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[RP] Navipolis

Alphonse_tabouret
Six juillet








    Quand le soleil se lève, j’ai l’impression que le sable se dilue.
    Il y a dans l’air cet équilibre délicat des embruns marins et des premiers rayons , une humidité encore fraiche, encore palpable qui laissera bientôt place à l’abrupt du jaune. Alors, et seulement alors, la couleur de la plage variera d’une blancheur, et le sable deviendra luisant, de ces apostats qui ensevelissent le pied d’une brulure quand on le pense assez solide pour supporter une marche légère.
    Les oiseaux piaillent derrière. Ici, à la journée, l’on entend que les mouettes à l’incompressible azur ; les autres sont terrés aux branches–parasols des arbres et n’envahissent les nuées de leurs cris qu’au petit matin et à la tombée de la nuit, quand les insectes sortent.
    Personne ici ne fait un mouvement de trop.

    Les barques des pécheurs ont déjà pris d’assaut le littoral, mobiles aux voiles blanches, sillonnant la Bleue de points précis ; je reconnais le bateau de Vinicio, poinçonnant son nom en rouge quand tous les autres l’ont peint en blanc : "La santa Lucia". Cela me fait penser à Josselinière, à Maurice, à Gysèle.
    Nous sommes si peu de choses. La vie est si violente.

    Mer d’huile se trouble d’un remous ; un banc de dauphins sillonne le lointain et cela excite chaque barque dont les pécheurs se dépêchent de tendre les filets : avec un peu de chance, ils pousseront leur chasse jusque-là.
    Je sais la mienne.
    Elle tient du vertige, et selon les bons ou les mauvais jours, m’étreint d’angoisses autant que de bonheurs. Ah, là, je me fais rire moi-même… Quel luxe que celui des apeures amoureuses…
    A chaque horizon possible qui me broie le cœur, se contrebalance l’absolu des incompréhensibles vérités.
    Je ne sais plus à quelle occasion Maurice m’a dit que si tu étais le phare, alors j’étais la lumière.
    J’ai souri, touché par le compliment mais aux impressions d’être un faussaire ; si j’ai quelques brillances, c’est à toi que l’on les doit. Avant je n’étais que fumée, je plaisais d‘être insaisissable, discret, entreprenant, éphémère. A tes cotés j’ai découvert la matière, me suis fondu dedans jusqu’à retrouver la sensation du toucher ; à ton pied, je m’amarre.

    Elles sont curieuses ces nuits où l’on ne baise pas mais où l’on se réveille repu, dénervé.
    Nous avons tendu la cape et avons sommeillé dedans, au ras du sol ; j’ai eu trop chaud, toi aussi certainement. Nos peaux collaient, bouillantes malgré l’air fraichi, les souffles étaient lourds, volutes régulières s’abattant à l’épaule, la nuque, la joue selon les heures, mais aucun de nous n’a bougé, quitté le hamac de fortune, choisi la fraicheur salutaire du limon.
    Ta peau à la mienne est une première nécessité.
    T’entendre respirer ma mélodie préférée.
    Explorer ton corps aux inconsciences du sommeil, ma chasse gardée.

