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Info:
"Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée, tu sais c'est pas si facile." (Cookie Dingler - Femme libérée)

[RP] Alençon fants de la Patrie !

Shawie
C’est dur de vouloir quelque chose que l’on ne peut pas avoir. Mais ceux qui souffrent le plus sont ceux qui ne savent pas ce qu’ils veulent. Amen. Quand un mec de 130 kilos vous dit de fermer votre gueule, automatiquement il vaut mieux la fermer. Quand une armée vous poursuit, il faut courir vite, très vite.

Poitiers n'était pas très loin. Sheilla était peut être en train de s'y rendre, en tout cas, l'Espagnole c'était réfugiée contre un arbre, incapable de se lever. La seule chose qu'il lui restait à faire -et qu'elle pouvait faire- c'était écrire. Malgré le baluchon en ruine, elle en sortit un fragment sanglant. Dans le tumulte, elle avait reconnu une sœur d'arme, enfin qui se prétendait sœur. Une Dame Blanche dans une armée Poitevine. Pour sur qu'elle entendrait parler du pays quand l'Espagnole serait sur pied.



Citation:
Samuel,


Je veux que tu m'oublies. Mes mots sont pourtant clairs et j'ai l'impression que tu ne les percute pas. Je n'ai rien contre toi. Bien au contraire mais je serais polie en te narrant le refrain classique du "c'est pas toi, c'est moi". Je n'ai pas besoin de faire un dessin, tu es assez intelligente pour comprendre ma démarche.


Il est probable que je sois en train de passer l'arme à gauche. Enfin à droite du coup. Tu comprendras le jeu de mot hein. Je viens de me prendre une armée sur la gueule sans aucun motif. Je venais d'être relaxée d'un procès -le procureur c'était planté- il l'a reconnu. A la fin, il m'a glissé quelques mots. Entends plus quelques menaces digne de ce nom. En somme, suis je responsable de son erreur ? Je suis donc repartie de Poitiers la fleur à l'épaule, une herbe dans le bec. ERREUR !

Quoi qu'il en soit, deux jours plus tard j'étais prise au piège et l'armée eu raison de moi. Faut dire qu'un escadron contre deux personnes, ça donne souvent du boudin. Le boudin, c'est moi dans l'histoire. J'ai également appris qu'une DB se trouvait dans cette armée. Enfin, une femme d'arme je crois pour être précise. Satyne va m'apporter des onguents.

Le pompon de l'histoire : j'ai écopé d'un second procès en plus !

J'ai accepté de devenir DB il y a quelques jours.. Je ne sais pas pourquoi. Sans raison sans doute. Me voila donc apprentie à l'heure où je te parle. Quel honneur. Une OR en train de mourir dans un champs, c'est une image classique. Je ne vois aucune raison qui me pousse à devenir Chevalier mais j’en vois des milliers qui me poussent à abandonner. Ça me rend la vie dure intentionnellement. Et puis vient le moment où c’est bien plus qu’un jeu. Et là, ou on fait un pas en avant, ou on tourne le dos et on s’en va. Je pourrais abandonner, mais voilà le problème, j’aime bien.


Qu'importe, je crois vraisemblablement qu'à force de me prendre pour une autre personne, je n'ai que le retour de bâton. J'étais tranquille quand je voyageais avec toi car je suppose que tu faisais le nécessaire. Je me rend compte qu'en étant livrée à moi même, les choses n'ont absolument pas changé, bien au contraire, voir pire. Je ne suis pas la pour me plaindre, simplement constater que l'évidence, c'est souvent le meilleur choix. C’est dans la nature humaine ; quand on nous dit de ne pas toucher à quelque chose en général j'y touche quand même. Même si je sais que je ne ne devrais pas. Peut-être parce que, au fond, j'aime me compliquer la vie.


Finalement, je suis contente que tu n'es pas écoutée. Si tu ne m'as pas oublié depuis ma dernière lettre, je te manderai de venir me chercher. Je dois être à 10 lieues direction ouest de Poitiers. J'étais en train de remonter à la frontières Bretonne. J'aperçois une église ou un truc dans le genre.



Chose ou Truc.

_________________
Samsa
    "Chaque respiration que tu prends,
    Et chaque mouvement que tu fais,
    Chaque lien que tu brises,
    Chaque décision que tu prends;
    Je te regarderai."*



Elles s'étaient promis de se retrouver à la fin de la mission de bûcheronnage de Shawie. C'était au début du mois d'août. Aujourd'hui, l'été avait cédé la place à l'automne, août à octobre et elles étaient toujours séparées. Maximilien avait reprit la route du Sud, Mélissandre avait été retrouvée, Eulalie avait eu son cadeau -un beau harpon- et Samsa était condamnée à attendre à Alençon que Shawie revienne, à la fin d'une pause dont elle avait ordonné le début. Cerbère avait troqué chemise et tabard contre son tablier de cuir et frappait régulièrement, bras nus, un bout de métal sur son enclume pour la faire devenir une lame. Ainsi, Cerbère chien d'Hadès était devenue Héphaïstos forgeant la foudre et dans le silence de l'attente, elle guettait signe de vie de son Espagnole.
Bien plus présente, elle avait renoué contact avec ses filles qui, bien que jumelles, devenaient différentes l'une de l'autre plus rapidement de jour en jour. Nolwenn, la ténébreuse taciturne qui avait l'inquiétante habitude de fixer tout le monde, se démarquait ainsi de Gwenn, celle qui faisait des câlins à chacun et semblait ignorer tant la tristesse que la méfiance ou la souffrance. Melwinn, la jeune écuyère de la Prime Secrétaire Royale, continuait de s'occuper d'elles avec l'aide de sa presque-suzeraine mais Cerbère se faisait bien plus présente pour sa progéniture.

C'est un jeudi matin, après ses ablutions matinales et alors qu'elle avait enfilé son tablier de cuir et allumait sa forge, feu ardent qui serait source première des étincelles volants dans la forge et donnant aux cheveux semi-roux des airs de cuivré enflammé, qu'elle reçut une lettre. Elle était tâchée de sang et la combattante comprit immédiatement l'urgence de son contenu. Son être trembla lorsqu'elle lu que l'émettrice était Shawie mais chercha à se rassurer en se disant que ce devait être le sang de quelqu'un d'autre; n'importe qui, mais pas elle.
Elle commence sa lecture et l'interrompt presque immédiatement, ferme doucement les yeux et inspire; ça y est, ça commence à faire mal. On est jeudi, second et dernier jour de la semaine où Shawie se lavait et la nostalgie envahit Cerbère par l'odorat qui se remémore son odeur qu'elle soit bonne ou moins bonne; il n'était pas assez sensible pour se soucier vraiment du négatif. Samsa chasse la sensation qui n'apportera rien de bon et reprend sa lecture, finit par s'asseoir sur son enclume.

L'ignorance a du bon parfois. L'ignorance permet l'espoir et la protection d'une vérité trop dure à encaisser, elle permet le détournement de certaines responsabilités et même si le boulet est à vie, il est préférable à un écrasement pur et simple. Si Samsa était en train de lire la dernière lettre de Shawie parce que celle-ci allait mourir purement et simplement, il aurait mieux valu peut-être qu'elle ne le sache pas; l'Humanité entière lui aurait été reconnaissante de ne pas mettre le monde à feu et à sang par chagrin et colère. Quand on sait, on ne s'arrête pas. L'ignorance permet de faire un travail d'acceptation, lent mais réel. Hélas pour le monde et surtout le Poitou, Samsa savait désormais et doit expirer longuement pour ne pas exploser puisque la colère et la violence sont les seuls moyens qu'elle a de se protéger.
La lecture continue et Cerbère perçoit toutes les inévitables contradictions de l'Espagnole. Elle les perçoit et s'en débrouille, elle apprend doucement cette capacité, et ne garde en tête que le sens donné par la dernière réplique, le dernier mot du débat interne qu'exprime peut-être involontairement Shawie.

La lettre se termine, Samsa laisse ses mains déposer le papier tâché sur ses genoux et sa tête se relever pour que les petits yeux sombres regardent le mur face à elle. Elle ne se pose aucune question en l'instant parce qu'elle sait ce qu'elle doit faire et ce qu'elle fera mais elle a besoin de quelques secondes pour encaisser toutes ces informations. Elle finit par se lever et remonte chez elle pour écrire.




Chose,

Je n'ai pas besoin de politesse, j'ai besoin de franchise. Je ne veux pas du refrain habituel s'il n'est pas vrai. Je comprends quoiqu'il en soit la démarche.

J'aimerais t'écrire que je suis fière de toi pour ton entrée chez les Dames Blanches mais, même si je le suis, je ne veux pas que tu associes ce regard-là à cela, à la montée et à la gloire des gens de ce monde-là puisque tu ne vois aucune raison de devenir Chevalier. Je croyais à tort que ton mode de vie était une condition incontournable du Nous mais je me rends compte que je ne t'aime pas pour ce que tu fais mais pour ce que tu es. Je sais que tu t'es engagée dans quelque chose de compliqué pour toi et que ce n'est pas toujours simple pour moi non plus mais le fait est qu'aucune de nous ne s'en plaint parce que l'équilibre que nous visons est doux malgré tout et je suis persuadée que tu sais qu'il est atteignable.

Lors de notre voyage, je ne faisais que demander des LP's de façon banale. La seule exception, tu le sais, fut la Guyenne où je t'ai faite délister. En Poitou, tu ne l'étais pas ! Tu m'as ordonné de ne plus me servir de mon poste ou de mon influence pour t'aider et nettoyer ta merde comme tu disais et c'est que j'ai fait : je n'ai pas témoigné pour toi dans ton procès en Armagnac, je n'ai écrit aucun LP lors du voyage du retour duquel je t'ai laissé les rênes totales. Tu es capable de te débrouiller par toi-même mais le Poitou n'a pas été droit de ce que tu m'écris alors, pour cette fois, laisse-moi t'aider et t'obtenir dédommagement; ce serait la Justice.

Je suis Cerbère, j'ai trois têtes; je ne peux pas oublier, faire la sourde oreille ou fermer les yeux. Je le voudrais que je ne le pourrais pas et tu sais de toute façon qu'il n'y a aucune raison qui m'amène à percuter certaines choses parce que je suis trop têtue. Ou trop stupide te plairais-tu à dire et pour une fois, je veux bien te le concéder, même si tu n'es pas forcément mieux. Je prends quoiqu'il en soit ta dernière phrase comme un sifflet. Aussi, j'arrive.
Évite de trop bouger d'ici-là, je suis très fière de t'avoir recousu le ventre et j'aimerais que la cicatrice reste belle, signe de mon indéniable talent. C'est moins visible qu'un coup de botte dans la gueule mais ça compte un peu quand même.

