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[RP] La peur nait à la vie plus vite que tout autre chose

Eudoxie_
"Il est insensé d’avoir peur de l’inévitable." (Publius Syrus)

Trône ? Rencontre ? Niels...

"Quelque part dans les entrailles des Houx Rouges"


Aucune réaction, rien même pas un grognement du borgne, à se demander si il ne lui manquait qu'un oeil et pas une paire de... ouais aussi, en attendant la petite brune se voyait accompagnée manu militari au dehors de la pièce par un des sbires de Niels ou de Thorvald ça elle savait pas et s'en foutait.
Les pépites noires se mirent alors à détailler les couloirs les bras sagement croisés sur le ventre quand de l'agitation se fit entendre et les cris de douleurs de Morten, la brune se précipitant alors vers l'intérieur de la pièce fut stoppée dans son élan par son garde attitré qui lui fit un mal de chien en la maintenant par les poignets.

Hééé, vous me faites mal espèce de brute. Mais laissez-le bon sang, ça suff...
Oh mon dieu....


Eudoxie resta sans voix en apercevant le corps inerte de Morten, une angoisse sourde quand à sa survie s'insinuant en elle de manière perfide, tout ce qu'elle avait fait, tous les soins de fortune...La trainée rougeâtre qui suivait le passage de sa jambe blessée au sol n'avait rien d'un présage heureux.
Mais pour l'heure la poigne plus forte que nécessaire que le borgne exerçait sur le haut de son bras droit pour la faire avancer, laissait supposer une revanche mesquine pour la façon dont elle lui avait parlé, et la puissance de ses doigts sur sa peau la faisait souffrir mais les dents serrées elle ne lui en montrerait rien.

**********

"Salle du trône des Houx Rouges"


Des couloirs, des détours, des carrefours, des... mais comment pouvait-on se retrouver dans ce dédale à n'en pas finir, pire que le labyrinthe du Minotaure, et de fil d'Ariane elle n'avait pas, ça pour sur.
Le borgne la fit alors entrer dans une pièce sombre, pas de lumière autre qu'artificielle et la tête de la béarnaise se mit à pivoter pour prendre pied avec l'endroit, son regard cherchant à capter des détails quand une voix s'éleva dévoilant un blond qui siégeait dans un immense trône.

Niels...

Un murmure inaudible, juste se confirmer à elle-même une intuition... l'homme du balcon, les pépites se déportèrent sur Morten jeté au sol comme un déchet, allant de lui à Niels alternativement, s'arrêtant lorsque l'infâme s'adressait à elle, si le borgne ne l'avait maintenu... la colère avait déjà été mauvaise conseillère le serait-elle encore ?
Lorsque le maître fit un signe à son toutou, enfin la poigne laissa son bras libre, senestre venant frotter la zone endolorie par la pogne danoise, ce chien galeux lui vaudrait surement un bleu à force d'avoir serré comme un taré en guise de vengeance puérile.

Au cliquetis de la serrure, la respiration de l'orthézienne eut un raté et le tête pivota vers l'arrière, voyant Thorvald revenir vers elle et la bousculer on ne peut plus volontairement d'un coup d'épaule lui arrachant un léger grognement douloureux, pensez donc une baraque danoise contre une engrossée béarnaise, bah outch.
Frottant toujours son bras, dextre vint se mettre en berceau sous son ventre, une grimace vite contenue passant fugacement sur son visage, un clignement de paupières plus tard, onyx suivaient la mise en place des pièces sur l'échiquier, mais le cavalier restait gisant au milieu des pions.

Aucune réponse n'avait été donné aux questions du Castral-Roc jusque là, parce que son ton pédant insupportait Eudoxie, parce que de toute évidence il n'en attendait pas non plus, et sa suffisance aurait fait vomir la béarnaise d'un rien, il était tout ce qu'elle avait imaginé sur son "trône", dégoulinant d'autosatisfaction, vaniteux, orgueilleux... écoeurant.
A la dernière question, la main gauche frottant son bras vint se poser sur l'arrondi haut de son ventre, et jetant un coup d'oeil à Morten, revint à Niels avec le port de tête enseigné dans ses tendres années, gardant son regard sur lui en prenant discrètement une grande inspiration pour se donner l'aplomb qui lui manquait.

En déduisant que je m'adresse à celui qui m'a invité ici même, faute de présentation en bonne et dû forme, je suis ici pour avoir répondu à votre invitation Messire de Castral-Roc.

Délaissant les pions à sa droite et sa gauche, la reine supposée du jeu s'avança de quelques pas en direction du roitelet, se rapprochant par la même occasion du cavalier allongé en centre de pièce.

Ceci étant dit, votre sens de l'hospitalité est assez... particulier, est-ce habituel chez vous de droguer une personne qui reste chez vous de son plein gré ?

Un pas de plus et sans quitter le regard clair porté sur elle depuis le trône, les genoux de l'orthézienne se plièrent pour s'agenouiller à hauteur de Morten, dextre délaissant son ventre pour se poser sur le dos du gisant dans une caresse indiquant au blessé sa présence.

Comptez-vous réellement le laisser mourir là ?

Quitte ou double. Ne pas s'être jeté pour secourir Morten alors que c'était son instinct premier, tenter de rester maître d'au moins quelques éléments, parler calmement... et si elle tentait... non pas maintenant garder ça dans sa manche au cas où.
Se relever, non sans peine et rester stoïque, sans un mot de plus, à son tour sous le chandelier, le visage de Niels se dessina plus clairement sous ses iris charbonneuses, duel de prunelles, l'ombre rencontrant la lumière, coloration des regards pouvant induire en erreur sur qui était l'un ou l'autre.



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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Les pions noirs avancent »


Il le savait déjà: elle avait de l’audace. Trop d’audace. Elle le lui montrait ce soir. Elle était imprudente. Les attentions d’avant la rencontre du roy de deniers n’avaient-ils pas porté fruit? Avait-il sous-dosé? Pourtant le corps inerte de Morten avait été un cadeau du ciel, un cadeau inespéré. Ce fat croyait-il vraiment qu’il n’avait pas été aperçu à guetter les Houx-rouges? A espionner les allers et venues? Lorsque Thorvald lui avait fait rapport des activités de Morten, Niels n’avait pas hésité un instant sur la marche à suivre: il voulait savoir ce que cherchait le valet d’épée. Il l’avait donc laissé aller à sa guise, agissant comme si de rien n’était. Son personnel entrait et sortait de l’hôtel de manière naturelle. A certains, ils demandaient d’utiliser une sortie dérobée dont Niels pariait qu’elle était connue de Morten. Les visites qu’il désirait garder réellement secrètes entraient et sortaient par un passage situé beaucoup plus loin de l’hôtel, quelque part du côté de Nôtre-Dame. Morten….Quel gâchis. Ainsi donc la séquestration de son frère n’avait servi à rien. Dommage… Oui. Dommage…mais lorsque l’on doutait de l’allégeance d’un agent double, mieux valait s’en séparer. Ce genre d’individus pouvait être très utile mais ici le risque sur sa fiabilité n’en valait plus la peine. Niels ne saurait sans doute jamais à qui Morten était réellement fidèle: à lui ou à Søren? Non, personne ne le saurait jamais.

Et elle? Son arrogance fit sourciller le roy de deniers. Visiblement il allait devoir utiliser certaines cartes dont il aurait aimé se passer. Après tout, il était lui aussi un homme de coeur…à sa façon.


- Présentation en bonne et due forme? Depuis quand une personne de mon rang doit se présenter à une du vôtre? Et si votre éducation chez un comte vous fait penser que vous avez le droit à une présentation de ma part alors où est donc votre révérence « Dame » Castera?

Peut-être avait-il été trop gentil? Peut-être était-elle trop sotte pour comprendre? Pourtant Søren ne semblait pas être de ceux qui mettent dans son lit une jeune écervelée bonne qu’à être sautée. L’attitude d’Eudoxie agaçait particulièrement le seigneur sur son trône et cela se sentait au ton de sa voix. Le blond ne prit même pas la peine de s’en cacher alors que la brune poursuivait sur le chemin de l’impudence.

- Pour quelqu’un de droguée, je vous trouve particulièrement vive d’esprit. Y’a t-il des hommes que je devrais punir ici ou avez-vous la constitution d’un boeuf? Sachez également qu’une dame de qualité aurait baissé la tête pour s’adresser à moi.

Le borgne à la droite de Niels perçut lui aussi l’agacement de son maître mais il n’en laissa rien filtrer. Agacer Niels ne menait jamais à de joyeuses festivités. Même lui ne prenait pas plaisir à exécuter les demandes de son seigneur en pareil moment. Morten…Morten. C’est Thorvald qui avait annoncé à Niels les actions suspectes du valet des épées. L’homme était revenu à Paris sans en faire mention. Il s’était installé en face des Houx-Rouges. Pensait-il réellement qu’il pouvait échapper à la surveillance de Niels? Pensait-il donc que sa seule source de renseignements était ses hommes de main? Thorvald ne discutait pas souvent les ordres de Niels. Pourtant, ce soir-là, il le fit inconsciemment en entendant le Roy de deniers lui demander de rouer sévèrement le valet des épées. Morten n’était-il pas son ami d’enfance? Un des six? Les bras croisés sur la poitrine, le borgne suivait la conversation, prêt à répondre aux désidératas de son Maître mais non, cette discussion ne lui disait rien qui vaille.

- Ce que je compte faire de Morten ne regarde que moi. Après tout n’est-il pas un de mes bons amis? Un ami d’enfance même.

Trois coups furent frappés à la porte. Thorvald tourna alors la tête vers Niels, le regard interrogateur. Une surprise? Le borgne se demandait qui pouvait bien toquer. Niels ne l’avait pas prévenu d’une visite supplémentaire. Le visage du roy exprima sa satisfaction lorsque ses yeux se portèrent sur son homme de mains. Même Thorvald devait comprendre qu’il n’était pas à l’abri d’une surprise de son maître. C’était ainsi que Niels concevait le pouvoir. Un hochement affirmatif suivi d’un hochement latéral de la tête et Thorvald comprit à son tour que cette interruption était planifiée et qu’elle faisait partie des plans de Niels. Il se dirigea vers la porte, fit tourner la clé dans la serrure. Entrèrent alors deux autre blonds à la carrure à peine moins imposante que celle du borgne. Niels reprit alors la parole en s’adressant à Eudoxie.

- « Dame » Castera…Puisque présentation vous demandez, voici Sven Poulsen et Jørgen Janssen. J’imagine que ces noms ne vous sont pas inconnus n’est-ce pas? Søren a dû vous en parler. Oh…et comment va t-il à ce propos? Vous savez que cela fait longtemps que nous ne sommes vus en….face à face? Thorvald

Niels, Morten, Sven, Jørgen. Quatre. Ils étaient désormais quatre sur six présents dans cette salle. Les retrouvailles des vieux amis étaient sur la bonne voie: n’en restait plus que deux. Niels se renfonça dans son siège de pierre, satisfait de pouvoir à nouveau reprendre le contrôle de l’échiquier. Si Eudoxie avait montré quelques velléités en entrant dans la salle, nul doute désormais dans l’esprit du maitre des lieux qu’elle céderait dans les instants suivants. Le regard du Roy ne se détourna même pas de la brune alors qu’il s’adressait à son homme de main.