    Alors je m’aventure aux astres qui s’évaporent, je cueille chacun d’eux d’une épuisette aux premières lueurs de ce jour nouveau, et m’en fais des peintures de guerre. Je monte aux cieux, décroche la lune d’un voile, y façonne le secret des langages binômes, en enduit mes doigts, mes lèvres, ma langue et défie le silence.
    Dextre a glissé en bas de ton ventre, ma bouche murmure des mots qui n’existent pas, poudrés d’astres, et mes veines s’enlisent d’une épaisseur. Ce matin, mes os sont creux, je suis léger, chat de mer, bouc d’écume. Je suis le ressac, j’ai payé mon tribut. Mes pieds ont fendu l’océan et charmé les sirènes. De leur voix, je me suis fait un mouchoir que je garde au fond de ma poche : Femelles y déposent leurs envies et je m’en tamponne le front d’un parfum ; le tien me colle des suées claires, noires, bleues, vertes et je m’y drape chaque jour avec un orgueil rouge.
    Senestre à tes lignes est toujours sage, comme si te sentir suffisait à l’apaiser. Handicap apprivoisé, je m’enhardis. Je mange du sable, avale des nuages, siffle la Méditerranée, et me fais cigale. Je suis l’Italie, l’été, un dieu païen et vénéré à chaque gravité des chairs. Je suis ton Homme, ton Amour, Alfonso, et quand enfin tu te réveilles d’un soupir gémissant, le corps déjà courbé d’un désir échevelé, je suis moi, moi tout simplement.
    Je lâche la lune, délaisse le soleil, tourne le dos à l’Italie, et d’une main balaye mes peintures de guerre. Nous tombons du hamac sans vraiment nous en rendre compte, trop occupés à faire valser les braies que nous avons sagement gardé. Nos bouches s’emmêlent, épeires s’emballent et j’entends ton cœur tambouriner contre le mien.

    Je ne croyais pas que nous aurions plus bel été qu’à celui du chant des rivières.
    Je m’étais trompé.

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Gwenvael
Sept juillet à l'Aurore



La nuit avait été trop courte, j'avais exagérément bien dormi, dans tes bras...
J'aurais aimé ne pas trouver le sommeil, simplement pour la trouver longue cette nuit, pouvoir t'admirer dormir...
Guetter les mouvements de ta respiration, les soubresauts de ton corps, de tes paupières, que ma présence chasse tes cauchemars pour que tu n’aies que des rêves...
La nuit s'endort lentement avant que l'Aurore ne s’éveille.
Je m'éveille entre chien et loup, instinctivement comme pris d'une sorte de panique.

De quoi as-tu peur Gwen ?
De ne pas t'être enfuis comme souvent l'matin venu ?
De la savoir encore auprès de toi ?
De réaliser que ce n’est pas un rêve ?
Alors, tu n'as plus peur, tu es rassuré là ?
Par elle ou par toi ? Les deux peut-être...

Non sans lutter, je quitte tes bras à pas de loup.
Je me fais violence pour échapper à ta chaleur, pour ne plus humer ton odeur.
Mais cette fois là, je ne fuirais pas, oh non !
Furtivement sans éveiller l'Aurore, je me glisse hors de la couche simplement pour aller préparer le petit déjeuner.
Mais non loin de toi je serais, pour garder un œil protecteur sur tes derniers moments de sommeil.

Depuis notre chambre intime à l’abri des regards, vu sur la mer, vu sur le port et ses chantiers navals.
Tout en préparant en silence, je jette un œil sur les navires en construction.
Comme depuis quelques jours, j'ai pris cette habitude pour mesurer l'avancée des travaux et la rapidité des ouvriers ritaliens.
Sourire aux lèvres, satisfait je baisse le regard sur le plan de travail pour poursuivre.
Soudainement instinctivement, je retourne scruter les chantiers navals.
Quelque chose cloche, mais je ne sais pas quoi...
Couteau déposé, doigt pointé à l'horizon pour compter les navires.
Je compte dans ma tête, un, deux, tr... Il en manque un !
J'ouvre de grands yeux, je les frotte même pour vérifier que je sois bien éveillé, mais le compte est toujours le même.
Bien rapidement je me rends compte de celui qu'il manque et là je laisse échapper mon désarroi de vive voix.


Gast ! Oh les cons ! Bordel ! Ils se sont barré comme des voleurs !!