Truc



Il y a beaucoup de choses dans cette lettre, un petit peu de tout, un mélange d'incompréhension, de compréhension, de complicité, d'humour, de confiance, de crainte, d'espoir, de réalité aussi.
Les mots sont cachetés et Samsa abandonne son tablier de cuir pour revêtir chemise et tabard orné d'une fleur de lys d'or sur la poitrine gauche. Elle pensait qu'elle pourrait en avoir besoin. Le bouclier est sanglé à son épaule gauche avec habitude et nouvelle Cerbère redescend les marches. En bas, ce sont ses filles qui la regardent et la Prime Secrétaire Royale lit en leurs yeux l'inquiète certitude qu'une fois encore, leur mère s'en va. Il fut un temps où Samsa les aurait simplement dépassé avec un regard désolé mais cette fois, elle pose genou à terre et les accueille contre elle, humant leur odeur et caressant leurs cheveux roux. "Je suis leur mère" prend un nouveau sens dans la tête bordelaise, un sens réel et concret. Elle se relève et regarde Melwinn à qui s'adresse un ordre sans appel.


-Prépare Guerroyant té.

Pendant que la jeune écuyère va s'exécuter, Cerbère va remettre la lettre à un messager royal. Il n'existait pas, dans le Royaume du moins, de service postal plus rapide. Leur uniforme reconnaissable et les chevaux fins leur permettaient de passer vite et partout. Les fermetures de frontière n'avaient aucun effet sur eux, pas plus que les obligations de laisser-passer. Ils étaient des hommes dont seuls les plus Grand pouvaient se servir et si Samsa n'en faisait pas partie, elle était tout du moins la Prime Secrétaire Royale et son office, de par son caractère postal, en bénéficiait donc forcément.
Lorsque Samsa revient, elle prend les rênes de son destrier bai pour l'enfourcher après un dernier au revoir à ses filles qu'elle laisse seules une fois de plus mais si elle doit engager bataille contre le Poitou, mieux vaut qu'elles ne soient pas là pour leur propre sécurité. Et pour une fois, ce n'est pas une excuse. Samsa tourne bride et talonne Guerroyant qui part au galop en direction des portes alençonnaises.

Le Poitou sera pour cette fois terre où rien n'est à perdre et où tout est à gagner et à regagner.



* = paroles traduites de The Police - Every breath you take

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Shawie
Premier souffle.


J’ai menti, ce n’est pas vrai, notre histoire n’est pas encore terminée. Jé ne veux pas, je ne veux pas et c’est humiliant parce que jé suis là à supplier. Sam, jé t’aime vraiment. Tu sais, vraiment, vraiment au point dé prétendre adorer ta toque, te laisser boire la dernière choppe de la taverne, chanter une sérénade sous ta fenêtre ... Malheureusement ce qui fait que je te déteste fait que je t’aime aussi.

Alors prends-moi. Choisis-moi. Aime moi.



C'est beau d'halluciner. Persuadée de causer à Sam, elle ne percutera sans doute jamais qu'elle a simplement imaginé déclarer son amour à celle qui aujourd'hui, l'ignore encore. Elle enchaine ensuite avec la vision d'un homme qui semble serein et calme. C’est compliqué de demander pardon, c’est un geste délicat, en équilibre entre raideur orgueilleuse et contribution larmoyante et si l’on n’arrive pas à s’ouvrir à l’autre en toute honnêteté, toutes les excuses paraissent fausses et creuses.


"Est ce que vous l’avez dit ? « Je t’aime », est ce que vous l’avez dit à Sam ? « Je ne veux jamais vivre sans toi. Tu as changé ma vie. » Est ce que vous lui avez dit ? Faire des projets, se fixer un but et travailler pour cela." Vous lui avez déjà dit ?"


Samsa ? Jé l'ai déjà dis ! C'est un Dog. Elle possède la beauté dans la vanité, la force dans l'insolence, le courage sans la férocité et toutes les vertus dé l'homme sans ses vices.



Les heures filent comme le sprint inachevé d'un escargot, un soir de beau temps. Le souffle est saccadé et la nuit devient plus fraiche. Dans l'irraison totale, elle commence à en vouloir à Sam de ne pas arriver plus vite. Mais comment pourrait elle faire avec l'Anjou en plein milieu ? La lettre est serrée dans sa main comme une prière qui ne se ferra jamais entendre. A force de partir, les gens ne reviennent plus qu'on lui avait dit plusieurs fois, mais en vain, elle continuait. Et ce soir là, dans la campagne Poitevine, une idée lui traversa l'esprit.

Second souffle.



Jé t’aime. Oh mon dieu, c’est juste sorti hors de ma tête, comme euh, c’était un genre dé ... je, je, jé t’aime. J’ai juste. Seigneur je l’ai refait. Jé t’aime. Oui, juste, jé t’aime et j’ai essayé de ne pas te le dire, j’ai essayé si dur de juste l’écraser, de l’ignorer et de ne rien dire.

Jé t’aime. Mon dieu ça fait du bien de juste l’avoir dit, jé mé sens tellement mieux.



L'amour est masochiste. Ces cris, ces plaintes, ces douces alarmes, cet état d'angoisse des amants, cet état d'attente, cette souffrance latente, sous-entendue, à peine exprimée, ces mille inquiétudes au sujet de l'absence de l'être aimé, cette fuite du temps, ces susceptibilités, ces sautes d'humeur, ces rêvasseries, ces enfantillages, cette torture morale où la vanité et l'amour-propre sont en jeu, l'honneur, l'éducation, la pudeur, ces hauts et ces bas du tonus nerveux, ces écarts de l'imagination, ce fétichisme, cette précision cruelle des sens qui fouaillaient et qui fouillent, cette chute, cette prostration, cette abdication, cet avilissement, cette perte et cette reprise perpétuelle de la personnalité, ces bégaiements, ces mots, ces phrases, cet emploi du diminutif, cette familiarité, ces hésitations dans les attouchements, ce tremblement épileptique et ces rechutes successives et multipliées.

Finalement, si quelqu'un était à côté d'elle, il n'aurait rien pu entendre. L'Espagnole était simplement en train de rêver ou simplement en train de partir. Les yeux étaient clos et plus aucun signe de vie extérieur pouvait permettre à un chevalier sauveur de dire "cette femme est vivante !"

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Samsa
    "J'ai cru t'entendre rire,
    J'ai cru t'entendre chanter;
    Je pense que j'ai cru te voir essayer."*



-Ya pardi, YA TÉ !

Elle a beau galoper depuis la veille, Samsa force toujours sa voix pour pousser Guerroyant en avant. Les chemins en ce début d'automne sont en piteux état, boueux, glissants, collants, et la Prime Secrétaire Royale doit régulièrement mettre pied à terre pour laisser son destrier peu endurant récupérer et lui éviter une allure trop rapide là où il risquerait de se briser une jambe. Elle ne mange que lorsqu'elle a faim, ne boit que lorsqu'elle a soif et ne dort que lorsqu'elle ou Guerroyant ne tient plus. Parfois c'est à une auberge et elle songe que le hasard fait bien les choses mais pour ces quelques rapides jours de voyage, c'est plus souvent dehors, sous la pluie et le vent, qu'ils dorment. Samsa aurait dû passer par la Bretagne, contourner l'Anjou puisqu'ils se seraient joués de son statut d’officier royal mais elle a prit le raccourci peu engageant. Elle s'est faite aussi rapide que discrète, contournant toutes les villes, fermes et hameaux, guettant de loin les routes à la recherche d'un messager royal qui apporterait réponse à une destinataire absente. Dans l'urgence, Samsa renversa un voyageur ou deux, ne se retourna même pas pour les combattre et c'est malgré tout en état déplorable qu'elle parvint en Poitou.
Trempée, boueuse, la cavalière ne valait pas mieux que la monture qui commençait à souffrir de légères lésions à cause du cuir. Samsa n'ignorait pas que l'état de Guerroyant était peu enviable mais elle le savait robuste et c'est pourquoi elle continuait de le maintenir à ce rythme rapide et régulier. Thouars fut atteinte à la nuit tombée et Cerbère leur accorda à tout deux un repos confortable qui les remit en forme pour le lendemain. De nouveau, les sabots ferrés battirent le pavé des rues puis la terre et la boue des chemins, foulèrent l'herbe des sentiers de raccourcis jusqu'à Poitiers. La Prime Secrétaire Royale s'arrêta pour relire la lettre indiquant la position de Shawie : ouest. Avec une église. Elle abaissa le papier tâché pour compter; combien de jours avait-elle mit pour venir ? En temps normal, on en mettait six mais à son rythme, elle avait dû réduire à quatre.

Samsa talonna Guerroyant pour le faire entrer au trot dans la capitale poitevine. Son premier réflexe fut de visiter l'hôpital où, sans surprise, elle apprit que jamais une femme correspondant à la description de Shawie n'était venue; l'Espagnole fuyait ces endroits comme la peste et Cerbère savait qu'un jour, ça pourrait lui jouer un sale tour. Elle fit le tour des auberges mais cette fois, elle fut aussi étonnée qu'inquiète d'entendre tous les "pas vu", "non, désolé" et autres négations quant à sa recherche. Shawie aurait-elle trouvé refuge à La Trémouille plutôt qu'à Poitiers ? C'était bête mais c'était possible. Ce qui était impossible en revanche, c'est qu'elle ait déjà repris la route, à peine une semaine après son malheur.
La Prime Secrétaire Royale quitta Poitiers au galop vers La Trémouille, persuadée que ce serait là qu'elle retrouverait sa compagne-même-en-pause. Le chemin n'était pas plus praticable là qu'ailleurs et Samsa dû mettre pied à terre afin de soulager Guerroyant.

Le hasard fait bien les choses.

Cerbère passa devant une petite église et, par acquis de conscience, entra pour vérifier que Shawie n'y avait pas trouvé refuge. Rien, pas même une trace de sang, ne se trouvait en ces lieux que la Bordelaise quitta alors aussitôt. En belle saison, l'édifice devait tourner le dos à un parterre de blé doré mais en cette saison d'automne, il n'y avait dans les champs que des graines attendant de germer et des pâturages pas encore blancs mais roussissant peu à peu. Samsa marcha un peu ainsi en regardant ces étendues poitevines, se plongeant malgré elle dans une contemplation nostalgique bien que la vue n'avait rien de spectaculaire ni même de beau. Elle se détourna du paysage et son regard balayant involontairement devant lui, elle aperçut une tâche plus sombre que le sol de terre. La Prime Secrétaire Royale fronça les sourcils; elle comprenait parfaitement qu'il s'agissait d'un être vivant -cheval, veau, humain- mais il était très inhabituel d'en trouver un aussi isolé. Elle tira la bride de son destrier pour le faire sortir du chemin et s'approcha rapidement, le coeur battant. Elle aurait aimé trouver n'importe qui qui ne fut pas Shawie mais l'évidence s'imposa à elle soudainement comme une gifle, comme un poing qui, lui, aurait été préférable venant de l'Espagnole.


