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[RP] Qu'est-ce qu'on peut bien (re)faire après ça ?

Lison_bruyere
La discussion était presque légère, et Fanette engrangeaient d'utiles informations, comme ne pas aller dans le nord au printemps, au risque de périr en traversant la glace fragilisée par le redoux. Elle s'était confiée, un peu rêveusement à l'évocation de ces fameuses aurores boréales, qu'elle ne savait d'ailleurs pas nommer ainsi.
– J'irai un jour Eirik, j'veux voir ça de mes yeux. Peut-être ... hésita-t-elle, peut-être que, si vous y retournez un jour, vous voudrez bien que je vous accompagne.

C'est quand il évoqua le signe des dieux qu'elle formula une réponse qui engageait davantage ses convictions.
– Deos, j'suis pas sûre qu'il ait envie de nous transmettre des messages. En tout cas, à moi, il n'a jamais parlé. Vous savez, j'crois qu'il ne se préoccupe guère de nous autrement que pour nous envoyer des épreuves. Quand j'ai été grosse de Milo, j'ai voulu me réconcilier avec lui, pour mon fils. J'suis allée voir le curé, plusieurs fois, j'suis allée à l'église, j'ai fait toutes ces choses qu'il faut faire, comme écouter la messe ou se confesser. Le prêtre a même confirmé le baptême que j'avais reçu après ma naissance, à Craon. J'voulais que deos garde mon fils sous sa divine protection. Pourtant, il n'a rien fait, et Milo a été perdu dix mois durant, loin de ses parents. Et même à présent, je ne sais même pas si on peut considérer que mes enfants ont un père. Ils ne l'ont vu que quelques jours à l'été, quand vous et moi nous sommes rencontrés à Paris.
La fauvette avait manqué de son propre père, pour retrouver une fois adulte cet homme fragile et pleurnichard qui ne savait que pleurer son passé et ceux qu'il avait perdus pour en oublier ce qu'il avait encore à aimer. En dépit de ça, ou peut-être justement à cause de cela, elle s'était attachée à maintenir les liens de ses enfants avec leur famille paternelle, et, souffrait que l'Italien ne se soucie même pas de leur écrire, quand bien même ils ne savaient pas encore lire. Elle se tut sur cette dernière pensée, acquiesçant parfois d'un sourire, ou d'un hochement de tête à ce que lui expliquait le Nordique. Si bien que, quand la lune fut déjà haute, elle avait l'impression de le connaître un peu plus. S'il était sans nul doute de ces hommes durs aux sentiments, il n'en était assurément aucunement dépourvu. Peut-être même l'intimidait-il un peu moins ... peut-être ...
Elle approuva sa décision, les contes seraient pour demain, il était déjà bien trop tard sans doute.

Pour la première fois depuis le début de ce cauchemar, elle dormit d'une traite, d'un sommeil paisible et sans rêve. La proximité des flammes qu'Eirik avait entretenues au cours de la nuit avait tenu le froid éloigné, et sa présence, et celle de son chien-ours à l'oreille coupée était suffisamment rassurante pour qu'elle s'y abandonne totalement. Aussi, quand au matin, bien après lui, elle finit par s'éveiller, c'est un sourire reposé qu'elle lui adressa.
Huan s'éloigna, pistant sans doute quelque gibier pour son propre compte. Elle s'étira avant de se redresser, puis ramena les jambes contre sa poitrine en les ceinturant de ses bras. Elle resta un instant silencieuse, sans doute encore recluse aux brumes du sommeil, la joue appuyée à ses genoux. Le temps fila quelques instants, peut-être plus, avant qu'elle ne se lève, tapotant ses vêtements. Elle gagna la berge, prit un peu d'eau dans ses mains en coupe pour l'appliquer à son visage. Elle était bigrement froide. Ses traits dessinèrent une petite moue incertaine, tandis qu'elle scrutait les bords de rivière, espérant encore, mais en vain, y voir accrochés les vêtements qu'elle était en train de laver la veille, quand un maraud l'avait agressée. Elle revint, s'attardant près de Hunt. L'animal releva la tête à son approche, soufflant bruyamment des naseaux. Fanette n'était pas une bonne cavalière mais elle n'avait pas peur des chevaux, quand bien même était-elle minuscule à côté de celui-là. Elle passa une main sous l'épaisse crinière sombre, flattant son encolure quand l'autre glissa le long du chanfrein légèrement busqué de la monture. L'animal curieux approcha son nez de velours de la jeune femme pour la flairer, provoquant un sourire. Elle ne s'attendait pas à la réaction suivante, et le délaissa pour retourner près du feu, se méfiant encore davantage du chien du Nordique qu'elle contourna en veillant à ne pas le défier du regard. Elle tendit ses mains vers le feu et tourna son minois taché de son vers Eirik.

– J'peux faire quoi ? 

Ailleurs, ses enfants se réveillaient sûrement, bercés d'autres voix que la sienne. Elle ne se doutait aucunement que l'un des deux frères Beaurepaire s'efforçait d'adoucir l'absence de leur mère. Elle était prête à lever le camp, mais n'osa pas faire preuve d'impatience en se montrant directive. Eirik savait ce qu'il en était, il avait accepté une fois encore de lui venir en aide, elle se plierait au rythme qu'il imposerait.
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Eirik_gjermund


Déos. Christos. Aristote. C'étaient les même ou pas ? Un croyant de Déos voulait-il brûler un croyant de Christos ? Les croyants d'ici brûlaient déjà les croyants d'après la mer du Sud. Qui brûlait qui ?
Son peuple à lui avait incendié et pillé des régions entières, mais pas au noms des Dieux. Juste pour le profit. Il y avait longtemps. Puis étaient venus les Étrangers au Dieu Unique. A force de cajoleries, cadeaux et menaces, les peuples Scandinaves s'étaient en grande partie soumis.
Comme l'ancienne Britannia, des siècles et des siècles plus tôt. Comment un Dieu Unique pouvait-il avaler la multitude des croyances divines de plusieurs peuples, si éloignés les uns des autres ? Le futur serait-il ainsi ?

Eirik ne répondit pas. Comme il n'avait pas répondu à la rêverie de Fanette de voir son pays à lui. Pour de nombreuses raisons, c'était impossible.
Eirik enregistra les informations sur le père de l'enfant. Eirik avait des enfants. Il n'en connaissait qu'un. Il avait seize années et la mère était une serveuse Danoise. Peut-être l'enfant était-il père et Eirik grand-père...
Et sans doute qu'il avait de nombreux bâtards ici et là. Rien de comparable avec l'histoire de Fanette.

Fanette. Fanny. Il aimait bien "Fanny".



[ Le lendemain matin ]

Les oiseaux. La rivière. Le feu. Les respiration des êtres vivants près de lui.
Eirik sentit que Fanny s'éveillait. Puis il l'entendit remuer. Il ne la regarda pas, ne lui parlât pas. Certains avaient le réveil difficile. En absence de menace, Eirik respectait cela. Il restait couché. Il leva un œil lorsque la jeune-femme partit se débarbouiller.

Fanny fit quelques pas vers... Non !

Non ! Arrête !
Eirik bondit. Fanny avait approché Hunt. Son cheval était méchant. Il mordait et ruait. A l’exclamation du Nordique, Fanny sursauta et retira sa main, mais Hunt effleura la tranche de la paume de ses dents carrées d’herbivore.
Eirik vint de deux bons vers sa protégée.

Ne le touches pas. Il ne te connait pas. Hunt ne sait pas savoir si qui est dangereux ou pas.
Avec un peu d'efforts, Eirik aurait pu mieux formuler sa phrase... Il prit la main de Fanny, faiblement entaillée et le saignement n'était pas alarmant.
Va rincer ça. Ne touches plus Hunt. Hund te connais. Lui il sait la différence.

Plus tard, Fanny était de retour près du feu. La plaie superflue ne saignait déjà plus.
J'peux faire quoi ?
Eirik grogna, contrarié qu'elle ai approché son cheval féroce.
Tu vas devoir monter Hunt aujourd'hui et après. Il faut l'apprivoiser.
Cette évidence lui avait sauté aux yeux. Là. Maintenant. Elle n'avait pas cheval. Elle n'allait pas marcher à côté de lui avec ses vieilles chausses.

Après. On va manger un peu.
Eirik sortit à nouveau le pain et quatre pommes fripées. Et les restes d'hier, froids. Il regarda Fanny qui portait sa cape chaude. Et des habits trop grands pour elle. Son visage avait reprit des couleurs depuis hier.
Tu vas connaître Hunt et nous partirons vers Brest. Long chemin... Il y a un village à quelques heures, on devrait y être avant la nuit. Largement avant.
Il aurait le temps de l'entraîner le lendemain.
Le Nordique alla laver les assiettes à la rivière et se mouilla le visage, indifférent au froid.

Eirik vint vers Hunt, qu'il caressa en lui disant des mots en Finnois, parsemés de Danois, une langue que le cheval connaissait mieux. L'équidé était trilingue. Son dos arrivait à la poitrine de son maître.
Les yeux de glace se posèrent sur Fanny :

Prends une pomme dans mon sac. Donne-lui avec ta main qui est pas blessée, et bien à plat.
Eirik observa l'opération séduction. Hunt souffla des naseaux sur Fanny puis mangea le fruit. Sa jambe avant grattait le sol et il commençait à s'agiter. Eirik redoubla de caresses. Hunt tendit le cou vers la jeune-femme.
Bouge pas, ça va aller.
Le cheval souffla à nouveaux, postillonnant du mufle sur le visage féminin. Eirik prit la main pâle et la fit caresser l'encolure du colosse. Hunt ne broncha pas.
C'est bon. Tu pourras monter sur son dos mais te mets pas derrière lui, ni à portée de dents. Il pourrait encore t'attaquer. Lui il croque tout le monde. Pas Hund.
Emballe tes affaires, on pars.


Eirik éteignit le feu puis s'éloigna dans les bois. Besoins naturels. Il revint cinq minutes plus tard, le ventre léger. Il sella Hunt, le chargea de ses affaires puis hissa Fanny sur le dos du cheval. Il grimpa devant et jeta un coup d'oeil aux chiens. Alertes. Ils suivraient.
Piquant des deux, Hunt se mit au pas puis au petit trot.
La matinée était froide. Le soleil finit par trouer les nuages et les réchauffa un peu.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
Fanette était revenue s'asseoir près du feu, la mine contrite. Elle l'avait échappé belle assurément. Elle avait appris à se méfier des chiens. Celui des Messonier n'étaient pas commode et il l'avait pincé une paire de fois quand elle était enfant. En revanche, elle ignorait que les chevaux puissent avoir de telles réactions. Les rares qu'elle avait côtoyé s'étaient toujours montrés agréables. Même le fougueux maremmano du Corleone avait, à pied un aimable caractère.
Eirik découpa deux belles tranches de pain qu'il déposa dans les écuelles, et couvrit chacune d'un morceau de viande froide. Elle le remercia d'un sourire en saisissant celle qu'il lui destinait. Elle grignota doucement, l'écoutant en silence, hochant parfois la tête. Elle n'osa pas contrevenir quand il parla d'apprivoiser Hunt, pourtant elle n'était guère rassurée à approcher encore l'immense animal.

Aussi, quand un peu plus tard il l'invita à approcher, c'est une fauvette timide, armée d'une pomme, qui s'avança. Appliquée, elle offrit sa main bien à plat, doigts serrés, fruit posé dessus. L'animal semblait la jauger, mais il ne renâcla guère avant de se délecter de la gourmandise. Elle ne bougea pas d'un pouce quand il approcha de nouveau sa lourde tête. Elle jeta un œil inquiet au Nordique, puis de nouveau observa Hunt en s'efforçant de rester immobile. Elle esquissa un sourire quand il la passa en revue, remontant son nez jusqu'à son visage. Quand il souffla sur ses joues, elle réprima un rire, de peur de l'inciter à une mauvaise réaction et s'essuya dans sa manche, en relevant un regard rieur vers Eirik. L'animal l'avait baptisé à sa manière, elle acquiesça néanmoins aux recommandations du blond en jetant un œil au chien-ours, dont elle s'était injustement méfiée.