- Voudrais-tu procéder aux…présentations suivantes…puisque les présentations sont si importantes aux yeux de notre invité? Hum?

Le borgne hésita un instant, encore décontenancé par l’arrivée des numéros III et V qui étaient venus prendre place aux pieds de l’escaliers, de part et d’autre de Niels. Il gravit les quelques marches, s’empara du panier d’osier situé au pied de Niels, jeta un dernier regard vers le roy de deniers qui ne bougea pas d’un cil et se dirigea enfin vers Eudoxie. Niels affichait un air satisfait, de ceux qui savent que son attention envers son hôte allait donner l’effet escompté. Face à Eudoxie, Thorvald baissa légèrement le panier à hauteur de son buste et le lui tendit. Les paupières du maître se plissèrent, les lèvres s’étirèrent sobrement. L’homme appréciait la situation présente.

- Une petite réunion entre amis: voilà à quoi vous êtes conviée. Ouvrez.

Il avait dit cette phrase sur un ton presque amical, rassurant. Au centre de la pièce, aux pieds de la béarnaise, le valet des épées n’avait toujours pas bougé le petit doigt.

- Ouvrez! Cela vous concerne…au premier plan!

Cette fois, le ton était celui de l’homme qui dirigeait, à qui personne ne s’opposait. Ce que Niels voulait, Niels obtenait.

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Eudoxie_
Où serait le mérite, si les héros n’avaient jamais peur ? (Daudet)

Mouche ? Touche ? Outch...

"Salle du trône des Houx Rouges"


Mouche, sans même le vouloir la petite brune avait fait mouche et piqué au vif l'orgueil du Castral-Roc qui du haut de son promontoire avait commencé à déverser son fiel sur la béarnaise, on y était... les masques tombaient.
Fini le paraître place à l'être et à l'abject, et dans sa perte de contrôle le blond vaniteux laissait filtrer bien plus d'informations qu'il ne le pensait, ainsi donc il avait été fouiller un passé que bien peu connaissait d'Eudoxie, pas même Soren jusqu'à assez récemment.

Si le blond qui se voulait supérieur à la petite brune avait été si malin à découvrir son passé, et surtout si il s'était donné tant de peine à le trouver, c'est que d'une manière ou d'une autre elle était une menace pour lui... laquelle restait à définir.
Eud avait bien des défauts, la curiosité étant la première, l'emportement pouvant en être une autre, l'amour des siens contre vent et marées aussi à certains points de vue, c'est ce qui l'avait mené ici, mais certaines qualités pouvaient pallier à ça.

Si la colère était mauvaise conseillère, elle était aussi un afflux d'énergie inépuisable, si la curiosité pouvait l'emmener là où il aurait mieux valu qu'elle n'aille pas, elle lui offrait aussi une capacité d'analyse et de déduction aiguisée, si l'amour des siens pouvait la mettre ans des situations dangereuses, il lui procurait une détermination et un aplomb insoupçonnable.
Eudoxie était pétrie de peur, l'esprit affuté encore embrumé, pas assez à priori au gout du danois, mais elle aussi avait en sa possession des éléments sur lui, elle aussi avait des cartes dans ses manches dont il ignorait tout, et Niels avait commis un impair en se comportant ainsi avec Morten, ce qui montrait que ses renseignements sur elle étaient... incomplets...

Les coups portés à la porte firent sursauter l'orthézienne qui grimaça de nouveau d'une douleur perfide sans prendre le temps de le camoufler sous l'effet de surprise en formant un berceau de ses mains sous son ventre, son attention fut captée par la réaction de Thorvald qui eu l'air tout aussi surpris qu'elle... ainsi donc le borgne n'était pas dans les confidences du roitelet.
Lorsqu'il se dirigea pour ouvrir, les perles noires suivirent le mouvement de la tête et deux baraques blondes, comme c'était étonnant, s'introduisirent pour rejoindre le roitelet et son trône avant que les présentations ne soient faites, son regard inquiet se portant alors sur le gisant dont le sang sous la blessure ne cessait de s'étendre.

Effectivement...

Pas un mot sur la bile qu'il avait déversé auparavant, réponse lui serait faite quand il cesserait de se satisfaire de s'entendre parler posant des questions sans laisser temps de la réponse, quand il aurait tout simplement un réel intérêt à en obtenir une.
Le regard noir de l'inénarrable couru de Jorgen à Sven en passant par Niels avant de se baisser de nouveau sur Morten, il en manquait deux... Thomas qu'elle ne connaissait pas et Soren qui supposément ici selon le valet d'épée n'avait toujours pas montrer le bout de son nez.

Il se portait bien. Je pens...

La phrase se figea quand Niels l'interrompit tout simplement, se moquant comme elle le pensait de la réponse pour invectiver le borgne parlant de présentation, comment d'une simple remarque sans intérêt cet être abject faisait tout un plat la rendait malade, mais grand bien lui fasse si ça le faisait jubiler.
En revanche, le panier d'osier que Thorvald venait de lui tendre alors que le roitelet avait parlé de "présentations" ne lui disait rien qui vaille et le regard qu'elle adressa au borgne en délestant son ventre de la dextre pour venir la poser sur l'ouverture close avait sans doute trahi ce sentiment.

Ouvrir ou non ? Répondre à sa demande ou pas ? Analyser la situation en un temps record et sentir ses tempes se mettre à tambouriner à l'en faire devenir folle, elle connaissait l'histoire de la femme qui avait connu les premières ardeurs d'homme de Soren.
Niels aussi la connaissait puisqu'il était là ce soir là, besognant les serveuses avec ou sans leur consentement pendant que son danois se faisait déniaiser à l'étage, puisqu'il était là le lendemain au matin quand son oncle avait offert un panier comme celui-ci contenant la tête de la pauvresse à Soren.

Son oncle lui avait dit avoir réglé une erreur : un noble ne se vide pas dans une paysanne, pas de bâtard, pas de descendance indigne, pas de... un frisson remonta alors l'épine dorsale de la béarnaise pour venir mourir sur sa nuque comme la morsure d'un prédateur sur sa proie. Elle était cette roturière portant une descendance indigne... une erreur à régler.
Eudoxie savait Niels à la botte de Lars Eriksen, ce n'était un secret pour personne et l'image qui passa devant les yeux de la bestiole, provoqua un haut le coeur qui lui fit porter senestre devant la bouche, pendant que dextre posée au panier repoussait l'innommable en reculant d'un pas, retenant tout juste de vomir.

Elle en était maintenant persuadée ce panier contenait une tête... la respiration s'était faite plus courte et intense, la tête penchée vers le sol n'offrant à sa vue que Morten en train de se vider de son sang et de mourir à ses cotés sans qu'elle n'y puisse rien.
Seul réconfort face à tout ça ne pas avoir rendu le contenu de son estomac de justesse, Eud ne voyait pas Niels, le regard rivé vers le dallage sombre de la pièce, découvrant les dessins qui y étaient inscrits, mais elle pouvait lui deviner un sourire de satisfaction à la réaction qu'elle venait d'avoir, elle en était certaine.

Reprenant un semblant de contenance, longs doigts fins massant doucement sa tempe quelques secondes, une longue inspiration fut prise et la robe, dont la clarté rose était maculée de sang, fur réajustée et lissée sur son ventre arrondi, alors qu'elle se reprenait.
Avancer ou rester en retrait, d'où qu'elle tournait la tête, un mastodonte blond se tenait là... derrière elle, de chaque coté du trône, juste devant elle avec le borgne, il n'y avait que Niels qui semblait moins imposant et sur l'instant, mains soutenant son ventre une seule phrase réussie à franchir le seuil de ses lèvres.

Qu'est-ce que vous attendez de moi Niels...

Le fantôme de sa mère, Morten entre vie et trépas, l'esprit encore embrumé par les drogues, le sang sur ses mains, sur sa robe, le lieu, l'ambiance, l'endroit, les douleurs invisibles, ce panier...
Et un absent, cruellement absent... la crainte, l'ombre de son regard posé sur cet osier, suspicion qu'elle ne voulait formuler et qui lui faisait perdre à cet instant précis une partie de l'aplomb qu'elle voulait conserver.





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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Les pions noirs avancent »



Le visage m’exprima aucun changement de son humeur et pourtant Niels jubilait. Il avait ce qu’il voulait. La volonté d’Eudoxie avait cédé. Le poisson était prêt à être sorti de l’eau. Il suffisait simplement de le ramener hors de l’eau et de le laisser frétiller sur la grève, s’assurer qu’il ne replongera pas, ne regagnera pas l’eau d’un battement de caudale. Lorsque Thorvald se retourna vers son maître pour quérir de nouveaux ordres, le roy de deniers n’eut qu’un frémissement de cils à l’égard de son homme de main. Celui-ci fut suffisant pour qu’ils se comprennent et le borgne tourna les talons pour venir redéposer le macabre panier d’osier aux pieds de son seigneur, là où il l’avait pris quelques instants auparavant. Niels n’eut pas un regard pour son âme damnée, ses prunelles toujours figées sur l’implorante. Implorante oui. C’est ainsi qu’il la percevait. Le coude posé sur le bras du fauteuil de pierre, le pouce et l’index senestres formant un V autour de son menton, il attendait le moment propice pour reprendre la parole. Sans détourner le regard, ce fut aux chiens de Thorvald qu’il s’adressa.

- Occupez-vous du valet des épées. Qu’il ne meure pas puisque c’est le désir de notre… « invitée ».

Un silence marqua le discours du danois pendant que les hommes de Thorvald se penchèrent vers Morten pour stabiliser son hémorragie, laissant Niels totalement desintéressé par ce qui se passait à ses pieds.

- Voyez? Je récompense toujours ceux qui me servent bien. Je tiens parole. Soyez-en certaine. Votre choix de soigner Morten en priorité est…surprenant. Oui: surprenant. Malgré sa belle gueule, l’homme est maudit avec les femmes. Cela ne m’étonnerait d’ailleurs pas qu’il soit encore niais. A moins bien sûr qu’il y ait des choses qui aient échappé à mes hommes…Ce qui expliquerait peut-être que l’homme ait eut votre préférence. J’en serais navré. Oui. Navré.

Il n’en pensait pas un mot et pourtant s’il en avait été ainsi, cela aurait grandement perturbé ses plans. Cela les aurait même annihilé.Niels avait jaugé Eudoxie sur ce que ses hommes lui avait donné comme rapport, sur les lettres qu’il avait échangé avec elle. Quand bien même ses sentiments oscilleraient, elle ne sacrifierait pas un ami. C’est cela qu’il avait appris sur elle. Et puis, la rencontre entre Eudoxie et Morten était du jour à en croire les rapports de Thorvald. Alors, à moins d’un coup de foudre…Il n’empêchait que cette demande le surprenait.

La flaque de sang de Morten s’était répandue sur le sol. Pour les esprits à l’imagination fertile, on aurait dit qu’une séance de sorcellerie avait eu lieu dans cette place, qu’un sacrifice avait été réalisé sur un pentacle kabbalistique. Les cheveux de Morten étaient trempés de son propre liquide vital, poisseux. Son teint était livide, ses paupières closes. L’homme n’avait pas repris connaissance mais il était encore en vie. Pendant que Niels parlait, deus hommes maintenaient la blessure fermée pendant qu’un troisième chauffait sa lame au dessus d’une des torches qui éclairait la pièce.


