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[RP] Malementer ou tourmenter, telle est la question

Ingeburge
Ingeburge suivit le mouvement, docile, membre improvisé d'un funeste corps de ballet.

Le premier mercenaire — une femme brune qu'elle n'avait jamais vue — avait été désigné par Eusaias pour ouvrir le bal des suppliciés et avait conduit sans ménagement vers une cellule qui n'avait rien d'une salle de banquet. Pourtant, ce serait là qu'auraient lieu les réjouissances, que les cruels convives pourraient prendre part au branle, que les cavaliers feraient admirer leurs mouvements empreints d'un professionnalisme implacable.
Point de précieux parquet de marqueterie, point de vifs flambeaux, point de tentures colorées, point de mets appétissants et de boissons enivrantes. Rien de plus qu'un sol rudimentaire, rien de plus que l'éclat vacillant de banales bougies de cire, rien de plus que la nudité des murs poisseux et humides.

C'était donc l'heure de l'ouverture, aria en douleur majeure, et le bourreau, en maître de ballet aguerri, orchestrait la danse macabre, prêt à user de tous ces instruments qui produiraient à coup sûr des sons arrachés des gorges des prisonniers. Les cris seraient d'abord tus, retenus, ténus annonçant que le morceau n'en était qu'à ses prémices, l'explosion sonore viendrait par la suite, amenée, provoquée avec un art consommé.

Un duo donc, un homme, une femme pour une basse danse des plus inusitées. Le crachat au visage avait marqué la révérence, salut spumeux qui avait mis le cavalier Eusaias dans des dispositions favorables. Il saurait traiter sa compagne avec toute la déférence qui lui était due et la guiderait d'une main sûre et d'un pied léger dans un tourbillon digne d'une tresque enlevée.

Et maintenant...

Et maintenant, l'on pouvait voir la première danseuse, totalement dénudée, son corps impudemment offert aux regards des spectateurs, mettant une tache claire dans la noirceur de la cellule. La danse avait commencé.
Mais plus que cette nudité crue, c'était son regard qui attirait, déterminé.

Et la Duchesse de Bourgogne, sombre ballerine pour le moment au repos, soutenait ces prunelles furieuses, drapée dans son indifférence coutumière. Seules les jointures blanchissantes de la main qu'elle gardait cramponnée sur le bras d'Aldarik auraient pu trahir son malaise d'être là, mais sa main était gantée, à l'image de tout son être, imperméable.

Le craquement écœurant des doigts brisés sous la pression d'Eusaias mit une autre note détonante, discordante et elle seule pouvait interrompre la valse douloureuse. Elle était d'ailleurs attendue, comme si le spectacle lui était dédié elle qui représentait la Bourgogne violentée.
La Prinzessin s'approcha donc, avec une lenteur gracieuse, son regard glacé toujours vrillé dans celui de la prisonnière.
Elle s'approcha, posément, peu pressée d'entrer dans la danse, mais poussée par le devoir, contrainte par le besoin de savoir.
Elle s'approcha, doucement, ses pieds battant une mesure ralentie, mettant comme une respiration dans les mouvements échevelés, comme une pause dans le rythme infernal.

Alors, sa voix s'éleva, interrogative, marquée par une raucité légère :

— Qui vous a envoyé? Et pourquoi la Bourgogne?
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Felina
Tu voulais des questions ... te voilà servie ...

La voilà qui approche enfin, elle va la poser sa satanée question, qu'on en finisse une fois pour toute. Réflexion faite le cachot est bien plus agréable que cette sympathique séance d'interrogatoire. La Féline soutient le regard glacial de la Suzeraine, bien qu'elle ne sache pas qu'elle le soit, il lui semble avoir compris qu'elle était au moins une Dame d'importance pour venir elle même poser des questions dans un endroit pareil.

Lorsqu'enfin les mots sont lâchés, si la douleur n'était pas si vive la Féline en aurait éclaté de rire. Tout ça pour .... ça ... Vache, c'est cher payé de perdre une main pour ses deux risibles questions, dont la réponse, franche, sans aucune hésitation ne met pas deux secondes à franchir les lèvres asséchées de la sauvageonne, d'une voix entrecoupée par son souffle devenu plus court après la séance de brisage de doigts. .


