer par le flot de personnes, j'avais limite l'impression de voguer sur un courant. Ils me ramenaient vers le centre de la ville, et m'ont laissé tomber devant la mairie.
Endroits que je préfère éviter, les mairies... Il ne s'y passe que des mauvaises choses. Révoltes, élections... Que de la merde. C'était pas la mairie de Montélimar, non, ça faisait beaucoup trop nordiste. Tournai ? Dunkerque ? Un des deux...

Il y a eu une vague- une vraie cette fois, pas une marée humaine- et la rousse a été jetée, détrempée, sur les escaliers qui montent à la porte de la mairie, comme la mer rejetterait un marin sur une île déserte. Quand l'eau m'a touché, la sensation de froid m'a fait sursauter. Je me suis réveillé à cet instant là, mais j'ai comme l'impression que je n'aurais pas dû, que l'aventure n'était pas terminée. Que c'était un imprévu. Mais non, en ouvrant les yeux, je n'ai rien vu d'inhabituel, personne ne bougeait ni ne faisait de bruit. Je me suis donc réveillé de ma propre initiative.

Je pense que je vais lui écrire à nouveau. Aujourd'hui. Il faut qu'on se revoit. Je note que dans toutes ces nuits, elle n'a jamais prononcé aucune parole, elle a été totalement silencieuse.
Carensa.


--------- 14 février, 1463 ---------
Le mystère s’exalte aux sourdines des voix,
À l’énigme des yeux, au trouble du sourire,
À la grande pitié qui nous vient quelquefois
De leur regard, qui s’imprécise et se retire...

Ce sont des frôlements dont on ne peut guérir,
Où l’on se sent le coeur trop las pour se défendre,
Où l’âme est triste ainsi qu’au moment de mourir ;
Ce sont des unions lamentables et tendres...

Et ceux-là resteront, quand le rêve aura fui,
Mystérieusement les élus du mensonge,
Ceux à qui nous aurons, dans le secret des nuits,
Offert nos lèvres d’ombre, ouvert nos bras de songe.
Anna de Noilles - Les rêves



Aujourd'hui c'était un jour bien spécial..enfin soi-disant..vous savez le jour où vous recevez des lettres, des fleurs de tout ceux dont vous vous moquez éperdument - hormis la famille forcément - et que vous attendez qu'enfin..la fameuse, la grandiose déclaration arrive. Cette année elle n'est pas arrivée..non, pas faute d'avoir attendu toute la journée, presque désespérément.

Je me suis demandée si mon charme avait disparu, il faut dire qu'à force de rembarrer les quelques éventuels prétendants pour me garder toute entière à l'Ours, j'avais limité le champs d'intervention.. Après tout je m'en fichais, bien que mon égo en ait pris un coup dans l'aile, je m'évertuais à penser qu'un jour il y aurait quelqu'un pour moi..juste pour moi et moi seule. Un quelqu'un qui ne me voudrait que du bien, ou du mal selon les moments mais ça c'est sans doute mon coté sado-masochiste qui parle, quelqu'un qui ne me mentirait pas, surprenant, charismatique, beau, élégant, riche.. Oui je le pensais sincèrement. Vous remarquerez que je n'ai pas mis "fidèle" dans mes critères de recrutement et vous avez raison !. Non la fidélité n'est pas une preuve d'amour, non la vraie preuve d'amour c'est la confiance, et cette capacité à dire tout à l'autre sans avoir la crainte de le ou la perdre. Personnellement je crois pouvoir être fidèle à ma façon.. Je peux aimer d'un amour incommensurable, tétanisant, assoiffant et pour autant m'envoyer en l'air avec un autre type parce que lui il m'apportera autre chose que ce que je n'ai pas auprès de mon Autre. Pour autant, le jour où je trouverais la perle rare, et si je la trouve, je n'imagine pas qu'il soit ennuyeux et qu'un autre puisse m'apporter quelque chose de plus que lui - z'avez compris là ? - pour me conquérir il faut avoir bien plus qu'un beau service trois pièces comme dirait l'autre. De l'humour à revendre, un brin de mystère et être prêt à tout me dire..

Oui mon Homme Idéal n'est pas prêt d'exister, j'en conviens. C'est peut être aussi pour ça qu'à 19 ans je ne suis toujours pas mariée..

Non en fait ce n'est pas à cause de ça. Quand on y repense, il n'y a pas eu cinquante hommes importants dans ma vie. Je me suis juste plantée à chaque fois..oueh bein l'erreur est humaine j'ai envie de dire !

Seth..je l'avais presque oublié et il s'est rappelé , à mon souvenir ces derniers temps..Il a été important pour moi à sa façon de me protéger alors que je portais encore Sasha dans mon ventre. Un con égoïste..qui n'avait rien compris à ma façon de fonctionner. Pourtant je lui octroie une certaine tendresse parce que malgré tous les mauvais instants que nous avons passé ensemble, nous avons rit quelques fois et vécu des choses avec intensité. Je me sens apaisée à son égard..

Nizam...mon lâche. Il restera peut être mon plus grand regret et pourtant, la dernière fois que je l'ai vu, j'ai eu cette désagréable impression qu'il se cachait derrière un visage qui n'était pas le sien. La Diablesse l'aurait elle changée à ce point ?. Elle a su y faire la rouquine avec son air de ne pas y toucher et ses "il ne reviendra pas"..Il est revenu finalement mais que s'est il passé ensuite..seule elle le sait puisque tout était prévu et arrangé à son avantage. Qu'importe la roue a tourné, qu'ils aillent au Diable.