- Oubliez Morten! Il n’a toujours été qu’un valet, un serviteur. Le sang qui s’écoule sur ce sol n’a rien de noble…ou si peu…qu’il n’en vaut pas la peine. Sans moi, sans l’appui de mon père à sa famille, Morten ne serait qu’un nobliaux de campagne à peine plus aisé que les paysans qu’il administre. L’aimer ne vous apporterait ni richesse, ni titre, ni gloire. Et je serais prêt à parier qu’il est un piètre amant. Juste une jolie façade. Voilà ce qu’il est. Une jolie façade et un idiot qui ne sait pas reconnaître ceux qu’il a intérêt à servir.

Le plat du poignard danois fut alors appliqué sur la plaie de Morten. Alors que deux gardes maintenaient solidement le corps dans leurs bras, le troisième cautérisa l’entaille laissée par un poignard danois. La chair humaine grésilla, des volutes de fumée blanche tournèrent en spirale dans les airs au dessus du chandelier accroché au plafond, un odeur de porc brulé empli l’atmosphère de la place. Le corps de Morten fut traversé de plusieurs spasmes dans les bras des hommes de Thorvald puis retomba de nouveau inerte. Niels s’éventa le nez pour chasser les relents de lard grillé qui l’incommodaient. Le flot de sang qui s’écoulait de la cuisse de Morten s’était tari. Les médecins improvisés reposèrent leur patient dans la flaque rouge, dos au sol, face vers le plafond. De la tête, Thorvald leur fit signe de quitter la salle pour aller se nettoyer. Après tout, puisque Sven et Jørgen étaient présents dans la salle, il n’avait plus besoin de ces trois-là.

- Passons aux choses sérieuses maintenant que j’ai accédé à votre désir. Thorvald, voudrais-tu déballer la deuxième surprise que nous avons pour dame « Castera ». Qui sait? Peut-être qu’elle ne refusera point celle-ci?

Le borgne décroisa les bras de sa poitrine et longea les murs. Il passa derrière Eudoxie et se dirigea vers l’un des rideaux situé au fond de la pièce. Niels reprit la parole, toujours aussi calmement.

- Vous allez désormais comprendre pourquoi je vous ai fait venir, ce que j’attends de vous. Thorvald? Rideau!

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Eudoxie_
La peur est bien souvent engendrée par l’ignorance. (Anthony Colin)

Haine ? Espérance ? Crainte...

"Salle du trône des Houx Rouges"


Le borgne avait rejoint son maître plus vite qu'une couleuvre qui s'échappe pour aller se planquer dans un buisson, pas même un battement de cil, ou à peine de la part de Niels qui au final, au grand étonnement de la petite brune qui ne l'espérait même plus, ordonna de soigner Morten parce que "c'était son désir".
La façon qu'il eut de souligner l'invitée ne fut pas pour plaire à Eudoxie, invitée d'un genre tout à fait particulier, volontaire en ce lieu mais contrainte en même temps, pourtant se fut un signe de tête reconnaissant et respectueux qui fut adressé au blond afin de le remercier de sa mansuétude et d'accéder à sa demande qu'elle n'avait au final pas vraiment formulée.

Se décalant pour laisser les hommes de main de Thorvald œuvrer, un pas fut fait en direction du Castral-Roc, conscient ou non, mais la proie avait progressé vers le prédateur, tant physiquement que mentalement peut-être, en tout cas à cet instant précis, une envie de croire qu'un homme qui avait été ami avec son danois, qui lui portait toujours affection quoi qu'il en dise, ne pouvait pas être aussi mauvais.
Et avec attention la petite brune écoutait le discours de son "hôte" sans forcément parvenir à comprendre les détours retords que celui-ci pouvait emprunter parfois sur des suppositions qui n'avaient guère d'importance pour Eud quant aux compétences amoureuses de Morten.

Était-il en train d'insinuer que… Non c'était impossible à moins que ces espions ne soient que de sombres crétins incapables de faire la différence entre un danois et un autre, quoique… toujours faut-il qu'au lieu d'offusquer la bestiole, cela l'aurait plutôt amusée de la stupidité de cette supposition, démontrant à quel point Niels avait été mal informée sur son compte.
Il récompensait, ce qui laissait à supposer qu'Eudoxie ait pu avoir raison sur le double jeu de Morten, mais vu son état actuel… si tel était le cas sans doute le regretterait-il amèrement. Regard reporté sur Niels, la béarnaise tenta de jauger s’il était si mauvais que ça, dans sa tête il l'avait toujours été et pourtant… Soren continuait à lui vouer une certaine affection, elle le savait, alors croire toujours et encore, éternelle optimiste envers et contre tout.

Illusion vite perdue malgré les propos tenus par son hôte alors que dextre vint étouffer un cri d’effroi en apercevant la scène de soins apportée au valet d'épée, regard allant d'un danois gisant à un danois indifférent, comment pouvait-il infliger ça à un des siens… le dédain qui suivit dans le discours sur Morten alors que sa peau brulait fut éloquent.
Cet homme était dépourvu d'âme, de tous sentiments, seule la haine gouvernait à son corps, et lorsque les hommes quittèrent la pièce laissant Morten inerte dans son sang la face livide, un mouvement vers lui fut contenu, stoppé dans son élan en entendant Niels évoquer des "choses sérieuses" et une surprise, sans aucun doute la notion de surprise d'Eud devait différer de la sienne.

Sans un mot, les perles noires suivirent Thorvald qui devait dévoiler la "surprise" du maître des lieux, et d'instinct le corps pivota pour apercevoir ce qu'il faisait jusqu'au bout, remarquant alors la masses sombre du rideau évoqué par son hôte et cette fois… il ne lui laissait pas le choix de la découverte.
Inquiète, une main en berceau sous son ventre qui la tiraillait et l'autre le caressant dans un geste d'auto-réconfort, les onyx ne pouvaient se détacher de ce borgne, qui déjà œuvrait à s'emparer de l'étoffe, le regard de la brune se fermant un instant en imaginant mille et une options de ce que cachait ce linge.

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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Échec »



Rideau oui! Thorvald tira sur les deux pans du tissu, découvrant derrière lui une cage de métal à laquelle deux poignets étaient attachés sur la grille du haut. Le borgne se retourna alors vers Eudoxie, la toisa l’espace d’un instant. Puis il jeta un regard dans la direction de Niels et s’écarta sans rien ajouter, se postant sur le côté pour que la béarnaise puisse découvrir le spectacle offert par le maître de deniers. Les bras en croix, la tête pendante, les yeux luttant pour ne pas se fermer, Søren avait les chevilles et les poignets attachés par une chaîne de métal aux barreaux de la cage. Torse nu, Il dodelinait de la tête, la bouche ouverte à la recherche d’une bouffée d’air salvatrice. Des coulisses de boue maculaient son torse et son visage. Les cheveux sales et poisseux de sueur avaient perdu de leur superbe Eriksen.

- J’ai demandé à mes hommes de partir à la chasse aux rats dans les souterrains des Houx-Rouges et voyez ce qu’ils me rapportent. Étonnant n’est-ce pas?

Niels s’était levé. Il avait descendu les marches de son piédestal avec une lenteur agaçante et s’était rapproché de Thorvald et de la prison de Søren. Même le bruit de sa botte sur la pierre de la salle avait quelque chose de lugubre. Il se posta sur le côté afin qu’Eudoxie puisse profiter elle-aussi du spectacle.

- Seurn Eriksen…

Il avait volontairement omis le MacFadyen. Lui ne concevait pas qu’un danois puisse mêler son sang avec celui d’un autre peuple. Il avait connu Søren comme étant Eriksen. Le reste n’avait aucune importance à ses yeux. Sa visite à Sarlat sur l’île néo-calédonnienne de Brygh avait fini de le convaincre que les scots n’étaient que des rustres sans aucun intérêt: même leurs donzelles brayaient pour rien. Niels pencha la tête vers celui qui avait été son ami d’enfance. Le silence reprit ses droits dans la pièce. Un instant, les souvenirs affluèrent chez le roy de deniers: ceux de l’insouciance, d’enfants qui devenaient des hommes, ceux où ils refaisaient le monde à leur image. Oui, ils auraient pu le façonner à leur volonté. A six, ils auraient unis le Danemark puis toute la Scandinavie. A l’union de Kalmar aurait succédé l’union d’Helsingør: islandais, norvégiens, suédois et danois unis pour faire revivre la grandeur passée. Le peuple suit les hommes forts. Ils les auraient suivis eux. Après la Scandinavie, c’est tout l’occident qui aurait ployé genoux devant eux. Si seulement les autres l’avaient écouté lui. Si tous l’avaient écouté…

- Et voilà. Nous sommes tous réunis. Ne manque que Thomas…

Sa voix s’atténua. Le regard se détourna du prisonnier et s’ancra au hasard dans une faille du mur près de la porte d’entrée. Une once de nostalgie passa dans son regard l’espace d’un instant.

- … qui est sans doute mort. Personne n’a plus jamais eu de nouvelles depuis son départ d’Helsingør.

Moment de faiblesse. Thorvald écoutait les paroles de son maître et se demanda alors si les prescriptions du médecin personnel de son maître n’avaient pas des effets néfastes sur celui-ci. Non seulement, cela n’avait pas l’air de le guérir mais en plus les potions ingurgitées semblaient avoir prise sur l’humeur du roy de deniers…et pas dans le bon sens du terme. Non, le borgne n’aima pas du tout ce qu’il lut alors dans les prunelles de son maître mais signaler à Niels, même subtilement, qu’il devait se ressaisir c’était courir vers les ennuis: on ne dit pas à un danois qu’il peut avoir des moments de faiblesse, à Niels moins qu’à tout autre. Ce dernier se reprit alors de lui-même, chassa ses pensées par un clignement de cils et tourna ses yeux vers Eudoxie.

- Vous croyez que je suis un monstre n’est-ce pas?

Thorvald sourcilla. Niels regretta aussitôt la phrase qu’il venait de prononcer. Il détourna aussitôt la conversation et resserra son emprise sur ses pensées.

- Comprenez-vous pourquoi j’ai été surpris de votre désir à vouloir soigner Morten? J’octroie ma mansuétude graine par graine et vous avez préféré l’utiliser pour un inconnu plutôt que pour…lui!

Il tourna la tête vers Søren, levant le bras pour le désigner à la brune

- Certes son sort est un peu plus enviable que celui du valet des épées. Je le reconnais…mais dans notre monde, les choses changent à une telle vitesse qu’il est audacieux de ne pas prendre quelques précautions élémentaires, ne pensez-vous pas?

Il joignit alors ses mains dans son dos et son visage s’éclaira d’un sentiment de puissance. La vague de doute était passée. Il était de nouveau le Niels impérial, celui que son éducation avait forgé. Ses pas résonnèrent dans la salle alors qu’il vint prendre place devant Sven et Jørgen. Dos à son invitée, Il lui offrit un hochement de tête amical à l’un comme à l’autre et se retourna ensuite vers la béarnaise pour s’adresser à elle.