Première question :


C'est une blague ... Qui m'a envoyé ? Mes chefs m'dame, deux d'ceux qui croupissent en bas dans les geôles ... On m'donne des ordres, et j'suis bêtement moi ... Comme votre toutou là ... Voyez l'genre ?

Un regard lourd de sens vers le bourrel.

Deuxième question ... encore pire.

Pourquoi la Bourgogne ... et pourquoi pas ? C'duché ou un autre hein savez, c'du pareil au même...


Ces mots là sont la vérité stricto sensu, la Féline n'en a jamais rien eu à faire de ce duché ou d'un autre, ni n'a jamais cherché à connaître les raisons de leur venue ici. Elle était venue chercher de l'action, de l'argent si possible, et le reste ne la concernait pas. Mais cela suffirait il à calmer les ardeurs du bourreau et de la Duchesse, rien n'était moins sûr. Ne pas penser à la souffrance dans sa main, mais anticiper la suite et les prochains coups.

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Ceux qui jouent avec des félins doivent s'attendre à être griffés.
Eusaias
M'dame ?

Le Mauvais grimace une première fois à ce mot et une seconde lorsque la Rastignac le perçoit comme un toutou. La petite doit apprendre à modérer ses paroles lorsqu'elle parle de lui, car certains chiens mordent avant d'aboyer et Eusaias fait parti de ceux là.


M'dame.... On dit votre grâce ! manque lui encore de respect je te promets que tu mourras dans d'affreuses souffrances, catin dégénérée.

Il se penche au-dessus et d'un geste paradoxal il lui caresse le visage d'une main douce. A l'endroit même où il a montré un peu de délicatesse il lui colle une gifle sonore. Les doigts de cette même main se referment sur eux, lorsque la dite main se retrouve en l'air et il abat ce poing à deux reprises sur le visage de la Rastignac. Un oeil gonfle quasiment immédiatement et prend une teinte jaunâtre, alors qu'au second choque c'est la lèvre inférieure qui éclate et enfle.

Il se recule d'un pas pour regarder son travail.

Si moi je suis un "toutou" toi tu n'es rien que du bétail que l'on doit parquer et marquer...

Un rictus prend forme au moment ou sa main se saisit du tison. Il fait tournoyer le bout incandescent au-dessus du visage de la jeune femme avant de le poser sur son épaule.

Une odeur de chair brulée se répend dans la pièce. La fumée s'élève de l'épaule meurtrie qui perd un lambeau lorsque le tison est retiré. Un B triomphant trône à jamais sur l'épaule de la mercenaire.

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Luciedeclairvaux
[Retour en cellule pour la belle et la bête ... ]

La main gauche est en sang, d'avoir tant tiré sur les fers qui l'enserrent. Des larmes de rage ont sillonné les joues sales de la petite. La sueur de cet effort a collé ses cheveux à son front. Car depuis qu'ils ont été surpris dans le couloir et que leur tentative d'évasion a avorté, Blondie n'a eu de cesse de tirer sur sa chaîne, encore, encore, sous les yeux du pauvre Arnülf, dépité de ne pouvoir l'aider. Arnülf qui l'observe par la cloison effondrée, depuis sa propre cellule, attaché à sa propre chaîne. Impuissant le colosse scandinave, face aux lances bourguignonnes. Impuissants les mercenaires déchus, face à la machine ducale. Le temps en prison les a usés. Les blessures ont lentement miné les corps et les esprits. Le mauvais gruau et l'eau rance ont achevé le travail de sape.

Agenouillée sur le sol froid, le corps lancé vers la porte, le bras en arrière, elle tire, inlassablement. Quelque chose finira bien par céder. Au mieux l'anneau mal scellé dans le mur, au pire une articulation. Poignet, coude, épaule ? qui sera le plus fort ? Elle tire. Ses vêtements devenus guenilles laissant entrevoir un corps amaigri et des muscles atrophiés. Elle tire. Un mois de plus ici et elle ressemblera à une vieille femme, elle en est sûre. Elle tire. Elle ne voit plus son père, pourtant, elle est sûre qu'il est là, dans le couloir, qu'il va la sauver. Elle a bien vu le haussement d'épaule de la Féline qui doute, mais la Féline n'aime rien ni personne. Rien à foutre de la Féline. Lucie aime son père. Elle sait que sa décision était juste. Que les raisons d'un retour précipité en Anjou étaient les bonnes. Qu'à défaut de frapper de près il frapperait peut-être de loin. Que leur folie à eux pouvait les porter vers la gloire comme vers la déchéance.

