[RP] En odeur de Sainteté

Minah

Sccchhhhhhhhhhhhhhhhhhrrrrrrrrrrrrkrrrr... Sccchhhhhhhhhhhhhrrrrrrrrkkrrrrr...

Piouf ! Pèse un âne mort c'truc !

Scchhhhhhhhhhrrrrkkrrrrrr...

N'a-qu'une-patte s'appuya contre la caisse qu'elle s'efforçait de pousser à travers la place du village et lâcha un long râle fatigué. Elle aurait voulu un tonneau. Ça roulait, les tonneaux, et il y avait souvent de quoi vous réconforter après l'effort dedans. Mais elle n'avait trouvé que cette horrible caisse sur laquelle elle aurait pu lire si elle l'avait su : « RMI : cailloux 1er choix ».

Après quelques instant de repos à haleter goule ouverte, la manchote décida qu'il fallait qu'elle prenne enfin ses responsabilités de Sainte Patronne des Bestioles Crevées (autoproclamée) en main. Il était temps ! Temps de prêcher à la populace Sa Belle et Bonne Parole Sainte quant au devenir des brebis qu'on aurait du mal à égarer vu l'odeur de charogne. Et de se gagner quelques disciples. C'était naze d'être Sainte Patronne sans fidèles pour vous aduler, qui se jetaient sur les flaques d'eau pour vous empêcher de vous mouiller les bottes ou qui s'assuraient que vous aviez toujours le gosier bien humidifié.
D'un geste décidé, elle grimpa sur la caisse et se mit à brailler.

Oyez, oyez bonnes gens ! Chuis la Sainte Patronne des Bestioles Crevées ! Prosternez-vous d'vant ma Saint'té !

Quelques badauds marmonnèrent et remontèrent leur col sur le nez pour continuer à glandouiller tranquilles sans subir les miasmes de la prédicatrice surmontée d'un hibou mort. Mine de rien, une petite vendeuse de fleurs vint se camper à quelques pas de la caisse, vantant le parfum sans égal de ses roses, capable de couvrir n'importe quel remugle. Minah soupira, déçue. Elle espérait un peu plus d'enthousiasme. Il fallait les prendre aux tripes !

Vous devriez avoir honte ! Oui ! Vous ! Et vous ! Et VOUS !

Son unique index balaya la foule, tremblotant d'indignation.

Vous vous croyez bons ! Vous vous croyez sans r'proches ! Mais z'êtes des MEURTRIEEEEEEERS ! Oui, vous tous ! TOI ! 'Vec ta goule pleine de dents ! Combien de mouch'rons t'as tué en souriant trop fort ?! Hein ! Et toi 'vec tes grands panards ! Combien de p'tits 'scargots innocents t'as écrabouillé, hein ?!

Elle radoucit sa voix.

Je. Vous. Pardonne. Z'avez pas fait exprès. MAIS ! (le beuglement hystérique revint à la charge) Quel respect z'avez pour ces pauv' p'tites âmes assassinées ?! AUCUN ! Même pas un r'gard, même pas une pensée après les avoir zigouillées ! Tout juste crevées, tout juste oubliées ! Alors qu'elles ont tant souffert à CAUSE DE VOUS !! Il faut leur témoigner du RESPECT et de l'AMOUR ! Elles schlinguent mais z'ont l'droit et c'est vot' devoir d'les choyer, d'les aimer, d'les respecter. Paskeuh sinan z'êtes que des cons pis qu'elles sont TRISTES ! Repentez-vous ! REPEEEENTEZ-VOUUUUUUUUUUS... !

La hiboutée de la cervelle était extatique, son bras et demi levé vers le ciel, ses mirettes noisette roulant dans leur orbite, bave aux lèvres, des gouttes de sueur rance roulant sur la crasse de sa peau. Il lui fallut quelques instants pour se ressaisir.

Chuis la Sainte Patronne des Bestioles Crevées et chuis là pour vous enseigner c'qu'est Bon et c'qu'est Juste avec nos amis décédés ! Qui a l'cœur assez pur pour m'vénérer ? J'accepte aussi les paiements en liquide.
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Fallone

Fallone contemplait le sol. Longuement. Elle cherchait quelque chose, mais elle ne savait juste pas quoi. Enfin pas vraiment. On lui avait dit qu'elle avait perdu sa langue. Alors elle la cherchait, sans comprendre pourquoi puisqu’après avoir tiré celle-ci et louché dessus elle avait bien confirmation qu’elle était encore dans sa bouche. Puis elle l'aurait sentit si elle serait tombé non ? Les autres avaient rit et l’avaient laissé planter là. A sa recherche….
La poussière que faisait ses poulaines lui irriter les yeux, elle ne les avait pas cligné depuis plusieurs minutes, elle se forçait à les laisser grand ouvert de peur qu’en les fermant elle ne voit pas ce qu’elle cherche. Rien. Elle ne trouvait rien. Et commencer vraiment à fatiguer.
Apres avoir mis ses cheveux dans son oreille elle se frotta les yeux avec son poing et releva la tête.
Son regard se posa sur une manchotte qui tirer une caisse. La routine habituelle quoi... Pour dire vrai c’est surtout sur l’espèce d’hibou dont elle se servait comme couvre-chef qui attira son regard. Ce hibou elle le connaissait. Elle l’avait ramassait au bord d’une rivière. C’était le sien.
Oui Fallone avait cette capacité simple mais répandu de dire que tous ce qu’elle touche ou qu'elle a touché, c’était à elle. C'est un fait.
Elle fixa donc la bestiole en ouvrant et fermant la bouche. Elle n'étais pas symétrique. Cela gênait franchement la Corleone. Beaucoup de chose la déranger serieusement...
Elle voulait gueuler, dire quelque chose. Mais elle n’avait pas retrouvé sa langue et elle avait peur de prononcer des mots et qu’on ne la comprenne pas.

Vous devriez avoir honte ! Oui ! Vous ! Et vous ! Et VOUS !

Son index accusateur se déplaca dans la foule qui s'aglutiné doucement autour d'elle avant de désigner Fallone. Fallone fit de même avec le sien, genre : Hein quoi Moi ? Mais... Pourquoi ? Elle s’approcha incrédule. Elle ne savait pas ce qu’elle avait fait, mais la manchotte avait l'air de le savoir elle. Savait elle que le Hibou lui appartenait en vrai ?

Vous vous croyez bons ! Vous vous croyez sans r'proches ! Mais z'êtes des MEURTRIEEEEEEERS ! Oui, vous tous ! TOI ! 'Vec ta goule pleine de dents ! Combien de mouch'rons t'as tué en souriant trop fort ?! Hein ! Et toi 'vec tes grands panards ! Combien de p'tits 'scargots innocents t'as écrabouillé, hein ?!

Quoi ? Des moucherons ? Dans sa bouche ? Pourquoi ? Des escargots sous ses poulaines ? Des dents dans sa bouche ? Elle avait encore ses dents alors. C’était déjà ça ! Des dents c’est plus utiles qu’une langue. Fallone passa son doigt sur ses dents, pour enlever les moucherons. Mais elle ne souriait jamais, comment avait-elle fait pour en avoir ? Car oui Fallone était crédule. Extrêmement crédule. Elle prenait tout dans son sens premier. Aussi il n'était pas étonnant qu'elle écoute l'énergumène avec autant de foi que si elle se trouvait devant le Pape lui-même ! S'incliner ? Elle n'en était pas loin. A vrai dire il n'y aurait pas eut cette histoire de Hibou entre elles que Fallone aurait déjà rampé à ses pieds.

Chuis la Sainte Patronne des Bestioles Crevées et chuis là pour vous enseigner c'qu'est Bon et c'qu'est Juste avec nos amis décédés ! Qui a l'cœur assez pur pour m'vénérer ? J'accepte aussi les paiements en liquide.

Fallone s’approcha timidement avant de lever le doigt, puis le baisse hésitante, et le releve enfin. Elle se concentra un moment avant de prendre la parole et quand elle la prit elle bégaya comme jamais.

Tu….tu….tu…..espece….de….de…ssssaaaaa….sale…voleuse….c’est…..mmooo…moonn….hhhiiib….hibou !

Elle pouvait parler elle avait sa langue ! Les autres étaient des menteurs, elle ne l’avait pas perdu. Dans un élan de sureté de soi (si ça se dit d’abord) elle se baissa et ramassa un petit caillou. Oui parce qu’elle n’allait quand même pas prendre un des siens. Quoi que, elle aurait pu balancer George. Elle l’aimait pas George, il causait trop, et il disait n’importe quoi...

C’est ainsi que le caillou partit en direction de la manchote. Comme ça sans plus de raison…
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Minah

Encore haletante d'avoir tant harangué, N'a-qu'une-patte ouvrit son bras et demi, se préparant déjà à endiguer le flot de démonstrations de foi enflammée de ses futurs fidèles. À défaut, elle se mangea une caillasse en pleine goule.

BOIIIIIIIIIINK...!

La foi n'était peut-être pas enflammée, mais elle était sacrément percutante.
Et avec un peu d'imagination, on pouvait affirmer que c'était le caillou qui sonnait creux.

Minah considérait les cailloux dans la goule comme un bon présage. Chaque fois qu'elle en avait reçu un, il s'était passé un truc sympa. La première fois, c'était Scath et elle était entrée à son service comme écuyère, abandonnant un quotidien d'errances et de misère pour une vie d'aventures chevaleresques et de ce qui ressemblait le plus à une famille depuis qu'elle avait quitté la sienne, cette froide nuit de décembre avec mémé Glaviotte sur les talons. La deuxième fois, c'était Yap et elle avait appris que les conneries, c'était quand même vachement bien.

Ce fut donc avec un mélange d'excitation et d'appréhension que la cradingue baissa les mirettes vers la petite chose à couettes blondes qui l'interpellait de si caillouteuse manière.

Tu….tu….tu…..espece….de….de…ssssaaaaa….sale…voleuse….c’est…..mmooo…moonn….hhhiiib….hibou !

Toute la sympathie naissante de la hiboutée de la cervelle envers cette inconnue s'évanouit. Immédiatement. Un tic nerveux agita une de ses paupières pendant qu'un rictus naissait sur ses lèvres.

Comment ! Comment osait-elle ?! Se proclamer propriétaire de Philémon-le-grand-duc-avec-un-trou-dedans ! Là, comme ça ! Vile petite intrigante ! Minah venait juste de récupérer SON Philémon d'amour, son chapeau chéri retrouvé après de déchirantes semaines d'absence ! Et l'autre, là, cette raclure de fond de fosse à purin voulait le lui reprendre ?!
La manchote resta muette un long moment, de rage et d'activité cérébrale inconsidérée pour trouver une façon pacifique de mettre l'impudente plus bas que terre. Si elle se battait, les gens parieraient entre eux sur la gagnante au lieu de lui refiler de l'argent. Et elle tenait vraiment à faire décoller sa carrière de richissime Sainte Patronne.

Euh.

