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[RP] Impostures.

Ellya
C'est ça. Allez donc prier au lieu de me faire ces yeux-là.
J'va l'dire à l'Abbé.
Mais oui. Dîtes-lui. Ce ne sera jamais que votre pire mois de l'année...
Des m'naces?
Me tentez pas. Pour le nombre de tonneaux que vous avez dû siphonner en douce...
C'coûte moins cher qu'vot' bouteill', là. Qu'est pas à vous!

La Duranxie claqua la porte au nez du religieux, jurant par la même occasion qu'il pouvait bien aller se faire voir à l'ombre de Sélène, que le Prieuré s'en porterait mieux.

Elle avait commencé à boire vers le début d'après-midi, avec des voyageurs de passage. La fatigue et le jeûne aidant, elle avait commencé à l'avoir mauvais, l'alcool. Sa pupille n'avait fait qu'ajouter à sa sombre humeur, lui rabâchant les oreilles de cet homme qui la courtisait. L'idiote n'y voyait aucun mal. Ellya enrageait. Elle voulait faire de cette enfant la religieuse parfaite et commençait déjà à perdre la partie.
A croire que certains ne sont simplement pas faits pour les victoires.

C'est alors qu'elle était allée fouiller dans le placard-réservé-aux-produits-de-luxe-dont-il-ne-fallait-pas-toucher-pour-les-revendre-en-faisant-plein-de-profits. Elle y avait déniché une bouteille d'Armagnac, cachée dans le fond, que Bardieu souhaitait sans doute se réserver pour une grande occasion.
Il ne faut pas croire que la Cistercienne avait une quelconque affection pour les alcools forts. Elle désirait seulement brouiller encore davantage les idées pernicieuses qui l'étouffaient d'amertume et de culpabilité. Enfermée dans sa cellule minuscule, elle comptait bien toutes les noyer.

Elle sortit une timbale de cuivre de son coffre, se servit une rasade et l'avala comme une ivrogne. En toussant un peu. Et se resservit. Son œil se posa sur sa commode où étaient étalées, pèle-mêle, les dizaines de courriers reçus récemment. Des condoléances, pour la plupart, des prises de nouvelles pour d'autres. Et cette fichue lettre d'adieu qui lui avait fait grincer des dents. Elle s'était jurée de ne pas répondre.
Même que depuis deux jours, elle n'y pensait plus. Elle avala le liquide d'une gorgée, se resservit et, de l'autre main, attrapa une feuille. Elle n'avait pas d'écritoire, mais se servit de son volume du Livre des Vertus comme support. Elle attrapa également au passage une plume, un pot d'encre.
Oubliée la promesse.
Ce ne serait pas la première fois qu'elle serait parjure...




Idiot! Imbécile! Faible d'esprit! Ignare!
Heureusement que nous ne sommes pas amis. Vous seriez le pire des pires! J'en ai eu des insensibles, des trop sensibles, des foutus chercheurs de vérité à la noix, des bien pensants, même des incapables qui n'avaient jamais pris la peine d'aller à l'église. Je ne vous parle pas de ceux qui ne cherchaient que le bien, qui luttaient naïvement contre le mal et qui ne prêchaient que Liberté! comme des pigeons mal lunés. Mais un monstre d'hérétique
*phrase barrée tant bien que mal*. Mais un fichu Réformé! Avez-vous seulement lu cet abruti d'Averroës?
Je vous méprise.


Elle considéra le début de sa lettre avec satisfaction avant de la barrer rageusement d'une croix malhabile. Sa timbale se trouva de nouveau vidée, puis remplie.



Warenghien
Pauvre petit Lorrain.
A peine vous laissé-je seul que vous tournez le dos à notre aristotélisme? Seriez-vous si désespéré que vous cherchez dans les écrits d'un imposteur ce que vous ne trouvez pas dans les autres? Allons. J'aurais pu vous écrire une religion, s'il n'y avait que cela. Une parfaite pour vous et votre ego. Mince. Il pleut et les bures sont à sécher dehors.


Elle se releva vivement, se dirigea maladroitement vers la porte, manquant de se prendre les pieds dans son coffre. Changement de programme. Les bures seront mouillées. Elle revint à son écriture, barra ce qu'elle venait d'écrire.



Qu'est-ce qu'il dirait, Uriel?
Dîtes-moi, Ersinn... Qu'est-ce qu'il dirait?
Saviez-vous que je ne pourrais m'en empêcher, de vous écrire, en m'avouant avoir cédé à la facilité de cette religion sans carcan? Peut-être vous imaginé-je plus intelligent que vous ne l'êtes puisque je crois que oui. J'ai peut-être tort. J'ai souvent tort.
Mais que dirait-il?
La déception qu'il éprouverait n'est rien face à celle que je ressens. Vous ne me devez rien, mais j'ai l'impression d'avoir échoué. J'aurais dû vous aider.
Je vous imagine en train de vous complaire dans cette erreur de foy et j'en frémis. Que de gâchis... Si c'est vraiment le Créateur qui m'a mis sur votre chemin, c'est ma faute, n'est-ce pas, d'avoir ignoré Sa demande? Mais pourquoi diantre aurais-je aidé un menteur? Malgré toutes les années passées à vous écrire ou à vous côtoyer, je suis incapable, INCAPABLE, de dire qui vous êtes. Je déteste cela. Je vous déteste, vous et votre orgueil. Si vous aviez été un peu moins... un peu moins Lorrain, nous aurions pu nous aider mutuellement, espère d'hérétique sourd et aveugle et...


Elle barra les trois dernières phrases d'une énième croix.



Je n'ai pas de faux-ami.
Enfin, non, j'en ai plein. Ceux à qui l'on écrit régulièrement. A qui l'on sourit. A qui l'on raconte suffisamment de choses pour entretenir une bonne amitié, sans jamais entrer dans les détails ni dans la vérité, dérangeante.
Les vrais amis sont une plaie. Je laisse cela aux autres. A ceux qui ont le luxe de la confiance.
Mais non, je n'ai pas de faux-ami réformé. Ni vous, ni un autre. Pourquoi écriviez-vous cela? M'inventez-vous des connaissances que je ne connais pas? Quand je parle de connaissances, je parle de gens, pas de culture. J'apprends l'arabe. Je n'y comprends rien.


Elle avala le contenu de sa timbale et la reposa, vide, près d'elle.



C'est pour Alexandrie. Je vais sauter, Ersinn, je vais sauter. Je Le verrai, moi, et je Lui demanderai. Je Lui demanderai si vous avez tort. Si je me réveille, je vous dirai. Je me réveillerai et je vous dirai. Tant pis pour les adieux. Je vous écrirai. Une seule fois. Cette fois-là. Je vous dirai comme vous vous trompez. Vous ne m'écouterez pas et vous continuerez sur ce chemin sans chandelle. C'est une métaphore. La chandelle, la lumière... Bref. Vous ne comprendrez pas et ma lettre n'aura servi à rien, mais je vous l'écrirai quand même. En arabe. Ça vous forcera à apprendre, vous aussi. Vous verrez comme c'est difficile.


La bouteille se déversa une nouvelle fois dans la timbale. Mais Ellya laissa la timbale, pleine, et but de longues gorgées à même la bouteille.



Je ne vous pardonne plus. A partir d'aujourd'hui, je ne vous pardonne plus. Vous vous en moquez, nous ne nous reverrons jamais. Mais quand même! Vous pouvez bien m'envoyer vos confessions à l'heure de votre mort, car c'est ce que vous prévoyez, n'est-ce pas, et bien je ne pardonnerai rien. Rien! Rien. Tout se mérite. Vous ne méritez pas. On n'écrit pas des confessions, on les hurle. Vous ne hurlez pas. Vous ne souffrez pas...?


Elle s'enquilla la timbale. Sa tête bourdonnait. L'écriture devint plus brouillon, les lettres plus penchées.



Je vous disais. La confiance. C'est là que ça coince. On ne se fait pas confiance. Moi, je ne vous fait pas confiance car je sais que vous utiliseriez la moindre information à votre avantage, si vous en aviez besoin. Vous, vous ne me faites pas confiance car vous êtes trop habitué à agir comme vous le faites pour imaginer que d'autres seraient plus... Mince. J'ai oublié le début de ma phrase. Bon. Je me relis, attendez... Voilà. Car d'autres seraient plus honnêtes. Je sais que vous mentez. Vous savez que je mens. Non seulement nous n'avons pas ce luxe de la confiance, mais en plus nous sommes trop ... Clairvoyants?
Voilà. J'ai résolu la question. Je n'en suis pas peu fière.

Je fêterai cela. Je fête cela. Et le reste.
Les nouveaux départs à la noix.
Ersinn... Soyons amis? Nous nous aiderions mutuellement, comme le font les simplets. Nous serions aimables. De loin! Je ne voudrai pas vous faire manquer votre parole.
Ou non. Ne soyons rien de cela. Soyons mieux. Soyons réalistes.
Soyons des amis au-dessus de l'amitié. Soyez


Marde. La feuille n'était pas plus longue. Son temps était épuisé. La religieuse aussi. Elle posa la lettre sur sa commode. La relirait le lendemain. Puis la jetterait comme on le fait des écrits imbibés d'alcool.
La Prieuse s'endormit dans ces sommeils hachés que provoquent les mauvais rêves.

Le lendemain, à son réveil, la bouche pâteuse et un orchestre sous le crâne, le ventre en vrac et les membres engourdis, elle se rendit au réfectoire. Y croisa le religieux de la veille.


