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[RP] ... Une chèvre, vous êtes sérieux là ?

Lison_bruyere
Embrun, le 24 août 1467


Accrochée à son promontoire rocheux, Embrun se devinait. Les lueurs de l'aube teintaient d'or les arêtes rocheuses des hautes montagnes qui abritaient la ville à l'ouest. Les remparts dominaient la Durance dont le groupe suivait le cours depuis le petit bourg de Prunières. L'étape de la nuit s'était avérée bien plus longue que les précédentes et bêtes et hommes étaient harassés. Milo chouinait depuis un moment, et son père l'avait pris en selle devant lui. L'enfant fatigué mais fier d'être à cheval, s'était calmé, pour se rendormir finalement, bercé au pas de la monture dans les bras qui le soutenaient fermement. Siena boitait bas. Fanette ne s'en était pas rendue compte, calée avec sa dernière-née à l'arrière de la charrette, et Tyrraell n'avait rien dit. Il fallait bien que la jument parvienne jusqu'à la ville prochaine.

On leur indiqua la forge, tenue par un solide gaillard roux, au teint rubicond et aux mains noircies de charbon et de flammes. Il avait, dit-on une solide expérience des chevaux, qu'il prenait d'ailleurs en pension, moyennant quelque écus, dans un petit enclos qui jouxtait son échoppe. L'homme fit d'abord marcher la jument, et, une fois localisée l'atteinte, il en chercha la cause, examinant le sabot incriminé. La pince à pied eu l'effet escompté, et il se tourna d'un air entendu vers l'Africain et la fauvette, à présent inquiète pour sa bête.

- C'n'est qu'une bleime, l'pied n'est pas encore très chaud, on évit'ra trop d'mal. Dans que'ques jours, elle s'ra comme neuve.

Il déferra l'animal et entailla la tache un peu plus sombre qui s'était formée sur la sole, entre les barres et la paroi du sabot. Immédiatement, le sang se mit à couler, libérant sans aucun doute l'hématome à l'origine de la boiterie.

- L'a dû s'faire mal sur un caillou. Les ch'mins sont secs par ici.

Quelques instant plus tard, Siena, de bonne composition, tentait de se faire accepter des autres roncins du forgeron. Ils s'étaient massés autour d'elle, saluant la nouvelle venue d'oreilles couchées, de menaces auxquelles la jument ne répondait pas, pour que finalement, les tentions retombent et que chacun retourne brouter, surveillant l'intruse du coin de l’œil. Ses allures n'étaient toujours pas franches mais elle semblait moins souffrir. Fanette tenait son fils assis sur la barrière de bois, et les regardait, un peu inquiète. Quand Tyrraell les rejoignit, après avoir payer le forgeron. Elle lui glissa un regard résigné.

- Il va falloir que j'oublie la Provence ?



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Lison_bruyere
Embrun, le 25 août 1467


Tyrraell avait raison, quand une idée lui trottait en tête, elle n'en démordait pas, et il lui avait suffi de voir le sourire de son époux la veille, quand elle avait proposé cette promenade, pour ne pas y renoncer. Milo était confié à Roman pour la journée entière. Fanette n'avait pas bien idée de l'heure à laquelle ils rentreraient. Elle n'était jamais revenue depuis cette première fois qui remontait à plus de trois ans, alors, qui pouvait dire si elle se souviendrait encore du chemin.

Le forgeron avait accepté de lui louer l'un de ses chevaux, un grand animal aux attaches solides, et aux crins légèrement plus clairs que sa robe. Fanette s'était perchée sur la douce Isis, une vieille bête au pied sûr que lui avait prêté la bourgmestre. Si ses jupes couvraient en partie la croupe du cheval, elles dévoilaient le bas de ses jambes, que la fauvette tentait de dissimuler. Stella était bien emmaillotée dans ses langes, et elle l'avait confiée à l'Africain, pas assez sûre de ses talents de cavalière pour ne pas craindre de tomber avec sa dernière-née. Le petit équipage, précédé du grand chien gris, s'était mis en route bien avant que le clocher ne sonne tierce.

Jusqu'au village voisin de Crots, la route était relativement plate et large. Elle longeait la Durance et les terres arables. C'est après que les chevaux devaient fournir leur effort. Elle montait sans cesse traversant quelques lieux-dits bâtis à flanc de coteau. Après les dernières maisons du hameau au nom bien trouvé de « la montagne », le chemin devenait plus sauvage. A senestre, il s'accrochait à un dénivelé plus ou moins abrupt fait de roches éboulées par les gelées de l'hiver. De l'autre côté, il longeait un profond ravin dans lequel sinuait le torrent de l'Infernet. Le soleil déjà haut mouillait d'écume les montures qui marchaient pourtant d'un pas calme. La vieille Isis suivait le cheval de Tyrraell, de sorte que la fauvette n'avait guère à se soucier de la diriger. Concentrée sur le paysage, elle espérait surtout se souvenir de l'endroit. Elle n'eut pas long pour vérifier que sa mémoire n'était pas si mauvaise. Elle reconnut le grand virage, d'où la combe à dextre semblait d'une profondeur vertigineuse. Le chemin sinuait ensuite encore un peu, puis un mince ru le traversait. La sente se devinait juste après, grimpant le talus à l'opposé du ravin.

- Bali, arrête-toi ! C'est là.

Quand il se retourna, elle s'était déjà laissée glisser de sa monture et pointait du doigt l'étroit chemin mangé d'herbe. Le petit lac du Lauzerot était parfaitement invisible de l'endroit où ils se tenaient. Elle passa les rênes de sa jument par-dessus l'encolure et s'approcha de son époux pour récupérer sa fille avant qu'il ne mette pied à terre à son tour.

- Il faut monter, c'est tout près, les chevaux pourront brouter à l'ombre et nous aurons des branches souples pour les attacher.

Un sourire radieux illuminait le minois taché de son. Elle s'était engagée dans la sente, sans attendre la réponse de l'ébène. Quelques toises au-dessus, la butte s'ouvrait sur un large plat tapissé d'herbe. En son milieu, les eaux vertes et lisses d'un petit lac circulaire reflétaient les mélèzes qui se dressaient tout autour. Un peu plus haut, on distinguait une minuscule chapelle, qu'un petit ruisseau semblait contourner pour venir se perdre dans des fougères au pied des grands arbres. La quiétude du lieu s'embellissait du chant de quelques oiseaux.

Fanette lâcha les rênes de la jument, qui du reste, avait déjà le nez dans l'herbe, pour installer sa fille sur une couverture à l'ombre. Elle ôta ses chausses. Rien ne valait le plaisir de sentir la caresse de l'herbe grasse et tendre sous la plante des pieds. Elle jeta un regard au nourrisson qui semblait captivé par les jeux de lumière dans les branches, puis avança de quelques pas. Debout face à l'étendue émeraude, un fin sourire vissé au coin de ses lippes, elle inspira doucement en fermant les yeux. Qu'il était bon de s'abandonner aux sensations, la douce chaleur d'un soleil taquin, jouant entre les ramures pour effleurer sa peau, le chatouillis d'un brin d'herbe à sa cheville, un souffle d'air s'immisçant dans ses boucles, un instant de bonheur, bien loin des tribulations du quotidien. Elle guettait les mouvements de l'ébène derrière elle, et, rechignant sans doute à troubler le silence paisible d'une parole, elle tendit une main dans son dos pour l'inciter à la rejoindre.
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Tyrraell
Il aimait se retrouver avec elle, sa femme. Ils s'apprivoisaient à mesure que le temps passait à effleurer leurs peaux ou à caresser leurs âmes du bout des doigts. Ce couple si atypique devenait, au fil du temps, presque commun tant le Maure avait l'impression de vivre aux côtés de la fauvette depuis des lustres. Combien de temps déjà ? Un mois. Le simple souvenir de son oubli étira un vague sourire sur ses lèvres tandis que les doigts de sa main gauche enlaçaient ceux de son épouse.