Il était temps d'improviser. Elle se racla la gorge pour se remettre à vociférer.
Ah, si seulement elle avait été sur un tonneau ! Elle aurait bien besoin d'une bonne mirabelle après tout ça !

Euh... Bande de populace ! C'te... c'te donzelle (sale crevure) a raison ! Mais l'a tort ! Paskeuh c'est MON chapeau. Mais l'a raison ! Elle AIME Philémon-le-grand-duc-avec-un-trou-dedans comme si c'était son hibou crevé à elle ! Mais l'est à MOI ! Paskeuh l'a COMPRIS mon message divin ! AIMEZ les bestioles crevées ! Comme si z'étaient à vous, de toute leur âme et de tout leur jus qui suinte ! Même si Philémon l'est à MOI ! Voyez comme ma Révélation Divine lui perturbe la caboche et lui fait dire n'importe quoi ? Mais j'la pardonne paskeuh tell'ment d'lumière intérieure d'un coup, ça cogne grave. Viens à Moi, Ô joyeuse illuminée d'ma Saint'té ! T'as gagné l'droit d'me vénérer et d't'prosterner à mes panards !

Du haut de son perchoir, elle se pencha vers la blonde.

Et si tu m'files cinquante écus d'cotisation au culte d'la Sainte Patronne des Bestioles Crevées, j't'oblige même pô à m'les baiser.
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Ernest_lem

Bordel de merde. Dans quoi s’était-il encore fourré ? Elle était mariée ! Mariée ! Bien sa veine. Pouvait pas porter une alliance comme tout le monde non ? L’homme enfila rapidement ses vêtements avant de filer par la fenêtre, non sans admonester un juron à la femme endormie et dont il entendait le mari rentrer. Heureusement qu’il avait le sommeil léger.
Pour donner le change, et se trouver un alibi fortuit, il s’arrêta devant un spectacle des plus intéressants. Une femme manchote, visiblement trempée dans le derrière du diable vu sa tête, grimpant sur un tonneau, qu’il aurait bien voulu rempli de bière mais elle serait plutôt en train de le percer que de l’escalader si c’avait été le cas.

Oyez, oyez bonnes gens ! Chuis la Sainte Patronne des Bestioles Crevées ! Prosternez-vous d'vant ma Saint'té !

Ernest éclata de rire devant tant d’aplomb. La Sainte Patronne des Bestioles Crevées ! Rien que ça ! Il jeta un regard sur le fessier de la vendeuse de fleurs qui avait vu là l’occasion de se remplir les poches. Devait certainement empester la patronne.
Mains dans les poches, il continua de l’écouter pérorer, observant avec un intérêt grandissant l’espèce de hibou qu’elle portait pour chapeau.

Tu….tu….tu…..espece….de….de…ssssaaaaa….sale…voleuse….c’est…..mmooo…moonn….hhhiiib….hibou !

Un autre bout de femme interrompit la bonne dame, d’un air plus qu’intimidé. Ernest se tourna vers elle, la jaugeant du regard. Hmm… Pas comme ça que tu vas le récupérer ton hibou. Mort qui plus est.
Quel intérêt ! Il n’était même plus bon à porter des plis. Enfin, tout de même assez assurée pour envoyer un caillou en direction de l’arnaqueuse. Aha ! Mais quel était donc cet endroit de fous ? Au lieu de se mettre en colère, la Sainte s’enflamma, déclarant la petite jeune apte à lui baiser les pieds.
Un fou rire le prit, et sa main ne suffit plus à dissimuler le bruit qui s’échappait de son corps par soubresauts. Il s’avança vers elles, fortement amusé.

Hihihi… Qui voudrait baiser des pieds pareils ? Z’êtes pleine de bonté ! 50 écus… Hihihi.

Le ridicule de la situation lui avait presque fait oublier le mari qui devait sans doute s’être mis à comprendre ce qui s’était passé sous son toit.

--Lady_manchabamako

Comme dans tous les villages que j’ai traversés, il n’y a pas grand-chose à faire ici. Alors je déambule à travers les ruelles, ce même petit sourire qui me colle au visage depuis toute petite et qui me donne un air très con. Parait-il que je n’en ai pas que l’air et que je le suis réellement. Mais pour être honnête, je n’en ai pas vraiment l’impression. Certes, je ne brille pas en société par mon intelligence mais je ne suis pas simplette. Ou alors, je n’en ai pas conscience. Lorsque j’en ai parlé à ma mère, elle m’a dit que l’idiot ne savait pas qu’il était idiot : j’en ai déduit qu’ils étaient tous idiots et qu’ils ne le savaient pas. Brillant, hein ?
L’ennui m’envahit et je pousse un long et désespéré soupir. Je frappe dans un caillou qui atterrit quelques mètres plus loin. Des hurlements attirent mon attention. Je n’aime pas les hurlements. Je trouve ça stressant et oppressant. Du coup, je me retrouve stressée et oppressée. J’ai envie de faire demi-tour mais ma curiosité l’emporte et je m’approche, fendant la petite foule qui s’était agglutinée autour d’une sauvageonne. Mes yeux s’écarquillent et je regarde le hibou mort qu’elle a sur la tête. Ça donne un style particulier. Je trouve ça classieux même si la vue et l’odeur de la bête crevée me filent la gerbe. J’admire la manchote lorsqu’une pierre vient la frapper. Vu sa tête, je ne peux m’empêcher d’éclater de rire – façon grosse quiche. Je la montre du doigt en continuant à me gausser. Je me fous ouvertement d’elle. Faut dire que l’action était magnifique. Et plus elle débite ses conneries, plus je me marre. Je ne comprends pas trop ce qu’elle veut, ce qu’elle attend mais ça a l’air de lui tenir à cœur. Allez savoir pourquoi mais je me baisse – de façon très disgracieuse – et je ramasse une pierre pour lui balancer dessus. La pierre en question frôle le visage de la donzelle et moi, je suis toute déçue. Je crois que je voulais attirer son attention comme l’autre. A défaut de la lapider, je m’approche d’elle en sautillant, souriant bêtement. Oui, je suis le genre de fille à sourire tout le temps et pour un rien. Je vois toujours le bon côté des choses et des gens. Tiens, par exemple, le gourou qui se tient en face de moi a une grande bonté d’âme puisqu’elle recueille les corps des animaux morts au lieu de les enterrer comme de vulgaires humains pour ensuite les oublier.
Bref. Je me plante face à elle, toujours ce même sourire bête. Je la regarde un long moment avant de me rappeler que je dois me présenter. Parait-il que ça se fait autant chez les pécores que chez les nobles.

Chui Clitorinne.

Clitorinne recherche son masturbin. Si vous le voyez, prévenez-moi.

Mais t’peux m’appeler Lady Manchabamako.

Parait-il que je postillonne beaucoup en plus d’avoir un accent à couper au couteau. Moi, je n’y crois pas trop à tout ça. Je suis une fille assez distinguée. Je dévisage la donzelle et je lève la tête pour vérifier qu’il ne pleut pas. Je secoue la tête comme pour me remettre les idées en place et je hausse les épaules.

J’ai pas 50 écus mais j’peux t’baiser les pieds pour faire partie d’ton cercle d’hérétiques ?

Minah

Sa Sainteté attendait toujours son dû quand un fou rire éclata dans l'assistance et lui fit lever le groin. Un bougre fendit la populace, venant interrompre l'offrande divine. Minah ne s'en offusqua pas : le bonhomme semblait lui aussi secoué par la puissance de l'Illumination et il fallait être plein de miséricorde pour accueillir ceux qui venaient à elle, terrassés par la bonté de Son Message. Même s'ils semblaient curieusement sarcastiques...

'Videmment que chuis bontéseuse ! Chuis Sainte Patronne, c'est mon boulot, même si j'fais plutôt dans la branche décédée...

Et cinquante écus pour ne pas lui lécher les panards était réellement peu cher payé, une vraie mansuétude, au vu de l'état des petons mignons. Parce qu'il fallait déjà passer outre l'enveloppe protectrice des bottes dégueulasses d'un rouge putassier fourrées aux écureuils morts et que l'odeur des pieds en eux-même vous faisait regretter celle des écureuils. Sans compter les petites formes de vie rigolotes qui prospéraient entre les orteils.

N'a-qu'une-patte se creusait la cervelle à trouver de quoi étoffer son argumentaire et ferrer ce qu'elle considérait déjà comme son futur disciple... et la pluie de postillons arriva, tel un Signe du Grand Patron.

Ah ! S'exclama-t-elle, l'index pointé avec triomphe sur le sceptique. Ah ! T'vois ! On fait la QUEUE pour m'baiser les pieds ! C'est qu'on reconnaît ma Sainteté à sa juste valeur par c'coin-ci.

Son ton s'adoucit pour devenir mielleux au possible tandis qu'elle se tournait vers la bavouilleuse à la drôle de voix.

Bieeeeevenuuuuue parmi nous sœur Clitorinne Manchabalai ! Le Très-Haut et moi-même Sainte Patronne des Bestioles Crevées (va falloir que j'trouve un diminutif...) sommes heureux d'voir qu'ton cœur pur z'et miséricordeux a été touché par Ma Grâce et la Fatalité des machins morts. Ton offrande est acceptée. Tiens, fais-toi plaiz'...

Et, magnanime, mam'zelle hibou crevé agita un arpion à la pestilence toute spirituelle.
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--Lady_manchabamako

Il n’y a aucune queue. Ni devant, ni derrière moi.
La sainte Patronne n’a pas l’air de comprendre que la foule agglutinée autour de nous n’attend pas de lui baiser les pieds ou de lui donner 50 écus pour faire partie de sa secte d’hérétiques. Non, non, ils sont là pour on ne sait quelle raison à nous dévisager. Leur expression faciale passe de la curiosité au dégoût à une vitesse hallucinante et je ne comprends pas très bien pourquoi au début. Je les toise et une odeur fort désagréable vient soudainement violer mon odorat et pénétrer l’intérieur de ma bouche avec violence. C’est affreux ! Jamais je n’avais senti une telle odeur et il me faut tourner la tête vers mon potentiel gourou en devenir pour trouver la source de cette puanteur.
Certes, dans les rues des villes et des villages, ça ne sentait pas toujours très bon mais ça ne puait pas à ce point ! Ça ne vous prenait pas autant aux tripes et ça ne vous agressait pas à ce point. Là, j’ai l’impression que ça me brûle de l’intérieur et que mes organes vont se décomposer. Du coup, je me détourne du pied de la sainte patronne et mets ma main devant mon nez. J’aurais préféré crever que de sentir cela mais le mal est fait. Jamais, ô grand jamais, je ne pourrais embrasser ce truc qui ressemble vaguement à un membre humain et dont les habitants, divers et variés, doivent être tous plus dégueulasses les uns que les autres.
Non, je ne pourrai définitivement pas embrasser ce pied-là, toute quiche que je suis ! Oui, hein, on a beau être con mais faut pas pousser mémé dans les orties.