Z'avez une sal' têt'!
...
J'a emprunté vot' Livr' c'matin. Z'aviez dit qu'j'ava j'l'droit.
Mmh.
J'a envoyé vot' lett' au passag'. M'dit' pas merci.
Quelle lettre?
Cell' qu' y était posée d'ssus, Pardi!
Je n'avais rien pos... Bordel. Une longue lettre?
J'pas fait attention.
%!@#! de moine à la @^!
Stanislas.dw
Des questions sans réponses, des choix étrangers, un avenir incertain. Beaucoup de choses se bousculaient dans la vie du Vicomte, mais ce qui le troublait le plus concernait essentiellement son avenir. Le reste n'était que très secondaire, pour cet homme à l'esprit stratège et calculateur. Sur bien des plans qu'il lui était cher, il l avait réussi sa vie. Il avait changé sa vie souterraine de ... qui sait? ... pour une vie malsaine de politicien, et sa carrière s'achevait enfin, ayant obtenu tout ce qu'il y avait à obtenir. Non pas les vulgaires titres, dont il n'avait que faire, mais l'influence nécessaire pour contrôler lui-même, sans régner le pouvoir en place, après avoir fait valoir ses idéaux.

Son dernier combat se dessinait au loin, et il ne savait pas ce qu'il en ressortirait. L'angoisse le guettait, mais il avait encore le contrôle sur la folie de son esprit. Il y aurait soit la mort, auquel cas ses questionnements n'auraient plus de valeurs. Ou bien la vie. Ou plutôt la survie, après l'entreprise insensée dans laquelle il se lançait. Vaincre et survivre, serait la récompense de Déos. Perdre et survivre, serait le punition de Dieu. Cette pensée agita le lorrain, qui se reposait sur son lit. Perdre sans mourir serait une véritable tragédie.

On frappa à sa porte. Ce devait être urgent, pour qu'on le dérange dans son repos, devenu si rare en ces temps troublés par la guerre franco-comtoise. Il avait tant de choses à surveiller qu'il n'en dormait plus assez. Marmonnant quelques mots pour faire patienter le valet, il se leva, se débarbouilla le visage et arrangea sa tenue, avant de sortir. Une lettre lui fit remise, avec comme simple remarque : Nous n'étions pas certains qu'il s'agisse d'une lettre sérieuse, nous avons décidé de vous en laisser juge. Car le Vicomte faisait trier son courrier - toujours l'histoire de gain de temps... Dernièrement, il avait reçu suffisamment de courriers stupidement inutiles, lui relatant souvent l'amour que certains lui portaient - c'est ironique -, ou alors des lettres diplomatiques de provinces dont il n'avait cure.

Les sourcils froncés, il migra vers son office, pour consulter l'écrit sur son bureau. Il comprit instantanément l'hésitation de ses suivants, à la vue du parchemin barbouillé de partout. La quasi-totalité des mots étaient barrés. Il hésita à ne pas poursuivre sa lecture, tant il était convaincu qu'il s'agissait que d'un brouillon sans importance. Il s'apprêtait à faire de ce feuillet une boule de papier, lorsque sa lecture passive lui fit remarquer que son nom figurait sur ce document. Warenghien. Pauvre petit lorrain. Il lut la suite de ce paragraphe, sans l'ombre d'un sourire, car il devinait qui lui avait envoyé ce torchon. Plusieurs questions fusèrent dans son esprit : Qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie ? Pense-t-elle sincèrement que je lui donnerai une réponse ? Pourquoi est-ce tout raturé ?

Puis il commença à lire depuis le début, les sourcils plus froncés que jamais. Une fois passée la note lyrique du début, pour laquelle il ne put s'empêcher d'avoir un sourire, il se laissa croire que ce papier venait peut-être d'un journal intime, dans lequel Ellya consignait ses ressentiments, car à l'évidence, il n'était pas prévu qu'il le reçoive. Sans aucun doute possible. Etait-ce vraiment ce qu'elle pensait de lui ? Un léger poinçonnement au niveau du cœur se fit ressentir. "Je vous méprise". Confus, il devait admettre n'avoir jamais lu Averroës. Mais, de toute façon, elle non plus, n'est-ce pas, se disait-il...Que peut-elle bien en savoir.

Le ton de la seconde ébauche était moins agressif, et il jugeait son contenu fort différent. Le romantique qui était en lui se faisait tout une illusion de ce que pouvait signifier "J'aurais pu vous écrire une religion". Le romantique ? Ou peut-être le coq arrogant. Il ricana. Mais la suite lui coupa immédiatement le rire et le sourire, à la mention d'Uriel. Il avait fermé les yeux sur Uriel, dans sa conscience, sans lui faire l'insulte de l'oublier. Simplement de l'écarter. Ce qu'il dirait ? Il se l'était demandé, puis avait choisi d'enfouir cette question pour ne pas avoir à y répondre. Une déception évidente. Une trahison peut-être même. Non, je n'ai pas envie d'y penser. Je vous déteste. L'écrit venait du cœur, il n'y avait pas à douter de cela. Mais oui, Ellya avait échoué, son sentiment n'était pas une erreur, du moins selon le Waren. Et puis, elle était elle-même responsable de son inaptitude à ne pas le comprendre. Les deux étaient liés, et auraient sans doute pu être évités si Ellya n'avait pas fui les terres lorraines, où elle était supposé entendre la confession du sombre Ersinn, et par conséquent le récit de toute sa vie.

Un soupir franchit ses lèvres, et il reposa la lettre sans lire plus loin. Une pause s'imposait, durant laquelle un verre de vin l'accompagnait. Puis il reprit. Elle devait avoir bu, pensait-il, en lisant le passage sur l'amitié qu'il peinait à comprendre. Ou plutôt, qu'il comprenait aussi bien que les explications d'un ivrogne : on cherche à vous expliquer quelque chose de plutôt complexe avec force confusion, et vous n'en comprenez que les très grandes lignes. Le paragraphe suivant lui confirma cette impression, mais lui fit également hausser les sourcils à la mention implicite d'un souhait de suicide. Non pas qu'il s'en inquiétasse vraiment. La signification potentielle le choquait, plutôt. Voyait-elle sa conversion (à lui), en le lien qui les unissait (eux deux), un échec si important qu'elle en souhaitait la fin de son existence ? Il en était profondément surpris, mais n'y accordait de ce fait aucun crédit. Il savait qu'il comptait pour Ellya, malgré ce que pouvait bien dire ces bouts de phrases. Mais à vrai dire, il n'avait jamais pu évaluer les limites de leur relation et de leur amitié - enfin, pouvait-il encore appeler ça comme ça ? Si lui était incompréhensible, elle n'en demeurait pas moins insondable, pour ce genre de choses.

Les dernières lignes approchaient. Il se demandait pourquoi il avait reçu ce message. La fin du pardon, la justification de son inutilité firent sourire, à nouveau, Ersinn. Quelle enfant pouvait-elle être, en écrivant de telles choses. Il s'en trouvait toutefois légèrement agacé, puisqu'il attendait toujours d'elle l'absolution. Il savait qu'il l'obtiendrait, elle en serait obligée, surtout si il venait à mourir. Sa curiosité étant sa perte, et il l'exploiterait. Jusque dans sa mort.

Une fois le dernier mot lu, la question refit surface : pense-t-elle que je lui aurai répondu ? Quelle crédibilité pourrais-je avoir, après avoir fais serment de ne plus lui écrire ? Ce serait donc non. Il fit mander un valet, lui dicta quelques mots, puis lui demanda de sceller avec n'importe quel scel - pas le sien, mais un de ceux qu'il avait fait reproduire, pour quelques contrefaçons... Elle saurait, avec un peu d'intelligence, de qui proviendrait l'ineptie qu'il lui enverrait. Ou bien, il ne ferait que confondre son esprit, ce qui n'était au final que le but. Le seul et l'unique.


Citation:
Ellya de la Duranxie,

Je ne sais voler, ni nager. Je n'ai point de membre pour courir, ni même marcher.
Sans être mort, je vis. Mais je ne suis ni un homme, ni un animal, ni une pierre. Je ne suis pas non plus issu de la terre ou d'un arbre. Enfin, je suis plusieurs.

Qui sommes-nous ?

D.c.V.


La confiance. C'était trop tard, il avait déjà tiré ce qu'il y avait de profitable de la jeune Duranxie, et ce sans même qu'elle ne semble s'en rendre compte. Il ne compterait pas que sur le pardon terrien éternel, si il venait à mourir, mais assurerait à son lignage, ou plutôt à sa famille, le gain de plusieurs propriétés. La nature de leurs mensonges étaient si différentes, mais la prieuse, trop morale, ne pouvait le deviner. Cela changerait peut-être, un jour...
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Pour plus de précision sur l'allure d'Ersinn :
http://www.lesroyaumes.com/FichePersonnage.php?login=ersinn
Ellya
Les heures suivantes, elle les avait passées à prier. Prier pour que le pigeon n'arrive pas à destination. Prier pour qu'il se casse une aile ou les deux. Prier pour qu'il se fasse bouffer en chemin. Pour qu'il décide de changer de trajectoire. Pour qu'il disparaisse par la volonté divine. Pour qu'il se fasse percuter par un pigeon plus gros. Pour qu'il perde connaissance.
Toutes les raisons auraient été bonnes - et acceptables - pour que la lettre ne parvienne jamais au Warenghien.
Culpabilité, quand tu nous tiens...

