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[RP] Par flots et parchemins

Eavan

Soixante-troisième jour de voyage...

Les embruns, les vents... Tout cela formait comme une douce mélodie, un doux tissu qui rappelaient à Eavan ses origines et sa provenance. Nul doute : elle n'était nul part plus proche de cela qu'en mer. Ce jour de manoeuvre fut épuisant, les vêtements de la Gaelig collaient à sa peau, tant de l'eau de mer reçue que de la sueur offerte en sacrifice à leur navigation.

L'avantage de tout cela étant que l'esprit se vidait.
Il n'existait plus rien d'autre que la tâche, que le partage de cette tâche...
Est ce là ce qui pouvait s'apparenter à la liberté ?

Son quart se termina et les marins purent voir la vicomtesse rejoindre ses quartiers d'une démarche incertaine, appesantie par la fatigue. Ce jour, plus que tout autre, et sans raison apparente, elle avait donné sans compter son énergie. Souvent, les souvenirs d'enfance étaient tout à la fois un beaume mais aussi l'étincelle d'une rage. De cette rage réservées à l'injustice. Avec les années, cette rage se faisait chaque fois moins présente mais toujours il fallait l'étouffer, la laisser prendre un autre chemin... Pour cela, Eavan se vidait physiquement. C'était comme se laver de tout cela. Comme la confession lavait l'âme... En un sens.

Tardivement, après avoir somnolé une partie de la fin de journée sans vraiment s'en rendre compte, la Gaelig remarqua un pli près de sa porte. On avait du l'y glisser...


Selena d'Alaric a écrit:
Bonjour mon amie

Puis je avoir confirmation de la commande de 15 whisky je vous prie?

Nous faisons une halte obligée à Liverpool à cause du poids de nos péchés!!
Quel paradoxe.......Y'a pas plus sages que nous...Enfin bref!

Après confirmation je recontacterai notre fournisseur pour qu'elle prépare notre commande

J'espère que vous allez bien

Très amicalement

Sélena d'Alaric


La Gaelig eut un sourire mais opta pour ne prendre la plume que le lendemain.
Comme pour lui donner raison, elle entendit qu'on l'appelait. Il était temps pour elle s'assurer un second quart.

Un mantel jeté sur les épaules et Eavan ressortait, revigorée par sa sieste. Les yeux accrochèrent une côte à babord et forte de tout son travail cartographique, la vicomtesse eut un sourire...


Chypre...
_________________
Eavan

Soixante-quatrième jour de voyage...

Le corps était endoloris des excès de la veille. Malgré tout l'entrainement militaire que la vicomtesse s'infl...imposait, une journée à travailler au gréement d'arrache pied ne pouvait que se faire sentir. Pour ne rien gâcher, elle n'avait plus 20 printemps et cela se ressentait aussi...

O rage, o désespoir, o vieillesse ennemie...*

Non. Tout de même. Pas à ce point.

Décidée à récupérer, ce jour fut dédié aux courriers et à la prière. Le navire contournait Chypre par le nord, bien sur... Le capitaine voulait inventorier le moindre caillou de la côte, soit. Mais ce jour là, Eavan allait se reposer et laisser d'autres veiller à ce que le navire n'aille pas s'éventrer sur les hauts fonds.

Ainsi, la vicomtesse, armée de son écritoire, s'employa à adresser une réponse brève mais informative à Selena. La commande de whisky était une petite folie, un coup de tête. Pourtant l'effort que la vicomtesse mettait à faire des stocks de produits fins était de longue haleine. Il s'agissait bien plus d'un marathon que d'une course de vitesse. Des années qu'elle y était.


Eavan a écrit:
Bonjorn Selena,

Je vous confirme pour le whisky, 15 tonnelets. Merci à vous.

Pour ma part, je commence à regretter que les mutineries ne soient guère à la mode car j'aimerais très sérieusement que l'on fasse cap vers la Provence et notre capitaine préfère compter chaque caillou entre Alexandrie et la Grèce en passant par l'est...
Frustrant.

Je prie pour qu'on ne croise aucun pirate.

Amitiés,

Eavan Gaelig


Simple.
Sobre.
Efficace.
Pas vraiment donc le slogan employé autrefois par la maison de couture Cianfarano.
Passons.

Une fois les affaires réglées, la vicomtesse se pencha sur une missive reçue durant la nuit. Car oui, il arrivait que les mouettes n'atteignent le navire de nuit. Même pas fichue de respecter des horaires normaux de livraison... A quand un "entre laudes et sextes"**. Tss... Le courrier donc, était de Candyce... Voilà qui promettait d'être une lecture agréable.


Candyce a écrit:
Eavan,

Me voilà rassurée.

C'est le mal du pays. Le soleil a fait bouillir la bouilloire du capitaine. Il suit cette route pour rester près des côtes, il a peur de partir au large et perdre toute visibilité au bout d'un moment. Tout dépend de l'étendue de la mer à cet endroit. Si l'on s'éloigne trop des côtes, même toutes les connaissances de navigation s'avèrent inutiles et on finit par naviguer à l'aveugle au bout d'un moment. Cela vous fera une belle aventure ! Je ne pensais pas que vous pouviez avoir peur ainsi, je vous pensais téméraire. Essayez de lui faire confiance. J'espère cependant qu'il n'arrivera rien. Mais si vous êtes ainsi, c'est que l'aller ne s'est pas déroulé de la même façon alors...

Revenez-nous saine et sauve même s'il faut vous battre sous l'eau et nager ! Donc vous êtes encore bien loin... Me voilà chagrinée. J'en ai marre. J'irai sûrement faire un tour à Nîmes bientôt ou vers Montpellier...

Vous n'allez pas mourir Eavan Gaelig. Vous avez encore des choses à accomplir. Prenez cela comme un jeu. Et pêchez un peu. À défaut de pécher.

Ma frustration à quelque peu baissée puisque je me fais sauter à l'occasion... Mais... C'est plutôt le moral aussi qui est atteint. Certains boivent... Moi je m'abandonne. Bref. L'amour est une plaie. Cela fait du bien quand ça va mais quand ça ne va plus, c'est horrible.

Je déteste cette Candyce qui fait du mal à une femme qui ne le mérite point. J'ai encore changé d’appellation. Mais cette fois ce n'est pas un surnom. Je me fais appeler ainsi. Le nom d'une femme mystérieuse d'une histoire que j'ai lu dans un livre et qui m'a toujours frappée. Ys de Vala, le fantôme aux mille visages.
Je suis cette femme. Mon nom importe peu.

Il ne reste de moi que ce fantôme. Depuis des années que j'erre ainsi. Mais cela ne change rien. Vous pouvez m'appeler comme vous le désirez. Il y a longtemps que j'ai quitté ma famille. Je ne mérite plus de porter leur nom. C'est mieux ainsi.

J'ai adopté une fille que j'ai rencontré dans les rues de Arles. Elle a 15 ans. Elle est enceinte. Je serai donc bientôt grand-mère. Amusant. Cette jeune femme, je vais lui inculquer des valeurs de respect, d'honneur et de bienséance. Elle représente désormais avec ma future petite fille, l'avenir de ma Maison. Elles ne seront pas comme moi. Du moins, je l'espère. Quant à moi, je continue dans ma lancée. J'essaye d'aider comme je le peux.

Concernant la robe d'Alexandrie, votre amie la voudra certainement. Mais si jamais ce n'était plus le cas, je serais heureuse de vous l'acheter. Dieu ne le voudra point. Il n'a jamais rien fait pour moi. Au contraire...

Me respecter moi-même, oui, j'essaye de le faire. Je suis en accord avec moi-même, même en jouissant dans les bras d'un inconnu. Je ne me sens plus sale comme avant. Je ne sais pas pourquoi exactement. Peut-être est-ce parce que j'ai fini par accepter ce vice. Cela ne m'empêche pas le reste.

Après tout... Il est stupide de s'empêcher quelque chose qui nous fait du bien. Lorsque l'on aura quitté ce monde, ce sera terminé, on ne pourra plus faire ces choses. Alors autant profiter quand on le peut. J'en ai marre de vivre, pourtant, je suis toujours là. Je suis donc résignée à profiter des bienfaits de cette existence. De toute manière, mon âme est perdue. Elle est partie il y a des années, avec le Grand Amour de ma vie. Le jour de ma mort, lorsque je serai devant Dieu, je lui apprendrai ma façon de penser. Je lui rentrerai dedans et on verra s'il est celui qu'on prétend.

J'aime beaucoup le fait que vous vous laissiez aller à quelques confidences. Et pardonnez-moi mais, êtes-vous certaine qu'il s'écarterait de son chemin... Si vous lui montriez votre envie, votre attirance ? Je n'en suis pas si certaine moi. Peut-être vous désire-t-il lui aussi. Tant que personne ne vous prend sur le fait... J'imagine que l'idée de vous arracher vos vêtements lui est déjà passée par la tête. Après... vous avez dit qu'il fallait être en accord avec soi-même. Cela ne serait effectivement plus vous de vous laisser aller ainsi. Tandis que cela correspond plus à moi.

Ce n'est pas une leçon de morale, c'est simplement votre manière droite de voir les choses. De mon côté je travaille sur moi-même. À savoir ce que je peux m'autoriser à faire, et ce dont je ne veux plus, pour justement ne plus être en désaccord avec moi-même. J'ai déjà fait des choses très humiliantes voire même au-delà de toute notion d'humanité. Et de cela, je ne veux plus. Je suis en train de me reconstruire une nouvelle identité à l'image de Ys de Vala.

En ce qui concerne le combat, je ne suis pas vraiment un stratège non. Je cherche à m'amuser avec de nouveaux équipements et en apprendre les avantages et les inconvénients. Mais partir en campagne à vos côtés et vous protéger serait un très grand honneur pour moi. Je suis plus à l'aise avec des armes courtes, et justement, je voudrais palier à ce manque. J'ai la force de manier efficacement n'importe quelle arme lourde, vous le savez. Je pense passer au marteau de guerre après avoir obtenu un niveau suffisant avec la lance. Ce n'est guère plus lourd qu'une hache après avoir entamé un arbre et avoir les muscles endoloris. J'apprends vite et bien. Alors j'en profite. Je serais heureuse d'accepter que votre intendant vienne m'aider avec l'armure. Je vous promets de ne pas le toucher ni le déconcentrer. Je sanglerai ma poitrine mais pour ce qui est de mes fesses qui sont le fleuron de mon charme physique... Là, je ne peux rien y faire. Mais regarder n'a jamais fait de mal à personne. Vous pouvez me croire.

Rassurez-vous, j'ai également un petit rire qui ne demande qu'à s'exprimer. Et j'ose !

Des lignes à franchir. Je brise les lignes. Je n'en savais rien pour votre fiancé ou alors j'ai omis des choses... Bref. Dans tous les cas, quand l'un des deux part, c'est souvent là que cela casse. C'est comme ça. Certains liens ne sont pas aussi forts qu'on le croit. J'en ai fait l'expérience moi-même et j'étais la fautive cette fois.

Concernant la vertu... J'en suis une parfaite exemple. J'ai brisé des liens, j'ai oublié des promesses... J'essaye donc de ne plus rien promettre. Ainsi, je ne trahirai plus personne. Quant à l'Église, je n'y mets que rarement les pieds. Je ne vais plus aux messes et je me fiche de leurs inepties. Je vois très bien qui est Dieu et cela me suffit. Je me confesse de temps en temps pour certains péchés... Histoire de le narguer. Mais pas tous. Il y a parfois des avantages à rester sur la ligne rouge.

Eavan Gaelig, jamais nous ne serons d'accord sur la religion en général. Pour moi, Dieu n'est pas clair. Et l'Église en elle-même n'a rien de vertueux. C'est une aberration, tout simplement. Nous pourrions nous disputer des heures sur le sujet. Mais nous avons mieux à faire, je crois.
Oui, vous voyez ma haine. L'ire est également l'un de mes péchés.

C'est un beau nom pour votre chat. Un symbole. Je me suis procurée un magnifique chat blanc et j'ai adopté un chien errant. Mais je n'ai pas encore leur nom. Ils seront comme moi, ils n'auront pas de nom.

Ce que vous avez pu voir doit être grandiose. Je suis heureuse pour vous. Vos descriptions ont comblé ma curiosité. Vous avez osé sauter alors. Heureusement que vous n'avez rien eu de grave. Quitte à mourir, il vaut mieux que ce soit contre les pirates.

Eavan, je ne pourrai jamais vous égaler. Je serai Moi. À côté de Vous. Et ce n'est pas l'Église qui nous séparera.

Amitiés,

Ys


Comme toujours, les informations se bousculaient. De la gestion de la frustration au changement de nom, à nouveau, en passant par l'adoption d'une enfant... Cette vie là pouvait sembler chaotique. Mais c'était ainsi et Eavan l'acceptait tout à fait. Les propos sur l'Eglise lui lissèrent les traits. Elle comprenait et il lui semblait qu'elle ne devait point juger ni condamner. Tout juste tenterait elle de prouver à son amie l'erreur de son raisonnement. Tout juste serait elle là comme une main tendue...
Les missives de Candyce, car elle avait déjà fermement décidée de s'en tenir à ce nom là, qui était le sien après tout, donnaient toujours matière à réfléchir, à méditer... Cette relation était faite de défis. De défis de confronter sa vision avec une autre, dans un respect mutuel, ce qui n'arrivait que rarement. Défis de trouver en une autre si différente des choses si familières. Et défis enfin, que de se montrer à la hauteur espérée et à l'exigence affichée.
Tant de défis.
Tant de raisons de maintenir ce lien si surprenant et particulier.


* Don Diègue, Le Cid, acte I, scène 4, par la plume de Corneille.
** "de l'aube à midi"

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Eavan

Soixante-cinquième & soixante-sixième jours de voyage...

Chypre fut dépassée.
Les vents et courants favorables les amenaient toujours plus vers l'embouchure de la mer Egée puis de la mer de Thrace.

Nulle mouette.
Nulle rédaction.

Deux journées de calme.

Il y en avait parfois des jours comme ceux là.
Calmes.
Presque vides.

Gizeh l'avait bien relevé.
Peu d'activité.
Peu de cris.
Deux bonnes journées en somme.
Lui qui guettait chaque jour la remontée des filets et l'opportunité de chiper un petit poisson, trop petit pour attirer le regard des deux pattes... Ces deux jours là, il avait même eu double rations et sa compagne de hamac lui avait ôté les arêtes d'un morceau généreux. Le félin avait du admettre que c'était ainsi encore plus savoureux et avait fait savoir sa satisfaction en ronronnant de contentement. Il l'aimait bien sa compagne. Elle était moins bruyante que les autres. Tous des mâles sans doute. Et forcément sur un si petit espace, les luttes de territoires devaient être féroces. Etonnant même qu'il n'y ait pas eu un seul coup de griffe, pas une seule morsure bien placée depuis qu'il avait rejoint le bord. Lui, du moment que l'on n'entrait pas dans sa cabine... A chaque fois que cela se produisait, il respectait une période d'observation et tolérait la présence si elle ne tentait pas de devenir plus permanente. Enfin, hors de question qu'on touche à sa bouillotte personnelle. La deux pattes femelle était à lui et à lui seul sur ce navire.
Gizeh se souvenait bien avoir eu faim.
Il savait devoir beaucoup à cette humaine.
Et puis, ils s'entendaient bien. Se respectaient. Enfin, il la respectait le plus souvent du temps. Bien sur, des écarts arrivaient... Comme la fois où il l'avait réveillé en pleine nuit en lui marchant sur le visage à plusieurs reprises... Elle n'avait pas vraiment apprécié sa démarche. Pourtant, lui était sincèrement inquiet : après tout elle n'avait pas bougé depuis longtemps... Et peut être... Peut être s'ennuyait il aussi... Peut être.

