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Info:
Mars 1468

[RP] Mon fils ma bataille, procès de Fanette.

Maurice_garde
[Le 29 Mars 1468, à l'aube d'un tournant...]

Il n'avait aucun remord à effectuer les tâches qu'on lui désignaient, Maurice avait toujours pris beaucoup de plaisir à arrêter les brigands, voyous et autre dégénérés lorsqu'on le lui ordonnait. Il menait ses missions sans se soucier d'en connaître les dessous cachés et ce jour là une fois encore il allait devoir mettre ses muscles à l'épreuve. Le prévôt lui signifia qu'une femme dont son ex mari avait posé une plainte allait certainement franchir les frontières de la Touraine d'après les rapports des provinces voisines qu'elle avait l'occasion de feuilleter chaque jour. C'était donc le moment opportun pour aller la cueillir avec l'effet de surprise qui s'y prête. Maurice est grand, large, sa carrure n'a rien d'un homme doux et à son visage on devine qu'il en a vu des cogneurs, il ne lâche jamais un mot se contentant de grogner et de frapper si c'est nécessaire afin de se faire comprendre muettement. A l'aube de cette nouvelle journée il fit signe à son collège Hubert de le suivre pour accomplir cette mission, Hubert il est un peu la langue et le porte voix de Maurice, lui ne cogne pas et se montre plus conciliant si nécessaire. Sur le chemin ils prirent deux hommes de plus, deux clampins qu'ils nomment même pas par leurs prénoms de toute façon ils ne répondent que quand on les sifflent comme des clébards. Les deux suivirent donc Maurice et Hubert, chacun sur sa monture, armés d'épées et de couteaux prêt à en découdre si besoin sans réellement savoir à quoi ils allaient faire face.


Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que les quatre hommes débusquent la jeune femme dont le prévôt avait fait mention. N'étant pas seule à voyager et le détail de l'enfant dans la description ne pouvait semer de doute sur l'identité de celle-ci. De plus Fanette ayant déjà séjourné en Touraine son portrait robot ne pouvait tromper personne. Le groupe venait tout juste de poser les pieds en Touraine lorsque les quatre gardes barrèrent leur chemin, Maurice s'occupa aussitôt de venir enserrer le bras de la jeune femme accusée. Hubert et les deux autres imbéciles s'occupèrent de surveiller les accompagnants et de se tenir prêt à intervenir si jamais l'un d'eux avaient l'idée de tenter de s'opposer à l'arrestation. La brute fit signe à l'un des voyageurs de récupérer le gosse, ce n'est pas son genre de faire la nounou puis Hubert prit la parole en levant les bras pour calmer l'agitation.

- Fanette ? Vous êtes en état d'arrestation. Une plainte à été posée contre vous. On va vous conduire en cellule puis au tribunal lorsque le procureur sera prêt. Les autres vous pouvez circuler !

Pendant ce temps Maurice semblait se débattre quelque peu avec la prévenue qui ne semblait pas d'humeur à se laisser malmener. Alors il poussa des grognements puis fini par lâcher :

- Ça fuffiiit ! Silence !

Le voilà démasqué le gros dur au cheveux sur la langue... En colère d'avoir dû parler malgré lui il leva une main prête à lui assainir une correction puis resserra le poing se résignant finalement. Frapper les femmes c'est beaucoup moins amusant selon lui. La jeune femme allait devoir patienter quelques heures dans les geôles de Tours, Hubert lui ferait mener de quoi se ravitailler, des quignons de pains encore frais et de la viande séchée puis un pichet d'eau à première vue trouble...



[Rp édité pour modification pour cohérence avec accord de JD Fanette]
Lison_bruyere
Le frison allait d'un bon pas, répondant aux appels de langue de Théo quand une ornière un peu plus profonde freinait le chariot. D'un coup d'épaule, propulsant sa masse d'une puissante arrière-main, il arrachait les grandes roues ferrées à la boue. Derrière, Milo s'éveillait doucement, blotti contre sa mère. Ses yeux papillotaient, glissant sur le paysage qui défilait. Au-dessus des ridelles de bois, il ne voyait que des ramures dénudées, accrochant le ciel, qui doucement, se teintait des premières lueurs du matin. Dans le panier que Fanette maintenait d'un bras, Myrrha dormait. Du haut de ses six mois, elle semblait apprécier les cahots de la route, et seul, l'arrêt de l'attelage parvenait à la sortir du sommeil.

Terrence et Oliver allaient à cheval, tantôt ouvrant ou fermant le convoi, sens en alerte. Les épées reposaient dans leurs fourreaux, solidement arrimées à l'avant des selles, ou glissées sous le banc du meneur. Pourtant, quand les quatre cavaliers surgirent, si les trois hommes portèrent la main aux pommeaux de leurs armes respectives, ils eurent tôt fait de se raviser en reconnaissant sur les broignes, les couleurs du duché qu'ils s'apprêtaient à traverser. Loin de se douter de ce qui allait se jouer, l'attitude était cordiale quand Oliver fit avancer son cheval de quelques pas pour s'enquérir des raisons de cet arrêt impromptu.

Le bébé manifesta son impatience en se mettant à pleurer. L'Angevine la sortit délicatement du panier pour la bercer, le temps qu'on les laisse repartir. Mais déjà, le plus imposant des gardes avait lestement sauté à bas de son cheval pour grimper dans le chariot. Fanette recula un peu surprise, butant contre le dosseret du banc du meneur. Milo s'était levé, et s'accrochait aux jupes de sa mère en dévisageant d'un air inquiet les inconnus. L'homme saisit le bras de la jeune femme, et repoussa le gamin qui se mit à hurler à son tour. Théo le souleva par-dessus le dosseret pour le prendre contre lui. Les chevaux commençaient à s'agiter, et sans doute que leurs cavaliers en faisaient de même, atterrés par l'annonce faite par le dénommé Hubert. Terrence se pencha pour récupérer sa fille dont les pleurs vrillaient les oreilles du groupe et semblaient user la patience du molosse dans le chariot.

– Une plainte, mais … quelle plainte ... se défendit la jeune mère en cherchant à se défaire de l'emprise du colosse qui la maintenait en liant ses poignets à son dos.
– Une plainte qui concerne un certain Roman di Medici, répondit celui qui avait parlé précédemment.

La fauvette s'affaissa légèrement. Jamais elle n'aurait pu prévoir pareil revirement. Si elle craignait que les Italiens lui tombent dessus, elle n'avait pas envisagé un seul instant se faire arrêter à cause d'eux. Depuis quand les assassins Corleone faisaient-ils appel à la justice pour régler leurs comptes ?

– Maintenant tu la fermes et tu viens avec nous !

Ses yeux affolés s'attardèrent sur Milo qui se débattait dans les bras de Théo, puis glissa sur chacun de ses compagnons de route impuissants. La brute la fit descendre sans cérémonie de l'attelage pour la hisser à l'avant de sa selle, sur un solide roncin à la robe rouan vineux. Fanette sentait l'étau se resserrer autour d'elle. Les paroles du juge d'Alençon lui revinrent en tête. Si la cour de Touraine en avait connaissance, elle risquait de se retrouver au pied de la potence une nouvelle fois, pour avoir tenu tête à ceux qui lui avaient refusé le droit de voir son fils pour des motifs fallacieux. Une rage sourde cognait à ses tempes quand la détresse ourlait ses paupières. Non content de l'avoir insultée, giflée, humiliée, privée de son fils quand elle venait de perdre sa fille, voilà que l'Italien allait pleurer auprès d'un procureur parce qu'il s'était fait reprendre par la force un enfant qu'il avait abandonné quand elle le suppliait de s'en soucier. Elle refusait encore de souiller l'image de son premier amour, mais face à tant de cruauté, de mauvaise foi et de victimisation, le vernis s'écaillait.

Son regard eut à peine le temps d'effleurer la silhouette révoltée de son amant, que le garde vint faire écran en remontant en selle.

Il leva la main en talonnant sa monture.

– En route ! Ordonna-t-il à la petite troupe.

Les quatre chevaux, habitués aux longues campagnes et au poids, adoptèrent un petit galop cadencé et horizontal. Inconfortablement juchée à l'avant, Fanette était ballottée sans possibilités d'agripper la crinière piquée de blanc de sa monture. Seuls, les bras de Maurice qui l'encadraient pour tenir les rênes l'empêchaient de chuter. Elle tenta de se retourner une ou deux fois, mais se heurta à chaque fois à la silhouette massive du garde qui grognait quand elle tentait un mouvement risquant de les déstabiliser.