-Merde té... Shawie pardi !

La main gantelée lâche le cuir de Guerroyant et Cerbère parcourt les derniers mètres, posant genoux à terre pour tapoter les joues de celle qui gît là, apparemment inconsciente. Ou morte ?

-Shaaaaawie pardi ! Réveille-toi bordel de chiure de merde té ! Allez pardi... !

La voix dans les teintes graves de la moyenne féminine tremble sous la peur qu'elle ne soit arrivée trop tard et qu'il n'y ait plus qu'à constater la mort d'une Espagnole blessée et affaiblie. La Prime Secrétaire Royale regarde autour d'elle en panique comme si une aide providentielle pouvait arriver mais il n'y a rien autour que des corbeaux voleurs de graines, du bétail se moquant de la situation et un vent sournois emportant avec lui des feuilles mortes. Paysage sinistre dans lequel Cerbère trouve quand même son espoir puisque les oiseaux charognards ne se préoccupent pas -encore- de Shawie qui... remue ? Ou bien Samsa a tant voulu le croire qu'elle fait comme si, ayant ainsi un réflexe censé : elle retire ses gantelets et se penche dans le but de chercher le son même faible d'une respiration quelconque.

Victoire.

La combattante passe une main sous la tête de l'Espagnole pour la redresser un peu et prend la gourde à sa ceinture. Débouchée d'un coup de dents, celle-ci vient livrer aux lèvres aimées le liquide salvateur qui rend un peu de vie sur son passage.


-Hé pardi... Reste avec moi té... Espèce d'idiote pardi, y'a que moi qui peut dégainer face à une armée entière té... Et me dis pas que tu l'as pas fait pardi, ton épée n'est plus là té, elle doit être cassée plus loin pardi.

Elle essaie de mettre un peu d'humour pour dissimuler l'inquiétude qui ne se trouve pas apaisée par le soulagement que l'Espagnole soit en vie; il n'est pas trop tard pour qu'elle meurt ici. Cerbère range la gourde et caresse tendrement le visage amaigri et cabossé, sali de boue et de sang séché qu'elle chasse délicatement. Les petits yeux sombres parcourent les traits qu'ils auraient pu ne jamais revoir et la simple pensée tord les tripes de la Bordelaise qui s'incline pour venir déposer sur les lèvres humidifiées de Shawie un baiser précautionneux qui se renouvelle sur le front.

-Je crois qu'on est lundi pardi... Je te ramène té, faudrait pas que tu rates ton bain pardi... Tu te laveras aux onguents de châtaigne de Satyne té, dans le cas où elle finit par arriver pardi.

"Parce que là, t'aurais eu le temps de crever ! Ahah ! Ah-ah..."
L'humour est invité de marque pour détendre la situation de tension extrême, aider Samsa à garder le contrôle, son contrôle, son rôle de Cerbère qui doit maintenant ramener Shawie là où elle pourra se remettre. Alors que Samsa passe ses bras au niveau de sa taille et de ses genoux, prête à bander ses muscles et à la soulever pour ensuite la confier au dos de sa monture, elle repose son regard sombre sur elle.


-Évite de crever en chemin pardi parce que je... tu... ce ne serait pas très glorieux quoi pardi... Et puis tu... Tu m'as manqué, pardi...

Sous-entendu qu'elle lui manquerait encore longtemps. Rien de trop brusque n'est dit, la lettre de Shawie ne permettant pas à Samsa de connaître le statut de sa pause qui pourrait n'être que simplement compromise par une armée poitevine que Cerbère se promet d'ailleurs d'envoyer au trépas pour un affront indigne. Malgré elle, malgré tout, l'échine bordelaise ploie de nouveau pour joindre les lèvres aux siennes dans un baiser délicat mais non moins sincère; l'ombre de la mort aussi peut compromettre bien des choses.

-Prête pardi ? Et puis tu me diras en chemin ce que tu voudras manger té.


* = paroles traduites de REM - Loosing my religion

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Satyne
Le monde est petit. Ou bien c'est la Grotte qui l'est. Ou alors Satyne sait se faire curieuse, et tendre l'oreille au hasard des conversations qui ne la regardent plus vraiment. Et c'est ainsi que la brunette en apprend. Des vertes et des pas mûres. Des brigandages ratés à ceux plus réussis qui font de ses compagnons des gens presque riches. Des procès qui s'étirent comme un jour sans pain, et ceux qui se clôturent pour un vice de forme, mais dont le "bang" du coup de marteau final réside dans un poutrage en bonne et due forme.

Ainsi l'Espagnole est tombée.
La mine se crispe légèrement.

Shawie ne doit tomber que de son poing. C'est écrit. Sa mort lui appartient puisqu'elle a décidé de donner sa vie à d'autres. Et ça, Satyne n'est pas prête de le lui pardonner. Pourtant elle est première à avoir fauté. Mais la mauvaise foi ça s'entretient. L'amour aussi. Alors quand elle apprend la chose, elle regarde dans son escarcelle les onguents qu'elle a de côté. Elle lui concéderait la lune à l'autre fieffée couillonne pour la maintenir encore un peu en vie. Même si pour cela elle doit donner son propre souffle. Et traverser une contrée qui semble hostile, en pleine guerre.

Car Shawie est bien à la seule à qui elle satisferait ce rêve dont beaucoup sont abreuvés : la voir crever. C'est un accord tacite entre les deux brunes. L'une emportera le corps de l'autre. Parce que dans la mort elles se promettent de s'appartenir. Ce qui de leur vivant est impossible à réaliser, tant elles tendent à se déchirer pour un mauvais numéro aux dés, ou de la bière chaude. La claque est facile il faut dire. Et s'il existe actuellement un rempart entre les deux il réside dans leur compagnon du moment. L'un d'un froid nordique, l'autre d'une chaleur de bête. Mais c'est comme ça, elles aiment ailleurs, et de toute leur âme.

Ainsi donc elles s'éloignent. Avec le temps. Les affronts. Les rejets.

Il est vrai que Satyne refuse de croiser Shawie depuis des mois. Courant à l'opposée des royaumes sciemment. Désertant l'antre tant aimée de la Grotte sous des prétextes fallacieux. Se dérobant parfois à un courrier. Assénant en réponse un mot acerbe pour aiguiser leur désaccord.

La haine ça se travaille.

Mais voilà. Elle est là à séparer la châtaigne de la cerise.
Reste à savoir qui en profitera.

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Shawie
On peut brusquement se retrouver là où on aurait jamais cru finir. Parfois c’est agréable parfois ça demande un temps d’adaptation. On sait que de toute façon il faut faire avec et qu’il y a toujours quelque chose à prendre. Mais on va quand même se coucher en pensant au lendemain, on essaye de tout prévoir, on fait des plans et on espère que quelque soit les imprévus qui nous attendent on en sortira heureux. Être apprentie la rendait heureuse, du moins, ne la rendait pas triste. Et pourtant, il y avait toujours cette pointe de déception quand elle retournait "chez elle", à la Pègre. Mais quand elle revenait à la Commanderie, elle pouvait se sentir différente.


- Si tu veux mon avis il n’est jamais trop tard ou dans mon cœur trop tôt. Pour être ce que tu as envie d’être. Il n’y a pas de limite de temps, c’est quand tu veux. Tu peux changer ou rester la même. Il n’y a pas de règles pour ça. On peux en tirer le meilleur ou le pire. J’espère que tu en tireras le meilleur, j’espère que tu verras des choses qui te secoueront. Que tu ressentiras des choses que tu n’as jamais ressenties. Que tu rencontreras des personnes qui ont un point de vue différent. J’espère que tu seras fière de ta vie. Et que si tu découvres que ça n’est pas le cas, j’espère que tu auras la force de tout recommencer.

- .....

- Que vas tu faire ?

- Jé me disais que j’allais écouter vos théories, les rejeter, puis ne garder qué la mienne. Comme d’habitude.



Sam est là et pourtant si loin. Elle pouvait la sentir mais elle ne la voyait pas. Pas de doute que c'était Cerbère, elle disait "pardi" et jouait de l'humour pour certainement se détendre. Les té chantant font leur apparition aussi. Rassurants. Personne n'aime changer ses habitudes, ça fait beaucoup trop peur quand on ne maîtrise pas. Et pourtant, le virage engagé était brutal et incontrôlé. Nul doute qu'elle aura oublié tout cela au matin et tant mieux. Finalement, c'est vachement plus reposant d'être ici.

Un baiser.

Puis un second. Apaisant.

Dans son sommeil, elle s'arrache un sourire, presque victorieux. L'air de dire qu'en fin de compte, elle ne tomberait peut être pas de la main de la Gamine, de la Poisse, de la Grotteuse, bref de Satyne. A chaque fois qu'elle la regarde, elle se sent mieux, ça lui remonte le moral, ça la bouleverse totalement, mais ... c’est vrai : elle n'a pas besoin de coucher avec elle. Elle pourrait se contenter de la regarder de l’autre bout de la pièce, chaque petite partie d'elle, et avec de la chance elle toute entière. Ce serait pour elle, ce qu’il y aurait de mieux ... Parce que c'est ainsi. C'est un accord tacite et sans condition : ne jamais rester ensemble de son vivant et mourir ensemble. C'est leur accord et c'est ainsi que cela devra être fait. Aucun "peut être", aucun "mais si", non.

Alors, elle décida d'ouvrir les yeux, juste assez pour y voir. Du bout des lèvres, c'est une réponse tout en adéquation aux questions, qui sort :



Jé veux mon bouclier à Licorne ... jé l'ai mérité humpf.


Au passage, elle cracha au sol un glaire de sang. Analyse minutieuse des dégâts : possible handicape de l'épaule gauche pendant un moment, hématomes sur la tronche, jambe douloureuse et lourde, tête qui joue du tambours, possible douleur ventrale si gestes brusques. Solution : ne pas bouger.

Non, elle n'était pas née pour ce bonheur suprême de mourir dans les bras d'une toquée, et de vivre aux pieds d'une poisseuse.

_________________
Samsa
    "Hé mec chante-moi une chanson
    Quand nous étions tout le monde;
    Nous avons été plus que juste une tranche de tarte américaine."*



-Oui pardi, je creuserai plus encore pour te le déterrer pardi. Tu seras gentille de ne pas le casser après té.