Deux de jours de rêve donc, pour le félin.
Si seulement cela pouvait toujours être aussi calme...

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Eavan

Soixante-septième jour de voyage...

Eavan s'étira doucement, veillant à ne pas déranger son compagnon félin. Gizeh avait passé toute sa soirée à ronronner. Il semblait que ces derniers jours n'avaient été que félicité pour l'animal. Cela tira un sourire à la Gaelig qui finit tout de même par s'extirper de son hamac pour aller faire ses ablutions, ses prières et s'employer à rédiger quelques courriers...


Eavan a écrit:
Messer Hooke,

Il me semble que de ma part, commencer par vous présenter quelques excuses serait tout à fait à propos. En effet, je ne vous ai point donné de nouvelles. Oui j'ai bien reçu votre missive. Vos lignes sont toujours plaisantes à lire, fausses jalousies ou non.

Nous sommes de nouveau en mer. Quoique nous ne partions pas très exactement du bon côté... Ce n'est pas la foy en le Très Haut qui me fait défaut mais bien en notre Capitaine... Mais enfin... Il est des choses que l'on ne peut contrôler et il faut savoir parfois tout simplement se laisser porter par le vent. Et les prières. Merci d'ailleurs, d'en adresser pour nous. Plus le temps passe et plus il me semble que cela soit utile, sans toutefois devenir nécessaire, mais sait on jamais. Bref : merci.

J'espère que votre voyage se passe bien. J'ai toujours entendu parlé d'oiseaux choisissant de prendre la direction du sud en hiver, vous, vous allez au nord. Soit. Transmettez mes salutations à Zantares. Son mandat ne fut pas des plus simples, sans être des plus compliqués et je peux aisément comprendre son besoin d'air et horizon.
Que suis je donc en train d'écrire ? J'ai pris le bateau sitôt mon mandat terminé et je n'étais point Illustre. Allons, je ne la comprends donc que parfaitement et lui souhaite de savoir profiter de cet air frais. Et de votre compagnie que je ne doute pas être toute aussi agréable en chemins qu'en taverne.

Concernant les considérations astronomiques, j'ai copié quelques observations que j'ai pu faire sur un parchemin que je joins à ce courrier, en espérant que cela vous soit utile. Je ne crois pas m'être trompée, ni sur les mesures et proportions, ni sur les identifications des astres, ayant eu le plaisir d'étudier en amont les sciences astronomiques. En effet, je me suis fait un devoir de maitriser la navigation et ses ficelles. La lecture du ciel en étant une des plus utiles.

De date de retour, je n'ai point, malheureusement. J'ose avoir quelque espoir de revenir avant la fin de l'année, mais rien n'est moins sûr étant donné les décisions de notre capitaine. Le Très Haut m'en soit témoin, suivre aveuglément n'est définitivement plus de mon caractère. J'ai trop commandé. Espérons que cela ne soit pas un péché d'orgueil dans sa splendeur.
Je travaille donc la patience, qui sans être une vertu est une qualité tout à fait remarquable.

Je prie pour que votre route soit agréable.

Bien amicalement,

Eavan Gaelig


La vicomtesse joignit quelques résumés de ses annotations. Bien sur, tout ne pouvait être acheminé par courrier. Imaginez une mouette transportant un volume. Non... Inenvisageable.

L'idée, malgré tout, amusa beaucoup Eavan tandis qu'elle scellait et conditionnait sa missive pour son transport aéroporté.

Un nouveau parchemin fut déroulé, et ce fut l'occasion de jeter un regard inquiet vers la pile de vierges qui s'amenuisait. De parchemins vierges. Bien entendu.

La seconde missive était moins facile à écrire que la première. D'abord Eavan avait remis cette rédaction à plus tard depuis plusieurs jours déjà. Ensuite, elle ne pouvait empêcher la colère de bouillir à chaque fois qu'il s'agissait de prendre la plume et elle n'avait pas envie de destiner des mots de colère à sa filleule... Même si la tentation se faisait forte.


Eavan a écrit:
Sabdel,

Je vais bien. Je suis surprise que la chose t'intéresse. Le retour est entamé, mais il s'annonce long et sinueux. Tu auras donc la paix encore un moment.

De quoi devrais je donc être fâchée ?
Du fait que tu aie eu une relation hors mariage avec un certain Adrian ?
Du fait que vous n'ayez pas été particulièrement discret à ce sujet ?
Du fait que j'ai entendu parlé d'un mariage par hasard des nouvelles que me fait parvenir mon intendant concernant la vie provençale ?
Du fait que je n'ai de fait pas été prévenue, ni invitée ?

Je t'en prie, dis moi donc de quoi je dois être fachée.
Par ailleurs, si c'est bien de la relation hors mariage dont tu semble t'inquiéter, considérant que tu me dis que cela n'est pas ta faute, dois je comprendre que cet homme t'a forcée ?

Sois assurée que tu es dans mes prières quotidiennes, que tu le veuille ou non. Même si tu n'as su témoigner qu'au mieux de l'indifférence, au pire de l'agacement, à ma souffrance, tu reste ma filleule.

Eavan


La Gaelig choisit de ne pas se relire.
Sans doute la colère était elle perceptible. Point trop violente, voilà ce qu'elle espérait. Mais il y avait eu tant de souffrances avant son départ de Provence, tant d'humiliations infligées, tant de ses sentiments niés qu'elle ne pouvait pas être neutre ou indifférente dans ses traits. Eavan était marraine certes, mais accorder sa confiance à nouveau à Sabdel, voilà qui était une chose bien plus incertaine.
Jamais plus elle ne lui offrirait la possibilité de la blesser ainsi. De cela, elle était certaine.

Missive envoyé.
Sort jeté.
Chat nourris.
Voile au vent.

Kamoulox.

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Eavan

Soixante-huitième jour de voyage...

La veille Eavan s'était occupée de ses courriers en retard.
Désormais il fallait traiter les courriers moins en retard.

La mer Egée. Les flots étaient calmes mais ce jour le jeu du capitaine avait été de les guider entre Rhodes et le continent. Si les vents restaient favorables, au soir il faudrait recommencer avec Kos à babord. Joie.
Après avoir assuré son travail de membre d'équipage, la vicomtesse regagna sa cabine et... pour changer... elle sortit son écritoire. A l'assaut !


Eavan a écrit:
Candyce,

Je me permet de vous appeler ainsi. Si vous préférez un autre nom, vraiment, dites le moi. Je saurais respecter votre choix.

Je ne peux faire confiance à un capitaine qui ne dit rien, part dans la mauvaise direction, ignore les conseils et ignore aussi que les réserves de vivres de ses passagers baissent. Je suis téméraire mais admettez que mourir de faim est loin d’être aussi sensé que mourir au combat contre des pirates...
Quant à nager, évidemment que je ne me laisserai pas couler comme un vulgaire caillou, tout de même.

Votre foy en moi me touche, cependant, sachez le.

Ainsi vous avez choisi de gérer ainsi votre frustration.
Que dire.
Je n'approuve pas. Bien entendu. Mais qui suis je donc pour condamner. Je ne condamne donc pas. Sachez le. Votre vie vous appartient, comme votre âme et votre corps. Le tout est de ne pas se laisser diriger par ses vices. On ne peut pas les étouffer du jour au lendemain.
Je pense que vous savez que je ne partage pas votre avis sur quelques points mais laissez moi en développer un.
Un très important.
Vous n'êtes pas aussi fantôme que vous le ressentez être. Candyce. Avez vous la moindre conscience de l'impact que vous avez eu sur moi ? Savez vous qu'il est loin d'être négatif ? Je ne sais qui vous avez fait souffrir. Si vous dites qu'elle ne le mérite point, je vous crois. Mais vous savez, personne n'est parfait. Personne ne traite les autres tout à fait parfaitement comme chacun le mérite. Vous évoquez l'amour. Eh bien oui l'amour peut tout aussi bien être terrible qu'être enchanteur. C'est ainsi. C'est humain. Ne laissez pas votre frustration, vos doutes prendre le dessus.

Vous ne cesserez jamais de me surprendre.
Une fille ?
Enceinte ?
Grand-mère ?
Félicitations.
J'ai foi en vous concernant l'avenir de cette jeune fille. Je ne doute pas que vous saurez lui inculquer les valeurs qui vous tiennent à coeur. Qui nous tiennent à coeur. Je suis heureuse pour vous, sincèrement. J'espère que vous me la présenterez.

Concernant la tenue, je ferais de mon mieux pour vous faire mentir. Ne le prenez pas mal. Si je le peux, je vous l'offrirai.

Concernant l'attitude que vous prévoyez d'avoir face à Dieu le moment venu, je ne sais si je dois vous trouver courageuse ou si je dois profondément vous dire mon désaccord. La mort de gens qu'on aime nous vide, c'est vrai. Mais ne croyez pas pour autant, s'il vous plait, que cela restera vide.
Ah que je m'en veux d'être coincée sur cet amas de planches et de voiles... Je rentrerai Candyce. Je vous en fais la promesse.

Mes confidences... Ah, mes confidences... Je ne sais si cela lui passe par la tête aussi. Je sais juste que je lui laisserai l'initiative. A la fois parce que je ne veux pas m'imposer, mais aussi, quelque part, où j'ai besoin qu'il ait du courage. Qu'il ait le courage de ses sentiments. Je ne supporte pas les lâches. Il me faut un homme capable de faire le premier pas. Je le sens.

Vos choix d'armes... Plutôt que le marteau : la hache noble. Songez y.
Concernant Felipe, mon intendant. Vous ne pouvez rien concernant votre physique avantageux. C'est un fait. Mais je vous demande juste de ne pas trop jouer avec lui. Vous êtes parfois chat Candyce. Et cela fait parti de votre charme.

Concernant la religion. Certes, nous ne serons jamais d'accord. Et certes, nous avons mieux à faire. Nous pouvons juste échanger des idées. C'est ainsi que cela se passe entre amis, non ? Entre soeurs ? Presque soeurs ?
Je ne veux pas que vous soyez moi. Ni que vous m'égaliez, soyez juste vous. Egalez simplement qui vous souhaitez être.


Amitiés,


Eavan Gaelig


L'avantage de prendre le temps avant de répondre était souvent que cela permettait d'offrir des lignes plus apaisées, plus posées. Du moins, c'est ce qu'espérait la Gaelig. Elle voyait tant en Candyce, tant de choses, tant de droiture, tant d'idéalisme. Tout cela ne pouvait pas juste s'effacer, se laisser disparaitre. Cela n'avait pas de sens.

Un appel.
Le courrier fut scellé rapidement et envoyé. Car déjà il fallait remonter sur le pont. Le petit désagrément de longer la côte de si près était que de vilains cailloux menaçaient d'endommager la coque. La vicomtesse n'eut d'ailleurs pas le temps d'atteindre le pont qu'un choc secoue le bâtiment, lui faisant louper plusieurs marches et la renvoyant à la coursive de sa cabine.


Mille millions... !*

La vicomtesse, forte de son éducation, parvint à étouffer la suite, tout en se relevant en se frottant l'épaule qui s'était dévouée à amortir sa chute.

Par la côte c'est plus sur... lâcha-t-elle, imitant sans application le ton du capitaine. Je t'en fich'rais moi, du plus sûr...

Un grognement de plus et la Gaelig inspirait profondément tandis qu'un ordre résonnait sur tout le navire.


Rapport d'avarie !

Levant les yeux au ciel, Eavan fit demi tour pour aller vérifier ce qu'il en était de sa cabine, priant pour qu'aucune voie d'eau ne l'attende.
Ce ne fut qu'en fin de journée, après une inspection de l'ensemble du navire par l'équipage, une vérification minutieuse de la coque et même, une vérification de l'extérieur de celle ci qu'il fut conclut qu'il n'y avait pas de dommages préoccupants. Le soulagement fut si palpable qu'un tonneau d'alcool fut ouvert pour apaiser tout le monde...

Alors qu'elle retournait à sa cabine à la lueur de la lune, la Gaelig nota un mot. Par bonheur, elle avait su se montrer raisonnable sur la boisson, ce qui lui permit, sitôt qu'elle eut fini de lire, d'offrir une réponse. A l'avant du parchemin, Eavan lut ce qu'elle reconnut être d'une plume bretonne.


La bretonne a écrit:
me croiriez vous...


La suite était dans la missive elle même.


Gwennie a écrit:
...mais je suis enfin arrivée à bon port...en ayant EVITER de faire plein de bêtises!!!!

Pourtant les tentations furent nombreuses...Y compris le compatriote Lemerco rencontré par hasard à Nevers avec la Reyne...Pfiou...

Et vous quoi de neuf????

Gwen qui ne va pas tenir longtemps à Brest, tout y est moribond...

Ps: suis coincée jusqu'en Janvier pour cause de ...deux maladies chopées en route (oui oui oui oui oui madaaaaaaaaaaame, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué...) Le doc me prépare mes potions pour la fin du mois. Après, je pense revenir mettre le brin en Provence, qu'en pensez vous???


Et de répondre, sans tarder, car parfois il n'y avait nul besoin de digérer plus avant.


Eavan a écrit:
Gwen,

Je suis heureuse de vous savoir arrivée à bon port.
Moins d'apprendre qu'il manque de vie et encore moins de vous y savoir bloquée.

Soignez vous bien. Ainsi vous pourrez reprendre votre route en pleine forme.
Concernant l'idée de vous revoir en Provence, vous savez que vous y êtes la bienvenue. Je ne cesserai sans doute jamais de vous tenter de venir emménager... Allons, ce serait tout de même plus simple, non ?

Enfin, si votre coeur est à Brest, qui suis je pour le discuter.

De mon coté, je suis coincée... à bord d'un navire dont le capitaine ne semble aucunement pressé d'aller en Provence par le chemin le plus court. Nous avons quitté Alexandrie depuis un certain temps déjà et si ma lecture de carte est correcte, nous avons passé Rhodes hier... Je prends donc mon mal en patience et prie pour que nous ne croisions pas de pirates. Quoique je commence à songer que revenir à la nage serait toujours plus rapide et plus simple.
Enfin.
La patience.
Il me faut cultiver la patience.

Mais enfin, voilà malgré tout quelques nouvelles.
Cela m'a fait plaisir de vous lire.

En espérant que nous finirons, vous et moi, par atteindre Provence.
Prenez soin de vous.

Eavan Gaelig


Ceci fait, et envoyé, la vicomtesse alla rejoindre chat et hamac.

* Spéciale cacedédi à Capt'ain Haddock, Tintin represent.

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Eavan

Soixante-neuvième jour de voyage...