- Si Seurn m’avait écouté…. Ah! Si Seurn m’avait écouté. Il n’en serait pas là. Nous serions sans doute tous à siéger sur nos trônes respectifs, chacun dans un royaume d’occident. Nous dominerions le monde parce que nous avons le talent pour ça, parce que nous en avons la capacité, que nous avons été formé à ça, parce qu’il faut un certain charisme pour diriger. Oui, nous avions tout ça. Nous étions unis et tant que cela perdurait rien ne pouvait nous arriver.

Il avait l’air sincère dans ses paroles. Exalté? Il l’était oui: intérieurement. Il pensait ce qu’il disait et cela se sentait dans le débit et le ton de ses paroles. Ses yeux se plissèrent pour marquer la détermination qui l’animait alors qu’il ajouta:

- Et même si désormais nous sommes séparés, que nous avons pris chacun des directions différentes, il serait fol de renoncer parce que nous avons encore certaines cartes en main. Vous vous demandez pourquoi vous êtes ici Eudoxie? Eh bien je vais vous le dire: Seurn connait un secret que je désire, un secret qu’il m’a volé, ici, aux Houx-Rouges. A vous de le convaincre de me le partager: dans son intérêt, dans le vôtre…et oui, aussi dans le mien.

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Eudoxie_
Chaque expérience où vous vous arrêtez vraiment pour regarder la peur bien en face augmente votre force, votre courage et votre confiance. Vous devez faire la chose que vous n’êtes pas capable de faire. (Eleanor Roosevelt )

Roy ? Roy ? Reyne…

"Salle du trône des Houx Rouges"


Paupières closes et ne pas vouloir ouvrir les yeux en entendant l’étoffe bouger, ne pas vouloir découvrir quelle option se trouvait derrière ce rideau, entendre les bottes de Thorvald battre le sol et ne rien percevoir de ce qui se trouvait là de cette surprise.
Vouloir encore tenir en échec le Roy de deniers quant à son choix d’accepter ou non la surprise et l’entendre parler, cette voix qui lui hérissait le poil en caressant son ventre, le maître des lieux n’ayant nulle faculté de savoir que non… elle ne voyait pas ce que ses hommes avaient rapportés.

Un léger déplacement d’air auprès d’elle, fugace, rapide, dans un martèlement du dallage sombre lui fit ouvrir les yeux comprenant que l’infâme se trouvait tout proche, perles obsidiennes découvrant alors le spectacle offert au moment où Niels prononçait le nom de son captif… de sa surprise.
Un, deux… peut-être même trois ratés comprimèrent la poitrine de la béarnaise dans lequel son cœur venait de cesser de battre l’espace d’un moment, les enfers s’ouvraient sous elle alors que son regard ne pouvait se détacher de son danois enchainé.

SEURN !!!

De superbe il n’y avait plus, il aurait pu sortir d’un tournoi de deux jours en Helvétie que son état n’aurait pas été plus net, et la bestiole savait de quoi elle parlait en pensant cela, mais comment et pourquoi se trouvait-il là et comment l’en sortir.
Comment ses jambes la portaient encore, comment son corps supportait tout ça, comment elle avait fait pour ne pas se jeter sur cette cage, comment ses mains n’étaient pas déjà autour de la gorge de Niels, tout ça et plus encore relevait du domaine du mystère.

Il déblatérait encore et toujours, parlant de Thomas, d’une mort potentielle, alors à qui était la tête dans le panier car Eudoxie était persuadée de ce qu’il y en avait une, et en même temps l’orthézienne s’en contrefoutait mais royalement sur l’instant de Pierre, Paul ou Jacques.
La question qu’il posa avant de se raviser était une réponse en elle-même, il ne faisait là qu’un constat de ce qu’il était, de ce qu’il voulait être, de qu’il montrait à tous, avait-il soudainement un sursaut de lucidité ? Mais bien sur là non plus une réponse n’était pas attendu.

Il jubilait avec cet air de suffisance ancré sur ce visage qu’elle aurait voulu effacer d’une gifle, d’un crachat, de…. Le lutin dans sa tête qui martyrisait son crâne et ses tempes s’en donnait à cœur joie alors que les mots du Castral-Roc résonnaient dans la pièce.
Dextre délaissant son ventre pour venir masser le flanc haut de son visage, tenter de soulager cette souffrance, ne pas devenir folle, ne pas… garder la tête froide, mais bon sang qui était donc capable de ça dans telle situation.

Il ne devait pas être là…

Plus un murmure qu’une phrase audible alors qu’un regard se portait sur Morten repensant à ses mots, la chasse aux rats avait-elle attrapée deux spécimens blonds dont l’un c’était joué d’elle, non… Elle ne voulait le croire et laissant le Castral-Roc faire son cinéma et raconter ses délires de domination, le ciel du regard faible de son danois passa un court instant dans les ténèbres du sien.
Niels avait fini sa tirade, sur le monde à ses pieds quand Eudoxie se tourna pour lui faire face, le iris charbonneuses se figeant sur lui en avançant doucement en direction du trône alors qu’il lui expliquait pourquoi elle se trouvait ici avec exactitude.

Une pièce de l’échiquier…

A peine plus de trois pas séparaient maintenant Eudoxie de Niels, la tête légèrement relevée pour pouvoir fixer son regard au sien, car si la carrure était plus fluette que ses « amis d’enfance », la taille en revanche restait celle d’un « géant » danois.
La respiration était courte, essoufflée, comme souvent depuis qu’elle était entrée dans son dernier trimestre, à la moindre émotion, au moindre effort, et sans que personne ne le voit venir, mue par quelque chose de plus fort qu’elle, main droite s’élança avec force pour faire disparaître ce petit sourire d’autosatisfaction et de toute puissance.

Le bruit de l’impact de la dextre sur la joue danoise retentit dans la pièce, résonnant sur les murs sombres dans un écho lugubre, laissant place à un silence assourdissant alors que phalanges repliées sur le retour tentaient de lacérer la peau sous ses doigts.
Le calme de la bestiole était en total contraste avec ce qu’elle venait de faire, un acte inconsidéré, inattendu et sorti de dieu seul savait où avant que sa voix ne se fasse entendre.

Détachez-le… tout de suite…

Le ton était froid, glacial, déterminé, qui connaissait la bestiole aurait sans doute jurer qu’il s’agissait là d’une autre personne, d’une entité différente de la béarnaise, un dédoublement de cette petite brune si gentille et douce d’ordinaire.
Avait-elle perdu la raison ? C’était une probabilité pour oser lever la main sur son geôlier. L’avait-il poussé à bout pour que cela arrive ? Raison perdue, folie installée, esprit embrumé, peut-être un peu tout ça oui et il en était la cause.

Mais le sang encore frais de Morten sur la main qui venait de s’abattre sur lui et dont le carmin imprégné désormais la joue du maître des lieux, dénotait une erreur de calcul, la pire qui soit…
Toucher une des personnes pour qui Eud aurait tout fait, et pas n’importe laquelle, « Lui » pour qui elle donnerait sa vie, alors finit la gentille Eudoxie, celle en face de lui était capable de tout.

Niels voulait jouer une partie ? Que les pions noirs avancent…
La Reine entre dans la danse et le Roy de Deniers prend une tance !!!

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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Petit roque : on échange les places »



Il avait à peine réagi lorsqu’elle découvrit son blond attaché aux barreaux de la prison de métal. A peine avait-il esquissé un sourire de satisfaction qui s’était rapidement délié pour reprendre cette même mine dominateur d’avant le lever de rideau. Le roy de deniers dosait. Il ne cherchait pas à humilier, à détruire mais simplement aliéner la volonté de la béarnaise à ses désirs. Quelle différence me direz-vous? Pour ceux qui connaissaient Niels, il y en avait une énorme, aussi primordiale que celle entre la vie et la mort. Depuis le début de cette affaire, il avait donné la consigne à ses hommes de ne pas s’en prendre à l’intégrité physique de la béarnaise, quelles que soient les situations. C’était encore vrai ce soir-là. Eudoxie l’avait dit: elle était une pièce de l’échiquier qu’il mettait en place, une pièce qui devait connaître son rôle et s’y tenir. La ramener dans le droit chemin, lui montrer les choses comme lui le voyait, comme elle devait le voir elle aussi. Regrouper les moutons rétifs derrière le berger, voilà ce à quoi il s’attachait ce soir-là. Mais pour cela, il fallait que le berger des Pyrénées soit lui aussi bien dressé.

Manifestement, la vue de Søren captif avait eu plus d’effets sur la brune que le panier qu’elle avait repoussé. Les pions se rapprochaient de la Reyne blanche. La soirée se déroulait comme il l’avait prévu. Après tout, peut-être avait-il sous-estimé la force de caractère de sa captive? Søren l’avait déstabilisé plus encore que Morten, que le panier d’osier. En cet instant, Niels aurait aimé pouvoir lire les sentiments qu’elle tentait de masquer. Il s’abreuvait de ce qu’elle montrait mais il en voulait plus. Il voulait gouter à cette volonté qui s’effritait peu à peu, à cette glissade inexorable vers les abysses du désespoir. Søren était sa faiblesse comme il l’avait prévu. Le balancier penchait tranquillement de son côté. « Viens à moi petit oiseau, écarte tes ailes que je les cloue sur ma porte et tu sauras qui tu dois servir. »

Tout à ces réflexions, il l’avait laissé avancer vers lui. Thorvald l’avait suivi du regard sans bouger, Jørgen et Sven souriaient de satisfaction. Ils étaient les témoins de l’accomplissement des volontés de Niels, cet ami d’enfance pour lequel ils avaient pris fait et cause. Le geste désespéré d’Eudoxie les prit tous de court. Le visage du Roy de deniers se figea en un masque de surprise. Sven en eut le soufflé coupé, Jørgen la bouche ouverte. Thorvald porta instantanément la main sur la garde de son poignard. Cela ne dura qu’un instant, un de ceux pendant lesquels l’éternité semblait s’être cristallisée. Le regard de Niels croisa brièvement celui d’Eudoxie et une onde de haine passa les deux. La vague submergea tous les autres sentiments que ressentait le maître des lieux à l’instant présent puis elle se retira aussi rapidement qu’elle était venue. Jørgen fut le premier à réagir. Il s’empara du bras droit vengeur d’Eudoxie et le tordit pour l’amener dans son dos. Sven suivit peu après et fit de même avec la senestre. Sans égard pour la grossesse de la béarnaise ils l’obligèrent à ployer le genou devant celui qu’elle venait d’outrager. Jørgen, le visage fermé par la détermination et une volonté de faire payer cet affront, poussa la tête d’Eudoxie vers le bas, la maintenant pour éviter qu’elle ne se relève.

Niels porta la main gauche à sa joue rougie par le geste inconsidéré de la brune et observa le sang qui la maculait. Il serra la mâchoire et baissa la tête vers son agresseur. Une colère sourde lui battait les tympans. Elle avait osé le frapper. Elle s’était rebellée contre son autorité. La main levée, il frotta la paume du pouce contre celle du majeur, asséchant ainsi le liquide carmin qui les souillait.


- Futile. puéril…. Relevez-là!