Kheldar..Orgueilleux, opportuniste, menteur et calculateur. Tout ce que je détestais en sorte, pourquoi l'ai-je porté aux nues alors qu'on me mettait en garde. Peut être la peur de me retrouver seule..non, je crois que je l'ai aimé aussi, aimé à en perdre la raison et à me soumettre à ses moindres désirs. J'aimais lui appartenir, être possédée par lui de tout mon coeur, mon corps et même mon âme. J'aimais ses promesses, cette façon qu'il avait de me dire "je t'aime"..Certes, j'avais peut être simplement envie d'y croire, mais lors de ces instants, je le sentais sincère. Il n'était pas du genre à faire étalage de ses sentiments alors, lorsqu'il était tendre et protecteur, j'aurais pu aller lui décrocher la lune et croire à tout ses bobards. J'étais sa "proie", victime d'un harcèlement moral et sexuel qui me donnait une importance que je n'avais jamais eu avec un homme. Des animaux, nous étions deux bêtes totalement survoltées lorsque nous nous retrouvions seuls, pourtant quelques fois, je l'avoue c'est d'amour que j'avais soif et il me le donnait avec une tendresse infinie. J'en arrivais à croire que je serais incapable de vivre sans lui si il me quittait. Finalement c'est moi qui l'ai fuit et j'ai emporté mon lot de peurs avec moi. Plus les lieues m'éloignaient de lui et plus j'avais envie de le rejoindre..heureusement Nerval a su m'accueillir et calmer mes maux comme il sait si bien le faire. Je crois qu'à cet instant j'ai compris que j'étais sauvée..

Je pensais..Je pensais..oui parfois je pense beaucoup trop et puis finalement je me suis assoupie contre cet arbre, j'aime les endroits improbables pour me plonger dans mes souvenirs et faire le point sur cette vie amoureuse totalement désastreuse...non peut être pas au final. Chaque histoire m'a fait comprendre un peu plus de moi et les attentes que j'ai d'un compagnon.

Toujours est-il que dans mon rêve il n'y avait pas de compagnon..juste une forêt aux arbres décharnés, les feuilles en pagaille au sol, du jaune au marron, de l'orangé au rouge, l'endroit était merveilleux, il m'apportait une paix intérieure, un bien être que j'avais connu il y avait si longtemps. Je crois avoir reconnu quelques drapeaux flottants au vent, un village helvète s'élevait un peu haut. Le ciel s'était drapé de couleurs automnales délicates, il semblait avoir été colorié à la sanguine. J'allais prendre la direction du village lorsqu'on m'a hélé par derrière. Je me suis retournée et je n'ai vu qu'une silhouette à l'aura platinée disparaître derrière un arbre. Je me suis mise à courir, aussi vite que j'ai pu, je n'avais pas l'impression d'être essoufflée, cette envie de la revoir était telle que je poursuivais encore et encore jusqu'à me retrouver dans une clairière..Cette clairière, celle de notre "famille"..

Je me suis réveillée, essoufflée comme si je venais de courir un marathon et pourtant rien avait bougé autour de moi, le soleil déclinait peu à peu mais il me restait du temps pour en profiter encore. J'ai refermé les yeux pour retourner à la conquête de cette douce hallucination.

L'hiver était arrivé, le Grand Nord. Je posais mes yeux sur cette étendue glacée, la neige à mille lieues autour de moi. C'était si beau et pourtant ça paraissait si destructeur. J'avais peur..froid et je me souviens que mes mains ne cessaient de frotter mes bras. Étrangement j'ai vu trois gros chats blancs jouer sur la banquise..La glace a craqué, le plus délicat des trois est tombé dans l'eau, le plus gros a essayé en vain de le sortir de là, tandis que le troisième s'est sauvé, les laissant en plan..laissant un propre membre de sa fratrie mourir. J'étais presque anéantie de voir pareil spectacle mais mes pieds étaient si lourds que je n'arrivais pas à bouger pour les aider. Mon coeur disait "oui vas y ! va les aider" et mon coprs "non laisse c'est la loi de la nature".

La glace a fondu sous moi et bientôt les champs verts sont réapparus avec leurs lots de promesses de jours meilleurs. J'ai horreur des chats,autant que la bière d'ailleurs, oui je vous l'ai déjà dit, mais là lorsque j'ai serré cette petite chose qui semblait avoir juste besoin d'amour et de protection, j'y ai vu un chat..un petit chat tout blanc aussi, comme ceux que j'avais vu plus tôt sur la banquise..Étrange coïncidence qui me rendait heureuse, légère comme rarement. Je semblais ne plus douter de la suite du chemin, j'étais presque sereine..presque seulement parce que j'avais quand même cette impression qu'il me manquait quelque chose. A un moment j'ai reposé le petit chat sur l'herbe, ma veste s'est entrouverte et j'ai eu peur en voyant qu'il me manquait la moitié de mon coeur..on me l'avait arraché et je n'avais rien senti. Tout est allée très vite, je me suis retrouvée dans des vignes avec mon chaton et puis j'ai vu arriver près de nous deux chats identiques au mien mais l'un était très gros et l'autre si fin..ils avaient de grands yeux bleus. Je me suis agenouillée et le plus fin des deux s'est approché pour poser sa patte sur ma main..j'ai regardé ce coeur à nu, et comme les racines d'un arbre, je l'ai vu reprendre doucement vie..Il n'est pas revenu dans sa globalité mais il n'en manquait plus qu'un petit bout... Je me suis relevée, les chats m'ont suivi et nous avons poursuivi notre route..

La chaleur est devenue accablante, l'été était enfin là..Je me suis installée au bord de la rivière avec mes chats. Tout était calme. Au dessus de nos têtes j'ai vu un aigle voler, il nous scrutait, effectuant de grands cercles. J'avais l'impression qu'il veillait sur nous, d'ailleurs il est venu se poser près de nous et j'ai pu voir sur son poitrail dessiné sur ses plumes, un cèdre...

Au loin j'entendais comme un souffle, sans doute le vent, j'ai tourné la tête et j'ai vu une ombre qui semblait susurrer "S...S...S....S..."

J'ai repensé aux trous dans le sable, ça m'a fait peur..un serpent, mes chats, mon aigle. J'ai voulu les prendre près de moi, les défendre coûte que coûte..ils n'étaient plus là.

C'est à cet instant que mon dos a dévié de l'arbre et que je me suis pétée la gueule..pas que je me sois fait mal, mais se retrouver à bouffer les vers de terre..très peu pour moi..

De grosses larmes glissaient sur mes joues diaphanes comme si je venais de perdre tout "mon monde"..





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Seed
--------- 17 février, 1463 ---------

On est arrivé à Uzès. J'ai dormi dans mon propre lit ce soir, malgré la poussière. Ca devait faire au moins six ou sept mois que je n'ai pas mis le pied dans ma maison, et j'en avais carrément presque tout oublié de comment c'était foutu. Sol et moi avions investi pas mal sur le lit, en tout cas, vu qu'on y passait le plus clair de notre temps quand on vivait à Uzès. Et puis, c'est important quand on vadrouille d'avoir un endroit confortable ou revenir.