Eavan était accoudée au bastingage, cheveux au vent, visage plus soulagé que la veille. Enfin, le capitaine prenait quelques distances d'avec les cailloux. Kos avait été dépassée, par le large et non en se faufilant bêtement entre île et continent. Ils s'enfonçaient désormais dans la mer Egée, et dans ses multiples dangers.
La Gaelig priait beaucoup et songeait, en regardant l'horizon, que la prochaine fois il lui faudrait se confesser et déposer un testament avant de partir en mer. Naiveté, sans doute, que de croire ces choses là superfétatoires.

Autant le testament avançait, lentement et surement, noircit régulièrement de mises à jour en tout sens. Autant la confesse était effectivement un exercice qu'il lui faudrait pratiquer. Peut être en rentrant si elle en trouvait l'occasion. Mais pour cela, il lui faudrait d'abord trouver un confesseur. Et quelque part, passer après Aymé Von Frayner en la matière était une lourde tâche. Eavan savait que l'Eglise, comme toute autre institution était faite d'hommes et de femmes. Pas plus ni moins parfaits que les autres, pas moins ni plus faillibles que les autres. Elle voulait néanmoins en trouver un qui soit au fait de cela, conscient d'être capable d'erreur. Et c'était parfois bien plus difficile à faire qu'à dire.

La journée, somme toute, passa calmement.
Seul un froissement d'ailes dans la fin d'après midi, tandis que le soleil baissait et venait embrasser l'horizon, troubla la tranquillité du jour.


Gwennie a écrit:

Ha ben super....je vois qu'on s'ennuie autant l'une que l'autre sur nos radeaux respectifs...vous au milieu de la Mediterranée, moi au bord de l'Atlantique à regarder caguer les goëlands, vu qu'il n'y a PERSONNE DANS CE PUTAIN DE BLED...

pardon...

attendez vous à d'autres nuages neigeux dans les jours à venir...

En plus je vais encore grossir,je m'ennuie, je mange comme 4...


Gwen.
Phrasé direct.
Léger sourire d'Eavan.
Oui, certes, elle s'ennuyait parfois. Mais elle ne parvenait pas tout à fait à s'agacer de cet ennui. Ne pas savoir où ils allaient, ça oui, cela l’agaçait mais l'ennui en lui même était presque libérateur.


Miaou.

Oui tu as raison Gizeh, gageons que les jours à venir seront aussi calmes et sereins.


Si seulement, se contenta d'ajouter le narrateur...
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Eavan

Soixante-dixième jour de voyage...

Tout avait pourtant bien commencé ce jour là. Une missive de la part d'une amie voguant aux alentours de l'Angleterre, un soleil doux pour la saison, nul pirate, nul roc affleurant qui aurait provoqué une nouvelle avarie... La Gaelig était détendue tandis qu'elle relisait la missive reçue dans la nuit pour y apporter une réponse.


Selena d'Alaric a écrit:

Ma chère Eavan

Un petit courrier pour vous tenir au courant de notre avancée

Avancée bien ralentie je dois dire par le poids des péchés qui nous ont obligés à faire halte à Liverpool avant de poursuivre notre route plus au nord

Nous sommes 7 et 7 pécheurs bien "encombrés" ce qui veut dire attente pour passer devant le curé et double attente puisque notre acédie était (est toujours) au maximum

Un comble pour une cathare comme moi...Etre obligée d'avoir à demander l'aide de l'église...Pffff

Pour couronner le tout une sorte de malédiction me poursuit...Serait ce un écho de celle que m'avait lancé cette chère Nathy????En tous cas où que j'aille une bourrasque de neige me tombe dessus....Je ne sais pourquoi elle me fait penser à vous....Hum!!

Tenez moi au courant de votre voyage (je ne pense pas que la neige vous gène beaucoup sous les latitudes où vous errez)

Dès que nous repartirons pour Ardencastle je vous le ferai savoir

Je ne vous oublie pas...Comment le pourrais-je!!

Bien amicalement

Selena d'Alaric


La Gaelig eut un sourire crispé à l'évocation des péchés. Il était vrai que chacun pouvait sentir leur poids augmenter sur les épaules, sans toutefois pouvoir y faire quoi que ce soit. Un petit haussement de sourcils concernant le fait que Séléna était cathare. L'on accusait parfois Eavan de la plus grande intolérance mais elle ne songeait généralement pas à demander leurs inclinaisons religieuses aux gens... Preuve que cela n'était pas un critère de valeur bien grand. Elle ne soutenait pas les différentes croyances hétérodoxes et reconnaissait l'Eglise Aristotélicienne et Romaine comme la seule à même de diffuser la foy mais ce n'était pas à elle d'aller confronter les autres à ce sujet. Quelque part, elle était convaincue que si leur foy était sincère, Dieu saurait le percevoir.
Le passage sur la neige amusa un peu la Gaelig.


Eavan a écrit:
Chère Selena,

De la neige... Comme c'est étrange en effet. Tout à fait étrange. Eh bien sachez que de manière encore plus surprenante, il m'arrive de découvrir un peu de neige en bourrasque également, malgré les mers que nous traversons. Enfin, peut être cela vient il de quelques monts alentours... Qu'en sais je.
Mais en effet, que d'étrangeté.

S'il vous plait, restez civile Selena, et ne commencez pas à me parler de péchés, où bien je risque de devenir désagréable. Qu'il est terrible de sentir son âme s'alourdir et de rien pouvoir y faire... J'envie tout ceux qui peuvent se confesser, je rêve de messes, je me surprends à recompter mes écus en plus de mes vivres pour je ne sais quelle raison... Je pense que sous peu, il me viendra l'envie de me mesurer au moins à Poséidon, tout païen que cette figure mythologique soit, après avoir fait manger la barre dans son ensemble à notre capitaine dans un accès d'humeur. Je ne vous parle même du fait de manger pour quatre et par pudeur je me contenterai de ne pas mentionner plus avant le dernier péché, celui d'Asmodée.

Autrement ?
Oh les paysages sont beaux. Les îles grecques sont enchanteresses et il me plait d'avoir quelques notions d'histoire pour y rattacher quelques évènements... Mais que faisons nous en mer Egée me demanderez vous ? Eh bien voilà donc une excellente question à laquelle j'ai des espoirs de réponse allant s'amenuisant à mesure que le silence du capitaine se prolonge. Enfin, il aura reçu de ma part une copie d'une carte maritime glissée sous la porte de ses quartiers. Cela me semble un message clair quant à mon opinion de lui désormais.

Ainsi donc, me dites vous, vous êtes cathare ? Je me rend compte qu'il est bien des sujets que nous n'avons jamais abordés. Non qu'ils soient tous d'excellents sujets de conversation mais enfin, à l'occasion et si cela ne vous dérange pas, j'avoue que j'aimerais bien échanger un peu à ce sujet.
Ne vous inquiétez pas, le ton sera amical.

Il est par ailleurs une idée que je muris un peu plus chaque jour, dont j'aimerais vous entretenir. Mais je préfère que nous en discutions de vive voix... Cela attendra donc nos retours respectifs en Provence.

Amicalement,

Eavan Gaelig


Le pli fut scellé et envoyé.
La matinée se déroula sereinement... L'esprit se portait un peu sur cette question que la Gaelig souhaitait aborder avec Séléna. Des idées de collaboration...

Vers midi, le soleil était haut, sa chaleur agréable et sa lumière appréciée. Une mouette vint se poser sur le bastingage et la vicomtesse prit connaissance du pli qu'il portait à sa patte.



Candyce a écrit:
Eavan,

Appelez-moi comme vous voulez, vous m'appeliez Candyce, et bien continuez ainsi. Après tout, il s'agit là de mon véritable nom. Il est en sommeil en moi. Un héritage bafoué. Je n'aspire nullement à retrouver ma Noblesse. Non. Ma rédemption se trouve plutôt dans le service. Et puis, lorsque l'on voit ce qu'est la Noblesse actuelle, cela n'a rien à voir avec notre utopie similaire ma chère amie. Vous qui baignez dedans, le savez mieux que moi.

Je ne porterai plus jamais ce nom de famille. Je suis la lie des Saalven. Alors à présent, je serai qui je veux être. Détachée de tout passé. J'ai vécu plusieurs vies en une seule. Le fantôme aux mille visages, c'est fort à propos. Aussi bien « fantôme » que « mille visages ». Cette fois... J'ai trouvé un certain équilibre je pense. Je n'ai jamais été faite pour commander. Et je n'ai également jamais été faite pour servir aveuglément. Je suis Ys de Vala, l'élève d'aucun roi, d'aucune marquise, d'aucun sorcier, d'aucune Église. Mon blason personnel prend ici tout son sens profond.

Je trouve cela bien, pas vous ? Je pense avoir trouvé la première partie de ma place sur ce monde, après la mort de mon Trésor du Ciel.

En fait, cela n'a pas changé depuis que je me suis installée en ville. Ce nom est juste un symbole. Tout comme la dame Genesys qui a amorcé la venue de Ys de Vala qui est moi aujourd'hui. Il n'y aura plus de changement, je pense avoir atteint là, mon moi profond. Ou du moins... avoir retrouvé qui j'étais avant la Mort de ma Vie. Bref ce sont mes déboires intérieurs. Sans doute que cela paraît bizarre à entendre ainsi. Mais je me comprends.


La Gaelig fut un peu troublée par cette partie. Mais le principal ne résidait il pas en le fait que Candyce parvenait à se trouver un peu plus chaque jour ? Sans doute.

Candyce a écrit:
Revenons à nos moutons...
Si vous coulez, je viendrai vous chercher et vous porterai jusqu'à la rive. Même si je dois pour cela prendre deux ou trois mois pour rejoindre Alexandrie à pied et vous chercher toute ma vie sur les plages.

Dites-moi où vous êtes, que voyez-vous puisque vous longez les côtes. Combien de temps allez-vous encore mettre selon vous ?
Je conviens de dire que ce capitaine est un peu... cavalier. C'est un connard quoi.


Un petit éclat de rire vint ponctuer la lecture.
Candyce et sa franchise tant appréciée. Chacune de ses lettres rappelait à Eavan pourquoi elle l'appréciait tant malgré leurs différences.


Candyce a écrit:
Ma frustration ?
Vous n'approuvez pas, forcément, amie. J'ai fait souffrir les deux femmes que j'aime depuis que je suis en Bretagne. L'une ayant proprement disparue, c'est la seconde que j'ai fait souffrir le plus longtemps. Seconde qui revient en ce moment même vers moi au sens propre comme au figuré. Apparemment, j'aurai droit à une seconde chance. Mais rien n'est fait voyez-vous. On a déjà eu des divergences par courrier. Mais je l'attends et espère que cela ira.
Mais je ne ferai pas de miracle non plus.

Mes doutes prendre le dessus ? Vous avez raison. Je me laisse aller dans la luxure. C'est tellement bon vous savez... Mais vous avez raison. Je vais arrêter cela, et puis ma chérie sera bientôt là. Ainsi, je pourrai m'abandonner dans ses bras et elle dans les miens, sans aucun problème. Il n'y aura plus de luxure, simplement de l'amour entre deux personnes qui s'aiment, ce sera plus beau.
Vous voyez ? Je lutte en permanence contre ce démon épuisant qui me fait m'enlaidir...

Je n'arrive désespérément pas à trouver de juste milieu dans ce domaine... Eavan.
Cela m'aidera si ça remarche avec ma Rouquine.


Le juste milieu... Sans doute était ce là encore une de leurs utopies communes. Il restait étrange pour la vicomtesse d'accueillir des confidences au sujet des relations de Candyce. Des relations avec d'autres femmes. Chose qu'Eavan n'avait jamais vraiment considéré avant de rencontrer la jeune femme. La Gaelig s'était faite une raison, songeant qu'à défaut d'être en accord avec ce que le Dogme aristotélicien enseignait, cela pouvait rester l'expression d'un Amour sincère entre deux êtres.

Candyce a écrit:
Je suis heureuse d'avoir eu de l'impact sur vous. Vous êtes une femme formidable.
Je serai à vos côtés pour continuer.


Eavan eut un petit sourire et un léger mouvement de tête comme pour nier ces lignes là. "Formidable" ? N'est ce pas là un peu excessif ?
L'idée, par contre, d'avoir en Candyce quelqu'un qui lui soit fidèle était réconfortant. C'était finalement si rare...


Candyce a écrit:
Ma fille... Oui, je la préserverai du mieux que je peux. Elle en a vu elle aussi. Ainsi, elle pourra élever sa fille correctement et dans le droit chemin. Je l'y aiderai.
Merci pour vos félicitations. Je dois encore la rajouter à ma généalogie. J'ai déjà fait son blason. Elle est l'avenir de ma famille, puisque j'ai renoncé à l'être.
Je vous la présenterai oui. Bien sûr.


Y'a intérêt, oui, songeait Eavan avec un petit sourire aux lèvres.

Candyce a écrit:
Je souris pour la tenue. Alors nous verrons bien mais ne lésez pas votre amie. C'est à elle que revient cette tenue. Vous lui aviez promis je crois. C'est tout ce qu'il y a à savoir.

Je sais que vous rentrerez Eavan Gaelig. Mais cela ne changera pas mon opinion de ce Dieu inutile. Il ne fait rien, se contente de nous narguer et de nous prendre les seuls bonheurs que l'on peut avoir. Il m'entendra le moment venu. Peu importe où je finis, mais il devra en répondre !
Je ne suis pas totalement vide, mais il y a des pertes injustifiées qui ne seront jamais remplacées, par personne. Je suis morte depuis lors. Fantôme devenu quelqu'un d'autre, même plusieurs autres.

Vous ne supportez pas les lâches... En rentrant, vous aurez une nouvelle qui fera remonter votre ire. Mais je vous en conjure, vous devrez la canaliser et ne point y céder. Vous êtes peut-être déjà au courant, cela concerne une personne proche de vous. Néanmoins, je n'en dirais pas plus. Ce n'est pas à moi de le faire. Je vous préviens simplement que quoi que vous appreniez, gardez l'esprit d'Alexandrie, tranquille. Il vous aidera à vous canaliser.


Un léger froncement de sourcils. Qu'est ce que c'était que cette histoire ? Qu'est ce qui était si grave pour que Candyce se sentent dans l'obligation de l'y préparer ? Voilà qui était pour le moins inquiétant.

Candyce a écrit:
Mise à part cela, les hommes avec du cran sont de plus en plus rares en ce monde... Vous allez aussi vous en rendre compte en revenant. Mais je ne suis pas vraiment bien placée pour en parler, moi qui les considère comme des objets lubriques.

Concernant Felipe, ayez l'esprit tranquille à son sujet. Je ne le croquerai pas. La hache noble ? Le marteau de guerre est plus festif je dirais. Et plus lourd. Mais nous verrons cela plus tard. Car voyez-vous, j'ai déterré un vieux fléau d'armes qui m'a l'air ancien et j'ai décidé d'apprendre à le manier. C'est une arme intéressante qui pourrait briser bien des choses.