Hum… Ton peton a l’air délicieusement et savoureusement baisable mais… Dis-je avant de faire quelques pas en arrière pour mettre de la distance entre cette horreur et moi. Mais rien n’y fait. L’odeur reste dans mes narines et dans le fond de ma gorge.
Pourquoi ai-je lâché cela ? Et pourquoi ai-je voulu d’une nouvelle religion avec gourou à la clé ? Ah oui ! Je trouvais le principe de garder une bête crevée pour lui rendre hommage tout à fait noble. Et je voulais aussi changer de religion parce que l’EA est une putain qui nous baise par tous les trous – c’est mon père qu’a dit. Et comme je n’ai pas envie de me faire baiser par tous les trous, je change. Et les bestioles mortes, jusqu’à l’incident du pied, ça me tentait bien. Cela dit, je peux toujours échanger le baiser contre les écus demandés même si je ne voulais pas en arriver là. Comme dirait feu mon frère : j’ai un hérisson dans la bourse et je suis un peu grippe-sou. Je n’ai pas beaucoup d’écus alors je préfère les garder et les planquer même si la plupart du temps, j’oublie où je les cache. Mes écus, je les cache dans des endroits simples en me disant que personne ne penserait à chercher là. Et elles sont tellement simples que je ne pense moi-même pas à aller les rechercher là-bas et au moment où je pense à cela, je n’ai jamais encore pu remettre la main sur la majorité de l’argent caché.
Bref. On s’en fout un peu. Là, le problème c’est que sa nouvelle religion m’intéresse mais je n’ai ni envie de baiser son pied pour y entrer, ni envie de lui donner l’argent qui est mien et que j’ai durement gagné auprès de ces messieurs qui me demandent divers services et qui profitent de ma naïveté – ça, c’est ma mère qui l’a dit.

Euh… alors… J’vais… J’vais y aller, hein ? Et euh… j’vais… aller… J’vais aller voir ailleurs si tu y es… En espérant très sincèrement qu’elle n’y serait pas, hein ? Et je réfléchirai à si je lui donne l’argent ou si je me cherche un autre gourou. Mais c’est con, elle a l’air quand même super sympa comme fille.
Cela dit, ce serait bien que je bouge mais je n’en fais rien : je reste là comme une conne à regarder tout autour de moi en souriant bêtement. Ouais, j’ai des fulgurances parfois… Faites pas attention.
Et après quelques secondes d'un silence absolu, je lui balance tout bas :

Bamako... Moi c'est Manchabamako...

Eli_za_beth

Il y en a une, dans la foule, qui n’avait pas perdu une miette de tout ce qui venait de se passer : Les cailloux, les rires, le pied qui dégoûta Elizabeth ainsi que tous les spectateurs, et la jeune débile qui s’était avancée.
La scène était cocasse et Elizabeth avait ri plus d’une fois face à elles. Elle avait même eu un élan d’inspiration en regardant la pseudo patronne des bêtes crevées. Peut-être qu’il y avait moyen de conclure une affaire. Encore fallait-il être persuasif et ne pas se faire soi-même escroquer. Ouais, Elizabeth était le genre d’escroc qui finissait toujours par se faire baiser. Et dieu seul sait qu’elle essayait toujours de choisir les moins intellectuels, histoire d’éviter ce genre de désagrément.

Blondie joua des coudes pour que les gens s’écartent et libèrent le passage. Elle ne daigna même pas les remercier, les gratifiant d’un regard méprisant. Non pas qu’elle était méprisante, hein ! Mais elle aimait bien faire genre. Ça lui donnait une certaine prestance qui la faisait paraître un peu plus impressionnante qu’elle ne l’était en réalité. Et on avait surtout envie de lui mettre des claques mais elle fermait les yeux sur ce côté-là du mépris.
Bref. On s’en fout.
Elizabeth se dirigea droit vers la Sainte Patronne des Bêtes Crevées – que j’appellerai SPBC sinon c’est long et chiant – et se planta devant elle, virant au passage Lady Manchatruc qui se trouvait droit dans sa ligne de mire.

HERETIQUE !

Oui, comme ça, sans raison aucune. C’est gratuit, ne me remerciez pas.

ESCROC !

Encore, ouais. Normal. Le « hérétique », c’était pour la nouvelle religion. Mais ça, la blonde s’en foutait un peu. Elle aussi, elle aurait bien voulu être le gourou d’une nouvelle secte alors elle ne jugeait pas – sauf si les inquiquineurs se pointaient. Et le « escroc », ce ne fut pas pour les 50 écus ou le baisage de pied. Non, non, du tout. C’était pour son entrée en matière.

On peut pas faire une religion comme ça, sans le DAHU. D.A.H.U. C’est escroquer les fidèles sinan et j’suis sûre que vous pouvez pas escroquer les fidèles, hein ? Vous prendriez pas l’risque d’les voir se détourner d’vous, mh ?
J’vous l’conseille pas en tout cas ! Non parce qu’avec le dahu, vous auriez tellement de succès. Personne a jamais pu chasser le Dahu parce qu’il est mort, ‘voyez ? Mais j’sais où est son cadavre. J’le sais puisque j’le gardais d’côté pour… pour… vous. Oui, Vous en particulier ! V’z’êtes le prophète des bêtes crevées, c’est le Dahu qui m’a menée à lui. En rêve…

Tagueule, Elizabeth… Tu n’es plus crédible, là.
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Ernest_lem

Ah voilà une nouvelle dame de l’ordre de la piétaille qui ramenait son grain de sel. Bientôt ça allait partir en orgie de Gourou fada ce machin. Dubitatif Ernest l’entendit se présenter et manqua s’étouffer. Clitorinne. Un nom des plus… distingués voyez ce que j’veux dire.
Il se pinça les lèvres en l’entendant se surnommer Lady. Ça une Lady ! Lady de la boue peut-être, et avec un accent des plus champêtres qui plus est. Baiser les pieds d’un truc aussi moche et puant ?
Il lui fallait un siège. Il allait finir par s’asseoir sur son derrière à force d’entendre pareilles bêtises.

J’le reconnais z’être très bontéeuse pour les décédés. 50 écus est une somme des plus dérisoires.

Il manqua vomir en voyant la gueule des pieds de St machin truc de la mort, et ne fut pas franchement étonné de voir la dite Lady reculer de dégoût.

Tellement de bonté, qu’vous faites profitez pareil spectacle à la ronde.

HERETIQUE ! ESCROC !

Vous voyez, elle est d’accord.

Son sourire satisfait se figea aussi vite qu’il était apparu en entendant la suite de ce qui suivit la nouvelle arrivée. Perplexe, il se gratta la tête, comme si une idée allait pouvoir sortir et lui expliquer ce méli-mélo à n’en plus finir.

Il avisa le tonneau qui avait servi d’estrade et s’y appuya l’œil des plus interloqués. Voilà qui devrait faire un sacré colportage.

Qu’est-ce que le… dahu ?

Makoo

La rumeur allait bon train dans les taudis et notamment dans ceux de Chinon. En même temps, Mako ne fréquentait que ceux-là, peu enclin à bouger sa carcasse ailleurs, surtout avec la neige qui s'amoncelait à perte de vue. Déjà, il faisait froid et l'hiver n'était pas la saison préférée de celui que les chinonais appelait volontiers "le cul nu"; de plus, la neige avait tendance à lui brûler les pieds. En fait, il ne savait pas si c'était la neige ou la chaleur. Tout ce qu'il remarquait, c'était qu'en passant du froid au chaud, son corps semblait se couvrir d'épines. De fait, Mako, lorsqu'il se rendait en taverne, piquait un sprint en faisant de grandes enjambées, volontairement exagérées, afin d'être le moins possible en contact avec le sol glacé.

Ce jour-là, un collègue voyageur cul nu se présenta dans les taudis. Mako aimait bien les étrangers. Ils ramenaient toujours des tas de ragots avec leurs puces. Il en fut un qui interpella le sac d'os. On parlait d'une prêtresse, Sainte Patronne des Bestioles Crevées, Déesse Manchote qui transformait le pain noir et gigot d'agneau, lisait l'avenir dans la fiente de pigeon et pouvait absoudre les péchés d'un simple attouchement du moignon. Le dernier point fit grimacer Mako mais bon, l'absolution valait bien quelque sacrifice. Ni une ni deux, le jeune homme fit son baluchon. Disons qu'il roula sa paillasse et se la cala sur l'épaule puis partit en quête de la fameuse divinité, presque en pèlerinage.

Le matin, il suivait les mouvements de la brume au-dessus des champs. en journée il suivait le soleil ou un nuage choisit au hasard. La nuit, il se laissait guider par une étoile. Laquelle ? Il n'en savait rien surtout qu'il en changeait à chaque fois qu'il relevait les yeux vers le ciel. Oui, de temps en temps, il baissait le regard pour se concentrer sur sa route. Il aurait été dommage de se prendre un arbre ou un piège à loup par manque d'attention. Autant dire que, si on avait dû tracer sa route sur une carte, elle aurait fait des noeuds avec les yeux de plusieurs personnes. Bon an mal an, Mako arriva à destination. Il posa sa paillasse sur le sol, non loin de l'attroupement, et traîna ses guenilles jusqu'à la divine divinité. Les yeux écarquillés, la bouche ouverte, il fut soudain foudroyé sur place. Il fit le tour de la manchote, l'air complètement niais et se mit à la sentir de loin comme on sentirait un bon plat qui mijote en entrant dans une cuisine.

Crénom ... T'sens la miche d'pain qu'a traîner trop longtemps dans la viscère d'un animal qu'j'arrive pô encore à dire c'que c'est.

Des étoiles dans les yeux, Mako souriait bêtement.

Minah

Les disciples valaient plus rien de nos jours.
Où étaient passés les larbins d'antan, ceux qui s'écrasaient à vos pieds en suintant d'admiration, qui faisaient pont de leur corps quand vous deviez passer un torrent de fange dans cet enfer urbain qu'on appelle villes, qui chantaient des ballades épiques sur votre capacité à ouvrir un pot de cornichons du premier coup, qui pleuraient de gratitude quand vous aviez la bonté d'accepter leur dernier écu, et qui se faisaient cramer à votre place sur le bûcher...?
La hiboutée de la cervelle était désappointée. Pourquoi fallait-il qu'elle se farcisse cette bande de braillards jeteurs de cailloux (une activité très saine et divertissante tant qu'elle n'en était pas la cible) à la place ?!

Sa plénitude se fissura.
Elle jeta Lucius-le-hanneton-séché-à-cinq-pattes droit sur le pif à la donzelle Manchabalaidanlebamako.

HOOOOOOOOOOOOOOONTATOI !!! Paskeuh c'est d'toi qu'la blonde elle cause ! Hérétiiiiiiiiiique ! Illuminée par mon infinie sagesse, tu t'en es détournée ! Pourquoi ? Par CUPIDITÉ ! Par FAIBLESSE ! J'ai testé ta foi et t'as échouéééééééééé !

N'a-qu'une-patte jeta un coup d’œil insistant à la foule.