Alors quand les jours passèrent et qu'elle ne reçut aucune réponse assassine du Lorrain, elle se félicita de ses prières, qu'elle jugea hautement efficaces.
Puis elle passa à autre chose. Les sujets d'inquiétude étaient nombreux et la honte qu'elle avait pu éprouver en imaginant la lettre arriver à bon port était relégable au second plan, d'autant plus qu'elle n'imaginait jamais le revoir. La lettre d'adieu qui avait amorcé cette réponse enivrée avait été jetée pour qu'aucune erreur ne soit plus commise. Les souvenirs et les regrets balayés d'un geste de la main... Pour quelques heures seulement. La Duranxie, malgré toute sa bonne volonté et tous ses efforts, n'oubliaient jamais ses fautes. C'était sa croix.

Elle passa donc à autre chose, oui, en apparence.
A défaut d'être l'amie qu'elle ne saurait jamais être, elle s'escrima à être mère puisque son fils était revenu auprès d'elle. L'échec était cuisant à peine le défi avait-il commencé. Elle ne supportait ni la présence de la chair de sa chair, ni même son regard, ses mots. Tout. Rien. Elle portait toutefois le masque de la figure maternelle aimante aussi consciencieusement qu'elle avait ceint un jour celui d'épouse modèle.
Elle essaya en même temps d'être meneuse hors pair pour les insouciants qui avaient décidé de l'accompagner jusqu'à Alexandrie: le pèlerinage partait en cacahuètes avant même d'avoir commencé. Ils avaient une vingtaine d'ânes, autant de malles remplies de vêtements inutiles mais à peine de quoi se nourrir pendant 20 jours quand le voyage en durerait 200 au bas mot.

Les seules choses qu'elle faisait bien, et même très bien, concernaient ses ouailles. Elle alla en confesser un à Dijon, en accueillit d'autres à son retour au Rivet. En baptisa deux. En intronisa quatre. Les nuits, elle les passait entre la fraicheur de la Chapelle et l'humidité du germoir. Leur production de bière battait son plein et, pour peu que l'on désire se tuer à la tâche, il y avait de quoi faire.
Elle était d'ailleurs au plein milieu d'un échange de fûts avec des commerçants de passage quand sa pupille vint lui apporter un courrier qu'elle ouvrit dès le départ des Toulousains.

Et ce fut le drame.

Pour une personne aussi curieuse qu'Ellya, les questions que soulevèrent les quelques phrases se comptèrent en centaines.
Qui était-ce? Comment avait-il eu son nom? S'était-elle inscrite à une sorte de jeu au détour d'un village de Guienna, sans s'en rappeler? Etait-ce un test avant de la prendre comme officiante pour une cérémonie loufoque? Une boutade d'Erasme ou une mauvaise farce de Soheil? Etait-ce personnel ou pas?
Que gagnait-on si on trouvait la réponse?
Quelle était la réponse?

Après s'être renseignée, il s'était avéré qu'elle était la seule à avoir reçu cela dans tout le Prieuré. Peut-être ce "D.c.V" la connaissait-il? Elle n'avait jamais eu la mémoire des noms et côtoyait trop de gens pour tous se les rappeler. Si elle l'avait croisé, elle l'avait oublié.

Et son esprit ne put oublier l'énigme -tant celle écrite que celle du pourquoi de cette lettre- pendant des jours.


Par Arnvald... Un poisson? Non, ils nagent. Tout le monde vit sans être mort, non? C'est étrange.

Cachée dans les écuries, elle planchait sur ce bout de papier qui lui empoisonnait la vie. La veille, l'Abbé l'avait vertement réprimandé quand il avait remarqué, en pleine messe, qu'elle n'écoutait absolument pas son sermon, perdue qu'elle était dans ses réflexions.
Rien n'agaçait plus la Duranxie que l'ignorance et rien ne motivait plus ses actions que cette curiosité qu'elle avait de maladive. Presque malsaine, parfois.


"Je suis plusieurs, je suis plusieurs"...

Cette phrase était celle qui lui posait le plus de soucis. Finalement, au terme d'intenses réflexions, elle se décida à donner réponse. Un peu fébrile.



A vous dont il m'est impossible d'écrire le nom,
Adishatz!


J'aurais pu répondre que vous êtes particulièrement orgueilleux pour vous nounoyer.

En vérité, j'ai d'abord passé de longues heures à réfléchir au concept le plus adapté à répondre à votre question. Le vent. Les mots. Les idées. Les péchés, même.

Finalement, la question n'était peut-être que ce qu'elle était. Qui êtes vous? Aucune réponse ne s'accordait toutefois avec vos précédents propos, sauf si vous êtes une femme alitée un peu étrange.
Mais vous écrivez trop bien pour manquer vos accords. Ce n'est donc pas cela non plus.

La vérité. Voilà ma réponse.

Qu'ai-je gagné?


Ellya de la Duranxie.



Elle ne doutait pas avoir réussi l'épreuve mais le feu de sa curiosité ne s'était pas éteint pour autant. Il ne le serait pas tant qu'elle n'aurait pas eu confirmation.
Elle se rendit au pigeonnier et accrocha sa réponse à la patte d'un des volatiles.
Vers qui il volerait, elle l'ignorait. Pour l'instant. Toute question a ses réponses, tôt ou tard. La Duranxie y veillerait.
Stanislas.dw
A son tour, le Waren était retourné vaquer à ses occupations. Après tout, il avait tout de même une indépendance à préparer, une telle entreprise demandait beaucoup d'efforts, de temps, d'énergie et de la concentration, à un tel point qu'il eut rapidement oublié ce bref intermède épistolaire. Il aurait presque pu l'oublier définitivement, si seulement une malheureuse réponse ne lui avait pas été livrée. Le papier en main, il soupirait d'avance. Qu'allait-elle avoir compris à sa petite plaisanterie ? Rien ? Non, tout de même. L'énigme en soit avait tant de possibles réponses, mais il y en avait bien une qui l'aiderait à faire le rapprochement entre ses propres initiales et celles inscrites sur la lettre. La même chose, à deux lettres près dans l'alphabet. Rien d'insurmontable, à priori.

Avec un sourire, finalement, il brisa le sceau, confiant et malgré tout un peu heureux de pouvoir reprendre cette correspondance. La lecture de la missive aurait pu être une terrible déception si ses relations avec Ellya avait été différent. A l'évidence, dès la première ligne, on comprenait qu'elle n'avait absolument pas cherché plus loin que la simple question. Comment avait-il pu sous-estimer à ce point là la curiosité de la prieuse ? Ou était-ce plutôt sa sottise ? Son absence de clairvoyance ? Sa bêtise ? Comment les choses pouvaient-elles bien fonctionner dans sa tête ? Il aurait payé cher pour le savoir. Au moins, elle lui posait encore la question de son identité, mais par Déos, n'aurait-elle pas pu l'effort de deviner qui pouvait se cacher derrière le sigle D.c.V. ? Difficile de faire plus évident sans devoir écrire ses véritables initiales... Après plusieurs longs soupirs, il revint sur le contenu en lui-même, essayant de se concentrer. Impossible, son regard revenait sans cesse sur ces deux stupides questions qui revenaient dans la lettre - surtout la deuxième, bien détachée du reste, pas moyen de la rater, son regard était inévitablement attiré. "Qu'ais-je gagné ?" ... Franchement. Il n'en revenait pas, était-ce une question sincère, ou y avait-il un but quelconque caché derrière ? Enfin, ça ne ressemblerait pas vraiment à Ellya, c'est pourquoi il écarta automatiquement cette hypothèse, et décida de répondre à chaud. Il avait déjà la plume en main mais se retint de justesse à poursuivre. Le serment. Son fidèle valet allait devoir réitérer la dictée.


Citation:
Ellya de la Duranxie,

Si j'étais la vérité, votre existence serait un terrible néant, si terrifiant que vous vous ôteriez votre vie sans la moindre hésitation. Par chance néanmoins, la vérité n'est pas une chose vivante, en cela votre réponse est fausse. Il en serait allé de même pour les mots, les idées, les péchés, indifférents devant la vie et la mort.

En revanche, le vent est un élément de réponse. Votre incapacité à résoudre cette énigme m'impose de vous révéler la réponse : les éléments. Pluri. Immortels mais vivants. Ni homme, ni animal, ni pierre. Ne tirent ni leur origine de la terre, ni des arbres. Ni ne marchent, ni ne courent. Enfin, l'eau ne nage pas mais permet la nage, tout comme le vent, ou l'air, ne vole pas, mais permet de voler.

Les enseignements de la raison nous dictent que ce que l'on brise, il faut le réparer. C'est pourquoi je vous offre une seconde chance. Qui suis-je, sachant que dans mes racines, ma véritable identité est mon milieu ?

F.e.X.


Ha, quelle faiblesse elle était pour lui, cette sacristine. Au fond de lui-même, il savait qu'il avait rompu son engagement. Trop d'indices, elle allait tout savoir trop vite. Le plaisir de la torturer ne s'était pas encore estompé au fond de lui-même, il ne voulait pas encore qu'elle sache qu'il avait reçu ses brouillons. Il y avait encore de quoi jouer, sous le couvert de l'anonymat. Le revers de la médaille de ce qu'elle pensait certainement être un amusement, lorsque le moment de la révélation officielle viendra, sera un coup dur pour la Prieuse, mais une juste punition.

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Pour plus de précision sur l'allure d'Ersinn :
http://www.lesroyaumes.com/FichePersonnage.php?login=ersinn
Ellya


A vous,
Adishatz.


Je suis heureuse de m'être trompée, alors. Rien ne m'aurait plus gâché ma journée que d'apprendre mon existence vaine.
Et comme vous êtes bon de me laisser réparer mes fautes...
Mais faites attention à ce soleil qui vous habite car si celui-ci vous aveugle, il éclaire Belial.