L'imposante statue d'ébène cala son torse contre le dos de la frêle jeune femme. Les mains dépareillées glissèrent jusqu'au ventre contre lequel elle déposèrent une étreinte teintée de tendresse. Il n'y avait pas besoin de mots en cet instant précis. Stella accompagnait le pépiement des oiseaux de son gazouillis enfantin. Tyrraell ferma les yeux un court instant. Il inspira profondément alors que son visage effleurait à peine la chevelure de blé mûr. Il avait appris à aimer son odeur. Ça n'avait pas été bien difficile. Fanette avait ce don de se faire aimer sans rien avoir à provoquer.

Les paupières se soulevèrent et dévoilèrent un regard aussi sombre que pouvait l'être la peau de l'africain. Il se sentait bien. Il ne fallut que peu de temps à l'enfant pour sombrer dans les bras de Morphée. Il n'en fallut pas plus à l'époux pour resserrer son étreinte autour de sa femme. A l'ombre d'un arbre fruitier, il lui exprima une fois de plus l'affection que son corps portait au sien. Plus tard, un autre jour, il se laissera aller aux sentiments et le murmure de sa voix rauque résonnera au creux de l'oreille féminine.

Pour l'heure, leur connivence s'ébattait dans ce qui était presque devenu leur rituel, ce qu'il appelait une sieste mais qui n'en était pas vraiment une. Ils prirent le temps de recouvrer leurs esprits, lentement, tandis que l'enfançon revenait à son tour aux tumultes de la vie réelle. Ils prirent le temps de discuter comme il le faisait plus souvent qu'on pourrait le soupçonner. Malgré quelques heures difficiles, ils étaient là, l'un pour l'autre. Elle lui faisait lentement oublier un passé probablement trop douloureux pour qu'il l'aborde dans le détail. Il pansait les plaies encore à vif laissées par un père à l'hypocrisie amère.

Puis ils redescendirent vers le village, main dans la main et panier sous le bras, mirage métissé au sein d'une société qui, par moment, savait leur montrer à quel point elle n'était pas encore prête à accepter la fantaisie de leur union.

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Lison_bruyere
እወድሻለሁ - Iwedishalehu - Je t'aime.


Montélimar, 30 août 1467


Tout semblait si simple par moments, à l'image d'une discussion à la fois légère et grave où le passé se mêlait à l'avenir, tandis qu'un nourrisson babillait gentiment dans les bras de sa mère.

- Combien avais-tu d'enfants Bali ?

Du passé de l'Africain, Fanette ne connaissait que de grandes lignes, et aussi ce que Tigist lui avait confié en gloussant dans l'intimité d'une chambre d'auberge. Tyrraell ne l'évoquait jamais, sauf à la demande de son épouse. Sans doute était-il trop tissé de souffrances pour lui en conter chaque détail. Pourtant, il arrivait que la fauvette l'incite à livrer une bribe, jamais trop à la fois, seuls quelques fugaces instants d'une autre vie, pour qu'elle comprenne un peu mieux celle qu'il venait de lier à la sienne.

- J'avais trois femmes et sept enfants, quatre garçons, et trois filles.
- Ils seraient grands à présent ?
- L'aîné aurait probablement l'âge d'être mon lieutenant, la dernière serait presque bonne à marier.

Le regard de noisette s'attendrit aux joues rosées de l'enfançonne, puis glissa malicieux dans celui de Tyrraell.

- Tu entendras encore rire et chouiner Stella longtemps avant que nous n'en soyons là. J'ai tout mon temps, j'ai été privée de ces moments avec mon fils, je les découvre avec elle. Milo me semble si grand à présent, même s'il est encore tout petit.
- Il restera encore ton petit, même dans vingt ans.
- Oui, mais je ne pourrais plus le faire tourner dans les airs.

Si la force tranquille avait un visage, elle serait celui de l'ébène en cet instant, à ses traits détendus qu'éclairait un regard un peu lointain. Il lui souriait.

- C'est lui qui le fera !

Fanette éclata de rire.

- Je ne suis pas pressée d'être une vieille femme.

L'amusement élargit le sourire de son époux.

- Tu ne seras jamais plus vieille que ton mari !

Etait-ce cette phrase qui avait amorcé le changement ? Le minois taché de son se fronça légèrement, s'inclinant à peine sur le côté. Elle le dévisagea un instant, silencieuse, puis, remonta une main à sa joue, suivant le sillon de ses rides, pour venir effleurer du bout du doigt la cicatrice qui soulignait son œil gauche.

- Je me suis habituée à tes rides, comme à cette marque. Elles sont comme ta flûte, elles racontent une histoire. Tu sais Bali, il y avait toutes ces différences, et je ne voyais qu'elles. Et à présent, elles ne comptent plus, tu es juste mon époux, et je crois que ça me convient.

Il la couva d'un regard tendre.

- Notre histoire est atypique, mais je la trouve assez belle.
- Dis-moi pourquoi tu la trouves belle ?
- Elle l'est assez pour que je sois tombé amoureux de toi.
- Oh ! Bali.

La surprise empourpra ses joues, l'exclamation lui avait échappé, presque susurrée, sur le ton d'un pardon qu'on supplie. Elle s'abandonna à la douceur du baiser que l'Africain lui offrit, allant jusqu'à glisser sa main à la nuque sombre pour le prolonger encore. La caresse d'une langue aventureuse fit naître un frisson. Elle pouvait le sentir courir à son échine, vertèbres après vertèbres. Alors que sa bouche entière se repaissait toujours de l'autre, ses doigts doucement audacieux glissaient le long du torse mâle et la lave chaude du désir se répandait jusqu'au creux de son ventre.

Elle s'écarta et posa un regard troublé dans celui de son époux. Les mille éclats d'or perdus à ses prunelles révélaient les émotions qui la tourmentaient, la culpabilité qu'il aurait pu sentir, douce et humide, s'il avait glissé une main sous ses jupes. Comment pouvait-elle être à la fois si touchée de la confidence qu'il venait de lui livrer, grisée de se sentir à ses yeux non plus seulement désirable, mais simplement aimée, et être incapable de lui dire en retour les mêmes mots. Tant de fois on en galvaudait le sens, Fanette s'était toujours refusée à les prononcer à la légère, et pourtant, à cet instant, elle n'aurait rien voulu tant que de savoir les lui faire entendre à son tour.
Parfois, un simple geste, une parole, une attention que l'ébène portait, à elle, ou à ses enfants, et Fanette sentait son cœur déborder d'émotions qu'elle ne comprenait pas, de reconnaissance, peut-être, de confiance en l'avenir, d'affection … Avait-elle souffert à ce point de la rancœur du Corleone pour ne plus savoir reconnaître l'amour quand il s'éveillait à son âme ? Elle n'en refusait pas l'idée, elle était juste tout bonnement incapable de l'admettre quand elle se présentait.