Derrière eux, les trois hommes avaient pris le temps de calmer le nourrisson et de rassurer le bambin, puis, ils s'étaient lancés à la poursuite du groupe. A six lieues de là, Tours dressaient ses maisons de pierres blanches autour de sa basilique, sur la rive droite de la Loire. Le petit convoi y arriva quelques instants après les cavaliers, leurs bêtes blanchies d'écume.

On venait juste de faire descendre Fanette de sa monture, et Maurice la poussait devant lui, quand les trois autres gardes écartaient la foule de badauds qui se pressait pour voir qui on menait aux geôles ducales. Milo, juché à cheval devant Oliver aperçut sa mère.

– Mamma ! Cria-t-il en cherchant à la rejoindre.

L'Angevine se retourna, frustrée de ne pouvoir lui faire signe ou le consoler. Elle s'efforça de lui sourire, en dépit de l'angoisse qui empoignait son cœur.

– Maman t'aime, Gattino mio, cria-t-elle a son attention.

Elle refoula un sanglot pour embrasser d'un regard ses compagnons de route, s'attardant plus longuement sur Oliver, le suppliant de protéger son fils, tant elle craignait à présent qu'on ne lui reprenne encore.

Dans la foule, elle ne prêta pas attention à l'aveugle qui approchait, canne balayant l'espace au-devant d'elle.


Avec l'aval de tous mes camarades de jeu

_________________
Theodemar
Théo avait accepté cette mission en se disant que ça ne pouvait qu'être une promenade de santé. Il avait rejoint la jeune mère avec plein de questions en tête, des questions qu'il ne lui poserait pas tant les premiers constats une fois sur place allaient s'avérer suffisamment éloquents. Le temps avait passé. La douce et fragile jeune fille avait grandi et fait sa vie. Elle avait même engendré. Il s'y était fait.

Les jours passaient donc de nœud en nœud, tantôt la ville, tantôt la campagne et c'était devenu monotone. Toujours le même rituel. La marche aux petites heures puis le repos. La journée à flâner, le soir à causer. Entre légèreté et angoisse l'Angevine se livrait comme avant devant lui qui tentait à tout prix de se mouler au mieux afin de ne pas perturber Fanette mais de lui apporter un peu d'aide, de soutien, de réconfort. Quand bien même quelques coups de feu avaient donné cours à des colères de la part du quadragénaire.

Cette fois-là, ils étaient partis comme à leur habitude, les gens dans la charrette et Théo aux rênes, le bel étalon tirant l'attelage dans les brumes et la fraîcheur de la nuit se mourant peu à peu. Soudain, alors que tous avaient relâché leur attention, il se produisit quelque chose qui par surprise eut l’effet de désarçonner le groupe et rendre impossible toute manœuvre de défense. L'attelage s'arrêta net et Théo fut bousculé par l'à-coup vers l'arrière. Il se releva et déjà Fanette était prise, l'enfant pleurant à toutes larmes tandis que le compagnon de route n'y entendait pas plus que lui-même.

Il eut été aisé de pourfendre la garde tourangelle mais c'était s'assurer la mise au ban du royaume, de l'ordre et d'autres soucis tels qu'un mauvais procès. L'homme chercha donc comment réagir et parer au plus urgent, il se chargea de l'enfant qui pleurait. Gattino, Gattino et frictionna l'enfant qui avait par chance appris à le connaître juste assez pour oser agripper sa cape. Quand il se fut un peu calmé, le soldat le confia à l'Anglais. Le bambin, ainsi fièrement juché à cheval, oublierait, le temps de la chevauchée le nouveau drame qui se jouait.

Théo avait maintenu son regard dans le lointain tant que la tignasse de Fanette était visible espérant ainsi lui communiquer tout son engagement à mener l'enfant en des lieux sécurisés tel qu'il se l'était promis si les choses devaient tourner mal pour la jeune mère. La veille, il en avait parlé à Fanette. Il lui avait dit être peu rassuré, avoir un sale pressentiment et elle qui n'était déjà pas très rassurée lui demanda de ne pas l'effrayer, ce que Théo, même avec la plus ferme volonté ne pu faire... Pour une rare fois, lui aussi, ce soir là avait ressenti la peur. Et combien c'était prémonitoire, la situation présente en était l'écho !
Nev_la_faux_soyeuse
hop là dossier sous l'bras, t'arrives au tribunal. T'entres, salues la juge, un coup d'oeil direction l'coin des prév'nus ou t'y attends la prév'nue une certaine Fanette.

T'entends l'coup d' maillet d'la juge et là tu la joues tranquille, l'acte d'accusation simple et concret histoire d'pas foutre la merdouille dès l'départ.


Le bon jour dame La juge, nous voilà réunis pour une nouvelle affaire.
Celle-ci concerne une plainte déposée à l'encontre de.... Fanette Petersen par messire Roman.
Celui-ci l'accuse d'avoir payé des mercenaires qui auraient commis des faits d'agression envers sa personne en date du 10 mars 1468 ici même à Tours.
En touraine on ne se permet pas de telles agressions.
En ce 28 mars 1468, procédure au tribunal est donc ouverte à l'encontre de Fanette Petersen, alias Fanette pour trouble à l'ordre public, conformément au Décret ducal : des crimes et délits en Touraine

II - Liste des crimes et délits en Touraine

1. Troubles à l’ordre public
Est considéré comme trouble à l’ordre public tout acte qui perturbe la sérénité des villes et de leurs habitants.


Je vous donne lecture de la missive reçue de Roman :
Citation:
'De Roman. Date d'envoi Le 21 Mars 1468 à 23h54
Objet PlainteExpire le 12 Avril 2020Soigneusement écrit par un écrivain public, l'auteur original de la lettre n'étant pas en état de rédiger assez correctement sa missive pour l'envoyer à la prévôté. Daté, signé et scellé du sceau de la famille Medici.

Dame Lilye, prévôt des maréchaux,
Je me permets de vous écrire afin de vous porter par écrit la plainte que je souhaite déposer à l'encontre de Fanette Petersen, qui fut mon épouse et que j'ai répudiée pour m'avoir trompé, pour les faits d'agression ayant eu lieu récemment; c'est à dire avoir payé des mercenaires afin de me rouer de coups. Les faits se sont déroulés à Tours, le 10 mars 1468, soit au début de ce mois. J'ai été torturé par le dénommé Edvald et ses sbires, puis passé à tabac et emprisonné plusieurs jours. Je connaissais déjà cet homme par avant, et nous n'avions pas conflits, mais mon ex femme l'a payé pour me tomber dessus. Je souffre actuellement de graves blessures suite à leurs exactions. Mon frère aîné est venu à mon secours cinq jours plus tard, jours pendant lesquels je suis resté prisonnier et mal en point, manquant de perdre la vie suite à une infection.
Je vous prie de bien vouloir me communiquer d'éventuelles demandes de précisions que je pourrais vous apporter afin d'obtenir justice.
Avec mes respects,
Roman di Medici '


Il va sans dire que la prévenue peut se faire assister d'un avocat qu'elle a toute liberté de choisir.

Madame la juge, je n'ai rien d'autre à rajouter pour l'instant.

Je vous remercie.


acte d'accusation rp identique ig

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Roman.di.medici


Roman était déjà assis à la place qui lui avait été désignée à son arrivée. Son visage, pâle et maigre, parfaitement rasé, arborait à la pommette une plaie longue d'environ un pouce, suturée soigneusement. Son front était marqué d'une large ecchymose qui rejoignait sa tempe où une écorchure superficielle formait une croûte. Son bras droit était maintenu en écharpe, l'épaule étant grossie d'un épais pansement; cette blessure-là, la plus visible, n'étant pourtant pas du fait des mercenaires. Sous sa chemise parfaitement ajustée se devinait l'épaisseur de larges bandages qui lui contenaient la cage thoracique afin de limiter ses douleurs aux côtes. Il se tenait assis, droit et le visage fermé. Il attendait. Et lorsque Fanette entra, il posa sur elle un regard de mépris. Elle avait dépassé une limite et s'était aventurée sur des chemins bien trop dangereux pour elle.

--Fanette_loiselier
Fanette attend, droite, visage pâle et émacié, hermétique au brouhaha de la salle. C'est la quatrième fois déjà qu'elle se retrouve sur le banc des accusés, la dernière pour avoir planté un couteau dans les côtes de celui qui lui avait enlevé son fils.

Quand la cour entre, le murmure qui parcourait la foule cesse. Elle écoute l'acte d'accusation et elle comprend. Evidemment, la raison réelle de cette embauche de mercenaires est occultée. Evidemment il n'use pas de son patronyme de Corleone, bien moins honnête que celui qu'il emprunte à sa mère. Evidemment, il fait mention d'un adultère pour la discréditer, alors que jusqu'à son remariage, moins d'un an plus tôt, elle n'avait jamais ouvert ses cuisses à un autre homme que lui. Mais de qui cause-t-on ? Il n'est même pas fichu de se souvenir de son nom, c'est dire l'intérêt qu'il lui portait quand il était encore son époux.