Qui est donc ce "je"?
D'entre vos racines, il s'allonge comme un nez menteur dès qu'il se croit être au centre du monde. D'entre vos racines, y nait la vie qui donne à votre identité son immortalité.

Trivial.

Qu'y gagnez-vous?


Ellya de la Duranxie.


La lettre avait été accrochée à la patte du pigeon le plus sale qu'elle avait trouvée. Et cette fois, la fébrile envie de gagner avait été remplacée par une incompréhension malheureuse, mais vindicative.

Quand elle avait reçu la lettre, quelques jours plus tôt, elle se trouvait dans les rues d'un de ces villages du Languedoc, maudissant les uns et les autres qui l'accompagnaient dans ce pèlerinage. Luttant contre l'irrésistible rapprochement qu'opéraient son fils et sa pupille, priant pour la bêtise de l'écrivain et de la poétesse qui s'étaient lancés dans une chasse aux péchés, réfrénant sa froideur devant les yeux indignés d'Antoynette et supportant difficilement la présence de la vieille folle de Paondora, Ellya avait l'impression de parcourir un chemin de croix.
Si le groupe n'avait rien de fraternel, il n'en demeurait pas moins, parfois, convivial. Cela seul ajoutait du baume à la douleur d'être accompagnée plutôt que seule.

Elle avait reçu la lettre, donc, dans ces rues là, dans cet état là et s'était aussitôt vexée de l'échec. Mais c'est bien sûr, les éléments, s'écria-t-elle sans toutefois se résoudre à abandonner l'idée que sa réponse était tout à fait convaincante aussi.
Elle allait se lancer tête baissée dans la résolution de la seconde énigme quand elle s'aperçut que les initiales étaient différentes. Du moins en avait-elle l'impression, impression qu'elle voulut aussitôt confirmer.
Elle rentra donc dans l'auberge où ils louaient quelques chambres, monta à la sienne, fouilla dans ses paquetages dans lesquels elle n'avait mis que des choses inutiles: six cailloux dont un rond, un Livre des Vertus qui pesait une tonne alors qu'elle le connaissait par coeur, des morceaux de tissu colorés (à l'utilisation inconnue), une carte du monde gribouillée et les derniers courriers reçus, importants et non confondus.

Elle compara les deux lettres, étonnée, sans parvenir à faire le lien entre les signatures. Elle l'avait pourtant sur le bout de la langue, la solution...

Ce fut ce stupide écrivain de Gerei qui, sans le vouloir, mit un terme à ce questionnement là. Le lendemain, quand il lui déposa une note.




Oui, comme vous sans doute j'ai reçu un courrier de la prévoté.
J'avais bien demandé un LP à l'autre , celle dont vous m'aviez donné le nom, elle m'avait dit m'envoyer un LP, mais visiblement elle est soit morte, soit décédée.
J'ai répondu à l'autre qui nous a écrit en lui envoyant l'echange de courrier que j'ai eu avec l'autre (pas celui là bien sûr, maire l'autre, la première- faites un petit effort pour suivre s'il vous plait-)
J'espere que ça passera.
De toute façon si ça passe pas, nous on sera deja passé.
Bonne journée à vous

GdA


GdA. Gerei d'Azincourt.
La seule personne qui signait ainsi, à sa connaissance, hormis l'idiot gascon, était l'impitoyable Lorrain. Elle lui avait même reproché, un jour, de raccourcir ainsi son nom pour trois lettres si froides. EdW.

Elle resta un temps au-dessus des messages, sans comprendre, sans faire le lien avec la lettre d'insultes envoyée contre son gré.
La seule chose certaine était que le Warenghien la dupait tout en aiguisant une curiosité qu'elle avait déjà du mal à tenir en bride. Et Dieu comme elle détesta cette idée. Elle se saisit d'une plume, prête à griffonner sa colère. Se ravisa, incapable.

Et puis, le croyait-elle bêtement, elle n'avait toujours pas résolu la seconde énigme, ne parvenant pas à entendre que racines pouvait signifier paraphes et qu'un minuscule e pouvait être la clef de la victoire.

Elle fit alors quelque chose d'encore plus stupide et, un soir en taverne, proposa à l'écrivain un juteux contrat. 30 écus pour qu'il l'aide à répondre à ce "non-ami", comme elle le présenta, en lui rendant la monnaie de sa pièce. Et en l'aidant à remporter la victoire!

La soirée fut loooooooongue.

Gerei s'embourba dans une réflexion propre à ceux qui ont une logique toute à eux. Il lui affirma tout d'abord que la réponse à l'énigme se situait entre les jambes (on passe sur le détail de la réflexion), ce qui ne manqua pas de faire étouffer la Prieuse dans sa chope.
Il lui proposa plusieurs phrases de réponses, quelques attaques également, tout en faisant comprendre à la Duranxie que le message important était qu'elle avait dû briser quelque chose, argumentant en cela qu'elle cassait bien les c... chausses de tout le monde durant le pèlerinage.

Finalement, elle se retrouva à payer 90 écus (le prix grimpa pour d'obscures raisons) pour un contenu de lettre douteux qui la laissa perplexe.

Mais qu'elle envoya quand même, parce que quitte à payer...
Stanislas.dw
La lettre suivante mit quelques temps à parvenir au lorrain. Livrée à Vigy, elle avait dû lui être remise en main propre aux abords d'Epinal, au campement des Bandes Noires. Le rattachement lorrain à la France agitait désormais son quotidien, puisqu'il fallait s'assurer que l'Empire ni ne tente pas quelques coups bas, ni ne considère pas la libre décision lorraine en tant que telle. Comprenons ainsi qu'il lui était, à nouveau, sorti de la tête ce mini-échange épistolaire avec la Prieuse. Plus encore, il était probable qu'il n'en ait pas envie en ce moment. Il avait également partiellement oublié le contenu des échanges précédents, mais presque tout allait très vite lui revenir.

Le messager, une fois la lettre descellé, s'en fut comme il était revenu, laissant le Lorrain seul près du feu. Il était temps de mettre le nez dedans. Et cela lui déplut fortement. A plusieurs reprises, il ne fut pas bien loin d'expédier le papier au feu. Comment cet échange avait-il pu tourner ainsi ? Il n'y comprenait plus rien, à croire qu'il en avait perdu le contrôle. Ah oui. L'indice du nom. C'est ce qu'il avait recherché, mais en fin de compte, cela l'agaçait bien trop. Il n'avait pas envie d'avoir à faire à la préciosité d'Ellya, dont elle faisait preuve dans ces moments où elle se préparait à faire la leçon, ni à son dédain. Le fautif devait rester à sa juste place.

Appelant un des écuyers du Montjoie, le seul sachant lire et écrire, il lui ordonna sur un ton sans appel de rédiger un courrier pour lui. Et même si il tâchait de s'appliquer, son sa calligraphie enfantine sautait aux yeux. Qu'importe bien.


Citation:
Ellya de la Duranxie,

Votre existence est sans nulle doute des plus vaines, puisque vous saccagez vos années de vertus en brisant quelques malheureux serments. Qui donc vous pardonnera, alors que ces serments furent jurés sous l’œil du Très-Haut ? Lui-même ? Probablement, mais le pardon n'implique pas l'oubli ni l'absence de culpabilité et le reproche.

Pour qu'il soit baigné par mon arrogante lumière, cela implique que Belial soit en moi. Je suppose alors que j'ai point changé, à vos yeux, mais qu'en tout cas, mes félicitations, vous avez trouvé la bonne réponse.

Quel dommage que cela soit, comme toujours hélas, encadré par quelques ridicules sornettes.

X.




Lettre, fort peu soignée, ni dans le contenu ni dans la forme, et rude par-dessus le marché, sans pour autant être violente. Il renvoya le gamin, puis lança la lettre au feu. Il ne l'aurait pas relu, de toute façon.
_________________

Pour plus de précision sur l'allure d'Ersinn :
http://www.lesroyaumes.com/FichePersonnage.php?login=ersinn
Ellya
La lettre au scel plus noir que le charbon gagna l'Helvétie quelques jours plus tard et trouva une religieuse plus très fraîche alors que la journée commençait à peine. Faut dire que les pèlerins n'y allaient pas mollo sur la gnôle, rendant les réveils de plus en plus nébuleux. La Duranxie n'était d'ailleurs pas la dernière à vider la bouteille. Ajoutez à cela les poux qui la réveillaient parfois au milieu de la nuit tant ça la démangeait et vous comprendrez aisément l’œil tout aussi sombre que le sceau qui lut la courte lettre.

Ses dents grincèrent tandis que les phrases lapidaires la heurtaient de plein fouet. A croire qu'ils s'étaient tous donnés le mot pour lui rappeler que la culpabilité l'étouffait.

Quelques jours plus tôt, c'était Antoynette qui avait commencé, digérant mal une remarque certes peu compatissante de la Cistercienne. Sous prétexte que c'était une femme de foy, sans doute l'imaginait-on pleine de cet amour qui la faisait ricaner. La déception était souvent brutale. Mais Ellya finissait toujours par culpabiliser.
Ensuite, son crétin de fils avait cru bon de l'assommer de reproches. Ah, la vilaine mère qu'elle était. Indigne. Etait-ce de sa faute si elle ne s'émouvait pas de le voir évoluer autour d'elle? Si elle s'en fichait comme de sa première bure? Les mots avaient été acides, l'humiliation totale. Alors elle avait culpabilisé, évidemment.
Paondora en avait rajouté une couche peu après: pour être si mauvaise mère, elle avait dû être terrible épouse. Un tribunal se serait réunis pour la juger qu'ils n'auraient pas été plus synchro! Culpabilité, nous y voilà encore.
La cerise sur le pudding à l'arsenic? Sa pupille qui prétendit que toute honnêteté était bonne à prendre, même si elle blessait. En gros, que Juste avait eu raison. Pour une femme qui n'utilisait la vérité qu'à doses infimes, les propos avaient eu du mal à passer.