Non mais j'vous jure ! Et après c’est moi l'brigand ?
Mais quelle ingratitude ! Quel manque de politesse ! Attendez voir qu'je vous retrouve, j'vais vous parler du pays moi !
Même pas un au revoir ! je rouspétais, je râlais a voix haute, grognon l'breton.
Sauf que j'avais oublié l'Aurore blonde qui dormait encore tout proche.
Enfin pour l'coup plus très sûr qu'elle dorme...
Loupé le p'tit déjeuner câlin, bravo Gwen ! Non mais c’est leurs fautes !

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Alphonse_tabouret
09 juillet, à bord de "L'Oreille de Patrocle"
L'on ajoute un flacon à son catalogue















    C’est vingt ans en Italie, la musique bruyante d’un bal populaire, l’ivresse des vins clairs, l’odeur caressante des draps frais retrouvés au petit matin. Conte commun et pourtant bouleversant, mémoire épinglée jusqu’à l’Hiver, vingt ans enlacent l’essence légère d’un sourire insouciant et d’une silhouette dansante.

    Agrumes en Maitres Fruitiers délivrent l’acidulé de leurs parfums aux heures les plus chaudes de l’été, bouquets qui ne se poinçonnent qu’au bleu surexposé d’un ciel dégagé , embaumant tardivement les nuits colorées avant de laisser place aux blancheurs des fleurs de Jasmin; en grappes colossales, elles couvrent les reliefs de quelques portes cochères et tracent au sillage des amoureux qui y trouvent refuge , les fragrances des nuits entêtantes.

    En tête, Cédrat embrasse le Bigaradier, note douce et subtile, qui rehausse d’une ferveur inattendue le solaire de son essence, plantant aux nuées le relief d’une brise échevelée : C’est vingt ans en Italie, la musique bruyante d’un bal populaire, l’ivresse des vins clairs, l’odeur caressante des draps frais retrouvés au petit matin.


    Note de tête : Écorce de Cédrat
    Note de cœur : Fleur de Jasmin
    Note de fond : Bois de Bigaradier

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Gwenvael
11 Juillet a bord du "Wirbranlenuns"


Prends le large mon gars
C'est le vent qui t'appelle
Prends le large mon gars
Il est temps de partir
Prends le large mon gars
C'est le vent qui t'appelle
Eho ! Les gars, au vent de la mer
Eho ! Les gars chantant

Prends le large mon gars
Sur la vague jolie
Ton bateau glissera
Comme un grand goéland
Prends le large mon gars
Sur la vague jolie
Eho ! Les gars...

Prends le large mon gars
N'aie pas peur des tempêtes
Prends le large, ton bras
Est plus fort que la mer
Prends le large mon gars
N'aie pas peur des tempêtes
Eho ! Les gars...

Prends le large mon gars
C'est la vie qui t'appelle
Hisse toutes les voiles
Bonne route et bon vent
Prends le large mon gars
C'est la vie qui t'appelle
Eho ! Les gars...



A l'Aurore, je me noyais encore dans le bleu de ses yeux à l'intimité de sa cabine.
A l'aube, j'admirais le bleu de la mer en quittant l'port de Ventimiglia.
Hier, Bourlingueur d'rade craignos, alcool, fille de joie, baston de taverne.
Aujourd'hui, Matelot, second du capitaine, Breton a la mer.


Marmot par chez moi dans c'pays breton.
On vous conte les chevaliers de la table ronde.
Leurs armures brillantes, leurs bravoure, leurs valeurs.
On vous conte les marins bretons.
Leurs sueurs, leurs chants, leurs souffrances, leurs courages.


L'premier l'passé m'là fait toucher du doigt.
L'second, l'présent me l'offre aujourd'hui.
J'ai eu l'âge de ma jeunesse à côtoyer la chevalerie.
J'ai l'âge de la maturité à côtoyer la marine.


Du premier, j'ai été loyal et fidéle à mon serment.
Avant qu'une tempête balaye tous.
Du second, deviendrais-je un de ces nombreux marins.
Survivant au long cours, lutteur victorieux de nombreuses tempêtes déchainées des océans.
Combattant a l'abordage, atteint d'acouphènes a subir les hurlements de canonnade.
Naufragé de l’océan, mon prénom noyé parmi tant d'autres dans une de ses chansons à la gloire de nos frères du port qui ne reviendront jamais.