Entre sœurs, cela me fait un grand plaisir d'entendre cela de vous. Oui, nous pouvons échanger sur tous les sujets, absolument tous. Concernant la religion aristotélicienne, vous connaissez mon opinion. Elle sert à instaurer une certaine morale et une éthique de vie... bien trop stricte. C'est stupide. Au nom d'un Dieu qui ne fait rien et que l'on ne voit pas. Elle a inventé les péchés, inventé les vertus. Pour dire ce qui est bien et pas bien, selon elle. Alors qu'ils ont tous les péchés rassemblés dans leur demeure de Rome. Comment une femme intelligente comme vous peut-elle encore suivre pareille chose... ? Le pécheur vit bien plus heureux que le vertueux qui passe sa vie dans un vase clos.

Et puis si l'on écoute le dogme, le pécheur a la vie éternelle puisqu'il peut revenir à loisir quand il meurt pour tenter de devenir vertueux. Amusant non ? Certaines personnes ont été témoins de ces faits, il est vrai, des personnes mortes qui ressuscitent subitement... Comme le curé de Arles béni des Dieux qui ne cesse de ressusciter... Étrange non ?
Il y a bien quelque chose, c'est certain. Mais si c'est Dieu tel qu'on le voit, il n'est en rien bon. Il joue avec nous, il nous nargue et nous utilise comme des pions ou des jouets. Et cette Église a basé toute sa doctrine sur cela en faisant croire que c'était le bien, que c'était si, que c'était là. Mais la réalité ma chère sœur, est toute autre quand on a les yeux ouverts. La croyance... On peut croire en tout et en rien, seul ce que l'on voit, ce que l'on vit est réel et certain. Le reste... ce n'est que du vent dans l'absolu.


Eavan relut plusieurs fois le passage concernant les considérations vis à vis du Dogme mais son esprit restait trop préoccupé par cette histoire qu'elle découvrirait à son retour. De toute façon, ces échanges d'idées seraient sans doute développés de vive voix.


Candyce a écrit:
Tiens, tout autre chose.
Je me rapproche de votre filleule, la vicomtesse d'Orange. J'aime beaucoup cette femme. Je la soutiens et veille sur elle. Parce que je l'apprécie, et parce qu'elle est votre filleule. Elle m'a demandée de vous demander ce que vous pensez d'elle... Car elle est persuadée être votre plus grande honte. Malgré que je lui dise que ce n'était sûrement pas le cas. Elle m'a dit de vous demander directement si je ne la croyais pas. Est-ce la vérité Eavan ? Je ne le crois pas.


Tsss... Sabdel, tu es une idiote, grommela Eavan, déçue de constater qu'après avoir mis tant d'énergie à la repousser, sa filleule soit celle qui se pense jugée dans l'affaire...

Candyce a écrit:
Prenez soin de vous et de votre ami, et aussi du petit Gizeh.

Amitiés,

Ys


Encore une fois et cela devenait coutume, le courrier était bien remplis. Beaucoup à y trouver. Beaucoup à en retirer.
La vicomtesse songeait à une réponse lorsqu'un autre volatile vint presque la percuter. Nouveau message ?

Dérouler le pli et reconnaitre la plume.
La bretonne.
Quelles nouvelles ?



Gwen a écrit:
Eavan

Je pense que je vais vous amuser ...Encore à mes dépends pour une part, puis aux dépends d'un autre mais je suis sûre que vous allez A-DO-RER! Oui c'est mal mais c'est bon. Et puis il faut bien que nous nous amusions un peu.

Il m'arrive une drôle d'aventure...Figurez vous que j'apprends par hasard qu'une ligne a été rajoutée à mon CV à l'insu de mon plein gré!!! Me voilà tavernière à Annecy! Vous avouerez! J'ai écris au bourgmestre pour avoir des renseignements sur le propriétaire, que je ne connais pas, ou bien l'ai je croisé en Provence mais en tout cas , je n'en ai aucun souvenir!! Un certain Tav. J'attends des nouvelles du maire pour savoir qui est donc ce mystériux individu qui me joue ce tour là!

Affaire à suivre...

Et sinon...oulà, du vilain ragot que voilà...Il arrive des misères à notre ami commun ancien comte de Provence...vous voyez de qui je veux parler...Cet abr... ce bougre d'and... Bref, il lui en arrive une belle...Figurez vous que son ancienne promise est de retour...alors qu'il s'est fiancé avec l'autre Dinde, qui est enceinte...Oui oui oui ma pauvre dame!!! Et tout ce petit monde vit sous le même toit...Comme on dit ici, ça va faire du reuz au bourg!!

Vous souriez? C'est parfait!

A Brest même
Gwen


Eavan était loin de sourire.
Eavan était rouge.
Rouges poings,
Rouge guerre,
Rouges mains,
Rouge chair,*
Rouge colère.

Et un rugissement de résonner, pareil à celui d'un lion. Peut être pas pour rien qu'il y avait pas moins de quatre lions différents sur le blason de la Gaelig.


QUOI !

Eavan prit une lente inspiration. Les yeux lurent et relurent les lignes, puis fébrilement, elle alla relire quelques lignes du courrier de Candyce. Elle savait. C'était de cela qu'il s'agissait. Les pupilles allaient d'un courrier à l'autre. Et les mains tremblaient. La colère n'était ni froide, ni sourde, elle était là toute entière, pleine, débordante, telle une vague. La Gaelig se sentait brulante.

Sans un mot, le visage fermé de ses plus mauvais jours, la vicomtesse alla rejoindre sa cabine dans laquelle elle s'enferma. Comment mettre en pratique les conseils de Candyce qui l'invitait à se raccrocher à la sérénité alexandrine. Comment ?!

Plusieurs heures plus tard, un pli fut glissé sous sa porte sans même qu'une tentative de frapper soit faite. Eavan fixait le plafond, allongée sur le sol de sa cabine, tachant de ne pas simplement s'en prendre à la charpente du navire à coups de hache dans un accès de colère. Après de longues minutes, la vicomtesse daigna aller regarder le pli en question.



Sabdel a écrit:
Oh marraine,

Comme je suis navrée que vous ayez à subir une filleule comme moi. Vous portez votre fardeau avec moi. Je me comporte et je m'exprime très mal, mais soyez convaincue que je vous aime. Et donc oui je pense à vous et à votre retour prochain. Et même si cela vous surprend, vous me manquez.

Je vais tâcher de vous résumer mes dernières "frasques" et je sais que vous n'allez pas apprécier.

Oui, j'ai eu une relation avec Adrian. Vous ne l'ignoriiez pas, vous n'êtes pas idiote.
Nous étions heureux et amoureux. Il m'a demandé en mariage et voulait que nous ayons un enfant.
Je n'ai pas vu d'inconvénient à le mettre en route de suite vu qu'un mariage était prévu derrière.
Je suis tombée rapidement enceinte. Il était heureux, moi aussi. Nous avons publié des bans. Bans pour lesquels personne n'a eu d'invitation et pour cause. Ceux-ci à peine affichés, son ex fiancée disparue depuis de longs mois a réapparu.
Nous avions longuement évoqué cette éventualité et il m'avait dit que ça ne changerait rien, que sa vie était avec moi désormais.
Sauf que quand elle est effectivement réapparue, il a changé du tout au tout. Plus aucune attention pour moi, de la froideur, de l'indifférence. Il a publié une annulation des bans.
Il demeurait en Arles près de moi mais, comme dit précédemment, sans sentiments.
Il a fini par quitter Arles, il y a quelques jours en me laissant là seule avec ma grossesse, sans même un mot.
Je suis anéantie, au plus bas, je pense même régulièrement à mettre fin à mes jours.
Il a abusé de ma confiance, m'a tout promis et moi comme la belle idiote que je suis, j'ai eu le tort de le croire.

Voilà, vous savez tout. Votre filleule est enceinte et abandonnée.
Je vous demande pardon, mais si vous saviez à quel point je m'en veux. Je ne me le pardonnerai jamais moi-même.
Je suis honteuse, salie, humiliée. Je pleure tous les jours et j'implore le seigneur de ne plus laisser cette vie s'épanouir en moi. Jusqu'à là mes prières sont vaines.

Prenez-soin de vous,
Votre piètre filleule qui ne vous mérite pas.


Un rire nerveux s'éleva dans la cabine.
Il finit par s'éteindre.
Et quelqu'un qui aurait écouté l'oreille contre la porte aurait pu entendre un bas mais distinct.


Je vais le tuer.

Eavan restait debout au centre de sa cabine. Gizeh s'était replié dans un coin, conscient sans doute de l'anormalité du moment. La Gaelig avait désormais un visage lisse. Elle avait le souvenir précis de la dernière fois qu'elle avait éprouvé pareil sentiment. C'était lorsque Galaad était mort. C'était lorsqu'elle avait extirpé la vie de cette mère maquerelle. C'était de la haine. Qu'Adrian lui sape les fondements de son équilibre. Qu'il se montre fourbe, injuste et mielleux au point de la dégouter de tout ce qui importait pour elle... Tout cela, était une chose. Mais qu'il fasse une chose pareille à sa filleule, l'abandonnant et la condamnant à l'humiliation d'assumer seule la suite... Sans parler de cette dernière phrase qui avait fait remonter un frisson de dégout chez Eavan : "Je pleure tous les jours et j'implore le seigneur de ne plus laisser cette vie s'épanouir en moi. Jusqu'à là mes prières sont vaines".
Comment Sabdel en était elle réduite à prier pour cela ?


Je vais le tuer.

Plus les secondes passaient et plus cela devenait une évidence.


Inspiré de la chanson "Le soleil est noir", Tri Yann

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Eavan

Soixante-et-onzième jour de voyage...

La Gaelig n'avait que peu dormi.
Elle se sentait consumée par une colère rarement aussi violente. Plusieurs fois déjà elle avait tenté de prendre la plume. En vain. Comment voulez vous écrire quand la main tremble tant ?

Ce n'est finalement que lorsque le jour fut levé qu'elle se sentit enfin capable de tracer quelques lignes lisibles sur un parchemin.


Eavan a écrit:

Gwen,

Je ne souris pas.
Je suis plutôt en colère. Et un certain couard a bien de la chance et peut remercier le Très Haut que je sois en mer. Autrement il eut mieux valut pour lui qu'il ne croise pas mon chemin. Cette affirmation est toujours vraie.

La Dinde en question est ma filleule.
Que je n'apprécie pas sa manière de s'exprimer et certains de ses choix de vie n'enlève rien au fait qu'une promesse de mariage est une bien basse manoeuvre pour obtenir ce que l'on souhaite avant de jeter ensuite quelqu'un. Elle est enceinte donc. Je plains cet enfant qu'un lâche contraint à n'être qu'un batard. Ne pouvait il pas se contenter de pourrir l'existence de gens matures ? Non, il fallait que son égoisme retombe sur son propre enfant...

Je sens que les prochains échanges d'avec ma filleule seront douloureux.

Je ne souris donc pas.
Et cela m'attriste qu'il faille que ça arrive à de telles extrémités pour que la Provence cesse de voir en Adrian un parfait modèle de vertu. Le Roc qu'ils l'ont surnommé pour son mandat d'Illustre. Des idiots. Tous autant qu'ils sont.

Merci de m'en avoir parlé.
Même si je ne peux partager l'aspect comique que vous y trouvez. Je saisi l'ironie, bien sur, mais je ne peux pas en rire.


Concernant le Tav. Je le connais. Brigand récidiviste. Un habitué. Il ouvre des tavernes pour "investir" rapidement les écus volés et qu'il soit plus délicat pour la justice de les lui réclamer. Lorsque j'étais juge, j'avais fini par le condamner à un banissement de quelques semaines, histoire de lui passer l'envie de commettre ses méfaits en Provence.
Méfiez vous donc du personnage.
Par ailleurs il est des endroits où si votre nom est associé au sien, je pense que les déductions seront expéditives et ne s'encombreront pas de meilleures investigations. Si vous voyez ce que je veux dire.


Amitiés,

Eavan Gaelig


La vicomtesse prit la peine de se relire. Elle avait choisit de répondre d'abord à la bretonne et de terminer par sa filleule. Peut être ainsi la colère baisserait elle entre temps ? Finalement elle fut plutôt surprise de son premier jet. Il lui semblait être parvenu à éviter que Gwen ne se prenne sa colère dans les gencives. Et compte tenu de la situation, cela tenait presque du miracle.
Courrier suivant...



Eavan a écrit:

Candyce,

Pardonnez le trait sec, j'espère qu'il reste lisible.
Cette lettre sera brève, suivra une plus consistante mais celle ci ne concernera que ma filleule.
J'ai appris.
Pas par elle.
Puis par elle.

Léviathan m'habite.
J'ai la main tremblante.
Adrian peut remercier la providence que je sois en mer.
L'idée de le castrer m'a effleuré.

Que dire...
Sabdel vous demande de vous renseigner sur ce que je pense d'elle ? Je vais répondre.

D'abord ? Je suis triste. Profondément triste. Triste de ne pas valoir le courage qu'elle s'adresse à moi directement. Triste de toujours apprendre ses malheurs et déboires par d'autres, rarement dans les meilleurs termes. Triste donc de ne pas avoir sa confiance.

Honte ? La honte que j'ai est mienne, pas sienne. J'ai honte de ne pas lui inspirer confiance. Honte d'échouer lamentablement à mon rôle de marraine. Honte d'elle ? Non. Pourquoi ? Parce qu'elle ne se comporte pas comme je me comporterais moi ? J'ai honte de mes actes et échecs, non des siens. J'estime qu'elle seule doit estimer ce qui est honteux ou non. Enfin...
Bien sur sa suzeraine peut avoir un peu son mot à dire sur la question puisqu'un suzerain assume ses vassaux en paroles comme en actes. Je doute qu'Hersende apprécie qu'il soit aussi publiquement étalé que ses vassaux se foutent tout à fait du dogme qu'ils ont promis de respecter. Mais c'est une autre question. Et c'est avec sa suzeraine qu'elle devra en parler. Pas avec sa marraine.

Je suis en colère. Contre Adrian. Qu'il est aisé pour un homme d'avoir ce qu'il veut sans avoir à se soucier des conséquences. Forcément, la vie, ce n'est pas lui qui la porte. Bien sur, je suis contrariée par le tout... Parce que j'estime avoir souffert d'une "alliance d'amants" qui m'aura privé du support espéré de ma filleule. Cela aura plutôt été l'inverse. Le seule reproche que je puisse faire c'est qu'elle n'a pas cherché à remettre en question la perfection qu'elle voyait en son amant.
Je suis aussi contrariée parce que ce n'est pas une première. Son mariage fut dissout par son adultère et elle a faillit perdre ses enfants... Plutôt que de blâmer l'Eglise pour tout, il eut mieux valut qu'elle accepte sa part de responsabilités et apprenne de son faux pas.

Mais ce sont là des divergences qui n'ont rien à voir avec de la honte ou de la colère telle que je la réserve pour Adrian. Un homme lui a promit le mariage, elle l'a cru, il lui a mentit. Et aujourd'hui c'est à elle de faire avec le gros des conséquences.
Si elle le veut, elle aura mon soutien. Sans doute pas sur le plan nobiliaire car j'estime qu'elle est en âge et capacité d'assumer ses décisions mais sur le plan personnel, évidemment que je la soutiens.
Notez que Adrian, lui, sur le plan nobiliaire, je compte bien ne pas rester dans la retenue. Il n'aurait jamais dû avoir ses titres. De cela, j'en suis convaincue.