Mais alors là, c'était le glaçage sur la cerise, d'autant plus amer à avaler qu'elle était pleinement consciente de ses torts. Et tout aussi consciente qu'elle était incapable d'en réparer ne serait-ce que la moitié. Elle songea à laisser courir et à ne pas répondre: il était si doux de songer à arpenter la voie de la facilité. Toutefois, parce qu'elle était sans doute un peu maso sur les bords, elle finit par répondre, entre deux pauses sur les routes poussiéreuses de ces barbares qui ne parlaient même pas français!





    Très cher,


N'entendez d'ailleurs pas par cette appellation que je vous chéris: je suis aussi peu attachée à vous que tout le reste. Enfin, je m'en persuade vaguement alors que vous répondre me coûte (cher). Quoi? Devrais-je jouer la carte de la franche (ou prétendue) soumission pour obtenir un piteux pardon de votre part?
Combien d'années, vous l'ai-je offert, moi, sans rien attendre ni demander?
Mais soit. Avouons. Savourez, Warenghien: je courbe l'échine, je ne souris plus en coin et, si vous êtes sage, je peux même m'agenouiller.

Pardonnez-moi.

Pardonnez-moi de ne pas avoir eu la délicatesse, alors que vous étiez soi-disant prêt à me faire vos confessions, de vous avoir tourné le dos.
Pardonnez-moi de n'avoir eu aucun regret sur l'instant à le faire, alors que vous devriez être en haut de la liste de mes priorités.
Pardonnez-moi de n'avoir vu en vous qu'un pion à jouer un jour, dans un jeu obscur dont je n'ai jamais compris les règles, alors que vous auriez dû être le Roy.
Pardonnez-moi d'ornementer mes lettres de plus de quatre mots comme vous le faites alors que, tout le monde le sait, concision est mère de sagesse.
Pardonnez-moi d'ailleurs d'oser écrire les miennes de ma main quand vous ne vous donnez même plus cette peine.

Oui, pardonnez-moi, Lorrain. Vous méritez tellement mieux. Vous êtes tellement mieux!

Quoi encore? Je m'épuise à demander un pardon alors que seul le Créateur pourrait me l'apporter, vous dîtes?
Quelle tristesse.

Mais soyez rassuré (ou assuré): je ne vous oublierais pas, ni vous, ni vos reproches. Je suis faible alors j'essayerais, évidemment, mais je n'y parviendrais pas. Oui, je continuerais à me repentir jusqu'à la fin de ma vie pour cette malheureuse confession réclamée des mois et des années, mais refusée alors qu'enfin je n'étais plus sur la liste d'attentes.

Mais vous savez quoi, Ersinn?
Moi, je vous pardonne. Vos erreurs. Votre orgueil. Votre foy même.
Je vous pardonne.

    Ellya de la Duranxie.


La lettre fut envoyée le lendemain. Sans regret ni remord.
Ellya
Au beau milieu du désert, à l'heure où la lune s'envole et, avec elle, un froid mordant, commençait à régner le silence sur la caravane des pèlerins. La plupart étaient déjà emmitouflés sous des couvertures en quête de sommeil. La religieuse, elle, achevait ses prières.
Quand le messager ailé arriva, lourdement chargé.

D'un oeil sceptique et le nez retroussé, signe qu'elle se méfiait du paquet inattendu - au sens premier du terme - la Duranxie délivra l'oiseau de son fardeau et, à la lueur d'une bougie consumée à moitié, lut la petite note séparée d'une sorte de livret.


Citation:
- Qu'Ellya de la Duranxie se voit attribuer le livret noir des Warenghien, celui renfermant mes plus noirs secrets. Qu'elle ne reçoive ce livret SI et SEULEMENT SI elle accepte d'honorer le serment nous liant, auquel elle essaye vainement de se dérober, sous les yeux du Très-Haut.


Son front se plissa. C'était quoi cette connerie? Warenghien... Des mois qu'elle n'espérait ni n'attendait plus aucune réponse de lui. Alors un livret... noir?
Des secrets...
Son palpitant s'emballa. Des secrets! Des secrets et un serment. Foutue promesse.


Citation:
- A Ellya de la Duranxie, je rend également pleine possession des quelques appartements français légitimement siens. Le secret de ce larcin figure dans le livret noir.


Quoi?

Comment ça, "larcin"? Son nez se tortilla tandis que ses yeux se posaient sur le livret. Elle secoua la tête. C'était un piège. Encore une imposture de l'infâme et fourbe Lorrain. Elle ouvrirait le livret et il n'y aurait qu'un "ah ah" rédigé. Pire, il serait vide.
Ou alors, elle l'ouvrirait et il serait couvert de l'écriture du Warenghien. Des secrets... Ellya en raffolait. Ceux-là, elle les convoitait depuis des années.
Mais ce serment...

Elle s'humecta les lèvres, lentement, tournant et retournant entre ses doigts le petit mot. Un lourd silence s'était abattu sur le campement. Elle pesait ses possibilités avec autant de soin qu'elle avait réfléchi à ce pèlerinage insensé.
Si elle acceptait, si elle promettait au nom du Créateur, si... Elle replongerait. La Prieuse savait qu'elle replongerait dans les vices qu'elle tentait d'abandonner depuis le début de sa marche.
Mais voilà, Ersinn lui avait écrit, il rendait les armes. Une promesse d'elle et, si le livret renfermait bien la chose due, elle aurait gagné. Gagné le droit de savoir.
Et le soulagement immense qu'elle ressentirait alors! Du moins, se l'imaginait-elle.

Sa main gauche se posa sur le livret aussi noir que la chevelure lorraine. Elle était prête à jurer.

...

Elle se ravisa.
De noirs secrets.
Etait-elle capable d'en assumer la connaissance?
Ellya
Elle avait passé la nuit les yeux rivés sur le livret, sans parvenir à trouver la volonté de l'ouvrir ni la résignation d'aller se coucher. La journée suivante, son esprit demeurait hanté par la couverture noire de l'ouvrage, la curiosité brûlant ses veines.
Alors, quand le soir tomba de nouveau, elle s'éclipsa plus vite qu'à l'accoutumée et céda.
Après avoir marmonné un "Je promets, je promets... Fichu Lorrain", elle ouvrit la première page.


Citation:
Je m’appelle Ersinn de Warenghien. Je suis né à Saint Dié, en Lorraine, le 17 mai 1430.

Ce livret consigne l’ensemble de mes plus noires exactions. Si ces mots trouvent un autre lecteur que son rédacteur, alors j’ai échoué. J’ai échoué à recevoir de la Prieuse, la seule Romaine encore en vie en laquelle je plaçais suffisamment de confiance, l’absolution promise.


Tout doux, Warenghien... Je n'ai rien absous du tout. Toujours la charrue avant les bœufs!

Elle reprit sa lecture, sur un sourire amusé. Il lui faisait donc confiance... Il faudrait qu'elle le lui rappelle, la prochaine fois qu'elle le verrait.

Citation:
Si ces lignes sont lus par ses yeux, c’est que néanmoins, vous m’offrez une dernière victoire.


Un éclat de rire perça la barrière de ses lèvres. Non, la gagnante, c'était définitivement elle. Elle qui allait tout savoir!

Citation:
Ainsi, même défait par la mort,


Elle se figea. Comment ça, "défait par la mort"? Elle relut les quelques mots quatre ou cinq fois. Un frisson lui parcourut l'échine. Impossible...
Possible?


Bon Dieu...

D'innombrables questions surgirent: était-ce vrai? Comment? Quand? Etait-ce vraiment vraiment vrai?
Elle attrapa une bouteille de vin qui avait tout du vinaigre, acheté quelques semaines plus tôt sur le marché ottoman, et s'en servit une large rasade.
La religieuse n'avait rien contre la mort, en soi. C'était même plutôt une bonne chose. Enfin, pour ceux qui finissaient sur l'Astre diurne. Pour les autres... Et Ersinn, dans son esprit, faisait partie de ceux-là. Son coeur se serra.


Bon Dieu
, répéta-t-elle. Elle était décidément trop sensible, ces derniers temps. C'était mauvais, très mauvais.
Elle finit sa timbale et reprit sa lecture, la curiosité ayant pris un arrière-goût amer.


Citation:
Ainsi, même défait par la mort, je sais vous faire courir droit vers le pêché. Malgré tout, j’en suis heureux. Mais ce n’est pas ainsi que les choses auraient dû se passer.

Le contenu de ces pages n’est rien d’innocent, et abreuvera sans peine toute la malsaine curiosité que peut contenir votre esprit, votre âme et votre coeur. Si vos yeux poursuivent sans sourciller la lecture de ces mots, alors je ne m’épancherai pas à sermonner vos faiblesses. Elles seront toutes oubliées, d’ici quelques minutes. Il est temps pour vous de remplir votre devoir. Cependant, gardez une unique chose à l’esprit: vous n’avez nullement le droit de porter le moindre jugement. Pour cela, il aurait fallu que nous devisions.


Des reproches, encore des reproches. Et un constat bien cruel.
Oui, comme elle était faible! Mais c'était doux de s'y laisser plonger, dans ses vices. Ça faisait bien trop longtemps qu'elle s'octroyait un rôle et une place qu'elle n'avait pas. Le coup de bâton imaginaire lui faisait un bien incroyable. Il faudrait qu'elle remercie Ers... Ah non, il était parti. Ses sourcils se froncèrent. C'était dur à admettre. Elle n'avait pas envie de le faire.
Cœur stupide.


