Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Bébé à tribord = Emmerdes à babord

Ellya
Treize ans plus tôt - 1450


Le Prieuré du Rivet était encore à l'état de ruines, cette année-là.
Les seules pièces qui ne menaçaient pas de s'écrouler -et encore, il fallait être très croyant- étaient le réfectoire au toit déglingué et la grange qui faisait office de latrines, parce que quand y'a pas le choix, y'a pas le choix.
La sacristine de Marmande n'était tombée sur ce lieu que quelques mois plus tôt. Déjà des ouvriers volontaires s'acharnaient à le remettre en état, sous l’œil vigilant de la jeune Duranxie qui voyait en ce projet le rêve d'une vie. A défaut de réussir dans son mariage, elle comptait bien prospérer dans sa foy. Monseigneur Bardieu, alors recteur de Noirlac accompli, était venu sur les lieux afin de voir le potentiel de ce Prieuré Cistercien.


Il y a du boulot, ma Soeur. Tellement que ça me semble un peu improbable, votre affaire...
Mais nooooon, mon cher Monseigneur! Là, vous aurez le dortoir, ici le cellier...

Elle désignait à tour de rôle le vide, les ronces, les caillasses des murs effondrés.

Oui mais bon. Vous avez conscience que ça va nous coûter une fortune?!
Mais nous prospérerons ensuite!
Je ne suis pas convaincu.
Et bien... Passons-y une nuit! Vous serez tellement charmé que vous ne voudrez plus en partir ! Parole de Cistercienne.

Et ils avaient passé la nuit là-bas, tremblants de peur et de froid dans le réfectoire. A chaque bruit suspect, ils sursautaient avant de rire gras, de concert, et de prier, en silence. Ellya était certaine que, le jour venu, Bardieu lui dirait que non de non, ce Prieuré ne verrait pas le jour.
C'était sans compter un Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin assourdissant qui vint leur casser les esgourdes alors que la fatigue prenait enfin le dessus sur la frousse.


La guerre! C'est la guerre! On va mourir!
Sibylle.
[1450 - Aux portes d'un monastère en ruine]

Pourquoi déposer là un bébé? Le monastère est en ruine, la communauté s'y était retrouvée depuis peu. Une toute petite communauté, les prémices d'une aube nouvelle pour Sainte Illinda du Rivet. Et là, sur un tas de pierre, enveloppé dans un drap de laine, un enfant.

Mais d'où vient cet enfant? Orpheline indésirée? Bâtarde d'une grande famille qu'il faut cacher? Fille d'une de ces filles de joie qui ne saurait que faire d'un enfant en bas-âge? Fille de pauvres gens qui n'ont pas le sous et pas les moyens de la faire vivre et qui espère, par cet acte désespéré que l'enfant vivra malgré tout.

La vie joue bien des tours. Quelle aurait été l'avenir de ce bébé s'il ne s'était retrouvé là, à Sainte Illinda. Et quel sera son avenir maintenant qu'elle va rencontrer ceux qu'elle aimera comme ses vrais parents. Bardieu. Ellya.

Elle commence à avoir faim, cette petite fille, elle cherche sa maman, elle cherche le sein généreux qui lui accordera pitance.


Ouin.

Elle ne crie pas beaucoup, sa voix porte peu, mais la faim s'accentue, son ventre gargouille. Elle veut manger! Maintenant!

Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin.

Elle crie fort, sans imaginer ce qui se passe autour. Qui sont ces voix? Va-t-elle être mangée par des bêtes sauvages? Est-ce la guerre? Survivra-t-elle à cette nuit?

Elle n'a pas conscience d'elle-même et même pas conscience des autres. Elle n'est qu'un ventre, qui ingurgite et régurgite ce qu'on lui donne. La faim et tenace, les cris aussi. Mais personne ne viendra donc la nourrir, cette enfant? Elle crie plus fort, encore! Son seul moyen pour se faire entendre.

_________________

SAINTE ILLINDA FOR EVER
Ellya
C'est un agneau, plutôt non? Un porcelet?
Un cochon qu'on est en train d'égorger?
Ah! Non, c'est trop... Pas assez...
Un bébé! C'est un bébé!

La honte. Son Juste d'enfant à elle était né à peine un an plus tôt et elle avait déjà oublié les cris des nourrissons. Bon, pour sa défense, il ne braillait pas beaucoup son fils. Du moins, n'y faisait-elle jamais attention puisque c'est sa nourrice qui s'en chargeait. Elle, elle se contentait de lui caresser le visage d'un doigt, parfois, en cachette, remerciant le Créateur de leur avoir offert cette progéniture pour leur confirmer qu'ils étaient sur la bonne voie, son quinquagénaire et elle.