Elle regarde la rousse sans relever toutes ces incohérences, juste que, quand elle a fini de parler, elle lève la main, s'éclaircit la voix, et demande à qui voudra lui répondre :

– Et comment je fais pour me faire assister d'un avocat ?

Théodémar, incarné par Lilye
[Un autre lieu, une autre heure...]

Théodémar ne perd pas une minute. En effet, une fois remis des émotions et après un temps de repos l'homme s'entend avec le groupe afin de mettre l'enfant en sécurité. Le chien suivrait puisque depuis le début il n'a jamais quitté l'enfant. Théo s'élance sur les routes l'enfant semble ailleurs. Le mercenaire ne lui adresse presque pas la parole préférant attendre qu'il parle, il aviserai si besoin mais il redoute les questions qui peuvent surgir dans un esprit si jeune et pas du tout préparé à une telle séparation.

La route qu'il trace se décline au gré des paysages que désinvolte il ne peut prendre de contempler, le temps file : matin, soir, nuit. Tantôt à la lueur d'une torche , tantôt en plein jour. La fuite est rude et il saute bien des repas pour parvenir au terme d'un périple devant les portes de la Citadelle, enfin mis à l'abri en terres amies.

Le cavalier hèle un garde, il est à bout de souffle tandis que l'enfant - un quartier de pomme à la main - semble inerte, refroidi par le vent de ce début de printemps fort frais pour la saison. Les gardes ouvrent, il entre et se précipite dans ses appartements ou près du feu il pose le petit lui murmurant des noms par myriade afin de le détendre, le rassurer mais déjà le dogue se montre plus efficace et vient se coucher devant l'âtre, une patte relevée sur le corps de l'enfant qui vient s'y poser d'un naturel qui déconcerte le mercenaire.

Lucie apporte une couverture que Théo s'empresse de poser sur ses deux invités tandis qu'un peu de lait est mis à bouillir dans un chaudron placé au dessus des flammes. Lucie bien que n'ayant jamais été mère s'illustre par ce don naturel qu'ont toutes les femmes. Théo s'effondre sur sa couche dans un sanglot qui très rare chez lui traduit sa détresse. La journée passe à dormir. L'enfant ne le réveille qu'au terme du repas que Lucie lui a confectionné à savoir une potée de légumes et un quignon de pain. Le petit Corleone vient de sa main toucher la tempe du soldat qui sursaute d'abord sur la défensive, avant de sourire pris de tendresse. Gattino Gattino, on va s'occuper de toi.

Il quitte sa couche, se réajuste un peu et puis envoie Lucie chercher les sœurs d'armes qui se sont entendues avec Fanette afin de la relayer dans son rôle de mère, le temps que tout - on l'espère vite - rentre dans l'ordre. La suivante s'exécute et lui, à son bureau, un œil sur l'enfant et le chien prend de quoi écrire au Juge de Touraine afin de parer à l'urgence de la situation. Le temps n'est pas à la colère, il est à l'action et la plus réfléchie si possible.

La plume gratte le parchemin avec hâte, l'écriture cursive dessine le plaidoyer d'un homme pour une mère.



Dame Juge,

Permettez que je prenne la plume afin de vous éclairer ou plutôt de plaider en faveur de mon amie qui subira sous peu les foudres de la Justice des Hommes. Une Justice que vous incarnez et en vertu de laquelle je vous implore de bien vouloir lire ce qui suit.

Je me nomme Théodémar et je suis un ami proche de Fanette que vous allez juger pour les faits qui lui sont reprochés. Comme il est de juste, la violence engendrant la violence doit toujours être combattue avec la plus vive fermeté et je ne saurais trop que vous encourager dans vos nobles démarches, vous qui sans doute plus que moi même, foulez les tribunaux animée par un feu dont je sais si peu : celui de la loi.

Mais moi, mon coeur brûle d'un tout autre feu, celui du combat d'une mère qui dans ses souffrances s'est rendue coupable de son seul amour pour son fils.

Ce fils on le lui a enlevé, on a cherché à l'en séparer parce que Fanette n'était plus en odeur de sainteté dans le chef d'un homme qui ferait cent fois mieux usage de son temps s'il se remettait en question.

Celui que dans un geste de désespoir elle a involontairement fait rosser. Encore que, s'il s'était montré conciliant, il n'eut essuyé que des mots plutôt que des coups, sous l'air de victime que se donne ce plaignant il suffit de creuser pour se souvenir que lui même, plus d'une fois a déjà commis moults forfaitures à l’encontre de celle a qui précisément, il reproche ce que lui même n'a pas manqué de lui faire subir.

Assez parlé, assez de mots. J'en viens à vous demander, ô grand et noble juge, de bien vouloir juger en vous disant que si vous la punissez, c'est une mère que vous allez étriller pour s'être laissée aller là où l'amour de son fruit n'aurait pu que la conduire. Imaginez vous un seul instant à sa place, privée de la chair de votre chair, constament menacée, battue même.

Imaginez donc un instant que quand votre maillet tonnera sous la sentence, vous aurez au bout des lèvres la formule qui peut faire tarir le lait de toutes les mamelles de France en retirant à toute mère, par un précédent judiciaire encore jamais vu, le droit le plus juste de tout mettre en œuvre afin de pouvoir aimer son enfant en toute sécurité.

Croyez bien que je ne vous jette aucunement la pierre et je salue votre auguste clémence si dans un geste de miséricorde, vous limitiez la peine contre mon amie à la place de qui je vous en fais le serment, je me serais moi même comporté de la sorte, je n'aurais rien changé et je me serais moi aussi retrouvé sur le banc des accusés pour implorer de vous, future mère qui sait, ce que de droit je cherche ici à faire valoir.

Théodémar


La missive signée il la roule en vue de la remettre à un page qui parti sitôt l'ordre et la monnaie reçus. "Advienne que pourra mais par pitié, bats - toi Fanette, ne t'effondre pas !" lance le mercenaire les yeux vers le ciel qu'il scrute depuis sa fenêtre. "Et toi, si tu m'entends" lance t-il à Dieu "tu sais ce qu'il te reste à faire"...

Il revient à son siège et porte son attention sur l'enfant qui encadré par les pattes du dogue semble goûter un repos mérité.


Maurice_garde
[Au tribunal, Maurice et Hubert.]

Maurice se tient droit, gourdin en main, prêt à intervenir en cas de mouvements douteux du suspect ou du plaignant. Hubert son acolyte s'est également positionné devant la porte du tribunal pour sa part afin de pouvoir surveiller ceux qui désirent rentrer en ce lieu. Les deux gardes ressentent une certaine tension dans la pièce, il n'est pas habituel pour eux d'assister à ce type de procès et l'arrestation de Fanette bien qu'ils y soient habitués semble leur avoir miné le moral. Le gros Momo n'aimerait pas avoir à se servir de son arme contre une femme mais malgré cela ses phalanges blanchissent tant il s'y accroche. La respiration est rauque, il se contente de lancer des regards en biais à la blonde qui trône à sa gauche et lorsque celle-ci prend la parole il grogne légèrement faisant mine d'y porter un intérêt quelconque. Fanette à reçu de la visite durant son court temps passé en geôle et Maurice à remarqué une animosité entre les deux femmes puisque la visiteuse à fait preuve de violence envers sa prisonnière ce qu'il n'a pas encore digéré. Qui d'autre que lui même peut se permettre un tel geste après tout c'est son seul défouloir, les cellules sont un peu son eldorado et quiconque y pénètre doit se plier à ses règles. C'est donc cette femme qu'il compte plus que tous surveiller lorsqu'il l'aura enfin repérer...

Hubert semble pour sa part plus serein, limite il se prendrait pour un portier de bistrot à souhaiter un agréable moment à quiconque franchi la porte, il doit oublier que lorsqu'on franchi le seuil c'est rarement pour se fendre la gueule. Il n'a pas pris la peine de s'armer ni de se vêtir de son armure, c'est en vêtement civile qu'il laisse rentrer quelques curieux en se contentant tout de fois de faire ôter armes et autres objets qui pourraient s'avérer dangereux.
Jo_anne
[Juste après l'arrestation]

Joanne avait été prévenue de l'arrivée et donc de l'arrestation de Fanette. L'aveugle se trouvait en ville, forcément. Elle voulait assister au procès, forcément. Elle se trouvait dans la foule de badauds, témoin de l'emprisonnement momentanée de la fauvette. Sa canne disparue et céder à Rouge en échange de quelques coups vengeurs qu'elles emporteraient en silence loin de cette ville. Aveugle se guide donc à l'aide d'un vieux et long bâton tordus, à l'écorce encore présente par endroits, qui collent aux mains et salis les doigts. Elle l'agite devant sur le sol pour se créer un chemin dans cet attroupement ridicule afin de pouvoir suivre la coupable pour tenter d'en apprendre un peu plus... Pourtant sur son avancée périlleusement lente, et finalement assez éloignée de l'objectif, une petite voix l'arrête...