Même dans cet aspect-là, Samsa avait un lien avec son surnom canin. Elle avait acquis il y a quelques temps une pioche et, quand elle le pouvait, elle allait depuis creuser quelques trous à la recherche non pas de trésors mais d'un simple bouclier à la Licorne pour l'Espagnole qui courrait après comme après son trèfle. Il parait que ces plantes-là ne se montraient qu'en février, c'est pourquoi Samsa l'incitait surtout à la patience pendant qu'elle transformait la terre en gruyère. Le monde se divise en deux, ceux qui décrochent la Lune et ceux qui creusent; elle, elle creuse.**
La Prime Secrétaire Royale banda ses muscles et souleva sa compagne amaigrie qui avait dû boire la pluie et manger des graines et des racines à proximité comme un vulgaire petit oiseau croisé rongeur. Elle tâchait de faire attention mais elle se doutait bien que la position ne devait guère être agréable voire indolore pour Shawie. Cerbère sortit du champ avec sa protégée et s'arrêta devant Guerroyant, grand bai à la selle aux extrémités remontées exprès pour l'assise du cavalier; rien de confortable, déjà, et rien d'atteignable également. Samsa soupira, attrapa de quelques doigts les rênes puisque les mains étaient prises et commença à rebrousser chemin vers Poitiers.


-Merci pour ce régime aussi improvisé que drastique de ta part té. Je te préfère plus remplumée quand même pardi.

Samsa avance lentement dans la boue, veille à ne pas glisser, à ne pas lâcher Guerroyant, à secouer Shawie le moins possible tout en vérifiant régulièrement son état par de petits coups d’œils bienveillants et protecteurs. Même en cet instant, Cerbère ne parvenait pas à savoir si elle la trouvait fragile ou toujours aussi forte, si elle ressentait plutôt un instinct protecteur ou une admiration. C'était aussi ainsi que pour cela qu'elle l'aimait.
Elles mettent une demi-journée à revenir à Poitiers, bien plus que les quelques petites heures que Samsa a mit pour arriver jusqu'à Shawie, petit convoi piteux qui passe les murailles de la ville : un destrier fatigué, une propriétaire boueuse et une Espagnole moitié mourante et même pas esthétique. Dans les rues de la capitale, Cerbère resserre son étreinte pour recaler Shawie contre elle, contre son tabard de coton, seule source de réconfortante chaleur pour l'instant. Elle fend la foule peu compacte, évite les coups et les bousculades, n'hésite pas à grogner mais jamais ne se retourne.


-T'inquiète pas pardi, je t'emmène pas à l'Hôtel-Dieu pardi, je sais qu'ils te rendent malade té.

"Samsaaaa, mais quel talent d'humour aujourd'hui ! Ça en est presque inquiétant."
Elle entre dans une auberge après avoir laissé Guerroyant devant; sa bricole fleurdelisée empêche en général tout vol, celui s'y risquant se condamnant à mort pour le vol du destrier d'un officier royal. Qui plus est, les deux ne passent guère inaperçus. Cerbère avance jusqu'au comptoir, jusqu'à l'aubergiste qui la regarde d'un drôle d'air; si seulement il avait pu regarder la fleur de lys brodé sur la poitrine gauche du tabard lui... Comme si elle était là pour faire jolie ! Hélas, Samsa sent qu'elle va devoir faire de l'autorité.


-Saluté pardi. Une chambre et un seau d'eau té. Mon cheval est dehors pardi.
-Votre amie devrait aller à l'Hôtel-Dieu.
-Oui mais non pardi.
Je vous paierai quand j'aurais les mains libres hein té...
-Mais il faut l'emmener !


Ça y est, ça commence. Samsa tire la tronche parce qu'elle n'est ni d'humeur à patienter, ni à se justifier, surtout pas à un poitevin qui, bien qu'innocent dans le poutrage de Shawie, y est associé par une Cerbère radicale. "OK. Je suis cool je reste cool, je suis cool je reste...":

-Je... ! ... Vous... ! Ta gueule tiens pardi.
Samsa, dicte Cerbère, Prime Secrétaire Royale et Dame de Lansaq pardi, détentrice du collier de l'Ordre Dynaste du Griffon comme de la médaille et PASSABLEMENT remontée, PARDI. Vous voulez toujours discuter de ce que je vous dis té ?
-Je... Suivez-moi.


La vie n'est pas si difficile quand on sait s'y prendre.
L'aubergiste prend un seau d'eau dans un coin et monte à l'étage où il ouvre une chambre, s'effaçant pour le passage de Samsa avant de déposer le seau dans un coin. Il abandonne les clés sur la table et sort sans un mot en refermant derrière lui, ne souhaitant sans doute pas se frotter à la Cerbère en colère. Celle-ci dépose Shawie sur le lit délicatement et ramène le seau, retirant de nouveau ses gantelets et s'asseyant au bord de la paillasse. Elle prend sa toque et la trempe dans l'eau fraîche, presque froide, pour nettoyer un peu le visage de sa compagne.


-On peut dire que tu as juste pris une grosse pomme de pin sur la gueule si tu veux té.

Samsa caresse ses joues de gestes tendres. Si, finalement, elle sait. Elle sait qu'elle admire plus Shawie qu'elle ne la protège. Elle sait que Shawie ne veut pas lui dire qu'elle l'aime sous prétexte que Samsa est trop orgueilleuse pour l'entendre, c'est du moins la version officielle et la Bordelaise n'en croit pas grand-chose mais elle l'accepte. Ça ou autre chose, quelle importance ? Samsa, elle, avait beau avoir avoué ses sentiments, elle gardait pour elle l'admiration portée à Shawie. C'était son tabou à elle quand bien même, au même titre que son amour, cela se lisait dans ses yeux quand elle la regardait. Vawen avait eu le même mode de vie qu'elle mais pas sa force, Maria lui avait donné la paix car elle avait compris son passé mais guère son présent, Rose avait partagé son panache mais Shawie partageait sa force et sa grandeur d'âme, un peu de son tempérament aussi, et pour la première fois sans doute, Samsa avait la sensation d'avoir trouvé son égale quand bien même leur mode de vie et leur façon de penser n'étaient pas toujours en adéquation; elles avaient toutes deux fait des efforts et effleuraient depuis un équilibre durable. Si seulement elles pouvaient être d'accord sur cela.
La Prime Secrétaire Royale se lève et va s'agenouiller près de la cheminée. La pierre à feu est sortie de la petite sacoche à sa ceinture et aide à allumer un feu qui réchauffera peu à peu la pièce alors que Cerbère retourne auprès de Shawie, triomphante avec son petit pot d'onguent à la main. C'est un onguent vert foncé, épais, pas forcément puant mais pas parfumé à la rose non plus; il vaut assez cher comme cela et pourtant il est loin d'être le plus efficace, surtout face à la châtaigne et à la cerise. Samsa l'utilise pour aider à cicatriser des entailles plus ou moins profondes et empêcher l'installation de la gangrène, sur elle, autrui, ou même Guerroyant. Cerbère se rassoit et se penche un moment pour prendre un baiser aux lèvres espagnoles. Leur goût la réchauffe, apaise ses inquiétudes mais n'éclaire pas la situation; qu'importe pour l'instant.


-J'ai du pain pardi. T'as encore la force de mâcher pendant que je te soigne té ?

Samsa ne laisse pas le choix. Elle ne l'avait jamais laissé à Shawie concernant ses blessures, même en Empire où elle ne la connaissait que de quelques heures. A présent qu'elles marchaient côte à côte, Shawie l'avait encore moins. La dernière fois que Samsa l'avait récupéré, c'était en Béarn après que Shawie soit passée aux mains d'un psychopathe -et c'était rien de le dire-. Cerbère avait pu la soigner parce qu'elle était inconsciente mais peut-être que cette fois-ci, elle se mettrait à râler.


* = paroles traduites de Five for Fighting - Slice
** = le Bon, la Brute et le Truand

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Shawie
Tout ce qui se passa avant " pris une grosse pomme de pin sur la gueule si tu veux té", elle ne s'en rappelle absolument pas. Seule la voix de Samy au loin, lui permettait de tenir éveiller encore un peu. Rien n’est plus singulier que de regarder le monde là haut. D'observer ceux qu'on laissé derrière soi. Chacun à sa façon est courageux, déterminé, et tellement désespéré. Désespéré parce qu’on veut tout avoir, même quand on ne sait pas exactement ce que l’on veut. Désespéré parce qu’on rêve d’avoir une vie à l’extérieur, mais qu’on craint en partant d’oublier l’essentiel. Désespéré parce qu’on veut que la vie redevienne parfaite coûte que coûte bien qu’on se rende compte qu’elle ne l’a jamais vraiment été. Désespéré parce qu’on rêve d’un meilleur avenir, mais qu’on arrive pas à échapper à son passé. Ou qu'on ne le veut pas.

Elle ouvre légèrement les yeux et sourit. Du moins, elle pense pouvoir sourire.



Jé n'ai pas faim. Jé veux simplement qué ... tu mé refoutes cette épaule comme il faut et rien dé plus. Jé n'ai besoin dé rien de plus, pas dé soin. J'ai pris un onguent en t'attendant donc ça devrait lé faire. Et pitié, mé force pas à té pousser pour qué tu mé tartines pas avec ta merde verte !

Ah et sinon, y a pas à dire, dès qu'il y a du dessert, le repas est tout de suite plus chaleureux ! J'espère qué t'y as pensé.



Elle se redressa de son lit pour prendre appuis sur le mur en position assise.


J'ai pas mal. Ca mé tire un peu quoi.


Mouai.

Les baisers, c’est tellement naturel, que nous les remarquons à peine. Mais si nous y prêtions plus attention, nous verrons que chaque baiser est porteur d’un message bien particulier. Ils peuvent par exemple signifier : « ça me fait très plaisir de vous voir », ou « je ne savais pas que tu étais la » ou encore « chérie, tu as assez picolé pour aujourd’hui ». Le tout étant de savoir faire la différence entre un baiser et un autre. Oui, un baiser peut être perçu de différentes façons. En fin de compte, le sens qu’on lui donne dépend de la personne qui embrasse et de celle qui regarde.



En fait, j'ai mal au crâne putain. Tu sais lé pire dans toussa ? J'ai reconnu une Blanche dans ce merdier ! Et j'ai perdu Sheilla. On était ensemble. Jé sais même pas si elle est claquée ou pas. Et lé pire dé pire, c'est qué j'ai encore bousillé mon épée.

J'ai envie de pleurer.



Elle profita de la chaleur ambiante pour sortir ces bottes, sortir son foulard autour de son bras et surtout pour prendre un grand coup de respiration.


Tu sais qué je regrette rien. Humpf, c'était étrange !

Passe de côté, esquive, attaque droite, hop ! La dague dans la main gauche, garde inversée et crac ! Dix pouces de ferraille dans les côtelettes !