Je suis une imbécile.
Elle a préféré aller passer du temps en taverne avec un homme qui avait essayé de me tuer, plutôt qu'avec moi.
Elle a atténué la gravité des faits.
Elle a estimé que le fait que je veuille des excuses n'était qu'une manifestation d'un orgueil démesuré.
Elle a soutenu la démarche d'Adrian lorsqu'il a décidé de m'humilier publiquement.
Elle s'est plut à plaisanter sur un éventuel alcoolisme de ma part.
Elle n'a jamais semblé s'inquiéter de ce que je pouvais ressentir de son attitude envers moi.
Comme Adrian, elle a estimé que c'était moi le problème.

Mais je suis une imbécile.
C'est ma filleule.
Si elle besoin de moi, je serais là.
Je n'ai pas honte d'elle.
Nous avons tous nos règles, nos limites, nos causes. La seule et unique chose que j'ai toujours exigé, de tous, c'est d'assumer ses actes.

Par exemple, si j'en viens à démolir Adrian à mon retour en Provence, fusse devant l'ensemble de l'assemblée des nobles, j'en assumerai les conséquences. Si cela me coute mes titres : soit.


Elle devrait se souvenir de qui j'ai eu et ai encore comme filleuls.
Yunette. A brûlé la mairie de Toulon. Est allé jouer les mercenaires, brigande, durant quelques temps. A sombré dans l'alcoolisme. Je ne pense pas l'avoir abandonnée, rejettée ou n'avoir jamais exprimé de la honte à son égard.
Namaycush. A attaqué la Provence aux côtés des français. A eu plusieurs déboires avec l'Eglise. A brisé le coeur d'une amie. A enlevé un évèque, du moins officiellement. C'est mon filleul. Nous pourrions nous affronter sur le champ de bataille que cela ne cesserait pas d'être mon filleul.
Comment peut elle croire qu'elle serait ma plus grande honte ?
A-t-elle cru aussi Adrian lorsqu'il me décrivait comme un monstre froid et sans coeur ?


Amitiés,

Eavan


De la franchise pour Candyce et toujours une plume directe.
La colère transparaissait là aussi. Forcément.

La Gaelig en aurait pleuré de rage de constater à quel point Adrian avait réussi à faire croire à Sabdel qu'elle avait honte d'elle. Car pour Eavan, il n'y avait aucun doute, c'était là l'oeuvre du minable.

Signer le pli.
Inspirer profondément.
Prendre un nouveau parchemin.

Il était temps de répondre à Sabdel.


Eavan a écrit:

Sabdel,
Ma filleule,

D'abord sache que tu n'es pas un fardeau. Tu es ma filleule. Je me suis engagée à te guider, te soutenir dans ta foy, mais ne crois pas un seul instant, s'il te plait, que je ne maintienne avec toi un lien que par devoir. Ce lien existe. Il est ce qu'il est. Et il est bien plus que de pur devoir.
M'as tu déçue ? Oui. Mais je pense avoir été honnête et sincère avec toi : ce qui m'a déçue c'est ton absence de soutien, de compassion, la mésestime que tu as eu pour moi. Je ne pensais pas que tu te rangerais dans les rangs de ceux qui me blâment et cherchent à sapper les plus élémentaires de mes fondations.

C'est bien là toute la déception que j'ai eu.

Le fait que tu aie eu une relation hors mariage, je ne l'approuve pas, pas plus que le fait que cela ait été si peu discret. Mais je n'ai pas non plus à approuver. Ceci, c'est ta vie, tes choix. Je n'ai pas à les approuver ou non. L'essentiel est que tu les approuves, toi. Que cela soit en accord avec tes valeurs, tes principes.
Tu es ma filleule, cela ne change pas cet état de fait.
Tu ne perds pas en valeur à mes yeux en tant que filleule. Tu n'es pas moins filleule qu'avant que je ne l'apprenne.

Sabdel, je te le dis avec toute la sincèrité du monde. Je suis triste que tu aie tant tardé à me faire confiance. Si c'est bien de la confiance... Car sache que j'ai appris ta situation d'une autre, quelques heures à peine avant que ton courrier me parvienne. Et j'ai comme le sentiment que c'est un hasard certain que je ne l'ai pas appris plus tôt. J'aurais très sincèrement préféré l'apprendre directement de tes lignes...

Je t'en prie, ôtes toi les idées de t'ôter la vie, à toi ou à l'enfant. C'est bien là le pire que tu puisse faire. La vie est sacrée. Toute vie est sacrée. Ce n'est certainement pas un individu comme ce lâche parjure qui mérite qu'une vie soit perdue.
Ou peut être la sienne.
Tu as été trompée. Cela arrive et ce n'est pas un crime.
La faute est sienne. C'est lui qui trahit ses engagements, revient sur ses promesses. Pas toi.

Sabdel, je t'en conjure, prend soin de toi. Ne commet aucune folie.
Cet enfant que tu porte, cette vie en toi, peu importe les conditions : c'est un bienfait. C'est un début. Non une fin.
Humiliée, tu l'es. Et tu ne peux pas imaginer l'ire que je ressens à l'encontre de cet homme à cet instant. Mais tu n'es ni sale, ni coupable. Tu as aimé, sincèrement. Tu as accordé ta confiance, sincèrement. Tu avais le regard tourné vers l'avenir. Tu as peut être commis une erreur mais certainement pas une faute.

Le coupable c'est lui.
Pas toi.
Pas cet enfant.
Lui.

Je n'ai pas à te pardonner car ce n'est pas une faute. Il n'y a rien à pardonner. Je n'ai rien à pardonner.
Essaie de te pardonner à toi même. Essaie de ne pas céder à la colère.
Tu es enceinte, certes.
Abandonnée ? Par l'homme que tu aimais, oui. Par ceux qui t'aiment, non.
Tu n'es pas seule.

Ne laisse pas un menteur te détruire.
Il n'en vaut certainement pas la peine.

Ecris moi.
N'hésite pas.

Mes prières t'accompagnent,

Ta Marraine


Eavan sentait de nouveau la plume trembler lorsqu'elle acheva de signer.
Elle avait tenté d'être la plus sincère possible dans ses lignes. Et c'était une réussite. Ce qui la surprit c'est que la haine qui lui brulait les tripes ne se perçoive pas plus que cela...

Il fallait absolument qu'elle se calme.
Pour envoyer ces trois plis, il lui fallut rompre d'avec son isolement auto infligé. Lorsqu'elle remonta sur le pont, elle se rendit compte que le soleil était à son zénith. Une fois le volatile chargé en messages, elle le regarda s'éloigner. Même le paysage appelant à la sérénité ne parvint pas à calmer son humeur et le poing qui se serra, posé sur le bastingage en était la preuve.
Le visage était comme la veille, déformé par une émotion bien rare pour la vicomtesse.


Le Très Haut sait quel crime j'aurais commis si j'avais été à terre... murmura-t-elle pour elle-même.

Au fond de son coeur, elle sentit un pincement. Cette haine, ce n'était pas elle. Elle avait passé sa nuit à envisager les pires choses pour venger Sabdel de la douleur que l'autre lui avait infligée. Et si elle devait être honnête, la Gaelig savait que cela aurait été aussi une vengeance pour elle et ses propres souffrances dues à l'individu en question...

Une profonde inspiration...
Une main à sa croix de baptême.


Où est ma paix... Je ne parviens même plus à la deviner...

Nouveaux murmures offerts au vent.
Chacun de ses battements de coeur diffusait toujours cette envie de tuer, de briser, d'effacer...
Tout cela était bien loin de la vertu que la Gaelig recherchait habituellement...

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Arystote
Soixante-et-onzième jour de voyage...

Si le Comte de Cassis était certain d'une chose, c'est que le Très Haut était avec lui depuis leur départ d'Alexandrie. Il n'était pas pressé de retourner en Provence et, justement, le voyage s'éternisait.

Pour une raison inconnue, le capitaine du Tamerlan avait décidé de faire le trajet retour jusqu'à la Provence, en prenant la direction de l'est et en longeant les côtes. Ainsi avaient-ils dans un premier temps contourné Chypre. Il faudrait qu'il visite cette île un jour s'était-il dit lors de la première semaine alors qu'on pouvait en distinguer les côtes depuis le pont du navire. L'endroit était toutefois, réputé pour être un lieu de passage chez les pirates.

C'est d'ailleurs ce qui faisait accroître l'inquiétude chez certains de ses compagnons. Et puis chacun s'était fait une raison. Le regard d'abord inquiet porté sur les voiles des navires qu'ils croisaient, devenait un simple automatisme. On vérifie des fois que... A part peut-être chez Eavan pour qui la vigilance était constante.

Ensuite, ils approchèrent la Grèce, terre natale du prophète Aristote. Le Champlecy s'était promis d'un jour faire un pèlerinage jusque-là. Nulle escale n'était cependant programmée. Ils contournèrent Rhodes par le nord et commencèrent ainsi la traversé de la Mer de Crète jusqu'à sa frontière avec la Mer Égée. Arystote s'était demandé si la folie du capitaine les emmèneraient en Mer de Thrace. Aucun capitaine, s'il n'a le pavillon noir, ne prend un tel risque en général. Ce ne fut pas le cas.

Si Arystote trouvait un réconfort dans cette prise de risque qui ne le rapprochait de la Provence qu'avec une extrême lenteur, pour le bien de ses camarades il fallait qu'il réagisse. Ils avaient quitté Arles le 1er octobre . Ils étaient toujours en Mer de Crète et on approchait le 15 décembre. Francuski pestait de ne pouvoir être avec ses enfants pour la Saint-Noël, Guilhem commençait à manquer de vivre et Eavan semblait inquiète à la fois du manque de vivre et du risque de croiser des pirates.

Aussi Arystote, bien qu'ayant une folle envie de ne rien faire d'autre que pêcher, se décida à interpeller le capitaine sur l'importance de ne pas mourir de faim durant le trajet. La réponse de ce dernier fut assez froide mais cela importait peu au Comte de Cassis. Il venait de s'entendre promettre une escale si les vivres venaient à manquer, cela suffisait pour lui.

Il retourna donc à sa cabine, Platon sur ses talons, pour récupérer son filet de pêche. C'est en ouvrant son coffre qu'il vit au sol sous ce dernier, un parchemin. Il s'en saisit, regarda les lignes qu'il avait visiblement rédigé lui-même... Une lettre pour Michel... Bon sang il l'avait écrite mais sans l'envoyer. Il avait laissé Michel sans nouvelles depuis l'anniversaire d'Eavan quinze jours plus tôt...


- Rha zut ! Nous irons pêcher plus tard Platon, dit-il à son chien tandis qu'il prenait place à une table pour écrire. Le chien se laissa tomber lourdement au sol, vint placer sa gueule entre ses pattes avant en soupirant.

Une demi-heure plus tard, le Comte de Cassis, attachait le parchemin à un volatile qui prit route vers la Sicile.


Citation:
Michel,

Figure-toi que je viens de retrouver la lettre que je t'ai écrit il y a quinze jours, m'apercevant au passage, que je ne l'avais envoyée... J'espère que tout va bien pour toi. Es-tu toujours en Sicile ?

De mon côté tout va bien mais je ne serai pas de retour en Provence avant janvier je crois. Nous sommes en Mer de Crète car le capitaine du Tamerlan a décidé de faire le tour par l'est plutôt que de traverser la Méditerranée.

Si tu repasses par Entrevaux, passe le bonjour à Madeleine et dis-lui que oui je suis décidé à marier.

J'imagine qu'à notre retour nous aurons des milliers de choses à nous raconter. Profite bien de tes congés !

Arystote

PS : Peux-tu ramener quelques bouteilles de Sicile que j'en offre à Eavan pour son anniversaire ?


Le courrier parti, Arystote s'en alla vers le pont, Platon jappant derrière lui.

- Allons assurer la pitance de ce soir, dit-il plus pour trouver des excuses à sa paresse que par altruisme, bien que l'un n'empêchant pas l'autre.

Le soleil pointait haut dans le ciel et, quand il aperçut Eavan, baignée de ses rayons il sourit et garda sa comparaison à une Sainte pour lui. Son sourire fut de courte durée. Il s'était avancé vers elle et il pouvait lire sur son visage quelque chose d'encore plus sombre que les colères qu'il lui connaissait. Plus encore que la fois où la Comtesse de Saint-Remy de Provence s'était vantée de ses méfaits. Il posa son filet contre un mur et s'approcha d'elle.


-Et si vous me disiez ce qui ne va pas, dit-il simplement en lui souriant avec tendresse.
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Eavan
Soixante-et-onzième jour de voyage... quelques minutes plus tard...

Eavan avait entendu du bruit derrière elle. Bien sûr la vie à bord ne s'était pas arrêtée. Bien heureusement. Ils allaient déjà lentement... Si en plus tout le monde suspendait les manoeuvres...
Jusque là cependant, aucun des marins passant par là n'avait eu l'idée de s'approcher d'elle. Une présence pourtant se fit sentir.


Et si vous me disiez ce qui ne va pas.

Arystote.
Et malgré tout, elle sentit ses épaules se relâcher un peu. Son poing, blanchit de la contrainte, se desserrer un peu.

D'abord elle ne répondit rien. Elle cherchait ses mots. Elle triait. Eavan ne voulait pas lui imposer sa colère, ni cette haine qui lui brûlait la gorge.


A...

Non. Faux départ. Certainement pas son prénom.

Il a abandonné Sabdel pour rejoindre son ancienne fiancée.

Factuel.
Froid.
Tremblant pourtant malgré tout le contrôle qu'elle tentait de s'imposer.


Comment peut il lui infliger ça ?

Pour la première fois, la vicomtesse tourna son visage vers celui qui parvenait à lui apporter un peu de réconfort dans un moment pareil. Tout autre se serait sans doute heurté à un mur.

Elle m'écrit que l'envie de vivre la quitte, qu'elle prie de perdre l'enfant...


Prononcer seuls ces mots là parvenait à lui donner la nausée. Cet homme était néfaste et comme pour refléter cette pensée, la haine passa une nouvelle fois sur son visage. Et de lâcher dans un souffle, à peine assez fort pour qu'Arystote l'entende mais avec un regard suffisamment clair pour qu'il n'y ait pas de malentendu possible...


Si elle commet l'irréparable, je le tue.

Le regard se détourna, honteux d'offrir ce visage à Arystote entre tous. L'homme la voyait si parfaite. Quelle déception venait elle de lui infliger en admettant sa haine ? N'eut il pas mieux valut qu'elle la taise ? Qu'elle la cache ?
La vicomtesse oscillait entre deux sentiments vis à vis de cette haine : le dégoût et la légitimité.

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Arystote
Soixante-et-onzième jour de voyage...

Arystote écoutait Eavan et voyait combien elle tenait à sa filleule. Elle n'avait pas montré tant de colère quand elle avait été la cible de l'orgueil d'Adrian mais à présent qu'il s'en prenait à quelqu'un à qui elle tenait, la douleur n'en était que plus grande.