Pour arrêter Joanne quand elle a une idée en tête, il en faut beaucoup. Il faut compter grandement. Cette petite voix, c'est celle de l'enfant le plus important de sa vie... Son petit-fils, Milo est là, et il l'a aperçu. Alors oui, Joanne s'arrête... Tirailler entre son besoin de parler à Fanette, de comprendre potentiellement... et cette petite voix tant aimée, qui lui avait manqué longuement, et qui avait vécu, du haut de ses quelques mois de vie plus de drames que certains n'en vivent en quarante ans... Léger soupir est poussé, dos à l'enfant, et l'aveugle de se tourner dans la direction entendue, pour commencer à tâtons à se rapprocher de lui, et de ceux qui s'en occupe. Pauvre enfant qui vivait un drame de plus. Ainsi, avec un peu d'aide, Joanne parvint à rejoindre son petit-fils.


Tesoro mio !

La vieille s'approche lentement pour ne pas effrayer l'enfant qui ne l'avait pas vu depuis longtemps, lui offrant un tendre sourire sincère. Donner lui tous les défauts du monde, mais personne ne pourra lui enlever d'aimer profondément ce gamin là. Le petit surnom qu'elle lui donne en est une preuve énorme. C'est celui qu'elle donne à Eleusio, le plus grand amour de sa vie, son fils cadet. Ce petit bout de chou lui rappelle le siens bien des années plus tôt... La voix se fait douce et discrète tandis que la foule commence à se disperser :

Va bene, non ti preoccupare. Nonna è qui. Mamma sta bene. Devi essere forte e saggio, piccolo cavaliere. Posso darti un bacio ?

Elle lui parle italien pour qu'il n'oublie pas ses origines, pour l'aider à se souvenir d'elle aussi. Parce qu'elle sait qu'Alaynna le faisait, et est certaine que Roman et Gabriele ont perpétué cela, et qu'il comprend tout. Elle lui parle italien pour tisser un lien invisible juste entre eux deux, pour oublier tous les autres idiots autour, et n'être qu'avec son petit-fils, dans une petite bulle. Leur petite bulle. Elle se fait rassurante, elle se fait cajolante, le baiser est déposé avec une tendresse infini sur le front enfantin. Elle est rassurée de le voir, de savoir qu'il va bien... Et plus encore qu'il ne l'a pas oublié. Elle lui souffle encore quelques mots à l'oreille en italien :

Ti amo tesoro mio, non dimenticare mai

Et de lui chanter une chanson italienne à l'oreille, une nouvelle que ni son fils ni sa belle-fille ne pourraient connaître. Une chanson rien qu'entre eux deux. Un autre baiser est déposé, elle en profite - pas tellement certaine de pouvoir le revoir par la suite, et le confie de nouveau à Oliver, masquant sa tristesse et la colère qui reprend le dessus.

La nonna deve fare qualcosa di importante. Tornerò a vederti allora ...

D'un dernier sourire à son petit-fils, l'aveugle tourne les talons. Elle ira alors soudoyer les gardes pour avoir une discussion sérieuse avec la mère du bambin tant aimé, et s'offrir le droit à une claque sonore sur les joues de l'inconsciente qui avait failli rendre son fils orphelin de père. Suite à quoi, elle rejoindra évidemment le tribunal pour assister au procès. Rien ni personne n'aurait pu l'en empêcher.

[Jour du procès, au tribunal]

Aveugle boiteuse fait donc son entrée dans la salle du procès, saluer par le fameux Hubert plutôt jovial. Elle lui sourit, en le saluant poliment, se soumet sans contestation à la dépose d'armes... Elle émet seulement la requête de garder son bâton pour ne pas renverser la moitié des bancs et se péter la trogne au milieu de la salle. A nouveau elle essuie un revers et c'est donc accrochée au bras de son époux qu'elle franchit la porte et se laisse guider jusqu'à une place libre. L'aveugle se fait discrète, la main dans celle d'Amalio. Elle ne compte pas se faire remarquer, elle ne voudrait pas risquer de mettre en péril le procès. Elle attend donc que tout ceci prenne forme.

Traduction :
Mon trésor !
Tout va bien, ne t'inquiète pas, mamie est là. Tu vas devoir être fort et sage, petit chevalier. Je peux te faire un bisou ?
Je t'aime mon trésor, ne l'oublie jamais.
Mamie doit faire quelque chose d'important. Je reviendrais te voir après.
Amalio
Aux côtés de la mère boiteuse, le père est là. L'air sombre, la barbe bien taillée, le regard scrutateur. Pas un sourire, bien sûr. Les amabilités, il les laisse à Joanne. Il n'est pas là pour ça. D'un regard, il embrasse le petit paysage de cette salle. Il y trouve son fils. L'oeil du médecin en détaille la posture, la crispation. Il souffre. Le père se crispe. Mais il faut maintenir sa colère pour le moment. Il est venu à la demande de Jo, il a promis de l'accompagner pour la soutenir. Et il veut voir son fils. S'assurer de son état, des soins qui lui ont été prodigués. Le vieux couple prend place sur un banc, le plus près possible de Roman. Il est l'heure de patienter. La main de Jo dans celle du patriarche tremble légèrement. D'anxiété, de nervosité, de colère. Il la connait par coeur. Il resserre ses doigts sur les siens. Murmure à son oreille, dans cette langue maternelle qui les relie et qui leur permet un peu d'intimité :

- Roman è alla nostra sinistra, seduto su una panchina. Sembra sopportare la situazione.

    * Roman est à notre gauche, assis sur un banc. Il a l'air de supporter la situation.

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Declann, incarné par Lilye
Éclaircissons d'ores et déjà une chose. Je ne suis pas avocat. Je n'ai strictement aucune compétence en la matière, pour être précis. Les textes de lois, les codes, les trucs et les machins... Je ne sais que deux choses : tuer c'est mal et voler c'est pas bien. Mis à part ça...
Cependant, j'aime bien assister aux procès. C'est un peu comme au spectacle, mais en mieux parce que les gens ne jouent pas la comédie, alors les émotions sont plus intenses. On voit de tout. Des cris, des larmes, des supplications, des timbrés qui ricanent sans comprendre qu'ils seront pendus demain... Bref, une séance aux assises ne se refuse jamais. Qui n'aime pas ça, d'ailleurs ?

La jeune femme aujourd'hui semble bien seule face à l'accusation. Je me demande commet on peut sérieusement croire qu'elle puisse avoir orchestré une bastonnade. Elle a l'air adorable, toute gentille. Le genre à vous faire une tarte parce que vous lui auriez demandé gentiment. Je constate toutefois que personne ne se lève pour prendre sa défense lorsqu'elle demande un avocat. Tout le monde reste bien tranquille sur son banc, nez baissé, attitude honteuse et fière à la fois. Je les entends presque penser. « Quoi, prendre le risque d'être mêlé à une histoire aussi sordide ? Jamais de la vie ! » Mouais. Une belle brochette de pétochards, oui. Allez savoir pourquoi, je me sens soudain investi d'une mission divine. Sauver cette fille. Sans doute le fait que je suis un homme, le complexe du prince charmant, tout ça. Un homme, un vrai, ça se lèverait et hurlerait au scandale. Moi, si je me lève, ce n'est pas pour huer. C'est pour dire un truc stupide.


- Moi ! Je suis l'avocat de la dame Fanette ici présente ! Je m'en viens la défendre !

J'avais prévenu sur la stupidité, vous ne pouvez pas vous étonner.
Je fends la foule d'un air conquérant, comme si j'allais sauver l'humanité toute entière, et je m'approche de ma nouvelle et première cliente.


- J'ai besoin de m'entretenir avec la dame Fanette. Séance tenante ! Sur le champ !

Je passe une main dans mes boucles brunes indisciplinées et plisse légèrement l'oeil droit. Comme je sens la question piège, je prends les devant.

- J'ai mis la main sur un témoin qui préfère rester anonyme et je dois faire part de ce témoignage à ma cliente. Immédiatement !