- Comment dis-tu déjà ?

Elle se risqua à prononcer dans sa langue les mots qu'il lui avait soufflés un peu plus tôt.

- L'accent n'est pas encore parfait, mais c'est quelque chose comme ça.
- Un jour, je serais capable de te le dire.

Le sourire amusé de l'époux se teinta d'un brin de grivoiserie, quand il lui prononça un autre mot, bien décidé à lui en apprendre la signification en l'entraînant à l'abri des regards. Alors, elle balaya ses propres interrogations et se leva pour le suivre, déposant délicatement le nourrisson dans le panier qu'il tenait déjà à bout de bras. Et en attendant de lui offrir pleinement son cœur, elle lui offrirait ses dix-neuf ans bouillant de désir et se soumettrait aux siens aussi souvent qu'il en manifesterait l'envie.
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Lucile...
DIJON LE 3 SEPTEMBRE 1467

Lucile repensait à la suite d’événements qui l'avait amenée a ce jour précis. Pour cela, il allait remonter a ses 12 ans, quand elle avait été assez formée pour attirer le regard des hommes et que certains n'avaient pas hésiter a se servir par la force. La première fois avait été brutale, et alors qu'elle saignait encore de son hymene rompu, elle avait cru qu'elle allait mourir, comment croire autre chose quand on a seulement 12 ans et qu'on vient de se faire violer ?

toujours est il que de ces multiples abus masculin, elle avait finit par développer un caractère fort, et pour ne plus subir, elle avait toujours dominer ses partenaires, leur infligeant toute sorte d'humiliations, et même parfois de tortures.

C'est ce qui l'avait attiré chez Fanette des leur première rencontre alors qu'il lui avait proposé d’être sa deuxième épouse, la manière dont elle était soumise à Tyrraell, sans même se rendre compte que du même coup elle était aussi admirative de cet homme au caractère si fort. De cela, elle n'avait pris conscience qu'aujourd'hui. Oui, elle la tigresse de Montpellier avant envie de se sentir soumise a cet homme qui transpirait la virilité, elle en était toute chamboulée.

Durant le voyage avec Tyrraell et Fanette, elle avait mis en oeuvre toute sorte de stratagèmes plus rocambolesque les uns que les autres pour séduire Fanette, mais les choses allaient s'accélérer ce jour ci.

alors que Fanette était occupée avec les enfants, elle était venue s'adosser de manière provocante a la charrette que Tyrraell préparait pour le départ. Ce fut le point de départ d'une conversation ou elle s'offrait, et lui prenait. Il lui avait demandé si elle n'était pas fragile des genoux, et elle avait immédiatement compris ou il voulait en venir, mais il y avait du monde a proximité alors après avoir jouer au chat et a la sourit un certain temps, il fut convenu que les choses sérieuses se ferait le lendemain quand il faudra camper en foret.

La soirée fut longue, pleine de larme et de doute, tiraillé entre le fait de ne pas vouloir faire souffrir Fanette qu'elle aime, et l'envie de devenir le jouet de cette homme envoûtant.
Tyrraell
Sur les Routes, 4 septembre


Tyrraell avait souvent l'impression de traverser la vie en acrobate sur le fil du compromis. C'était plus valable encore depuis son mariage avec Fanette. Il avait consenti à oublier une partie de lui afin de contribuer au bonheur de celle qui était devenue sa femme. L'idée partait d'un bon sentiment. Et pour cause.

Puis Lucile avait fait son apparition dans leur vie. Elle avait secoué à la base une relation dont les fondations n'étaient pas encore sèches. Tyrraell avait pris le sujet à la légère, se déchargeant de toute responsabilité au profit de Fanette. Il aurait probablement dû s'en mêler un peu plus, faire acte d'une présence ferme et claire. Du moins cette pensée commençait à s'immiscer dans son esprit. A tel point que tout l'agaçait désormais.

Deux femmes pour un homme, ça parait être le plan idéal dans une vie d'hétéro. Tyrraell soupira profondément en descendant de la charrette qu'il avait stoppé pour une halte en rase campagne. Il vivait le début d'un calvaire. Sa patience était mise à rude épreuve et il savait pertinemment, qu'un jour ou l'autre, tout son monde volerait en éclat.

Fanette le prit à part tandis que les autres membres de la caravane s'étaient dispersés pour divers activités. Elle ne comprenait pas, ne semblait plus comprendre. Tyrraell s'agaça. Leurs cultures respectives semblaient les éloigner de plus en plus. Eux qui continuaient de s'apprendre s'apprêtaient à recevoir une leçon de vie en couple des plus cinglantes.

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Lison_bruyere
La veille au soir, avec Lucile.


- Tu l'aimes ?
- Je n'sais pas, mais au mois dernier, quand il a voulu t'imposer comme épouse, au-delà de ne pas pouvoir m'envisager avec toi, c'est lui. Je ne peux pas me l'imaginer tenant une autre femme que moi dans ses bras. Ça m'est trop douloureux.
- Je comprends. Toi, t'es amoureuse.


Retour à ce petit matin, sur les routes de France.

- Roman est parti avec Milo, chasser probablement. Il le ramènera en fin de relevée, et Lucile … Bah, Lucile, je n'sais pas où elle est, mais nous sommes seuls. Je lui ai parlé hier soir.

Elle avait pris le parti d'accorder sa confiance à l'Africain, et bien qu'inattendu, sa vie avait pris un tournant plus agréable. La leçon serait cinglante, mais la fauvette n'en savait rien encore.

- Moi aussi. Elle semble très motivée, et j'ai cru comprendre qu'elle aimait se soumettre.

Si l'époux semblait visiblement amusé de la situation, ses mots firent écho aux larmes de la blonde la veille au soir, quand elle évoquait ce secret qu'elle ne pouvait confier à Fanette, de peur qu'elle la déteste. Elle sentait le danger, indéniablement, et glissa un regard soucieux dans celui de Tyrraell.

- Pourquoi dis-tu cela ? De quoi t'a-t-elle parlé ?

L'Abyssinien affichait toujours la même légèreté, vissée insolente au coin de ses lippes.

- Elle m'a dit qu'elle ferait tout ce que je voulais. Par jeu je lui ai demandé de s'occuper de mes braies et elle a accepté.

Fanette le regarda, interloquée. Elle se laissa retomber un peu plus loin, ramena ses genoux contre sa poitrine pour les enserrer de ses bras, et y enfouit sa tête, bien incapable de prononcer une parole, tant le nœud qui venait de lui saisir la gorge lui faisait soudainement mal. L'époux s'approcha passant une main réconfortante à son dos.

- Par jeu Fanette, je voulais juste savoir jusqu'où elle était prête à aller, te rends-tu compte ? Parce que nous le savons bien, c'est toi qu'elle veut.

Elle lui retourna un regard embué de larmes, ne comprenant qu'il puisse plaisanter d'une situation qu'elle jugeait malsaine.

- C'est un jeu bien dangereux auquel je ne veux pas jouer Bali.
- Tu es ma femme et je n'aime que toi.
- Tu veux dire que tu pourrais jouir simplement d'elle et m'aimer moi ? L'amour n'implique donc pas la fidélité dans ton pays ?
- Dans mon pays, on peut aimer et être fidèle à plusieurs personnes.