Il comprenait tant de colère, il connaissait mieux que quiconque cette sensation au fond de votre ventre qui vous noue les entrailles. Chaque fois qu'il avait été blessé, la douleur s'était insinuée au fond de ses entrailles et il l'avait plongée dans un long sommeil. Et si parfois cette douleur devenait trop grande alors il l'avait muée en colère et elle s'était échappée grondante et menaçante. La colère était l'expression de sa sensibilité et il n'en doutait pas, il en allait, en cet instant, de même pour la Gaelig.

Alors, il lui sourit et lui prit la main à présent qu'elle ne serrait plus le poing ; main qu'il serra dans la sienne.


- Je serai fort ennuyé de ne plus vous revoir qu'à travers les barreaux d'une cellule dit-il avec humour et sincérité à la fois avant d'ajouter et aucun des deux ne méritent que vous mettiez votre propre avenir en jeu.

Aux yeux d'Arystote la responsabilité d'une grossesse avant mariage incombait aux deux à moins qu'il n'y ait viol et de cela il en doutait. Avant leurs départs on ne pouvait pas dire que les deux amants s'étaient montré très discrets dans leur relation.

Visiblement, la filleule d'Eavan n'avait rien retenu de ses précédentes erreurs. Se faire surprendre par son époux embrassant un autre homme loin de ses lèvres et se voir retirer la garde de ses enfants ne lui avait-il donc pas suffit ? Bien entendu, il ne souhaitait pas voir l'arlésienne mettre fin à ses jours ou à celui d'un enfant à naître. Bien entendu Adrian s'était comporté comme le dernier des salauds avec Sabdel, et avec Justine. Et ce n'était pas la première fois, Justine avait déjà disparu quelques années plus tôt et Adrian avait trouvé du réconfort auprès d'une certaine Lysianne. Et là encore, dès que Justine était revenue, il avait laissé son autre aventure sur le carreau...

Mais aux yeux du Comte de Cassis, si Sabdel ne méritait pas qu'Eavan soit dans un tel état pour elle, ce n'était pas juste parce que les mœurs légères de cette dernière ne lui inspirait pas le respect. C'était avant tout parce qu'elle s'était comportée comme la dernière des ingrates en tournant le dos à sa marraine quand Adrian l'avait publiquement humiliée.

Quoique le Champlecy en pensait, il devait admettre que l'idée de voir Sabdel mettre fin à ses jours ou mettre fin à sa grossesse était des plus effrayantes.


- Elle a besoin de votre soutien, pas que vous commettiez un meurtre pour elle. Et il ne s'en sortira pas aisément j'en suis certain. Il est de ces hommes qui se nuisent à eux-même sans l'aide de personne. L'Histoire l'a déjà démontré.

Il avait dit tout cela alors qu'elle détournait son regard de lui, elle n'avait commis aucune faute. Alors il pencha sa tête vers elle jusqu'à ce que leurs regards se croisent de nouveau.

- Et si nous allions au mess, je crois qu'un verre vous fera le plus grand bien !

Lui aussi apprécierait de prendre un verre. Chaque fois que son regard plongeait dans celui d'Eavan, il ressentait une envie de l'embrasser mais il ne pouvait y avoir pire moment pour le faire. Sabdel et Adrian n'avaient pas su attendre pour leurs effusions et l'idée de ne pas se montrer plus digne que ce dernier n'était pas supportable.
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Eavan
Soixante-et-onzième jour de voyage...

Quel était ce sentiment que se le partageait à la haine ? La honte. Elle redoutait à cet instant la réaction du comte. Il la tenait en haute estime, elle le savait. Ne venait elle pas de lui donner une excellente raison pour la jeter à bas de son piédestal ?

Elle sentit une main se refermer sur la sienne et sursauta presque. Surprise que ce soit là la prime réaction qu'il lui offre. Et la main autour de la sienne se serra. Presque aussitôt elle serra en retour. N'était ce pas déjà là une conversation à part entière ?

Il choisit de plaisanter ensuite. Là où Eavan aurait pu être plus agacée encore par la légèreté, l'attitude d'Arystote fut un beaume sur sa plaie à vif. Les mots suivants provoquèrent un retour du regard vers les pupilles du comte, une flamme acérée au fond d'eux. Il y avait là une mise en garde : mieux valait ne pas dénigrer sa filleule à cet instant... Quoiqu'elle admette volontiers quelle responsabilité Sabdel avait.
Bien sûr, Eavan savait qu'elle était une imbécile.
Oubliait elle le sentiment de trahison qui l'avait rongé quand même sa filleule l'accablait ? Non.
Cela justifiait il qu'elle l'abandonne ou la trahisse ? Non.

Le regard presque menaçant se détourna à nouveau. Et ce qu'avaient pu transmettre ses yeux fut presque démenti par sa main qui à aucun moment ne chercha à fuir le confort de celle d'Arystote.

La Gaelig n'était pas aussi optimiste que Cassis concernant la suite. Vraiment ? Adrian n'était il pas adulé ? Cela y ressemblait tout du moins. Une profonde inspiration vint ponctuer cette pensée. Il lui fallait ne pas céder à la haine. Pas comme ça. Pas pour lui. Arystote avait raison le concernant : il ne méritait même pas sa haine.
De nouveau le regard se détourna. Fichue haine. Fichu brasier dans son ventre, dans ses veines. Fichu poison.
Mais une fois encore, Arystote apparut dans son champ de vision et accrocha ce regard fuyant qu'elle avait.


Et si nous allions au mess, je crois qu'un verre vous fera le plus grand bien !

Nouvelle profonde inspiration.
Et la voix fut plus douce.


Vous avez raison.

De quoi parlait elle en particulier ? Elle ne précisa pas, mais elle se détacha du bastingage et fit un premier pas en direction du mess, sans lâcher la main qui l'appelait à être la meilleure version d'elle même possible. S'il avait été décent de le faire, elle aurait sans doute cédé à l'envie de simplement étendre le geste en se blottissant dans des bras si bienveillants et protecteurs envers elle. Mais... Ce n'était guère le moment, ni le lieu... Et par dessus tout, elle n'imposerait pas un tel geste au comte. C'eut été déplacé. N'est ce pas ?
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Arystote
Soixante-treizième jour de voyage...

Arystote avait un projet, deux même et cela lui semblait l'évidence même.

Deux jours plus tôt, alors qu'il était avec Eavan sur le pont, il avait bien noté la flamme dans ses yeux et il en avait déduit deux choses.

La première était qu'elle était une formidable marraine pour sa filleule et qu'il s'abstiendrait donc de commentaires désobligeant. Aussi lorsqu'ils allèrent au mess, il entreprit de lui changer les idées. Il ne saurait trop dire s'il y était parvenu mais au moins avait-il eu l'impression qu'elle était moins tendue en repartant que lorsqu'il l'avait trouvée sur le pont. Il était conscient que les quelques verres échangés avaient pu aussi jouer leur rôle. En tout cas ne dit-il rien de négatif sur la Vicomtesse d'Orange.

La seconde chose déduite, fut que même lorsqu'elle lui était destinée, il adorait la flamme qui s'allumer dans le regard d'Eavan. La colère pouvait avoir son charme.

Les jours suivants avaient été plutôt calmes, ils continuaient d'avancer, lentement. Trop longtemps aux yeux de tous sauf à ceux du capitaine et d'Arystote qui n'exprimait pas sa joie mais mentirait en disant lui aussi vouloir être rentré pour la Saint Noël.

Autant Cassis lui manquait quelque peu, autant il n'avait pas du tout envie de retourner s'occuper de son vicomté. D'autant qu'après son dernier échange avec Hersende, il ne pouvait plus apparenter cette charge à de l'abnégation mais seulement à une punition. Il avait bien songé à refiler le fief à Ingeburge pour ennuyer fortement Hersende mais il doutait que la française accepte de plier le genoux devant la Marquise de Provence. Et puis, il n'aimait pas Hersende mais il n'avait rien contre le Marquisat et un noble du Marquisat ne devait agir que dans l'intérêt de ce dernier. Il aurait tout le temps de venir ennuyer Hersende après le prochain changement de souverain... et de suzerain !

Il s'était confessé. Son confesseur lui avait conseillé d'accorder son pardon à Hersende. Son devoir de noble lui imposait d'agir dans l'intérêt du Marquisat. Alors Arystote vint s'asseoir sur le pont, la mer était calme, et il se mit à réfléchir à comment il pourrait agir dans l'intérêt du Marquisat. Il savait que pour ça il devait mettre un moment sa colère de côté pour ne pas la prendre en compte dans sa réflexion. Il pensa alors à Diane qui était vassale sur les terres de Carpentras et aimait profondément son fief. Ce qui n'était pas un cadeau pour lui pouvait l'être pour d'autres. Bien sûr il aurait pu confier les terres à Diane mais c'est surtout Pernes-les-Fontaines qu'elle aimait d'ailleurs elle trouvait le blason de Carpentras très moche mais aimait le soleil de Pernes.
C'est vrai que Pernes était jolie alors que Carpentras lui semblait si bruyant et taciturne à la fois. A part les fois où Eavan en avait la régence, les gens semblaient plus heureux...

Arystote prit une plume et un parchemin et se mit à rédiger un courrier.


Citation:


Nous, Yueel-Arystote de Champlecy, Comte de Cassis, encore Vicomte de Carpentras malgré lui,
A vous, Assemblée des Hérauts du Marquisat de Provence,
A vous, Hersende Brotel, Marquise de Provence


    Attendu que Sa Majesté Hersende de Brotel, à la suite de notre demande d'échange de fief, a décidé que la coutume ne s'appliquait pas à notre personne en exigeant que nous nous justifions devant nos pairs et devant même la Noblesse du mérite d'un Comté qui n'est pas concerné par notre demande,

    Attendu que, malgré tout l'orgueil que nous avons dû mettre de côté pour exposer nos difficultés à gérer notre fief de Carpentras, nous n'avons reçu que froideur et condescendance.

    Attendu que, nos arguments exposés ont été balayés d'un revers de main et résumé par ces mots "pure convenance personnelle" niant toute l'histoire difficile que nous vivons avec ces terres depuis quelques années.

    Attendu que la coutume veut que l'on puisse céder ses terres à un autre noble qui verra juste le fief rabaissé d'un niveau, nous demandons à ce que le Vicomté de Carpentras nous soit retiré et soit confié en tant que Baronnie à Eavan Maeve Gaelig en espérant que notre Diane de Lévignac-Champlecy qui est notre vassale pour Pernes-les-Fontaines restera vassale de Carpentras. Eavan Maave Gaelig s'en est toujours mieux sorti que nous toutes les fois où nous lui en avons confié la régence. Nous espérons que cette fois, nous n'aurons pas à subir un autre traitement que nos prédécesseurs quant à l'application de la coutume puisqu'il va de soi que Sa Majesté ne reviendra pas sur sa décision préalable.

    Nous ajoutons également que si nous avons pendant longtemps méprisé notre suzeraine pour ses décisions arbitraires, son mépris et ses pré-jugements hâtifs ; nous avons décidé de lui accorder notre pardon. Nul n'est à l'abri de faire des erreurs même une Marquise couronnée et nous comprenons aujourd'hui que tous ne peuvent être à la hauteur des espoirs que nous nourrissions.


Fait et scellé à bord du Tamerlan,
Le 15 décembre de l'an 1465,





Relisant brièvement son courrier en diagonal il s'aperçut qu'il s'en dégageait encore une certaine amertume mais il se sentait aussi libéré d'avoir pu ainsi accorder son pardon à Hersende. Et d'un coup il perdait avec sa colère son estime pour elle et les blessures d'hier lui semblait à présent insignifiantes.

Libéré de ce poids, il se sentait grandit. Et au projet de céder Carpentras à Eavan, un deuxième projet vint se greffer avant d'écraser même le premier par sa force. Il voulait aussi céder son cœur à Eavan et il devait donc s'organiser pour le lui dire ce qui signifier aussi une demande en mariage en bonne et due forme.

Et cela lui semblait l'évidence même.

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Eavan
Soixante-douzième jour de voyage...

Les yeux s'ouvrirent pour fixer le plafond de sa cabine. Si un léger mal de tête accompagna le réveil, la Gaelig se sentait malgré tout plus légère. La soirée au mess avec Arystote et les verres partagés lui avaient permis de retrouver un peu de sérénité, et le sommeil avec. Un léger sourire étira les lèvres de la vicomtesse tendit qu'elle se redressait et s'empressait de boire de grandes lampées d'eau pour atténuer les effets de l'alcool. En vérité, le comte était pour beaucoup dans le relâchement d'Eavan. Beaucoup plus que l'alcool en tout cas.
Cet homme la connaissait et savait comment l'apaiser.

L'apaisement, cela dit, ne laissait pas pour autant la porte ouverte à l'oubli ou à l'inaction. La vicomtesse avait du courrier sur l'écritoire. Après effectué ses ablutions matinales et prié un moment, elle s'employa à noircir du parchemin. Par où commencer ? Peut être d'abord prendre connaissance de ce qu'elle avait reçu...
Et il y avait de la lecture au programme de cette matinée de décembre... Candyce et Gwennie.


Candyce a écrit:
Eavan,

Alors elle a fini par vous écrire.
Cette lettre n'est pas brève du tout. Elle me met mal à l'aise. Moi qui apprécie beaucoup Sabdel, voilà que vous m'apportez un regard différent sur cette dernière.

Mais tout d'abord, vous avez mal compris une chose.
Elle ne m'a pas mandée pour avoir des informations sur ce que vous pensez d'elle, non. Elle m'a dit être votre plus grande honte. Je lui ai répondu que je ne le pensais pas. Alors, elle m'a dit de vous le demander directement si je la croyais pas. Mais pas pour avoir des infos, juste pour que j'ai votre son de cloche, pour ma curiosité personnelle.

Je lui dirai simplement qu'elle a votre soutien sur le plan personnel et que vous n'avez pas honte d'elle. C'est tout, parce que c'est important pour elle, de mon point de vue.


La Gaelig nota qu'il lui faudrait s'excuser auprès de Candyce. Elle avait manqué de beaucoup de choses dans son précédent courrier : sang froid, tact... entre autres. Mais l'idée même que Sabdel pense qu'elle ait honte d'elle réveilla un peu de son agacement.


Candyce a écrit:
Elle ne va pas très bien et je crois qu'elle va aller voir le minable à Aix où il a rejoint son ex-fiancée, qu'il aime toujours apparemment... Enfin, une affaire de merde, elle ne veut pas qu'il se marie avec Orange.
Apparemment, elle aurait refait surface et l'autre serait revenu vers elle, abandonnant du coup Sabdel, d'après ce que cette dernière m'a appris. J'ai proposé de l'accompagner comme escorte et soutien. Elle m'a dit vouloir lui rentrer dedans lors de sa colère de l'autre soir. Et vu son caractère que je découvre doucement, je la pense capable de tout. J'essayerai de la calmer un peu... Pour ne pas qu'elle mette en danger son petit.


Un grognement résonna dans la cabine.
Vraiment... C'était proprement n'importe quoi cette histoire. Et comment Adrian avait il pu courtiser Sabdel et prétendre vouloir fonder une famlle si sa fiancée était en réalité toujours en vie et qu'il lui donnait la priorité. Cela n'avait aucun sens. La Gaelig n'avait plus qu'à espérer que sa filleule ne fasse pas de folie et compter sur Candyce pour l'y aider...