Essayant d'habituer ses yeux à la pénombre et de ne pas se prendre les pieds dans les branchages, elle se dirigea vers le poupon en sanglots suivie de près par Bardieu. Quand ils arrivèrent près du bébé, ils se concertèrent du regard avant d'entreprendre un grand débat.


Ouh ouh? Y'a quelqu'un? Personne? Mince, on aurait abandonné un enfant ici?
C'est un signe de Dieu, ma Soeur! On doit le recueillir ici!
Ah non mais nous n'avons pas de nourrice, ici.
Vous vous en occuperez très bien.
Non. Non, non, non, il en est hors de question! Puis prenez-la, vous! Vous avez l'instinct maternel, ça se sent mon Père, ça se sent!

Alors Bardieu se saisit de la petite qui cessa aussitôt de geindre.



1451 - Chapelle Barchon

Le Prieuré commençait à avoir meilleure mine. La chapelle elle-même pouvait maintenant être utilisée, même si ça leur avait coûté une petite fortune. Pour inaugurer cela, on avait décidé de baptiser le "bébé du Prieuré", comme on l'appelait.

Reçois cette eau bénite et sois la bienvenue dans la grande famille aristotélicienne. Ainsi ton ancien toi meurs et tu renais, parmi nous, pure. Sous le nom de Sibylle.

Ils avaient mis des mois à se décider sur le nom de baptême. Puis, finalement, comme Bardieu et Ellya voyaient la gamine comme un présage divin, ils avaient opté pour le nom de ces femmes qui s'occupaient des présages, chez les païens.
Tout se passait vraiment bien...
Enfin, il n'y avait qu'une chose qui les inquiétait, depuis qu'ils l'avaient trouvée: sur son crâne, de magnifiques boucles commençaient à fleurir. Des boucles rousses. La couleur du Sans Nom.
Sibylle.
[1451 - Allô Maman, ici Bébé.]

Un an s'était écoulé depuis son arrivée. Une année merveilleuse, le "bébé du Prieuré" était aux anges. L'Abbé s'occupait beaucoup d'elle, patient, aimant, il la langeait, lui donnait à manger, et elle l'adorait. Alors qu'elle commençait à babiller, l'enfant régulièrement, réclamait celui qu'elle voyait comme son père.

Bababababababa...

Mère Ellya prenait moins de temps pour elle, mais elle était présente et veillait malgré ses réticences sur le joli poupon rose qu'elle était. C'est d'ailleurs elle qui avait eu l'idée de la baptiser.

Elle se tenait bien debout désormais et était devenue très malicieuse. Souvent, elle allait tirer sur la bure de l'un ou de l'autre, éclatant de rire. Mais ce jour là était un jour spécial. Elle allait entrer dans la communauté d'Aristote et Christos.

Ses jolies boucles rousses encadrant son visage, toute vêtue de blanc, elle jouait avec les cheveux de la Mère Abbesse qui n'avait pas traîné pour refiler le bébé au Père Abbé. L'enfant n'avait aucune conscience de l'inquiétude que provoquait sa couleur de cheveux. Ses quenottes la travaillaient et elle bavait abondamment, chatouillant le nez de Bardieu, lui tirant les oreilles en même temps qu'Ellya la baptisait.


Iaia!!! Ri!!! Babababababa!!!! Riii!

Elle n'y comprenait goutte, mais une chose était certaine: la petite Sibylle était une enfant heureuse!


[1455 - Scriptorium de Sainte Illinda du Rivet]

Le monastère avait fière allure. En quelques années, c'était devenu une belle construction et même si tout n'était pas encore achevé, les bâtiments principaux permettait à la petite communauté de s'épanouir.

Sibylle passait le plus clair de son temps entre le scriptorium et la chapelle. Elle était encore trop petite pour aider aux champs et la Mère Abbesse tenait à ce qu'elle ait une éducation parfaitement aristotélicienne.

Elle s'appliquait à s'entraîner aux pleins et aux déliés, lorsqu'elle commença à se sentir lasse de cette activité.

La rouquine était seule, Ellya était partie gérer un problème à l'hôtellerie. Livrée à elle-même, la petiote se rendit directement aux cuisines. Avec le potager, c'était son lieu favori. Bardieu lui apprenait les plantes et les herbes, mais aussi les fruits et les légumes, elle adorait passer du temps avec lui dans le verger et le potager, et puis ensuite, quel n'était pas son plaisir de voir ces mêmes fruits et légumes revêtir des visages différents et se transformer en mets délicieux.