Y a plus qu'à espérer avoir été convaincant...
Agnes.de.sorel
Un nouveau procès public. Cela deviendrait lassant s'il devait en être ainsi pour tous. Enfin, lorsqu'elle s'était proposée à cette fonction, elle ne pensait pas devoir faire preuve d'autant de sérieux et de réflexion. Ou plutôt, en elle en avait eue parfaitement confiance. C'était un exercice. Depuis que l'Ecuyer sans Ordre errait, il lui semblait avoir conscience qu'elle n'échapperait que peu à son destin. Fille de.
La lettre disait son père, le Duc de Beaugency malade. Encore. La santé de son père déclinait un peu plus au fil des ans. Elle doutait que ce dernier passe l'année. Prenant la décision de passer les trois mois de belles saisons sur ses terres en Orléans, elle pourrait ainsi profiter de lui et apprendre les quelques histoires de sa vie.
La Sorel portait toujours sa robe bleue nuit, à un détail qui différait du dernier procès. Elle n'avait pas mis la fourrure pour la couvrir. Le soleil réchauffait peu à peu l'air et le temps. Ses cheveux se trouvaient toujours détachés, bien droit dans son dos. Ses yeux verts contemplant les couloirs qui la menait au Tribunal. A son Tribunal. Pour encore plusieurs semaines. Après quoi, elle serait à nouveau libre. Libre de retrouver sa voie. L'Ordre de la Licorne surement. Même si sa protectrice, Zoyah lui avait parlé de l'Ordre du Sépulcre. Peut-être irait-elle les voir aussi afin d'avoir un avis sur les deux d'elle-même. Enfin. Chassant pour l'instant ses envies et projets. Agnès reprit son visage, pas de sourire, la mine sérieuse et pénétra dans la salle.

S'en allant rejoindre l'estrade qui lui servait à dominer la pièce, son marteau était prêt à taper sur la table. Ainsi, que de quoi s'humidifier la gorge si besoin. Ses yeux verts partirent immédiatement à la recherche du Procureur. Son regard se portait également sur l'accusée. Une femme. Agnès ne faisait pas de différence. Un homme et une femme se valaient à ses yeux. Ils n'avaient pas tous les mêmes compétences, forces, faiblesses mais, une faiblesse de l'un, était une force pour un autre. Aussi, sa Justice ne souffrirait pas d'avoir une femme accusée. S'il s'avérait effectivement qu'à la fin du Procès elle la juge coupable, elle aurait la même sévérité que si c'était un homme en face. Un homme, une femme, un enfant. Pas de demi mesure. C'était un reproche qu'on lui faisait souvent. C'était tout ou rien.

Cependant, la Sorel grandissait, apprenait, s'adaptait. Parce que si on ne commentait pas d'erreurs, pouvait-on réellement voir les erreurs qui étaient faites ? Les erreurs étaient les aventures de la vie et la vie se forgeait en étant vécue.

Ses pensées s'attardaient au souvenir du Capvor. Une erreur. Depuis plusieurs mois elle se trouvait sans nouvelles. Ne sachant pas si c'était volontaire ou non. Ne sachant pas si elle avait un mot de trop ou pas assez. Il était vrai qu'on lui avait dit qu'il fallait flatter les hommes pour les garder. Mais, Agnès ne flattait pas ou très peu. Soupirant, elle chassa aussi ses pensées qui à son cœur le laissait meurtri et triste.

Son marteau en main, le procès pouvait maintenant débuter.



CLAP CLAP ! Acte I ! Présentation et acte d'accusation


A la lecture de la lettre, Agnès ne pouvait pas s'empêcher de hausser un sourcil dans un signe d'étonnement. Edvald, ce nom lui disait un truc. N'était-ce pas le premier procès qu'elle avait fait ? Celui qui ne pouvait pas faire une phrase sans dire un mot grossier ? Ah, si. Et bien, selon les dires du plaignant il avait grave morflé. D'ailleurs, en le regardant on pouvait témoigner de sa sale tronche. Il n'était pas vilain. Pas comme Edvald. Étrangement, elle aimait bien la blessure sur la pommette. La jeune femme avait toujours eue un faible pour les hommes qui n'étaient pas taillés à l'image des Apollon. En cela, Edvald et sa sale tronche lui avait été plaisant. Même si pour certains degrés de laideur, elle ne s'approcherait pas trop non plus. Et puis les cicatrices avaient ce petit truc qui venait la titiller en général. Oui, Agnès aimait les combats, les blessures, un peu trop même. Une scène était jouée à l'arrière, sur les bancs du public. Un enfant. Agnès observait tout ce qui se passait sans toutefois pouvoir entendre le moindre mot de la où elle se trouvait.

Soudain, à la fin de l'intervention du Procureur, l'accusée leva la main. D'un signe de tête, Agnès accorda sa permission de parler.

– Et comment je fais pour me faire assister d'un avocat ?

A nouveau, ses yeux verts sur Nevada. Oui, comment devait-elle faire ? La Sorel ne savait pas non plus.

- Moi ! Je suis l'avocat de la dame Fanette ici présente ! Je m'en viens la défendre !

A nouveau, retentisse le son d'une voix qui fait lever les yeux au ciel d'Agnès. L'écoutant jusqu'à la fin. Elle intervient à son tour.

- Et vous-êtes ?

Un regard vers Nevada, puis vers l'accusée, puis vers le plaignant. C'était SON tribunal. De plus, on venait à l'instant même de lui faire parvenir une missive qui concernait cette affaire. Il lui faudrait prendre le temps de réfléchir posément.

- Bien bien, si l'accusée accepte que vous soyez son avocat, je vous accorde deux jours et pas un de plus pour établir votre première plaidoirie.

Tapant de son marteau.

- Si personne n'a rien à ajouter. La séance est levée !

Le temps passe.

CLAP ! CLAP ! Acte 2 ! A vous Fanette ou bien l'avocat !

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--Fanette_loiselier
    Quelques heures après l'ouverture du procès, dans une pièce mise à disposition par le tribunal


[Declann, Fanette]

La pièce, petite, était percée d'une fenêtre d'une vingtaine de pouces de large, tout au plus, donnant sur une étroite venelle. La vue se heurtait à une façade sombre, couverte de lierre, et il fallait se pencher pour apercevoir un bout de ciel. Le mobilier, sobre, se résumait à une table, deux bancs, du matériel d'écriture et quelques chandelles, qui suppléaient le jour qui avait bien du mal à pénétrer le lieu, même au soleil de sexte. Les murs sentaient le salpêtre, et, malgré au redoux du printemps, ils conservaient le froid humide de l'hiver. Mais au moins, Fanette bénéficiait-elle d'un semblant de liberté, en attendant que la justice décide de son sort. Pour l'heure, elle faisait les cent pas devant l'âtre, tendant parfois ses mains gelées vers les flammes. Elle accueillit le jeune homme qui s'était désigné comme son avocat avec un empressement reconnaissant.

– Merci m'sieur, vraiment merci. Je ... j'sais pas trop par où on commence.
- Oh beh de rien, M'dame. J'pouvais pas vous laisser dans la mouise comme ça.

Visiblement nerveuse, elle tordait ses mains, et le sourire qu'elle tentait d'afficher, ne suffisait à effacer ses traits émaciés par le manque d'appétit et l'inquiétude des dernières semaines.

– Déjà, vous devez savoir que rien n'est vrai dans ce procès, pas même nos noms. Je m'appelle Fanette Loiselier. J'suis angevine, Petersen, c'est danois. C'est une amie danoise qui me l'a donné pour plaisanter. Parce que, quand je l'ai connu, j'savais pas mon vrai nom, j'savais juste que mon père s'appelait Pierre, et Petersen, dans sa langue, ça veut dire, fille de Pierre. Mais, au jour de mes dix-huit ans, mon père est revenu dans ma vie. Depuis, je sais que je m'appelle Loiselier, et Roman, il était encore mon époux à cette époque, c'est étrange qu'il l'ait oublié. Ça pourrait pas être un vice de forme ça ? Parce que, en vrai, Fanette Petersen, elle existe pas.

Elle le laissa intégrer l'information, avant de poursuivre.

– Puis, Roman di Medici, il a omis son patronyme complet. De par son père, et on sait tous que c'est le nom le plus important, c'est un Corleone. Mes enfants, ils s'appellent pas Loiselier, ils s'appellent di Medici Corleone. C'est sûr que, s'il a omis de décliner son identité complète c'est pour ne pas souiller son statut de victime par les nombreuses forfaitures pour lesquelles sont connus les Corleone de par le royaume. C'est pas tout à fait honnête non ?