Le ton impérieux avec lequel il s’était exprimé trahissait l’ire que la folie d’Eudoxie avait fait naître en lui. Lorsque ses hommes relevèrent la béarnaise, Niels lui jeta un regard méprisant.

- Êtes-vous de ces fous qui préfèrent se battre jusqu’à la mort dans une cause perdue plutôt que de reculer et d’affronter l’ennemi en meilleure position?

Il n’attendit aucune réponse de sa part. Sa main vola subitement, frappa la joue de la prisonnière. Ses phalanges claquèrent de manière sèche contre le visage d’Eudoxie. [i]

- Estimez-vous heureuse que je me contente de cela.

[i]Cette gifle lui avait servi d’exutoire. Elle lui permit d’évacuer le trop-plein de pression qui menaçait de le submerger. Certains auraient sans doute prétendu qu’il n’y avait aucun honneur à ce que deux géants maitrisent une femme enceinte pour qu’un troisième puisse la gifler. Niels s’en contrefichait. Elle devait s’estimer heureuse de s’en sortir à aussi bon compte. Ce geste était navrant, stupide, désolant, inutile. Niels se saisit du haut de la robe de sa prisonnière, la froissant dans sa poigne. Il la toisa de près. Les mâchoires serrées, les yeux perçants, il abusait de sa situation dominante pour lui imposer ce face-à-face.


- Cessez donc de vous comporter en gamine effrontée ou je vous assure que vous et votre enfant le regretterez.

Les numéros trois et cinq ne relâchèrent pas leur emprise sur la béarnaise alors que le roy de deniers attirait la brune à lui. Dans son coin, Thorvald assistait à la scène sans intervenir. Il se demandait comment tout cela allait finir. Personne dans la salle n’osait interrompre Niels.

- Seurn m’a volé un secret, ici même, il y a quelques années… Ce secret, c’est celui du logion XVII d’Aristote. Oui! Le logion illisible. Il détient des informations sur le contenu de ce logion. Convainquez-le de me rendre ce qu’il m’a pris. Convainquez-le de partager ses connaissances avec moi et je serais bon joueur. En décryptant le logion XVII, nous aurons entre nos mains la puissance du Très-Haut. Rien ne pourra s’opposer à nous. Nous dominerons le monde comme nous l’avions imaginé et il est assez vaste pour nous cinq. Si Seurn me prête allégeance alors même lui aura la part qui lui revient, par égard à notre amitié. Je serais empereur. Il sera roy et vous deviendrez…la reyne de coupes.

Le Roy noir avait parlé. Il avait étalé ses ambitions devant la reyne blanche. Les jeux étaient faits. Alae jacta est. Les dés étaient lancés. Il restait à voir sur quelles faces ils s’arrêteraient.

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Eudoxie_
Dans tous les cas, l’espérance mène plus loin que la crainte. (Ernst Jünge)

Tu me tiens ? Je te tiens? Et après…

"Salle du trône des Houx Rouges"


La colère est mauvaise conseillère... oui oui elle le savait la béarnaise, elle se retrouvait aux Houx-Rouges à cause de ça sur une impulsion colérique, dans l'antre du Sans-Nom, ah non fadaise, celui-ci avait un nom Niels de Castral-Roc, mais le reste en revanche...
Aussi perfide, vil, manipulateur et.... vous aurez saisi l'idée, il n'avait rien à envier à l'antéchrist et sans doute une place l'attendait tout droit à ses cotés, si seulement quelqu'un pouvait lui ouvrir la porte et l'y envoyait d'un grand coup de pied dans le fondement.

Mais pour l'instant, le dernier mauvais conseil de dame colère lui valait de se retrouver les genoux meurtris d'avoir été poussée à terre puis relevée sans ménagement, et les bras torturés d'être retenus tordus dans son dos par deux géants danois dont un seul aurait suffit à la maintenir, et de loin.
Le retour de manivelle, non pas de celle qu'on tourne mais de celle qu'on se prend en pleine tronche, ne se fit pas attendre après le sifflement haineux du roy de pacotille touché dans son orgueil de s'être mangé une mandale.

La brulure de la main danoise qui rendit la pareille à la petite brune fut on ne peut plus vivace, parce que oui le blond pédant était moins costaud que les autres, mais il n'en restait pas moins un des cinq baraqués qui avait couru le Danemark avec le sien, alors une palmure comme la sienne bah... Eud la sentit franchement passée.
La tête virant à l'opposé, mèches noires suivant le mouvement, le regard eudoxien s'était clos, la bouche s'entrouvrant de surprise alors qu'il n'y avait rien d'étonnant à cette réaction, on aurait même pu la dire prévisible, et pourtant... le souffle manqua à l'inénarrable qui aurait voulu se trouver loin à cet instant.

Lorsque vint le tour de son corsage d'être maltraité, la bestiole vint faire face à Niels quand il se mit à menacer son bébé, la peur se mêlant à la haine pour cet homme, une haine tenace, vorace, pour la première fois de sa vie elle ressentait de manière tangible ce que voulait dire "avoir envie de tuer quelqu'un".
Remuant les poignets maintenus pour tenter de les irriguer d'un minimum de flux sanguin malgré les deux brutes qui l'empêchait même de bouger, Eudoxie en vint presque à regretter l'attitude de Thorvald au final, qui à son grand étonnement n'avait pas encore ramener son oeil.

Et le roitelet reparti alors dans une de ses tirades explicatives roboratives, expliquant ses désirs de grandeur, de splendeur, son envie d'être calife à la place du calife, oui et alors qu'est-ce qu'elle en avait à faire la béarnaise ? Uhm ? Qu'il le fasse et leur fichent la paix.
Ah mais non, parce que le couac c'est que ce couillon avait paumé son livre dans ses folies de pouvoir, et qu'on l'avait gentiment délesté de pages d'importances du bouquin, bah oui parce que quand on est pas soigneux ou pas doué faut pas venir chouiner, mais en attendant.

Quelle attitude adopter alors que l'empereur mégalo (non non pas Kuzco) se voyait déjà sur un trône doré avec quatre mousquetaires à ses ordres... Rentrer dans le rang, continuer à le provoquer, devenir muette, feindre un malaise qui pourrait s'avérer réel au final, hurler, le mordre, balancer sa tête en avant et lui exploser la tronche ?
Ouhh elle s'enflammait la bestiole et intérieurement elle se secoua pour reprendre ses esprits, autant qu'elle pouvait parce que il y avait quand même de quoi tourner chèvre, ce bouquin Soren lui en avait parlé, ils étaient à Paris pour ça d'ailleurs, fin... à la base... et si une autre option s'ouvrait à elle, car contrairement à ce que pensait son danois son geôlier n'avait pas l'intégralité de ce livre si "précieux".

Niels...
Vous n'avez pas depuis tout ce temps réussi à retrouver les pages arrachées ? Avec tous les moyens en votre possession ?
Auriez-vous omis de chercher au plus simple peut-être...


Retenir le sourire mesquin qui voulait poindre, une pointe de jubilation de le savoir sans ce document, et cherchant dans sa mémoire le détail qui ferait mal, peut-être même mentir ce qui était somme toute assez rare chez elle.
Soren lui avait raconté l'histoire de la découverte de ce livre en même temps que beaucoup d'autres concernant cet endroit alors peut-être qu'elle mélangeait tout mais après tout, lui n'y était pas alors comment saurait-il si elle disait vrai ou faux.

Je suppose que vous savez qu'Albanne se trouvait avec lui quand ce livre de machin chouette a été trouvé.
Alors...


Attendre un très court instant et reprendre pour tenter d'instiller le doute.

Vous le saviez n'est-ce pas Niels ?

Se pencher vers le danois, rivant son regard au sien et murmurer à quelques millimètres de son visage pour accentuer la mesquinerie de ce qu'elle allait dire et la carte qu'elle essayait de jouer.

Les traitres sont souvent très proches de ceux qu'ils trahissent... Je ne vous apprend rien vous êtes expert en la matière... Niels

Nouveau pion sur l'échiquier, le fantôme de sa mère avait été mis dans la balance, celui d'Albanne entrait dans la partie.
Gagner du temps, le faire douter, pourquoi ? Aucune idée, quand l'esprit divague et s'embrume, n'allez pas demander, suivre un instinct, voilà tout ce que faisait la petite brune.

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Niels
 
« Houx-Rouges, salle du trône - Vers la sortie »



Il s’était tût. Lorsque Niels jouait avec ses amis, Thorvald savait que sa place était en dehors de la scène ou plutôt à l’arrière-plan: les chiens ont le droit de jouer avec le gibier quand ils l’ont débusqué mais quand les chasseurs arrivent, ils doivent se mettre à leurs bottes et suivre les directives. Le borgne observait le spectacle de trois hommes à la carrure impressionnante s’en prendre à une femme pas plus haute que trois pommes. Pour quels résultats? Celui de perdre du temps. Certes, ce n’était pas ce qui leur manquait: qui se soucierait de la disparition d’une brune enceinte jusqu’au cou et de deux danois sans importance? La prévôté de Paris avait bien d’autres chats à fouetter, chats dont lui, Thorvald, abusait de temps à autre pour servir son maître. Des émotions? Le borgne ne les montrait que rarement. Il avait été éduqué dans le but de servir et il servait. Cela incluait le fait que le côté humain de sa personne n’était souvent qu’un frein à l’exécution de son travail. Même si ce soir, il n’approuvait pas la façon de faire, même s’il la trouvait inutile, inefficace, même si selon lui tout ceci n’était que perte de temps, ce n’était pas à lui d’en juger.

A l’avant-plan, Niels avait rompu le contact. Les bras croisés dans le dos, il avait contourné la béarnaise pour s’approcher de Morten et la toiser de toute sa hauteur. Morten…Sans doute lui avait-elle sauvé la vie et c’était tant mieux. En son for intérieur, il en était convaincu: il aurait regretté perdre Morten. Il y avait trop de souvenirs qui le liait au valet des épées. Le tuer aurait permis de satisfaire son besoin de vengeance, celui de montrer qu’on ne pouvait lui désobéir ou lui tenir tête. Il y avait mieux à faire. Morten ne nécessitait qu’un « petit » redressement de son esprit. Oui, c’était ça: un redressement.

Les dernières paroles d’Eudoxie mijotaient à petit feu dans l’esprit du roy de deniers. Ainsi donc, Søren s’était ouvert à elle. Il avait évoqué avec elle le prequel de toute cette histoire. Elle connaissait le nom de sa cousine. Savait-elle que cette idiote avait accusé le blond de meurtre à cause d’un détail auquel lui-même n’avait pas pensé? L’arme du crime. L’arme du crime appartenait à Søren. C’était ce brave Morten qui en avait fait cadeau au Eriksen et l’arme s’était finalement retrouvé entre les mains de Niels. Le roy de deniers avait même oublié ce détail quand il avait frappé. Albanne. Ah Albanne! Elle avait toujours voulu joué les intrigantes. Elle avait hérité cela de son côté scandinave. Il fallait croire que le côté Pelletier avait tout gâché. Jamais elle n’aurait été de taille pour s’opposer à lui. Jamais! Le regard dardé vers le sol, caressant de sa froidure le visage bouffi du Sørensen, Niels répondit enfin à la captive.