Sol... Ca fait longtemps que je n'y ai pas pensé. J'essayais de l'éviter autant que possible, parce que début c'était douloureux. Elle était géniale... Pour une fois que je trouvais une femme qui était aussi déchirée et déchainée que moi. Elle était barrée, sans principes, sans tabous. Parfaite.
Quand je l'ai perdue, c'était le pire moment de ma vie, la plus terrible chose que j'ai jamais senti que de perdre, et j'ai mis des mois à m'en remettre. C'était un peu pour ça que je suis parti en voyage, j'en pouvais plus de cette maison, de cet endroit où on avait décidé de se poser et de faire notre vie ensemble. J'ai comme l'impression que quelque part, l'esprit de Sol vit encore ici. On entend plein d'histoires de gens qui voient des fantômes, des esprits frappeurs qui déplacent des objets ou tentent de tuer, mais c'était pas comme ça. C'était juste comme si les murs projetaient leurs souvenirs d'elle qu'ils avaient amassé pendant notre temps ici, comme s'ils exsudaient sa présence. C'était pas aussi maléfique que les gens laissent entendre. C'était juste... triste.

C'est peut-être les souvenirs que j'ai de cet endroit qui ont alimenté les rêves de cette nuit. C'était un de ces rêves où on voit tout à la troisième personne. Je me suis retrouvé dans mon propre passé : le sujet de mes aventures cette fois, c'était moi-même. Ca fait vraiment étrange de se voir agir à la troisième personne, d'autant que je ne sais absolument pas comment je faisais pour rêver de mon dos. Je l'ai vu tellement rarement que je n'ai aucune idée d'à quoi il ressemble. Il n'y avait rien de vraiment spécial dans ce rêve... Je me suis observé à vivre, me balader, voyager avec les autres. Je me rappelle pas trop.

Je me suis réveillé quelques instants, pour éternuer et me retourner Enfin je pense, sauf si c'était un rêve, ça aussi. Je me suis rendormi aussitôt.

Ca a pris une toute autre tournure. J'étais avec mon père. Je ne comprends vraiment pas où on était : j'avais l'impression qu'on pouvait regarder la vie des autres personnes, projeté sur un mur comme des ombres colorés. On pouvait aller de salle en salle pour changer de projections. Dehors, il y avait des marchands qui vendaient un peu n'importe quoi ; à manger, à boire... Et il y avait un jeune, un adolescent de quelques 16 années qui volait. Il glissait les produits sous son manteau. Des trucs rouges. On l'a ignoré. C'était ce que j'aurais voulu qu'on fasse si ça avait été moi, mais j'étais plus étonné de ce genre de comportement de mon père. Autant que je me souvienne (ça fait un peu longtemps qu'on ne s'est pas vus ni écrits) il a toujours eu des valeurs, il aurait été plus du genre à l'en empêcher. Je ne sais pas pourquoi je me rappelle de ce type. J'ai vu son visage cette fois : c'est quelqu'un que j'ai déjà vu, mais j'ai aucune idée de qui. Quelqu'un de louche. Visiblement je l'associe au vol, à la malhonnêteté. C'est donc surement un politicien.

Je commençais à penser que j'attendais systématiquement la venue de la rousse dans mes rêves, mais rien de tel cette fois. Je me suis réveillé comme ça, sur ce moment là, sans qu'elle n'y passe. J'ai vu ce matin qu'elle m'a répondu cependant, mais j'ai pas encore lu son courrier... J'hésite. Je ne voulais rien oublier des détails du rêve, et aussi j'ai peut-être un peu peur de sa réponse. J'aimerais pas qu'il soit négatif, ça me ferait chier. J'ai dit beaucoup de choses inhabituels dans mon courrier.

Cette nuit j'inviterai Kem à dormir chez moi. Je veux plus être seul ici, ça me dérange. Cette maison est hantée, et elle n'est pas faite pour un homme seul.
Carensa.



--------- 16 février, 1463 ---------

I'm the angel fly with me
Leap into eternity
Dreamworld, dreamworld is calling
Close your eyes and ride the night
Let the darkness fill with light
Dreamworld, dreamworld
You're falling down... 


Comme un prélude à cette journée qui débutait, mon rêve avait été étrange et agréable à la fois. A mon réveil je n'imaginais pas ce que le reste de la journée allait m'annoncer comme nouvelle.

Il n'y avait nul souvenir désagréable qui s'y était glissé, simplement cet homme encore une fois, il était brun..Toujours. Sa bouche..toujours. D'ailleurs il était là devant moi mais son visage ne m'apparaissait pas entièrement, quelques contours comme dessinés au fusain et juste cette bouche qui disait « embrasse-moi ». De quoi me mettre des fourmis dans les jambes et faire grandir en mon ventre un désir presque oublié depuis quelques jours.

Cette bouche sur laquelle je n'avais qu'une envie, me jeter pour la mordre, l'embrasser..cette bouche dont je ne connaissais pas le propriétaire - du moins dans ce rêve - et qui m'appelait encore et encore comme une rengaine déstabilisante.

Pourtant, lentement le flou se dissipa sur cet interlocuteur et bientôt les traits d'un homme rencontré quelques semaines plus tôt dans une taverne Normande, m'apparurent.

C'est juste à cet instant que le voisin de palier m'a réveillé en faisant tomber un truc dans le couloir.

ABRUTIS ai-je crié en me retournant dans mon lit..bien trop vide.

De nouveau le visage était redevenu flou, comme pour me punir d'avoir quitté quelques secondes cet espace, mon espace de rêve. Après tout il s'agissait de ma propre imagination, pourquoi se cachait il à nouveau..j'appelais encore et encore, espérant qu'il m'entende..rien.

Il ne daignait pas me répondre mais lorsque sa main s'est posé sur mon poignet, tout mon corps s'est raidi comme si quelque chose nous liait..mais quoi ?. Je me suis souvenue alors d'avoir perçu la même sensation dans la dite taverne. Cette chose qui vous dit « fais le, fonce, n'hésite pas ». Sans doute que si j'avais été moins dépendante de Kheldar, j'aurais foncé tête baissée. Tout est allé très vite et je me suis retrouvé à ce même instant en taverne.