Jamais l'étincelle de vie dans les yeux de Lucie ne s'éteindra, même si elle devait l'aller puiser dans les tréfonds de sa folie. Vivante. Elle était vivante. Et tant qu'elle vivrait, elle tirerait sur sa chaîne.

Poignet, coude, épaule ? qui sera le plus fort ?

Soudain, un bruit, des pas, beaucoup de pas. Plus que d'ordinaire, puis c'est pas l'heure de la gamelle : pas normal. Des cliquetis d'hommes en armes, des voix inconnues. On vient peut-être les libérer. Le vieux a convaincu la duchesse d'Anjou de parlementer et de venir les tirer de là ? On va rentrer ! La duchesse ... ou le duc ? Depuis combien de temps est-elle là ? Y a-t-il eu des élections en Anjou depuis ?

[Des trognes connues et inconnues]


Le temps qu'elle se pose toutes ces questions, d'un air légèrement hébété certainement, on l'a détachée et menée dans une autre pièce. Il y a du monde. Trop de lumière pour distinguer qui se trouve là. Elle plisse les yeux. On la regarde, on lui parle. Se reprendre, et vite !

Soldats ! Saisissez vous d'elle !

Elle serre son poing valide sur sa chemise déchirée pour cacher son torse malingre, lève le menton, toise son monde. Ses longs cheveux d'un blond sans soleil, presque blanc, ont glissé vers l'arrière, laissant apparaître un visage d'ange sérieusement balafré. Elle cherche le regard des autres mercenaires mais ne le trouve pas. Trois gardes l'ont entourée tandis qu'un petit malin lui parle. C'est sur lui qu'elle fixe ses yeux trop clairs, son déroutant regard translucide, alors que lui lui tourne autour comme un qui veut endormir sa proie.

Voilà qui devrait ravir nos soldats. La petite n'est pas vilaine et eux s'ennuient sans doute. Peu ont dû croiser d'aussi jolies filles.

Qu'on la porte en pâture à nos soldats, qu'ils se déniaisent !


Sa bouche sourit presque. Ou bien est-ce un effet d'optique ? On dirait qu'elle va parler.


Ah moins qu'elle nous fasse un joli aveux écrit sur le fait que ses compagnons sont comme tout le monde pense... des hérétiques. Ainsi après cet écrit, elle sera mieux traitée et ses amis connaîtront le bucher.


Lucie ouvre la bouche, et contre toute attente, la voix est encore claire et calme. Elle coule comme une eau fraîche : douce et saisissante à la fois.

Hérétique est celui qui mène au martyre l'enfant du divin. Tu seras damné jusqu'à la fin des temps, bourrel.

Le sourire disparaît un instant, le temps qu'elle dégage son bras droit de la poigne d'un garde inattentif - peut-être un peu impressionné par les propos prophétiques de la jeune fille - et assène une gifle cinglante au premier garde qui lui tombe sous la pogne. Ils resserrent alors leur emprise et la trainent sans ménagement vers une cellule éloignée. Dans le couloir, on l'entend encore les menacer :

On ne touche pas Lucie impunément ! Vos mains saigneront et tomberont. Votre descendance sera maudite !


On ne touche pas Lucie impunément !


Elle griffe, elle mord, flanque des coups de pieds. Le seul moyen de s'en débarrasser est de la balancer dans une cellule vide, bien loin de l'abomination qui se trame.

Blondie pense avoir eu raison d'eux et savoure sa courte victoire. Elle ne sait pas que c'est le bourreau qui a donné ordre de la cloîtrer ici pour mieux s'occuper d'elle plus tard ...