Hoooouuuuuuuu ! Allez-y bande de populace ! Hooooouuuuu ! Crachez sur l'infidèle ! J'tez-lui vos machins pourris ! Hooouuuuuuu ! Hoou...?

La goule en cul de poule, elle se tut brusquement. Elle avait miraculeusement réussi à entendre les paroles de blondie entre deux beuglements.

Un dahu ? (elle se fit l'écho du premier bougre : ) Ouais, c'quoi ça, un dahu ?

Minah se grattouilla la caboche, faisant gigoter Philémon-le-grand-duc-avec-un-trou-dedans. Une goutte de sueur se détacha de son front et vint creuser un sillon dans la crasse de sa joue. Elle recommençait à réfléchir, et la surchauffe gagnait dangereusement les étages du haut. Ce truc de dahu l'intriguait beaucoup. Surtout si c'était si important pour sa carrière de Sainte Patronne. Les vrais adeptes étaient peut-être cachés avec.

Euh... c'vach'ment gentil tout ça. Et donc... euh... l'est où c'dahu ? T'l'aurais pas ram'né 'vec toi, par hasard ?

Mais la jeune femme n'eut rien besoin de rajouter. La manchote venait d'apercevoir le type qui lui tournait autour. Et il avait cette étincelle dans le regard. Comme si l'Illumination lui avait cogné la cervelle au point que ça lui dégouline par les yeux.

Minah sut. Immédiatement.
Un. Disciple.
Un vrai.

Ben merde. J'crois que j'l'a trouvé, mon dahu. C'est vrai qu'c'est chouette comme bestiau.

Elle eut un gloussement fort peu religieux qui évoquait un peu un cochon qui s'étouffe avec une pomme.

La tripaille, c'doit êt' Firmin-le-chien-qui-perd-des-morceaux, l'a pas fini d'se décomposer. J'te sens percuté par l'Effluve d'ma Grâce, mon gars. Ça t'dirait d'embrasser l'culte d'la Sainte Patronne des Bestioles Crevées ?
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Eli_za_beth

Elizabeth se retourna vers le jeune homme pour le toiser de haut en bas et de bas en haut. Lui, au moins, il ne ferait pas foirer son plan.
S’apprêtant à expliquer ce qu’était le Dahu, un autre homme la coupa dans son élan en s’approchant de la SPBC. Elle le regarda, toute interloquée qu’elle était avant de le pousser gentiment.

Chacun son tour, mon gars ! Et là, c’était le mien.

La blonde se racla la gorge et regarda donc la SPBC, essayant de faire abstraction de l’odeur de décomposition qui émanait de son hibou crevé.

Et avant que j’oublie, c’est toi l’hérétique et l’escroc !

Après quelques secondes de silence, Elizabeth reprit.

Oui, et donc, le Dahu est un animal très rare et unique en son genre qui vit dans les montagnes franc-comtoises. Deux de ses pattes sont plus courtes que les autres parce qu’il ne marche que sur des pentes. – ou un truc du genre. Voilà longtemps qu’on lui avait parlé du Dahu et elle ne se souvenait pas de tous les détails mais le principal était là. La blonde commença à décrire l’animal et finit par dire qu’il y avait deux sortes de Dahu : celui qui vivant sur le versant droit d’une colline et qui avait donc les deux pattes gauches plus courtes que les droites et celui qui vivait sur le versant gauche d’une colline et dont les pattes droites étaient plus courtes. La jeune femme était plutôt convaincante et vendait son animal imaginaire avec vigueur.

Et donc, si t’as pas cet animal, alors t’es pas une Sainte Patronne mais une escroc. Et tu n’es pas Celle-dont-la-prophétie-parle.

Autant en rajouter, n’est-ce pas ?

Mais... mais tu m'as l'air pleine de bon sens alors j'suis sûre qu'le rêve qu'le Dahu m'a envoyé, c'était pour que j'conduise son cadavre à toi ! Et donc, j'suis à peu près sûre que t'es Celle-dont-la-prophétie-parle... Sauf si tu veux pas du Dahu. Mais si t'en veux bien, tu feras fureur... Finit-elle par ajouter en regardant la SPBC avec un petit sourire. Elle gardait l'annonce du prix pour plus tard. Fallait déjà lui donner l'envie d'avoir envie du Dahu...
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--Lady_manchabamako

Quand la Sainte Patronne au hibou mort me tej’ un insecte à la figure, je me recule épouvantée. Il y a beaucoup de choses que je peux supporter mais ça, c’est au-dessus de mes forces. Prises d’épouvantables frissons, je me mets à me secouer en contractant tous mes muscles. J’ai l’air d’une débile mais j’ai l’habitude alors ça ne me perturbe pas tant que ça. Et je m’apprête à riposter lorsqu’une blondasse m’évince alors que la Sainte Patronne hurle. Du coup, je suis le mouvement et je me mets à hurler aussi. Sauf que je crie à plein poumon sur cette grognasse de blonde qui m’ignore totalement. Et plus elle m’ignore, plus je monte dans les tons. Ma voix est agaçante, perçante, aigüe et pourrait perforer les tympans de quiconque se trouverait à 1 kilomètre à la ronde.

Sur la place, c’est l’apocalypse. C’est un gros bordel où l’on hurle comme des putois. Enfin, moi, je suis surtout la majorité. La majorité étant la Sainte Patronne des Bêtes Crevées à mes yeux, je fais comme elle. Après tout, si elle doit devenir mon gourou, autant que je prenne exemple sur elle.
Le bruit s’apaise et ça fait du bien. J’arrête aussi et j’écoute la blonde qui a éveillé ma curiosité et mon intérêt. Jamais je n’avais entendu parler de ce Dahu. Un peu comme tous les autres qui la questionnaient à ce sujet. J’écoute avec attention et je me surprends à la croire, acquiesçant. C’est vrai qu’avec un truc comme cet animal, elle ferait un malheur. Du coup, j’approuve la blonde. Je ne sais pas vraiment pourquoi je le fais mais je le fais. Ce n’est pas comme si je ne connaissais pas le Dahu mais presque, hein ?

Moi, j’te baise mille fois les pieds si t’es l’prophète du Dahu. Dis-je en regrettant immédiatement mes paroles. Non, je n’ai même pas eu envie de les baiser une fois alors pensez bien que mille, ça va être mission impotib’ ! La blonde se retourne vers moi et me gratifie d’un sourire. Je ne lui rends pas parce qu’elle m’a poussée et, pour toute réponse, je meugle. Oui, certaines personnes grognent, et bien moi, j’ai décidé de meugler !
Mais bref. Nous ne sommes pas là pour discuter des différents cris animaux que l’humain à choisi d’imiter dans toutes sortes de situations.

La blonde me regarde étrangement et je hausse les épaules. J’ai eu l’air con à meugler mais je le dis et le redis : j’ai l’habitude.
Et de mon air quiquiche quotidien, je regarde tantôt la Sainte Patronne, tantôt la blondasse. L’attente est insoutenable. Que va-t-il se passer ? La SPBC est-elle bien le prophète ? La blonde va-t-elle lui ramener le Dahu ?

Ernest_lem

A la scène comique, cela virait à des échanges des plus intriguants entre fous de toute espèce. Ernest se gratta la tête, machinalement, en proie à un mystère des plus prenants. Comment un humain normalement constitué pouvait arriver à des scénarios aussi… peu communs ?
Il observa un long moment la scène, tentant de distinguer la farce de la réalité, mais tous les bougres avaient l’air durement convaincu par ce qu’ils racontaient. Le pire était sans doute l’étoile d’admiration dans les yeux du dernier énergumène. Là, on touchait le pompom.

'Ça t'dirait d'embrasser l'culte d'la Sainte Patronne des Bestioles Crevées ?'

Comment ça embrasser vot’e cul ?

Ne put s’empêcher de clamer Ernest, qui de l’hilarité commençait à se dire qu’il avait le don de se trouver toute sorte de fous dans ce monde de folie. L’a du fumer un truc par passivité. Ou alors c’est tout ceux-là.

C’pas qu’il est pas beau, hein… mais bon…

Tenta-t-il de se rattraper. Il ne le ferait pour rien au monde lui. C’là que la blonde se mit à expliquer l’histoire du Dahu.
Ah très rare et sans doute unique, parce qu’il n’en avait jamais croisé dans aucune montagne d’aucune sorte.

Pourquoi qui s’tourne pas vot’e Dahu plutôt qu’d’marcher chacun de son côté de la colline ?

Colline, montagne… du pareil au même. Surtout dans pareille conversation à vrai dire. M’enfin c’était une distraction bienvenue dans sa vie des plus routinières.

Prophète… ça j’demande à voir !

Il repartit dans un grand éclat de rire. Ça ! Qui pue à des lieues ! Crade comme du purin ! Prophète ! L’es bien bonne.

Minah

Minah songea un instant que la Grand Patron la mettait à l'épreuve.
Elle n'avait jamais douté de sa Vocation. Sa Sainteté lui était apparue comme une évidence dès l'instant où elle avait recueilli Rodolphe-le-pigeon-mort, son premier ami très décédé. Les morts ne posaient pas de problème. Ils mouftaient pas et se contentaient de se putréfier bien gentiment. Les vivants, en revanche...

… Ce serait bien qu'ils soient morts !
Surtout cette sale blondasse qui sapait l'Autorité qu'elle n'avait pas encore.

Euh. Ouais. Bien sûr, la prophétie... fit-elle comme si elle savait de quoi elle parlait. C'est d'moi qu'ça cause, pour sûr.

Elle jeta des petits coups d’œil paniqués sur les côtés, espérant qu'un gentil Disciple lui file un coup de main, mais le seul disponible semblait encore plongé dans la Béatitude de l'Illumination et N'a-qu'une-patte espérait très fort que la cervelle ne lui ait pas coulé par les oreilles. Ce genre de choses arrive si vite.

J'accueille tous les machins morts, même quand y sont pas finis d'un côté. Ce s'rait un honneur d'avoir l'Dahu sous mon aile. 'Fin, celles de Philémon, quoi.

Mais venons-en au fait.

Et l'est où, alors ? Il attend dans un coin ?

Elle tendit le cou, comme si elle espérait vraiment voir le cadavre d'une bestiole mythique lui faire coucou dans la foule.
Comme elle ne voyait rien et qu'on l'interpellait encore, elle haussa un groin dédaigneux en direction du gouailleur.

L'est PARFAIT, mon cul !

De fait, la nature l'avait dotée de hanches aptes à pondre des jumeaux de front et les miches qui s'y accrochaient ne dépareillaient pas. Des années de privations, de corvées, d'exercices, et de voyages à pattes ou à cheval les avaient rendues capables d'écraser une noix d'une simple pression du popotin. Il est à chacun de juger la perfection esthétique, mais il fallait avouer que ce derche-là battait des records en bien des matières. Dont l'odeur faisait évidemment partie.

Même que si j'te l'montrais, tu m'supplierais d'avoir l'privilège d'le tâter d'la langue ! Mais t'en es pas digne, mécréant !