Là devant moi, il me dévisageait, un sourire aux lèvres. Je me suis perdue dans l'azur de ses yeux, hypnotisée, ils étaient si grands, si expressifs. Tout est devenu plus clair. La porte de la taverne a claqué et je me suis réveillée la boule au ventre.

Assise sur mon lit, j'ai repensé à Seed, oui il s'agissait de lui. Il n'y avait plus de doute à avoir. Depuis notre rencontre, les lettres avaient été échangées avec grand plaisir d'un coté comme de l'autre me semble t-il. Je me confiais volontiers à lui sur certains sujets car, comme Nerval, je le pensais capable d'entendre certaines choses. Et puis nous étions si loin l'un de l'autre, ça ne craignait pas grand chose. Alors nous plaisantions dans nos courriers, nous mettant presque à l'épreuve de celui qui serait le plus vache avec l'autre. A chaque réception de missive, c'était un pur délice pour moi, un rayon de soleil qui illuminait ma journée. C'était aussi mon secret..mon ami..mon confident.

J'ai repensé à cette soirée passée ensemble au coin du feu. Je lui avais fait part de la raison pour laquelle j'allais à Tournai. Oui je m'étais confiée si vite à lui comme si nos destins étaient déjà scellés. Il ne semblait pas bien comprendre ce besoin d'être avec un homme déjà marié. Je ne lui en veux pas, aujourd'hui je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça. Il m'a poussé dans mes retranchements parfois, titillant là où ça faisait mal mais toujours avec ce brin d'humour qui lui est familier. Nous nous étions promis de nous revoir à Tournai et puis je suis partie, quand lui n'est pas revenu..Nos lettres continuaient pourtant de nous informer des projets, de la route de l'un et de l'autre.. Il est sympa, je l'aime bien, c'est un bon ami je crois.

J'allais me perdre à nouveau dans mon sommeil lorsqu'on frappa à la porte. Vêtue en simple chemise je suis allée ouvrir à l'aubergiste qui ne rata rien du spectacle..enfin rien, il n'en profita pas longtemps. Après m'avoir annoncé le pli et l'avoir remis, j'ai claqué la porte à son gros nez..Je me demande si je lui ai fait saigner ! J'ai juste entendu un « ouille ».

La missive venait de lui justement, Seed. J'aime ce genre de coïncidence, ça me donne des papillons dans le ventre. Je me suis vautrée comme une grosse loutre sur mon pageot et j'ai ouvert la missive.

Surprise..

Étonnement...

Incompréhension..

Tiraillement...

- Il va pas bien lui..qu'est ce qu'il me fait !

Je n'en revenais pas. Il était pour le moins explicite dans sa demande.
Je ne comprenais pas. Pas une seule fois j'ai cru que..même si le désir était palpable chez l'un comme chez l'autre, ce soir là en taverne.
Je ne savais pas quoi faire. Il me faudrait pourtant lui répondre.

Je me suis mise au secrétaire et j'ai répondu..enfin j'ai essayé parce que je vais vous avouer que je n'y croyais pas.


Citation:
Seed,

T'as raté la Saint Valentin d'un jour pour me faire ta déclaration..




Take my hand I'll lead the way
Through fire and ice to light of day
Dreamworld, dreamworld
You're falling down...
Down down...




*Dreamworld de Leverage pour Toi
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Seed
--------- 20 février, 1463 ---------

Et voilà. Il a suffi que je passe une nuit seul sur les routes, comme avant pour que mes vieux démons reviennent. Il doit être une heure, deux heures du matin, et je ne trouve pas le sommeil. Je suis à Montélimar, dans une auberge de merde, la moins chère de la ville. Franchement, je pourrais me coucher par terre et ce serait tout aussi confortable que l'espèce de sac de paille en toile de jute qui fait office de matelas. Et en plus j'aurais pas les punaises.

Depuis que Sol n'est plus, j'ai du mal à dormir seul. En fait on passait tellement de temps allongé l'un contre l'autre- ou dedans, c'est selon- que ça fait bizarre de l'être seul, même après tout ce temps. Et quand je dors, je rêve. Mal. C'est pour ça que j'avais invité Kem. C'était marrant, elle sait profiter de la vie et faire des adieux, celle-là. On était exténué, alors s'endormir, c'était facile, pour le coup. Et j'étais pas seul. Mais sinon, sans ça, le mieux pour trouver le sommeil c'est l'alcool, ou la chanvre. Mais avec l'un il faut subir la gueule de bois, et avec l'autre il faut affronter les rêves qui viennent par la suite.
Sans compte que quoiqu'on choisisse, on finit ankylosé, desséché, et ramolli le lendemain.
Cette nuit, j'aurais pu le faire, j'ai encore un flasque avec moi. Mais je n'en ai pas trop envie... Je préfère écrire. Je sais que ce truc est censé être réservé à chroniquer mes rêves, mais ça me sert tout autant pour les insomnies. Et puis, c'est presque comme un rêve éveillé, non ?

A ce propos, chez moi, je me suis levé la nuit pour aller pisser. Je m'en souviens clairement. Mais j'ai tout de même l'impression de l'avoir rêvé. C'est vraiment étrange, et ce n'est pas la première fois que ça m'arrive : se lever pour faire quelque chose, se rendormir, et quand on se lève le matin on n'est plus sûr que cela ait été réel... Je me demande où s'arrête la frontière entre les deux, et comment on en fait la distinction.

Je pense que je suis en train de me cramer les yeux, à écrire tout ça à la lumière d'une bougie flageolante. Je vais essayer de dormir, je me sens plus fatigué.

[...]

Il doit être... Bientôt le lever du jour ? Il fait déjà gris dehors. Je me suis bien endormi, mais j'ai rêvé... Prévisible.

J'étais en mer. J'ai déjà été marin, pendant un court temps, sur les eaux de la Manche, mais c'était pas comme ça ; j'étais en haute mer. Dans la Manche on voit toujours la terre ferme- du moins par beau temps. Je n'étais pas le capitaine du navire : celui-ci se tenait à la barre, immobile, barbe au vent et yeux rivés vers l'avant. Je lui avais demandé où on allait, il m'a répondu "Au delà de l'horizon."

