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[RP] Ah ! Tu croyais m'échapper !

Evroult
    Enfin. L’onyx trouble de sommeil s’ouvrait par intermittence sur une piaule d’auberge, impersonnelle & presque sans vie, alors qu’un sourire de vainqueur étirait la lippe carnassière.
    Enfin. Les doigts engourdis & sensibles s’attardèrent sur la couche désertée par autre que lui, frissonnant de la chaleur & du parfum épais que les draps dégageaient encore.
    Enfin. Bien que délaissé ce matin, l’oreille fine s’était assurée, d’une porte délicatement fermée, que la journée d’hier n’avait pas été fantasmée.

    Hel lui était revenue.
    L’affirmation le fit se relever d’un « ah ! » puissant & gai, alors que les paupières lourdes forçaient pour s’ouvrir grand & clairement. Loupiot, si prompt à patauger dans les mauvaises manigances & les comédies perverses ces derniers mois où, abandonné pour mauvaise conduite – beaucoup de mauvaises conduites – il s’était laissé aller à l’angoisse d’une perte irréversible ; Loupiot disais-je, arborait ce matin la figure des grands-jours, ceux où le monde entier s’écrasait à ses pieds & où lui, enfin rassuré dans l’amour qu’on pouvait lui porter, se sentait prêt à offrir enfin à sa compagne brisée l’exclusivité qu’elle avait tant & si bien réclamé.

    Oui, vous avez bien lu. Evroult, en cet instant hors du temps & profondément singulier, voulait se croire capable de se contenter d’Hel. Déjà, il affirmait ne plus exercer à qui voulait l’entendre, quand bien même offrait-il encore à quelques clientes privilégiées ses faveurs contre quelques rémunérations qui, bien évidemment, ne comptaient pas. Bientôt, il se sentirait d’assurer à sa blanche ne plus baiser ailleurs qu’en son giron givré, trop effrayé à l’idée qu’elle puisse à nouveau tenter de lui échapper. Si ses manières licencieuses n’étaient pas prêtes à disparaître, sa volonté semblait telle, après quelques prises échevelées entre les herbes hautes & la chaleur d’un édredon épais, qu’il aurait été bien capable de se faire fidèle.

    Nu comme un ver, fier comme paon & sans doute aussi gai qu’un pinson, l’heureux amant à la place retrouvée fit l’outrage, aux murs silencieux de la chambre éphémère d’un couple ragaillardi, d’aller débuter une toilette sans pudeur. Pire ! alors que gant de crin frottait à faire rougir la peau impeccable de l’éphèbe, on entendit une mélopée joyeuse & fausse résonner jusqu’aux couloirs de l’auberge déjà désertée par les travailleurs & voyageurs partis à la découverte de la Trémouille. Poitou, d’ailleurs, ne lui avait jamais paru plus agréable.

    Alors qu’il s’attardait sur un entrecuisse déjà en manque de la tendreté norvégienne, le joueur pernicieux qu’il restait malgré tout vint à se dire que, tout de même, il fallait bien balancer son bonheur à la tronche de ceux qui rêvaient de le détruire. Le souvenir d’une rousseur sororale s’imposa à l’esprit tortueux, alors qu’il cessait de chanter & esquissant un sourire qui ne présageait rien de bon, finissait aussi rapidement qu’il en était capable des ablutions qui avaient déjà bien trop duré.

    Il s’essuya donc &, sans même prendre la peine de revêtir ne serait-ce qu’un bas, saisit d’un geste brusque le corsage sombre qu’il avait vu sur Hel, mais qui appartenait bel & bien à son aînée diabolique. Ce dernier, malheureux dommage collatéral d’une fièvre soudaine entre deux bosquets poitevins, portait piteusement quelques coutures craquées & trace de boue séchée. Sans une once d’hésitation, si ce n’est le coup d’œil méfiant à la porte close qui pouvait tout à fait voir surgir l’actuelle détentrice de la fripe, les doigts vengeurs & fiers finirent de faire sauter les points. Les deux morceaux distincts ne lui suffisant visiblement pas, il se chargea d’attraper un couteau modeste dans la malle entrouverte de sa favorite pour découper grossièrement quelques morceaux le corsage qui, définitivement, ne devait pas lui plaire.
    Et enfin satisfait, il fit porter dans un paquet soigné un lambeau aisément reconnaissable, doublé d’un bout de parchemin griffonné à la hâte, à sa délicieuse Gysèle.