Ses affaires furent vite emballées, elle n'avait plus rien, que la marionnette que Claquesous lui avait confiée pour son fils. Départ était donné. Metsa devança l'animal qui pourtant marchait d'un pas ample et rapide. Huan suivait joyeusement. Parfois, les deux chiens disparaissant dans un fourré pour réapparaître, haletants, un peu plus loin. La jeune femme suivait leur course des yeux. Elle songea aux contes évoqués la veille. Elle trouverait bien l'occasion, un peu plus tard de lui parler de Balmung. Elle espérait ne pas en avoir déformé l'histoire livrée à ses souvenirs depuis son enfance. Et surtout, il lui tardait qu'il lui raconte la légende de son pays. Silencieuse à son dos, Fanette s'était faite rêveuse. Elle n'était pas une très bonne cavalière, et, ainsi assise derrière le Nordique, elle tressautait à chaque foulée. Elle avait glissé ses mains pour se cramponner à la peau de loup de son compagnon de route, et y trouvait le double avantage de s'y réchauffer les mains. Le froid était glacial, ou sans doute était-elle frileuse, aussi, quand quelques heures après le départ, Eirik proposa une halte, elle s'empressa de rassembler du bois à peu près sec.

Quelques instants plus tard, les flammes montaient vers le ciel, dévorant en crépitant le tas de branches. La jeune femme avança ses mains vers le feu. Ses ongles bleuis reprirent peu à peu une teinte rosée. Elle sortit d'un pli de la cape une poignée d'herbes et les posa sur une pierre près du feu.
– En cherchant le bois, j'ai trouvé un peu de pissenlits. J'ai pris les feuilles les plus tendres, elles sont moins amères.
Chez elle, elle les aurait accommodées d'une sauce pour les manger crues, ou bien elle les aurait fait cuire avec d'autres légumes d'hiver, mais là, elle n'avait rien, aussi, devraient-ils se contenter de les manger ainsi, nature. Elle en mâchouilla quelques-unes, les pensées égarées à ses enfants. Elle n'avait pas su protéger Milo quand il n'était qu'un nourrisson de quelques semaines, et dix mois durant, elle l'avait perdu. Et de nouveau, l'enfançon s'était trouvé séparé de sa mère. Elle se demanda s'il lui en voudrait et cette idée lui déchirait le cœur. Elle songea aussi à sa piccolina qu'elle ne pourrait plus allaiter. Elle releva un regard teinté d'incertitude vers le Nordique, et chassa ses questions en lui offrant un sourire.
– Vous avez des enfants Eirik ?
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Eirik_gjermund


Fanny avait peur de Hunt. Tant mieux. Contrairement à Hund, Hunt avait tout de suite accepté Eirik comme maître. Sur le dos du puissant cheval, le Nordique aurait pu grossir de soixante-dix kilos sans l'amoindrir. Fanette était une brindille sans importance.

En chemin, ils parlèrent peu. Eirik sentait sur son dos la chaleur humaine du torse de la femme, qu'aucun manteau ne pouvait remplacer. Mais Eirik ne l'avouerait pas.
Hund et Huan suivaient d'un bon pas.

Peu après midi, le couple improbable fit halte. Fanny fit un feu. Lui ne s'en serai pas donné pas la peine. Elle devait avoir froid.
Eirik la regarda, la détaillant ; une chemise épaisse, des braies longues, des chausses usées. Et sa cape à lui. Ce n'était pas suffisant. Fanette allait choper la mort, comme ils disaient.
Elle chauffait son petit corps près du feu.

En cherchant le bois, j'ai trouvé un peu des pissenlits. J'ai pris les feuilles les plus tendres, elles sont moins amères.
Eirik grommela.
Je mange pas des fleurs. J'vais péter bon après.
Têtu, Eirik se contenta des restes de la veille. Épuisés. La soirée en ville serai prolifique. Eirik avait beaucoup à acheter pour le reste du voyage.

Fanette mangeait des fleurs. Drôle d'idée.

Vous avez des enfants Eirik ?
Le Nordique grogna et but un peu de vin léger.
Au moins un. J'avais seize années, j'étais au Danemark. Je suis parti, revenu. L'enfant avait un an et ma tache de naissance. Un bâtard.
Aujourd'hui, il a plus de vingt années et il est sans doute père. Je dois être grand-père...
Je dois en avoir d'autres. Je connais pas.

Eirik renifla, l'air frais lui faisant couler le nez.
Viggo. C'est son nom.
Sa mère était Eike. Une grosse blonde avenante de plus de quinze ans. Une serveuse. Eirik n'avait su que Viggo était son fils qu'à sa tache de naissance.

Après avoir envoyé Fanny paître, le Nordique pissa sur le feu. La rejoignant, il sortit de son sac deux grosses moufles.

Mets ça.
Les moufles de cuir doublées de mouton, peu pratiques, étaient chaudes.

Le convoi très, très réduit, reprit la route. Le buste de Fanette, caché de la cape, se collait à son dos. Eirik sentait sa poitrine, le creux, son ventre, son bassin, ses cuisses.
Femme contre homme.
Il pourrait la violer si facilement... Mais cette abjecte idée ne l'effleurait pas. Ni même le désir. Pour l'instant... Parce qu'on ne savait jamais...
En l'instant, Fanette était un humain asexué. Le contact de son corps le réchauffait. Mais ne l’excitait pas. Et surtout, Fanny ne semblait pas le moins du monde en mode séduction !
Beaucoup, beaucoup de raisons pour sentir les seins dans son dos comme un contact anodin. Non. Chauffant.

Le route se déroula. La journée aussi. Puis le soleil déclina. Les premières maisons d'un petit village apparurent.

On va devoir chercher une auberge avec une écurie pour Hunt et les chiens. Trop gros pour venir avec nous...
Hund, tel un poney, était logé avec des chevaux. Huan, lui aussi, devait être refusé dans une chambre.
Eirik avait deux amies avec de petits chiens qui dormaient avec elles. Koya et Kemiha. Presque des amies.

Le couple non-amoureux passèrent trois auberges et la quatrième fut apte à les satisfaire.
Eirik commanda au palefrenier de nourrir son cheval en le mettant en garde contre les morsures et les ruades. Huan et Hund partageraient le même box. Le chien-ours avait déjà fait savoir à Huan qu'il commandait. Le dogue faisait partie de sa meute. Soumis. En cas d’attaque, Hund protégerait Huan à la mort. Comme un homme bon son fils.

Eirik et Fanette se trouvèrent une table. Charcuterie, fromage, potage, ragoût, tarte aux pommes.
Fanny n'avait rien pour payer. Elle le savait. Avant qu'elle proteste, Eirik dit :

Tu te tais. Tu manges. Et tu auras un bain , tu pues. Et le matin, tu vas dormir.
Le route va être longue. Nous irons au marché. Il te faut des habits chauds.
Non, ferme-la ! Tu me paieras un jour.
Je refuse de voyager avec une fille si peu vêtue !

Pour éviter des discutailles, Eirik ajouta :
Sinon j'te violes. Alors tu la fermes et tu m'écoute.

En ces sombres années de cette sombre époque, un viol était très commun. Les femmes, qui n'avaient aucun poids, étaient considérées comme des tentatrices ne sachant pas faire taire leur libido dépravée *.
Face à Fanny, Eirik interrompit son silence :

Tu auras une chambre et tu vas te déshabiller. On va laver nos habits. Et un bain demain matin.
Le Nordique avait tout vu avec la propriétaire. Le repas, les chambres, la lessive, le bain, le petit-déjeuner. Sans oublier les chiens et les chevaux.

Eirik se leva.

J'suis fatigué. Va dormir. Tiens, ta clé. Chambre trois.
Eirik la planta là et partit s'étaler dans son lit, trop court pour ses longues jambes.


[ Le lendemain ]

Une certaine Juliette vint vers Fanette dès qu'elle fut levée. Elle la mena dans un bain d'eau chaude en insistant pour lui frotter le dos. Refoulée ou pas, Juliette laissa du savon pour le corps et pour les cheveux, les habits naguère sales tout propres.
Idem pour Eirik.

Il se rendit tout propre, la barbe luisante et les cheveux brillants au petit-déjeuner.
Il y retrouva Fanny, face à des œufs et du porc séché. Pas de tisane pour lui.




* Je m'en réfère à des textes historiques, pas au "girl power" des RR's.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
Vingt plus seize ... Fanette regarda ses mains, elle n'était jamais trop sûre de ses calculs, bien qu'en ce cas, elle savait bien qu'elle n'aurait pas assez de doigts. Elle le dévisagea un instant. Peut-être à cause de sa barbe qui mangeait tout le bas de son visage, elle n'avait pas vraiment su lui donner d'âge, et surtout, elle n'avait pas cherché à le faire.
– Pour sûr que vous êtes peut-être grand-père. J'suis plus jeune que votre fils, et j'ai deux enfants. J'étais grosse de ma seconde quand on s'est rencontrés la première fois.
Grosse, fallait le dire vite. Stella était née bien trop petite, alors autant dire que les premiers mois de sa grossesse n'avaient guère marqué son ventre.
– Vous avez pas envie de savoir ? Vous n'lui écrivez pas ? Viggo, c'est un prénom que j'connaissais pas, mais, j'aime bien, ça sonne un peu comme Milo. Milo, c'est mon fils. Milo Amalio en vrai, comme ça, il porte aussi le nom de son grand-paternel.

Avant de se remettre en route, il avait donné à Fanette une paire de moufles. Elles étaient taillées dans une peau de mouton retournée, si bien que ses mains se trouvèrent enveloppées dans la douceur de la laine. L'étape de l'après-midi se passa comme celle du matin, silencieuse. Calée contre Eirik, elle se laissait bercer par les foulées du cheval. Parfois, elle appuyait sa tête à son dos et fermait les yeux, mais quand un mouvement plus brusque la tirait de sa somnolence en manquant de lui faire perdre l'équilibre, elle se rattrapait comme elle pouvait, resserrant un bras autour du cavalier.

Quand le soir commença à tomber, elle fut un peu surprise du choix de la halte. Il savait qu'elle n'avait rien. Elle accepta un peu gênée le repas, mais elle pensait retourner ensuite dormir dans un coin de l'écurie. La présence des chiens suffirait à la rassurer, surtout celle de Metsa, Hund comme il l'appelait. Elle ne s'attendait pas à l'option qu'il lui proposa et encore moins à son argument. Elle frémit à la menace du viol. Comme toutes les femmes sans doute, victimes ignorées de ces violences ordinaires, elle avait eu à le craindre. Elle en portait les stigmates dans l'épaisseur de ses boucles blondes, comme dans la cicatrice hideuse qui creusait son mollet. A l'été encore, la main impudique le l'Alzo l'avait plaqué à lui quand il lui murmurait d'abjectes promesses. C'était précisément pour échapper à cet homme et à sa famille qui l'avait trop souvent menacée au simple fait qu'elle fut un jour une épouse Corleone, qu'elle s'était rangée à la décision paternelle. Elle avait épousé en secondes noces un colosse Africain auquel son père avait donné sa main en échange d'une chèvre et de la promesse de protéger sa fille et ses deux petits-enfants. Mais qui l'avait protégé de lui toutes les fois où il avait pris son dû d'époux contre son gré ? A qui aurait-elle pu s'en plaindre, puisqu'il était admis qu'il en avait le droit ? Elle sonda son regard un fugace instant. Sa raison lui soufflait qu'il ne serait pas capable d'une telle vilenie, du reste, il aurait eu maintes occasions déjà, si telle avait été sa volonté. Pourtant, sa raison était bien incapable de s'affranchir de ses craintes, et elle n'osa moufter, acquiesçant d'un signe de tête en baissant les yeux.