J'ai accepté cette réponse. Aucune idée pourquoi. Je suis parti faire le tour du bâtiment. D'autres marins se précipitaient un peu partout, grimpant aux mâts, nouant des cordes, préparant les voiles. C'était un chaos parfaitement organisé. On eût dit que le navire s'apprêtait un affronter le pire des orages, à en juger par l'activité frénétique, mais le temps était on ne peut plus clair. Je suis descendu dans la cale, pour voir ce qu'on transportait. Impossibilité physique, mais à l'intérieur on avait un second navire, plus petit. J'y monte, par curiosité, et alors soit moi j'ai rétréci, soit le navire a grandi, mais je me suis retrouvé à l'échelle. Ici, pas de capitaine, les marins, tous roux, faisaient n'importe quoi. Chacun s'agitait, mais les actions des uns détruisaient le travail des autres. Ici, en revanche, le ciel- Ciel ? J'étais pas censé être dans la cale ? Enfin bon... J'ai rien questionné sur le moment- était menaçant, des nuages noirs avançaient. Très vite, on s'est fait ballotter par l'océan, le navire jeté çà et là par les vagues, se déchirant, les marins sautant par-dessus bord les uns après les autres. J'étais intouché, mais rapidement seul, en train de survoler les derniers reliquats du bateau, sombré. Je suis ressorti de la cale.

De retour sur le pont du premier navire, encore intact, plus personne ne bougeait. Les marins s'adossaient, las, contre les mâts, les murs, les balustrades, visiblement exténués. Le capitaine était toujours debout à la barre, mais regardait les planches sous ses pieds. Je l'ai questionné à nouveau sur notre destination. "Nulle part, l'horizon a coulé."
Et soudain, ce n'était plus un capitaine, mais une capitaine. Carensa. Mais avec une barbe.

Au moins, j'aurai de quoi réfléchir sur la route aujourd'hui...

Il faudra que j'écrive à Carensa aussi. Elle a plutôt bien pris mon courrier, enfin, ça aurait pu être pire, beaucoup pire.
Carensa.




--------- 24 février, 1463 ---------

I feel the touch comin' over me
I can't explain
I hear the voices callin' out
Callin' my name
It's the same desire to feel the fire
That's comin' your way
I'm standing in the night alone
Forever together, oh


L'échange de lettres se poursuivait et mon questionnement ne cessait de s'accentuer. Alors je posais mes questions et Seed y répondait avec honnêteté, en tout cas c'est l'effet que ça me faisait même si aujourd'hui plus que jamais, il me semblait impossible qu'un homme puisse posséder cette qualité.

Je me prenais même à attendre ses missives avec une impatience qui me parut démesurée sur l'instant. Avec un peu de recul j'imaginais que j'avais le droit d'être ainsi, impatiente, c'était sans aucun doute mon défaut numéro 1. Bien des fois on me l'avait reproché et bien des fois j'avais envoyé chier l'interlocuteur.

Pour l'heure j'étais enfin arrivée à Saumur. Je retrouvais Sasha, qui avait encore grandi – enfin c'était mon avis de maman -, Niki qui était encore plus belle que dans mon souvenir. Elle avait ce je ne sais quoi qui la rendait totalement irréelle. Je me gardais bien de lui dire, elle n’arrêterait plus de me le rabâcher ensuite.

J'étais partie depuis un peu plus de deux mois et j'avais l'impression d'avoir raté des milliers de choses. En fait ça n'était pas qu'une idée, j'avais loupé des choses, de ces choses essentielles qu'on ne vit qu'une fois lorsqu'on est mère. Je m'en voulais quelque part mais j'allais faire en sorte de me rattraper. Bientôt ils prendraient la route à mes cotés pour un voyage très important pour moi et je pourrais enfin profiter de leur présence à chaque instants.

Assise sur le bord de la fenêtre, mon regard dériva sur la petite table où j'avais déposé les lettres reçues ces derniers jours, l'une d'elle était tombée par terre. Je me levais pour la ramasser et refaire soigneusement le tas. Un sourire illumina mon visage, il s'agissait de la dernière lettre du brun. Elle glissa entre mes doigts comme une carte de jeu et je l'emportais sur le lit où je m'allongeais.

Elle tourna, virevolta entre index, majeur et annulaire et allongée sur le dos, je restais pensive sur ce dernier écrit. Bientôt le pli devint bougie....

De peur de me brûler je me suis relevée, et la chambre avait disparu pour laisser place à une petite chaumière où seule ma bougie éclairait les murs faits de simples planches. Il y faisait si froid que j'ai décidé d'en sortir pour voir où je me trouvais. Je connaissais bien les alentours de Saumur, sans parler de chacun des chemins qui serpentaient dans le bois. La bougie à la main, vêtue simplement d'une robe, je quittais l'endroit pour m'aventurer sur un chemin de terre. Étrangement malgré la pluie et le vent, la flamme persistait. La forêt s'épaississait et bientôt les branches et les ronces s'accrochèrent à mes vêtements, je poursuivais pourtant, incertaine de ma route, incertaine de tout à vrai dire.

J'avais l'impression de voir une lueur un peu plus loin et je pressais le pas quand j'entendis du bruit derrière moi, un grognement qui ne m'était pas inconnu, je dirai même qu'il était familier. Le temps que je jette un œil, une masse sombre se dessina. Un ours était à mes trousses. Je redoublais de vitesse, courant aussi vite que je le pouvais, m'efforçant de ne pas tomber, tirant ses les tissus de ma robe quand ceux ci s'accrochaient aux ronces. Dans ce rêve, j'avais peur, je n'étais pas armée et je ressentais au plus profond de moi, une peur indescriptible. Plus le grognement se rapprochait plus j'avais l'impression d'aller au ralenti. Mon ventre semblait se vider..Je m'arrêtais un instant pour reprendre mon souffle, cachée derrière un arbre et je découvrais avec horreur le sang qui inondait le bas de ma robe, ou tout au moins ce qu'il en restait. Je repris ma course effrénée. Je n'entendais plus les grognements..Ralentissant, j'écoutais, attentive au moindre bruit et seuls les battements de mon cœur arrivaient à mes oreilles.. Quelle peur..je devais sortir au plus vite de cet endroit..filer loin . Continuant mon chemin, j'arrivais devant un lac. Il était gelé, étincelant sous la lumière de la lune..j'allais mettre le pied dessus quand je sentis une grosse pattes se poser au creux de mes reins pour me retenir, je basculais en avant, la glace craquant au passage de mon poids. C'était terrifiant, pourtant la flamme de ma bougie ne s'était pas éteinte et je retenais mon souffle pour avancer sous la glace. A travers celle-ci je voyais l'ours marcher au dessus de moi, me suivre.. Ce regard..froid et sombre..il me tiraillait le ventre..