Arrivée dans la cuisine, là encore, personne. La soupe bouillait doucement dans la marmite et la gosse eut une idée de génie. Et pourquoi ne pas mélanger une de ses encres pour donner un peu de couleur à cette soupe si pâlotte?

Ni une ni deux, elle retourna au scriptorium, prit autant d'encre qu'elle pouvait et retourna faire sa mixture. Nul doute que le repas serait succulent ce soir là.

_________________

SAINTE ILLINDA FOR EVER
Ellya
1455 - Heure du souper au réfectoire


Bordel! Soeur Ellya! C'est encore vous qui avez cuisiné?

Qu...? Non!
Ma soupe! Ma bonne soupe! Je suis sûre que vous avez rajouté quelque chose dedans!
Ouais, c'est b'en l'genre de la Sainte Nitouche ça!
Mais puisque je vous dis que je n'ai pas touché à la soupe!
Allons, ma Soeur! La dernière fois, c'est vous qui avez touché au méli mélo de légumes?
Je voulais simplement rajouter ma petite touche pers...
Ah? Et cette fois, c'était quoi?

Dépitée face au groupe de moines qui l'accusait, Ellya ne parvenait décidément pas à leur faire gober qu'elle n'avait rien fait. Personne ne reconnaissait son talent culinaire, c'était vraiment trop injuste. Et puis, ce n'était pas parce que la soupe était noire qu'elle était mauvaise! Et pour une fois, ce n'était pas de son fait. Elle suspectait le frère Alfonse d'avoir fait exprès de lui jouer ce tour pour se venger de la fois où elle lui avait fait manger des asticots.
A côté d'elle, Sibylle ne pipait mot, ce qui était plutôt rare.
Ellya prit une bouchée de soupe avant de lui sourire.


Et bien, ma fille? Qu'est-ce qui ne va pas?

La rouquine tourna sa tête vers elle et explosa de rire jusqu'à s'en tenir les côtes en voyant les dents noires de la Prieuse.
Finalement, tous les moines se mirent à rire aussi. Oui, la vie était vraiment agréable au Rivet, en ce temps-là.



1455 - Quelques mois plus tard

Ma fille? Sibylle? Levez-vous.

Le jour venait à peine de se lever. Bardieu et Ellya avaient veillé toute la nuit, soucieux. De plus en plus de moines chuchotaient sur les cheveux roux de leur pupille. Certains arguaient qu'elle allait leur porter la poisse. D'autres qu'elle était fille du Sans Nom et qu'elle les égorgerait la nuit, dans leur sommeil, quand elle serait plus grande.
Le regard des voyageurs était pire encore !
Ils avaient donc convenu qu'il fallait agir.

Discrètement, la Cistercienne tira donc l'enfant de sa couche et la guida dans les couloirs jusque dans son bureau. Elle lui désigna alors une mixture teintée plutôt sombre du doigt.


A partir de ce jour, ma fille, il vous faudra en recouvrir vos cheveux. Personne ne doit plus voir votre couleur. Je vous ai même acheté un joli foulard pour les couvrir! N'est-ce pas fabuleux?

Sa voix tremblait: elle voyait le visage de "l'enfant du Prieuré" se décomposer. Lui imposer cette sanction lui serrait le coeur, mais il fallait qu'elle soit forte. Il fallait que Sibylle commence à goûter à l'injustice du monde.
Sibylle.
Espiègle, elle l'était et Ellya, Bardieu ou tous les membres de la communauté en faisaient les frais d'une façon ou d'une autre; ça n'était jamais méchant, même si parfois, les retombées n'étaient pas très agréables. Une fois, elle avait attaché des petits canards à leur maman canne de peur qu'ils ne se perdent. Une autre fois, elle s'étais mise à pleurer dans la cuisine en comprenant que les oeufs qui bouillaient dans l'eau n'étaient autre que des petits poussins qui n'écloraient pas. Sibylle était la simplicité même. Elle n'avait aucune conscience du mal qui pouvait ronger les âmes et les mondes.

Et alors que se cheveux devenaient de plus en plus roux, elle ne comprenait pas le regard que l'on posait sur elle. Fille du Sans-Nom. Mais comment était-ce possible? Elle ne comprenait pas.