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Felina
Retour en Enfer …

Les paroles ont fait mouche, comme en témoignent les grimaces de l’homme … Léger sourire en coin de la Féline suite à cette petite victoire. Ainsi enchainée et à leur totale merci, elle parvient encore à agacer. Mais sa jubilation est de courte durée, et le bourreau se charge à façon de lui apprendre les bonnes manières.

Votre Grâce qu’il dit … léger regard en coin vers la Duchesse et expression au fond des yeux qui en dit long sur le respect qu’elle peut avoir pour elle et tous ceux de son monde, les iris noirs se reportent rapidement sur l’exécuteur des basses œuvres de Bourgogne.

Elle frémit comme il vient effleurer sa joue, presque surprise par la douceur de son geste et soutient son regard sans ciller. Puis elle se crispe quand la gifle part, et gémit finalement lorsqu’un poing vengeur vient s’abattre par deux fois sur elle, lui fermant un œil sous le premier impact et lui éclatant la lèvre au second.

Sonnée, la Rastignac ferme le dernier œil qui lui reste, en essayant sans succès de reprendre ses esprits, mais c’est une chaleur toute proche d’elle ainsi qu’une drôle d’odeur, semblable à celle que l’on peut sentir à proximité des forges, qui la font revenir à elle. A peine a-t-elle le temps d’apercevoir le tison et d’écarquiller les yeux de frayeur, qu’une douleur insoutenable lui irradie l’épaule, la faisant se tordre sur le chevalet et lui arrachant un hurlement que toute sa fierté et sa volonté est bien incapable de contenir, avant qu’elle ne perde totalement conscience et sombre dans le néant.

Retour case départ, dans les limbes de l’inconscience … Si seulement cette fois ci la mort pouvait venir la faucher. Si seulement !!!

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Ceux qui jouent avec des félins doivent s'attendre à être griffés.
Ingeburge
Attentive, elle attendit que les réponses viennent même si elle n'escomptait pas obtenir de fracassantes révélations. Elle n'attendait pas grand chose à dire vrai et certainement pas à devoir interroger tous les prisonniers. Elle devrait donc le faire avec tous? Elle ne voulait voir que les responsables pourtant, pas davantage, car le gros de la troupe ne devait certainement pas connaître les raisons de l'incursion en Bourgogne.

Ce sentiment qu'elle avait fut aussitôt confirmé par la prisonnière. Seuls les chefs détenaient une vérité qui ne lui serait pas servie parce qu'elle exigerait. D'où la présence d'Eusaias. Quand on veut quelque chose, on met tout en œuvre pour l'obtenir.
Et pour sûr qu'elle voyait le genre, elle-même était chef d'armée et donnait ordres et directives sans forcément expliquer le pourquoi de ses décisions. Elle disait, ils suivaient. C'était dans l'ordre des choses et toute armée digne de ce nom — et peu importait la bannière, peu importait la légitimité, peu importait le but — ne pouvait se comporter autrement.

Non, elle ne saurait rien avec ce docile mercenaire.

Dès lors, la femme ne l'intéressait plus, elle avait déjà assez perdu de temps avec ce sous-fifre. Et il faudrait attendre, attendre encore car chaque prisonnier serait passé à la question, pour la forme, par nécessité. Elle devrait faire montre de patience et ronger son frein alors qu'elle ne voulait qu'une chose : savoir, savoir à tout prix, à en plonger ses mains délicates et baguées dans le sang de l'agresseur. Elle ne craignait pas de se salir, portant déjà en elle la souillure infligée à la Bourgogne. Bien au contraire, le sang appelait le sang, l'outrage serait ainsi en parti lavé.

Toute à ses réflexions, déjà tendue vers cette ultime confrontation qu'elle appelait de ses vœux, elle s'éloigna et ne vit pas le bourreau se remettre à l'ouvrage.
Cependant, elle ne put ignorer bien longtemps les gémissements qui se muèrent en un hurlement quand l'instrument forgé fut appliqué sur l'épaule de la prisonnière. Elle regarda un instant la scène, une odeur désagréable lui chatouillant les narines. Et elle vit tout, le visage abîmé par les coups, le corps cabré sous l'effet de la douleur, l'épaule flétrie par le tison.