Une grimace pour conclure ce débit de parole portant vers le monologue mais elle en avait besoin. D'extérioriser absolument tout ce qu'elle avait pu vivre pendant cette folle nuit. Pas la première, mais secrètement, elle espérait que ça serait la dernière. Lui parler directement de Satyne ? De Phé ? Entamer la conversation sur "leur pause" ? Finalement, elle était toujours aussi posée que le soir où elle était partit. Rien n'avait changé. D'ailleurs, pour qu'elle raison absurde, elle pense souvent que partir va régler le souci ? En plus, il n'y avait pas de souci officiellement. Seul son cerveau était en chantier.


Tu veux qu'on parle ?
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Samsa
    "Je sais que c'est toi c'est pas ton ombre
    Qui rêve de vivre un autre monde.
    Croire en toi qui n'est pas si sombre;
    Je sais que c'est toi c'est pas ton ombre;
    Je sais que c'est toi c'est pas ton ombre
    Qui rêve de vivre un autre monde."
    (Éléphant - Collective mon amour)



-Je n'ai pas de pâtisserie si c'est ce que tu demandes té.

Pas de beignets et autres gaufres dans la petite sacoche de ceinture, pas de confiture, rien qui ne soit sucré, seul un bout de pain servant de repas consistant y avait sa place -avec des carottes, bien évidemment-. Samsa posa son onguent au sol et s'approcha de l'épaule démise, observant son état et effleurant l'articulation afin de s'assurer que sa vue ne la trompait pas. Shawie lui parlait de la Blanche dans l'armée, de son amie perdue dans la mêlée et même de son envie de pleurer. Cerbère quitta l'épaule de ses yeux sombres qu'elle reposa sur le visage de l'Espagnole.

-Je n'ai vu personne d'autre dans le champ où tu étais pardi alors je pense qu'elle s'en est tirée té. Et puis pour ton épée, je t'en reforgerai une va pardi, j'en ai justement une en cours à Alençon té.

Elle sourit un peu, espérant avoir un temps soit peu consolé Shawie avec tout le tact qui est sien et ne relève pas son envie de pleurer, préserve sa fierté tout en y ayant porté attention. Samsa laisse Shawie retirer le foulard maintenant vaguement son bras en écharpe et pose ses mains en amont de son poignet et de son coude. Elle n'était pas médecin mais ce genre de blessure était tellement courant à la guerre qu'elle avait fini par savoir comment en soigner la plupart. Elle se plaça contre Shawie pour servir de mur contre laquelle elle s'appuierait et tira lentement mais fermement sur le bras à angle droit du corps jusqu'à sentir le déclic signifiant que tout était revenu dans l'ordre. La toque fut complètement trempée dans l'eau froide -c'était mieux que rien- et vint servir de compresse maintenue par la nouvelle écharpe, cette fois digne de ce nom, que Samsa fit à Shawie avec le foulard.

-Tu es bonne pour ne plus faire de levée de coude avec ce bras avant un moment pardi.

La Prime Secrétaire Royale s'écarte et se rassoit correctement sur le lit, le corps dirigé vers l'Espagnole qu'elle écoute conter ses exploits. Elle se sent tout à coup fatiguée; Cerbère s'écroule. Il était le premier à réagir quand autrui était en danger, il déployait des forces colossales pour que tout rentre dans l'ordre mais, chaque fois que cela était fait, il tombait de fatigue, pur synonyme de poussée d'adrénaline puissance cinq cent. Ainsi, la cotte de maille de Samsa semble soudainement lui peser des tonnes, affaisse ses épaules pourtant robustes et faire ployer sa solide échine. C'est dans ces moments-là qu'elle se fait vraiment rappeler le poids d'une cotte de maille pour qui n'en a pas l'habitude. Pitoyable figure de femme fatiguée, sans plus de force dans les muscles, poussiéreuse, boueuse. Malgré tout, même si elle n'a pas la force d'imaginer la bataille, elle dessine l'ombre d'un sourire attendri, ne comprenant que trop bien l'enthousiasme que l'on peut mettre dans un combat et dans sa narration, même si la fin n'est guère à notre avantage.

Cerbère se redresse à la question de Shawie, bien consciente qu'elle a laissé son corps faiblir, qu'elle l'a laissé montrer cette faiblesse, et bien décidée à y remédier. De combien de force aura-t-elle besoin pour entamer la conversation qu'elles doivent avoir ? Quelle conversation d'ailleurs ? Samsa se sent démunie. Elle a essayé d'écrire, de rassurer, de laisser Shawie faire même, mais aujourd'hui elle est là et aucune d'entre elles ne semble vraiment comprendre ce qui se passe. Cerbère pense à parler et son coeur s'emballe soudainement de peur de ne pas savoir quoi dire. Et c'est vrai, que pourrait-elle dire, elle ? Elle n'est pas l'instigatrice de la pause, elle ne comprend pas pourquoi l'Espagnole a peur et pas elle, pourquoi elle ne parvient pas à la rassurer, pourquoi cet entre deux, comme si finalement, tout ce que Samsa avait entendu n'était qu'un prétexte pour dissimuler une autre raison, une sorte de partie d'iceberg immergée qu'elle ignore et plus elle regarde Shawie dans ce silence qui s'étire, plus elle le pense.


-Dis-moi ce qui ne va pas pardi.
Je ne suis pas reine, je ne suis pas le Très-Haut té, je ne peux pas claquer des doigts et faire en sorte que tous les soucis disparaissent pardi mais je suis Samsa, dicte Cerbère té. Je ne te parle même pas de Prime Secrétaire Royale té, on ne parle pas de statuts, de nombres de connaissances, on parle entre toi et moi pardi et tu sais que si la Prime Secrétaire Royale est du genre à régler les soucis par facilité, celle que tu connais tous les jours, que tu vois en taverne et avec qui tu marches sur les routes est plutôt du genre à rentrer dans le tas et à tenter l'impossible té. Alors si tu essais de me protéger pardi, arrête té, et laisse-moi mettre les mains dans le même truc dans lequel tu patauges pardi parce que si ON a un soucis té, qu'il vienne de toi, de moi ou de nous pardi, ça NOUS regarde pardi.

Alors je t'écoute té.


La vie n'est pas faite que de batailles dans une plaine face à un camp adverse, il y a aussi toutes ces petites batailles du quotidien qui peuvent se répéter chaque jour ou être simplement uniques dans l'existence. On a tendance à tout donner dans celles qui sont uniques parce qu'on a conscience que c'est maintenant ou jamais, que quelque chose d'important se joue dès à présent, c'est pourquoi Cerbère s'est quelque peu relevé sur ses pattes, prêt à encaisser et à combattre, mode de pensée qui se traduit dans le corps bordelais en cela que la fatigue semble avoir disparu et que son indicible et naturel panache est revenu.
_________________
Shawie
Heureusement qué t'es plus douce en temps normal.


Épaule remise en place. Check. Si elle avait pu la baffer, elle l'aurait fait mais c'était quand même qui lui avait demandé de lui remettre. L'Espagnole c'était contentée de serrer le drap de son autre main et de ravaler quelques larmes de douleur. La partie la plus douloureuse n'était pourtant pas entamée. Putain que c'est chiant de devoir se justifier mais ça doit bien signifier quelque chose hein ? Qu'elle tient peut être plus qu'elle ne le pense à Samy. Oh mais non, c'est évident qu'elle tient à elle mais simplement incapable de le montrer.

Est ce que c'est possible d'aimer plusieurs personnes en même temps ? Concrètement qu'est ce qui l'en empêche ? Chaque personne doit trouver une seule personne et c'est tout ? Une personne pourrait peut être apporter la joie, l'autre l'adrénaline, l'autre la cuisine ? Non c'pas possible ça ? Au risque de blesser inutilement Cerbère, préférer le mensonge semble être un bon compromis. Parfois, c'est tellement mieux de fermer son claque merde que de balancer une dure vérité au visage d'une personne qu'on aime.

Un soupire avant de lâcher :



J’ai menti, cé n’est pas vrai, notre histoire n’est pas encore terminée. Je né veux pas, je né veux pas et c’est humiliant parce que je suis là, à avoir besoin dé toi. Jé suis bien avec toi, vraiment. dé prétendre adorer ta toque, té laisser boire la dernière choppe dé la taverne, chanter une sérénade sous ta fenêtre ... Malheureusement cé qui fait que jé suis bien fait qué je ne suis pas "bien".


La pente était savonneuse, glissante à souhait. Creuser sa propre tombe, elle savait super bien le faire. A chaque fois qu'elle ouvrait le bec dans ce genre de discussion c'est comme si elle se plantait elle même un couteau dans le dos.


Je suis certaine dé me faire virer des Blanches dans les mois qui arrivent car Phe finira par parler. Elle aura raison et pourtant jé lui en voudrai tellement. Jé m'en fiche qu'on mé dénonce, n'importe qui peut lé faire ... mais pas elle. Tu comprends ? Jé crois qué je suis attachée à elle bien plus qué je né peux l'affirmer.

Et puis, il y a Satyne aussi. Tu vois tout se mélange et je finis par mé demander si je suis normale. Chacune m'apporte quelque chose et tu m'apportes encore autre chose. Est ce que c'est normal ?



La main de la désormais Blanche attrapa et resserre celle de la Prime. Son regard plonge alors dans le sien. Il n'était pas question de parler "d'amour" ou d'entamer une analyse approfondie mais simplement d'essayer de rassurer la personne chère à son cœur.


Samy, je pourrais té promettre dé t’aimer et de té chérir. Jé pourrais te promettre d’être la dans le bonheur et dans le malheur, de t’être fidèle jusqu’à ce qué la mort nous sépare ; mais jé ne le ferai pas. Ces vœux là sont fait pour les couples optimistes, les couples pleins d’espoirs. Jé ne peux t'offrir cé que tu recherches mais jé peux donner un peu, quelques miettes. Jé suis incapable dé fournir plus ou dé te faire des promesses sur l'avenir.

Mais pourras tu te contenter dé ça ? Tu mérites tellement mieux.