Declann tâcha d'avaler toutes ces informations avec tout le sérieux que la situation requérait. Quelle idée bizarre l'avait mené à se porter volontaire, ça, il se le demanderait probablement encore le jour où il passerait l'arme à gauche. Toutefois, la curiosité le démangeait. Puisqu'il s'était jeté tête la première et de son plein gré dans les embrouilles, autant y aller franchement et tenter pour de bon d'aider cette femme. Il fit les cent pas dans la pièce, sourcils froncés, en se mâchonnant le bout du pouce. D'habitude, il mâchonnait plutôt un bout de fromage ou une carotte, mais là, il n'avait ni l'un ni l'autre à disposition, alors il devait se contenter du doigt.

- Résumons-nous ! Nous avons d'un côté un type qui ne se présente pas sous son vrai nom alors même que ce nom est celui d'une famille plus que douteuse... Mouaiiis Je vois le genre. Et de l'autre on a vous, qu'on présente sous un nom qui n'est pas le vôtre et qu'on accuse d'avoir commandité une attaque contre votre ancien mari ? Je vois, je vois...

Ce que Declann voyait, c'était surtout que le truc tout entier reposait sur une belle grosse embrouille. Alors pourquoi jouer franc quand l'autre partie voulait faire sa roublarde ?

- Alors déjà, on va jouer là-dessus, c'est clair. Famille de menteurs, voleurs, pilleurs... Qui accuse une femme sans utiliser son vrai nom... Eh beh d'après moi on va pouvoir entortiller le truc là-dessus mais avant de nous lancer là-dedans, j'ai besoin de savoir exactement ce qui s'est passé, et tout ça. Votre version des faits, en gros. Tout ce que vous pourrez me dire nous sera utile.

Elle retrouva un semblant de calme quand il lui indiqua la direction qu'il voulait prendre. Elle finit par prendre place sur l'un des bancs, et posa ses mains à plat sur la table, pour s'obliger à ne plus triturer ses doigts.

– Tout d'abord, c'qu'il a écrit au juge, l'histoire de l'adultère, c'est un mensonge ça aussi, et il le sait très bien. Je n'ai jamais été une menteuse, et jusqu'à l'été dernier où mon père m'a remariée, j'avais jamais ouvert mes cuisses à un autre homme que lui. Il dit ça pour m'discréditer un peu plus. La vérité c'est qu'il me délaissait quand j'avais b'soin de lui. On nous avait enlevé notre fils m'sieur, et moi j'étais perdue. Et j'ai commis une faute immense, j'ai embrassé un autre homme. Ça oui. J'ai tant eu honte qu'au lendemain je lui ai tout avoué, mais, je lui aurais planté un pieu dans le cœur, que j'lui aurais pas fait moins mal. Il se passe pas un jour sans que je regrette, mais ce jourd'hui, j'crois que c'est pour cette faute qu'il me punit encore, comme si me répudier ne lui avait pas suffi.

Elle laissa passer un léger silence, après tout, peut-être ne la jugerait-on pas pour cela, même si le Corleone avait cru bon de l'écrire dans sa lettre. Elle releva son regard de noisette vers le jeune homme.

– Roman m'a répudié en octobre soixante-six, j'étais grosse de sa fille, notre petite Stella Lucia, et Milo Amalio, notre fils, n'était plus avec nous. On nous l'avait enlevé quatre mois plus tôt, une vengeance à l'encontre de mon époux, enfin, de celui qui était mon époux alors.

Il voulait sa version des faits, elle allait la lui donner, même si elle repartait au déluge. Il lui semblait malgré tout important qu'il sache que Roman avait toujours fait peu de cas de ses enfants, ce qui la confortait dans le fait que ce n'était pas l'intérêt de son fils qui le souciait mais bel et bien un moyen de la faire encore souffrir pour la trahison qu'elle lui avait infligée en abandonnant sa bouche à d'autres lèvres.

– A cette époque, j'enquêtais pour retrouver mon fils, alors que son père avait décidé d'abandonner les recherches. Il m'a contraint à arpenter sans son aide les routes du royaume à la recherche de Milo, tandis que lui s'était réfugié dans le travail et les études pour oublier le chagrin de la disparition de notre petit. Il dit qu'il l'a toujours cherché, mais c'est faux. Lenù, leur bonne amie, à lui et son frère m'a dit que seul Gabriele a cherché à le retrouver en faisant jouer son réseau. Roman a rapidement abandonné, ainsi qu'il me l'avait dit du reste. Puis, de toute manière, Milo n'a pas été retrouvé grâce à eux. On m'a rendu mon fils au mois d'avril l'an passé, deux jours avant que notre petite fille ne vienne au monde. J'ai écrit à Roman pour le prévenir que notre fils était de nouveau avec moi, et qu'il était père d'une petite Stella Lucia. Il n'a pas souhaité répondre. Au début de l'été, mon père m'a accompagné à Bordeaux où il se tenait, pour qu'il puisse faire la connaissance de ses enfants. Nous n'avons même pas réussi à lui parler. C'est dire l'intérêt qu'il avait pour eux.

Elle ponctua sa phrase d'un soupir.

– Finalement, il a décidé de venir les voir au mois d'août. Il a fini par admettre que Stella était bien sa fille. Elle avait les mêmes yeux clairs, d'un vert de lichen qui tire sur le gris selon la lumière.

La jeune mère étira un sourire teinté de nostalgie. Elle avait tant aimé les yeux de mousse de son diable, autant qu'elle se plaisait à admirer ceux de ses enfants ... ses enfants ... son enfant ... l'image des paupières closes sur le visage tiré de souffrance de sa Piccolina s'invita à ses souvenirs et ourla son regard de larmes. Elle ferma les yeux un fugace instant, pour reprendre contenance.

– Il a passé trois semaines avec eux, mais j'imagine qu'il ne pouvait pas s'attarder plus. Son métier l'amène à voyager. Il va au gré des endroits où vivent les gens que son oncle de Florence lui commande d'assassiner. Je comprends bien qu'il ne puisse pas vivre près de ses enfants, et c'est aussi pour cette même raison qu'il nous délaissait Milo et moi quand nous étions encore mariés. Mais, comprenez m'sieur, tous ces mois jusqu'à maintenant, s'il n'avait pas le loisir de venir voir ses enfants, il ne prenait pas non plus la peine d'écrire pour prendre de leurs nouvelles ou leur faire envoyer quelques jouets, ou, enfin un petit témoignage pour plus tard. Quelque chose qui montrerait à ses enfants que, même loin d'eux, il était toujours près par le cœur.

Ecrit à quatre mains et cinq fois plus de doigts avec jd Declann


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Declann_vautier
[Même pièce, même heure, même moment, mêmes personnes.]




Elle s'interrompit. Peut-être qu'après tout, seules les femmes étaient faites pour être sentimentales. Roman avait grandi dans une famille riche, mais loin de l'affection de sa mère et de l'intérêt de son père. S'il pouvait ressentir de l'amour pour ses enfants, avait-il appris à l'exprimer ? Ces choses-là s'apprenaient-elles seulement ?

– En janvier, notre petite Stella est tombée malade. Au dix-huitième jour de ce premier mois de l'an, j'ai confié la garde de Milo à son oncle, le frère aîné de Roman, Gabriele Corleone. Milo le connaissait bien, pour avoir passé régulièrement du temps avec lui. J'étais sûre qu'il serait en sécurité et ne risquerait pas de tomber malade à son tour. Quand l'état de Stella s'est aggravé, j'ai fait prévenir Roman. Il est venu. Hélas, notre fille est ...

Sa voix s'étrangla. Morte ... Elle ne parvenait toujours pas à prononcer ce mot, trop froid et cru pour qualifier cette minuscule enfant qu'elle avait chéri si peu de temps.

– ... notre fille a cessé de respirer au sixième jour de février. Là, Roman et son frère ont commencé à me reprocher tout un tas de choses. D'abord ils m'ont accusé d'avoir laissé souffrir ma fille, prétextant que j'aurais dû abréger ses souffrances. Mais m'sieur, qui peut faire ça ? Qui peut décider de la vie et de la mort sinon le Très-Haut ? Puis, si vraiment ils pensaient qu'il fallait le faire, les Corleone sont maîtres dans l'art des poisons, ils auraient tout aussi bien pu, que je le veuille ou non. Ils ne se soucient pas vraiment de mon avis. Maintenant au contraire, ils m'accusent d'avoir tué ma fille, d'être folle.

De nouveau elle marqua une pause, tant l'évocation de ces souvenirs était pénible. Ses mains avaient fini par se rejoindre sur le plateau de la table, et se nouaient et se dénouaient de nouveau nerveusement.