Pas de jugement donc. Ainsi soit-il, Lorrain. Une juste sanction pour vous avoir tourné le dos.

Citation:
— — — — —

Ma vie est un long récit. Lorsqu’un esprit est jeune et indiscipliné, la quête de la vertu n’est rien d’autre qu’une plaisanterie sans importance, un ridicule éventail derrière lequel clergé, noblesse et politique masquent ses plus noires tribulations. Que Déos me pardonne d’avoir été jeune si longtemps.

— — — — —


Elle se sentit soudain si vieille...
Ellya
Citation:
La jeunesse innocente.
Epinal, 1434-1438 (IG: 1454 -1455)

Dès mon plus jeune âge, la voie des armes m’appelait, et n’a pas tardé à m’étreindre. Ainsi démarrait, dès que l’âge me le permettait, mon engagement auprès de l’OST lorrain. En digne Warenghien, âgé de 14 ans, ma soif de puissance et mon esprit martial m’assurèrent une formation des plus rapides. Il fallait que l’on sache qu’Ersinn de Warenghien venait de sortir de sa coquille. Il fallait devenir quelqu’un, car y avait-il un moyen plus efficace pour impressionner les jeunes femmes peu farouches qu’une veste galonnée et un corps ferme et robuste ?


Les femmes. Ah! Elle se souvenait encore de la réputation que le Lorrain avait traîné avec lui jusqu'à Marmande. Ça avait fait jaser ses paroissiens des semaines durant. Une en particulier qui était tombée presque immédiatement dans les filets de... l'homme marié qu'il était alors.
La Duranxie soupira. Elle avait l'impression que tout cela s'était passé une éternité plus tôt.
Elle se frotta les yeux entre le pouce et l'index de sa main gauche. La lumière dégagée par la chandelle allumée peu de temps avant lui paraissait insuffisante pour son regard inexorablement vieillissant.
La Prieuse revint à sa lecture.


Citation:
Si la plupart des jeunes entament leur cercle vicieux par le vol, pour moi, ce fut la luxure qui causa ma perte. Les femmes. Toujours plus de femmes, pour nourrir les pensées obscures qui colonisaient mon esprit. Et c’est ainsi que je m’évertuais, par un jeu de séduction et de manipulation bien rôdé au fil du temps, à voler l’amour d’une femme pour ensuite en être lassé, et en trouver une autre… Chaque victoire ne faisait qu’accroitre l’ennui de ce que je considérais être un passe-temps, jadis.


Son nez se retroussa aussi vite qu'elle referma l'obscur livret. Quoi? Ersinn n'allait-il que lui conter ses larcins amoureux? Même dans la tombe -si c'était bien là qu'il était (elle soupira, meurtrie, à cette idée)- n'avait-il pas fini par comprendre que la religieuse se fichait des histoires de cœur? Que, tout au mieux, cela lui fichait une nausée nerveuse.
Que pouvait-on trouver de plaisant au mélange des corps?

Sa langue claqua contre son palais tandis qu'elle ouvrait une nouvelle fois l'écrit à secrets... Elle avait promis, après tout. Même si elle avait espéré plus de...


Citation:
C’est ainsi que périt ma première victime, Margox d’Epinal, si folle d’amour, si désemparée par la vérité, qu’elle quitta, de son propre fait, notre monde. Mais il n’y avait ni larmes dans mes yeux, ni même de remords dans mon esprit. En cet instant, je n’avais pas réellement compris la raison de sa mort.


Voilà!
Du mauvais, du vilain.
La torture de l'esprit.
C'était ... jubilatoire. C'était mal, très mal. Elle se confesserait plus tard.
Le Lorrain avait donc causé la mort d'une femme qui l'aimait trop. Ah. Ils avaient ça en commun. Ils auraient pu en deviser de vive voix, si elle n'était pas partie sans prendre la peine de l'écouter. S'il s'était décidé plus tôt également.

De désagréables souvenirs vinrent cogner dans son esprit.
Elle les noya dans l'alcool acide.
Ellya
Citation:
L’enlisement.


Maintenant allongée sur sa paillasse, la tête tournant à vive allure, la religieuse demeurait bloquée sur ce simple mot. Enlisement. Le début de la fin, quoi. Pour elle, ç'avait été causé par une vilaine hésitation. Et pour lui?
Finalement, ses yeux descendirent et avalèrent les phrases suivantes.


Citation:
L’enlisement.
Bayonne, 1439-1440 (IG : 1455)
Pour des raisons diverses et variées, j’ai rejoint la colonie française en Gascogne, pour repeupler cette région déserte. L’avenir était prometteur, et mon ambition grande. J’étais désormais Sergent de la caserne de Bayonne, et malgré les menaces d’invasion du Duché de Guyenne, l’ambiance dans mon bastion était des meilleures. Mon esprit réclamait toujours autant de se nourrir de l’amour et du désespoir des femmes. Ainsi, la Gascogne ne marqua pas la frontière avec une nouvelle vie, mais une autre phase. Encore plus profond dans les abysses du vice. Les paris se mêlèrent à ces sombres histoires de coeurs. Quoi de mieux pour entretenir le moral des hommes que de lancer quelques paris dont l’indécence ferait défaillir une nonne ?


Un rire roula dans sa gorge. Une jeune nonne, alors. Les autres entendent tant d'horreurs...
Pour avoir côtoyé des soldats toute sa jeunesse durant, elle imaginait bien les discussions qu'ils pouvaient avoir entre eux. Elle frissonna et resserra sa cape en laine contre son buste. Décidément, ça aussi, c'était un mauvais souvenir.
Fichu Warenghien qui remuait la boue de ses eaux sombres.


Citation:
C’est ainsi que je fis la connaissance de Sheryanne, la belle et pulpeuse Sheryanne, que plus d’un gascon convoitait secrètement… Mais un seul homme la détenait, Al, ce barde itinérant auquel elle avait offert non seulement son coeur, mais également sa main. Le défi était de taille, pour le Sergent de Warenghien. Sans aucun doute la plus longue cour que je n’ai jamais eu à faire à une femme pour parvenir à modifier l’allégeance de son coeur, et devenir son nouveau Roi. Afin de m’assurer une victoire totale, je n’arrêtais pas là l’humiliation envers Al. C’est ainsi que ce dernier quitta le village, le coeur brisé, rouge de colère contre ce nouveau couple.


Douce victoire que ce dut être pour vous, Lorrain... Bien cruelle. L'amour est si sot.

Elle s'en gardait bien, elle, de devenir idiote. Il avait suffit qu'elle teste l'amour des autres pour se rendre compte que c'était dangereux d'en éprouver soi-même.
Finalement, elle s'était convaincue que si elle était encore en vie, c'était grâce à son coeur de pierre. Son cœur trop mou depuis le pèlerinage.
Faudrait y remédier.


Citation:
Durant ces entrefaites, ma réputation lorraine, que je démentais avec ferveur, avait fini par atteindre la Gascogne. Si bien qu’un piège me fut tendu, afin de démêler le vrai du faux. Et la séduisante damiselà que Sheryanne avait envoyé me tester n’eut aucun mal à m’allonger dans son lit, pour ensuite me révéler l’objet de son contrat. Le soir même, je retrouvais ma compagne pendue sur la place de Bayonne, laissant derrière elle un des plus beaux poèmes que je n’ai jamais eu à lire, tant il était vrai.


Un juron s'échappa de ses lèvres tandis que son rythme cardiaque s'accélérait; non point de peur, mais d'excitation. Malsaine. Perfide.
Qu'il était bon de voir la noirceur chez les autres. A peine avait-elle connu Ersinn qu'elle avait su qu'il serait de ceux-là: si vils, si noirs qu'elle se sentirait blanche colombe à ses côtés.

Oh, doux. C'était doux! Sucré.


Citation:
Sheryanne, voici le nom de ma deuxième victime. Nervosité, rires, et incertitudes. Craignant de sombrer dans la folie, après cette violente prise de conscience, je quittais Bayonne et la Gascogne, dans la nuit.


Alors qu'un verre de bon vin aurait tout arrangé...

Les remords, faut les noyer. C'est comme les bons sentiments. Et les mauvais.
Ellya
Elle s'était assoupie alors qu'elle était plongée dans ses pensées.
Dans celles-ci, elle avait imaginé le Lorrain, dans toute sa superbe à peine froissée, chevauchant à toute vitesse pour fuir la Gasconha. Le plus beau duché du monde.
Elle s'y était revue, grandir, épanouie. Bêtement jeune. Elle avait le tort d'être encore une enfant, à cette période-là. Puis son esprit avait émis la sotte hypothèse d'une rencontre, là-bas. Eux deux. Qui aurait perverti l'autre? Le sommeil l'avait embrassée avant qu'elle n'opte pour une réponse.

Ce furent les voix de ses compagnons d'infortune qui la tirèrent de cette nuit trop courte. Elle maugréa, la bouche pâteuse, les yeux cernés et mit une éternité à se lever avant de les rejoindre, sous leurs remarques agacées. Elle ne tira mot de la journée, attendant avec une impatience fébrile de se retrouver de nouveau seule. Elle avait l'horrible impression de retenir sa respiration comme s'il lui fallait finir la lecture avant de pouvoir reprendre le cours de sa vie.

L'arrêt lui procura un soulagement ineffable. Elle monta sa tente plus vite que jamais, se lova dans la chaleur d'une couverture pour lutter contre le froid mordant du désert et, presque religieusement, reprit sa lecture.