- Je sais qu’Albanne était avec lui quand il a trouvé ce livre. Ma cousine a eu la bonté d’esprit de laisser un de mes hommes la servir, un homme que personne n’aurait jamais soupçonné…et qui n’avait rien de danois.

Edouard… Ce brave Edouard avec ses manières ampoulées. Qui aurait pu en effet croire que ce vieil homme avait certaines addictions à son âge? Il ne fallait jamais se fier aux apparences, elles pouvaient être trompeuses.

- J’ai fait fouiller en vain les affaires d’Albanne avant sa mort et après que la maladie l’eut emporté… Enfin, la lame de Seurn. Vôtre chevalier servant vous a t-il dit qu’il n’a pas hésité pas à tuer de sa lame une pauvre femme sans défense aux portes de l’agonie? Le bien et le mal… Pour vous je suis l’incarnation du mal parce que je prends les moyens de mes désirs n’est-ce pas? Et l’homme que vous aimez est celle du bien pour la simple raison que vous l’aimez. Le fait qu’il tue sans aucune pitié ne fait pas de lui un suppôt du Sans-Nom comme je dois l’être à vos yeux. Si le monde était manichéen, cela serait trop facile…et navrant. Les cas de conscience « dame Castera » sont de petits bonheurs dont il serait dommage de se passer.

Sven et Jørgen tournèrent alors Eudoxie vers Niels afin qu’elle puisse gouter non seulement aux paroles du Roy de deniers mais également à son non verbal.

- Albanne a emporté son secret dans sa tombe. Qu’elle ait confié ces feuillets à Søren, qu’elle les ai transmis à un tiers ou mis en sureté m’importe peu. Et je serais qu’elle n’aurait jamais détruit une telle richesse. En tuant ma cousine, Søren a hérité du fardeau de me les ramener… ou il le paierait cher. Vous et votre bâtard aussi.

Elle l’avait agacé. Elle lui rappelait son échec, un échec face à une femme, face à sa propre cousine. Albanne l’avait toujours mis en échec. Elle s’était refusée à lui lorsqu’il lui avait fait part de son intérêt pour elle. Elle était la cause de certaines leçons paternelles qu’il avait dû subir et elle l’avait mis en échec pour récupérer ces feuillets. Aussi jolie soit-elle, sa mort était amplement justifiée même s’il n’y était pour rien. Le Très-haut lui même abondait dans ce sens en la punissant de ce fléau. Oui: Fléau…mais pourquoi lui? Pourquoi lui…aussi? Inconsciemment, Niels porta la main sur son bras, à l’endroit où une tâche noire s’étalait inexorablement, jour après jour, sur sa peau. Dos à Eudoxie, le Roy de deniers se dirigea alors vers la porte sans pour autant jeter un regard vers celle qui était toujours détenue par ses sbires. Il attendit que Thorvald vienne lui ouvrir la porte et lorsque cela fut fait, il tourna lentement la tête vers la béarnaise.

- Vous avez trois jours. Ma patience n’ira pas plus loin. Mes sieurs, je crois que notre invitée n’a plus besoin de notre… « soutien ».

À ces mots, Jørgen et Sven relâchèrent la béarnaise. Ils emportèrent avec eux le corps inerte de Morten, l’agrippant par les aisselles et laissant ses pieds trainer au sol. ils rejoignirent Niels, s’apprêtèrent à sortir avec lui. Le danois franchit le pas de la porte, Thorvald, Jørgen et Sven et les autres lui emboitant le pas. Du couloir, des sons gutturaux à l’accent scandinave retentirent une fois encore.

- Trois jours pour convaincre Søren de me ramener ces documents et obtenir titres et terres. Sans cela…vous devrez en assumer les conséquences. Tous les trois.

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Eudoxie_
Il est faux de croire que l’échelle des craintes correspond à celle des dangers qui les inspirent. On peut avoir peur de ne pas dormir et nullement d’un duel sérieux, d’un rat et pas d’un lion. (Marcel Proust)

Duel ? Abandon ? Lâcher-prise…

"Salle du trône des Houx Rouges"


Petite chose insignifiante dans les desseins d'un homme à l'ambition et à l'égo démesuré, épine dans le pied d'un plan qu'il espérait se dérouler sans accroc, femme objet dont la manipulation s'avérait plus complexe qu'escompté, voilà ce qu'elle était... voilà comment Eudoxie se sentait.
Frêle parturiente épuisée, physiquement autant que mentalement... Brunette jouant carte après carte sans obtenir le moindre résultat, lasse de ce jeu de dupes, lasse de vouloir sortir d'un piège qui n'avait pas d'issue, lasse de laisser Niels s'amuser à ses dépens.

Elle ne sortirait jamais de cet endroit, il le savait autant qu'elle en était convaincue, au final l'écoutait-elle seulement encore quand il lui parlait d'Albane, de sa mort, de Soren et de ce qu'il pensait qu'elle ignorait sur la lame qui avait tué la pauvresse, avait-elle encore la force d'être ce pion qu'il manipulait ?
La raison était touchée, la fierté, le physique n'étant plus que poupée de chiffon entre les mains de deux brutes danoises, si elle n'avait pas compris comment des amis de Soren avaient pu violer sans état d'âme des serveuses, la chose lui semblait plus claire à présent.

Et le sol vacille sous ses jambes quand les géants blonds la relâchent enfin sans qu'elle comprenne vraiment pourquoi, trois jours, trois jours pour quoi ? Trois jours enfermés ici pour obtenir quoi, quand comprendrait-il que si Soren ne lui avait pas donné ce qu'il demandait c'est parce qu'il ne l'avait pas...
Des menaces... non voilées... Qu'espérait-il au fond ? Son "ami" d'enfance était pendu par les mains dans une cage, l'autre pour ainsi dire mort sur le sol, et elle... elle sentait que tout lui échappait, quoi qu'elle fasse, enjôleuse et cordiale ou provocatrice et hautaine, rien n'atteignait cet homme... A quoi bon...

En assumer les conséquences... Tous les trois... Comptait-il Morten qui au final retournait à son maître tiré par Sven et Jorgen ou son bébé à naître... quelle importance... ce fou n'aurait pas ce qu'il voulait et ils les tueraient pour ça... probablement sans sourciller
Les mains venues se mettre en berceau sous son ventre soutenait un abdomen aussi dur que de la pierre, observant le détestable cortège sortir sous les ordres du maître et de les entendre rire à l'extérieur alors que la porte se refermait sur elle.

Fin de l'acte, rideau sur la scène, la protagoniste principale cesse la représentation et les genoux ploient sous le poids de toute cette folie qui s'abat sur elle, venant rejoindre la mare de sang à ses pieds dans un sanglot qu'elle ne contrôle plus.
Le corps, l'esprit, Eudoxie lâche prise oubliant même un instant la présence de son danois à quelques mètres avant de céder au cri primal d'une souffrance qui la tiraille depuis un moment, se moquant bien de ce qu'on en pensera derrière cette foutue porte.

Crier pour ne pas perdre la raison, crier pour extérioriser ces douleurs, crier pour... crier, crier tout simplement parce que le besoin était là, parce que de mauvaises pensées s'insinuaient dans son crâne, parce que... mais non... non...
Elle s'en était fait la promesse à elle-même elle ne fuirait plus, ne se ferait plus spolier comme chez le comte, et pas plus aujourd'hui qu'hier ou demain, prenant une profonde inspiration il lui fallait se ressaisir.

Les mains se posèrent au sol, rencontrant le visqueux du sang en cours de coagulation au sol, poussant dessus pour relever le corps fatigué et endolori avançant vers la cage où son danois était tout juste conscient, à peine avait-elle croisé le bleu de son regard pendant toute cette parade autosuffisante du Castral-Roc.
Geôle rejointe, les mains de la béarnaise s'agrippèrent au barreau, cherchant de ses perles noires, comment débloquer la porte, par quel moyen le sortir de là-dedans, mais là tout de suite un besoin plus impérieux...

Seurn...

Le voir, s'assurer qu'il respirait, détailler son corps, remonter pupilles pour chercher les attaches au plafond de cette saleté de prison, maudire Niels et lui souhaiter la pire de toutes les tortures, et ce besoin de le toucher.
Un bras marqué de la poigne successive de plusieurs danois se faufila alors entre les barreaux pour venir effleurer du bout des doigts le visage sali de son autre, pour obtenir une réaction quelque chose, n'importe quoi, un semblant de conscience de sa part.

Parle-moi…

Tout juste un sursaut, à son toucher à peine un tremblement et se furent des onyx inquiètes qui se mirent à balayer les alentours de la cage, trouver le moyen d'ouvrir cette prison de fer, de détacher son danois… de…
Non… ce n'était pas possible... cet être machiavélique aurait-il tout prévu depuis le début, jusqu'à cet instant, jusqu'à cette gifle qui semblait pourtant l'avoir pris de court ? Et pourtant c'était bien une clé qui se trouvait accroché au mur, presque pas visible dans la pénombre.

Courant pour aller la récupérer en délaissant le visage de son blond d'une caresse, la petite brune manque de se vautrer en se brélant les pieds dans les pans froufrouteux de cette robe qu'on lui avait mis sur le dos.
Attrapant le sésame entre ses doigts, l'orthézienne ne put se résoudre à penser que c'était là un détail oublié par Niels, tout, il calculait tout, elle en était maintenant persuadée mais sur l'instant, elle s'en foutait et attrapant son jupon, repartie en sens inverse pour rejoindre son danois.

Serrure déverrouillée, la porte lourde est tirée et une petite brune entre dans la geôle ses mains se portant sur le visage de son aimé dans un soupir, regard sombre se dirigeant sur les poignets enfermés par des menottes.
Clé encore, est-ce que ? pourquoi pas tenter… Danois délaissé et clé sur la porte récupérée, le souffle de la béarnaise se faisant court sous l'effort et le ventre tendu plus qu'il ne l'aurait dû.

Et priant tous les saints, le corps collé à celui de son autre, Eudoxie, hissée sur la pointe des pieds, introduisit la clé dans la serrure des menottes, le bras de Soren retombant lourdement sur le sien provoquant un sourire sur les lèvres de la brune, le premier depuis son entrée ici.
Ramenant le membre danois sur son épaule, même opération fut effectuée à l'opposé, mais dans sa hâte, un détail avait été oublié par la bestiole qui lui fut rapidement rappelé quand le poids de son géant scandinave retomba sur elle une fois le bras libéré.

Aussi pleine de bonne volonté qu'elle était, la petite brune était bien incapable de soutenir la carrure de son ange blond et la chute des deux corps lorsque celui de Soren fut libéré le lui remit en tête amèrement alors que sa tête heurtait le sol de la prison de fer écrasée sous le poids de son danois.
Peur, précipitation, rien de bon à tout ça et le résultat, Soren était libéré oui… et elle se retrouvait estourbie, avec une douleur à l'arrière du crâne et un colosse lui écrasant le ventre à lui en couper le souffle sans pouvoir s'en dégager.