_________________
Samsa
    "Nous ne faisons qu'un
    Mais nous sommes différents;
    Nous devons nous soutenir,
    Nous soutenir.
    Un."*



Assise presque face à elle, Cerbère l'écoute entamer la discussion. Le début la rassure. A-t-elle eu peur qu'arrivant ici, elle ait l'immédiat chagrin d'apprendre qu'elle pouvait désormais rentrer chez elle, toute seule ? Pas vraiment, non. Elle imaginait que Shawie aurait la décence de ne pas la faire venir en catastrophe pour lui annoncer ça mais elle sait aussi que les discussions du genre qui commencent par quelque chose de bien ont toujours un "mais" plus ou moins négatif, c'est pourquoi Samsa attend. Son visage n'exprime aucune joie, aucun soulagement, aucun sentiment quelconque d'attendrissement, pas plus qu'une fermeté ou un assombrissement; ses traits habituellement figés le restent et les autres les copient.
Sans un mot, presque sans battements de cils, Samsa l'écoute lui exprimer des sentiments maladroits et parler de l'éternel dilemme qui l'habite et qu'elle comprend parfaitement et jusque-là, ça va. Jusque-là, il n'y aurait qu'à sourire, dire que tout ira bien, qu'elles seront solidaires et le dossier serait clos. Le coup de couteau, c'est Samsa qui le prend quand l'Espagnole lui parle de Pherea mais elle n'en montre rien, pas même un renâclement léger, une respiration trop rapide ou trop forte. Satyne l'importe peu car la Prime Secrétaire Royale sait qu'il y a toujours dans le coeur de quelqu'un une personne indétrônable, il n'y a pas à jalouser ou à haïr sur ce principe; Mélissandre l'avait comprit pour Selvagem et Maximilien, Samsa le comprenait pour Shawie et Satyne mais elle, pour Zyg et elle, qui comprenait vraiment ? On n'avait rien à craindre d'une morte, on ne discutait pas de sentiments vis à vis d'une morte.

Sa main se fait attraper par celle de l'Espagnole pour être enserrée, mais Samsa ne sait pas quoi penser. Shawie lui dirait que c'est parce qu'elle ne sait pas réfléchir sur le coup et sans doute aurait-elle raison; l'improvisation, Cerbère savait faire mais réfléchir d'un seul coup, ça ne marchait pas. Les yeux sombres plongés dans les émeraudes, ils fouillent à peine comme si la fin était déjà visible et qu'il ne servait plus à rien de se battre parce que les mots de Shawie sont durs, injustes. Une brève contraction de la mâchoire trahit le ressenti bordelais avant que le silence ne s'installe de nouveau. Le pouce de Samsa caresse un peu la main espagnole alors que les petits yeux sombres se posent dessus, l'espace d'un instant, quelques secondes avant que la Prime Secrétaire Royale ne se lève et aille près de la fenêtre. Appuyée de côté, elle ne tourne pas le dos à Shawie et regarde simplement les passants en bas sans les voir, bras croisés.

Enfin, elle amorce sa réflexion.

Que répondre ? Que pouvait-on répondre à ce que Cerbère résumait à une perte, un échec, dont une autre bénéficiait ? Un équilibre défavorable. Que répondre à une compagne qui pourrait promettre d'aimer mais ne le fait pas, comme si dire "je t'aime" revenait à mentir ? Que répondre quand on attend presque rien plutôt qu'un serment de mariage ? Que répondre à une compagne qui jure de tuer en cas d'adultère mais ne promet pas la fidélité ? Qu'est-ce qu'il était possible de répondre quand on entendait que le couple construit n'est pas plein d'espoir alors que le chemin parcouru est énorme ? A vingt-six ans, Samsa sait parfaitement qu'on ne passe pas sa vie avec quelqu'un, qu'il vient toujours un moment où les choses se terminent pour recommencer ailleurs, avec quelqu'un d'autre mais l'expérience de Zyg a confirmé sa nature optimiste à ce sujet et Cerbère n'a eu aucun mal à comprendre la leçon que se battre pour ceux que l'on aime et profiter d'eux est chose capitale. Shawie semble cette fois vivre dans le futur quand Samsa est au présent.
Le regard sombre quitte la rue pour se reposer sur l'Espagnole, aussi pensif qu'impassible car si elle a sa réponse pour la dernière réplique, le sujet de Pherea reste épineux. Peut-être n'y a-t-il pas à réfléchir ? Juste à s'exprimer et à parler. Les petits yeux sombres se plongent de nouveau dans l'absente contemplation du spectacle de la rue.


-Tu te souviens de ce dont on a parlé en Béarn pardi ? Je t'avais parlé de Vawen dont j'ai supporté les adultères pendant près d'un an et demi, peut-être deux té. Tu m'as dit que tu n'aurais jamais toléré parce qu'une fois ailleurs était fatal pardi. Tu m'as mise en garde de cela pardi, et j'en ai presque été vexée, que tu mettes un garde-fou à ma loyauté pardi.

Un sourire en coin sincèrement amusé vint prendre place sur les fines lèvres de la Bordelaise qui se rappelle parfaitement cet épisode où, comme souvent, elle s'était gentiment offusquée des paroles espagnoles à l'encontre de ses valeurs. Le sourire s'efface en même temps que le souvenir s'en va, laissant la place au sujet déjà là qui fait ramener le regard sombre de Cerbère sur Shawie, implacable cette fois.

-Je te prierais de me quitter avant d'aller embrasser autrui pardi. Je ne te garderai pas enfermée dans quoique ce soit té, alors si tu veux t'en aller un jour, profiter de quelqu'un d'autre té, ne le fais pas dans mon dos pardi. C'est tout ce que j'ai à dire concernant Phe et Satyne pardi.

Ce n'était même pas une question de blessure, c'était une question de principe. Samsa avait donné pour Vawen et si elle pouvait endurer encore un peu ce genre de plaie, elle refusait que cela vienne de Shawie qui avait tant appuyé sur les principes de la fidélité et de la loyauté; la blessure serait pire, bien pire, que celle de Dédain, la trahison ne serait plus dans les seules paroles mais dans les faits-même et Samsa ne pourrait jamais le supporter. Pourtant, ce n'est pas à cette hypothétique possibilité que Cerbère pense car elle croit en Shawie, elle a confiance en elle et en ses principes, preuve en est qu'elle ne rappelle pas les propres paroles de l'Espagnole sur ce qui est tromper ou pas, elle pose simplement à son tour un rappel de ce qui est besoin entre elles, la liberté respectueuse.
Le regard s'adoucit puisque le plus dur est passé, le plus dur est dit, le reste n'est que naturel et expérience venant de la Bordelaise au passé tout sauf tranquille, tout sauf linéaire, tout sauf digne d'une idiote.


-Les gens nous apportent tous quelque chose pardi, ils ont leurs points forts et leurs faibles té. J'ai pour toi des qualités plus fortes que chez d'autres gens pardi, et ces autres gens ont d'autres qualités que je n'ai pas, ou plus fortes té. Ils ont des façons d'être que je n'ai pas et ils n'ont pas les miennes non plus pardi. On peut aimer plusieurs personnes pardi mais... Ce qui compte, c'est de savoir qui est-ce qui est dans le présent pardi. Rose m'en voulait parce qu'il y aura toujours Zyg dans mon coeur pardi, parce qu'elle est indétrônable té, parce que je ne ressentirai pour personne ce que je ressens pour Zyg pardi, c'est quelque chose de très particulier té; Rose pensait que Zyg était de mon présent té, alors qu'elle est de mon passé pardi. Pour autant pardi, les gens que j'ai aimé et que j'aime ne comptent pas moins pour moi té, je ne les aime pas moins. C'est juste différent pardi. Faut dire que ça l'est forcément puisqu'elle est morte té... Mais... J'aime Lucie comme ma protégée et ma supérieure pardi, j'aime Mélissandre comme ma protégée tout court pardi, j'aime Maximilien comme un frère qu'il aurait pu être té, j'ai aimé Vawen et Maria, chacune d'une façon encore différente pardi, l'une comme une comparse l'autre comme une protégée et une gardienne té. Pour toi, j'ai un amour encore différent pardi, j'ai pour toi celui qui me donne envie de goûter tes lèvres et ta peau té, de savourer la chaleur de tes bras, de faire des conneries ensembles, de creuser tous les jours pour un bouclier, de tendre l'oreille quand ça parle de trèfle pardi, et je suis bien quand tu es là pardi; je t'aime comme mon Égale, comme ton Égale aussi té parce que c'est pas une question de mise à niveau pardi. Je sais que tu aimes Satyne et Phe pardi mais même si la frontière te semble flou ou inexistante entre nous trois té, tu sais qu'elle existe pardi. Tu le sais mais tu as besoin de le comprendre pardi. Je ne te blâmerai pas pour ça té.

Je pourrais te promettre moi aussi de t'aimer toujours et te jurer d'être là pour me foutre de toi quand t'auras des cheveux blancs et plus de dents pardi, mais je ne le ferai pas non plus parce que j'ai conscience que les gens vont et viennent et que seul le passé est éternel parce que figé pardi. Je n'ai pas besoin de promesses sur l'avenir, de contrat, d'engagement ad vitam eternam pardi, je n'en veux pas même té.
Je me contenterai très bien de tes quelques miettes pardi, je serai même heureuse avec té, pour peu que dans ces miettes-là té, il n'y ait pas que des avertissements et des rappels de ce qui pourrait arriver demain pardi, dans quelques mois ou dans quelques années. Jamais peut-être té ?


Il ne fallait pas se voiler la face, elles avaient toutes deux des vies dangereuses, Samsa passant son temps à aller en guerre dès que possible, se battant pour tout et n'importe quoi et Shawie flirtant avec des autorités peu aimables qui venaient de lui rappeler cet état de fait à leur façon. Demain, elles pourraient tout aussi bien mourir ou attraper la peste et ainsi effectivement finir leur vie ensemble, au moins pour l'une d'elles, la malheureuse morte.
Samsa vient se rassoir sur le lit, signe pour qui sait la décrypter qu'elle est en train de passer à autre chose, étonnante capacité à ne jamais rester longtemps sur les choses qui blessent ou mettent en colère, exceptions faites.


-Je ne peux pas plus te donner tout ce que tu aimes pardi, la richesse, la gloire sur les chemins, partager un bout de pain en prison pardi, échanger des techniques d'arnaques et autres té... Je n'ai que moi à te donner pardi, qu'une Cerbère d'origine modeste se chauffant à la Lumière des Grands et à des guerres perpétuelles où celui qui n'est pas dans le camp décidé "bon" est toujours traité de noms d'oiseaux inventifs té.

Elle écarte un peu les mains en presque signe d'impuissance. Non elle n'est probablement pas aussi riche et libre que Satyne, pas aussi titrée et contrôlée que Pherea mais elle a bien retenu qu'elle est aimée pour autre chose. Son impulsivité peut-être ? Son courage ? Son dévouement ? Peut-être rien de cela. Quelle importance ? Et puis ça veut dire quoi, mériter mieux ? Mieux que quoi ? Qu'une brigande ? Samsa ne mérite pas plus une Duchesse. Mieux qu'une femme en difficulté avec les sentiments alors ? Samsa n'est pas une femme simple non plus, elle aime les gens complexes sinon compliqués; l'ennui est assuré sinon et Cerbère qui s'ennuie est agonisante. Peut-être que finalement, en amour, Samsa n'était pas si compliquée que cela.