Y'en a qu'ont de la chance, hein...?
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En odeur de Sainteté

Elhora

Un large sourire étira les carmines de l’intrigante, en même temps qu’elle reculait de quelques pas, délicieusement impressionnée par l’imprécision du postillonnage minahesque. Sa maternelle ne survivrait pas une seconde à un tel arrosage ! Mentalement, l’ingrate calculait déjà à quelle distance elle devrait positionner sa vieille de la Sainte Patronne des Bestioles Crevées pour être certaine que l’attaque lui serait fatale.

Mais tout de suite votre Sainteté ! Tout de suite !

L’orgueilleuse posa un regard méprisant sur la pauvre fille dans son dos et sa marchandise avariée.

Vous n’avez pas de dernières affaires à régler ? Quelques … effets à faire empaqueter ? Des fidèles à avertir ? N’hésitez pas, vous avez tout votre temps. Nous partons dans une heure.

L’empressée s’était déjà désintéressée de la scène se jouant sur la place pour prévoir l’insertion de l’odorante sainte dans l’équipage paternel.

Une cargaison de peaux de chèvres me semble-t-il … Ces choses-là exhalent si fort qu’elle devrait s’y sentir à son aise et que nul ne devrait la fleurer elle. Quoique … Pour la nourriture, je justifierai l’adoption d’un chiot de passage pour alléger le poids du mariage à venir. Quoiqu’elle doit manger plus qu’un bébé chien …

Les idées fusaient de la caboche brune tandis qu’Elhora s’apprêtait à rejoindre l’auberge où logeait la troupe marchande de son père. Elle tournait les talons quand un détail d’importance la retint, faisant virevolter autours de sa haute silhouette le rideau auburn de sa chevelure.

J’allais oublier … Où dois-je vous faire chercher ?

Eli_za_beth

--Lady_manchabamako

Ernest_lem

Minah

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Eli_za_beth

Pourquoi ? Et bien parce que…

Ah ça, elle n’en savait fichtre rien, la blonde.
C’était une légende qu’on lui avait contée il y a fort longtemps et elle n’avait pas pensé à poser cette question. Peut-être aurait-elle dû. Cela lui aurait évité l’embarras de ne pas pouvoir répondre à une question sur le « produit » qu’elle vendait.
Blondie réfléchit, continuant à bafouiller jusqu’à ce que la SPBC la coupe. D’habitude, elle lui aurait répliqué sèchement d’attendre qu’elle ait fini de parler avant de l’ouvrir mais aujourd’hui, ça l’arrangeait tellement qu’elle passa outre.

Ouais, il attend dans un coin… Quequ’part là-bas.

Et elle montra une direction au hasard du doigt, enchaînant assez vite pour que Minah n’ait pas l’idée de suivre la direction pointée du doigt.

Pour 500 écus, j’te l’rapporte. C’est l’Dahu qui fixe les prix. C’pas moi, hein ?

Bah non, bien sûr. Elle n’oserait pas, pensez-vous !
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Minah

Intérieurement, N'a-qu'une-patte exultait. Le type était peut-être un emmerdeur fini question religion, mais l'évidence de sa perfection fessière l'avait rendu muet. Et toc ! Mais passons la question de la suprématie popotincière et revenons-en à nos moutons... euh fidèles, et comment les faire suivre plus efficacement Lebergier (car tel était le blaze minahesque).

Et ses rêves volèrent en éclat.

Ah... Y'a... y'a un prix ?

Quel corniaud, ce Dahu !

Nan mais sinan chuis assez costaud pour l'faire moi-même, hein, si c'est que pour aller l'chercher. J'ai un ch'val pis une charrette.

Puis, comme sa curiosité dévorante compensait assez son manque de matière grise, elle ajouta :

Mais il compte en faire quoi d'tout cet argent ? S'il est mort et si c't'une bestiole l'en a pas b'soin, nan ? Y voudrait pas juste êt' miséricordieux pis bienveillant envers nos pauv' amis très décédés en s'offrant gratuit'ment ?

Minah planta un regard noisette, franchement con et légèrement implorant dans celui de la blonde.
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Eli_za_beth

Mais oui, bien sûr qu’il y a un prix. Dit-elle comme si c’était une évidence, levant les yeux au ciel.
De nos jours, les gens voulaient tout avoir sans en payer le prix. Et cela exaspérait la blondinette en plus de baisser considérablement ses revenus. Ouais, parce que du coup, histoire de se faire un peu de blé, elle était obligée de baisser les prix de ses « marchandises » et elle perdait bien une centaine d’écus à chaque fois. Mais bien sûr, fallait-il encore qu’elle arrive à faire gober ses histoires mirobolantes aux pigeons qu’elle choisissait soigneusement.

Ah mais nan, ça marche pas co’ça.
Suffit pas d’juste aller l’chercher. L’Dahu, c’pas gratuit. Faut payer pour… son âme. Ouais ! Ouais, walà, c’est ça. Faut payer pour son âme !

Blondie se racla la gorge et regarda la SPBC un long moment avant de reprendre.

Nan pis faut payer son messager aussi.
Mais j’peux baisser un peu l’prix du message et vous l’faire à 350 au lieu de 500. Ah… Ma bonté d’âme me perdra !

Eli se tut et fit un joli sourire Colgate à Minah, ajoutant tout de même qu’elle ne pourrait pas aller chercher le Dahu étant donné qu’elle seule savait où était le cadavre et qu’elle ne pouvait pas le dire parce que c’était secret.
Et maintenant, il n’y avait plus qu’à espérer que la Sainte Patronne soit assez bête pour avaler les bobards de la blondinette.
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Minah

Minah fixait Elizabeth d'un regard fixe et vide, une légère pellicule de bave au coin de ses lèvres entrouvertes. La conversation devenait douloureuse pour elle, bien plus qu'un caillou dans la goule.

Hmm, finit-elle par lâcher au bout d'un moment. Ben z'êtes une messagère sacrément ben payée même 'vec la réduc', hein... D'mon temps, on avait un denier pour porter un courrier.

Fallait gagner du temps.

N'a-qu'une-patte voulait vraiment le Dahu parce que sa carrière de Sainte Patronne semblait sacrément prendre la flotte et la flotte, c'était bon rien qu'à choper la chiasse. Sauf que vous imaginiez bien qu'elle n'avait pas un écu en poche. La collection d'animaux morts n'était pas une activité très payante pour l'instant et en tant qu'écuyère, on la payait à coups de pied (si Minah avait eu connaissance des métaphores, elle aurait aimé que c'en soit une...).

Euh... 'Coutez m'dame la messagère du Dahu... J'comprends ben qu'vous faites un gros sacrifice, là...

On entendait racler ses méninges entre elles.

Mon culte il a pas un but lustra... lacru... lucrav... Rah ! Faichier ! L'a rin à voir 'vec l'argent, quoi (mon cul !). C'qui nous importe ( nous = elle, quoi), c'pas la gloire pis s'rouler dans les écus pis péter dans la soie. C'qui importe, c'est la paix dans la mort d'nos chers amis très décédés paskils le méritent. Si vot' ami Dahu il a l'cœur tout pourri ben à la bonne place comme que j'crois, y comprendra.

Petit sourire de démente qui se voulait encourageant.

Si vous v'lez, j'vous offre une paire de boucles d'oreille en scarabées morts. Très jolie, ça change de couleur 'vec la lumière. On tope-là ?

La manchote tendit son unique paluche ouverte à la blonde.
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Eli_za_beth

Bien payée, bien payée… Répéta-t-elle en faisant la moue. Elle sacrifiait tout-de-même 150 écus alors qu’elle devait aller tuer un daim et l’amputer d’une partie de deux de ses pattes. Cela lui prendrait du temps et son temps, c’était de l’argent. Alors ouais, elle faisait un énorme sacrifice et pour bien le faire comprendre à son interlocutrice, elle soupira longuement et exagérément.
Pour Elizabeth, c’était un peu de l’abus – oui, c’est l’hôpital qui se fout de la charité – elle donnait limite le Dahu à la manchote et elle continuait à marchander. Jamais contents, ces gens… Il leur en fallait toujours plus.
Sa première réaction fut de faire un bruit de feuilles qui bruissent – « tssss », donc. Puis elle secoua la tête de gauche à droite et de droite à gauche, levant les yeux au ciel.

Vous vous foutez pas un peu d’moi, là ?
V’z’avez d’mandé à des gens 50 écus pour vous baiser les pieds. Moi, perso, j’vous en aurais pris 500 rien qu’pour m’l’avoir demandé. Oui, oui, Elizabeth faisait partie de ces gens qui trouvaient n’importe quel prétexte pour se faire du blé. Et sinon, elle n’était absolument pas vénale. Pas du tout, du tout. Mais vos animaux morts, ils trouv’ront pas la paix. L’passeur du reposage en paix, c’est l’Dahu. Et faut bien payer pour faire passer les z’animaux morts dans un monde meilleur et haut en couleurs, toussa, toussa.

Elizabeth plissa les yeux à la proposition de Minah. Une… paire… de boucles d’oreille… en scarabées morts. La blonde la regarda, un brin dubitative. Elle ne pourrait jamais revendre ces horreurs… Quoi que sur un malentendu, ça pouvait marcher.

355 écus et la paire de boucles d’oreille. Sans l’Dahu, v’z’êtes perdue. Mais, genre vraiment. Les 355 plaies d’Egypte – c’est le prénom du Dahu – s’abattront sur vous. On peut pas s’dire prophète des bêtes crevées sans lui t’sais !
Marché conclu ?
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--Lady_manchabamako

Le Dahu…
Voilà un nom d’animal qui attise vraiment la curiosité de Clitorinne et qui résonne en elle. La résonnance est creuse, je vous l’accorde mais elle est bien là. Elle est pendue aux lèvres de la blonde. Pourtant, tout ce qu’elle sort est de plus en plus grotesque et ça tend à se transformer en grand n’importe quoi. N’importe qui aurait arrêté de la croire mais pas Lady, de plus en plus envieuse de rencontrer le cadavérique Dahu.
Lady est un peu jalouse que Minah soit la prophétesse. Elle aussi, elle aimerait bien être quelqu’un d’important et avoir sa place dans la société. Elle n’étincèle que par son incroyable débilité et on la met souvent de côté. Mais peut-être qu’elle pourrait devenir le bras gauche de Minah, voire le futur prophète si Minah tombe malencontreusement d’une falaise. Ce sont des choses qui arrivent, hein ? Bawé, un accident est si vite arrivé… On se promène, on est heureux et BIM! on se retrouve gisant au pied d’une falaise façon pomme-de-terre qui serait passée dans un presse-purée.

Toute à ses pensées sociopathes, Lady décroche de la conversation. Elle se voit haranguer les foules, levant au-dessus de sa tête le corps mort du Dahu et se faire applaudir, vénérer et… oh, des boucles d’oreille en scarabées morts ?

Je peux en avoir aussi ?