– Deux jours après que ma fille soit ... enfin ... deux jours après, Roman est venu me voir. Il a dit qu'il n'avait plus confiance en moi. Que bientôt, il partirait avec Milo, son frère et son neveu, qu'ils iraient à Florence, et qu'il laisserait notre fils dans sa famille maternelle, chez les Medici, qu'il y aurait une bonne éducation loin de mes jupons, et que lui ainsi, pourrait aller passer un peu de temps avec son fils quand ses missions le lui permettraient. Quand j'ai dit qu'il n'avait pas le droit de m'en séparer, il a rétorqué qu'il était son père, et que par conséquent, il avait tous les droits. J'ai dit que j'irai si mon fils y allait et il a refusé en riant, car je n'avais pas ma place chez les Medici. Alors, je lui ai répondu que dans ce cas, j'irai chercher mon fils dès le matin suivant chez Gabriele. Encore une fois il a ri en disant que je m'exposerais à des choses que je ne voulais pas connaître. C'était la première fois qu'il me menaçait. Après ça, je suis allée tous les jours chez Gabriele pour qu'on me rende mon fils, je n'ai eu en retour que des insultes et des menaces. Jamais ils ne m'ont permis, ne serait-ce que le revoir, l'embrasser, aller l'endormir le soir.
Roman a prétendu depuis qu'il comptait me ramener mon fils à Limoges, mais c'est facile à dire à présent qu'il veut me faire passer pour une folle. Quelles preuves avais-je moi qu'il voulait me le rendre après ce qu'il m'avait dit, et toutes les menaces qu'ils me faisaient lui et son frère. J'ai un témoin qui l'a entendu comme moi me dire qu'il allait emmener Milo loin de moi. Il pourra prendre la parole au procès, j'suis sûre qu'il voudra. Il s'appelle Oliv ... Jaime Oliver Mannering.


Elle tourna la tête vers la fenêtre en un geste machinal, comme si elle pouvait apercevoir l'Anglais. Mais l'étroite ouverture donnait sur le mur borgne de la maison d'en face, une vieille façade mangée de lierre.

– Leurs menaces étaient sans doute bien réelles, car, au lendemain de la mise en terre de ma petite fille, Lenù, l'amie de Roman et de Gabriele, une amie proche qui passait beaucoup de temps chez eux, tellement proche qu'elle a partagé le lit des deux frères, m'a fait ingurgiter un poison et a essayé de m'étrangler. Oliver est arrivé juste à temps, sans quoi, Milo n'aurait plus de mère. Il m'a forcé à quitter Limoges, par crainte qu'on s'en prenne encore à moi.
Quelques jours plus tard, Roman a réussi à me faire parvenir une lettre me disant qu'il venait ici, à Tours. Bêtement, j'ai cru que, s'il me prévenait, peut-être qu'il était disposé à me laisser voir mon fils. Alors je suis venue moi aussi. Sauf que j'ai mis du temps à le trouver. C'est à cette occasion aussi que j'ai croisé une connaissance, une belle dame qui était escortée par des mercenaires, Edvald et sa troupe. Elle avait croisé Roman quelques jours avant, et l'avait trouvé détestable dans les propos qu'il tenait sur moi. Elle m'a conseillé de faire appel à la Bannière Brune pour reprendre mon fils qu'il ne semblait pas disposé à me rendre.


La fauvette s'interrompit une fois de plus pour rassembler ses souvenirs, et être la plus précise possible.

– J'ai refusé dans un premier temps. J'avais peur, je ne voulais pas de violence, surtout pour pas y exposer mon fils, puis je n'ai jamais voulu de mal à Roman, ni à personne de sa famille. Malgré nos différends, il restera toujours l'homme que j'ai aimé et qui a fait de moi une mère. Puis, je croyais encore qu'une solution était possible. Mais j'étais naïve. Je n'ai pas trouvé Roman quand je l'ai cherché à Tours, mais lui et son frère m'ont trouvée en revanche. Ils ont attendu que je sois seule pour venir me parler, enfin, me parler ... Roman a maintenu son refus de me laisser voir mon fils. Il persistait à dire que je le verrai quand il l'aurait décidé, et que plus je le réclamerai, plus il m'en priverait. Puis, de nouveau ils m'ont menacé de mort. Ils m'ont giflé, parce que c'était facile, à deux contre moi, puis insulté encore. Enfin, ils sont partis en me traitant de folle et d'hystérique. J'ne suis pas hystérique, je ne l'ai jamais été. On dit, qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage. Je crois que c'est ce qu'ils font depuis le début.

Elle laissa échapper un long soupir, visiblement éprouvée par son récit. Quel gâchis dont son fils était la victime, bien plus qu'elle au fond, privée d'une petite sœur, puis d'une mère, et à présent, il était raisonnable de penser qu'il serait privé de son père. Tout ce qu'elle n'avait jamais souhaité.

– C'est après ça que j'ai compris que Roman me baladait, qu'il était toujours décidé à me priver de mon fils. Pourquoi sinon, s'il avait été de bonne foi, ne pas m'avoir accordé le droit de passer quelques heures avec lui ? Surtout qu'il sait pertinemment que s'il avait voulu l'avoir pour lui seul quelques jours, je lui aurais laissé ce droit. Mais me l'arracher, jamais, pas avec tout ce que j'ai fait pour lui quand son père refusait de lever le petit doigt pour m'aider dans mes recherches.

Son regard se chargea de culpabilité, sa voix se fit moins assurée.

– Alors c'est vrai m'sieur. Quand ils m'ont laissée, j'étais si révoltée, j'suis allée rejoindre les mercenaires, Edvald et sa troupe. J'ai signé le contrat qu'il avait déjà préparé, mais, le Très-Haut m'en est témoin, je les ai pas payé pour qu'ils le rouent de coups, comme il le prétend. Je les ai juste payé pour qu'il me ramène mon fils parce que je crevais de ne plus le voir. Comprenez bien m'sieur, j'venais de perdre ma fille, et ça faisait presque deux mois que j'voyais plus mon p'tit garçon. C'était cruel et injuste de me priver de lui.

Elle fouilla dans sa besace et en sortit un parchemin roulé et noué d'une ficelle de chanvre. Elle le lui tendit.

– Tenez, c'est le contrat, mais je suis sûre qu'Edvald acceptera de venir en témoigner. On peut lui demander d'être mon second témoin, ou le premier, peu importe l'ordre, non ?

Finlams a écrit:



    La Bannière Brune s'engage à fournir une aide martiale dans la récupération de Milo Amalio di Medici Corleone à sa mère Fanette Loiselier en échange d'un salaire de 80 écus dont 50 en avance pour les charges dues aux coûts de mouvements, entretien des troupes et équipement ainsi qu'en préparation pour allouer des auxiliaires.

    La cliente s'engage à suivre les consignes du lieutenant pour ne pas se mettre en danger et se soumet à un supplément de charge si elle agit sans considération pour les mercenaires ou sa propre vie. 20 écus en cas de non suivi d'une consigne. 50 en cas de mise en danger irréfléchie.

    Le reste du salaire sera versé une fois l'enfant rendu à la cliente Fanette Loiselier.

    Sans couleur ni patrie.
    Tours, 1er mars 1468


Elle le laissa prendre connaissance du contrat et se ratatina sur son banc. Son teint était plus pâle encore qu'au début de l'entrevue et ses yeux s'étaient éclaircis de paillettes d'or, comme à chaque fois que les émotions venaient la submerger. Elle s'affaissa légèrement, posant sa tête un instant dans ses bras qu'elle venait d'allonger sur la table.

Declann la laissa parler, sans l'interrompre. Au bout d'un moment, alors que Fanette faisait une pause, il avait pris place sur la chaise face à la sienne. S'il avait cru que l'affaire serait amusante, il s'était trompé. Sur toute la ligne. Ce n'était pas un jeu, et la femme devant lui souffrait véritablement. Quel genre d'homme pouvait bien infliger de tels supplices à la mère de ses enfants ? Elle qui avait déjà tellement souffert ? Declann l'ignorait, il n'était pas de ce genre-là. Certaines choses lui échappaient, et lui échapperaient toujours. En revanche, il était là, devant Fanette, et même s'il n'y connaissait rien, il voulait réellement la défendre, désormais. La cause de la jeune femme était devenue sienne.

La table grinça légèrement quand il vint s'installer en face d'elle, y appuyant ses coudes. Elle releva la tête pour lui porter une écoute attentive.

- Bien. Déjà, je ne vous juge pas, sachez-le. Ensuite, je vais vous présenter ma défense. Faut la jouer finaude, là, je crois bien. Les loustics en face vont agir en traitres, va falloir qu'on soit plus malins qu'eux.