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Soren

Libéré de ses entraves, le corps chuta lourdement sur une Eudoxie se trouvant dans la dernière ligne droite de sa grossesse. Le choc brutal contre le sol de pierre de la salle du jugement provoqua en moi un sursaut de conscience, un rappel qu’il fallait revenir à la réalité pour lutter contre les dangers de l’extérieur. Autour de moi, tout était sombre. Une sensation de froid et d’humidité se propagea le long de mes jambes. Les sons qui parvenaient à mes oreilles étaient confus. Ils résonnaient creux quand si j’étais dans un souterrain. La goutte d’eau qui s’écrasait dans une flaque de manière incessante et régulière me donnait l’impression d’être coincé dans une boucle temporelle, de revivre encore et toujours le même instant. Je n’avais pas conscience de où j’étais. Søren: oui, c’était mon nom. Et à part ça?

Sur le seuil de mon esprit, les souvenirs affluaient peu à peu, éparses, désordonnés, confus : un baiser, la mousse d’une bière qui coule le long des parois d’une chope, la traversée d’une rivière, une gorge qui s’offre à mes lèvres. Et puis vint la douleur, celle qui part de l’arrière du crâne pour venir, tel un cercle de feu entourer la tête danoise. Au feu succéda l’étau qui compressait les os dans ses dents de métal. J’ai dû lutter pour ne pas sombrer à nouveau dans l’inconnu une fois encore, lutter pour ne pas m’enfoncer dans ce corps spongieux non identifié. J’ai roulé pour me dégager de là et m’étendre sur le dos. L’effort m’amena une nouvelle fois près de l’inconscience et le passé récent se présenta à moi.


    «  J’avais du mal à y voir. La flamme de ma torche vacillait sans cesse: y avait-il d’autre passages secrets? L’antre de Mapsie refuserait-elle de me livrer ses secrets? A mes pieds, gisait une pile de livre. For fanden! L’université n’était pas mon lieu de prédilection et les langues anciennes ne m’attiraient guère. Cela avait fait l’objet de discussion avec Eud : A quoi sert la connaissance des langues étrangères? A lire des livres. Oui mais à quoi sert de lire des livres? Ça sert dans le domaine religion. Et bien voilà! Moi, le domaine religieux, sans être athée, ça n’est pas ma chope de Sainte. Le peu de temps que je passais à l’université, je le prenais dans les cours de navigation. Ça, ça servait à quelque chose. Et les langues, eh bien… Je venais de découvrir à quoi ça servait. For fanden! Ce n’est pas moi qui aurait dû être ici. C’est Eud! En quittant notre appartement parisien après son départ, j’avais espéré que je pourrais trouver par moi-même, revenir avec de l’information pertinente, suffisamment précise pour que Eud l’exploite, que je négocie un accord avec Niels: la libérer en échange de ma parole d’honneur que toutes les informations que l’on décodera sur le logion XVII lui seront transmises. Niels me connait, c’est…Enfin je devrais peut-être employer le passé…C’était un ami. Il sait qu’il peut me faire confiance.

    Alors pourquoi étais-je venu ici? Parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire, parce que sans ce mince espoir, Niels avait toutes les cartes en mains, toutes les cartes…et Eud en prime. Et puis, Eud ne connaissait pas l’antre de Mapsie, elle n’avait jamais erré dans les souterrains des Houx-Rouges. Me donner à Niels et la laisser venir ici seule ou même avec Morten eut été totalement stérile: Les chances qu’ils trouvent cet endroit étaient quasi nuls. Même moi… De ce fait, vous devez vraiment vous demander ce que je faisais ici? je feuilletais, je cherchais dans ces livres rempli de mots incompréhensibles un signe, un indice, un dessin, une inspiration.

    La bibliothèque de Mapsie contenait trop de livres. Les sortir tous était totalement impossible. Je ne me voyais pas traverser une partie de Paris en sifflotant et en poussant une brouette chargée d’ouvrages religieux. Amener Eud ici fréquemment? C’était folie. Si un des sbires de Niels nous suivait, trouvait le passage secret, nous étions faits. A trop tirer le Sans-Nom par la queue, on risquait de l’échauder. Alors, je n’avais pas le choix. Il me fallait faire un tri, trouver les sources d’informations pertinentes et filer les étudier au calme, dans un endroit plus éclairé.

    Depuis combien de temps étais-je ici? Je n’en savais fichtre rien. La torche semblait se consumer à une vitesse phénoménale. J’en avais besoin pour repartir. Le temps jouait contre moi, la lassitude aussi. Mon esprit s’accrochait sans cesse aux récifs de ces mots étrangers. A force, cela me donnait mal au coeur et fatiguait mes yeux. Rien. Rien qu’une forêt de symboles, de lettres qui se refusaient à moi. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin. Peut-être était-ce dû à la concentration dans laquelle j’étais plongé pour trouver le moindre petit indice toujours est-il que je ne les ai pas entendu venir. Comment ont-ils su? Comment ont-ils trouvé l’endroit? Je n’en savais rien. Je pensais que Mapsie était mon allié. J’ai constaté qu’elle fleuretait aussi avec Niels. Juste au moment où je pensais enfin avoir résolu l’énigme dont la solution me sautait aux yeux depuis les premiers instants… » 


- Eud ?

La voix était trainante, les yeux avaient du mal à s’ouvrir complètement malgré l’absence de clarté. La silhouette qui se découpait devant moi était encore floue et pourtant j’en aurais mis ma main au feu…ou porté mes lèvres aux siennes. Ces bras, ce visage, c’était ma Castera.

- C’est toi. Oui…C’est toi. Co…Comment vas-tu?

Ça, cela ressemblait fortement à l’hôpital qui se posait des questions sur l’état de la Charité.

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Eudoxie_
On ne peut avoir que deux attitudes face demain : la peur ou la foi. (Henry Ward Beecher)

Bonheur ? Geôle ? Et maintenant…

"Salle du trône des Houx Rouges"


Respirer, reprendre son souffle lorsque le poids d'un mastodonte danois, fusse-t-il l'être aimé, libérait sa personne dans une ouverture de bouche appelant l'air de tous ses vœux, de toute son âme, de... nom de... mourir écrasée sous l'homme qu'on aime mais bonjour le cauchemar.
Souffle court et regard sombre planté sur le toit de tôle de cette cage à vous filer une chair de poule dantesque, le balancement des menottes de fer hypnotisa le corps en souffrance un instant, jusqu'à ce que la voix de Soren ne s'élève à ses côtés lui faisant pivoter la tête.

Je suis en vie...

Etait-il utile de lui dire que ses bras et poignets étaient marqués de la rencontre de ses amis d'enfance Sven et Jorgen ? Que sa joue raisonnait encore de celle de Niels ? Que son esprit était encore embrumé de ce qu'on l'avait drogué ? Que le ventre abritant le fruit grandissant la torturait depuis qu'elle avait hissé Morten Moribond sur le lit de sa prison dans les sous-sols des Houx Rouges.
Non certainement pas... Lui dire qu'elle allait bien eut-été un mensonge aussi, et le sang qui maculait sa robe, même sans être le sien, démontrait parfaitement que non... ça n'allait pas, que non Niels n'avait pas fait dans la dentelle même s’il n'avait pas porté atteinte contre elle jusqu'à ce qu'elle le gifle.

Un long soupir et les mains de la petite brune se posèrent au sol pour assoir le corps au ventre rond pivotant vers son danois, jambes se repliant doucement en envers en portant ses perles noires sur lui.
Elle était en vie oui, ça résumait la situation et une douleur sourde formait un étau autour de sa tête, sensation chaude et humide sillonnant sur sa nuque dégagée, dextre se portant d'instinct pour essuyer l'intrus.

Doigts rougis de carmin... l'impact au sol avait sans doute été trop violent avec le poids de son ange blond et le cuir chevelu avait cédé... probablement, mais peu lui importait, d'un geste discret, les longs cheveux noirs portés sur le côté furent rejetés en arrière et la main essuyée sur la robe, un peu plus un peu moins de sang, qui verrait la différence.
Doucement la paume de sa main vint se poser sur le visage sali, le caressant avec tendresse en prenant mille précautions pour ne pas faire plus de mal qu'il n'y en avait déjà, un sourire se voulant rassurant se dessinant sur le visage d'Eudoxie, sentiment de plénitude de le retrouver au milieu de toute cette folie.

Et je vois que toi aussi... Et tu pètes le feu en plus.

Un léger rire, pas bien convaincant, mais pourquoi ne pas tenter une touche d'humour quand tout va mal et qu'on pense que rien ne pourrait être pire.

Seurn... comment te sens tu ?
As-tu trouvé ce pour quoi on est venu ici ?
Dis moi que tu vas bien ?
Il veut les pages...
Tu as mal quelque part ?


Interrogations mélangées, sur son bien-être, autant que ses trouvailles et s'inquiéter sans doute trop, brouillant son esprit, cogitant en dépit du bon sens, partant trop loin, ou pas assez et puis...
Cette phrase qui rebondissait à l'intérieur du crâne de l'inénarrable, cette menace sourde laissant agir le venin dans la morsure que le serpent venait de lui prodiguer " Trois jours pour convaincre Søren... Sans cela…vous devrez en assumer les conséquences. Tous les trois. "

Il veut le logion... Il veut le pouvoir...
Il te veut toi... avec lui... dans sa folie...


Frémir et capturer le regard bleuté fatigué du sien.

Il... Je... Tu...
Il nous tuera...
Sauf si...


Hésiter et se mordre la lèvre, ne pas oser et n voir pourtant aucune autre option, ne pas vouloir s'y résoudre et se dire que foutu pour foutu...

Tu le connais toi...
Crois-tu qu'il tiendra parole si tu lui donnes ce qu'il veut ?


Senestre partant à la rencontre de son homologue danoise et phalanges s'entremêlant les unes aux autres, point d'ancrage rassurant, atome d'un espoir pas encore tout à fait éteint.
Eudoxie voulait croire que malgré sa perfidie, peut-être Niels était-il homme de parole, oui elle savait que le Castral-Roc avait pris le parti d'un oncle tortionnaire lui offrant pouvoir mais avait-il trahi une parole ou une promesse donnée en plus d'avoir abandonné Soren à son sort ?

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Soren

« Houx-Rouges, salle du trône - Libéré, délivré. »



J’avais du mal à garder la tête hors de l’eau, au dessus du seuil de conscience. Les yeux se fermaient tout seuls et il me fallait lutter pour résister et ne pas se faire emporter plus profondément dans les abysses de l’onirisme. For fanden! Je ne comprenais pas ce qui se passait. l’instant d’avant j’avais été capturé dans la caverne de Mapsie, roué de coups, forcé à boire ce liquide amer qu’ils ont fait couler dans ma gorge. Et le suivant? Eud à mes côtés, le froid qui me parcourait l’échine et l’incessante sensation de vaciller, de sombrer. Devant mes yeux que j’avais du mal à garder ouverts, le visage d’Eud se découpait dans un halo de brume. Elle était en vie. J’ai senti sa main sur mon visage, plus que je ne l’ai vu. J’avais la gorge sèche, aussi sèche qu’un parchemin antique qui s’égrenait quand on le prenait en main. Était-ce un rire que j’ai entendu à ce moment-là? Celui de Eud ou celui du Sang-Nom?

 « Comment je me sens? » 

- Comme un danois devant une chope de Sainte vide.