    Citation:
      Joli cœur,

    Oups. Il semblerait que quelques-unes de tes précieuses affaires soient tombées entre les mains vengeresses d’un cabot plus malin qu’on le croit.

    Sois gentille, si tu veux les revoir.

    PS : je n’ai pu protéger ton si joli corsage des grognements de ce fameux clébard fou. Crois-moi, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour ne pas le sauver. Si tu es sage, je t’enverrais les bouts qui restent.


    La journée ne pouvait être plus belle. En plus de récupérer son aimée, il se vengeait drôlement de sa sœur – la principale raison à ces représailles étant qu’elle existait, tout simplement. Reprenant sa mélodie dissonante, il se pencha pour reposer, comme si de rien, le couteau là où il l’avait pris. Dans cette malle débordante, d'où bricoles dégueulaient depuis qu'il y avait arraché sans ménagement la lame salvatrice, secouant le contenu & révélant ce qui n'avait pas vocation de revoir la lumière du jour.

    Des mèches de cheveux. Bruns.
    Des fleurs séchées. Elles aussi, devenues brunes.
    Et puis, des lettres. Des mots. Des missives. Des bouts de parchemins, froissés, malmenés, déchirés & préservés comme des bouts d’une intimité précieuse. De plusieurs, en réalité. Mais y avait-il besoin de plus ? de tout, de rien, & surtout du noir. Beaucoup de noir, encre bavant le baratin d’un autre sur le cuir lactescent de celle qui lui appartenait.

    Paranoïaque, Evroult. Psychosé jusqu’au bout des ongles. Il aurait eu besoin de moins, & pourtant sous ses yeux avides & indiscrets se révélaient les maillons d’une chaîne qu’il n’avait pas pu voir. L’avait-il abandonné si longtemps pour que…

      « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ».
    - Menteur, grinçait-il entre ses dents.

      « A-t-il les yeux de la même couleur que les tiens ? […] Je pense que mon âme est indigeste. Parles-moi de toi. »
    - Indigeste, c’est peu dire… si peu dire…

      « La vie est faite de rendez-vous manqués. […] Cael. »
    - Cael ? Cael… celui-là, je ne le manquerai pas…

      « M’offriras-tu peut-être, pour meilleur sceau, de blanc une nuit. Et pour meilleur blanc onguent ta… »
    - Ta ? ta quoi ?! TA QUOI ?!

    La liasse se dispersa aux quatre coins d’une piaule soudain devenue étouffante, mots éparpillés retombant comme une neige épaisse & sombre sur une couche qui se tachait de l’encre d’un autre. Lui fallait-il alors comprendre qu’il n’y avait pas qu’un homme, au travers de ces missives éparses & des babioles traitreusement sentimentales ? un seul lui suffit. Qu’elle ait gardé ces trophées comme d’estimables présents lui suffit tout autant. L’onyx, brûlé des billets qu’il n’aurait pas dû lire, s’attarda trop longtemps sur les mots assassins qui clôturaient l’échange avant que de quelques & rapides gestes rageurs, il n’enfile de quoi ne pas se geler les bourses. Par Hel, Hel, mais qu’as-tu fait ?

      « Alors ne me cède jamais, Hel. Tu as raison … Des fois que tu puisse aimer cela. »

    Volcan qu’il était alors, il aurait pu en fait y aller à poil.


* Toutes les citations en italique sont tirées des mots de Judicael & Samael envoyés à Hel, ici-même.
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