Au lendemain, Juliette avait déposé le linge propre et sec sur le dossier d'une chaise. Elle ajouta un dernier seau d'eau chaude au sommaire cuvier dans lequel elle avait pris soin de déposer un drap propre. Fanette n'avait de pudeur que pour les hommes, elle était bien moins gênée en présence de la seule aubergiste, aussi, non qu'elle appréciât d'afficher sa nudité, mais elle s'en accommodait par l'impatience et la nécessité d'un bain. Aussitôt plongée dans l'eau, elle se détendit. Le savon de cendres n'était pas des plus parfumés mais qu'importe. Il était doux sur la peau et précipitait dans la tiédeur de l'eau toute la crasse accumulée depuis tant de jours qu'elle ne savait plus en faire le compte. Si la fauvette tenait à se laver seule, elle laissa cependant à la femme le soin de frotter son dos et de rincer ses cheveux. Elle s'enveloppa ensuite dans le drap sec qu'elle lui tendait, avant de passer les vêtements propres. Ils étaient évidemment toujours trop grands pour elle, des vêtements d'homme, donnés par celui qu'elle avait tenté d'occire et pour lequel elle s'était retrouvée en prison. Mais ils sentaient encore le feu de bois devant lequel ils avaient séché, et elle en trouva le parfum agréable.

C'est une jeune femme reposée que le blond retrouva pour le premier repas du matin. Elle écalait un oeuf, et devant elle, les volutes parfumées d'une tisane embaumaient l'air. Elle lui adressa un gracieux sourire, oubliant les craintes de la veille, que la fatigue avait sans doute exacerbées. Eirik était bourru, abrupt dans ses manières comme dans ses mots, mais il n'était pas un mauvais homme, ou, s'il l'était, à elle, il n'avait jamais montré que de la bienveillance. Elle s'en émut, et, glissa sur lui son regard pailleté d'or.
– Je sais bien que vous aimez pas trop quand j'vous dis ça, mais Eirik, merci. Merci pour tout ce que vous faites. J'sais pas où j'serais ce jourd'hui, si vous n'aviez pas été là l'autre jour.
Un peu gênée, elle plongea ses lèvres dans le liquide fumant. Elle buvait à petite gorgée, comme si elle avait besoin de renouer aussi au plaisir d'une simple infusion. En vérité, elle redécouvrait tous ces petits gestes anodins du quotidien comme si c'était la première fois, le lit qui avait accueilli son sommeil, le bain, le savon, l'odeur du linge propre, de bons repas, bien trop copieux pour son appétit de fauvette... Elle avait apprécié chacun à la hauteur de la privation qui lui en avait été faite. Elle reposa le gobelet d'argile sur la table et releva vers lui son minois taché de son. Une expression rieuse égaya ses traits, tandis qu'elle extirpait d'une poche de son vêtement un trognon du chou-fleur cru qu'elle posa sur la table.
– Vous croyez que j'vais encore apprivoiser Hunt si je lui offre ça ?
Elle avait négocié avec l'aubergiste pour récupérer l'offrande de l'ombrageux cheval Danois. Elle espérait bien qu'il ne la dévorerait pas avant la fin du voyage. Elle écarta l'idée, concluant qu'elle serait bien trop indigeste pour l'animal. L'idée la fit sourire. Elle jeta un oeil autour d'elle, puis au barbu qui dévorait une tranche de viande séchée, elle sourit, et osa une question.
– Eirik, vous m'raconterez la légende du Kalava ? Elle n'avait pas mémorisé le mot employé mais il s'en souviendrait sans doute. Elle baissa sensiblement le ton de sa voix, comme si la demande suivante s'avérait plus essentielle. Elle l'était, mais elle se souvenait aussi des traits masculins durcis par l'exercice, des instructions claires et qui ne souffraient pas d'opposition. Elle n'avait pas très envie de paraître encore sotte, ou faible, ou bonne à rien, et elle se sentait bien tout cela à la fois dès lors qu'elle tenait une lame dans ses mains. Pourtant, il avait raison, elle devait apprendre à se défendre, et au-delà de ça, elle voulait pouvoir défendre ses enfants si un jour il en était question.
– C'soir Eirik, ou, enfin, quand vous voudrez, vous m'apprendrez encore à user de la dague sans regarder l'endroit que j'essaie de trouer ?
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Eirik_gjermund


Avant leur halte du soir, il avait été midi. Eh oui.

Pour sûr que vous êtes peut-être grand-père. J'suis plus jeune que votre fils, et j'ai deux enfants. J'étais grosse de ma seconde quand on s'est rencontrés la première fois.
Eirik haussa un sourcil étonné. Enceinte ? Elle était si maigre à leur première rencontre ! Maigre et malade. L'enfant était-il ce Milo ? Rien que le fait de l'imaginer vivant relevait du miracle ! Avait-elle remercié son Déos ?
Vous avez pas envie de savoir ? Vous n'lui écrivez pas ? Viggo, c'est un prénom que j'connaissais pas, mais, j'aime bien, ça sonne un peu comme Milo. Milo, c'est mon fils. Milo Amalio en vrai, comme ça, il porte aussi le nom de son grand-paternel.
Eirik grogna. Une question noyée par des auto-réponses ne lui donnaient pas envie de poursuivre.
J'ai connu un chien qui s’appelait Milo. C'est joli.
Compliment ou insulte ? Pour Eirik, ni l'un ni l'autre.

Depuis leur rencontre fortuite et inespérée pour elle, Fanny se retrouvait à chaque fois plus vêtue. Cette fois, des moufles. Eirik ne les utilisait presque jamais. Elles l'empêchait de tenir les rênes, manger, se battre. Il les gardait pour les nuits à la belle étoile aux températures négatives. Des mains mouflées qu'il carrait entre ses cuisses pour un surplus de chaleur.
Le Nordique pensa que d'ici Brest, les nuits descendraient sous zéro. Il allait falloir s'y préparer...


Le soir, ils dînèrent copieusement.
A la menace de viol si elle refusait ses bontés - un comble ! - Fanny tressaillit. Avait-elle déjà été violée ? Ce ne serai pas étonnant. Presque chaque femme se faisait violer un jour. Pauvre ou riche. Moche ou belle.
Eirik avait-il déjà violé une femme ? Peut-être. Il n'était pas sûr...

Après le repas, il ne revit pas Fanette jusqu'au lendemain. Eirik la trouva à table, resplendissante. Il ne la reconnut presque pas ! Sa peau de porcelaine était pure, ses cheveux brillants, ses vêtements propres et son sourire sincère, presque heureux. Eirik lui sourit. Un faible sourire, mais ses lèvres s'étirèrent assez pour dévoiler un peu de ses dents. Un fait rare. Le métissé de Scandinavie tirait plaisir à remettre en forme cette jeune mère meurtrie par la vie.
Il reconnu la beauté de son regard aux iris peu communs. Eirik le voyait brillant pour la première fois.
Il s'assit. Il demanda de l'eau sucrée et du hareng fumé, au cas où... Hélas - forcément ! - la maison n'avait pas cela. Alors Eirik se contenta d’œufs et de lamelles de porc avec son eau chaude. Il n'aimait pas la tisane.


Je sais bien que vous aimez pas trop quand j'vous dis ça, mais Eirik, merci. Merci pour tout ce que vous faites. J'sais pas où j'serais ce jourd'hui, si vous n'aviez pas été là l'autre jour.
Il n'y avait rien à répondre. Eirik se contenta de la regarder et retourna à son déjeuner, et il ne tacha pas sa barbe propre et douce. Ses longs cheveux d'un blond profond, lui arrivant à mi-épaules, brillaient en renvoyant l'éclat de la lumière. A lui aussi l'hygiène faisait du bien, même s'il trouvait parfois réconfort dans l'odeur musquée de son corps, comme un chez-lui qu'il n'avait plus.

Fanny lui montra un trognon de chou, comme un trésor trop longtemps caché. Le visage de la femme s'égaya.

Vous croyez que j'vais encore apprivoiser Hunt si je lui offre ça ?
Eirik sourit. Il en fut surpris.
Il va aimer. Mais il faudra du temps. C'est une sale bête caractère. Caratér... Catarèr... Cara... Quoi ? On dit comment ? Caractère fort et souvent fâché.
Eirik demandait rarement des précisions sur la langue française. Parfois, il s'exprimait très bien. C'était fluctuent. Fluctuent. Un mot dont il ne soupçonnait même pas l'existence !

Eirik, vous m'raconterez la légende du Kalava ?
Ka-le-va-la.
Articula-t-il de sa voix grave à l'accent guttural. J'ai déjà raconté un peu à des Français... Ils comparent à une Odyssée Grecque avec un marin. Très ancienne aussi.
L'Odyssée de Simpson... D'Homer vous dites, non ? C'est écrit je crois. Pas le Kalevala. D'oreille à bouche. Je te raconterais un jour, avant Brest.
Dit-il, évasif.
L'heure n'était pas aux contes.

Justement, Fanny changea de sujet.

C'soir Eirik, ou, enfin, quand vous voudrez, vous m'apprendrez encore à user de la dague sans regarder l'endroit que j'essaie de trouer ?
Eirik termina son déjeuner sans se presser et rinça sa bouche avec l'eau sucrée.
Ja.
Son "oui" se prononçait "ya".
On va aller vite. Pas d'auberges avant deux nuits.
Sa dernière phrase se fit hésitante car il n'était pas sûr de lui. Il avait déjà fait cette route, mais ça remontait à loin... Deux nuits dehors, ce serai déjà très éprouvant pour une jeune-femme si frêle...
Eirik regarda Fanny. Femme. Frêle. Mais pleine de courage. Elle survivrait. Elle encaisserait le froid. Elle ne se plaindrait pas.

Nous nous arrêterons tôt ce soir. Bien avant le créscupule. Être bien à l'abri, au mieux qu'on peut. J'essaierais de t'apprendre encore.
Eirik se tapota la tempe de son index à l'ongle propre.
Ça se passe là. Au début, tu vas réfléchir pour ne pas montrer tes intentions, c'est normal.
Eirik termina son verre.
Prends tes affaires et attends-moi dehors. On va aller au marché.
Eirik attendit que Fanette obéisse pour payer. Il récupéra ses affaires, s’emmitoufla de sa fourrure de loup blanc et sortit, heureux de ce froid prenant.

Il laissa la jeune-femme donner son trognon à Hunt. Le colosse tenta d'abord de lui mordre l'épaule puis fut séduit par le chou, qu'il mordit à belles dents. Il ne tenta plus - pour l'instant - de la mordre. Le cheval n'était pas tout à fait propre. Le palefrenier s'excusa, presque en colère. La main en sang. Eirik lui donna un généreux pourboire.
Après avoir fixé les sacoches, il mit ses mains en "chaise" pour aider Fanette à monter, remarquant que le dessous de ses vieux souliers avait été décrotté. Un tord. Ils seraient plus fragiles. La propreté n'avait pas que du bon.


Ils avaient bien dormi. Le marché était en pleine effervescence depuis plusieurs heures. Le mastodonte équin et son occupant barbare écartait naturellement les passants. Un cul-de-jatte rama des mains à leur opposé.
La foule se faisant trop dense, Eirik descendit de selle en demandant à Fanny de rester sur Hunt. Les deux chiens semaient la panique alors qu'ils étaient paisibles.
Eirik acheta du pain, du fromage, de la viande, des gâteaux sucrés, du vin, un peu de whisky, des aromates.
Il avait voyagé avec deux Sudistes qui mettaient des herbes de Provence partout ! Il y avait prit goût... En revanche, il préférait le beurre à l'huile d'olives. Il n'acheta ni l'un ni l'autre. Le luxe avait ses limites.
Eirik repartit de chez le boucher avec trois gros os à moelle enfermés dans un vieux sac fourni par le commerçant, et le Nordique dut frapper son chien du pied en le menaçant de mort avec des mots gutturaux. Le coup de botte fit faire un écart de trente centimètres au colosse de quatre vingt dix kilos. Pour lui faire vraiment mal, son maître aurait dû frapper avec une force considérable. Pourtant, ce coup de pied aurait cassé les côtes d'un chien de petite taille.