Minah

Au « tsss » de la blonde, N'a-que-patte lâcha un « hrrrrrrrrrfffff ! » contrarié et baissa sa paluche tendue. Après la déconfiture des disciples légendaires, la sainte Patronne voyait s'éloigner à petits bonds inégaux sa relique tant vantée. L'emmerdeuse était dure en affaires, mais il fallait s'accrocher une dernière fois...

Nan, z'auriez payé tout ça d'écus pour avoir l'honneur d'me baiser l'panard ?!

Elle résista au besoin urgent de compter 500 écus sur les doigts de la menotte (z'et des pieds pour palier la pénurie de main), parce qu'elle avait du mal à imaginer combien ça faisait. Sans doute assez de doigts pour se curer le nez jusqu'à la quinzième génération.

Ben 'écoutez, on peut s'arranger. V'là mon pied (elle joignit le geste à la parole). Filez-moi les cinq cent écus écus et j'vous en rend trois cent cinquante pour l'Dahu ! C'pas beau la vie ?

Son sourire édenté illuminait un visage pourtant noir de crasse. Tout était résolu !

J'ai eu vach'ment peur qu'on trouve pas d'solution, avoua-t-elle dans son bonheur, paskeuh j'ai pas un denier en poche !

Elle se tourna vers Manchabalaidanslebamako, rayonnante de Béate Sainteté.

Mais ben sûre ma nouvelle disciple ! Tiens, en v'là comme cadeau d'bienv'nue dans l'culte d'la Sainte Patronne des Bestioles Crevées ! Faut serrer très fort les pinces cont' le lobe d'ses oreilles. Ç'pique un peu au début, mais si les oreilles d'viennent pas noire et pis tombent pô, c'est bon !

Et encore une fois fidèle à sa Parole, la manchote plongea la patte dans une de ses poches pour en extraire deux scarabées tout secs mais aux ailes joliment moirées.
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Eli_za_beth

Q… Quoi ?! Mais… Mais non, voyons ! S’écria-t-elle en se détournant du pied qu’on lui présentait. Elle eut même un petit mouvement de recul, bousculant Lady Machin au passage. Et le pire, dans cette bousculade, c’est que la blonde l’engueula en lui disant qu’elle pouvait « QUAND MEME faire attention, hein ! »
Ah ces gens… De nos jours, ils ne font plus aucun effort.

Vous m’l’a faites à l’envers là.
D’jà, j’baiserai pas vos pieds et ensuite… J’baiserai pas vos pieds ! Pis… Pis… V’z’aurez sept ans d’malheur si vous arpenter les routes en disant v’z’êtes le prophète. Vos membres vont pourrir et tomber un à un. Et j’parle même pas d’vot’ peau ! Et les boutons su’l’visage.

La blondinette se tut, regarda Minah et fronça les sourcils.

R’marquez, ça pourrait p’têt’ donner queque’chose de beau, hein ?
Peu importe… J’baisse le prix à 250 écus et vot’ disciple une fois de temps en temps quand j’ai b’soin d’elle pour mes… p’tites affaires…

Entendez par « petites affaires » des livraisons, des arnaques, du vol, toussa, toussa. N’y voyez rien de tendancieux, hein ?

C’ma dernière offre… Après, j’offrirai l’opportunité à quelqu’un d’autre.
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Minah

À l'envers ?! N'importe quoi ! Baiser mes pieds c'tait vot' idée pis d'un coup vous r'fusez ! À l'envers, quoi... Tss !

Minah n'avait pas la moindre idée de ce que ça voulait dire et elle avait du mal à visualiser la chose autrement qu'en vision de culbutes cochonnes. En tout cas, elle avait pigé qu'il n'y avait pas de Dahu ni de léchouillage de panard à la clé et qu'il fallait s'en indigner.
Mais son indignation fut de courte durée aux paroles de la blonde.

N'a-qu'une-patte pâlit sous sa crasse.
Une malédiction, les membres qui pourrissent et qui tombent, la goule ravagée par les pustules... L'image remuait de sales souvenirs relégués, enchaînés très, très profondément dans la mémoire minahesque. La ruelle obscure. Les serres tordus du monstre sur son cou. La peur, la rage. La douleur. Le sang. La honte. L'oubli.
Le sang battait à ses temps, son souffle se fit sporadique. D'un œil vif, alerte, elle balaya la foule du regard en quête de son monstre familier, espérant et redoutant apercevoir sa silhouette malade, ses yeux fous, le sourire et le sang sur ses lèvres.

Après un moment d'absence, elle se gratta le moignon, luttant contre sa vue qui se brouillait pour se focaliser à nouveau sur la Messagère du Dahu.

Je... euh. J.

Elle déglutit. Fronça les sourcils. Carra les épaules, même celle à laquelle pendait ce qui lui restait de bras droit, inutile et inepte. Pas du genre à abandonner la gueuse.
Elle ne pouvait abandonner sa vocation de Sainte Patronne. Elle le sentait dans ses tripes (et surtout dans les tripes de ses protégés). Et elle ne pouvait pas faire sans le Dahu, apparemment. Qu'elle ne pouvait pas avoir, faute d'espèces sonnantes et trébuchantes.

Soit ! Mais j'veux l'Dahu avant d'payer !

Gagner du temps. Si elle ne pouvait l'acheter, elle pouvait toujours le voler.
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Eli_za_beth

Exaspérée, la blondinette brassa l’air avec sa main. Peu importe !
Avec ses menaces de malédiction, Elizabeth avait tapé fort et juste. Elle remarqua le teint blême de la SPBC et jubila intérieurement, gardant son air grave. Montrer la satisfaction de sa petite victoire la trahirait et adieu les écus !
Les écus… elle les adorait et les adulait. Elle aurait pu vendre père et mère pour un baquet rempli de ces pièces. Se baigner dedans était l’un des buts de sa vie – l’autre étant d’acquérir un fief, histoire d’avoir la mainmise sur ses sujets.
L’espace d’un instant, Elizabeth fut totalement ailleurs. L’œil pétillant et l’air rêveur, elle partit loin, très loin, dans ce monde où elle était papesse, riche, adulée et adorée de tous. Ce monde où elle avait tellement de pièce qu’elle ne pouvait plus ni les stocker, ni les dépenser en totalité. Et puis elle revint à la réalité, tirée de ses rêveries par la voix de la Sainte Patronne et de sa proposition outrageante.

Quoi ?! Mais… Mais nan ! Nan, nan, nan ! Faut payer avant d’avoir le Dahu.

A cours de conneries à sortir et de malédiction à inventer, Elizabeth resta un moment pantoise à scruter Minah. Quelque chose lui disait qu’elle ne lâcherait pas le morceau et qu’elle ne paierait qu’avant d’avoir l’animal sous les yeux. Et elle n’imaginait pas une minute qu’elle pourrait se faire voler son gagne-pain.

Mhm… Bon… Pourquoi pas… Vous paierez une fois que vous l’aurez sous les yeux. Mais tant qu’j’ai pas l’argent, v’pouvez toujours rêver pour l’approcher, hein ?

La blonde regarda tout autour d’elle. Il n’y avait plus eu aucune réaction depuis un moment. Alors soit la négociation fut des plus soporifiques, soit elle fut excitante et prenante. Elle finit par hausser les épaules, limite en les snobant. Puis elle se tourna de nouveau vers Minah.

Marché conclu ?

Et de serrer son moignon avant qu’elle n’ait pu dire un mot. C’est que la blonde avait du travail et des gens à embaucher pour tuer un daim et lui raccourcir les pattes. Après, il fallait le laisser pourrir pour embaumer l’air environnant d’une odeur putride et nauséabonde. Ouais, c’était du travail tout ça… Beaucoup de temps à consacrer à sa quête et le temps, c’est de l’argent !

J’ai une longue route alors je vais peut-être y aller… Je vous recontacterai. Par contre, étant donné que j’vous ai fait un prix, j’vous emprunte vot’ disciple pour une mission d’la plus haute importance.

Elle montra la Lady truc du menton et attendit la réponse de Minah avant de tourner les talons pour trouver le Saint Graal du moment.
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Minah

La manchote tendait déjà son unique paluche pour conclure le marché, mais la blonde lui serrait déjà le moignon. Les gens avaient parfois de drôles d'idées, mais Minah évita de contrarier la Messagère du Dahu, de peur qu'elle ne change d'avis.

Marché conclu ! Chuis tout l'temps là à exercer ma fonction divine, v'pourrez m'contacter dès qu'le Dahu est prêt !

Court silence.

Euh, c'est obligé, la disciple ? Bon...

À peine en avait-elle une qu'on la lui piquait ! Décidément, la Sainteté n'avait rien de facile ! À ce train-là, elle allait finir Martyre !
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Eli_za_beth

Les semaines étaient passées sans qu’Elizabeth ne se mette en quête d’un daim.
Il y avait eu la politique et la religion qui lui avaient pris tout son temps. Et puis l’arrivée de Svan à qui elle avait choisi de donner tout ce temps qu’elle perdait dans les deux autres domaines cités.
Du coup, un beau jour, elle se décida à se foutre un coup de pied dans le derche pour se bouger et chasser un quelconque animal qui ressemblerait de près ou de loin à un cerf, un daim, un bouc ou autre animal qui pourrait prétendre au statut de bête légendaire. Mais le seul problème là-dedans, c’est que la blonde ne savait pas chasser. Et puis elle avait interdiction d’utiliser une arme. C’était con. Très, très con. Alors elle envoya son fidèle Firmain qui partit sur le champ, tout content de quitter cette foutue taverne et cette patronne qui l’insupportait de plus en plus.
L’homme revint quelques heures plus tard avec… une chèvre !

Une… Une chèvre ?! Mais tu t’fous d’moi, là ?! J’suis censée rapporter un animal légendaire et tu m’ramènes une chèvre ?!

Qu’il est con, ce Firmain.

Bon c’pas grave… On va faire avec, hein ?

La blondinette lui demanda « gentiment » de couper ses pattes gauches et de laisser celles de droite intacte. Elle laisserait ensuite le cadavre se décomposer pendant quelques semaines encore avant de l’emmener à Minah. Ou plutôt, Lady le ferait… Ouais, parce qu’Elizabeth était bien trop précieuse pour traîner un truc qui puait la mort derrière elle.

Quelques semaines plus tard, la diaconnasse envoya donc Lady et le « Dahu » à la recherche de Minah. Elle suivrait de loin. De très, très loin.
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Elhora

A l’appel de la Sainte, l’impatiente fronça son joli nez, prit son courage à deux poings serrés et s’avança vers le petit groupe. Des plis se creusèrent entre ses sourcils tant le cumul des odeurs était devenu insoutenable et elle songea qu’il lui faudrait quand même trouver une PPR, ou Parade Personnelle Rapprochée, pour lutter contre les relents de son Auguste Nouveauté.
L’importune n’étant absolument pas au courant des transactions en cours entre la Bienheureuse Bestiole et la Brave Pauvresse, ni même de la nature de ces dernières, elle ne dissimula rien de son haut-le-cœur en comprenant que Minah souhaitait s’encombrer de la Pourriture Découpée.