Sur la proue du navire qui fend paisiblement les flots.
Je dresse ma grande carcasse, le vent marin décoiffant mes cheveux, caressant ma joue, comme les douces mains d'une femme.
Mes oreilles écoutent le chant des oiseaux marins, qu'ils chantent encore longtemps sous le soleil brulant les peaux.
Quand leurs chants ne seront plus, le soleil ne tannera plus ma peau, le ciel s’assombrira , la mer se déchaînera, la tempête viendra.
Brille soleil, brûle ! Chante Goélands et mouettes ! Souffle vent, gonfle voiles !
Volte face, regard sur l'pont, cordages tendus, voiles claquantes sous les vents favorables.
Là-bas silhouette du capitaine tenant la barre, mon visage s'éclaire d'un sourire.
Un tricorne un peu trop grand ornant sa chevelure blonde, le bleu cobalt de ses yeux semble pétiller d'excitation, d'exaltation.
Quelques secondes nos regards se croisent... Je l'entends rouspéter, donner ses ordres.
J'suis sûr quelle gueule parce qu'elle croit que je me la coule douce sur la proue du navire à me faire doré l'cuir.
Un rire franc, un salut de la main, a vos ordres capitaine ! J'arpente à grand pas l'pont du navire, tirer sur un cordage, s'occuper des voilures avant de la rejoindre à la barre.
Naviguer côte à côte, tenir l'cap, pourfendre l'immensité de la mer jusqu'au coucher du soleil dont nos yeux ne ratent pas un seul instant.
A la nuit tombée, la chaleur du mess, repas et chope partagé avec camardes de bordée.
Tard dans la nuit calme, fermer mes paupières sur une dernière vision de ses yeux bleus, calé dans mes bras on s'endort bercé par le doux tangage du navire.
Vivement l'Aurore demain !
Le reste ?
On s'en branle !

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Gwenvael
12 Juillet a bord du "Wirbranlenuns"



Je marche seul,
Quand ma vie déraisonne,
Quand l'envie m'abandonne
Je marche seul,
Pour me noyer d'ailleurs...




Il n'y a pas que les vents qui sont tournants ou capricieux.
Un nom ? J'm'en branle de ton nom, j'oublierai ton nom !
Il est oublié depuis la première fois d'ailleurs...
Je n'avais besoin que de ton prénom, pas des rutilants de ton nom.

Quelque part il y a maldonne, j'ne suis pas l'homme de mon prénom.
Prince blanc il y a erreur sur la personne.
J'suis vagabond, bohémien autant que matelot aujourd'hui.
Quand les vents tourneront, peut-être nous repartirons...

Jamais je n'ai cherché à vivre dans un autre monde.
Je ne suis pas de ce monde, je n'en serais jamais.
Que cela te déplaise, tant pis, j'suis comme j'suis.
A prendre ou à laisser, j'ne forcerais pas ma nature.
Sinon se serait me détruire et je ne serais plus l'homme que tu connais.

Cette nuit je rejoindrais un p'tit peu de mon monde.
En bas, dans l'fond, dans l’obscurité, une couche sommaire.
Ma grande carcasse balançait lentement par le roulis sur les cordages du hamac.
M'endormir solitaire, habitude du passé et m'noyer dans mes songes.

Des rêves de voyage au long cours sur les océans.
Des rêves d'capitaine d'un rafiot défiant les tempêtes du rail d'Ouessant.
Des rêves de marins, chantant, buvant, distribuant une salade de phalanges dans un de ces nombreux rades craignos des ports du monde.
Des rêves, de trésors, de canons, d'abordage et de sirènes.

J’espère seulement que ce soir, tu seras la seule tempête à bord...

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