Le Nordique s'arrêta pour acheter un nouveau tapis de selle, un licol neuf et mena Hunt chez le maréchal ferrant.

Reste là et fais attention que Hunt ne rue pas. Je reviens.
Des mots stupides et inutiles. Fanette ne pourrait jamais retenir le cheval de ruer. Elle ignorait que Hunt restait toujours calme lorsqu'on lui faisait "les ongles". Il donna deux vieilles pommes à la Roussette et s'éloigna.

Eirik ne voulait pas d'elle pour la suite, parce que ses achats la concernaient. Il regarda l'étal d'un tisserand qui avait de très jolis habits de belles couleurs. Cette magnifique houppelande verte irait de façon merveilleuse au teint et aux cheveux de Fanette. Et puis quoi encore ?!
Eirik, à un étal plus basique, acheta un sous-vêtement de lin, des braies de cuir doublées de laine et sans doute un peu larges. Mieux valait ça que le contraire. Puis une sous-chemise de lin, qui gardait très bien le chaud l'hiver et le frais l'été. Eirik paya aussi un manteau. Sans fourrure, il ne fallait pas abuser ! Avec sa cape, ce serai parfait. Puis de longs bas de laine et pour finir, de bonnes bottes de voyage.
Eirik avait regardé les pieds de Fanette. Eirik aimait les jolis petits pieds. Il trouvait ça esthétique. Pas une raison pour les lécher non plus... Fourrés des chauds habits, ces bottes trop grandes seraient à la taille de Fanny.

Eirik dépensa un somme considérable et revint vers sa compagne avec une bourse bien remplie tout de même.
Hunt était "saboté". Eirik ne pipa mot sur ses achats et conduisit Fanette vers une taverne. Mine de rien, les heures avaient passé, il était presque midi.
Assis devant des côtes de porc, Eirik dit :

Je t'ai pris de quoi t'habiller chaudement. J'ai gagné une grosse somme au jeu, alors considère que ce n'est pas moi qui paye. Mentit-il avec aplomb, dénué d'émotion.
Eirik ne mentait pas souvent, mais il le faisait bien.

Mange et habille-toi. et ne dis pas merci. Tu me le revaudras un jour. On est condamnés à s'revoir, nan ?
Eirik grinça d'un rire.

Fanette se montra. Elle avait l'air d'une aventurière ! Eirik ne fit pas de commentaire.

Cape. Moufles. On part.
Au départ, Hunt tenta une nouvelle morsure. Eirik lui tapa sur le mufle et fit monter Fanette.
Notre prochain arrêt sera deux heures avant le crésucpule.
Eirik aurait pu l'informer du reste de ses projets. Mais non.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
Fanette n’était pas très instruite, mais elle aimait la musicalité les mots, leur précision et l’assemblage qu’on pouvait en faire. Peut-être pour cela lui reconnaissait-on quelque talent de conteuse. Depuis qu’elle avait troqué ses habits de petite sauvageonne pour ceux de mère et d’aubergiste, elle en avait appris quantité de nouveaux, ne manquant pas de demander le sens de ceux qu’elle ne connaissait pas.
– Caractériel, répondit-elle en détachant chaque syllabe. Oui, ça lui va bien, il est un peu caractériel, ajouta-t-elle en laissant filer un léger rire.

C’est bien la raison pour laquelle elle ne riait plus quand il l’abandonna avec l’ombrageux cheval. La fauvette n’en menait pas large. L’animal, herbivore et donc proie par définition lui semblait plutôt prédateur. Bien qu’en l’instant, malgré ses oreilles couchées et son air peu amène, il cherchât plutôt à attraper les fruits qu’elle dissimulait dans son dos. Elle lui tendit le premier, prenant garde de ranger ses doigts pour ne pas s’en faire attraper un. Il le croqua, tête basse, oreilles pointant de nouveau dans la direction des nombreux bruits alentour.
Sans trop de manières, le maréchal-ferrant appuya son épaule à celle du cheval, l’incitant à basculer son poids sur le membre opposé, tandis qu’il laissait glisser sa main le long du canon pour s’emparer des fanons assez abondants qui couvraient son boulet. Hunt se laissa faire et donna son pied, continuant à mâchouiller le fruit en bavant allègrement. L’artisan dériveta rapidement, puis, jouant de ses tricoises, ôta le fer usagé. Le sabot coincé entre ses jambes, il rognait, taillait, limait la corne, alternant les outils consignés aux encoches de son épais tablier de cuir.
Fanette observait, proposant la seconde pomme à l’animal qui venait d’en finir avec la première. Elle ne prêta de nouveau attention à l’énorme tête de l’équin que quand il la bouscula pour obtenir une nouvelle gourmandise. Elle recula alors prudemment, craignant qu’il ne tente de la mordre à présent qu’elle n’avait pour lui plus aucun intérêt. Huan venait de chiper un morceau de corne, mais le chien ours le bouscula en le gratifiant d’un coup de dents pour lui voler son butin. Huan couina. Prérogative de mâle dominant, Metsa s’allongea tranquillement, l’avalure coincée entre ses pattes. Il gronda pour dissuader le dogue de tenter de la reprendre, puis, s’appliqua à rogner l’objet du dol.
La jeune femme patientait, plissant le nez aux odeurs, et aux sons qui emplissaient toute la forge. Les flammes chauffaient au rouge le métal, l’homme frappait le fer pour lui donner la forme, et elle s’étonnait que le cheval ne manifeste aucune impatience quand il l’appliquait sur la corne, la brûlant au passage. Sa main caressait distraitement le crâne large de son dogue, venu se coller contre ses jambes. Il s’agita légèrement, attirant son attention. Fauvette leva les yeux et vit revenir le Nordique.

Elle le suivit dans une taverne établie un peu en retrait du bruyant quartier des artisans. La salle commençait à se remplir doucement, et une aubergiste replète multipliait les allées et venues entre les tables et son étal. Le sourire avenant, elle les laissa s’installer avant de leur mener de quoi se restaurer.
Fanette fronça les sourcils quand Eirik lui glissa un paquet contenant la vêture achetée un peu plus tôt au marché. Elle n’osa pas contrevenir, même si elle lui en serait encore un peu plus redevable. Elle s’éclipsa pour passer les habits neufs. Elle n’avait jamais porté braies plus confortables. Et pourtant elle détestait mettre ces vêtements d'hommes qui laissaient entrevoir tout ce que cachaient les jupes. Celles-ci étaient doublées, et un peu larges, alors, en prime d'être douces et chaudes, elles ne mettaient guère sa silhouette en valeur, et ça allait parfaitement à la fauvette qui ne voulait rien moins que d'attirer sur elle les regards masculins. Elle rentra chainse et chemise dans les braies, ce qui eut pour effet d'épaissir un peu sa taille, et noua par-dessus un lien de corde, pour s'assurer que rien ne tombe. Elle sourit en baissant les yeux sur sa tenue. On aurait pu facilement lui donner quelques livres de plus ainsi vêtue, et elle jugea qu'il n'y avait rien d'indécent dans cette superposition d'étoffes plus ou moins épaisses. Elle alla retrouver le blond et lui montra le résultat, tournant rapidement sur elle-même. Elle réprima son besoin de le remercier, ne voulant pas le mettre de mauvais poil, mais affirma néanmoins, en lui souriant :
– J'espère bien avoir l'occasion de vous rendre tout ça, et j'voudrais bien qu'la prochaine fois qu'on s'verra, on puisse juste avoir rien d'autre à faire que d'se raconter nos voyages et de belles légendes. Si c'est dans mon auberge, alors, j'vous ferais des gastalets aux amandes, puis j'vous logerais gracieusement aussi, avec le manger et le boire, vous, votre chien, et votre cheval.

Ils quittèrent la ville au début de la relevée, empruntant une voie large et fréquentée qui menait à la cité suivante, deux lieues, pas plus, dont le cheval s'était acquitté le plus souvent dans un trot régulier et actif. Parfois, quand le terrain montait légèrement, Eirik le laisser prendre le galop. Si l'allure était tranquille et cadencée, la monture se jouait parfois d'une ombre dans les buissons et allongeait alors ses foulées, martelant le sol de ses sabots. C'était grisant cette sensation de l'air glissant sur son visage pour venir encanailler ses boucles déjà indociles. La fauvette pouvait sentir toute l'amplitude et la puissance des mouvements du cheval, aux muscles qui roulaient sous ses cuisses. Elle aimait ça, même si elle resserrait alors son étreinte à la taille du Nordique, de peur de chuter et de se briser les os. Puis l'animal ralentissait et retombait dans le trot. A l'abord de terres arables sur lesquelles travaillaient quelques paysans, le cavalier le fit repasser au pas. Les chiens n'étaient sans doute pas fâchés, pouvant de nouveau fureter sur les bas-côtés sans se faire distancer. Le chemin serpentait entre de maigres cultures, pour arriver au pont-vieux qui enjambait la Mayenne. Sur la berge en face, un château se dressait sur un petit plateau dominant le fleuve. Fanette reconnut les remparts de Laval pour y avoir séjourné à l’hiver de ses quinze ans. Elle y avait connu la guerre pour la première fois de sa vie, quand les Angevins avaient pris la ville. Elle se souvenait d’avoir vu danser au sommet de la porte du pont de Mayenne sous laquelle Eirik poussait son cheval à s’engager, les silhouettes décharnées du vicomte de Cravant et de la comtesse de Chemillé qui menaient leurs armées contre les Mainois. Les contreforts des remparts portaient encore les traces noires des flammes qui avaient brulé la herse défensive. Fanette leva les yeux en passant sous l'arcade de pierre. Une nouvelle était en place depuis, même si, à cette heure de la journée, elle était relevée. Deux gardes, logés dans leurs échauguettes les regardaient passer, indifférents. Pour rejoindre la route de la Bretagne, il fallait traverser la ville close et descendre la grande rue jusqu’à la porte Beucheresse. Comme lors de la précédente étape, les gens s’écartaient naturellement devant l’imposant cheval. Peut-être l’expression glacée du Nordique ne les engageait pas non plus à rester sur son chemin. Ça, elle l’ignorait, en croupe derrière lui, elle ne voyait pas son visage.

La monture reprit le trot aussitôt les sentiers plus sauvages retrouvés. Petit à petit, les vastes plaines dégagées cédaient place à des bois traversés de petits rus ou de plus larges rivières qu’il fallait parfois longer jusqu’à trouver un gué. Fanette fatiguait, mais elle ne disait rien, préférant observer la course du soleil au-dessus de la cime des arbres. Les ombres s’allongeaient doucement, même si le ciel était encore bien clair. Parfois, les bois s’éclaircissaient pour découvrir quelques arpents de terre défrichés, et un hameau, réduit à quelques maisons regroupées autour d’une fontaine où ils faisaient halte pour boire et abreuver les bêtes. Puis de nouveau, le rideau d’arbres se refermait, en occultant la vue, ne laissant pour seul décor que celui de la nature dont se délectait la fauvette. Les pas d’Hunt faisaient parfois détaler un lièvre, ou des chevreuils qui traversaient le chemin en bonds gracieux avant de disparaître dans l’ombre des grands troncs aux pieds mangés de fougères. Les chiens les poursuivaient alors sur quelques foulées, et réapparaissaient plus loin. Le chant des oiseaux cessait à leur passage, pour ne reprendre que quand le cheval s’éloignait. Il ne lui avait suffi que d’un fugace instant pour reconnaître un geai des chênes, à l’éclair bleu métallisé de ses ailes.
– Là ! Eirik ! Vous l’avez vu ?
Sa voix trahissait le plaisir presque enfantin qu’elle avait à ce spectacle, mais l’oiseau n’avait pas attendu qu’elle pointe sa moufle dans sa direction en tirant de l’autre sur la manche du Nordique.