Candyce a écrit:
Mais tout ce que vous m'avez dit me laisse perplexe...
Même si j'imagine que c'est l'amour pour ce minable qui lui a fait faire toutes ces choses contre vous... Rien de plus stupide qu'une femme amoureuse... Idem pour un homme d'ailleurs.
Je vais mettre cela sur ce compte.

Je ne sais pas si je pourrais me retenir de lui parler de cette période où elle vous a traité ainsi avec le minable nobliau. Même si c'est à présent du passé...

M'enfin, tout cela m'ennuie, je l'aime beaucoup aujourd'hui. Me voilà légèrement déçue par elle, mais en même temps... Je sais ce que fait faire l'amour, je suis très bien placée pour le savoir.


Eavan espéra vraiment que Candyce n'y ferait pas allusion. Après tout sa filleule pouvait déjà l'encadrer qu'en pointillés... Autant ne pas envenimer les choses davantage. La vicomtesse suspectait Sabdel de ne pas avoir la moindre idée d'à quel point son attitude envers elle l'avait blessée et elle était aussi convaincue que sa filleule s'en fichait, tout simplement.

Candyce a écrit:
Quant à vous, ma douce et féroce amie-soeur, ce n'est pas à vous de partir en croisade contre cet individu. Il n'est point votre vassal, vous n'êtes point sa suzeraine... Ce n'est pas à vous de faire cela Eavan Gaelig. Mais à son suzerain.

Vous le savez bien. Même si je sais que c'est pour la Noblesse que vous ferez cela. Celle que vous défendez avec ardeur, celle que je défends aussi. Mais votre place est dans cette Noblesse, ne faites rien qui pourrait vous en coûter. N'en faites pas une affaire personnelle. Faites en sorte que l'on vous entende bien, mais évitez les actes inconsidérés. La Noblesse a besoin de vous, plus que jamais. De votre vision, de votre voix, restez mesurée si je puis dire. Ne laissez point votre colère vous faire agir avec impulsivité.

Si vous perdez vos titres, la Noblesse s'effondrera plus vite encore. C'est mon opinion. Faites-en ce que vous voulez.

Vous êtes une personne importante de notre Âge.

Mais quoi que vous fassiez, je vous soutiendrai toujours, même si c'est par la pensée, quand il n'est point à ma portée d'y ajouter des actes.


La Gaelig reconnaissait bien là la plume de son amie-soeur... Et ce qu'elle qualifiait d'exagération. Mais aussi sa loyauté et son soutien. Cela la touchait. Enormément. Cependant un point se fraya son chemin dans les méandres de la cervelle vicomtale. Elle n'était pas son suzerain ? Non. Vrai. Tout à fait exact même. Mais d'ailleurs il en avait deux, de suzeraines... Et que savait donc la seconde de ces évènements ?
Voilà qui méritait un courrier.


Candyce a écrit:
Domptez votre Ire Eavan Gaelig.

Amitiés,

Ys


"Domptez votre ire ?" murmura la Gaelig avec un sourire. "On y travaille..."
Sans perdre de temps, et dans l'inspiration du moment, Eavan prit un parchemin vierge et rédigea une réponse.

Eavan a écrit:

Candyce,

Il est des lignes que je n'aurais pas dû vous écrire.
Et merci de dissiper l'erreur dans laquelle ma colère m'avait enfermée. Sabdel reste juste idiote de croire que j'ai honte d'elle.

Concernant le mâle.
Je l'avais averti.
Je ne m'étais permis qu'une ligne personnel dans nos échanges viciés, ceux là même, souvenez vous, où il m'exhortait à changer pour adopter sa manière laxiste et détournée...
La ligne que je lui ai alors destinée, je m'en souviens encore sans avoir à la chercher : "Traitez bien ma filleule".

Simple non ?
Limpide non ?

Etais je méfiante ? Un peu. Mais jamais je n'aurais imaginé qu'il tombe si bas. Je le voyais bas. Mais là tout de même.

Ses suzeraines vont recevoir de mes nouvelles, c'est certain. Sabdel n'osera peut être pas amener tout cela à l'oreille de la Vicomtesse des Arcs sur Argens mais moi oui. Avec un peu de chance, la vicomtesse m'épargnera de devoir coller mes phalanges dans la mâchoire de son vassal.
L'espoir fait vivre dit on.

Amitiés,

Eavan


La vicomtesse se relut puis, satisfaite, scella le pli.
Il était temps de lire le second courrier du jour... Gwennie...


Gwennie a écrit:
Bonjour Eavan,

Ma grande bouche et moi même sommes désolées du manque de tact dont j'ai fait preuve. Il faut dire que j'ai tendance à écrire comme je parle , parfois sans réfléchir, ce qui est un peu stupide car au final je réfléchis beaucoup. Je vous présente mes sincères excuses. J'ai lu votre réponse avec une série de coups au ventre, tellement je me suis sentie honteuse, au moins autant que la peine que j'ai dû vous causer. Pour ce qui est d'Adrian. il a tenté de venir se faire plaindre, il en a été pour ses frais.

Pour ce qui est de ma petite rancune avec Sabdel, bizarrement cela n'a rien à voir avec Adrian, mais plutôt parce qu'elle est venue en taverne un soir toute pleine de commisération et de pitié ce que je n'ai toujours pas avalé. Je veux bien faire preuve de dignité et être fairplay mais là , ça m'a profondément agacée. Je n'étais pas une victime d'Adrian et ce n'était pas son rôle de venir pavoiser ainsi , ou de venir faire comme si elle était désolée. Cela s'arrête là, et sa situation effectivement n'est guère enviable. Mais peut être aurait elle dû réfléchir un peu et juger Adrian selon ses actes et non ses paroles.

Pour ce qui est de Tav, il m'a répondu que c'est parce qu'il m'avait croisé en taverne et qu'il lui fallait une tavernière lorsque je montais voir mon Fernand qui n'y était déjà plus , à Genève. Soit. Quant aux associations d'idées, elles peuvent se faire, je vous avoue je n'en ai cure. Je n'ai jamais caché mes anciennes amitiés, si certains veulent me juger là dessus et non sur mes actes de bonne conduite depuis des années, qu'il en soit ainsi.

J'espère que vous vous portez bien malgré tout. J'espère vous voir bientôt, je vous ramènerai des cochonneries bretonnes dont nous avons le secret.

A Brest

Gwen


La Gaelig posa le parchemin et prit une profonde inspiration, qu'elle relâcha après quelques instants. La franchise de Gwen lui faisait chaud au coeur, l'expression de ses regrets vis à vis de son manque de tact aussi... Quoi qu'en réalité, Eavan ne le lui ait jamais réellement reproché. Après tout la bretonne avait été la première à l'informer de ce qui se passait... Elle lui en était plutôt reconnaissante. Furieuse, mais reconnaissante.

Il lui fallait désormais s'attaquer au gros morceau.
Prévenir Atchepttas.
Le problème était qu'Eavan ne savait guère où elles en étaient. La dernière fois, son amie avait soutenu Adrian sans ciller à l'Assemblée des Nobles malgré son comportement envers elle... Mais au fond, la Gaelig doutait que quiconque ait correctement informé la vicomtesse des Arcs sur Argens du déroulé des évènements en Provence. Et Eavan n'allait certainement pas le faire elle même puisque ça la concernait directement. Cette fois ci, cependant, elle n'était pas directement concernée, elle n'était pas parti dans l'affaire et il lui semblait normal qu'une suzeraine sache ce que faisait son vassal... Après tout qu'elle le sache ou non, Atchepttas restait responsable dudit vassal en actes et en paroles. Autant donc, qu'elle le sache.
La plume fermement tenue entre ses doigts, elle se pencha sur un nouveau parchemin.


Eavan a écrit:

Atchepttas,

Je ne sais quelle estime tu me porte aujourd'hui. Sans doute bien peu puisque tu te rangeais aux côtés de ton vassal lorsqu'il m'accusait entre autre chose de trahison et souhaitait me délester de Salon. Tu as salué le suzerain qu'il fut comme Illustre et, à ce sujet, nos avis divergent plus qu'ils n'auront, je pense, jamais divergé.

Aujourd'hui pourtant, il me semble tout à fait nécessaire de prendre la plume pour te tenir informée des frasques de ton protégé. S'en prendre à moi, c'était une chose. Mais il a récemment dépassé toutes les bornes du convenable.
J'ose croire que tu étais au courant pour sa future union d'avec Sabdel. Je doute qu'il ait si peu considéré sa relation d'avec toi pour ne pas respecter la base élémentaire de la noblesse que de demander l'autorisation à son suzerain pour se marier. Je pars donc du principe que tu sais.

Je vais dès lors te conter ce que j'ai appris, pas plus tard qu'hier, et ce que je soupçonne s'être produit depuis déjà de nombreux jours.
Ton vassal a donc promis le mariage, dans l'idée de former une famille avec la vicomtesse d'Orange. L'amour étant enfant de bohème et source à la fois d'un grand bonheur et d'une bétise sans limite, ils ont convenu que puisque mariage suivrait de peu, que ce n'était l'affaire que de quelques semaines, commencer à travailler sur la famille ne ferait pas de mal. Le Très Haut leur a sourit et Sabdel porte leur enfant. Cela, ton vassal s'en est par ailleurs clairement vanté. Nul doute donc à faire peser sur Orange.
Ce qui s'est ensuite produit c'est que l'ancienne fiancée de ton vassal au comportement de coureur est réapparue. Et les bans du mariage furent tout simplement annulés, de la main d'Adrian. Après quelques jours de cohabitation avec Sabdel, il a finit par totalement l'abandonner pour retourner dans les jupons, ou dessous, à ce stade cela ne m'est d'aucun intérêt, de Justine.

Ton vassal donc, mets enceinte une noble, promet le mariage, publie des bans avant de tout abandonner. Il condamne tout à la fois Orange a porter un enfant conçu dans le péché, et l'enfant lui même est condamné à être un bâtard.

Si tu ne me crois pas, contacte donc l'autre suzeraine de ton vassal, Hersende.
De mon côté, je fais ce que je peux, depuis la Méditerranée, pour convaincre Sabdel de renoncer à s'ôter la vie.
Si ton vassal a le malheur de me croiser, il n'en ressortira pas indemne.

Ma filleule, Sabdel, n'est peut être pas un modèle de vertu. Mais de nous deux, je crois que tu es la plus à plaindre avec ton vassal.

J'en termine sobrement.
Le suzerain est responsable de son vassal en actes comme en paroles.

Bon courage.

Eavan Gaelig


Avant de trouver à redire concernant son choix de mots, la vicomtesse scella et alla prendre un peu l'air sur le pont. Après tout, elle était aussi membre d'équipage et devait effectuer quelques tâches à bord.
Plus tard, lorsqu'elle revint dans sa cabine, la Gaelig décida de se changer les idées et prenant connaissance de débats portant sur l'Université de Provence, elle prit sur elle de coucher son avis sur parchemin afin d'apporter sa contribution... Qui eut cru que discuter cadre juridique d'une institution provençale soit un jour une activité relaxante ?

Cette missive terminée, la Gaelig entreprit d'aller trouver messagers pour ses plis... Et de les laisser s'envoler au vent...

_________________
Eavan
Soixante-treizième jour de voyage...

La nuit porte conseil dit on.
C'est pour cela qu'à peine le soleil pointant à l'horizon, le silence de la cabine de la Gaelig était troublé par le grattement de la plume sur le parchemin accompagné du ronronnement du félin présent sur ses genoux.


Eavan a écrit:

Candyce,

Pardonnez moi... Non.
Je vous demande pardon. Mieux.
La colère a dicté la plume des deux dernières lettres que je vous ai adressées. Vous ne méritiez pas des mots de colère. Fussent ils dirigés à d'autres.

Vous le faites déjà, vous me l'avez dit, mais veillez bien sur ma filleule. Je crains que douleur et colère ne lui fassent faire des choses qu'elle pourrait regretter.

Concernant ce qui s'est passé lors de ce maudit mandat estival, je n'aurais pas dû l'évoquer. Le passé est bien là où il est. Nul besoin de le remuer. Et je suis sévère lorsque mes espoirs sont déçus. Voilà tout.


Ys donc ?
Je pense rester à Candyce. La noblesse est plus un état d'esprit que les titres conférés par une quelconque hérauderie. Si un noble peut être noble, ce n'en est que mieux. Mais l'un n'empêche pas l'autre, pour le meilleur et pour le pire. Je ne sais que trop bien que la noblesse au sens social, n'est pas ce qu'elle devrait être. Cependant je vais vous confier mon regard sur la notion de service que vous évoquer : un noble est vertueux lorsqu'il sert avant de commander. Un noble devrait toujours servir. Son suzerain, certes, sa terre, bien sûr, ses gens aussi. Etre un bon seigneur, c'est servir autant qu'être un bon serf. Le service est différent. Mais cela reste un service.
Si vous préférez vous détacher de votre nom pour mieux pouvoir trouver votre voie, y progresser et surmonter les obstacles. Soit. Sachez que pour ce qui est de ce genre de décisions, de sensations et de convictions, mon soutien vous est acquis.

Un nom différent ne changera pas le regard que je vous porte.

Les chemins intérieurs et les vagabondages de l'âme sont toujours des choses bien difficiles à traduire en mots. Mais il n'y a rien d'étrange à vos lignes. Je les entends. Je ne prétendrai pas comprendre tout de vos réflexions, mais j'en comprends je pense assez pour ne certainement pas rejeter tout cela d'un simple "étrange !". Allons. Et si vous avez le besoin de parler, ou d'écrire dans notre cas présent, je vous lirai et tâcherai toujours de vous répondre, si réponse est appelée.

Nos moutons...
Si je coule, je nagerai. Vers le nord. Cela vous fera gagner des journées de voyage. Le dernier port où nous sommes passé reste Gênes, qui sait... Il faudra peut être vous frayer un chemin parmi les italiens.*

Nous sommes... En mer de Thrace. Que puis je dire... Les îles grecques ont un charme certain. Les paysages sont enchanteurs. Nous arrivons dans un cul de sac et j'espère qu'aucun pirate n'aura eu la judicieuse idée de nous suivre. Ou du moins, cela pourrait faire de l'animation. Qui sait. En vérité, le seul problème c'est que nous n'avons toujours pas commencé à nous rapprocher de Provence. Pour l'instant, grossièrement, si je regarde ma carte, nous sommes à peu près à la même distance de Provence que si nous étions à Alexandrie... Je dirais donc, en tenant compte de la vitesse de notre cher capitaine adoré, qu'il est raisonnable d'espérer être en Provence dans un mois.
Bien sur, s'il décide de visiter de manière aussi fouillée l'Adriatique, nous sommes bon pour deux mois. Je ne sais plus à quoi m'attendre avec cet animal.

Revenons à vos moutons à vous, les miens sont donc encore sous forme de banc de sardine.