Declann se gratta distraitement la joue, paupières légèrement plissées. La concentration était au maximum. Les Corleone, il connaissait vaguement ce nom. Des mercenaires, des brigands, des assassins. A coup sûr, cela ne pouvait pas jouer en leur faveur. Mais parce qu'ils avaient un passé trouble et des activités louches, il fallait s'en méfier. S'agissait pas de foncer dans le tas et de voir ce que ça donnerait.

- Bon. Mon papi m'a toujours appris à dire la vérité. Donc on va dire la vérité. On va bien avouer avoir signer un contrat et on va exposer précisément les faits, on va montrer ce contrat à la juge, si c'est pas déjà fait. On va reconnaître ces faits, si on ment, ça se retournera forcément contre nous et c'est pas ce qu'on souhaite, hein ! Ensuite... Ensuite bon sang, des Corleone qui portent plainte ? Laissez-moi rire. Ces gens tuent quand on les encombre. Ils veulent vous voir souffrir, et c'est indéniable. Nous allons mettre ce fait en avant. Depuis quand les Corleone deviennent-ils les victimes ? Ça devrait les faire réfléchir, les juges et tout ça. On va bien souligner aussi le fait que ce Roman n'ait pas pris la peine de se présenter sous son nom complet. On va également mettre en avant le fait qu'il veuille enlever votre fils pour le coller dans sa famille. S'il ne prend pas l'enfant pour l'élever lui-même, il n'a aucune raison de l'enlever à sa mère. Il est physiquement capable d'élever un enfant, et matériellement aussi, j'en doute pas. Je vais mettre l'accent sur le métier de son père, à votre fils, et au fait qu'il y ait eu tentative de meurtre. Qu'il vous prive de votre fils sans motif. Qu'il ne se soit jamais intéressé à votre fille. Qu'il vous accuse de négligence, c'est une chose, mais il était où, lui, hein ? En train d'égorger un pauvre type quelconque. L'image du père, on va bien mettre ça en avant. C'est pas un milieu sain pour un petit garçon. Faut absolument qu'on vous présente sous un certain éclairage. C'est pas du mensonge, c'est juste qu'il va falloir que vous ne vous énerviez pas, jamais. Si vous vous énervez en public, ça va vous faire perdre en crédibilité. Vous êtes une femme impuissante face à une famille de tueurs. Vous allez pouvoir garder votre calme ? Pleurez si vous avez envie, faudra pas vous retenir. Je sais que c'est pénible de pleurer devant la personne qui rêve de vous voir craquer mais plus vous allez paraître
sensible et bouleversée devant la cour, plus vous gagnerez de points, c'est quasi sûr. Lui il va foncer droit dans le mur, il verra rien venir. Ils veulent jouer les victimes, on va voir ça. On va pas se laisser faire. Ensuite... On va les avoir à leur propre jeu, M'dame Fanette, j'vous promets. On va renverser la situation. Faut me faire confiance. Faites comme j'vous dis.Plus vous aurez l'air d'une victime, plus il aura l'air coupable. Oui ?


Quelques larmes ourlaient ses cils, mais elle les essuya en acquiesçant à ses propos. Elle voulait croire qu'il parviendrait à la sortir de ce mauvais pas, mais en vérité, elle avait peur. Elle avait aperçu Roman au premier rang dans la salle du tribunal. Et si elle avait vu sa mauvaise mine, les ecchymoses à son visage, les sutures, le bras en écharpe, alors, les autres avaient pu le voir aussi. Elle s'ouvrit de ses inquiétudes.

– J'me mettrais pas en colère, soyez sans crainte, je veux pas leur faire ce plaisir. J'ai jamais été hystérique, jamais.
Par contre, j'veux pas mentir, alors dire qu'il s'est jamais intéressé à sa fille est faux. Disons qu'il ne s'y est pas beaucoup intéressé, juste trois semaines quand elle a eu quatre mois, puis, plus rien jusqu'à ce que je le fasse prévenir. Mais, si on dit jamais, il dira qu'il est venu aussitôt qu'il l'a su malade. Et les onze jours où il était à Limoges, il est venu la voir quotidiennement. Il s'enfermait avec elle dans la chambre plusieurs heures par jour. Il a essayé de la soigner, sans y parvenir lui non plus.

Puis, pour le reste, j'ai peur. Vous l'avez vu, on pourra dire tout ce qu'on veut, ses blessures datent de deux semaines environ, et elles sont encore bien visibles. Moi, faudra convaincre pour que le juge me croit. Lui, il suffit de le regarder.


Elle se pinça le coin de la lèvre, un peu embarrassée.

– Faut que j'vous avoue autre chose m'sieur. Autre chose qui risque de compliquer un peu.

Elle hésita mais, s'il devait la défendre, elle jugea qu'il ne devait pas être déstabilisé par une mauvaise surprise au moment des plaidoiries.

– Faut que vous sachiez qu'on m'a condamnée à la potence en fin d'année m'sieur. Enfin on m'a pas condamnée en fin de compte, mais un peu quand même.

Elle s'embrouillait tant elle était encore une fois honteuse de cet aveu.

– A l'automne, le hasard a mis sur ma route le jeune homme qui a enlevé Milo quand il n'était qu'un tout petit enfant de sept semaines. J'en ai été privé dix mois, j'l'ai cherché sur les routes quand mon ventre pesait d'un autre enfant, mon mariage est partie à vau-l'eau. Alors, quand je l'ai vu faire comme si de rien n'était, comme si tout cela n'était qu'un mauvais souvenir, j'ai eu tant de colère que je lui ai donné un coup de couteau pour le tuer. J'ai pas réussi. On m'a arrêtée pour ça. Le jeune homme était bien installé et respecté dans la ville où se sont déroulés les faits, donc, le juge m'a condamné à la potence. On m'a pas pendue cependant, parce que celui que j'ai poignardé, quand il a été remis, il est venu prendre ma défense. Il a avoué que tout ce que j'avais dit était vrai, qu'il avait voulu se venger de Roman en enlevant son fils et que j'étais une victime. Alors, le juge a consenti à suspendre la sentence. J'ai fait de la prison,et j'ai eu une amende. Je devais aussi un mois de travail forcé dans un hospice, mais ça, j'ai réussi à y échapper en quittant le duché avant, pour aller rejoindre mes enfants. Mais le juge a dit que j'étais mise à l'épreuve, et que, si je me retrouvais face à la justice au cours de l'année qui allait s'écouler, je risquais de me retrouver encore au pied du gibet. Et là, ben ça fait pas un an m'sieur. Si la juge de Touraine apprend ça, j'ai peur que ce soit pas bon.

Declann fronça les sourcils, un peu ennuyé. C'était pas si joli qu'il l'aurait voulu. Il se gratta la tempe et haussa les épaules.

- J'vais essayer de caser l'information quelque part, mais si l'sujet est jamais abordé... On va faire comme si ça avait pas eu lieu, hein ? Allez. V'nez. Il est temps d'y r'tourner.

Il se leva et lui tendit la main, avant de l'entraîner avec lui.
--Fanette_loiselier
    Salle d'audience, jour des plaidoiries.

Ils y étaient de nouveau. Des villageois curieux s'étaient amassés dans la salle comme on va au spectacle. Parmi eux, elle reconnut Oliver et Terrence. Son regard s'attarda un peu sur l'Anglais qui lui offrit un sourire encourageant quand elle alla rejoindre sa place sur le banc des accusés, toujours flanquée du garde qui l'avait arrêtée à la frontière tourangelle. Aux premiers rangs, la famille Corleone soutenait Roman. Elle l'observa furtivement, se demandant pourquoi on ne lui avait pas retiré les sutures qui refermaient sa pommette. S'il y a bien une chose qu'elle avait apprise en vivant avec lui, c'est qu'on gardait les fils une douzaine de jours, et qu'en l'état, les quinze étaient largement dépassés. Si c'était pour avoir l'air plus amoché qu'il ne l'était déjà, la jeune femme pensa que c'était bien inutile. Avec son bras en écharpe, ses traits creusés et les cernes qui soulignaient son regard, il n'avait pas vraiment bonne mine, avec ou sans sutures.
Sur l'estrade, la cour s'installait. La juge tapa deux coups de marteau sur son pupitre et céda la parole à l'avocat.

Le jeune homme s'avança de quelques pas. Sans le quitter des yeux, Fanette prit une longue inspiration pour se donner du courage, quand bien même, elle n'aurait rien d'autre à faire qu'à écouter celui qui s'était proposé pour la défendre. Ses mains tremblaient, elle les noua sur ses genoux. C'était maintenant que tout allait se jouer.
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