Sa main gantée fouilla alors dans l'une des poches de la mante qu'elle avait revêtue et un fin mouchoir brodé fut aussitôt extirpé. Elle l'appliqua sur son nez et sortit de la cellule, se forçant à le faire avec lenteur.
Une fois sortie, yeux fermés, elle inspira profondément et les effluves délicates de l'iris masquèrent les relents pestilentiels, mélange d'odeurs putrides et carnées. Et durant un instant, elle se retrouva à Florence, loin, très loin des geôles noires et puantes de Joinville.

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Eusaias
L'application du fer rouge est toujours chose terrifiante, le Mauvais peut en juger pour y avoir goûté. Il se recule d'un pas et replace le fer dans le brasero.

" Portez là au pilori et placez un baquet à excréments de manière à ce qu'on ne soit pas obligé à tout nettoyer demain. "

Un chiffon passa de main gauche en main droite, de droite en gauche afin de nettoyer les traces de sang. Dieu sait qu'il n'aime pas user de position de force, mais le travail c'est le travail. Ses yeux de rapace perçoivent le regard intéressé des gardes, lorgnant le spectacle que leur offre, malgré elle, la Rastignac. Un visage presque favorable prend place sur son faciès, il s'approcha des deux vougiers en poste. Sa tête pivote lentement en direction du dit "spectacle" avant de reporter son attention sur les deux soldats.

" J'espère que vous ne riez pas de sa condition où je vous jure de vous faire connaitre la même."

Son visage semble pourtant encore souriant.

" D'ailleurs si vous continuez à la reluquer de la sorte je vous promets ô mes frères d'arracher vos yeux malsains de vos orbites. Et.... Il est évident que si une chose déplorable venait à lui arriver, vous serez pendus et je placerai vos compagnes dans les pires lupanars de Bretagne. "

Il les fixe un moment, son regard est désormais menaçant. Il peut lire sur les visages blanchissant que les gardes ne feront rien. Les deux braquent leurs yeux loin devant sans doute afin de ne pas croiser la Rastignac ou le regard du bourrel.

Il sort à son tour et rejoint la Duchesse.

" Je vais continuer le marquage. "

Son timbre est morne, il n'a guère de coeur à l'ouvrage. Ses pas résonnent dans le couloir, il se place devant la cellule d'un jeune homme, sans doute trop jeune pour être là. Mais nul place pour la compassion, il est le bras armé de la justice et la justice est sans pitié.

" Gardes ! c'est à son tour ! "
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Ingeburge
Le soleil aux rayons caressants, l'ocre chaud et terreux du sol, les campaniles aux cloches tintinnabulantes, les vignes fécondes et odorantes, le patois toscan... c'était tout cela qu'elle respirait dans son mouchoir violemment parfumé. Et elle ne voulait pas délaisser cette sensation de chaleur, de vie et de joie, elle ne voulait pas quitter ce rêve d'évasion, elle ne voulait pas partir de ce havre salvateur.

Mais une voix, comme venue d'outre-tombe, lui parvint :

— Je vais continuer le marquage.

Elle ouvrit donc les yeux, malgré elle, malgré ses envies, malgré tout. Et de nouveau, la pénombre de caveau, la prosaïque réalité et les implacables obligations auxquelles elle était tenue.
Et elle vit le visage du Mauvais toujours aussi déterminé mais comme marquée par une lassitude que laisse deviner sa voix.

Mais le pas de temps de l'observer plus attentivement, de chercher à comprendre, déjà, il s'éloignait et se dirigeait vers la cellule de la prochaine victime désignée.

Elle ne le suivit pas, retardant la marche en avant, sa progression vers l'abject. Elle attendrait un peu, elle serait de toute façon appelée pour poser des questions dont les réponses ne seraient en rien satisfaisantes. Pour l'heure, elle devrait juste se répéter que ce qui était fait là, l'était pour la Bourgogne et pour tous ceux qui avaient souffert de l'agression. Elle ne devait penser à rien d'autre.