Je vous souhaite que le retour de la Rouquine vous permette d'y voir un peu plus clair et apaise vos frustrations. Nous luttons tous contre nos démons, Candyce. Cela semble sans espoir mais ça ne l'est pas. Et même si vous vous laissez encore tentée, ce n'est déjà plus ce que vous aviez connu. Je dirais qu'il est tout à fait humain de ne pas simplement pouvoir ignorer la tentation et d'y céder. Bien sur que c'est humain. Personne ne peut ignorer royalement la tentation ou bien lui offrir une résistance constante et égale à tout moment. Nous sommes des créatures faillibles et c'est très bien ainsi.
Je pense que la revoir vous apportera un peu d'apaisement.
N'oubliez pas la douleur ressentie de la voir s'éloigner. C'est cela qui vous permettra de faire votre possible pour ne pas la blesser à nouveau et ne pas répéter d'éventuelles erreurs.

Pour parler de choses plus festives, c'est une jolie surprise que de trouver un fléau d'armes. Cela vaut le coup d'apprendre à s'en servir comme il faut. Ou plutôt de la manière la plus efficace. Soyez prudente cela dit, ce peut être une vraie plaie au début. On a vite fait de s'assommer soit même par manque d'expérience.

Dieu... La religion... L'Eglise...
Nos avis divergent et se rejoignent parfois. La différence m'intéresse cela dit. Ce que l'on peut apprendre est limité face à quelqu'un qui nous est semblable en tous points, alors que de la différence nait les meilleures réflexions. Cela dit, si je suis ce dogme c'est que j'y trouve le reflet d'une morale à laquelle je suis sensible. Il est des principes qui ne me coutent nullement de respecter, simplement parce qu'ils étaient miens bien avant que je ne sois baptisée. Il est aussi des règles, qui si elles restreignent, évitent des situations plus problématiques encore.
Dans mon cas, le bonheur n'est pas mon plaisir immédiat. Il réside dans le fait de ne pas accumuler les regrets, autant que possible. Rester fidèle à ce que je suis. Et je crois. En Dieu. J'ai la foy. Il n'est pas palpable, certes, mais je ressens sa présence. Cette foy fait partie de moi, comme mes valeurs, comme ma vision utopique de la noblesse.
La foy est l'une des forces qui me permet de lutter contre mes démons. Cela fait il de moi une idiote ? Peut être. Mais si elle me permet d'être plus fidèle à moi même, est ce un mal ? Faut il la condamner ?
Est ce que le fait que je crois vous déçoit ?


Amitiés,

Eavan Gaelig


Comme d'ordinaire, le coeur et l'âme se couchaient sur le parchemin dans l'échange avec Candyce. Et comme d'ordinaire, une simple satisfaction d'avoir une bonne discussion envahit la Gaelig lorsqu'elle scella le pli. Cette conversation épistolaire était réellement riche et plaisante.
Une autre missive de la veille attendait une réponse, aussi la vicomtesse enchaina-t-elle, non sans gratouiller quelques instants derrière les oreilles de Gizeh.


Eavan a écrit:

Gwen,

Je n'ai aucun grief contre vous. Parce que vous ne saviez pas ma relation d'avec Sabdel, d'une part, et que ma colère est bien plus largement dirigée contre ce que vous me racontez que contre la manière que vous avez eu de le faire.
Et comment pourrais je vous en vouloir, ayant au moins un peu connaissance des inimitiés que vous pouvez avoir envers Sabdel et Adrian.

Là où vous avez mon plus sincère sourire c'est lorsque vous m'indiquez comment vous avez su recevoir ce dernier lorsqu'il est venu se plaindre auprès de vous.

Nous sommes d'accord quant au fait que ma filleule n'a pas été des plus intuitives concernant Adrian et qu'il aura fallut que cela se retourne contre elle, personnellement, pour qu'elle ouvre les yeux. Cela m'attriste. Mais là encore la colère de l'outrage qu'elle subit surpasse de beaucoup ma tristesse.

Concernant Tav, surtout, ne voyez aucun jugement hâtif de ma part. Je sais juste que bien peu ne jugent pas hâtivement de nos jours et vous enjoins à la prudence. Là encore, pas par excès d'autorité, je n'aurais pas cet orgueil imbécile, mais simplement parce que je n'aimerai pas l'idée qu'il vous arrive malheur à cause d'un individu comme lui.
Je n'aimerai pas qu'il vous arrive malheur, tout court.

Si parmi les cochonneries que vous me promettez, vous calez aussi de l'alcool, cela sera tout à fait parfait. Je pense que j'aurais besoin de tout le soutien possible, humain comme liquide, pour éponger mes envies de violence.
Seul point positif d'être bloquée en mer : je ne peux pour l'instant pas coller mon poing dans la figure d'Adrian.

Hourra.

En mer de Thrace,
Amitiés,

Eavan Gaelig


La chandelle fut allumée.
La cire prête à couler.
Pour cette lettre, c'était l'heure d'être scellée.*

Quelques minutes et un petit encas offert à sa bouillotte féline, la Gaelig remarqua un parchemin dans sa pile "reçu et pas encore répondu". Suzanne. Oh fichtre ! Depuis combien de temps devait elle lui répondre ?! Sans perdre une seconde de plus, elle se remit à l'ouvrage.


Eavan a écrit:
Suzanne,

Je suis totalement impardonnable.
J'ai laissé vos derniers courriers sans réponse. Je vous présente mes excuses.

Je me rends compte que voilà un mois que je ne vous ai pas donné de nouvelles, de surcroit.

J'ai eu quelques inquiétudes lorsque vous m'avez appris votre départ de Marseille et je dois avouer que le devoir de secret vis à vis de Diane m'aura mis quelque peu mal à l'aise. Enfin, sachez que je n'en ai rien dit. J'espère que l'éloignement brise ce carcan que vous sentiez se refermer sur vous.
Pour être honnête, je comprend bien la sensation et vous n'aurez de ma part que tout le soutien possible. Faites donc ce qui est le mieux pour vous. Les vrais amis sauront le comprendre et l'accepter.

J'ai eu plaisir à avoir de vos nouvelles, même si je ne me suis pas montrée à la hauteur. De mon coté, nous avons eu quelques problèmes. Oh pas de pirates, n'ayez pas d'inquiétude. Seulement de grandes incompréhensions et difficultés à dialoguer avec le capitaine. Tout cela nous rend tous plus ou moins nerveux. Nous aurons mis dix jours après l'embarquement à quitter le port d'Alexandrie, sans explication. Puis plutôt que d'aller au nord ouest, voilà que nous avons mis le cap vers l'est.
Nous avons pu compter les cailloux de la côte ottomane puis apprécier le découpage des îles grecques. Après la Mer Egée, nous sommes officiellement en mer de Thrace et toujours aucune explication du capitaine. S'il visait un port, nous en avons déjà passé trois. Bref. Le bonheur.

J'ai aussi reçu quelques nouvelles désagréables de Provence à propos de frasques d'Adrian. Voilà qu'il promet le mariage à une noble qu'il met enceinte pour mieux l'abandonner derrière. Et cela se prétend noble ! Et ce n'est pas faute d'avoir prévenu l'assemblée de la noblesse du caractère de l'homme ! Mais non !
Enfin...
Des soucis lointains...

Comment se passe votre voyage ?
Vers où allez vous ?

J'aime à croire que j'ai le pied marin mais désormais je n'en peux plus. J'espère que nous ne mettrons pas deux mois à rejoindre Provence. Nous sommes partis depuis le 1er octobre tout de même...

Amicalement,

Eavan Gaelig


Une fois le pli scellé et l'ensemble des courriers envoyés, la vicomtesse vaqua à ses occupations... Les paysages étaient magnifiques mais ne parvenaient pas à la divertir de ses inquiétudes concernant d'éventuels pirates... Après tout, c'était leur havre et c'était bien connu. Heureusement être sur le pont signifiait aussi croiser les autres passagers, les marins, échanger des banalités avec eux et des regards plus complices avec Arystote.
Lorsque l'après midi touchait à sa fin, la Gaelig se vit remettre quelques plis à son attention. Calée contre l'un des mâts, profitant de l'air, elle en prit connaissance.


Atchepttas a écrit:

Eavan, Chère et à jamais Amie,

Ta parole compte beaucoup pour moi et sur ce coup, j'avoue n'avoir pas tendu mes deux oreilles.
Pour revenir à son anoblissement à la fin de son mandat d'Illustre. Mon serviteur m'a reporté que certains mettaient en doute ses compétences sur le seul fait de ses frasques du passé. J'ai trouvé cela d'une telle hypocrisie que j'ai voté pour son approbation. Chose que je me refusais jusqu'à lors ne voulant pas voter pour "favoriser MON vassal". J'avais connaissance de par son biais de certaines tensions lors de son mandat mais pas à ce point. Je n'ai pas pris le temps de me plonger dans ce mandat ayant moi même à faire de mon côté. Mon attention s'était reportée sur le fait de trouver une dame de compagnie à la pupille de mon Tendre. Celui-ci, Capitaine de la Garde Royale était totalement absent et j'en désespérais d'à nouveau de le perdre.

Je n'ai donc pas volontairement pris son parti dans le but de te nuire, loin de là.

Quand à son union avec Sabdel. Je n'ai eu que connaissance, encore une fois du début de l'histoire. Ceci m'avait tellement choqué au niveau du peu de considérations du bien vivre de la noblesse que je n'ai même pas osé en parler à Wayllander. Lui qui est si à cheval avec les moeurs m'aurait regardé de travers. J'ai donc échangé quelques lettres avec Adrian. Dans ma réponse à son invitation au mariage et, accroche toi, à sa demande que j'en sois témoin devant le Très-Haut, je lui transmettais mon refus catégorique à ma participation. Je lui rappelais que les Femmes avaient toujours été son plus gros vice et que ceci courera un jour à sa perte. Je lui a aussi souligné qu'il était facile de penser oublier une personne disparue que depuis...quelques mois. Mon Dieu, quelle erreur aurais-je fait si ma patience ne m'avait pas rendue mon fiancé à un moment donné ? Mais non. Celui-ci a préféré mettre enceinte une noble avec toutes les conséquences que cela implique ! Je lui ai dit que je ne critiquais nullement Sabdel dans l'histoire. Bien que je n'en sois pas la partisane la plus virulente. Mais accoucher d'un bâtard en étant femme de son statut peut être terrible ! J'ai donc appuyé sa décision de se marier avec elle pour régler ce détail. Et après plus rien. Plus aucune nouvelle.

De mon côté j'ai eu fort à faire et pour préserver notre couple, le Comte m'a demandé de rejoindre son campement en compagnie d'Anis afin que nous cessions cet éloignement. J'ai donc accepté et me suis retrouvée dans les plus proches personnes de Feue sa Majesté. Des personnes très sympathiques. Actuellement nous raccompagnons le Roy chez lui après le décès de sa Majesté. Quel terrible sort.

Bref, Adrian ne porte en aucun cas les valeurs que je défend. Et j'en suis attristée qu'il en soit tombé ci-bas.
Que décide Hersende ? Y a t il un discussion à ce sujet à l'ADN ? Si c'est le cas je peux m'y rendre en quelques jours. Ou si la Marquise souhaite établir une discussion je peux y participer afin de prendre une décision. Je vais de ce pas écrire aussi à Sabdel afin de lui apporter mon soutien. J'ai malheureusement une part de responsabilité en ayant choisi le mauvais âne.

Mon amie, que me conseilles- tu, toi qui est dans le vif de l'action ?


Que le Très-Haut veille sur toi et la Provence.

Atchepttas Diana Ysgarde.


Eavan laissa échapper un soupir de soulagement qu'elle ne s'était même pas rendu compte retenir. Les causes étaient nombreuses. Elle chérissait l'amitié qu'elle avait avec Atchepttas et l'idée que cela pu être terni l'avait rongée. Mais il n'en était rien et c'était là une source de bonheur bienvenue. Ensuite, les mots de la Lionne la rassuraient à plusieurs sujets tout en éveillant son inquiétude concernant ses difficultés d'avec son fiancé.
Enfin elle laissa échapper un petit rire amusé aux dernières lignes. Vraiment ? Semblait elle à ce point dans le vif de l'action ? Enfin, elle retint surtout que l'Ysgarde demandait son avis et son conseil.

Il lui faudrait réfléchir un peu à la manière de répondre à cela, pour rester honnête et ne pas laisser ses griefs envers Adrian teinter ce qu'elle dirait à Atchepttas. Mais d'abord, il lui fallait lire la réponse de sa filleule... Preuve s'il en était qu'elle ne s'était pas ôté la vie... Pas encore du moins... Dieu que cela pouvait lui faire du soucis...


Sabdel a écrit:

Marraine,

Votre courrier je l'ai lu, relu, serré contre mon coeur et encore lu.
Et j'ai pleuré. Comme si je ne pleurais pas assez depuis des semaines. Je me demande comment mes yeux peuvent encore produire des larmes. Ca s'arrête à un moment les larmes vous pensez?

J'ai eu tellement peur de l'ouvrir ce courrier, craignant votre jugement. Car là est bien un de mes soucis dans ma relation avec vous. Vous m'impressionnez et de facto, je vous crains et je crains vos réactions.

Je sais que je n'agis pas toujours selon votre ligne de conduite et que j'ai parfois des réactions très vives de fuite et de repli qui vous amènent à penser que je vous manque d'estime. Ce qui est loin d'être le cas. Après, mes jugements sont loin d'être les meilleurs que ce soit envers vous ou d'autres comme le Vicomte de Vaison la Romaine, que je pensais digne de foi et honnête.

Je ne vous ai pas mise au courant de la situation plus tôt parce que j'avais peur, tout simplement.
Qu'il m'a fallu un peu de temps avant de relever de cette gifle monumentale avant d'oser et de pouvoir en parler. Je suis restée prostrée au fond de mon lit plusieurs jours sans boire ni manger avant de me dire que mourir ne servirait à rien. Mourir en femme salie et humiliée, à jamais gravé dans la mémoire collective. Triste sortie, vous ne trouvez pas?

Je veux me battre pour cet enfant et me relever. Je voudrais aussi ne pas céder à la haine envers son géniteur, mais ça, ce n'est pas gagné. Il m'a fait trop souffrir, jamais je ne pourrai passer au-dessus.

J'ai hâte que vous soyiez de retour, vous serrer dans mes bras même si vous n'aimez pas ça.
Je vais m'employer à me racheter une conduite. Je ne laisserai plus jamais aucun homme entrer dans ma vie car plus jamais je ne pourrai faire confiance. Si les études n'étaient aussi longues, j'étudierais pour devenir curé ou confesseuse.

Dans la foulée, j'ai reçu un courrier de la vicomtesse des Arcs sur Argens qui m'a fait chaud au coeur. D'autant plus que je sais qu'elle ne me porte pas dans son coeur. Je lui suis reconnaissante de cette démarche.

J'espère que vous serez de retour avant Noël.
Puisse le Très-Haut vous apporter sa protection.

Je vous embrasse, Marraine

Sabdel


Eavan ferma les yeux, sentant l'humidité sous ses paupières.
Elle avait enfin fait quelque chose de bien.
Et le sentiment était doux.
Peut être que les choses allaient s'améliorer ? Au moins, la Gaelig en avait désormais l'espoir.


*Référence à Reflet d'acide, Saga audio, saison 1 épisode 3, chanson de Trichelieu

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