Fanette n'aimait pas le tour que prenait la conversation. Elle avait l'impression d'avoir omis une chose. Tyrraell lui avait assuré qu'il ne la forcerait pas à cette union plurielle qu'il avait envisagée, du moins, il voulait son consentement plein et entier. Il lui avait expliqué la valeur de l'engagement. Ces mariages multiples que connaissait son peuple devaient toujours être affaire de sentiments et non simplement de chair. Elle avait voulu n'entendre que cela, et elle se demandait à présent, s'il était homme à s'autoriser à assouvir en dehors du mariage quelques pulsions, pour peu qu'on lui propose.

- J'ai bien compris, mais, en dehors du mariage, que vas-tu faire quand elle viendra honorer la promesse qu'elle t'a faite ?
- Je suppose que ça dépend de toi. Mais je connais ta réponse, tu n'accepteras pas de me partager, fût-ce uniquement sexuel.

Le sol autour d'elle s'écroulait, l'air manquait, et le poids dans sa poitrine se faisait plus oppressant. C'est au moins l'impression qu'elle eut quand il formula sa réponse, alors qu'elle en espérait une tout autre. Pourquoi n'avait-il pas simplement dit qu'il la congédierait puisque tout cela n'était qu'un jeu pour lui ? Le chagrin mêlé de colère accélérait le sang, le cognement à ses tempes en était presque douloureux. Elle reformula sa question, obtint la même réponse, et face à son incompréhension, elle sentait bien l'agacement de l'époux poindre dans à sa voix.
Le ton monta. Les questions nimbées de larmes s'opposaient aux froides explications parées de colère. Il n'avait jamais caché son désir d'avoir plusieurs épouses, comme il était d'usage dans son pays et ne comprenait pas pourquoi elle se rebellait à présent qu'ils avaient à disposition une possible candidate.

- Tu ne trouves pas anormal d'aller prendre du plaisir d'une catin que tu n'aimes pas, et qui n'est pas ton épouse, et tu voudrais que moi je n'en souffre pas ? Sérieusement Bali ? Mais comment puis-je comprendre ce qu'est l'amour si on peut faire tout avec n'importe qui ?

Le point de rupture était probablement tout proche. Elle se sentait prête à dégringoler dans l'abîme d'incompréhension qui les séparait à ce moment-là, et au ton de sa voix, à l'air dur qui figeait ses traits dans une colère sourde, elle savait qu'il ne la rattraperait pas.

- T'ai-je dit que j'allais prendre du plaisir avec elle ?
- Tu as dit que ça dépendait de moi, j'espérais juste que tu ne veuilles pas.
- Je t'ai toujours dit que ça dépendait de toi, mon discours n'est pas différent.
- Pour un mariage Bali, pas pour ça !

La fauvette revint vers lui. Elle planta son regard de noisette dans celui de l'ébène. Les larmes délavaient ses prunelles, faisant ressortir les éclats d'or qui semblaient les éclaircir.

- Puisque c'est ça que tu veux, je peux t'en donner plus encore.

Elle s'était montrée arrogante et dédaigneuse, quand bien même ces traits de caractère lui étaient peu familiers. Elle voulait lui offrir sa bouche comme on jetterait une pièce à un miséreux, les traits grimés de fausse compassion. Alors elle délaça les braies de son époux, et d'une langue voluptueuse, vint éveiller la verdeur mâle puis se redressa, mais il eut tôt fait de brimer l'assurance qu'elle voulait affirmer.

- Tu as pris de ton père le mauvais côté de son caractère, tu te plains de tout et de rien. Je te préfère ainsi, quand tu prends ce genre d'initiatives et que tu cesses de croire que le monde se ligue contre toi.

La remarque mordit son cœur déjà mis à mal, elle étouffa un sanglot. Dextre s'était perdue aux lacets de son corsage, tirant sans ménagement pour libérer les passes, puis, d'un geste d'épaule, elle s'en était défait, laissant tomber à sa taille la relique retenue d'un bout d'étoffe coincée dans la ceinture de sa jupe, pour offrir à la vue de l'Africain, sa peau claire, son échine gravée de l'empreinte du Messonier, et sa poitrine insolente. Tyrraell poussa un long soupir en s'allongeant un peu plus confortablement dans l'herbe. Tandis qu'elle aventurait une caresse légère et sans doute un peu tremblante sur la vigueur masculine, les doigts de son époux se glissaient aux boucles blondes, pour bien s'assurer que sa bouche suivrait le même chemin. Fanette, exécutante appliquée, vint cueillir de ses lèvres la virilité fièrement dressée, sans plus chercher à retenir les pleurs qui inondaient ses joues. Et si la caresse des lippes et de la fine menotte pouvait lui être agréable, le ton de sa voix trahissait l'agacement et la crispation de l'homme.

- Dois-je donc subir tes larmes comme si je violais ta bouche ? Tu devrais peut-être laisser Lucile faire. Elle semble plus volontaire.

Seconde blessure tout aussi acerbe que la première, sinon plus, la jeune épouse s'affairait néanmoins, fermant les yeux pour refouler ses larmes, et espérant encore dans la langueur d'un geste, la douceur d'une caresse, ou l'audace de sa langue, faire oublier l'intrigante qui cherchait à s'immiscer entre eux. Le chagrin broyait pourtant son cœur, même si l'excitation traîtresse se devinait à la moiteur de sa peau. Quand l'Africain en eut assez de la mise en bouche, il exigea la suite, et tant pis si l'Angevine n'avait pas prévu d'en donner plus. Il n'eut qu'à se pencher pour saisir ses poignets, et les réunir à son dos. Une souche adoucie de mousse accueillit son ventre quand il retroussa ses jupes. La fauvette sentit l'étau se resserrer sur ses fines attaches quand elle chercha vainement à échapper à son emprise, alors rapidement résignée, elle le laissa lui rappeler le premier engagement de leur union : il serait un bon mari, si elle était une femme obéissante. Et quand l'époux prenait son dû, soufflant un râle de plaisir, la leçon s'imprimait en sillon de sel à ses joues tachées de son.
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Lison_bruyere
Même jour, à la relevé.


Fanette s'était recroquevillée contre une souche. La tête appuyée à ses genoux repliés contre sa poitrine, elle observait sa fille, allongée sur une couverture, qui jouait paisiblement avec ses petites mains potelées. La contrariété lui avait interdit quelque repas que ce soit, et si elle s'efforçait de sourire au nourrisson, son teint pâlot et son regard trop brillant trahissaient les chagrins qui nouaient sa gorge.
Tyrraell s'était approché pour déposer un baiser tendre à ses lèvres. Elle ne s'y déroba pas, mais n'y répondit pas pour autant, recluses aux blessures qu'il lui avait infligées un peu plus tôt. Pourtant, quand Lucile vint s'installer à son tour, elle se rapprocha sensiblement de son époux, jusqu'à le frôler de son bras et de sa cuisse. La Languedocienne engagea la conversation, par quelques politesses prononcées d'un ton affable auquel l'Africain répondit de la même façon. L'air innocent qu'elle prit quand Fanette affirma qu'elle n'allait pas bien attisa sa colère.

- Je t'ai consolée, baignée, j'ai lavé tes vêtements, je t'ai offert mon amitié, et toi, toi dans mon dos ... Je veux que tu partes Lucile.