Citation:
L’ombre de la lumière.
Guyenne et alentours, 1440 (IG : 1456)
En Guyenne, un garde royal bien trop peu prudent, Zhuyangzhang, commit l’erreur de m’employer au sein des services secrets royaux.


Bon Dieu.

Espion. Évidemment! Que n'y avait-elle pensé? Ses lèvres se pincèrent l'une contre l'autre, fâchée qu'elle était de n'avoir jamais eu cette idée. Pourtant, ce n'aurait pas été le premier qu'elle aurait côtoyé, son cher et tendre (et unique?) ami Théo lui ayant avoué avoir joué à ce jeu dangereux.
La réponse était presque trop simple. Son nez se retroussa, agacée.


Citation:
Un nouveau nid, dans lequel les opportunités était tellement immenses que j’en oubliais instantanément ces futiles suicides féminins. Mon esprit ambitieux se projetait déjà dans l’avenir, évaluant les opportunités du coté de la lumière, mais aussi les possibilités à sévir dans l’ombre sous couvert de la lumière. Après la luxure, une autre forme de gloire m’appelait: la richesse. Pour répandre la justice, mon nouveau rôle était de m’infiltrer auprès de brigands, cheminer avec eux jusqu’à gagner leurs confiances, pour ensuite les trahir de manière à leur assener un coup fatal.


Le doigt de la dextre posée sur le mot "trahir", elle se pinça l'arête du nez de l'autre, en pleine et douloureuse réflexion.

La justice est-elle encore justice quand on jouit du mal que l'on fait pour sa finalité? Hein, Ersinn? Vous étiez pourri comme une pomme pleine de vers.


Et comme cela la chagrinait! Et comme elle éprouvait de la fierté pour sa presque ouaille, en sacristine pourrie elle-même.
Citation:

A partir de ce moment, j’ai cessé de compter le nombre de mes victimes. Durant cette période, aucune n’a péri de mes mains, ni de mon esprit. Du moins, je ne crois pas. Mon seul méfait était de voler leurs avoirs. Que la mort vienne les trouver après cela n’était pas une question qui traversait mon esprit ni qui me travaillait. A vrai dire, cela m’importait peu, cela ne figurait pas dans les ordres. Après tout, j’oeuvrais pour la justice, et je devais être un parfait voleur. La crédibilité était capitale. Seuls les régnants des provinces où j’oeuvrais possédaient le secret de ma mission, afin de m’éviter les pires ennuis. Et quand bien même, au début, je m’attachais à honorer mon contrat d’espion, ce costume m’allait si bien. Trop bien.


Un bruit la fit sortir de sa lecture. Sûrement l'écrivain et la fuxéenne qui devisaient encore près du feu de camp. Elle soupira, se frotta les yeux et relut la dernière phrase. "Trop bien". C'était à s'en douter.

Citation:
Tellement bien qu’il a finit par s’attacher à ma peau. Ainsi naquit le Prince Noir. Parti sans un sous de Gascogne, j’étais devenu riche de quelques milliers d’écus. Sans que le gouvernement ne me pose la moindre barrière. Sans que ma réputation se ternisse dans le milieu grâce à d’infaillibles alibis. Même si je le soupçonnais déjà, j’avais découvert mon talent: la manipulation.

Sous ce masque, je fis la connaissance d’une merveilleuse sacristine, à Marmande, dont le nez me fait tourner la tête aujourd’hui encore. Je ne devrais pas avoir besoin de l’écrire, mais cette femme là, fut également l’une de mes victimes. Mais, sans qu’elle ne le sache, je fus aussi la sienne…


Elle referma le carnet sèchement. Non. Il n'avait pas le droit de parler d'elle. C'était petit, trop petit. Ses yeux se plissèrent. Elle n'était pas sa victime! Ne l'avait jamais été! Ses dents grincèrent.
L'avait-elle été?
Elle regarda droit devant elle sans rien voir en particulier.
Sûrement. Sûrement qu'elle l'était encore puisque son cœur battait si fort, qu'une sourde colère battait sous ses tempes et qu'une larme tentait vainement de percer la barrière de ses paupières.
Sûrement puisque, malgré elle, elle s'y était attachée, à l'idiot Lorrain.
Ellya
Le trop noir livret resta clos plusieurs jours durant lesquels elle continua son épuisant pèlerinage sous le soleil harcelant du désert. Le Warenghien hantait ses pensées et elle le haïssait pour cela: son esprit aurait dû être tourné vers la proche félicité de croiser le Très-Haut. Mais non.
Obstinée, elle résistait à poursuivre sa lecture... jusqu'à ce que les pèlerins arrivent au sanctuaire taurin. La religieuse leva ses yeux clairs vers le promontoire qui s'élevait face à eux. Haut. Vertigineux. Mortel.
Ils étaient parvenus dans ce lieu sacré en fin de matinée. Assez tôt pour écrire à qui de droit, faire ses adieux, prier. Loin de se conformer au programme qu'elle avait prévu des mois plus tôt pour ce jour particulier, Ellya s'éloigna une énième fois du groupe, sans un mot, le carnet en main. Elle s'assit à même le sol, quelques pas plus loin, face à la mer qui roulait, imperturbable, et entreprit de tenir sa promesse. La dernière, peut-être. Un peu amère, mais surtout brûlante d'une curiosité qu'elle détestait autant que le Lorrain. Et non à la fois.

Elle ouvrit le livret et retrouva la page où elle était rendue. La suite, sans même la lire immédiatement, la surprit. L'écriture ciselée d'Ersinn emplissait le blanc sans pause. Avait-il ressenti une certaine urgence à l'écriture?
La Prieuse prit une large respiration -celle qui manquait dans sa lecture à venir- et se plongea dans les mots.


Citation:
L’immune impunité.
Guyenne, Périgord, Limousin, 1440 - 1442 (IG : 1456)
Après quelques missions sans grand prestige, j’ai finalement été chargé de me rapprocher de l’agitateur Guige_la_lune, semant le trouble principalement en Guyenne. Je n’avais jamais rencontré d’hommes aussi prudent, si bien que j’ai passé près de deux ans de ma vie à ses cotés pour parvenir à gagner sa confiance afin d’être intégré à la tente de commandement de la Compagnie des Octavius. Guige était un homme doté d’un esprit si brillant qu’il ne pouvait être que fou. L’ambition qu’il affichait aux yeux de tous était de bâtir, à l’instar de la Confédération Helvétique, un autre havre de paix pour les amoureux de la liberté inconditionnelle, loin de la démagogie politique, loin du populismes constant et de l’hypocrisie du règne ducal. Les villes de Cahors et Sarlat devaient former cet ensemble. Créer un nouvel état. Pour ce faire, la compagnie avait besoin de bras et de fonds pour fonctionner. Cette entreprise dépassait mon entendement. A l’instar de l’Arbre à Neuf Vies, Guige voulait baser la réussite de son projet sur la construction d’un large réseau. Mais il prenait bien soin à compartimenter les informations, si bien que je restais dans une ignorance partielle. Après deux longues années, je n’avais strictement aucun contrôle sur la situation, une situation qui devenait dangereuse pour moi, car non seulement j’échouais à remplir ma mission, mais en plus je m’enlisais sans remplir mon objectif personnel d’enrichissement. Mais le destin récompensa bien assez vite ma patience. Pour bâtir son réseau, Guige devait impérativement solidifier les relations avec ses potentiels alliés afin de permettre la confiance de régner. C’est ainsi que je rencontrais les Pirates Rouges, ancêtre des Renards du Berry. Notre première collaboration portait sur une razzia du Duché d’Alençon, politiquement faible et isolé à l’époque. Une cible idéale pour une attaque groupée, mais aussi une opportunité parfaite pour détruire l’oeuvre de Guige_la_lune. En cours de route, nous rackettions les passants. Peu de gains coté Octavius, tandis que la fortune souriait aux Pirates, avec près de 3000 écus de rapine en une journée. Mes yeux brillaient, à l’écoute de cette merveilleuse nouvelle. La nuit venant, les deux officiers des Octavius, Ulysse et moi, avions préparé une embuscade contre les Pirates afin de leur reprendre leurs richesses. Mais je ne pouvais me contenter de la moitié de ce butin. Ulysse mourut de mes mains, à la minute où nous avions défaits les Pirates. Dans mon rapport pour Guige, il avait été tué au combat. Mais cela importait peu, finalement. Dans le milieu, le crime appelle la vengeance. Bien que je puisse raconter parfois que j’ai tué Guige, ce n’est pas une vérité. Les Pirates ignorait que j’étais celui qui avait orchestré l’embuscade. Guige le paya de sa vie. J’avais doublement rempli ma mission. Et la paix revint progressivement en Guyenne, alors que les Pirates, devenus Renards, voulait ma mort, mais ne l’aurons jamais eu. Pour leur échapper, quelques mois plus tard, un convoi diplomatique mené par ma future belle-soeur, Mayouche Cardofer m’a permis de retourner en Lorraine, sain et sauf.

Cependant, les Renards sont venus jusque moi, en Lorraine, bien plus tard. Leur vengeance les a conduit jusqu’à Nancy, qu’ils ont mis à sac, récupérant ainsi leur dû et bien plus encore. Je ne me souviens plus de la date exacte.