Jusqu'à cette nuit ou Ellya l'avait réveillé, le soleil était à peine levé. Pieds nus, ses cheveux roux sur le dos, vêtue de la chemise qu'elle portait pour la nuit, elle fixait la mixture, comprenant pour un peu. La couleur de ses cheveux étaient une honte.

Elle ravala ses larmes.


Je.. je suis obligée? ça.. ça va faire mal? Etre désagréable? Pourquoi personne ne doit plus voir mes cheveux? Vous savez bien que ce qu'ils disent est faux! Je ne suis pas la fille du Sans Nom, vous le savez Ma Mère?

Elle essuya ses joues et son nez, cherchant un peu de réconfort auprès de celle qui était tout pour elle.

Vous savez bien que je m'efforce de bien faire mes prières et d'être bien obéissante.

Elle baissa la tête, convaincue que tout cela était de sa faute et ne sachant pas comment y remédier. Ses doigts glissèrent sur le tissu que sa mère et son père avaient préparé pour elle.

_________________

SAINTE ILLINDA FOR EVER
Ellya
Chaque naissance est décidée par le Très-Haut. Mais si le Sans Nom vous a marqué, ce n'est pas sans conséquence: vous serez plus facilement manipulable par ses Princes. Cela s'estompera peut-être avec le temps. Priez pour cela.

Ellya aurait aimé la réconforter, mais n'y parvenait pas vraiment. Après tout, la couleur de ses cheveux effrayait vraiment les deux Cisterciens.


1457 - Première séparation

Je m'absente quelques jours.

En vérité, les jours seraient des semaines mais la Duranxie ne supportait pas de voir les larmes poindre aux yeux de sa pupille.

Je vous ramènerai un livre.

Elle partait en pèlerinage avec son époux, sa filleule et le mari de cette dernière. Ellya avait besoin de se procurer de nombreux livres pour ses études et les autres avaient décidé de l'accompagner. Même Georges! Pourtant, dernièrement, il ne lui faisait plus confiance. Au réfectoire, elle était d'ailleurs devenue plus taciturne, songeant constamment à son fils dont elle ne parlait jamais et qu'elle ne voyait plus depuis trop longtemps. Elle priait intérieurement pour renouer des liens amicaux avec son orfèvre durant ce voyage; ainsi lui rendrait-il peut-être la chair de sa chair.
Elle soupira.


Monseigneur Bardieu vous fera les leçons. Et le frère Alfonse vous montrera le travail des champs.
Relevez la tête, ma fille! Il est grand temps pour vous de vous habituer à l'absence!


Oui, décidément, dernièrement, la Cistercienne était plus dure avec Sibylle. Moins patiente. Plus exigeante.
Plus froide aussi.
Sibylle.
Sans doute avait-elle fait quelque chose de mal. Parfois même Sibylle pensait être le mal. Ses cheveux en étaient la preuve. La petite fille n'avait aucune idée de la vie que pouvait avoir la Mère, Ellya n'en parlait jamais et son départ lui arrachait le coeur, mais elle s'efforça de garder la tête haute et de sourire, masquant la grande tristesse qui lui fendait l'âme.

Bien ma mère, je serai sage en votre absence, c'est promis!

Son sourire devint plus franc en entendant Ellya.

Oh? Un cadeau? Un livre?? Oh merci ma Mère!!!!

Les cadeaux d'Ellya étaient les plus précieux qu'elle avait, avec ceux de Bardieu. Elle les gardait très consciencieusement dans la petite malle qui contenait ses quelques effets personnels: un peigne en os, une tablette de cire et un stylet, des plantes séchées, le bandeau qu'elle portait pour cacher ses cheveux roux quand elle ne les teignait pas, quatre chemises de lin et deux robes de bure d'une laine grossière, sans oublier, plié tout au fond, le tissu qui l'enveloppait lorsqu'elle avait été découverte. Simplicité, pauvreté, obéissance, telle était la vie de l'enfant.

Elle aurait voulu se jeter au cou de sa mère et la serrer fort pour prendre un peu de sa chaleur avant son départ, mais elle se retint.

L'absence d'Ellya était aussi synonyme de liberté, Bardieu lui passait tout au contraire de la Mère supérieure et elle savait très bien qu'elle pourrait aller gambader pieds nus dans l'herbe autant qu'elle voudrait.


Revenez vite Mam.. Mère... vous allez me manquer, beaucoup beaucoup et je prierai tous les soirs pour vous, pour qu'Aristote veille sur vous!