Elle évita soigneusement de tourner un regard vers son époux, de peur qu'il ne s'y oppose. L'homme détendu, s'était calé contre le tronc abattu et avait allongé ses jambes en croisant ses mains derrière sa tête. Il les regardait l'une et l'autre, se gardant du moindre mot comme s'il se délectait du spectacle.

- Tyrraell a envie d'une seconde épouse, combien de temps encore comptes-tu le priver de ça ?

La fauvette était abasourdie de l'aplomb que la blonde mettait à lui faire croire qu'elle était un bon choix. Si elle avait pu apprécier la jeune femme aux premiers temps de leur voyage, sa gentillesse, sa bonne humeur, elle la voyait à présent avec un tout autre regard, celui de la trahison et de sournoiserie.

- S'il doit avoir une seconde épouse, autant que ce soit moi que tu aimes bien.
- Tu crois que je t'aime bien, alors que tu as bafoué le peu de confiance que je t'avais donné ? Je ne veux plus jamais te revoir Lucile.
- Et vous Tyrraell, vous voulez que je parte ?

Fanette s'était retournée vers son époux, et son regard qu'elle était parvenu à garder vierge de toutes larmes jusque-là céda à ses mots.

- Je pourrais imposer votre présence Lucile mais ça reviendrait à rompre avec Fanette. Finalement laquelle de vous deux à le plus envie de rester à mes côtés ?
- Je vous ai promis de vous honorer et de vous obéir comme toute femme le doit à son époux, si vous voulez, je suis à vous Tyrraell.

Fanette s'imposa, au moins par la voix, tremblante de rage sans doute, mais néanmoins compréhensible, malgré les pleurs qui inondaient ses joues.

- Lucile ! Tu n'es pas son épouse, tu n'es rien ! Juste une intrigante qui a décidé de t'imposer entre nous et qui se moque bien de me briser le cœur du moment que tu te fais baiser comme la catin que tu es !

Elle se retourna vers son époux, délaissant d'un regard méprisant la Languedocienne.

- Tu l'aimes ?
- Non, ceci dit, je ne t'aimais pas non plus quand nous nous sommes mariés.
- Oui mais à présent, m'aimes-tu ? Etais-tu sincère dans tout ce que tu m'as dit ? L'épouse consentie, le choix, les mots d'amour ?

- Là n'est pas la question.

L'Africain blasé, et avec une pointe d'agacement venait de se lever, mais la fauvette n'en démordait pas.

- Bien sûr que si la question est là. Tu veux qu'elle reste au risque de me briser le cœur, c'est ça ?
- L'une ou l'autre, ou les deux, mettez-vous d'accord, mais ne m'obligez pas à trancher. Quoi qu'il advienne, à partir de maintenant, mes choix seront lois. Tenez-vous le pour dit.
- Tes choix, mais quels choix ? Choisit donc puisque tes choix seront lois !

- Bien ! Alors je décide de vous avoir toutes les deux.

Avant qu'elles aient le temps de dire quoi que ce soit, il s'était éclipsé. Fanette s'était laissée retomber contre la souche, anéantie. Il s'était dédit des promesses qu'il lui avait faites, en moins de quelques semaines de temps.
Un sanglot s'étrangla à sa gorge, elle se recroquevilla de nouveau, enfouissant sa tête dans ses genoux. La Languedocienne reprit une voix douce, presque cajoleuse.

- Tu ne comprends pas que je fais ça pour toi, parce qu'il t'imposera une autre femme, je te protège d'une certaine manière, parce que moi, il ne m'aime pas, c'est toi qu'il aime.
- La preuve que non il ne m'aime pas, pas plus que toi.
- Je ne veux pas te le voler, je veux te protéger.
- Mais j'ne t'ai rien demandé moi, je veux juste que tu partes, et que tu ne reviennes jamais. Et crois-moi si tu refuses, c'est moi qui trouverais un moyen de partir. Quoique, c'est sûrement ce que tu attends.
- Ne dis pas de sottises, il est ton mari.
- C'est justement parce que c'est mon mari que je te demande de partir.

Fanette se renfrognait, et à chaque phrase elle ne savait lui assener qu'une seule réponse, elle voulait qu'elle parte.

- Je ne partirai pas Fanette. Tu vas devoir me supporter jusqu'à ce que tu comprennes que j'ai fait tout ça pour toi.
- Tu sais quoi, ne me parles plus Lucile. Va baiser mon époux puisqu'il n'y a que ça qui t'intéresse. Vas-y et aie au moins la décence de ne pas me prendre pour une sotte. Puis, quand tu l'auras baiser, va au diable, et ne m'adresse plus jamais la parole.

Lucile n'avait pas attendu pour se lever. Elle avait offert un regard triste et déçu à l'Angevine qui ne lui en avait pas accordé un seul en retour. Recluse à ses souffrances, elle réalisait à présent qu'elle était sur le point de le perdre, l'attachement qui la liait à Tyrraell. Elle voulait croire qu'il l'avait aimé, qu'elle n'était pas sotte au point de s'être bercée de ses promesses et de douces attentions, mais elle ne savait pas dire ce qui serait le moins douloureux, d'avoir eu affaire à un menteur, ou bien d'avoir réellement perdu un homme qui l'avait aimé, et qui lui avait fait entrevoir un avenir meilleur, quand bien même ça n'avait pas duré. Et tandis que les pas légers de Lucile s'éloignaient, foulant le tapis de feuilles mortes, Fanette fondit de nouveau en larmes.
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Lison_bruyere
Routes de Champagne, le 5 septembre 1467


- Je suis désolée que les choses aient tourné ainsi.
- Tu es désolée ? Bien sur que non tu n'es pas désolée.

Fanette se renfrogna en soufflant son agacement. Recroquevillée contre un tronc d'arbre, elle cherchait le réconfort au minois paisible de sa fille endormie sur la couverture à côté d'elle. Elle ne parvenait à se défaire de la scène qu'elle avait surprise la veille. Tyrraell s'appropriait la bouche de la blonde, et il ne s'était nullement retenu en apercevant son épouse, achevant d'y déverser son plaisir avant de la remercier froidement de son utilité. Tout juste s'il n'avait pas tapoté sa tête comme on flatte l'encolure d'un cheval qui s'est bravement conduit.

- A présent je te comprends un peu mieux, il a été vraiment si brutal.

Fanette tourna un regard chargé de dédain vers la Languedocienne.

- Non mais, tu ne veux tout de même pas que je te plaigne Lucile ?
- Non non, je voulais juste te dire que je comprends comme ça a dû être difficile pour toi.
- Non, tu ne comprends rien du tout. C'est à présent que c'est difficile, Tyrraell n'avait jamais été brutal avec moi.
- Ah bon ? Que t'a-t-il fait ?

Les mots étaient sortis en réaction et elle les regretta aussitôt. Elle leva les yeux au ciel en haussant les épaules.

- Lucile, tu crois sérieusement que je vais parler de mon époux avec toi ? Je veux que tu partes.

La discussion était âpre et bien trop longue pour une fauvette dont l'ébauche de sentiments se noyait sous les doutes. La Languedocienne, campée sur ses positions était décidée à rester et croyait sincèrement que la jeune épousée, tôt ou tard, se résoudrait à l'évidence de cette polygamie que l'Africain voulait imposer si rapidement, en dépit des us du royaume et des résistances de sa moitié. Lucile ne s'était pas douté des effets qu'auraient sa détermination, combinée à la froideur de l'ébène sur l'Angevine.