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Armand.
[Retour en cellule]


Un fond de cellule toujours aussi humide, une cage toujours aussi infecte dont la noirceur n'était à peine troublée que par quelques rayons de soleil téméraires passant à travers le soupirail et encore et toujours la même bouillie à ingurgiter. Finie la grande épopée, les rêves de gloire, la belle échappée... Armand, comme les autres, avait simplement retrouvé l'hospitalité bourguignonne dans toute sa splendeur.
Pieds et poings liés, un pic vert au milieu du crâne, le jeune blond à l'aspect miséreux restait prostré contre le mur fixant la porte de la geôle sans ciller. Les rumeurs de l'arrivée prochaine d'un bourrel véhiculées par des gardiens trop content d'avoir un ascendant tant physique que mental sur leur prisonniers s'étaient vues confirmées. Il avait bien tenté de se soustraire à ses entraves mais n'avait réussit qu'a faire couler plus de carmin le long de ses avants-bras émaciés. La peau à vif, il s'était alors calmé, se contentant de serrer la mâchoire en les maudissant tous. Et la voix d'un homme s'était finalement élevée dans toute la prison, distribuant ordres sur ordres à des soldats certainement ravis. S'en prendre aux femmes... quelle bande de lâches! avait pensé Armand lorsque les paroles de l'officier des basses œuvres de Bourgogne avaient percuté son cerveau. Mais à quel jeu jouaient-ils donc, s'en prendre à la troupe en épargnant la tête.. Fallait-il y voir une manœuvre d'intimidation ou l'annonce d'une funeste nouvelle?

Le blond n'eut pas vraiment le temps de pousser plus loin ses réflexions que déjà des bruits se firent entendre dans le couloirs, des bruits et des éclats de voix puis un mot.. un seul qui retendit à ses oreilles comme un écho prit entre deux montagne... Chevalet....
La peur, la colère et l'impuissance se mêlèrent alors en un torrent qui lui glacèrent le sang et se transformèrent en une fureur qui n'avait d'égale que la frustration du prisonnier face à ce qui allait se produire. Ne les avaient-il pas déjà assez humiliés et brisés? A quoi bon un tel acharnement? N'eut-il pas été plus simple de les tuer tout de suite? Non, ces maudits bourguignon en voulait plus..

Et le silence revînt, oppressant, inquiétant, pétrifiant. Le calme avant la tempête, moment de latence où tout semble encore possible, où nos rêves sont à porté de mains et nos craintes au seuil de notre porte. Secondes d'éternité qui nous coupe le souffle, hérisse le poils, accentue les sens. Moment d'appréhension ou le cœur se met à battre à tout rompre et le mains deviennent moites. Instant d'agonie aussi cruel que la torture elle même qui ne trouve délivrance que dans le hurlement de celle qui vînt de celle qui fut leur première victime.

Et le calme devient tempête, l'Azur devient orage, la faiblesse d'un corps se tait au profit d'un haine sans nom et c'est une promesse silencieuse qui se fait jumelle du cri insoutenable avant que tout ne retombe une fois encore et que le silence ne reprenne sa place.

Silence qui bientôt se voit troubler par des bruits de pas, les grincements familiers d'une grille et cette voix qui retentit de nouveau. Et voila que la fierté de l'homme prend le pas sur sa peur et c'est un sourire assuré qui vient orner les lèvres du blond fixant toujours de ses sombres azurs les gardes venant le détacher. Ceux-ci, gros bêtas sans cervelles, ne font pas dans la dentelle le faisant grimacer le blond malgré lui mais toute son énergie est employée à ne rien laisser paraitre, se levant pour les accueillir, allant jusqu'à les suivre de son plein gré. Sortant de sa cellule, il s'autorisa à défier du regard le Mauvais et ricanant tant pour se donner du courage que pour narguer l'homme qu'il murmura :


- C'est bien aimable à vous, Valet, de venir me dégourdir les jambes.. je commençais presqu'à m'ennuyer..

Le sourire de l'adolescent se fit plus insistant tandis que ses azurs railleurs s'encraient dans les yeux de son adversaire. La fierté était bien tout ce qui restait au petit blond en cet instant et malgré son air malade et affaiblit, il n'était pas près à laisser s'échapper la dernière par d'identité qui le rattachait encore à ce qu'il était.

Et puis avec un peu de chance, cela ne devrait pas être pire que par le passé...