Combien de temps cheminèrent-ils encore ? Elle n’aurait pu le dire, mais, ainsi qu’il l’avait annoncé, ils firent halte quand le ciel commençait à peine à se teinter de mauve sur l’horizon ouest. Ils avaient deux bonnes heures devant eux avant que les ténèbres ne les engloutissent. Le ruisseau du Coudray suivait son cours tranquille à côté de la clairière où Eirik établit le campement. C’était leur troisième jour de voyage, peut-être. Si elle ne savait pas non plus affirmer cela, elle était néanmoins rodée et n’attendit pas qu’il lui dise quoi faire. Pendant qu’il prenait soin de sa monture, elle s’était déjà éloignée pour rassembler du bois mort, qu’elle disposa entre quelques pierres. Elle lui emprunta son couteau pour écorcer encore les branches trop humides. Elle n’avait pas trop idée de l’endroit où ils se trouvaient, mais il avait parlé de deux nuits à dormir dehors, avant d’atteindre une ville suffisamment grande pour avoir des auberges. Laval était dans leur dos et elle imagina la frontière Bretonne non loin. Elle s’en réjouit. D’une part, car elle se rapprochait de ses enfants qui lui manquaient douloureusement, et d’autre part, car elle s’éloignait du duché d’Alençon d’où elle s’était enfuie, sitôt libérée, sans accomplir la peine requise par le juge, à savoir un mois de travail dans un hospice, et qu’elle craignait en conséquence, qu’on ne vienne encore l’arrêter. Ses traits se chiffonnèrent d’une inquiétude à cette dernière pensée. Le juge l’avait graciée, la prévenant néanmoins que tout nouveau manquement la ramènerait au pied de la potence. Ne pourrait-on pas comprendre qu’elle ne pouvait vivre loin de Stella et de Milo ?
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Eirik_gjermund


A la Taverne où ils prenaient leur repas d'avant midi, Fanette apparut avec ses nouveaux habits, alourdie de plus de cinq kilos ! Sa tête semblait petite, d'un coup.
Eirik ignorait que la Roussette ne voulait pas paraître féminine. Il ignorait que ces braies trop larges lui convenaient mieux qu'un habit bien ajusté. Pourtant, sans le savoir, Eirik était d'accord avec elle. Il ne voulait pas voyager avec une femme désirable. Trop dangereux.
En bonne femme, Fanny fit tout de même un tour sur elle-même. Une chose qu'un homme ne ferai jamais. Les beaux cheveux propres tournoyèrent avec mille reflets. Eirik hocha la tête.
Après avoir mangé, il donna une sorte de bonnet à sa compagne :

Cache bien tes cheveux dessous.
De loin, elle passerait peut-être pour un garçon...

Hunt étant bien "chaussé" et les voyageurs préparés, les sacoches lourdes, ils prirent la route.
Revenant sur les dires de Fanette, Eirik demanda :

Tu as une auberge à toi ? Où ?
Fanny devait être une bonne hôtesse. Eirik imaginait un endroit propre, gentiment animé, des chambres douillettes, calmes, de bons repas.

La route se déroulait devant eux. Ils croisèrent des piétons, des cavaliers, des charrettes. Hund vint menacer un chien bâtard... Eirik bondit de selle. Juste avant le pèle-mêle, il chopa l'oreille de Hund et cria sur le propriétaire de l'autre mâle dominant.
Ils durent faire au moins deux cent mètres pour que le Berger du Caucase se calme. Eirik remonta en selle. Fanette avait eu les rênes de Hunt mais le cheval n'avait pas bronché, son maître étant à ses côtés.

Huan est soumis. S'il le reste, Hund ne lui fera pas de mal. Il a déjà tué des chiens. Même des loups, une nuit... Longue histoire.

Eirik et Fanette étaient un couple. Deux voyageurs étaient un couple et un père et sa fille étaient un couple.
Ils ne croisèrent plus personne jusqu'à Laval. Ils filèrent vite car le Nordique ne voulait pas s'attarder. Brest était encore très loin.
Parfois, il sentait le visage semi-assoupi de Fanny dans son dos. Il variait l'allure de sa monture selon le terrain. Ils chevauchaient depuis des heures et des heures. Si la jeune-femme n'avait pas été si légère, Eirik aurait délesté Hunt de son poids de ci de là. C'était un solide animal. Il aurait pu en porter deux comme Eirik sur des lieux et des lieux ! A condition d'avoir quelques heures de repos.
Le Scandinave pensa au grand Kamani de deux mètres et plus lourd que son chien. Hunt aurait fait un bon cheval pour lui. Un homme grand et fort devait payer très cher sa monture.

Eirik songeait au programme du soir.

Là ! Eirik ! Vous l’avez vu ? S'écria Fanette.
Aussitôt, le Blond dégaina sa petite hachette, l’œil aux aguets.

Qui ?! Où ?!
Ah, c'était juste un oiseau. Eirik grogna, très mécontent.
Crie plus si y'a plus de danger. Si je vois ton oiseau, j'y tires une flèche et tu le boufferas.

Ils chevauchèrent dans le calme une heure encore. Eirik mit un coup d'épaule à Fanette pour la sortir de sa torpeur.
Il n'eût rien à lui dire, elle partait déjà chercher du bois. Lui, il donna les os aux chiens, chacun dans leur coin, nourrit Hunt et sortit ses deux vieilles fourches de fer rouillées et sa sorte de poêle-casserole. Pas besoin de chasser.
Le jour était plus entamé que prévu... Eirik sortit deux gobelets cabossés qu'il remplit de vin. Le feu flambait. Il était assis sur le tapis de selle de Hunt et Fanny sur la vieille couverture usée jusqu'à la corde.

Bois un peu, enlève tes moufles, réchauffe-toi au feu. Après on va s'entraîner.
Eirik écouta ses propres conseils.

Puis, debout, il enleva sa cape et sauta sur place pour délier ses jambes prises par la chevauchée immobile, moulinant des bras et invitant Fanette à faire de même. Il étira ses doigts, fléchit ses poignets.

Laisse ta dague au fourreau.
Quand tu m'attaques, tu réfléchis trop. Ton regard montre la gauche, la droite, le bas ou le haut. Donc je sais où me protéger.

Eirik remonta ses manches pour fixer à ses poignets d'épais bracelets de cuir qui lui serviraient à parer sans arme. Un pied en arrière, il se mit en position de défense.
Les yeux, ne regarde que les yeux. Je suis désarmé et ce peut être le cas de tes adversaires.
Attaquer un homme d'arme ? Fanny ?! Impossible. Sauf de dos, ou par surprise. Eirik ne pouvait lui enseigner que des bases très basiques... Il planta ses yeux de glace dans les émeraudes pailletées d'or.
Regarde-moi dans les yeux et attaque. Taille, coupe, comme tu veux, mais tes yeux ne doivent pas quitter les miens.
Au premier essai, Fanny trancha le vide, loin du flanc de sa cible. Mais ils n'avaient pas fini.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
– Mon auberge ?

Une pointe de fierté vint tinter sa voix. En dépit de ses dettes, Fanette était parvenue à conserver la grande bâtisse que lui avait achetée le Corleone quand elle était grosse de Milo. Elle s’était attachée à en faire un lieu aux pièces un peu vétustes mais néanmoins confortables, si bien qu’elle était devenue, au moins avant l’enlèvement de leur premier né, l’auberge la plus fréquentée d’une capitale qui en comptait plus de vingt.

– Elle est à Limoges, vous la trouverez facilement. Son nom c'est "il lupo et l'uccellino", elle est dans le quartier qui dégringole de la cathédrale à la Vienne. A l’étage, la moitié des chambres donnent sur l’arrière. C’est beau, on peut voir les pâturages et quelques champs, et on devine le fleuve plus loin, aux grands arbres qui longent les berges. Si vous venez, vous pourrez voir votre cheval de votre fenêtre et vous serez sûr de pas trouver de vermine dans votre lit. J’y tiens, j’mets de l’huile de lavande, ça sent bon et ça éloigne les puces.

Elle se tut un instant, et le sourire qui étirait ses lèvres se fit plus mélancolique. Si dans les premières semaines de son mariage son second époux avait fait preuve de patience pour l'apprivoiser, il s'était montré brutal pour la soumettre dès lors qu'elle avait regimbé quand il avait voulu imposer d’autres femmes à leur couche. La docilité de la jeune mère avait ses limites et elle s'était soustraite à son emprise deux fois déjà. Alors, bien qu'attachée à sa maison, elle craignait de devoir y retourner car ça impliquait également de reprendre place aux côtés de cet homme qui avait émoussé sa confiance.
 
Les chiens offrirent une diversion à ses pensées. La fauvette réalisa combien elle avait de la chance que Huan ne soit pas dominant. Jamais elle ne serait capable de s'imposer comme Eirik le faisait avec Hund.

– J'crois pas qu'mon chien se rebifferait. Avant que vous reveniez quand on était avec votre cheval, Metsa l'a chiqué pour lui prendre son morceau de corne. Il n'a rien fait d'autre que de couiner et de le lui abandonner. J'l'ai jamais vu être agressif avec personne. J’crois pas qu’il serait bête à commencer avec Metsa.
 
Plus que le repos de l’étape, c’était le feu que la jeune femme appréciait. Plus chaudement vêtue que lorsqu’Eirik l’avait trouvée, elle n’en demeurait pas moins frileuse. Elle en avait pourtant passé des hivers à vivre dehors, dans des abris de fortune, mais d’aussi loin qu’elle se souvenait, elle avait toujours souffert du froid. Elle avait suivi ses conseils et ôté ses moufles pour offrir ses paumes à la chaleur bienfaisante des flammes.

Elle l’observait, tandis qu’il sortait quelques vivres achetés au marché dans la matinée. Elle songea au bel oiseau qu’elle avait aperçu dans l’après-midi et formula à haute voix la question qu’elle se posait.

– Ça se mange un geai ?

Fanette aimait les animaux, mais elle pouvait se montrer pragmatique. Elle n’avait aucun mal à égorger un lapin ou une poule, et quand elle avait eu besoin d’argent, elle avait parfois accepté de tuer de plus gros animaux, car bien souvent, les salaires offerts étaient plus intéressants que ceux des journaliers. Elle trouvait idiote l’attitude de tous ces gens qui répugnaient à occire des bêtes alors qu’ils se régalaient d’une viande rôtie ou d’un ragoût.
 
Elle avait presque oublié qu’il avait promis de l’entraîner. Elle se serait volontiers laissée aller à la paresse, allongée près du feu, enroulée dans la vieille couverture, le nez perdu sur la voûte étoilée peuplée de tant de légendes. Mais elle acquiesça, sachant bien que tout ce que pouvait lui apprendre le Nordique pourrait lui être utile.
Elle se leva à son tour, et l’imita avec un sourire amusé. Et en même temps, elle se réchauffait à ces petits bonds, aux moulinets de ses bras. Elle récupéra la dague, toujours fichée dans son fourreau et l’écouta dispenser ses conseils. Elle fronça les sourcils, concentrée, et, machinalement, ses dents pincèrent le coin de sa lèvre. Il se mit en position, et elle se planta face à lui. Il tenait son regard aussi fermement qu’elle tentait de tenir le sien. Elle en avait rarement vu de si clairs, comme s’il portait au fond de ses prunelles les glaces de son pays. Il ne souriait pas, et les traits de son visage reflétaient toute l’âpreté d’une vie solitaire et aventureuse. Pour un peu, il lui aurait presque fait peur. Elle se força néanmoins à ne pas baisser les yeux.
 