Fanette n'était pas de celles qui s'imposent. Par orgueil, mais plus probablement par faiblesse, elle cédait sa place sans se défendre. Elle n'avait rien fait pour retenir Roman auprès d'elle dès lors qu'il avait décidé de ne plus l'aimer. Si elle s'était battue, c'était uniquement pour que ses enfants ne perdent pas un père. Et si l'Abyssinien décidait de s'octroyer le droit d'en baiser une autre, pouvait-elle raisonnablement le faire changer d'avis ? Elle s'était effacée dès l'instant où il avait parlé de sa discussion avec Lucile. De nouveau, elle avait un mouvement de recul quand il l'approchait, et se raidissait s'il forçait le contact. Ses réactions de défense avaient le don d'exaspérer l'époux, et plus il s'agaçait, plus Fanette se braquait. Ainsi, le désir bouillant qu'il avait su réveiller à son ventre s'était tari dès qu'elle avait compris qu'en dépit de ses paroles, il lui imposerait sa volonté, quoi qu'il en coûte.

L'idée de partir germa sans doute à ce moment-là sous les boucles indociles, et elle se faisait plus prégnante face à l'entêtement de Lucile à vouloir rester. Elle échafaudait les solutions qui s'offraient à elle, et à vrai dire, elles étaient peu nombreuses, voir quasi-nulle sauf à risquer de se trouver seule sur les chemins avec deux enfants, ce qu'elle ne s'aventurerait jamais à faire. C'est pourtant l'inverse qu'elle affirma à la Languedocienne, loin de se douter que c'est ce départ supposé qui allait faire basculer la situation en sa faveur. Lucile s'offusqua des risques auxquels elle semblait décidée à s'exposer avec ses enfants pour ne plus subir ce qu'elle avait surpris la veille. Etait-elle vraiment soucieuse du danger que courait Fanette, ou bien, ne pouvait-elle simplement pas envisager de rester près de l'Africain sans l'Angevine ? Cela n'avait guère d'importance finalement. La seule chose qui importait à l'épouse légitime c'est ce que venait de dire Lucile.

- Si je m'en vais, tu promets de rester près de lui, et de ne pas te mettre en danger ?
- Je n'ai plus aucune raison de partir si tu n'es plus là.
- Tu es sûre ?

Et quand la fauvette incrédule acquiesça, persuadée que les choses pourraient encore reprendre leur cours normal, la blonde conclut, dénouant de quelques mots les tensions accumulés aux épaules.

- Bien, alors je m'en vais.

Et pour la première fois depuis longtemps, elle s'était tenue à ce qu'elle venait de dire, pas de coups bas, aucun poignard planté dans le dos. Au soir, elle avait rebroussé chemin, abandonnant Fanette à son époux.
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Lison_bruyere
Confiance, subst. Fém. : Croyance spontanée ou acquise en la valeur morale,
affective, professionnelle... d'une autre personne, qui fait que l'on est
incapable d'imaginer de sa part tromperie, trahison ou incompétence.


Rouen, 14 septembre 1467


Tyrraell prenait un acompte sur sa nuit, en attendant sans doute que son épouse vienne se glisser entre les draps. Sauf que, quand Carla et Pierre avaient fait irruption dans la salle commune de l'auberge municipale, à l'étage au-dessous, Fanette rassemblait à la hâte quelques affaires dans un sac de toile. Elle s'était empressée de le faire disparaître sous un meuble, mais c'était peine perdue.

- Tu sais que tu ne sortiras pas de cette pièce sans que tu m'aies dit ce qui se passe Fanette ?

Pour toute réponse, la jeune femme piqua du museau sur le sol, mutique au possible. Elle craignait trop les remontrances de son père pour oser lui apprendre sa situation, et les réflexions de Carla la confortèrent dans ses ressentis. Pierre échafaudait des théories, sa fille secouait la tête, refusant d'expliquer dans le détail les raisons qui la poussaient à s'enfuir.

- Tu veux vraiment que je tape du poing sur la table pour t'obliger à parler ? Donc tu t'assieds, tu causes, et on t'aidera !
- Je ne peux pas rester. Ne m'obliges pas à te dire pourquoi.
- Et moi je veux connaître la raison. Je suis ton père, donc je suis là pour te soutenir dans les épreuves. Tu ne sortiras pas d'ici si tu ne parles pas Fanette. Tu veux prendre le risque de voir Tyrraell descendre ?

Fanette n'avait pas besoin d'un paternel menaçant, et encore moins d'une dispute. Elle surveillait l'escalier, craignant que le bruit n'ameute l'Africain dans la chambre au-dessus. Malgré tout, elle persistait à ne rien vouloir dire. Son père n'avait jamais été là, autrement que pour lui faire des reproches, se montrer lunatique et geignard quand il offrait aux autres un visage jovial et constant, et au final, il l'avait abandonnée deux fois de suite, entamant sérieusement le capital confiance qu'elle lui avait accordé de fait. Peut-être était-il réellement inquiet pour sa fille en cet instant, mais son ton péremptoire n'avait pas suffi pour qu'il en tire quelque chose. Ce n'est que quand il avait levé la main sur elle, cinglant violemment sa joue qu'elle s'était résolue à parler. Elle lui avait d'abord débité des horreurs, davantage attisées par la surprise, la déception et le dégoût que par la douleur cuisante, puis avait avoué l'avouable uniquement : Lucile et la façon qu'elle avait eu, après avoir gagné la sympathie de la fauvette, de s'attirer sa colère en allant s'offrir à son époux.

Le reste, elle l'avait gardé pour elle. Fanette avait sincèrement cru que le départ de la Languedocienne pourrait apaiser les tensions, mais c'était sans compter sur son propre caractère. Chaque jour qui s'était écoulé depuis que la blonde avait rebroussé chemin n'avait fait que creuser un peu plus le fossé qui la séparait de son époux. Au matin, l'albâtre se promettait de parler à l'ébène, mais pour les rares fois où elle le croisait, sa gorge se nouait trop pour lui permettre d'articuler un mot. Et si elle ne savait pas engager la conversation, il s'en gardait tout autant, s'agaçant de la distance qu'elle leur imposait le jour, et l'astreignant en retour chaque soir, à une intimité qu'elle subissait, mâchoires serrées, paupières closes, et mains crispées sur les draps. Pouvait-elle avouer et s'en plaindre quand elle avait accepté de le prendre pour époux ?

Deux jours plus tôt, Tyrraell s'était malgré tout décidé à rompre le cercle vicieux dans lequel ils s'étaient engagés. Il l'assurait encore qu'elle était la plus importante à ses yeux et qu'il avait perdu pied quand Lucile avait cherché à les séparer. Il maintenait comme acquis les mots rassurants qu'il lui avait déjà confiés, et pourtant ... La discussion n'avait pas apaisé les tensions. Elle connaissait l'Africain depuis trop peu de temps, et il montrait dernièrement un visage si différent de l'homme compréhensif qui s'était appliqué, les premières semaines, à vaincre ses résistances pour l'apprivoiser. Comment savoir lequel des deux était-il réellement ? Et finalement, la jeune épousée attendait en vain qu'il sache de nouveau la rassurer d'actes et non de mots, et continuait à se recroqueviller sur ses doutes, sans plus savoir faire un pas dans sa direction. Alors doucement, l'idée de s'enfuir avait fait son chemin. L'Angevine était pourtant tiraillée entre les sentiments qui s'étaient ébauchés pour son mari, le chagrin de la duperie, la rancœur du présent et les raisons pour lesquelles elle avait consenti à s'unir à cet inconnu. La décision était difficile à prendre, plus encore quand elle songeait aux dangers qu'elle pourrait faire courir à ses enfants.