Ca ? Une relique ? Elle ressemble sacrément aux cadavres de chèvres que mon père fait expulser de ses cargaisons quand le voyage a été trop long et difficile …

Vivants ou morts, l’hautaine ne se préoccupait pas tellement du bien-être animal. La question finirait peut-être un jour par soulever les foules, mais pour l’heure il lui semblait inopportun de mélanger un corps en décomposition, certainement porteur de toutes sortes de maladies, avec un chargement de bétail sain. En même temps, ce n’était pas le moment de vexer son Sacro-saint Tourment alors qu’il venait d’accepter de la suivre sans rien demander de plus qu’un peu de reconnaissance.

Votre Sainteté je vous demande de pardonner mon irrespect à la mémoire des corps de ces êtres si fragiles que sont les bestioles crevées.

La nuque gracile s’inclina, provoquant une cascade de soie auburn autours du visage de l’hypocrite.

En vérité, je ne suis encore qu’une pécheresse au regard de votre belle religion, mais j’ai néanmoins des yeux capables de distinguer que ce pauvre cadavre a été outrageusement mutilé ! Notez donc ces blessures si nettes au niveau des pattes. Ni sabot, ni doigts, ni rien du tout ! Cet animal marchait donc sur des moignons de son vivant ? Je m’en remets bien sûr à Votre jugement, mais je vous conjure de ne pas baser votre Souveraine Sainteté sur une arnaque à la relique comme on en voit à tous les coins de rues !

Sur ces derniers mots, et malgré que l’arme n’ait pas encore était vulgarisée à l’époque, les turquoises fusillèrent la Lady. Le temps pressait, et il lui semblait urgent de pressionner un peu la Clitorinne, histoire qu'elle décampe avec son sac à mouches le plus vite possible.

Lady_Manchabamako, incarné par Eli_za_beth

Clitorinne traîne encore et encore l’immonde cadavre du « Dahu » derrière elle alors qu’Elizabeth est loin derrière. Loin du doux parfum de putréfaction qui manque de faire vomir la petite brune à plusieurs reprises.
Heureusement, la SPBC n’est plus très loin. Il lui faut faire un effort surhumain pour arriver vers elle. Mais elle manque de se casser la gueule lorsque quelqu’un se met sur son chemin.

Non mais ça va pas de passer devant les gens comme ça ?!

Non mais…

Mais poussez-vous ! J’ai une livraison d’une très haute importance à faire.

Et sur ces mots, Clitorinne avance d’un pas décidé vers Minah. Elle lâche le pseudo-dahu et va vomir un peu plus loin avant de revenir vers la Sainte Patronne, des morceaux de vomi sur le coin de la bouche et l’haleine chargée.

C’est 500 écus !

Et se tournant vers la nana qui avait manqué de la faire tomber :

MAIS ARRETEZ DE GUEULER BORDEL !

Minah

Minah ne se sentait plus. Enfin encore moins que d'habitude s'entend, ce qui vu ses effluves n'était pas plus mal. Elle parlait et la donzelle écoutait sans se remettre à vociférer, ni même à lui faire un don express en projectile. La Félicité. C'était divin !
La future disciple semblait même intéressée au point de chercher à en savoir plus.

Une... une conversion... à domicile ?! Couina une N'a-qu'une-patte au comble de l'extase.

Elle s'assit sur sa caisse pour éviter de défaillir et se rapprocher un peu de sa brebis qui trouvait le chemin. Étrange qu'elle ne veuille pas s'approcher un peu plus... Ça aurait été plus simple pour discuter.

Ouijfaislesconversionsàdomicile !!

Le ton est précipité, presque crié, carrément enthousiaste.
Fallait pas laisser le temps à l'interlocutrice de changer d'avis ! Précaution inutile puisque cette dernière enchaînait sur des offres allant au-delà de ses plus ferventes espérances.
Une chapelle privative... L'entretien de sa personne... Enfin sa patience et son auto-dévotion avaient été récompensées !

Minah s'aperçut un peu tard qu'elle avait gardé longtemps le silence, et qu'un filet de bave commençait à poindre au coin de ses lippes. Elle s'essuya d'un revers du moignon.

Parfait ! On commence quand ?

Elle se frotterait bien les mains si elle en avait deux.
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Minah

[Quelques temps plus tard, donc]

Comme promis, au grand dam des habitants du coin, la Sainte Patronne des Bestioles Crevées était toujours à son poste sur la place du village. L'absence totale d'adoration à son égard avait eu raison de sa véhémence pour l'instant, aussi était-elle perchée le cul sur sa caisse à la con, jambes ballantes dans le vide et index dans la narine.
La place s'était considérablement clairsemée au fil des jours de sa présence et elle commençait à se faire chier.

La veille, les rares passants l'avaient tellement bombardée de légumes pourris et de caillasses qu'elle avait de quoi se faire de la soupe aux cailloux jusqu'à la fin de ses jours. Ah, la soupe aux cailloux de son enfance... celles-ci seraient encore meilleure, parce qu'il y aurait de vrais légumes dedans en plus des cailloux. Enfin bref.

Aujourd'hui, Minah lançait l'excédent de soupe aux cailloux (sans la soupe) aux malheureux qui n'avaient pas encore appris à éviter la place.
Depuis la matinée, elle en avait touché sept avec des galets (une rotule et une clavicule pétées, il avait fallu entreprendre une retraite précipitée quand les gardes municipaux s'étaient pointés), deux avec de la betterave, un avec du topinambour , trois avec du chou, sans compter un magistral lancer d'aubergine dans la goule et le céleri qui avait fait trébucher un des gardes qui la poursuivait (bilan : deux dents). Elle gardait le meilleur pour la fin, à savoir cette petite pierre aux angles bien vicieux planquée dans un panais tellement putréfié qu'on avait du mal à le tenir en main sans qu'il se sauve entre vos doigts.

Apercevant une silhouette solitaire, N'a-qu'une-patte visa soigneusement. Pris son élan. Et reconnut trop tard les boucles d'oreilles en scarabées morts de Lady Manchabalaidanslebamako.

Oups.

Le mal était fait.

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Minah

Tout de suite ? Tout de suite ! Toutdesuite ?!
Sous l'énormité de la chose, Minah en avait des vapeurs.

Gbzzfgggggggllll, laissa-t-elle échapper avant de tenter de se reprendre : Euh ! Oui ! Ben sûr ! chuis prête dans un instant !

Encore toute retournée, elle aperçut enfin Clitorinne qui déchargeait sa précieuse cargaison en beuglant d'arrêter de hurler, alors qu'elle-même faisait plus de bruit qu'un troupeau de porcelets. Le Dahu ! C'est qu'avec tout ça, la Sainte Elle-Même avait failli oublier ce détail crucial pour l'ascension de son culte. Et qu'elle n'avait toujours pas les moyens de payer... Peut-être que sa nouvelle bienfaitrice voudrait bien mettre la main à la poche ?

Un dernier détail à régler ! Lança-t-elle à Elhora. Mais v'nez don' voir d'plus près, c't'une précieuse relique qui pourrait ben vous intéresser !

Toute impatiente, N'a-qu'une-patte sauta de son perchoir pour admirer le mythique Dahu de plus près. Et se gratta la tête.

Hum.

Elle tenta de cacher sa déception.
Elle l'avait espéré plus... plus... Enfin... Impressionnant, quoi.

Ça r'ssembl' quand même vach'ment à une chèv', hein...

Dur de gruger une plouc qui a vécu toute sa vie les deux pieds dans la boue entourée de bétail. Même quand la chose en question est assez faisandée pour se donner des airs mystérieux et qu'il manquait des bouts de pattes.
Un instant, Minah hésita. Serait-elle en train de se faire couillonner...?

…

Naaaaaaaaaan !
Quel monstre était-elle pour préjuger de l'apparence d'un être si divin que le Dahu dont elle n'avait jamais entendu avant qu'on essaie de le lui vendre ! C'était un test du Très-Haut, évidemment ! Les bestioles crevées vous apprenaient à aimer sans juger l'apparence ni l'odeur !

Elle se tourna vers sa nouvelle bienfaitrice, essayant de capter son attention avant qu'elle ne tourne définitivement les talons.

Magnifique, hein ? Ça f'rait bel effet dans la chapelle... Des milliers d'fidèles viendraient des quat' coins des Royaumes et paieraient très cher pour contempler tant d'perfection céleste !
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Elhora

La brune déboula sur la place d'un pas énergique. Elle aurait été plus petite que la populace se serait écartée de la même façon devant l'expression de contrariété qui déformait ses traits. Mais en l’occurrence, sa haute taille lui avait de tout temps assuré un passage sans encombre dans les foules les plus denses, et c'était à l'heure actuelle superflue vue le peu d'affluence dans cette partie de la bourgade. Ses turquoises fixant le vide, y admirant le corps maternelle au sommet d'un bûcher, Elhora ne prit conscience de l'étrange scène se déroulant ci-lieu qu'au sifflement derrière sa tête et au violent accroc dans ses cheveux.
L'agacée interrompit sa course et pivota lentement, électrisant l'air à la manière de ces tempêtes estivales à l'atmosphère lourde et survoltée. A ses pieds gisait un caillou, anciennement volant, qui s'était visiblement pris dans le rideau de soie de sa chevelure, évitant par là-même d'atterrir dans la face de ...
Les carmines se froncèrent de dégoût sans aucune pudeur. Tout le monde ne pouvait pas être né beau et fils de bourgeois, mais quand même ! La méprisante eut une pensée charitablement compatissante pour cette pauvre fille, aussi grossièrement dessinée qu'odorante.
A cette ultime constatation, les ailes du nez fin d'Elhora papillonnèrent. C'est que ça puait sacrément dans le secteur ! Comment avait-elle fait pour ne pas s'en rendre compte plus tôt ? Elle comprenait mieux pourquoi la place était déserte, si l'on exceptait le tas d'immondices sur la caisse centrale, la drôlesse en sueur et son chargement putride.
La prétentieuse fit quelques pas de côté et inclina légèrement sa longue silhouette vers le ... La ...

Mais qu'est-ce que vous promenez comme ça ? Vous ne voyez pas que vous faîtes fuir tout le monde avec une horreur pareille ? Mais c'est que c'est crevé en plus !

Les délicats sourcils s'arquèrent, hésitant entre juger immédiatement la fille de pauvresse désespérée, ou lui donner le luxe de pouvoir être folle à lier. Au regard turquoise, la seconde alternative était nettement préférable à celle de s'abaisser à un tel niveau de pauvreté qu'il devenait nécessaire de promener une charogne en échange de quelques pièces.

A quel boucher vas-tu donc vendre cette ordure, que je sache qui de plus éviter dans ce déplorable endroit ?

Minah

Minah abaissa les épaules, inquiète, en voyant sa bienfaitrice peu emballée par cette mirifique relique. Allait-elle quand même avoir la relique ? Allait-elle quand même être gardée à son service et avoir une sa chapelle privative ? Mieux valait caresser Elhora dans le sens du poil !

