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[RP] Garde-meuble

L_aconit
Mais le souffle, mieux que de se retenir, s'était laissé prendre en otage suspendu aux lèvres d'Alphonse, à ses doigts frôlant de leur outrage le sanctuaire de sa peau. Icelle qui, contre toute attente, devenait soudain pudique, rétive sous le geste qui venait saisir le docile limier au collier. Il frissonna de s'en cacher, lippe mauve ravalant sa fierté. Et le menton se rehaussa, couronné défi, saisissant dans l'encre diffuse des prunelles de son vis à vis toute la puissance du noir, réalisant aussi avec brutalité jusqu'où elle pouvait l'infuser, jeune buvard démasqué.


Voilà que d'un geste d'un seul, Aconit avait attrapé peur.


    Etait-ce pour laisser un homme toucher à l'histoire entamée avec un autre?
    Etait-ce pour laisser un autre le toucher, et entamer le cours de l'histoire?


Le frisson, pour la clef ou pour la main? Pour le froid ou pour demain? Pour l'étendue des possibles, ou pour la folie de l'évoquer?

Senestre aurait pu retenir la main, si elle n'avait pas demeuré tétanisée. Non, Nicolas n'est pas enfant sage. Mais la Medicis, cette flamboyante amante de Retz, n'aurait pu le deviner lorsqu'elle avait donné sa réflexion à un écuyer de quatorze années. Et de le savoir en soi sur l'instant, rien n'arrangeait. Il se trouvait incapable de l'arrêter, et trop surpris pour l'exhorter à continuer. Alphonse appelait le souffle déserté, son vis à vis s'était plié à ses grâces, en pointillés. Ce fut ce moment précis, celui-ci tout désigné. Le moment où il put enfin mettre le doigt sur ce qu'il se passait.

    Alphonse fascinait.


Était-ce l'assurance de ses gestes, lui qui avait terminé de frissonner, fauve attentif, ferrant avec distinction le poisson qui avait sauté hors de l'eau? Était-ce cette part d'inhabituel, faune plus âgé, au geste plus sûr, loin des camarades de jeux dont il s'était entouré? Nicolas se trouvait là, lapin dans le phare, fleur du pré dans l’œil du cyclone. Pris dans le collet, serré à son paroxysme, masochiste, dans les mots d'enfant gâté de cette rencontre qui d'une bride invisible, l'avait retenu. Le jeu changeait de règles. Inversait ses polarités.

Un vertige profond étrangla l'écuyer. C'était mal. C'était mal, même à ne rien envisager. Si Nicolas rougit, Alphonse ne le vit pas. Déjà il s'échappait, penchant son torse nu au fenestron pour se plier, briser, désarticuler aux écueils anguleux de l'instant devenu trop dangereux, et donner la destination. Excellant dans l'art de la fuite, Montfort s'était toujours ainsi construit, entité discrète, protégée sous l'épais bouclier de ses secrets. Des alternatives. Conciliant sans concéder tout de l'affirmative. Lorsqu'on l'interrogeait, il ne disait pas "non", il répondait " peut-être ". Il ne disait pas "oui", ses yeux disaient 'oui Maitre". Pour toutes ces raisons, Aconit avait fuit la pluie qui ruisselait, excitante mais assassine, de la caresse contagieuse et épidermique d'Alphonse. Par peur sans doute, de ne savoir s'y soustraire à trop s'y attarder, endémique.

S'il devine les intentions, tendron s'y frotte, les frôle sans y donner prise, en matador audacieux lorsqu'il retrouve son assise. Corps est gelé, gelé aux confins des perspectives, mais l'esprit lui est ravivé d'une salve d'eau vive. Ne jamais rester statique, face aux turbulences orageuses qui se profilent , tempêtent dans la matière grise, sans quoi c'est la fin, le néant d'un paysage givré, l'inertie. Et si le corps ne bande pas, est-ce simplement le froid, ou la barrière surprotectrice d'un cerveau sapiosexuel qui s'est plié à l'exercice?


- Soit. Mais vous me devrez loyer pour y demeurer un peu. Les ferez parvenir à Périgueux. C'est là où je séjournerai pour dénicher un Decameron, lors d'une vente de livres précieux.

Que ne faut-il se trouver de prétextes... Pour saisir l'instant sans le toucher. Capturer le moment des " si l'on pouvait ".

Perturbé. Nicolas demeurerait. Encore quelques soirs, encore quelques nuits. Jusqu'à ce que l'histoire écrive l'arrachage violent d'une page, concluant son chapitre. Épître. Forçant l'archivage d'ivres moments, donnant de l'épitaphe à ses dix huit lignes de vie.


𝚀𝚞𝚘𝚒 𝚚𝚞'𝚘𝚗 𝚍𝚒𝚜𝚎
𝚎́𝚝𝚘𝚗𝚗𝚊𝚗𝚝𝚜 𝚟𝚘𝚜 𝚗𝚞𝚖𝚎́𝚛𝚘𝚜 𝚍𝚎 𝚟𝚘𝚕𝚝𝚒𝚐𝚎
𝙰̀ 𝚕'𝚊𝚒𝚛 𝚕𝚒𝚋𝚛𝚎
𝚕𝚎𝚜 𝚘𝚒𝚜𝚎𝚊𝚞𝚡 𝚘𝚗𝚝 𝚎𝚞𝚡 𝚊𝚞𝚜𝚜𝚒 𝚕𝚎 𝚟𝚎𝚛𝚝𝚒𝚐𝚎

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Délaissant la voiture devant l’appartement, il s’étirerait, félin satisfait des chasses victorieuses quoiqu’étonnamment frustré, une fois livré au silence de son nouveau logis, de la solitude compagne qui revenait se lacer à ses os ; frileux autant qu’orgueilleux, il en accuserait Monfort et son peu de combattivité.
Ce serait de sa faute cette soif larvée dans les os aux dernières heures de la nuit, de sa faute le silence pénible d’un ciel clément et ce goût nouveau pour les ondées furieuses ; il n’aurait pas tort.

Paris s’éveillerait dans un ciel délavé aux nuages épars, et la pluie, souvenance, ne traverserait l’azur en journée que pour quelques averses vestiges, éloignant avec leurs ires, le blanc, le mauve, et la grâce d’une divagation. La vie reprendrait son flot, ses écueils, et emporterait son nouveau locataire aux marées de son ventre, laissant dans l’air, les soirs où le sommeil tarderait à l’assommer, le diffus parfum d’un Printemps bleu.




Dieu fasse que ma complainte aille, tambour battant,
Lui parler de la pluie, lui parler du gros temps
Auxquels on a tenu tête ensemble,
Lui conter qu'un certain coup de foudre assassin
Dans le mille de mon cœur a laissé le dessin
D'une petite fleur qui lui ressemble.

L’orage, Brassens.
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