Le premier coup trancha bien loin de son flanc, autant que le second, et si le troisième était tout aussi éloigné, elle manqua de peu son bras. Elle reprenait sa position entre chaque offensive, et tentait sans quitter son regard d’englober sa silhouette dans son entièreté, bien consciente qu’en situation réelle, il lui faudrait être plus rapide. Une fois ou deux sans doute, elle fut tentée de baisser les yeux sur ses membres, espérant peut-être viser au mieux pour les éviter en atteignant son ventre, ses côtes ou sa gorge. Eirik la rappelait à l’ordre d’un grognement et du reste, ses tentatives n’étaient pas plus fructueuses. Elle était leste à se mouvoir, d’un bond d’un côté ou de l’autre, l’esquivant facilement quand il cherchait à l’attraper. Mais, malgré sa masse, il l'était au moins autant qu'elle, évitant ou parant chaque coup qui venait mourir aux bracelets qui protégeaient ses avant-bras.

La fatigue commençait à peser sur ses épaules, elle sentait poindre le découragement. La détermination qu’elle trouva en raccrochant le regard de glace du Nordique suffit à lui rendre un peu de courage. Elle ne sut dire comment elle s’y prit, mais une fente avant lui permit l'allonge suffisante pour venir estoquer son adversaire juste sous les côtes. Elle sentit la résistante offerte à la pointe de la lame, toujours protégée dans son fourreau. Ses yeux marquèrent la surprise, venant se poser à l'endroit de l'impact, avant de remonter se glisser dans les siens. Elle aurait étiré un sourire joyeux d'y être enfin arrivé si elle ne craignait de l'avoir blessé. Ses traits se chiffonnèrent d'une petite moue inquiète.

– J'vous ai fait mal Eirik ?
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Eirik_gjermund


[ Avant la halte du soir ]



Fanette lui parlait de son auberge. L'imagination d'Eirik était limitée, comme beaucoup d'êtres très pragmatiques. Il pouvait se faire rêveur, bien-sûr. Mais à des moments choisis. Jamais ses pensées ne vagabondaient sans son accord. Il lui arrivait souvent de ne pas prêter attention à ce qu'on lui disait, car pour lui, c'était dénué d’intérêt. Eirik était un homme concentré. Toujours alerte.
Aux dires de Fanette, il hocha la tête. Elle dut le sentir plus que le voir. Chez lui, un hochement de tête signifiait "ah d'accord ! ".

Puis vint l'épisode du chien étranger, qui avait beaucoup agacé Eirik.

J'crois pas qu'mon chien se rebifferait. Avant que vous reveniez quand on était avec votre cheval, Metsa l'a chiqué pour lui prendre son morceau de corne. Il n'a rien fait d'autre que de couiner et de le lui abandonner. J'l'ai jamais vu être agressif avec personne. J’crois pas qu’il serait bête à commencer avec Metsa.
Tant mieux. Sinon il le tue.
Dit-il d'un ton très froid.
Eirik était énervé. Si Hund avait attaqué l'autre chien, ça aurait été de grosses embrouilles.

Le Nordique se souvenait du voyage estival qu'il avait fait avec de gentilles gens. Une femme de poigne, Kemiha, avait un mâle dominant, Mardouk, un grand Danois. Ses chiens hauts étaient fins de muscles, mais pas celui de Kem. Hund et lui s'étaient battus au sang. Mardouk s'était soumis après avoir fait vaillamment voler en tout sens les poils de Hund. Faire voler les poils d'un Danois, c'était difficile. Mardouk avait eu une cuisse et une oreille bien amochées et il avait réussi à perforer la babine de Hund. Mardouk s'était soumis quand Hund le tenait à la gorge. Juste à temps. Le Danois arlequin avait eu les marques des crocs de Hund à la carotide. Guérisseuse, Kemiha avait soigné les chiens.
Hund était un animal rancunier et il n'avait cessé de provoquer Mardouk à se rebiffer. Ce voyage très paisible avait été légèrement gâché par le caractère exagéré du chien d'Eirik.
Que Huan soit si soumis, c'était parfait.

Puis Fanette vit un oiseau. Sale bonne femme.

Ça se mange un geai ?
Pas de réponse. Eirik n'avait pas compris la question. Le dernier mot. Il connaissait le nom de certains oiseaux ; hiboux, faucon, pigeon, perdrix, faisan, hirondelle, moineau... D'autres encore, mais pas "geai".


[ A la halte du soir ]



Le temps était venu de s'entraîner. Eirik aimait le regard déterminé de Fanny. Depuis leur surprenant combat au corps à corps, il se méfiait d'elle. Quand elle lui avait sauté dessus, la fureur lui avait donné des ailes. C'était redoutable. Mais dangereux pour elle. un combattant en colère oubliait son bon sens et pouvait se faire rapidement tuer.

Fanette enchaînait les échecs sans se démonter et Eirik parait aisément. Il restait immobile jusqu'à l'attaque. Qu'il déviait, inlassablement.

Maîtrise tes yeux. Tu fais des coups d’œils.
Après ça, Eirik décida d'attaquer, à mains nues. La première fois, le bout de son doigt toucha le ventre de Fanette. Elle esquiva les deux suivants. Il hocha la tête et se prépara à de nouvelles attaques. Il en para deux, la dernière de justesse. Le regard de Fanette devenait assuré, sa main preste.
Elle fatiguait ? Eirik la provoqua du regard. Elle restait inerte.
Puis le coup fusa, rapide et précis. Puissant. Il atteignit Eirik juste sous les côtes. Il fit un bond en arrière, mais bien trop tard.


J'vous ai fait mal Eirik ?
Il lui lança un petit regard fâché, puis se mit à rire, avec trois puissants "ha ha ha".
Tu m'as touché et tu m'as fais mal, bravo ! Ça commence à rentrer.
Ses yeux si inexpressifs se firent fiers. Il n'avait jamais entraîné personne. Penser pouvoir le faire avait été une vantardise. Mais en fin de compte, il arrivait à quelque chose. Son élève était douée. Dire tout ça à Fanette l'aurait sans doute rassurée, mise en valeur.

Au lieu de ça, Eirik leva les yeux au ciel.

Assez.
Il enleva les protections de ses poignets et se tâta le flanc. Il avait un peu mal et en était fier.

Le froid venait, mordant. Eirik fit réchauffer la viande en jus du midi et emplit les gobelets de vin. Son très long séjour en France lui avait apprit à différencier un bon vin d'un mauvais. L'actuel était dans la moyenne. Il se buvait facilement, sans toute la palette de saveurs complexes d'un bon cru, certes, mais il n'était pas âpre et ne donnait pas mal à la tête.

La nuit était tombée, il était tôt, les jours étaient courts. Il devait être vingt heures.
Ils mangèrent, burent.

Tu t'en sors bien. Au combat.
Quand j'ai quitté mes pays, j'ai été marin, puis à terre on m'a envoyé dans des arènes. Parce que j'avais volé Hund aux marins Russes. Il les attaquait, alors ils ont parié le chien sur un combat de moi. J'ai combattu pour que les Russes ne tuent pas Hund. Et moi, personne m' apprit.

Eirik se remémora ce souvenir très marquant, regarda Fanette puis Hund. Hund. Metsa. Le chien avait aussi eu un nom russe mais le Nordique ne s'en souvenait plus. Ça remontait à si loin...
Un faible sourire étira sa bouche en voyant la grosse gueule de son chien-ours posée sur le flanc de Huan. Il fit un mouvement de tête pour que Fanny regarde.

Regarde. Hund aime Huan. Il le protégera jusqu'à la mort. Il est de sa meute. Alors toi aussi, parce que tu domines Huan. Tu es la femelle alpha et moi le mâle alpha. Hund te protégera aussi.
Peut-être que la luminosité ne le permettait pas, mais Eirik eut un regard tendre. Et la lumière du feu éclairait son visage.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
Fanette grignotait plus qu'elle ne mangeait. Elle n'était ni grande, ni épaisse, elle n'avait pas besoin de grand-chose pour être rassasiée. C'est du moins ce qu'elle répondait à ceux qui s'inquiétaient parfois de son appétit d'oiseau. Mais pour dire vrai, les contrariétés lui nouaient l'estomac autant que la gorge. Si elle pouvait se rassurer de la présence d'Eirik et des nouvelles qu'elle avait eues de ses enfants, elle était loin d'eux depuis bien trop de jours, et les dernières semaines s'étaient avérées éprouvantes, tant physiquement que mentalement. Elle avait cru s'évanouir quand le juge l'avait condamnée à être pendue, jusqu'à ce que mort s'ensuive, tant qu'elle n'avait pas vraiment compris la suite de son discours et la grâce accordée à certaines conditions qu'elle avait largement bafouées pour s'enfuir retrouver ses petits.

Elle grignotait donc, assise près du feu en écoutant le blond. Rien n'était désagréable, si ce n'est le creux qu'elle sentait en son cœur depuis qu'on l'avait arrachée à Stella et Milo pour la jeter en prison. Les flammes ondulaient vers le ciel, dans un crépitement rassurant qui tenait éloignées les ténèbres de la nuit. Le cri d'un rapace nocturne se perdait parfois au loin. Les feuillages bruissaient doucement. Elle posa son écuelle et la pique rouillée sur une pierre plate pour s'enrouler dans la vieille couverture sur laquelle elle était assise. Jambes allongées, elle cala ses reins à une souche tapissée de mousse. Seuls, les doigts fins de sa dextre se faufilèrent à l'extérieur de sa protection de laine pour s'emparer du gobelet de vin. Elle y trempa ses lèvres pour en cueillir une ou deux gorgées.

Attentive aux propos du Nordique, elle esquissa un sourire fin et imprima une petite moue de surprise quand il lui assura qu'elle s'en tirait bien au combat. Combien de fois lui avait-on fait reproche de ne pas savoir se servir d'une lame, au point de mettre en péril ses compagnons de route par son inaptitude à se défendre. Elle songea un instant qu'il puisse ne pas le penser, et vouloir juste lui faire plaisir, mais elle se ravisa. Il n'était pas un flagorneur, elle en était presque certaine.

Eirik poursuivit. Il était bien rare qu'il se livre ainsi sur sa vie. Il l'avait fait rarement, mais souvent pour répondre aux questions de la jeune femme, jamais ainsi, de lui-même. Elle était impressionnée. Les arènes, son mari aussi en était passé par là quand il avait été banni de son pays par le Negus. Elle se demanda si ce qu'on lui avait conté de ces combats était vrai et s'il conservait son air sévère et déterminé de cet épisode, où s'il l'avait toujours eu. Hund avait eu de la chance. Elle porta son regard dans la direction qu'il lui indiqua silencieusement et sourit. Huan était vraiment l'animal le plus paisible qu'elle connaisse et le chien-ours, sans contexte, le plus colossal. Elle se demanda si elle dominait réellement son dogue. Pour sûr, il l'écoutait plus ou moins, mais elle n'avait jamais eu à lui dire grand-chose. Il vivait sa vie à côté d'elle sans qu'elle n'ait à s'imposer. Il la suivait dans ses promenades, et même dans la maison, sans jamais s'éloigner trop. Il se montrait calme, amical et avait toujours fait preuve de patience avec les jeunes enfants. En fait, Fanette n'avait jamais rien appris à ce chien. Sa docilité semblait innée et elle n'avait jamais eu à agir comme Eirik l'avait fait en mordant l'oreille de sa bête. Elle comprit néanmoins que Metsa-Hund, les avait adoptés comme membre de sa meute, et qu'à ce titre, il les protégerait. Mais elle ne saisit pas bien ce que le Nordique lui expliqua.

– Alpha c'est un joli nom, mais moi, j'm'appelle Loiselier. J'sais pas bien ce que c'est une femelle alpha, pas plus qu'un mâle alpha Eirik. J'suis pas très instruite, s'excusa-t-elle.