-Je profite de toi, de Nous, au présent pardi. Je t'aime toi, là, maintenant pardi et j'en profiterai et je t'aimerai le temps qu'il me sera donné de le faire té, que ce soit jusqu'à la fin de ma phrase, à la fin de l'année, de la décennie ou de nos vies pardi; c'est la promesse que je peux te faire pardi, l'engagement que je tiendrai bon gré mal gré té parce que je n'ai pas de prise dessus pardi, c'est comme ça té, j'aime comme ça pardi, jusqu'au bout des choses té.

La main de Samsa vient reprendre celle de Shawie alors qu'une esquisse de sourire se dessine sur les lèvres de la première. Ça y est, c'est fini, il n'y a plus traces chez Cerbère d'une quelconque contrariété; ça a existé, mais c'est terminé, les choses ont été mâchées et la digestion prend le pas, invisible, presque aussi inconsciente qu'indolore.
Le sourire s'en va et revient le temps en suspend, l'actuel réel qui est, celui d'une Espagnole déstabilisée par elle-même et celui d'une Bordelaise en combat pour aider celle qu'elle aime, pour les aider toutes deux.


-Combien de temps veux-tu que je reste pardi ?
Je veux dire... Après. Quand tu seras remise té. Parce que là je vais veiller à ce que tu fasses pas de conneries pardi, n'espère pas te débarrasser de moi, de mon onguent et de mes carottes pardi


"Combien de temps voudras-tu pour faire le point ? J'imagine que cette armée est un contre-temps et que tu reprendras après... Non ? Tu sais, j'ai pas l'air, mais en terme de patience, je peux battre à peu près n'importe qui. Question de volonté, du coup tu comprends, hein ?"
Un sourire un peu plus enjoué vient ponctuer la fin de la réplique, sourire d'une Cerbère qui ne sait pas avoir peur très longtemps, sourire d'une Prime Secrétaire Royale qui connait la vie et ses étranges travers, sourire d'une Samsa qui, quoiqu'il arrive, aura ramené Shawie sauve faute de saine de son expédition des chemins.



* = paroles traduites de U2 - One

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Shawie
Ce n'est pas une question de fidélité Samy.


Comment arrêter son regard sur la première à laquelle on a juré fidélité quand il y en a des milliers qui nous obligent à renier sans cesse nos premières paroles ? Avant ce souci ne se posait pas puisqu'elle n'était jamais engagée véritablement avec une personne.


Mon discours n'a pas changé sur ça même si jé te l'accorde qué les tentations sont présentes. Cé n'est pas pour ça qué j'irai mouiller lé poireau dé la voisine, tu vois cé que je veux dire. Jé me demandais si c'était possible dé pouvoir aimer plusieurs personnes et j'ai bien l'impression qué c'est tout à fait possible. Ça mé fou un bordel monstre dans la caboche mais c'est possible.

La frontière avec Satyne est réelle puisque nous avons simplement décidé dé ne plus se croiser sans une importance énorme. Jé pense simplement qu'on se retrouvera lors de notre mort tiens. Et jé ne tiens pas à en parler.



Elle ne l'avouera jamais, mais cette situation n'était pas de gaieté de cœur bien au contraire. Satyne avait ce quelque chose d’insaisissable et ce brin de folie au sens propre qui plaisait à l'Espagnole. Phe avait ce goût d'inachevé et d'interdit apportant presque quelque chose de reposant. Alors que Sam revient s'asseoir sagement comme si de rien n'était, l'Espagnole, elle est toujours voir plus troublée. Cerbère avait cette faculté à pouvoir oublier d'un instant à l'autre et de se concentrer sur autre chose. C'en était presque dérangeant. Un long soupire suivit d'une grimace, elle se redresse cette fois correctement.


Quelques miettes ... Jé ne recherche pas plus de gloire sur les chemins, ni même la richesse, ni encore le prestige ou n'importe quelle connerie qué tu me dis. Jé recherche rien du tout c'est ça lé pire. Jé crois qué je suis simplement incapable dé résister à une envie, qu'importe laquelle. J'ai toujours eu l'habitude d'avoir cé que je voulais : de gré ou dé force.Si jé vois quelque chose qui mé plait, jé dois lé prendre. Non pas par méchanceté ou par volonté dé nuire mais simplement parce que j'en ai besoin. Alors peut être bien qué je suis un monstre sans cœur, mais j'estime assumer mes choix par la suite.

Jé né vis pas dans le futur, loin dé la. J'anticipe simplement l'évidence.



Les habitudes sont parfois mauvaises, voire dangereuses, et nous ôtent tout principe de prudence. L’imprévu nous surprend. Mais elles nous permettent d’acquérir peu à peu l’usage, de créer certains automatismes, une « seconde nature » indispensable, même si nous devons être vigilants pour ne pas nous fier qu’aux habitudes. C'est au tour de l'Espagnole de se lever en se tenant sur le bord du lit puis sur le mur pour se remettre sur ces pattes, voir si ça tient toujours. Quelques pas plus loin, elle se retrouve devant un miroir.

Bon au mauvais camps ? Concrètement ça ne veut dire. Dans chaque guerre, chaque camps a un intérêt à défendre. Les comprendre reviendrait à s'intéresser aux gens, et ça, c'était hors de question.



Putain, j'ai une sale gueule.


Puis se retourner vers Samuel.


Porqué tu veux qué je fasse une connerie ? Jé suis immobile un petit moment là, jé pense qué lé pire que jé puisse faire, c'est de mourir d'ennuis. Ça té laissera lé temps de creuser pour trouver ce fichu bouclier. Pas besoin dé plus dé temps, cela servirait à rien, juste à continuer à remuer la merde.
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Samsa
    "Dans le vent, dans le rien, toujours, toujours seul contre tous.
    Place de ton coeur, tu t’oublies dans l’opium, l’extase et la stupeur,
    On s’y amuse, ça fait peur,
    [...]Scandons le va-et-vient des foules;
    Ça commence à deux."
    (Eiffel - Place de mon coeur)



Comment ça ce n'était pas une question de fidélité ? Bien sûr que si ça l'était. C'était forcément une question de fidélité, de valeurs, de principes, de tout ce que Shawie était sensée avoir et qu'elle n'avait pas l'air d'avoir actuellement. A qui pensait-elle dans l'intimité ? Qui avait-elle peur de perdre quand une guerre était déclarée ? Avec qui voulait-elle partager ses victoires ? Aimer plusieurs personnes était une chose mais on ne pouvait pas penser à trois femmes différentes. Une fois encore, la contraction des mâchoires de Samsa trahit son ressenti, sa retenue qui devient difficile. La digestion qui devait se passer tranquillement devient une indigestion totale et elle n'est pas loin de vomir à Shawie ces mêmes mots avec plus de laideur encore. C'était souvent ainsi avec l'Espagnole, qu'elle le veuille ou pas, elle faisait aux autres ce qu'elle ne voudrait pas qu'on lui fasse, Samsa le sait et retient son impétueux caractère sur ce seul principe qu'on est comme on est et que si Shawie est de ce genre, la Prime Secrétaire Royale, elle, n'est pas ainsi. La dureté et la violence, qu'elle soit physique ou verbale, n'existe pas chez elle quand elle s'adresse à ceux qu'elle aime.

Une fois encore, elle écoute sans broncher le couplet sur les miettes et le besoin de prendre. Mauvais signe. Il parait que les coups de poing font moins mal que les gifles et Cerbère s'apprête à gifler, colère froide bouillonnant en elle. L'inconséquence de l'Espagnole la sidérait. Elle respectait parfaitement son honnêteté et ne lui en voulait guère de cela mais elle ferait une bien mauvaise élève en terme de diplomatie, c'était certain; bien dommage puisque Samsa avait l'orgueil des gens avec qui il convient parfois de prendre des pincettes quand on s'aventure hors de leurs pourtant lointaines limites, un genre de "tu vas trop loin, d'accord, mais fais-le avec un minimum de tact quoi".

Elle regarde Shawie se lever, la suit de ces petits yeux sombres aux froides étincelles métalliques qui ont remplacé l'habituelle flammèche à l'ambiance chaude. Les mâchoires jouent, les dents grincent, la langue est mâchonnée mais rien ne sert désormais et Samsa se lève soudainement, Cerbère drapée dans une orgueilleuse dignité. Elle se tourne vers Shawie qui étudie son visage abîmé et le ton se fait froid, cassant, chien blessé qui ne couine pas mais rappelle que les morsures font mal, même sur lui.


-Hé bien si tu en as envie et besoin alors pardi, je ne vois pas ce qui te retient encore avec moi pardi. Ah si té, tu as besoin de moi pardi. Tu parles des autres avec les mots "tentation" et "envie" pardi, mais tu parles de moi avec le mot "besoin" té. Je pourrais en être flattée, touchée tu vois té, parce que c'est un mot important, un mot puissant té, mais à t'entendre cette dépendance te fait juste chier pardi, je me sens comme un boulet, comme une cage qui te retient involontairement té, et c'est une impression détestable parce que je veux juste que tu sois bien et c'est presque si j'entends pas que j'en suis l'obstacle et que tout serait plus simple, moins 'merdique', sans moi pardi.

Alors si je viens de dire de la merde pardi, la prochaine fois fais attention aux mots que tu emploies té.


De l'ironie, la tirade a suivi la route de la conscience, du ressentis et de la blessure qui, pourtant, est immédiatement bandée et passe à autre chose. A la différence près cette fois qu'il n'est pas question de faire comme si elle n'avait rien entendu, mais de simplement considérer qu'elle a dit ce qu'elle devait dire et qu'à présent, le sac est vide.
Elle tourne les talons et s'éloigne. Elle en a assez entendu pour maintenant, elle ne doit pas rester une seconde de plus sous peine d'exploser littéralement et elle n'en a pas envie, pas contre Shawie, pas contre celle qu'elle aime qui vient de manquer de crever, pas après cet effort remarquable pour rester soft dans ses paroles et ne pas jeter des mots tranchants qu'il aurait été parfaitement raisonnable de qualifier d'injustes. Parfois, le silence est plus frappant que tous les cris, les mots, les gestes et si elles l'avaient su lors de l'escorte de Primha quand l'Espagnole venait d'intégrer les Blanches, elles se seraient évités quelques coups qui n'ont pourtant pas à être regrettés. Elles vivaient, chacune sans retenues vis à vis de l'autre, Shawie allant sur les chemins quand elle le souhaitait et Cerbère rejoignant ceux qu'elle devait protéger quand elle le devait. Et pourtant, si la première était guidée par ses envies et la seconde par ses devoirs, elles avaient su nuancé ces extrêmes et vivaient en bonne harmonie. Pourraient ? Peut-être était-ce parce que l'équilibre entre elles était proche que les réglages s'affinaient et devenaient plus délicats à faire.