A peine eut-elle finit ce chapitre qu'elle en reprit la lecture: si elle avait compris la globalité de l'histoire, ce n'était pas le cas des détails. Finalement, il lui fallut s'y reprendre à quatre fois avant de situer les diverses personnes et leur rôle. Elle ne comprit pas tout, mais l'essentiel: quel fourbe!
Ellya
Le titre du chapitre suivant lui arracha un large sourire, de ceux qui côtoient la connivence. De ceux qui, aussi, sont teintés d'une tristesse fataliste.
Un bruit la tira de cette bulle dans laquelle elle s'était éclipsée le temps de sa lecture. Son fils. Elle le regarda par-dessus son épaule qui lui faisait de grands gestes. Ses yeux papillonnèrent le temps de revenir à la réalité.
Ah? Antoynette était partie? Ah? Gerei aussi? Ah. Ils allaient sauter? Ah... Tandis que la chair de sa chair l'interrogeait du regard, elle haussa les épaules et balaya l'air de sa main. "Qu'importe" disait le geste. "Laissez-moi" hurlait la posture.
Elle revint au livret. Son livret.


Citation:
Finalement, Folie.
Guyenne/Périgord,1442 (IG : 1456)
Cette histoire ne se termine pas réellement sur une note glorieuse. Afin de repartir, il me fallait rassembler mes affaires à Marmande… Mais c’était sans compter l’armée du Périgord qui me barra la route et m’imposa une longue convalescence à Castillon. Mon nom n’avait pas été transmis au Duc régnant, faisant de moi le pire criminel du PA. Les jours furent longs, à Castillon, et mes pensées sanguinaires, noires et pleine de haine. Le gouvernement m’avait abandonné et mené au désespoir. Ou était-ce le retour de bâton de Dieu ? Mon engagement auprès des services secrets s’amenuisa. Il n’y avait plus rien à en tirer, puisque ma protection n’était désormais plus assurée. Mais il n’y eut aucun masque de justicier à briser au sol. Je n’avais de toute façon jamais rempli ce rôle que si j’y gagnais également au change. Ainsi, la Grotte et ses joyeux lurons eurent la chance de pouvoir compter sur un nouveau membre assidu.


Castillon. Il lui avait parlé -enfin plutôt écrit- de Castillon un jour. Le nez retroussé, elle fouilla dans sa mémoire, qu'elle avait encore plutôt bonne.
Castillon. Elle s'y était rendue après qu'il lui en avait parlé, des années plus tôt. En bien. Il lui en avait parlé en bien, c'était certain. Le pourquoi demeurait farouchement bloqué. C'était sans importance.
Un soupir lui échappa tandis qu'une triste réalité la frappait: il était impossible que le Lorrain ait pu tout écrire de sa vie. La frustration lui fit serrer des dents tandis qu'elle poursuivait d'ouvrir la Pandora Warenghienne.


Citation:
Floraison du crime
Guyenne puis France,1442 - 1445 (IG : 1456)
Ce qui m’a valu le surnom de prince noir,


Elle revint quelques pages en arrière: il l'avait déjà mentionné, ce surnom.
Prince noir.
Mais quel orgueil! Quelle suffisance!
La Prieuse ricana.
Comme c'était bien choisi...



Citation:
Ce qui m’a valu le surnom de prince noir, dans le milieu, n’était rien d’autre que mon admirable faculté à éviter au maximum les ennuis malgré les prises de risques. Les anciens passes-droits dont je bénéficiais m’avait permis d’avoir une connaissance très pointue du fonctionnement des renseignements provinciaux, et je n’avais en général aucun difficulté à m’inventer de nouvelles identités pour justifier un crime. Dans ce contexte, j’ai rencontré un certain Rayser, nom de code du porte parole du groupe, qui avait pour projet de créer une autre de ces compagnies de brigands. Sans grand conviction, j’acceptais de les rejoindre. Désormais membre honorifique de la Camorra, je me contentais essentiellement de leur fournir des conseils, des moyens, des précautions et quelques contacts. Les fondateurs étaient très à l’écoute, surtout un certain Tonic, dont la curiosité était si profondément égocentrique qu’il ne m’inspirait, déjà à cette époque, guère confiance. La Camorra, qui deviendra Fatum, était née.


Destin.
Quelle ironie.


Ellya tourna une nouvelle fois la tête en direction du promontoire et vit son fils s'y diriger. En bonne mère qu'elle n'était pas, elle ne se précipita pas pour l'empêcher d'y grimper. Au contraire, elle détourna le regard et, étouffant de culpabilité, posa une énième fois ses yeux clairs sur le sombre carnet qui avait mille fois plus d'importance pour elle que la vie de son descendant.
Ellya
Citation:
Lent retour à la raison.
Saint Empire francophone, 1446-1448 (IG :1457 - 1458)
Avec l’âge vient la raison,


Si seulement, jeta-t-elle à l'intention du ténébreux livret.

Citation:
Avec l’âge vient la raison, mais ce n’est jamais un changement brutal qui s’opère. La lassitude et la solitude du métier de voleur était notoire, et un retour vers la mère patrie s’imposait, au moins pour pouvoir entreposer la phénoménale fortune que j’avais amassé, mais aussi pour se reposer et se faire oublier. Cependant, l’ennui revenait vite, mais le fils d’un noble de la famille Rubempré m’envoya vers un filon qui raviva la flamme de mes pêchés. Du banditisme organisé. Du moins jadis, il y avait encore des Commissaires au Commerce prêt à tout pour affaiblir l’économie du voisin afin d’écouler ses surplus. Le pillage de contrats commerciaux était une activité très rentable, surtout qu’elle s’inscrivait au beau milieu de la guerre d’indépendance de la Provence. Les yeux étaient tournés ailleurs, et il n’y avait personne pour entendre les plaintes de mes victimes. Mais tout âge d’or connait sa fin. Et en fin de compte, celle-ci fut brutale. Il n’y avait qu’une seule femme au monde, Elisette Cardofer, pour permettre ce changement. Et il a fallu que je la rencontre.


Ah la fameuse! La défunte.
Ils n'en avaient vraiment jamais parlé. Parce que ça n'intéressait pas la Prieuse? Parce que l'intimité du Warenghien ne regardait personne et surtout pas elle?
Sans doute un peu des deux. Encore aujourd'hui, Ellya ne s'interrogeait pas vraiment sur qui avait été cette femme: les histoires d'amour l’écœuraient. Alors quoi? Allait-elle devoir souper de la rencontre mielleuse, des premiers baisers et du "oui" idiot dans les lignes à venir?
Ses sourcils se froncèrent.


J'espère que vous avez eu le bon sens de m'épargner vos mièvreries, Lorrain.

Elle reprit sa lecture lentement, redoutant la suite de la funeste histoire.

Citation:
— — — — —

Mais mon histoire ne s’arrête pas là. L’argent débordait de mes manches, une femme merveilleuse marchait à mes cotés. Pour que s’achève le cercle vicieux, il ne manquait plus que le désir du pouvoir. C’est l’unique explication que j’ai trouvé, avec du recul, pour expliquer ma subite implication dans la politique locale.

— — — — —


Ou une lassitude constante de ce qu'apporte la vie. La Duranxie aurait répondu cela.

Citation:
Le lent réveil du vice.
Lorraine


Pff.

La Lorraine. Le duché qu'elle haïssait le plus au monde. Avec la Guienna (ironiquement).
Elle aurait eu beaucoup à dire à propos de toute l'inimitié qu'elle éprouvait pour ce territoire et ses terres froides. Mais, plus que le lieu, c'est bien la personne qu'elle avait été là-bas, à chaque fois, qui la dégoûtait.
Une femme (enfin, pas tout à fait) éplorée, candide, soumise, ignorante.
Une femme (une mère) désabusée, brisée, lassée, amère.

La Lorraine, donc. Soit.


Citation:
Lorraine, 1448-1452 (IG : 1458)
Mon ascension vers l’obtention du pouvoir en Lorraine n’a pas été des plus fulgurantes. D’abord timidement, je suivais les traces de ma femme, afin de gagner en savoir et en expérience. Mais très rapidement, cette lenteur devint si problématique pour moi, si bien que j’abandonnais déjà l’idée de poursuivre cette voie. J’avais eu le temps de commettre erreurs et pêchés durant ce court laps de temps, notamment en trahissant la confiance femme dans l’optique d’obtenir certaines informations difficile d’accès. L’atmosphère devenait pesante en Lorraine, et mon cousin, Lefier de Warenghien, était venu me voir pour me proposer le projet ambitieux de devenir la 9ème branche de l’arbre à 9 vies, réseau souterrain si secret que je ne le pensais être qu’une légende. Les routes m’appelaient de nouveau, sans me souffler qu’une tragédie m’attendrait au bout du chemin.


L'arbre à neuf vies.

Elle souffla ces quelques mots avant de revenir, une nouvelle fois, en arrière dans sa lecture.
Citation:

A l’instar de l’Arbre à Neuf Vies, Guige voulait baser la réussite de son projet sur la construction d’un large réseau.


Erudite, elle avait lu un nombre d'ouvrages satisfaisant, mais cet arbre n'évoquait rien à sa mémoire. Elle eut alors l'intime conviction de manquer quelque chose. Il faudrait qu'elle se renseigne, à son retour sur les terres françaises... Enfin. Si elle rentrait.
Elle se redressa; ses jambes lui faisaient un mal de chien. Elle épousseta le sable attaché à sa bure et, la main en visière, regarda où en était son fils dans son ascension. Après de longues minutes, elle s'avoua vaincu: elle ne le voyait plus. Elle n'eut même pas un infime pincement au cœur et, l'eut-elle remarqué qu'elle s'en serait félicitée: elle redevenait insensible. Stratégique. C'était bien.
Rouvrant d'une main le livret, elle continua sa lecture en marchant le long du rivage.
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