Elle s'allongea de côté, se redressant légèrement sur un coude pour continuer à échanger avec son providentiel compagnon de route.

– Eirik, vous m'raconterez le conte de votre autre nom, Jouk ? J'vous ai promis une histoire moi aussi, mais peut-être qu'il est dommage que je vous raconte Balmung, si vous la connaissez. Voulez-vous entendre une autre histoire, qui démarre dans les pays du Nord ? Celle-là, j'suis bien certaine que vous la connaîtrez pas.
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Eirik_gjermund


Eirik ne s'étonnait pas du peu de nourriture qu’ingurgitait Fanette. Elle pouvait manger à sa faim, comme au premier jour, au bord de la rivière. Affaiblie et affamée, elle s'était jetée sur la nourriture !
C'était une femme petite et svelte. Elle mangeait comme bon lui semblait. Lui bouffait allègrement et sauça son assiette avec un morceau de pain. Il émit un rot sonore.

Fanny s'enroula dans la vieille couverture.

Non. Non. Ça c'est pour par terre ! Attends. Celle d'hier.
Eirik chercha la couverture plus douce, plus chaude et beaucoup moins sale que la vieille paillasse pleine de piquants. Se sentant assez maternant et maniéré comme ça, Eirik jeta la couverture à Fanette, en biais du feu.
Il prit aussi sa couverture, identique à celle qu'il avait balancée à la Roussette. Seul, le Nordique ne s'enroulait jamais dans cette vieille radasse de laine effilochée, bardée de piquants divers... Des puces ? Pas aux dernières nouvelles...

Ils étaient chacun du côté du feu mais se voyaient, seules leurs jambes étaient masquées par les flammes.
Il parla de mâles et femelles "alpha" en désignant les deux molosses endormis.

Alpha c'est un joli nom, mais moi, j'm'appelle Loiselier. J'sais pas bien ce que c'est une femelle alpha, pas plus qu'un mâle alpha Eirik. J'suis pas très instruite.
Eirik fut tenté de sourire.
Alpha... Joli nom, oui. Un mâle alpha commande la meute. Il y un mâle et une femelle, toujours. Toi et moi. Le reste, ce sont des bêta. Seconde place. Ils peuvent être nombreux et il y a une hié... hiéra..chie. Hiérachie, voilà. Comme un Comte, un Duc. Ils sont bêta.
Et il y a les oméga. Pas beaucoup connus ceux-là. Ils sont maltraités par les autres, mordus et affamés. Ce sont les tête de Kurde en quelque sorte. Ils ne vivent pas très longtemps... Parfois, un oméga fuit pour former sa meute. Il a peu de chances... S'il tombe sur d'autres, il sera tué. La seule possibilité pour lui, c'est de trouver une femelle esseulée. Et même ensemble, c'est très dangereux.
Toi et moi, on est Rois. Hund et Huan, nos Ducs. Et s'il y avait un oméga, il serai le bouffon.
Ça marche comme ça chez les loups.
Ne pas savoir veut pas dire que t'es pas instruite. On a des savoirs différents, c'est tout. Et puis t'es jeune.


Eirik était semi-couché, le dos appuyé sur un tronçon de bois qui leur avait servi de banc bas. Il savourait la fraîcheur du cette belle nuit d'hiver. Il ne neigeait pas... Mais le Scandinave sentait que ça allait venir, comme un lemming au renard polaire.
Il regardait le ciel. En paix.

Eirik, vous m'raconterez le conte de votre autre nom, Jouk ? J'vous ai promis une histoire moi aussi, mais peut-être qu'il est dommage que je vous raconte Balmung, si vous la connaissez. Voulez-vous entendre une autre histoire, qui démarre dans les pays du Nord ? Celle-là, j'suis bien certaine que vous la connaîtrez pas.
L'interruption ne le dérangea pas. Il se redressa un peu, il but un peu.
C'est vrai.
Malgré la nuit si sombre, il était encore tôt. Eirik n'aurait pas fermé l’œil avant deux bonnes heures.
Je connais Balmung, mais je ne sais pas si vous racontez pareil, ici... Je préfère une autre histoire. Inventée, où vécu par toi ou un ami. Ce serai bien.
Eirik resservit Fanette en vin, pour ne pas avoir à le faire durant son histoire. Un mouvement furtif dans son dos lui fit tourner la tête. Hund. Forcément, soit Hund soit Huan. Personne d'autre. Hunt était attaché à plusieurs mètres de là.
Le Blond passa sa main dans l'épaisse fourrure, un peu râpeuse au dessus puis douce, si douce près de la peau, une peau si chaude...

Liggende !
Docile, le chien-ours posa avec grâce ses plus de quatre vingt dix kilos. Plus lourd que son Alpha ! Hund était gros, même pour un chien de sa race. Il était étendu du torse aux pieds d'Eirik.

Son attention se reporta sur la jeune-femme.

Une histoire... Le Kalevala... C'est très long. Trop long. Mais je peux te raconter l'histoire de mon prénom Finnois. Jouk.
Eirik chercha dans sa mémoire...




* Liggende = couché, en Norvégien.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
Fanette laissa retomber les pans de la couverture mitée qui l'enveloppait au profit de celle, épaisse et douce, qu'Eirik lui balança. Elle se laissa aller à la chaleur des flammes et à celle de la laine sur ses chauds vêtements. Elle avait indéniablement connu des bivouacs moins confortables et gardait de ses années d'errance sinon le goût, du moins l'habitude de ne pas jouir du confort d'un vrai lit.

Elle écouta attentivement son explication sur le comportement des loups et des chiens. C'était bien la première fois qu'on la comparait à une reine. La formule était si bien trouvée qu'elle comprit facilement comment fonctionnait une meute. Son regard se porta de nouveau sur Hund et Huan.

Elle esquissa un léger sourire quand il lui causa de l'instruction. Vrai qu'elle était jeune mais elle n'avait pas eu l'occasion d'apprendre beaucoup dans son enfance, hormis à s'occuper des corvées de la ferme et à se soustraire aux coups, après avoir appris à les endurer. Depuis qu'elle officiait comme aubergiste, elle s'était souvent sentie idiote quand on lui causait de choses qu'elle ne connaissait pas ou ne comprenait pas. Parfois, elle posait des questions, mais le plus souvent, elle n'osait pas, de peur qu'on la juge pour son ignorance. Si Eirik l'intimidait un peu, elle n'avait pourtant pas cette crainte avec lui.

Elle glissa son regard sur le chien qui changeait de place. Huan leva la tête avant de reposer son museau entre ses longues pattes, tandis que Hund s'allongeait contre son maître. Son dogue qui lui semblait si gros faisait figure de gringalet à côté de l'animal du Nordique.

Elle abandonna un instant son esprit aux vagabondages, laissant de nouveau son regard errer sur le feu. Elle avait toujours apprécié ce spectacle, cherchant à la base des flammes des formes fugaces qui se dessinaient dans les lueurs dansantes et orangées. Il fallait une bonne dose d'imagination, mais ça, la jeune mère n'en était pas dépourvue. Enfant, elle était devenue rêveuse par nécessité, et finalement, elle s'était bien souvent protégée ainsi de l'âpreté de la vie.

Elle tendit son gobelet quand il proposa de la resservir et y plongea ses lèvres. Elle le reposa à côté d’elle pour reprendre sa position semi-allongée. Elle glissa un regard tranquille dans le sien. Elle se sentait apaisée, malgré les jours difficiles et ses enfants au loin. Elle avait la conviction que tout s’oublierait dans les jours prochains, et qu’à présent qu’elle n’était plus seule, aucun obstacle ne pourrait se dresser entre elle et les deux minis Corleone. Si en plus, on se mettait à conter autour d’un feu de camp, elle pourrait presque avoir l’illusion d’un voyage sans autre but que le plaisir et la découverte. Elle lui offrit un sourire tout aussi tranquille.

– Inventée ou vécue, en vérité, ce sera les deux Eirik. Les contes que j’écris prennent toujours racine dans la réalité. Bien souvent je les imagine juste pour le plaisir de lire la surprise sur le visage de ceux qui s’y reconnaissent. Celui-là s’appelle la princesse, la fauvette et le mercenaire, c’est pour une amie que je l’ai voulu.

Elle reprit deux gorgées de vin et se remémora rapidement les premières phrases, si souvent prononcées qu’elle les connaissait par cœur. Le reste se déroulerait facilement dès qu’elle aurait commencé. Elle prit une inspiration, puis de nouveau glissa son regard sur le Nordique.

– Il est un pays si loin dans le nord qu'on dit que le ciel s'abîme dans les glaces, et que sur l'horizon, ils sont tant liés qu'on ne peut distinguer où s'arrêtent les unes et où l'autre commence. Les hommes de ces terres sont forts comme les ours qui peuplent les confins de ce monde et rudes comme la bise froide que l'hiver souffle sur les plaines, et qui peut geler une âme trop tendre en l'espace d'un battement de cœur.

Ce n’était qu’une image qu’elle s’était faite des gens du nord en rédigeant ces lignes, car elle n’en connaissait guère, mais elle trouva que finalement, l’homme installé face à elle était bien l’un de ceux-là. Elle poursuivit.

– Dans ces terres habitées de légendes, depuis toujours on en conte une, celle d'une princesse aux cheveux d'ébène. Personne ne sait trop si elle a vécu, ou si elle vivra, mais tous les gens du nord la connaissent.

Il advint qu'un jour, au pays du roi Dan, une enfant différente naquît. En quoi l'était-elle, allez-vous me demander ?


Elle marqua un léger temps d’arrêt pour lui permettre d’échafauder une réponse.

– Eh bien, tout d'abord, c'était une fille, une charmante petite fille et rien que cela était extraordinaire. Elle n'avait que des frères, de nombreux frères, car cette famille, jusque-là, n'avait su concevoir que des mâles.

Ebauchant une petite moue malicieuse, elle extirpa sa main de la couverture pour lui montrer ses cinq doigts bien ouverts comme les cinq frères de la Danoise.

– Et puis elle était aussi brune que les gens de là-bas étaient blonds, et ça, c'était plus extraordinaire encore. Alors elle fut aimée de tous. Elle était leur princesse, celle de la légende. Elle était venue pour eux, dans cette famille aimable. Naturellement, ils l'ont protégée, l'ont parée des plus belles robes, comme un écrin précieux pour une enfant qui ne l'était pas moins. Et par-dessus tout, ils lui firent don du plus beau des cadeaux, né de cet amour inconditionnel qu'ils lui vouaient. Ils lui donnèrent la force et le courage, celui d'oser et d'entreprendre. Grâce à cela, la princesse du nord pouvait s'éloigner d'eux, prendre tous les risques, gagnée de leur confiance, jamais ils n'étaient loin, car elle les gardait dans son cœur.

On n’était jamais satisfait de ce que l’on avait. Combien de fois avait-elle entendu Svan se plaindre de sa jeunesse, quand elle avait un père et une fratrie aimante, alors qu’elle-même gardait gravée à son échine le souvenir d’une enfance abandonnée à de mauvaises gens.

– C'est ainsi qu'elle entreprit un matin de découvrir le vaste monde, plus au sud de ces terres glacées où elle avait grandi d'amour.

La mer l'emporta au fil de ses vagues. Elle sentait les embruns sur son visage, et plus elle s'éloignait de ceux qu'elle aimait, plus leur souvenir se faisait présent à son cœur, et moins elle se sentait loin d'eux.

L'eau baignait les côtes de son pays, et il portait son navire, alors, l'eau serait toujours ce trait d'union entre elle et les siens. Il lui suffisait de lui conter ses bonheurs, ses espérances, et ses aventures pour que la mer les ramène à ceux qu'elle aimait, là-bas, dans le nord.