Elle lui adressa un adorable sourire tendre et lui tendit ses petits bras potelés. Un bisou quoi, ça mangeait pas de pain tout de même!

_________________

SAINTE ILLINDA FOR EVER
Ellya
A la place d'un baiser, Ellya lui tapota la tête deux trois fois, comme on le fait à un animal de compagnie. C'était tout l'amour dont elle était capable. Ou du moins, toute sa démonstration.

1458 - Retrouvailles

Elle était rentrée dans la nuit. Silencieuse. Le cœur en miettes.
Le pèlerinage avait été un long chemin de souffrance sur lequel ils avaient fini seuls, son époux et elle. Et Georges avait été si cruel.
Le bas de ses reins la faisait encore souffrir quand elle poussa la porte du dortoir. Chaque pas la faisait grimacer, mais elle réprimait les cris de douleur qui tenter de percer la barrière de ses lèvres. Elle ne voulait réveiller personne.

Arrivée devant la couche de Sibylle, elle s'agenouilla tant bien que mal. Sa pupille lui avait manqué, même si elle ne le lui dirait pas. Sans un bruit, elle déposa à ses pieds un livre imposant intitulé Sainte Dwywai, dite La Frénétique - Ouvrage illustré.
La Duranxie repartit à pas de loup.
Ellya
1459 - Premier jour de l'an


Les cloches résonnaient dans la chapelle Barchon qui commençait à avoir meilleure mine que les années précédentes.
Monseigneur Bardieu s'était acheté pour l'occasion une bure d'un beau marron style boue qu'il avait ceinte d'une corde tressée à la main. Les autres Rivetains avaient également revêtu leurs plus beaux atours (qui n'en étaient pas vraiment) pour les baptêmes des plus jeunes qui allaient avoir lieu.

La Prieuse, quant à elle, finissait de polir les médailles tout en lissant nerveusement sa propre bure. Elle était certainement plus angoissée que ceux qui prétendaient au baptême, seule et uniquement démonstration de ce côté mère poule qu'elle n'avait pas.
Sibbie
1959 - A l'eau.

Elle avait neuf ans. Des yeux d'émeraude ouvert sur le monde, sa vie n'était que joie et bonheur. Émotive à souhait, elle pleurait souvent. Lorsqu'un oiseau était blessé, lorsqu'ils accueillaient des mendiants au prieuré, lorsqu'elle avait le sentiment d'avoir peiné sa Mère ou contrarier son cher Père Bardieu. Le trop plein d'émotion était fréquent, très fréquent, ce qui lui valait parfois les piques des jeunes gens du prieuré. Tout ce qu'elle voulait c'était être aimée, par Ellya, par Bardieu, par ceux qui comptaient pour elle, et par dessus tout, pour le Créateur.

Elle avait passé toute la nuit en prière, sans piquer du nez, la fatigue pouvait se lire sur le visage de l'enfant, mais elle était radieuse. Elle avait noué ses cheveux roux, très serrés, et les avaient couverts par un voile immaculé. Une longue robe de laine écru la couvrait toute entière et tout comme le Père Abbé, une corde avait été nouée à sa taille. Fervente, recueillie, elle était prête à faire son entrée dans la communauté aristotélicienne, ayant choisi comme parrain et marraine, ceux qui à ses yeux avaient le plus d'importance sur cette terre.

Une dernière fois avant l'instant de la cérémonie, elle s'agenouille et recommanda son âme au Créateur.


Mon Dieu, Créateur Tout-Puissant,
Gardez mon coeur pur de toute faute.
Lavez mon âme.
Que je sois vôtre, totalement.
Protégez-nous du mal,
Gardez-nous de la tentation.
Et merci pour cette merveilleuse journée qu'il m'a été donné de vivre.

Amen.


Se signant, elle se releva et lança un regard au calme du cloître.

Dieu qu'elle était heureuse.

_______________________________________
--Her__mine
C'était l'un des plus grands jours de sa vie. Il y avait celui où elle était née. Celui où on lui avait fait le cadeau de devenir l'une des résidants du meilleur prieuré au monde. Et peut être quand elle serait assez grande, celui où elle prendrait le voile, épousant le très haut. En attendant ce jour, c'était celui ci qui dominait les précédents pour la bonne raison qu'elle ne se souvenait pas des autres, et qu'il signifiait tellement plus...