Je n'avais pas l'impression que le souffle me manquait, mais le froid s'accrochait à mon corps tout entier, je crois que c'est à cet instant que j'ai perdu connaissance dans mon rêve.

Sur mes lèvres et sur mon ventre j'ai senti une douce chaleur. Je n'osais pas ouvrir les yeux, de peur de rompre l'instant ou de voir cet ours, mais une voix se fit entendre..une voix d'homme oui qui me parlait doucement, qui me chuchotait presque :

- Carensa ?..Carensa..réveille toi, là tout va bien..tout va bien Carensa

J'ai ouvert les yeux, j'étais juste dans les bras du brun et je me sentais protégée. J'ai posé ma main sur son bras. La forêt et le lac avaient eu raison de ma robe, elle était en lambeaux et je crevais de froid. Il m'a entouré de ses bras et s'est penché sur moi. Je sentais son souffle sur mon grain de peau...


- Maman, tonton Niko m'a donné une nouvelle épée.

Je me suis réveillée en sursaut, j'ai regardé Sasha qui me montrait le cadeau de son oncle, émettant un son qui ressemblait à un grognement. Il venait de me casser mon rêve ! Je voulais juste savoir la fin..La missive était froissée..

- Maman, on va se 'pomener ?

Je me suis levée et j'ai enfilé mes vêtements, une boule dans le ventre, perturbée par cette dernière image.

- Oui allons y mon chéri, allons prendre l'air.

La main fraîche de Sasha dans la mienne, je suis sortie, il fallait que je me vide la tête. L'imagination me jouait des tours.
.



Dream Warrior - Dokken
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Seed


N’as-tu jamais fait un de ces rêves qui ont l’air plus vrai que la réalité ?
Si tu étais incapable de sortir d’un de ces rêves, comme ferais-tu la différence entre le monde réel et le monde des rêves ?
- Morpheus, in Matrix


--------- 26 février, 1463 ---------

La nuit passée est la première depuis presque une semaine où j'ai rêvé. Enfin que je me souviens. Je presse le pas, depuis Valence, et je crois que la fatigue s'étend désormais à mon subconscient tant elle est intégrale. Mais bon... Je préfère arriver rapidement à Tournai, et chaque courrier que je reçois de la rousse me réconforte dans cet opinion. Je dirais que je me reposerai une fois arrivé là-bas, mais si j'en crois au ton de ses derniers écrits les nuits avec elle ne promettent pas d'être très reposants.

Ceci est une qualité. Je ne pense pas que réveiller celle avec qui ont dort à coups de gueule dans la nuit soit très propice à une bonne entente de couple, alors dormir une fois exténué, ça me convient parfaitement.

Pourquoi hier, le rêve, alors ? Je me suis reposé à Semur. Quand j'y suis arrivé, j'en pouvais plus, je me suis pris une chambre et je me suis effondré dans le pieu. Me suis endormi de suite.
Je me suis vu sur la route. En même temps, peu étonnant, je le suis depuis des mois et des mois. Mais seul, ici. Ça me rappelle maintenant une des premières rêves dont je me suis souvenu, où le paysage disparaissait à quelques pas du bas-côté. C'était presque identique, mais au lieu d'être un voile abrupte descendant cette fois, c'était un floutage progressif des détails jusqu'à leur évanouissement. Çà et là il y avait un arbre, un bosquet, une pierre que retenait sa netteté initiale. Le mieux pour le décrire, je pense, c'est d'imaginer une toile blanche sur laquelle on peignerait des tâches vertes, ou grises, ou bleues, et parfois un objet net.

Au fur et à mesure que j'avance sur le chemin, celui-ci devient de plus en plus parsemé d'obstacles. Genre, des pierres. Pas des pierres naturelles, plutôt des morceaux de maçonnerie. La route commence à s'élever, grimpant autour du flanc d'une montagne, et, arrivée tout en haut, s’élance dans le vide sur un aqueduc. Enfin, un viaduc, du coup, si je veux être correct, mais sur le moment j'ai pensé "aqueduc". Un viaduc à l'intégrité structurelle peu rassurante, d'ailleurs : on voyait immédiatement d'où parvenaient les blocs de maçonnerie qui jonchaient la route plus bas. Je me suis tout de même lancé sur la traversée, bien que je n'en voie pas le bout à cause du fondu du paysage, et que cela paraisse risqué, parce que je savais que je voulais atteindre ce qui était de l'autre côté. Même pendant ma traversée, certaines des arches s'effondraient sous mes pieds, mais je n'ai jamais été happé par la chute. Cela s'est toujours produit juste devant, ou juste derrière moi ; j'ai toujours pu éviter (même de justesse) l'accident. On eût dit que la présence de mon ombre, jeté en avant par le soleil couchant derrière moi, suffisait à déclencher les pièges.

J'ai soudain pris conscience que quelque chose me suivait. J'avais beau me retourner pour constater le vide de la route, je n'ai plus jamais été parfaitement à l'aise. J'ai fini par comprendre de quoi il s'agissait : en me retournant, je voyais une seconde ombre derrière moi. Indépendante de la volonté du soleil. Et c'était pas de moi. C'était une silhouette plus légère, féminine, mais la différence était assez subtile pour passer inaperçue au premier coup d’œil.
C'est vrai que ce n'est pas quelque chose dont on est très conscient, notre ombre. Enfin, on en a tout le temps un, ou plusieurs, mais combien de fois est-ce qu'on y prête de l'attention ?