C'est vrai, z'avez raison... Y manque des morceaux d'ssus ! Vot' perspiscasisté et vot' sens de l'observation sur les bestioles crevées font d'vous une disciple d'premier ordre ! Merci d'vot' avis éclairé !

Elle se tourna vers la Messagère, l’œil sévère.

T'essayais d'me fourguer un Dahu au rabais, hein ?! Ben t'peux t'le carrer ben profond, t'auras pas un rond !
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Elhora

Quand un relent de cagouilles abandonnées en plein soleil depuis plusieurs jours lui parvint aux narines, l'intolérante sortit un mouchoir brodé d'une poche de sa robe soyeuse. Le parfum oriental dont le tissu était imprégné créa un léger barrage olfactif, à défaut de couvrir totalement la pestilence de ...

Mais c'est que c'est vivant ce ... truc ?

Les turquoises se plissèrent, essayant de différencier l'humain de la toile crasseuse et de la chaire crevée. C'était vivant ... Et ça parlait !
Au fur et à mesure du discours de la bestiole, l'insupportable se montrait de plus en plus attentive.

Une foi défaillante ? Amour et tolérance ... oui oui ... Oh les mouches qui sortent des entrailles c'est grandiose !

Et la brune de finir carrément intéressée.
Elle envisagea de s'approcher, mais l'odeur la retint. La communication à distance ferait un jour ses preuves, alors autant s'y atteler dès à présent. L'insolente se campa quand même devant la pauvresse qui n'avait toujours pas ouvert la bouche -sans doute préférable dans son cas également- histoire de s'assurer être le centre de l'attention.

Veuillez pardonner mon erreur, odorante prêcheuse. C'est qu'il est vrai que votre culte est méconnu, quoique fort intéressant. Vous faîtes des conversions à domicile ?

La machiavélique imaginait déjà introduire la crasseuse dans la maison parentale afin qu'elle prêche la bonne parole à sa chère maternelle. Le tourment causé à la vieille femme et le plaisir que sa progéniture en tirait par avance, lui faisait presqu'oublier qu'il faudrait supporter la proximité de l'odoriférante jusqu'à Chinon. Passer outre les interdictions de son père ne serait guère difficile. L'excessive autorité de sa génitrice n'était qu'un juste rééquilibre du récurrent laxisme paternel. Et s'il fallait pour convaincre la Sainte Patronne des Bestioles Crevées acheter quelques "reliques", la brune ne s'en priverait pas. Après tout elle avait de l'argent. Enfin ses bourgeois de parents en avait, et elle, elle avait surtout la chance d'être leur capricieuse fille.

En fait, si votre service me satisfait, je pourrais même vous proposer une chapelle privative. Votre entretien serait assuré bien entendu.

Plus elle y pensait, plus l'idée ravissait la rebelle. Et si sa nouvelle orientation religieuse ne suffisait pas à rebuter le nouveau prétendant déniché par sa mère, l'excessive était prête à se convertir pour de vrai !

Minah

Heureusement, l'affront envers la messagère de la messagère du Dahu fut intercepté par une autre caboche. Ouf ! L'honneur était sauf ! Imaginez un peu qu'à cause d'un misérable galet dans la face, on ne veuille plus lui vendre ce qui ferait de son culte naissant une croyance florissante !
Comme un bonheur n'arrive jamais sans une contrepartie qui vous le fait bien vite regretter, l'aimant à caillasse poussa une gueulante à faire frémir les divines esgourdes minahesques.

Oh la vache, l'a du coffre la donzelle !

Pour se donner meilleure contenance, Minah se redressa sur sa caisse et s'efforça de retrouver la sainte allure qu'elle n'avait jamais eue.

Tss, tss, tss... Pauv' péch'resse...

Tout dans le ton de la manchote respirait la bienveillante condescendance (et l'ail pas très frais). Elle haussa le ton pour être entendue du plus grand nombre, au cas un autre malheureux passant se soit aventuré assez près pour l'entendre brailler.

Ces divines effluves sont là pour mettre à l'épreuve ta foi défaillante en notre Très-Haut ! Les Bestioles Crevées sont qu'amour et tolérance ! Elles font d'mal à personne et pourtant 'zont été persécutées jusqu'à la mort pis au-delà... Qu'vos préjugés à leur encont' s'envolent telles les mouches de leurs entrailles et vous connaîtrez la Félicité !

Son groin se plissa avec indignation à la dernière question de l'impudente.

Mes Saints Protégés sont pas à vend', pis surtout pas chez un boucher ! Mais on respect' la mode ici-bas et chaque dévot du Culte d'la Sainte Patronne des Bestioles Crevées s'voit offrir une relique sacrée assortie à son vêtement, cont' modeste contribution, 'videmment.
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--Lady_manchabamako

Ernest_lem

Makoo

Minah

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Ernest_lem

--Lady_manchabamako

Eli_za_beth

Minah

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Fallone

Minah

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Minah

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Eli_za_beth

Il était grand temps pour Elizabeth d’intervenir parce que Clitorinne commençait clairement à paniquer et à bafouiller, ne sachant plus quoi dire devant telle perspicacité.

Le cadavre d’une chèvre ?

Après sa phrase, la blondinette remit son tissu parfumé sur le nez, humant le parfum à plein poumon pour faire disparaître de cette odeur de putréfaction qui lui agressait les muqueuses nasales.

J’crois pas nan…

La jeune femme enjamba le cadavre du « Dahu », non sans avoir une petite remontée acide, une grimace de dégoût que l’on pouvait facilement deviner derrière son mouchoir. Elle s’avança droit vers Minah, lançant un coup d’œil à celle qu’elle ne connaissait pas et qui menaçait de faire tomber son plan à l’eau

C’est l’Dahu, ça ! Et c’pas une chèvre mais un Dahu, ‘voyez ? Oseriez-vous dire que moi, pieuse et à hautes responsabilités religieuses, je serais capable de vous mentir, mh ? Pensez-vous vraiment que le Très-Haut m’autoriserait à faire cela sans me punir ?

Profonde respiration dans son mouchoir avant de continuer.

On avait dit 250 écus plus votre quiche de disciple la moitié d’l’année ! Nan c’que c’pas une lumière, franchement, hein ! J’ai été arnaquée sur la marchandise et j’demande réparation ou j’prierai pour qu’vous perdiez vos autres membres. V’z’avez envie de d’venir la femme tronc, hein ? Hein ? Nan c’que MOI, j’suis tellement haute religieusement parlant, que le très-haut peut m’parler ! Du coup, s’vous voulez pas être dans son collimateur, va falloir me payer ?

Et plus vite que ça parce que là, en vrai, Elizabeth allait dégueuler…
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Elhora

L'imprudente commençait à avoir beaucoup de mal à faire bonne figure.
D'abord parce qu'il fallait être honnête, même en travaillant toute la Sainte Journée dans un corral de moutons il aurait été impossible de s'habituer à pareille débauche de relents, et ensuite parce que l'arrivée d'une petite blonde à l'aplomb trop bien planté la mettait en retard. L'hautaine se redressa encore d'avantage, surplombant Elizabeth et son mouchoir parfumé.

Hautement religieuse ? Il me semble que vous vous adressez à la Sainte Patronne des Bestioles Crevées en PERSONNE ! De quel droit osez-vous dresser de la sorte devant-elle ? Seriez-vous papesse que vous ne pourriez qu'espérez être digne de prier les faveurs d'une telle ... martyre !

L'insolente avait désigné la Bestiole d'un geste théâtrale, en profitant pour s'éloigner d'un pas sous prétexte de garder une distance respectueuse. Le jeu avait dépassé la chandelle et la capricieuse mettait à présent un point d'honneur à ce que la SPBC parte avec elle, et sans le prétendu Dahu. Le défi avait été lancé, de manière indirecte certes, mais l'esprit gagnant d'Elhora ne tolérait pas l'idée de céder ne serait-ce qu'un écu pour le cadavre puant d'une chèvre découpée.

Votre Sainteté, nous allons rater votre voiture ...

Les turquoises se fixèrent sur Minah, remarquant au passage et pour la première fois que c'était un hibou qui trônait sur son crâne.

Eli_za_beth

La blondinette toisa la femme et arqua un sourcil. C’est qu’elle allait lui faire rater son affaire du mois, là ! Elle n’avait plus une thune et il était urgent de renflouer ses poches. Alors elle la poussa légèrement en mode « dégage la gueuse » et s’approcha de Minah.

Nan, nan, on avait dit 250 écus et Clitorinne en garde partagée.
J’me suis tapée des semaines à marcher pour trouver ce b… Dahu ! Vous l’vouliez alors vous l’prenez !

Et se tournant vers l’importune.

J’va vous maudire sur 10 générations ! V’z’aurez qu’des descendants difformes ! Tellement difformes qu’vot’ lignée va s’finir ‘vec vot’ progéniture.
INFIDELE.

Eli regarda de nouveau Minah et devint soudainement mielleuse.

V’pouvez pas être patronne des bêtes crevées sans l’Dahu… m’enfin ! on en a déjà parlé vous et moi.
Vous voulez vraiment être détesté du Dahu ? V’savez, il voit tout et entend tout. C’est l’Omniscient, l’Unique, le Seul, l’Elu et v’z’êtes son prophète. ‘Fin, sauf s’vous l’prenez pas quoi…
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Minah

Minah se sentait terriblement embêtée.
La Messagère du Peut-Être Dahu avait l'air sacrément remontée et très vexée qu'on remette en cause l'authenticité de son cadavre putréfié. Elle y mettait tant de véhémence ! Peut-être qu'elle ne mentait pas finalement... Après tout, si ces bestioles avaient deux pattes plus courtes, elle pouvait bien avoir de douces petites pattounes d'un côté et des sabots de l'autre.
Mais sa chère et unique disciple (à part Lady Manchabamako qui était en garde partagée) était catégorique et prenait avec violence sa défense. Minah en était très flattée et ne voulait surtout pas perdre son appui. D'autant plus qu'elle tenait serré les cordons de sa bourse et sans cela, pas de Dahu, si vrai pouvait-il être...
Il fallait trancher.

Mais moi aussi j'peux causer au Très-Haut d'abord ! Chu Sainte Patronne, nanmého ! Et y m'a jamais parlé de Dahu, en puce !

Elle se redressa avec autant de majesté qu'on peut l'être quand on est pas bien grande, qu'on a la grâce d'un mini-percheron ivre, qu'il nous manque un bras et qu'on est recouvert de crasse et d'animaux morts.

Alors j'le prendrai c'Dahu, mais sans payer car tel est mon devoir, accueillir sous mon aile chaque âme de bestiole en décomposition sans rin d'mander en échange !

Elle se tourna vers Elhora.

Prenez l'Dahu, il est temps d'nous en aller ! Attention, faut l'attraper 'vec la même délicatesse qu'pour un enfant, y va dégouliner sur l'chemin sinan.
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[RP] En odeur de Sainteté