Pourtant ce soir-là, elle s'apprêtait à suivre un voyageur rencontré quelques jours plus tôt et qui promettait de la ramener à Limoges en veillant à la sécurité de ses enfants, de Nébulae et d'elle-même. Au moment de passer les portes de la ville, si Fanette n'avait eu aucun mal à s'affranchir du soutien de son père trop souvent absent, elle laissait à la couche froide de l'ébène un petit morceau de son cœur.
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Lison_bruyere
Limoges, le 30 septembre 1467


La fugue avait duré deux semaines. Fanette, en regagnant le Limousin, n'avait pas imaginé un seul instant y retrouver son époux. C'est pourtant ce qui s'était passé. Ignorant l'endroit où elle était partie, Tyrraell s'était résolu à rentrer l'attendre dans leur maison de Limoges. Quand elle avait poussé la porte de la chambre, flanquée de ses gamins, la couche était défaite, et la croisée grande ouverte. Sur un fauteuil, un pourpoint de cuir traînait. Elle s'était empressée d'ouvrir le coffre posé au pied du lit, et, presque sans surprise, y avait trouvé les armes de l'Africain.
Il était là, en ville, où elle ne savait le dire. Et si elle s'était attelée aux nombreuses corvées que réclamait l'auberge, y avait accueilli de nouveaux pensionnaires, elle n'avait cessé de penser à lui tout le jour durant, et appréhendait vivement le moment où ils se retrouveraient face-à-face.

Ce n'est qu'à la tombée du soir, quand elle revient dans la chambre coucher ses enfants qu'elle s'y confronta. La surprise la cueillit quand il détacha son ombre de la fenêtre devant laquelle il était installé, laissant sans doute voguer son regard de nuit sur le pâturage que les ténèbres dévoraient lentement.

- Ravi de vous savoir tous les trois en bonne santé.
- Bonsoir bali.

Elle avait baissé les yeux, craignant de subir sa colère, mais c'est un sourire qui rendit un peu de grâce au visage d'ébène, quand il s'approcha pour la prendre dans ses bras.

- Tu m'as manqué. Vous trois, vous m'avez manqué.

La jeune mère fuyait son regard, ne sachant quelle attitude adopter. Ses dents s'étaient refermées sur le coin de sa lèvre inférieure, trahissant son malaise. Milo cherchait à escalader le fauteuil, elle usa de la diversion fournie pour s'arracher à l'étreinte conjugale et hisser son fils dans ses bras. Elle le déposa à côté de sa petite sœur, allongée au berceau de châtaignier, avant de se rencogner dans un coin du lit, le dos appuyé aux pierres froides. L'Africain la jaugeait d'un air amusé.

- Tu mordilles encore tes lèvres, je commence à te connaître. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je ne croyais pas que tu serais ici.
- Tu pensais te débarrasser de moi aussi facilement ?
- Non … je … non, en vérité, je ne sais pas ce que je pensais, bafouilla-t-elle.
- Tu sais rarement. Tu trouves toujours motif à douter.

La réflexion la piqua au vif. Avait-il oublié la raison de son départ, l'humiliation, le manque de confiance, les promesses non tenues ? Elle se renfrogna, trouvant dans la colère qu'il venait de réveiller le courage de planter un regard noir dans le sien.

- Parce que je n'avais aucune raison de douter de toi ?

Si le haussement d'épaules de l'époux trahissait l'agacement, il s'efforça pourtant d'adoucir encore le ton de sa voix, mais rien de ses paroles ne savait apaiser l'humeur de la fauvette.

- Les jours furent difficiles mais ça m'a permis de réfléchir et de ne plus avoir de doutes. Toi visiblement, tu en a encore autant qu'au premier jour de notre mariage.
- Non ! rétorqua-t-elle d'une voix affirmée, je n'étais pas sûre de savoir t'aimer, mais je croyais dur comme fer que tu ne serais pas homme à te dédire d'une parole. Maintenant que tu m'as prouvé le contraire, je ne sais plus te faire confiance. C'est pour cela que je me suis enfuie.
- Je t'aime Fanette, c'est ma seule certitude. J'ai cru te perdre quand tu es partie sans prévenir. Jamais plus je ne veux revivre cela.

La déclaration, simplement énoncée, alors qu'elle s'attendait à essuyer sa colère, la troubla. Un instant, elle baissa de nouveau ses yeux sur ses mains nouées sur l'étoffe brune de ses jupes. Son cœur semblait pulser avec plus de fièvre, cognant presque un peu trop fort pour la finesse de la cage d'os et de chair qui le retenait. Elle laissa échapper un soupir auquel il répondit en posant tendrement sa large main sur celle de son épouse.

- Bali, il va se passer quoi à présent ?
- J'aimerais que nous reprenions là où nous en étions avant de rencontrer Lucile.

Elle fronça légèrement le nez à l'évocation de la catin du Languedoc. Elle aussi aurait voulu effacer l'existence de ces dernières semaines, oublier la blonde, ne jamais l'avoir connue. Mais les choses s'étaient passées, enracinant leur lot de questions et de craintes aussi solidement que du chiendent. L'Africain pourtant semblait vouloir la rassurer, soufflant ces mots qu'elle avait déjà voulu croire une fois. Il la berçait de la douceur de ses sentiments, l'assurant qu'il préférait être seulement deux avec elle, plutôt qu'ajouter des épouses à sa couche si elle ne la réchauffait plus.

- J'ai peur Bali.
- Peur de quoi ?
- Peur de retrouver auprès de toi la vie que je croyais que tu allais me donner, peur d'être un jour heureuse, puis de me rendre compte que tu changeras encore d'avis pour une autre Lucile.
- Ma seule envie est de te rendre heureuse. Tu es mon épouse, ce n'est pas un vain mot. Tu m'as manqué, et ta tendresse tout autant.