Et les rivages de glaces qui défilaient à bâbord se firent bruns, puis plus verts, et les eaux grises devenaient turquoise, et elle les entendit. Leurs chants étaient si différents des cris des oiseaux marins qui accompagnaient les bateaux des pêcheurs de son village. C'était les oiseaux de l'été, ceux d'un pays où les glaces ne pouvaient vivre que très haut dans les montagnes, et où le soleil baignait les clairières, où une douce brise faisait onduler les blés verts piqués de coquelicots.

Elle les aima de suite, et suivit leurs chants parfois jusqu'à s'éloigner de la mer qu'elle aimait tant, de ces eaux qui la liaient à ses terres.

Et un jour, loin à l'est des rivages de l'océan, elle rencontra une fauvette.

Il est tant d'oiseaux si gracieux. Elle aurait pu s'éprendre des délicates mésanges, ou du joli rouge-gorge, de l'élégant chardonneret, ou du guêpier multicolore, mais non, c'est la fauvette qu'elle voulut suivre.

Personne ne fait attention aux fauvettes. Elles ne sont pas de ces oiseaux que l'on remarque, et pourtant, il suffit parfois simplement de les écouter chanter. Cette fauvette-là comme toutes les fauvettes se moquait bien des beaux plumages. Elle voletait de branche en branche, voulant toujours se percher sur une qui soit plus loin, ou plus haute, et chantait chaque jour les peines et les joies de sa vie de fauvette.

Et peu importe l'endroit où elle allait, la princesse du nord se glissait dans ses traces et l'écoutait en souriant, s'attachant à l'oiseau et l'oiseau s'attachait tout autant à celle qui savait l'écouter.


Sa voix légère et douce se fit plus sévère, le ton plus haché et ses sourcils se froncèrent imperceptiblement.

– Mais tout le monde n'aime pas les oiseaux.

Un jour, le chant de la fauvette se heurta à la hache d'un mercenaire, et sa voix flûtée se brisa sur la lame. Il fut rapide pour l'attraper, lier un fil à sa patte et l'enfermer dans un tonneau. La fauvette était à l'étroit dans sa cage de bois.


Inconsciemment, Fanette couvrit son flanc gauche de sa main. Elle ne pouvait évoquer le Normand sans songer à ses vilénies. Et la pire était bien l’entaille qu’il avait laissée à son ventre, la menaçant d’extraire lui-même l’enfant qu’elle portait alors, si elle s’avisait à tenter de s’enfuir.

– Que voulait faire le mercenaire, les fauvettes ne servent à rien, elles n'ont aucune utilité. Il n'y a rien à manger sur une fauvette ! Attendait-il d'en trouver trois ou quatre de plus pour en faire une brochette ? Préférait-il la transformer en pâté ou en saucisson ? A-t-on vu déjà ça, du pâté d'alouette peut-être, mais de fauvette ?

Son visage se chiffonna d’une moue résignée que sa diction trahissait également.

– Triste sort pour un oiseau libre que de se retrouver prisonnier d'une cage de bois, tenue par un homme qui n'aime pas les oiseaux.

La gaieté de son chant s'était envolée. Parfois, glissant entre les douelles du tonneau qui la retenait prisonnière, on entendait sa voix, si triste qu'on aurait pu croire un pleur. Mais qui pourrait croire que les oiseaux savent pleurer ?

Si la princesse du nord n'avait pas si longtemps suivi la fauvette, sans doute n'aurait elle jamais reconnu son chant dans ces notes chagrines. Elle en chercha la provenance, jusqu'à trouver le tonneau, et le mercenaire assis dessus. Ce jour-là, sans le savoir, une fauvette les avait réunis.


De nouveau, sa voix se fit plus douce, et plus fluide.

– L'homme sut en entendant sa voix grave et son accent du nord, il ne s'y trompa pas. Elle était la princesse des légendes qu'on lui contait enfant. Car l'homme voyez-vous était un fils des glaces. Bien longtemps avant lui, ses ancêtres avaient pris la mer pour conquérir la Normandie, et la légende de la princesse aux cheveux d'ébène était venue avec eux.

Il lui sourit, et dans ses beaux yeux couleur d'océan, la princesse s'abîma. Elle l'aima au premier regard, devinant peut-être dans ses traits, une expression familière. Peut-être étaient-ce ses cheveux châtains, où quelques mèches dorées lui rappelaient le couchant sur ses terres lointaines. Ou bien le goût des embruns dans ses baisers, ou alors sa voix qui pouvait se faire aussi mélodieuse que la bise qui souffle dans les forêts d'épicéas ...

Peu lui importait de savoir pourquoi elle s'était mise à l'aimer, puisqu'elle l'aimait. N'était-ce pas là l'essentiel ?

Alors, le mercenaire, pour lui plaire, et peut-être aussi pour être un peu agréable à l'oiseau qui avait guidé jusqu'à lui la princesse du nord, ouvrit le tonneau et ôta le fil retenant la patte de la fauvette.

L'oiseau chanta pour eux, pour sa joie d'être de nouveau libre grâce à l'amour qu'ils avaient trouvé. Puis, ainsi que le font les fauvettes, elle partirait à tire-d'aile, au gré d'une saison, chanter ailleurs ses notes flûtées, si rondes et si gaies. Mais chaque hiver, elle reviendrait dans ce coin du royaume où un mercenaire aimait une princesse du nord, et qui sait si bientôt, elle ne chanterait pour bercer leurs enfants.


En posant le point final de son conte, Fanette se défit de son air un brin rêveur, pour porter son attention sur Eirik, qui l’avait écouté sans l’interrompre. Elle lui sourit, espérant qu’il soit sensible aux bluettes, même si celle-ci s’était mal finie, ne laissant en témoignage de l’amour que s’étaient portés le Normand et la Danoise qu’une audacieuse petite fille à peine plus vieille que Milo et que la fauvette aimait comme si elle était son propre sang.
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Eirik_gjermund


Fanny se mit plus à l'aise dans la couverture propre. Eirik était presque assis, le haut du dos bien appuyé, une main sur Hund, l'autre tenant son godet cabossé. Il voyait très bien visage de Fanny. Il la voyait jusqu'au nombril, masqué par de multiples couches de fourrures, laines, cuirs, tissus. S'il tendait le bras, Eirik pourrait attraper son verre pour la resservir.


Inventée ou vécue, en vérité, ce sera les deux Eirik. Prévint Fanette suite à sa question.
Et il fut satisfait. Rien ne valait une belle histoire que l'on inventait...

Elle but un peu, le regarda et commença son récit d'une voix légère. Un conte de Princesse... Evidemment. Certaines fables pour femmes étaient très jolies alors Eirik s'interdit tout jugement hâtif.
Fanny parlait d'une fillette aux cheveux noirs, là où tout le monde était blond. On imaginait souvent ses pays ainsi.

Eirik regardait les flammes en écoutant sa compagne. Il leva les yeux au mouvement de Fanny, lorsqu'elle leva la main. D'un regard, il l'encouragea à poursuivre.
Une princesse parfaite, ça faisait partie du conte. Mais la Roussette savait raconter et Eirik se laissait emporter. Il imaginait les personnages dans les flammes. Il sentait l'odeur de la mer. La base des flammes bleues ne tanguait-elles pas comme la mer ?

Fauvette. A nouveau ce mot, qui ressemblait à un nom. Il l'avait déjà entendu quelque part... Mais où ? De qui ? Il comprit que c'était un oiseau mais l'explication ne lui suffit pas. Ce mot venait d'ailleurs !
Sa brève contrariété fut brève, justement. Les trémolos de la voix, les différents tons, les pauses... Fanette savait y faire ! Eirik était emporté. Il se rappela de sa mère, une épaisse femme brune, qui racontait mille fables... La Pâle avait son talent.


Mais tout le monde n'aime pas les oiseaux.
Eirik leva les yeux du feu à cette affirmation si sévère. Il eut un bref sourire en coin. L'histoire tournait. Fanny faisait si bien les tons de son histoire qu'il aurait pu en être ému, s'il se l'était autorisé.

Vint le rebondissement. Le chasseur n'était pas un mauvais homme ! Il tomba amoureux de la Princesse parfaite et libéra la Fauvette. La fin en suspens lui faisait, là encore, penser aux contes de sa mère. Peu avaient une fin nette, car seule la mort des personnages scelle un conte, disait-elle.

Eirik rencontra le regard de Fanny et il sourit un peu, but la fin de son verre et dit :

Très beau conte ! Vraiment. Tu racontes bien. Tu as su m'emporter dans une histoire de princesse... Tu as du talent.
C'est toi, la fauvette ?
Demanda-t-il soudain.
Fannette - Fauvette, c'était proche. Peut-être qu'elle lui en avait parlé ? Être l'oiseau irait très bien à Fanny, de surcroît.

Le tour d'Eirik venait. Il savait qu'il ne ferait pas aussi bien. Comment raconter de façon brève ce qui mettait plusieurs nuits à se dire ?
Eirik se redressa et resservit Fanette et lui-même.

Il commença :

Mon histoire est censée contenir beaucoup de vérités. Mais personne ne sait vraiment.
C'est l’Épopée de la Finlande, de chants nommés "runes", composés en des temps très lointains, transmis de père en fils.
C'est le Kalevala ; soit, la Terre des Héros".


Eirik but et commença la suite.

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Sa langue natale
Lison_bruyere
Eirik avait apprécié l'histoire et Fanette en était heureuse. Conter une bluette à un aventurier tel que lui était sans doute un pari osé, mais elle avait choisi cette histoire précisément car elle prenait sa source dans ces lointaines terres du Nord qu'elle rêvait de découvrir un jour.
Elle sourit à sa question. La fauvette était un personnage récurrent de ses contes. Elle avait même eu parfois un rôle plus important, comme dans l'histoire qu'elle avait écrite pour son fils et son Corleone de père, et qui avait donné son nom à l'auberge qu'il lui avait acheté quand il l'aimait encore. Elle acquiesça d'un hochement de tête.

– J'ai toujours aimé les fauvettes Eirik. Elles sont difficiles à observer. Leur plumage est terne, plutôt grisâtre, à l'exception de leur bonnet, noir pour les mâles et roux pour les femelles. Elles se confondent dans le clair obscur des feuillages mais leur chant est si beau. On l'entend souvent aux beaux jours, parfois bien avant les laudes. Je le préfère encore à celui des rossignols.

Elle reprit quelques gorgées de vin, puis reposa de nouveau son godet à côté d'elle.

– Quand j'ai commencé à écrire des contes, la fauvette m'est venue comme une évidence. J'ai appris bien plus tard que c'est ainsi que mon père m'appelait quand j'étais enfant. Je n'avais pas encore quatre ans quand il m'a laissée, j'étais trop petite pour m'en souvenir, mais c'est comme si ma mémoire elle, en avait toujours gardé la trace. C'est surprenant non ?

Maintenant que c'était à son tour d'écouter, elle s'autorisa à s'allonger un peu plus. Toujours de côté pour le voir, elle replia son bras gauche sur sa tête et remonta la couverture jusque sous son menton. Elle écouta son explication, mais un mot attisa sa curiosité.

– La terre des héros, c'est un titre prometteur, qui inspire l'aventure et l'audace. Mais attendez Eirik, vous avez dit « runes » ? Ce mot signifie chant ?

Son visage se chiffonna d'une petite moue interrogative. Elle regretta de ne pas avoir sur elle la petite pièce de bois que la Danoise lui avait taillé dans du bouleau.

– Quand j'ai mis mon fils au monde, la princesse de mon conte m'a donné une petite pièce de bois que j'ai gardée avec moi les longues heures qu'a duré la délivrance. Il y avait dessus un genre de lettre, un B, le B de Berkano. Elle appelait cela une rune, elle disait que c'était pour nous protéger, l'enfant à venir et moi. Je me trompe, ce n'était pas ce mot-là ? Ou une rune peut être à la fois un chant et un objet ?
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