Pour moi, la réponse était claire, limpide. Dans mon esprit, les syllabes s’enchainaient parfaitement et il n’y avait aucune ambiguïté quand à la question à laquelle je répondais. Les paroles d’Eud mettaient du temps à franchir la nasse dans laquelle mon esprit était englué. La dextre se leva avec peine vers le visage de la béarnaise, écartant au passage une mèche qui masquait son oeil droit. Souriait-elle? Souffrait-elle? Elle était en vie, elle l’avait dit. Mes yeux ne me trahissaient donc pas.

- J’ai…trouvé…Besoin…de toi. Ne…

… « t’inquiète pas? ». Ce dernier fragment de phrase resta coincé dans la gorge. Ma main s’enroula autour de la nuque d’Eudoxie comme elle le faisait dans des moments plus sensuels qui n’appartenaient rien qu’à nous. Cette fois cependant, l’objectif recherché était tout autre. Je n’avais pas la capacité d’élever la voix. Il fallait qu’elle s’approche, qu’elle entende ce que j’avais à lui dire, voire qu’elle devine ce qui n’aurait pas la force de sortir.

- L’antre de…. Mapsie. Héritage….Latin…ou grec… autre… grav… table.

La tête dressée vers elle jusqu’alors retomba sur le sol comme aspirée par celui-ci. Pendant combien de temps avais-je perdu connaissance? Un instant? Un moment? Une demi-journée? L’éternité? Les paupières se plissèrent deux ou trois fois avant de réussir à s’ouvrir. Eud était toujours là, proche de moi. C’est à ce moment que je remarquai son étrange accoutrement de couleur rose délavé parsemé de petites gouttelettes bourgogne. Combien de temps ai-je mis avant de réaliser? Avant de comprendre que ce motif n’avait rien d’artistique?

- Tu… Tu saignes?

Le bébé. Avait-elle perdu le bébé par la maltraitance de Niels? Sa robe maculée de sang trahissait-elle un accouchement prématuré? Forcé? D’autres images me revinrent alors brutalement à l’esprit et un courant glacial me parcourut de la tête aux pieds, hérissant mon épiderme sur son passage. Toute la force qui me restait encore se liquéfia instantanément en moi. Je n’eus que le temps de tourner la tête sur le côté avant qu’une bile jaunâtre, verdâtre ne jaillisse d’entre mes lèvres et se répande, après plusieurs saccades, sur le sol pierreux de la salle. Mon corps fut pris de spasmes alors que mon estomac se vida de ses derniers reliefs dans un concert sonore qui n’avait rien de mélodieux. La vague passa et laissa sur la grève picotements acides dans la gorge et claquements de dents. J’avais froid comme si je me trouvais au bout de la jetée de Helsingør par une froide journée d’hiver. Mon corps était pris de soubresauts, de tremblements. Un goût acre me restait en bouche.

- Eud…Le bébé… Tu l’as per….Comment vas…tu?

Certaines de ses questions s’étaient volatilisées. D’autres restaient tapies dans un recoin de ma tête attendant que le délai de traitement de l’information par mon esprit leur permettent enfin d’être prises en compte. Les crampes à l’estomac avaient fini par s’effacer. Petit à petit, je prenais du mieux, vidé certes mais la douleur s’évacuait et je ressentais la vie couler enfin dans mes veines. J’avais soif et la faim pointait le bout de son nez. Niels avait gagné la première manche: je m’y attendais. Nous avions encore du jeu dans nos mains. Il n’avait pas encore ce qu’il voulait…et, il est vrai que nous non plus. Ou pas totalement.

La tête pivota d’un demi-tour, scrutant les détails que la pénombre voulait bien révéler. La pièce était sombre et plus vaste qu’une prison. Je distinguai le trône sur son piédestal de pierre et les torches qui vacillaient au gré des courants d’air. En face de moi, il y avait une cage, des chaînes de métal. J’allais me retourner vers Eud pour qu’elle m’aide à me lever lorsqu’un murmure se fit entendre à l’autre bout de la pièce


- Psssit…Par ici…Oh vous! …Par ici.

La voix était manifestement celle d’une femme…ou d’un fantôme sorti d’on ne sait où, une personne qui aurait erré trop longtemps dans cette vieille bâtisse, une de celle dont les brimades, l’emprisonnement et les railleries auraient poussé en vain à trouver une issue de sortie au travers du dédale de passages secrets qui fourmillaient sous les Houx-rouges, une âme-en-peine aux cheveux blonds comme les épis de l’été.

- Il faut que vous partiez!…oui…partir! Vite! Avant qu’ils ne vous enferment ici pour le restant de votre vie.

La voix provenait d’une ouverture dans le mur derrière le trône de pierre. Elle n’était pas plus haute qu’une main et large de trois. Trois, c’était aussi le nombre de barreaux de métal qui l’obstruaient. L’obscurité s’étendait derrière. Etait-ce de là que venait le léger déplacement d’air qui faisait parfois vaciller les chandelles même en l’absence de mouvement dans la pièce? Une porte de sortie ou le premier passage à franchir vers l’enfer lunaire?

- Ils vont tout vous prendre, tout, y compris l’enfant que vous portez! Ils vont arracher vos vêtements, abuseront de vous quand ils en auront envie. Vous serez leur jouer. Ils vont même vouloir prendre votre âme. C’est ce qu’ils ont essayé de faire avec moi..
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Eudoxie_
Les meilleures raisons ne touchent pas l'esprit de ceux qui ont peur. ( Pierre-Claude-Victor Boiste )

Joie ? Angoisse ? Houx rouges…

"Salle du trône des Houx Rouges"


Des questionnements plein la tête, des angoisses, des hantises et pourtant ce besoin optimiste d'y croire, ce foutu espoir qui ne quittait jamais la béarnaise, quelque soit les circonstances, quelque soit l'obstacle, quelque soit la forme qu'il revêtait.
Et à cet instant, il prenait la forme d'une demande de Sainte, sacro-sainte Sainte, infaillible besoin primaire de son blond en tout lieu et toute taverne, la réclamant à corps et à cris invoquant sacrilège si absente de la carte des boissons servies.

L'espace d'un moment un sourire naquit sur le visage de la petite brune, sa main se faisant cajoleuse sur la joue danoise teintée de boue, il était faible et ça y'avait aucun besoin d'avoir fait médecine pour le voir, pourquoi restait la question, le corps de Soren ne semblant pas porter de coup.
Drogué ? Fort probable, Niels savait sans doute qu'il n'obtiendrait rien par la force avec son ami d'enfance, mais... en jouant de point de pression comme elle... que lui avait-on fait pour abattre ainsi son géant danois.

Inquiétude et joie se mêlait à qui mieux mieux, et le visage penché vers le sien Eud écouta attentivement les murmures entrecoupés, ainsi donc il avait trouvé l'endroit qu'il venait chercher et peut-être même ce qu'il voulait trouver mais ses réticences à certains apprentissages...
Bloqué de n'avoir pu déchiffrer, un soupir trahissant son exaspération et un "si tu m'avais écouté" filtra de ses lippes, et sans un mot compris alors qu'un nouveau statut venait de lui être attribué dans cette aventure : traductrice...

Pas le temps de soutenir la tête qui retombait au sol, l'orthézienne grimaça au son du crâne au sol, se remémorant alors qu'il lui faudra soigner le sien à un moment donné, sentant le filin sanguin filer de sa nuque jusque sous son corsage en suivant sa colonne.
Le cuir chevelu avait cette fâcheuse tendance à saigner facilement, mais cela se calmerait bien à un moment et puis était-ce vraiment important, c'est alors que la question fusa "tu saignes" et l'inquiétude dans son regard en évoquant le bébé suivit d'une autre interrogation.

La suite des évènements ne permit pas à l'orthézienne de répondre, se contentant d'assister impuissante au spectacle de ce corps secoué de spasme rendant tripes et boyaux, le haut le cœur pointant à son tour au bord de ses lèvres.
Se lever vite et s'éloigner pour évacuer la bile qui lui brulait la gorge, douloureux retournement d'estomac, bol gastrique vide de toute pitance depuis son dernier repas quand... avant que la drogue ne l'emmène dans tout ceci.

Les cheveux épargnés d'avoir été attachés par une autre, la bestiole s'en retournait vers son autre quand son attention fut attirée par un chucho, un murmure, comme une rêverie sortie de nulle part, une voix fantomatique, se pouvait-il qu'il s'agisse encore du spectre de sa mère.
N'ayant aucune envie de passer pour folle aux yeux de Soren, elle se dirigea vers ce qu'elle avait cru entendre, se guidant au son pour trouver la source de cette voix, traversant la pièce en contournant la mare de sang pour monter les marches du trône et disparaître derrière.

C'est alors qu'un visage de femme se dessina derrière des barreaux, dans une ouverture si petite que ce qui frappa Eud fut le regard clair similaire à celui de son géant blond, et le désespoir qui s'y lisait accentuant la véracité des mots qu'elle venait de prononcer.
Senestre se posa sur le bord de l'ouverture alors les phalanges de sa main droite s'enroulait autour du barreau le plus à gauche de l'ouverture, tentant de comprendre et rivant son regard sombre à celui de cette femme dont elle ignorait tout hormis le calvaire supposément évoqué à l'instant.

Nom de... Mais comment on sort d'ici... Vous savez comment ?
Tout semble clos.


Sur l'instant et comme rarement dans sa vie, Eudoxie n'eut que faire de ce qui était arrivé à cette blonde, ni même de ce qui pourrait bien advenir d'elle, tout ce qu'elle voulait c'était sortir de là par tous les moyens.
Quand une phrase claqua dans son crâne "tout y compris l'enfant que vous portez" ainsi que la fin de la tirade, doigts de la main gauche s'enroulèrent alors aussi autour d'un barreau la béarnaise approchant son visage de l'ouverture pour percevoir plus son interlocutrice.

Chétive, à peine vêtue, le cheveu ébouriffé et les bras et la gorge marqués de bleus, le tableau de la pauvresse ne laissait plus de doute sur la véracité de ses dires et un frisson désagréable s'insinua le long de sa colonne comme un millier de piqures.
Longue inspiration pour contenir son ressenti quand un mouvement l'interpella plus en retrait dans la pièce attirant son attention, plissant le regard pour tenter de percevoir, les perles noires s'ouvrirent toutes grandes en découvrant la silhouette d'un enfant âgé tout au plus de quatre ou cinq ans.

NOM DE DIEU !!!

Juron, blasphème, la brune ne terminait jamais cette phrase, jamais sauf en de très rares occasions et dans un tout autre cadre, mais découvrir jusqu'à quel point cet endroit relevait d'un être infâme, abject au point de....
Billes d'onyx captèrent les perles d'eau de la blonde entre tristesse et regain de peur, entre envie de la sortir de là et de vouloir avant tout se sauver elle, son bébé et Soren, la vision de cette mère et son petit n'étant que présage à fuir.

Est-ce qu'il y a un moyen de sortir d'ici... de vous faire sortir aussi... Je... De...
Tu es là depuis combien de temps ?.?.?


Oublier jusqu'à ses douleurs, sa blessure, son danois et ne plus voir que cette femme et son enfant captifs d'un fou et de ses sbires.
Oublier le champ des possibles et vouloir sortir d'ici à tout prix pour ne pas devenir cette blonde qu'elle plaignait de tout son être.



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