Elle acquiesça d'un sourire à peine ébauché. Elle pouvait admettre que cet homme qui savait faire oublier la dureté de son physique par le velouté de ses propos et de ses attentions lui avait manqué aussi. Ce Tyrraell d'avant Lucile, bienveillant et délicat, celui qu'elle avait commencé à aimer sans oser se l'avouer. Mais derrière l'homme fin et attentif, il y avait l'autre, provocant, froid. Celui qui, contre une chèvre payée à son père, en avait fait son épouse et entendait bien la plier à ses désirs, bon gré mal gré. Pour autant, elle glissa ses doigts à sa joue, et posa son regard pailleté d'or dans le sien. Sa bouche fit lentement le chemin vers sa jumelle sombre. C'est son indulgence qu'elle lui offrait dans ce baiser, parce qu'il était son époux, et qu'elle avait souffert que Roman, en son temps, lui refuse la sienne. Elle lui abandonnait ses lèvres entrouvertes en une tiède caresse, préférant dans le faire s'affranchir du dire. Peut-être parce que pour elle, les gestes étaient plus importants que les mots, et qu'elle attendrait à présent que l'Ethiopien accorde les siens aux touchantes paroles qu'il venait de lui offrir.
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Lison_bruyere
    En mer, 29 novembre 1467

Les lèvres s'attardaient à l'oreille, effleurait la joue, l'arête de la mâchoire pour venir se loger dans le cou. La main masculine glissait lentement sur ses courbes, décelant ce que l'étoffe de la vêture dissimulait aux yeux. Elle laissait faire, même si la délicate caresse qui embrasait son derme attisait le désir dans son sillage.
– Un jour, je serai tienne, lui murmura-t-elle, le souffle rendu inégal par les sensations qui naissaient au creux de son bas-ventre.
La fauvette était bien dans la douceur de cette l'étreinte, enveloppée de la pénombre du mess désert que la faible lueur d'une lampe à huile ne parvenait à percer. Sur le pont, l'équipage s'affairait aux ordres du capitaine. Les gabiers carguaient les voiles pour la nuit déjà bien entamée. La caraque tournerait autour de son ancre au gré des flots tranquilles de la baie.

Avait-elle imaginé vivre tels instants quand elle avait quitté Limoges dans un coche loué pour elle par les frères Beaurepaire presque deux mois plus tôt ? S'était-elle douté que l'un d'eux ferait d'elle une épouse infidèle ? Elle l'était, assurément, quand bien même n'avait-elle pas été au-delà de frémissements coupables. Ses sentiments, son envie suffisaient à sa déloyauté.
Si Tyrraell avait su se faire doux quand elle était conciliante, il s’était montré abrupt quand elle ne l’était plus, mais il était son époux, et Fanette admettait qu’il en avait le droit. Elle, en revanche, ne savait pas faire abstraction du passé, quand bien même lui avait-elle accordé son indulgence. Comme à Rouen mi-septembre, elle avait acquiescé à ses excuses, elle avait espéré ses regrets, mais, à la première moquerie de l’ébène, au premier sous-entendu, elle s’était renfrognée, refusant de croire à sa sincérité, quand ses blessures n'étaient que trop récentes. Alors, elle s’en était éloignée de nouveau. Et, bien qu'il fût au courant, son départ ressemblait pourtant encore à une fuite.

Ce soir, dans le serrement de ce corps plus jeune que son époux, plus séduisant, plus attentif aussi, elle avait atteint un point de non-retour. Son cœur battait pour lui, et qu'importe qu'il doive en épouser une autre, c'est à lui qu'elle promettait, quand elle aurait dû rentrer vers celui qui l'attendait à Limoges. L'honneur lui semblait soudain futile, et pourtant il venait encore parfois empoisonner sa conscience quand elle songeait au jour où elle retournerait affronter cet homme qu'elle avait épousé, et qu'elle trahissait chaque jour, dans le secret de ses désirs.
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Lison_bruyere
    Limoges, 17 janvier 1468

Fanette était-elle infidèle ? Assurément oui.

Elle ne l'avait pas été avec son ventre ou ses cuisses. Elle l'avait été avec sa bouche. Pire encore, elle l'avait été avec son cœur qu'elle avait offert à Arsène Beaurepaire. Elle s'était conduite comme une idiote en croyant des promesses scellées par un anneau d'or délicatement ciselé. Elle prenait plaisir quand, depuis qu'il lui avait fait l'aveu de ses tendres sentiments, ils se contaient la vie qui pour l'instant leur était encore interdite. Et là-bas, dans cette Bretagne qu'elle aimait tant, elle avait retrouvé le goût des rires et de l'espoir.

Puis le jeune homme avait broyé son cœur aux mensonges et aux paroles bafouées. Alors, elle n'avait pu imaginer rester un instant de plus à Rohan. Elle avait organisé son départ, dans la précipitation, en profitant de son absence, et après huit jours d'un voyage pénible, elle rentrait à Limoges, l'âme défaite et la peur au ventre. Il avait fallu qu'un vilaine toux vienne lui étreindre la gorge et la poitrine, que la fièvre serre son étau autour de ses tempes, et, au matin de son arrivée, Stella semblait souffrir du même mal. C'est hésitante qu'elle poussa la porte de chez elle. Fallait-il en plus qu'elle retrouve son époux ? Ce n'était pas pour lui qu'elle revenait, mais simplement parce qu'elle n'avait nulle part ailleurs où aller, que cette maison qui était sienne bien avant que son père ne la donne en épousailles à l'Africain. Dire qu'elle craignait de se retrouver face à lui était un euphémisme. Il était orgueilleux, ne s'était jamais caché de vouloir une épouse obéissante, et par deux fois déjà, elle s'était enfuie. Elle ne doutait pas d'avoir à subir sa colère, tôt ou tard.

Par chance, quand elle avait rejoint ses appartements la gorge nouée d'une angoisse sourde, le vide semblait avoir envahi les lieux. Sur le bureau s'amoncelaient quelques vélins roulés, encore marqués de leurs sceaux de cire. Aucun vêtement, aucune arme, rien ne traînait, pas même une paire de bottes. Et c'est la jeune Mahaut, qu'elle embauchait régulièrement quand elle avait à s'absenter, qui l'avait soulagée de son inquiétude.

– M'sieur vot' mari est parti j'sais pas où. Il a pas dit, mais y'a qu'ques jours déjà.
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Tyrael
    Limoges, quelques temps plus tôt.

Il l'avait attendue une semaine, un mois puis deux. Il n'avait eu de nouvelles que par l'intermédiaire d'une connaissance commune, une simple et unique fois. Il n'avait pas été dupe. Aucune illusion n'était permise, aussi douce fut-elle. Fanette l'avait quitté. Il était probablement aussi coupable qu'elle. Il ne se voilait pas la face. Tout était allé vite, trop vite peut-être. Ils s'étaient brûlés les ailes dans cette union qui n'en était pas vraiment une. Le mirage, l'homme du désert en connaissait bien les affres.

Tyrraell ouvrit un tiroir du bureau devant lequel il s'était si souvent assis. Ce même meuble qui avait supporter plusieurs de leurs ébats et probablement d'autres avant son arrivée. Il laissa glisser son alliance le long de ce doigt qui n'en avait plus porté depuis tant d'années. L'anneau roula sur le bois et termina sa course dans un tremblement. Il était temps d'en finir avec tout ça.

L'africain fit ses bagages, les mêmes qu'à son arrivée. Autant dire que ça se résumait à peu de choses. Une sac sur l'épaule, son épée à la ceinture, il traversa la salle commune de l'auberge sans un mot. ll ferma la porte derrière lui et quitta Limoges sans plus de cérémonie. Il laissait derrière lui une épouse dont il ne cherchait plus à savoir si elle l'avait aimé un jour tout comme il abandonnait une ville qui ne l'avait probablement jamais accepté, lui l'étranger.

La silhouette massive s'enfonça sur les chemins de campagne. Tyrraell remonta le col de son manteau et marcha du pas lent qui le caractérisait. Ce n'était qu'un deuil parmi tant d'autres. Sans savoir où ses pas allait le porter, l'africain laissa le vent porter sa carcasse vers des horizons inconnus. Ce n'était qu'un adieu parmi tant d'autres. Un nuage de vapeur s'éleva depuis ses lèvres. Ce n'était qu'un soupir parmi tant d'autres.
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