-Je vais voir si Guerroyant a ce qu'il faut pardi.
Et de rien au fait té.


Parce qu'à part avoir été rassurée sur leur histoire présente qui s'est vu décoré d'un "malheureusement" sonnant comme un "mais" derrière, on a vu mieux en terme d'accueil. Même pas de pause dans la pause, rien qu'un foutoir sans nom dans la tête de l'Espagnole qui ne devait vraiment pas s'amuser non plus, rien d'autre à faire pour Samsa qu'à attendre et à espérer ne pas être jetée comme un bas usé sans considération.
Cerbère, main nue sur la poignée ayant laissé ses gantelets sur le lit, prend un temps et tourne la tête vers Shawie. L'ombre d'un sourire confirme qu'elle tient encore debout et que ce n'est pas ce qu'elle vient d'entendre qui pourrait la mettre à terre et la faire cesser de combattre. Être en colère après Shawie est une chose; lui faire la gueule en est une autre.


-Mais ouais pardi... T'as une sale gueule té. C'est moins gracieux que ma marque à moi té.

Derrière le mot marque se cache tout aussi bien l'estafilade sombre suivant la ligne du sourcil gauche bordelais, souvenir d'un -involontaire- coup de botte espagnol au visage, que la cicatrice refaite au ventre de Shawie de sa part.
La Prime Secrétaire Royale sort, referme la porte derrière elle sans violence ni fermeté, par défaite peut-être. Elle descend les escaliers et rejoint les écuries où elle trouve sans mal le destrier bai qui se démarque par sa stature de tous les chevaux de bât et palefrois. Elle constate avec satisfaction qu'il a de la paille propre et que l'équipement est posé comme il convient dans un coin de la stalle. Étrillé, il a meilleure allure que ces derniers jours et Samsa râle en s'avançant, longeant le mur pour aller s'asseoir sur la mangeoire de pierre à laquelle il est attaché.


-Tu es plus propre que moi té.

Les mains nues redécouvrent la douceur des naseaux, la chaleur de leur souffle, le touché des poils et des crins, les doigts suivent les lignes de la tête équine, épousent les ganaches et grattent doucement l'auge. Samsa nettoie un peu les yeux de Guerroyant, s'amuse gentiment de ses oreilles en souriant, trouvant auprès de l'animal de quoi s'apaiser afin d'être de nouveau parfaitement calme quand elle retrouvera Shawie dans la chambre, à moins qu'elle ne soit devancée.
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Shawie
Sortez une feuille et notez : "Toute vérité êst elle bonne à dire ?" Vous avez quatre heures. Le résultat était pourtant simple et sans équivoque. Une réponse nette et sans bavure. Le "non" tombait comme une évidence logique. Alors quoi, un mensonge, rien qu'un petit est toujours nécessaire pour épargner une vérité blessante ? Bien sûr que oui ! Les gens ne sont pas prêts à entendre toute la vérité et uniquement la vérité. Sam venait de sortir de la pièce. Sha l'aurait fait aussi mais elle ne se serrait pas contentée d'aller dans les écuries. Oh non, elle aurait tourné les talons et basta.

"Est ce que tu lui a dis ? Tu lui as dis que tu l'aimais ? Au moins signifié que tu tenais à elle ? As tu envisagé une seconde d'avoir un futur avec elle ? Êt tu prêtes à renoncer à elle ?" Cette phrase raisonnait dans sa tête, tambourinait même essayant de sortir et d'être crié. Elle resta postée debout devant le miroir quelques instants. Des fois ma petite, tu devrais vraiment fermer ta gueule. Mais vraiment.

Demi tour droite, elle récupère les gants laissés sur place, remet ces bottes avec toute la difficulté du monde et entame de redescendre à la recherche Samy sans doute encore dans les parages -jamais elle ne quitte ses gants- Cerbère droit devant. Elle semble apaisée et tranquille. C'était peut être ça sa mission ... laisser les gens partir. Satyne le lui avait dit noir sur blanc : "Et moi je voudrai que tu n'aies jamais existé". Phe l'avait sous entendu. Val' avait préféré partir sans bruit. Qui était le pire ?



Sam.

Né prends pas la mouche. Chaque parole n'était pas faite pour te blesser. Tu me parles de fidélité mais jé ne t'ai jamais trompé. Jé né fautive de rien du tout, je t'explique simplement que mon esprit est confus et qué désormais je suis avec toi donc jé trouve ça normal dé t'en parler. J'ai jamais eu besoin de faire ça avant.

Jé peux t'assurer qué si tu étais un obstacle, ça ferrait longtemps que "nous" ne serait plus. Je né m'attache pas facilement, tu lé sais. Je voulais simplement être honnête et demander si j'étais normale a être tiraillée. Ça né sous entend pas qué je vais te tromper. MÈRDE !



Se rapprochant un peu de la bête blessée dans son amour propre, elle ne la quitta pas des yeux. C'est vrai que dans le fond tout ce qui avait pu être dit pouvait être perçu comme une demande de permission à la tromperie. Il n'en était rien. Elle aurait déjà eu l'occasion. La main espagnole vient se déposer sur l'épaule Cerbertienne et ses lèvres viennent se poser dans le cou encore brûlant d'une demie vexée.


J'ai besoin de toi. Tu m'apportes ce quelque chose qui m'empêche de sombrer. J'ai besoin de toi parce parce que je t'aime ? qué tu es Samy. Ça résume absolument tout et je suis désolée si je n'ai pas mis les formes pour te le dire. Jé te remercie d'être venue alors que je suis à première à prendre la fuite mais toi, tu réponds présente pour moi.

Tu peux partir.
Dit elle en déposant les gants de la Prime sur sa cuisse.


Mais si tu veux rester, on pourrait peut être remonter non ?
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Samsa
    "Ta couleur et tes mots, tout me va.
    Que tu vives ici ou là-bas;
    Danse avec moi.
    Si tu crois que ta vie est là,
    Ce n'est pas un problème pour moi.
    L'Aziza;
    Je te veux si tu veux de moi."
    (Daniel Balavoine - L'Aziza)



Depuis combien de temps portait-elle ces gantelets ? Des années. Depuis qu'elle avait accepté la mort de Zyg il y a deux ou trois ans. C'était venu avec la cotte de maille quand elle avait trouvé son salut dans les combats et depuis, elle ne les retirait plus que très rarement dans la journée. Il n'y avait que la nuit qu'ils rejoignaient la cotte, c'est pourquoi Samsa redécouvrait la douceur d'un cheval, appréciant de lui donner une carotte pour sentir son nez fouiller sa main et ses lèvres attraper le légume à plat dans sa main. Tout en caressant son chanfrein, elle regardait la cicatrice prenant le dos et la paume de sa main gauche, scarification pour ne jamais oublier ce jour où elle avait promis, sur la tombe de Zyg, de se relever de sa mort, de continuer d'avancer mais sans jamais l'oublier. Absolument tout son passé résidait là, dans cette cicatrice : le noir de son âme, Zyg; elle la forçait à regarder devant et non derrière. Il arrivait parfois à Samsa de se demander ce qu'aurait pu être sa vie si elle avait accepté de la partager avec Zyg, si elle avait simplement parlé. L'originaire de Cambrai serait-elle toujours là ?
Cerbère redresse la tête en entendant du bruit; c'est Shawie qui arrive, gantelets à la main. C'était bien la première fois que Samsa, en dehors de tout contexte nécessitant leur retrait, ne se sentait pas nue sans.

Elle l'écoute sans mot dire, visage immobile mais pas impassible car ses traits sont sereins. C'est amusant comme parfois, il suffit simplement de montrer aux gens qu'ils ne savent pas s'exprimer pour qu'ils finissent par savoir, au moins l'espace d'un instant. Est-elle en train de s'énerver parce que Samsa a sous-entendu, non pas qu'elle pourrait la tromper, mais qu'elle pourrait simplement s'en aller sans la moindre considération ? Peut-être. Peut-être pas.
Shawie s'approche, pose sa main sur son épaule et embrasse son cou, faisant doucement chavirer la Cerbère. C'est à la fois si beau et si moche d'avoir quelqu'un comme faiblesse, comme à la fois feu ardent et eau apaisante. L'Espagnole parle et la Bordelaise observe calmement son regard émeraude de ses petits yeux sombres redevenus chauds, les étincelles métalliques ayant posé les armes. Plus Samsa l'entend et plus elle trouve tout à fait stupide ce qu'elle lui a jeté à la figure quelques minutes plus tôt; bien sûr que Shawie ne serait pas là si elle ne le voulait pas, elles étaient de la même trempe. Comment avait-elle pu l'oublier ? Intérieurement, Cerbère se félicite de sa presque-maîtrise d'elle-même car si elle avait explosé, elle aurait déblatérer encore plus de bêtises, quand bien même il n'y a de fumée sans feu.


-Je sais que tu ne l'aurais pas fait pardi. T'es quelqu'un de droite té. Et d'honnête pardi. J'apprécie tu sais pardi, mais... Mais t'as pas écouté mon cours de diplomatie té. Ou alors t'es juste nulle pardi.

La Prime Secrétaire Royale sourit doucement, la touche d'humour venant ponctuer le sérieux. Elle non plus, et contre toute attente, elle n'a pas l'habitude d'entretenir une conversation sérieuse aussi longtemps. Pas complètement en tout cas, car si Cerbère ne lâche jamais jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée, les pauses plus légères participent à chercher l'ouverture.
Les gantelets lui sont rendus et Samsa les enfile de nouveau, retrouvant la texture du cuir et le poids du métal sur ses mains. De nouveau, la cicatrice est dissimulée alors que son but premier était qu'elle soit visible pour que jamais Cerbère ne l'oublie, pour qu'elle ait facilité à se raccrocher à elle et ne pas oublier son enseignement : on n'abandonne pas ceux qu'on aime. On les garde toujours en soi, quelque part, et le mieux est encore de les avoir avec soi.
Samsa glisse à terre, quittant son petit perchoir de pierre et laissant les bottes retrouver le moelleux de la paille fraîche.


-J'veux pas partir pardi. Et puis j'irai retrouver cette armée plus tard té. Je les étriperai tous un par un pardi.

Ne jamais perdre de vue les objectifs importants.
Elles remontent, Cerbère veillant à ce que l'Espagnole ne peine pas trop et ne se casse pas la figure en chemin et c'est retour à la case chambre où Samsa récupère le pot d'onguent laissé au sol.


-Tu es sûre que tu n'en veux pas té ? Parce que malgré tes esquives et passes pardi, t'es bien abîmée quand même pardi.
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