J'ai comme l'impression que ce rêve est une métaphore. En fait, je ne vois vraiment pas comment il peut être autrement. Si je devais hasarder une interprétation, je dirais que la route représente ma vie, et le viaduc mon futur. La seconde ombre, c'est mon bagage, ou mon passé avec Sol, en l'occurrence. Je me demande bien vers quoi je faisais route si nonchalamment... Mais bon, j'imagine que si je le savais, je pourrais voir le futur.

Je suis en pleine campagne champenoise, et la route a toujours l'air dégagée. Il faut que je réponde à Carensa après cette entrée dans mon carnet. Je crains carrément d'user ma plume : au fur et à mesure que le retour à Tournai et notre re-rencontre s'approche, je la sens de plus en plus fiévreuse à m'écrire. J'aime bien. C'est pas si fréquent que ça, une femme qui s'autorise à dire ce qu'elle veut et à agir dessus : la plupart sont obnubilées par les règles de la bienséance et des manières de princesse qu'on leur a inculqué. J'aime pas les princesses.
Carensa.




--------- 28 février, 1463 ---------

Nous foulions le sol Normand au petit matin et nous étions tous ravis de cette halte. Le voyage était long et j'avais quelques scrupules à faire subir ça aux jeunes femmes qui m'accompagnaient.

Le baptême n'était pas la seule raison non même si j'avais cette étrange impression qu'il n'aurait pas lieu.. Il me semblait impossible que Rosa me pardonne ce qu'il s'était passé et qu'elle accepte de me baptiser.

J'étais pourtant impatiente de revoir Cerise et son compagnon, ainsi que le « Chouvalier » comme l'appelait tendrement Rosa.

Depuis toujours j'avais la certitude que certaines rencontres ne se faisaient pas pour rien et que le destin savait, à un moment ou un autre, mettre de bonne personne sur mon chemin.
Mon voyage en Flandres me l'avait une nouvelle fois prouvé. Certes, j'avais connu la tristesse mais j'avais aussi découvert de nouveau l'amitié.. Celle sincère et sans arrière pensée. Le Comte était un homme bien, il m'apportait de l’apaisement, comme celui que j'aurais attendu de la part de mon père si Deos l'avait décidé autrement.

Sasha dormait à poings fermés dans le petit lit posé à coté du mien. Quelle heure était il ?. Je passais devant la fenêtre et la lune m'indiqua le petit matin..Déjà.

J'avais oublié de dormir, bien trop perdue dans mes pensées, sans doute inquiète pour la suite du voyage même si l'une des destinations me laissait entrevoir une lumière agréable.

Assise sur le bord de la fenêtre, emmitouflée dans une couverture, je porte la fiole à mes lèvres, espérant pouvoir compter sur l'efficacité de la drogue et obtenir un sommeil réparateur.

Quelques longues minutes plus tard, mon regard se pose sur le contenant..il est vide et je ne dors toujours pas. Je suis exténuée pourtant, vide de tout..

Sasha dort, il est si beau, il ressemble à Nikolaï, de plus en plus. J'espère qu'il héritera de son caractère aussi, peut être qu'à force d'être à ses cotés, ce sera ainsi..Je m'approche du lit et laisse les bouts de mes doigts errer sur son petit bras. Sait-il seulement combien je l'aime, combien je les aime lui et Niki ? Savent-ils tout ce qu'ils sont à mes yeux et comme j'aimerai toute ma vie pouvoir veiller sur eux, mieux que je ne l'ai fait jusqu'à présent. Il bouge, j'arrête de peur de le réveiller et je rejoins la porte menant à la chambre de ma blondine. Elle semble s'être aussi endormie. Je m'approche sans bruit et je la recouvre, son visage prend une autre beauté lorsqu'elle dort ainsi.. Lentement je quitte la pièce.

Je suis tranquille, ils sont là, près de moi. J'ai écrit à Nikolaï pour l'informer de la poursuite de notre voyage. Le Tigre n'est pas causant mais je sais qu'il s'inquiète lorsque ses petits sont loin de lui.

Je m'habille et je vais frapper à la porte d'Aude, la nounou de Sasha. Elle m'ouvre, la pauvre devait dormir et se demande bien pourquoi je la réveille à cette heure.

Aude..pouvez vous aller vous coucher dans mon lit près de Sasha..j'ai besoin de respirer..je n'arrive pas à dormir.

Aude ne pose pas de question, elle me connait par cœur je crois. C'est aussi en ça que je ne puis faire sans elle. Elle est un maillon essentiel à ma vie, à celle de Sasha et peut être pour Niki. Elle sait, n'a jamais rien demandé, même lorsque je rentre au petit matin,la mine défaite, la mise en pagaille.. Je crois qu'elle connait mes vices mais elle pense d'abord au petit. Elle ne manque de rien, et me le rend au centuple.
Je pousse la porte de la taverne vide et je sors. Le froid me gifle..j'aime ça, ça n'est pas une nouveauté. Il me faut de la chair..Mais à cette heure qu'est ce que je vais trouver..

Sans vraiment m'en rendre compte je me dirige vers la place des halles, mon nez a repéré une odeur, une odeur particulière que j'apprécie. J'accélère. Personne dans la rue, le désert, une plénitude totale. J'ai froid pourtant, qu'est ce qu'il caille par ici..les embruns sans doute. Je passe entre les échoppes jusqu'à entendre du bruit..Je me penche pour regarder à l'intérieur..l'odeur vient d'ici : le pain.

Ça s'active dans la boulangerie, combien sont-il..trois..quatre peut être..bon sang..il m'en faut un, vite..si vite..C'est un besoin irrépressible, une envie désarmante. Je ne sais pas pourquoi ça m'arrive. L'opium aurait du calmer cette envie qui me ronge depuis l'après midi..pourtant le matin même..Je secoue la tête, chassant ces souvenirs de ma mémoire. La torture ne sert à rien..