Même prieuré, même baptême, même vice... Une deuxième enfant du sans nom, la crinière flamboyante sagement camouflée, tentait en ces lieux de renier cette marque, ce destin qu'on avait voulu lui imposer, dans la piété et l'amour aristotélicien.
Revêtue d'un habit simple de baptême, qu'elle avait prit grand soin de maintenir propre, l'enfant se permet un dernier regard dans un miroir, point de vice ou de vanité dans ce regard. Seulement une dernière vérification que chaque chose était dans l'ordre, bien à la place qui est la sienne.

Un peu plus âgée, elle avait tenue à affirmer son indépendance, en refusant tout parrain-marraine. Le fait est, que bien que grandement souhaité, ce n'était pas obligatoire. Ils devaient représenter un guide sur le chemin du très Haut. Un rappel constant au baptisé de son engagement. Engagement qu'elle voulait affirmer seule, comme une grande. Comme l'adulte qu'elle espérait être, bien qu'il lui manqua encore un an ou deux pour y prétendre seulement. Elle ne doutait pas, de plus, qu'icelieu, aussi bien entourée qu'elle l'était en permanence, nul ne saurait la détourner du droit chemin. Tout comme chacun saurait lui rappeler au besoin les valeurs qu'on lui inculquait depuis bien avant qu'elle ne parle.

C'est un mélange d'appréhension et de bonheur qui la mena en direction de La Chapelle.
Ellya
Mes enfants!

Fébrile, la religieuse les accueillit d'un geste du bras.

Aujourd'hui est un grand jour. Lissez bien vos bures.


Elle les invita ensuite à s'avancer jusqu'à l'autel avant de s'agenouiller.
Face à elle, elle embrassa du regard l'assemblée des Rivetains.


Nous sommes ici pour célébrer le glorieux baptême - enfin espérons qu'il le soit - d'Hermine et de Sibylle.

Le vent souffla fort dans la chapelle, à travers les nombreux trous qui ornaient la toiture encore délabrée. Ellya frissonna. La pluie ne tarderait pas.

Commencez donc par le Credo, mes filles. Mais en chantant! Ca nous changera.
--Her__mine
A chaque pas qui la mena vers la Chapelle, sa peur s'intensifia. Se pouvait-il que le Très-Haut n'en ai eu cure de sa présence ici jusqu'ici, laissant des enfants du Sans Nom se promener parmi les siens pour les tester. Mais qu'en ce jour, il se dresse contre l'offense faite contre lui. Qu'il refuse qu'on accueille parmi les siens, ceux que son ennemi avait marqué. Comment agirait-il ? Combustion spontanée ? Le feu salvateur arracherait leurs âmes de ce corps dévoyé. Quelques animaux guidés par leur seigneur à tous, s'en viendraient l'arracher hors de cette Chapelle, la faisant disparaitre à la vue de ces autres auprès de qui elle vivait depuis toujours ? C'est presque avec étonnement, qu'elle franchit le parvis... Etonnement d'être encore debout, vivante. Mais il attendait peut être un moment plus opportun...

L'ordre simple et bien attentionné d'Ellya, fit accroitre son anxiété. Promptement, elle se mit à lisser sa bure, sans même vérifier si elle était plissée. Et les quelques pas jusqu'à l'autel se firent en surveillant avec application qu'aucun pli ne venait déroger à l'ordre qui lui avait été donné... On évacue son stress comme on peut... Quand enfin elle en vint à s'agenouiller aux pieds de l'autel, sa dernière pensée fut pour sa bure qui ne manquerait pas de se plisser ainsi. Il ne fallait pas lui mettre cette idée ne tête.

La prieuse, dans sa bienveillance, lui offrit une autre source d'inquiétude pour effacer la première. Chanter le crédo... Mais sur l'air de quel cantique ? La belette tenta de camoufler son embarras dans des marmonnements, avant de chercher à s'accorder sur l'air de Sibylle.


Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés!

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Très-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Église Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Éternelle.

Amen.
Sibbie
Suivant Hermine, elle n'avait pas quitté des yeux le bas de l'aube de sa jeune soeur. Le coeur un peu en vrac, la gorge nouée. Elles étaient entrée dans l'abbaye et s'étaient agenouillées ensemble, obéissant avec docilité à l'ordre de la Mère Supérieure. Sibylle lança un regard un peu inquiet à Hermine, elle semblait hésiter, pourtant quand 'faut y aller, 'faut y aller! Elle entonna donc d'une voix quelque peu incertaine, puis une fois que sa soeur la rejoignit, le son cristallin se fit plus sûr.

Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés!

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Très-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Église Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Éternelle.

Amen.


Émue aux larmes, elle souriait, béate, le coeur en joie.


_______________________________________
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)