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Luciedeclairvaux
Les gardes avaient mené Blondie dans une cellule à l'écart sur ordre du bourrel, puis étaient repartis dans un cliquetis d'armures. Tous, sauf un. La mercenaire s'était enfuie une fois, nul doute que si elle réitérait des gardes seraient blâmés, alors l'un d'entre eux était resté en faction.

L'homme était de grande taille. Lucie ne l'avait jamais vu celui-là. Sûrement arrivé avec les nouvelles troupes ducales. Elle arpentait la cellule comme une lionne en cage, refusant de leur donner le plaisir du spectacle d'une pauvre victime terrée dans un coin sombre. Fière, la neuve balafre ostensible, l'ange blond allait et venait d'un pas nerveux. Ils avaient décidé de les torturer ... mais diable, pour quoi faire ?! Ils n'étaient que des mercenaires payés pour être ici ... et encore, payés, il fallait le dire vite. Que voudrait-on lui faire dire ? A quoi devrait-elle faire face ? Car l'ignoble bourrel viendrait, elle en était presque sûre. Elle devait se préparer et envisager toutes les hypothèses. Être prête au pire.

Un bruit de serrure la sortit de ses réflexions. Ça y est, on venait la chercher ! Son cœur battit à tout rompre, elle n'était pas prête ! Elle ne voulait pas ! Tachant de garder son calme, elle tourna ses yeux de glace vers l'homme qui, contre toute attente, avait refermé la grille derrière lui. Son attitude ne laissait aucun doute sur ses scabreuses intentions. Un sourire carnassier étirait ses lèvres épaisses tandis qu'il approchait sournoisement. Lucie sentait ses odeurs âcres de transpiration. Elle se tourna lentement pour lui faire face.

N'avait-il pas entendu ses imprécations, cet âne-là ?!

Visiblement non, il continuait d'avancer vers l'immaculée en l'appâtant avec de mielleuses paroles. "Viens don', ma jolie, l'maîstre a dit que j'pouvions t'saillir. Un peu d'plaisir dans c't'endroit lugubre, hein ... D'puis combien d'temps que t'ya point goûté ?"

Il tenta de se jeter une première fois pour la coincer. Agile, elle feinta. Elle recula plusieurs fois, échappant aux grosses mains tendues et pleines d'espoir. Jusqu'à ce que, las de jouer au chat et à la souris, l'homme détachât son arbalète de sa ceinture, mit le pied à l'étrier, banda la corde et plaça le carreau avec une dextérité déconcertante.

Lucie avala sa salive et s'immobilisa soudain.

Le garde approcha et serra sa pogne sur le maigre poignet de la blonde puis tenta de quémander un baiser en ricanant. Il ne récolta qu'une violente gifle de la main libre, ce qui déclencha en lui un rire sonore et inquiétant tandis qu'il la culbutait sur le sol sans ménagement avant de s'abattre sur elle. Muette, la petite tacha de se libérer, d'échapper à ces genoux qui la forçaient. Elle ne lui ferait pas l'offrande d'un cri ni même d'un gémissement, à ce bâtard. Mais ses cannes trop chétives ne parvenaient pas à obéir à sa volonté pourtant farouche de fermer le passage à l'assaillant. Il était en train de vaincre et de déchirer ses haillons. Sa sueur gouttait sur elle, immonde. Elle détourna le regard, et l'aperçut alors ...

Cet imbécile avait posé son arme pour parvenir à son affaire. Lucie lança un bras désespéré vers la poignée et la fit approcher du bout des doigts. L'autre se démenait pour sortir son matériel, et l'embrocha vive. Le carreau fut tout aussi prompt et le garde, inerte, s'affala de tout son poids sur une Lucie tremblante d'effroi. Alors seulement elle émit une plainte irrépressible et trouva la force de faire rouler l'homme sur le coté pour se dégager.

Les mains tremblantes de frousse, avec sa chemise déchirée, elle étala plutôt qu'elle n'essuya le sang qui avait giclé sur son visage et ses cheveux. On ne touche pas Lucie impunément, marmonnait-elle d'une voix rauque. Les gardes alertés par le bruit la trouveraient là, barbouillée de rouge, affairée à découper l'objet du délit avec le propre couteau de sa victime.

C'est qu'on ne gagne pas son statut d'immaculée avec des contes pour enfançons.

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