L'un des commis sort pour déposer un sac vide sur le tas prévu à cet effet. Il est jeune..peut être 17 ans..Il est plutôt agréable à regarder avec ses cheveux bruns couverts d'un calot. La lune se reflète sur sa peau en sueur.. Il fait le tour de la boulangerie, je le suis sans bruit...je guette chacun mouvement comme un chasseur après sa proie. Il s'arrête devant le four..enfin l'arrière du four j'imagine. Il ouvre une épaisse porte et s’attelle à y mettre des bûches. Il me suffirait de quelques secondes pour venir près de lui et..non..Ce n'est pas ça que je veux à cet instant. Alors je m'approche et lui tape doucement sur l'épaule. Un peu surpris il se redresse et se retourne pour me faire face.


Un souci m'dame ?

Oui..un souci, c'est exactement ça..

Mon manteau s'entrouvre et son regard soudainement plus lubrique se pose sur mon corps..Parce que oui, je ne me suis pas amusée à ajouter d'autres vêtements inutiles.


Peut être un peu froid M'dame ?
Tu as de quoi me réchauffer je pense.

Il me colle au mur et je sens déjà son excitation à travers ses braies. Des frissons parcourent mon corps..Oui c'est ça qu'il me fallait..juste ça..un homme, un corps..du plaisir. Ses lèvres se perdent dans mon cou et je grogne sous son audace qui me plait. Ses mains se pressent sur mes fesses tandis que les miennes sont collées au mur. Il abuse et j'aime, me laissant faire sans aucun scrupule. L'une de ses mains se libère et bientôt nos corps s'échauffent l'un contre l'autre. Il mord..griffe et je râle d'un plaisir bestial. Une main s'abat sur ma hanche et je souffle contre sa tignasse que j'ai libéré du calot. Il relève ma cuisse et sans plus attendre il se fond en moi alors que j'écrase ma surprise contre son épaule à grand coup de morsure. Bon sang..ça c'est un homme..il est jeune mais c'est prometteur pour la suite !. Le bougre est monté comme un étalon..je pense même qu'il pourrait faire peur aux jeunettes. Ma pensée me fait sourire alors qu'il m'assène un énième coup. Mon ventre se noue, mes seins sont douloureux..Je me surprends à lui murmurer que j'en veux plus et plus fort. Il y répond..mes pieds ne touchent plus terre..ou bien est-ce ma tête qui s'est perdue en cours de route. Bon sang..quel trip..c'est l'opium, c'est pas possible de ressentir ça..Il grogne, j'ahane et bientôt nos corps se fondent entièrement ensemble.. Il me tient..heureusement, je n'ai plus de jambes, je suis vidée totalement vidée, alors qu'il vient de me remplir avec acharnement. Il me laisse reprendre mes esprit, ajuste mon manteau. Il s'absente quelques minutes..je crois qu'il m'a abandonné..Non finalement il revient.


J'vous raccompagne M'dame..c'est pas prudent d'vous promener comme ça la nuit.

Il passe son bras autour de ma taille et je le laisse faire après lui avoir indiqué où je loge.
Au petit matin je me suis réveillée..j'étais nue..je ne sais plus si j'ai rêvé ou pas, mais Aude n'était pas dans mon lit..

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Seed
--------- 01 mars, 1463 ---------

C'est drôle, mais en rêvant, on peut vivre des trucs impossibles. Et pas que impossibles, des trucs que le cerveau réveillé a carrément du mal à imaginer. Je veux dire, par exemple, la nuit dernière.

Je volais. Faut pas me demander comment, je volais juste, planant au dessus de la ville. Planant, c'est peux être pas le bon mot. Je marchais, mais dans les airs. Pas très très haut, non plus, peut-être 300 pieds au maximum. Je regardais tout qui se déroulait chez moi, une ville tout à fait banale, boulangers, marchands, et tout. Soudain, ma vue s'est réduite ; mon attention focalisée sur un groupe d'environ une douzaine de personnes. Ils se sont progressivement éloignées de la civilisation, suivant une route qui les menait dans la forêt environnante.

Rien que ça, comment est-ce que je sais à quoi ressemble une ville vue de 300 pieds de haut ? Dans toute ma vie, j'crois que le plus haut que j'ai été au dessus du sol, ça doit être 30. Enfin, j'exagère, mais quand même. 50, tout au plus. Mais comment est-ce que je fais pour me représenter la réalité vue du ciel ? Mystère. Mal foutu, le cerveau. Ou alors très bien foutu, j'en sais trop rien.

Bref, ils arrivent à une clairière dans les bois. Chacun monte dans une espèce de charriote individuelle qui se meut tout seul, et ils procèdent à se faire la course, tournant en rond autour de la clairière sur une piste usée dans l'herbe par les passages fréquents des roues. J'ai commencé à descendre, progressivement, puis très rapidement, jusqu'à être quasiment à leur hauteur. Mais ils n'étaient plus dehors ; les branches des arbres avaient envahi le ciel, transformant l'endroit dans un hall naturel. Les murs sont passés de troncs à une surface grise, uniforme, plate et sans vie, et le mélange bois-feuille du plafond est devenu identique, terne et mort. le bruit ses roues écho rebondissait en mille échos sur le murs, une vrai cacophonie. Pour une fois qu'il n'est pas silencieux, mon rêve, il était putain de bruyant. Je suis carrément en plein milieu de la piste maintenant, les charrettes passant à quelques pouces à peine de mon corps, mais bizarrement, j'ai absolument aucune crainte d'être touché. Tout m'évite : de justesse, mais m'évite quand même.

Je note quand même que je suis de moins en moins seul dans mes rêves. Je ne connais peut-être pas tous les figurants, mais je vais prendre ça comme un progrès.

Il est pas très tard, même pas minuit je pense. Me suis couché tôt, un peu malgré moi. Il y avait une voyageuse rousse en taverne, plutôt pas mal foutue, alors je me suis dit c'est l'occasion d'essayer les rousses. Carensa m'a dit que ça rend accro. J'imagine qu'elle est un peu exceptionnel alors, parce que là, je ne suis pas accro du tout à... euh... Huh. Je crois que j'ai carrément oublié de demander son nom. Elle était pas mal. Soumise. De dos c'était presque possible d'imaginer Carrie à sa place. Quand elle est partie, j'avais la flemme de ressortir, alors quitte à être dans un lit, autant dormir.

On verra si je rêve à nouveau cette nuit, mais ça m'étonnerait. Je le fais de moins en moins au fur et à mesure que je voyage.
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