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[RP] Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort

Elias_romanov
Quelques jours plus tôt, il y avait eu un serment entre lui et Eliance, dans un champ, avec leurs compagnons d'armes en guise de témoins. Au fond de lui, le russe, alors qu'il prononçait tout cela, avait eu la certitude que ce n'était qu'un faux-semblant, une parodie de ce qu'il souhaitait. Pourtant, il ne voulait pas s'engager dans le formalisme de l'Aristotélisme. Il était dans cette incertitude, cette envie de simplicité qu'il ne pouvait obtenir, cette envie de renouer avec ce qu'il avait longtemps mis de côté.

Bien entendu, il n'en avait jamais parlé franchement à la roussiblonde, tergiversant ou esquivant les questions délicates au sujet de la religion. Il ne se sentait pas d'affinités particulière avec ce qu'on lui servait dans les offices auxquels il avait assisté. Trop de paroles déclamées, de vérités imposées. Même au mariage de sa soeur, il n'avait été que d'un enthousiasme tiède, préférant considérer le bonheur de Cyrielle plutôt que la solennité de l'instant.

Ce soir-là, il était en taverne, les gens passaient, se levaient, s'asseyaient dans un ballet qui le laissait souvent indifférent. Homme avare de mots, Elias n'en accordait que peu aux étrangers, toujours avec réserve et précaution. Il n'y avait bien que lorsque ses compagnons mercenaires l'entrainaient à trop boire qu'il se laissait aller à dévoiler un humour pince-sans-rire, mais pour l'instant, il restait contemplatif des choses. Son regard fut attiré par un éclat clair, porté par l'une des convives. Il avait déjà remarqué ce pendentif, et en connaissait le sens, sans toutefois avoir jamais creusé la question.

Ce ne fut qu'après un instant intense de contemplation des reflets d'argent de la croix poissonnée qu'elle portait autour du cou qu'Elias releva ses yeux gris vers le visage de la jeune femme, auréolé d'une blondeur que n'auraient pas renié les anges.

Merde. Avec tout ça, elle devait croire qu'il matait son décolleté.
Astana
Anonymat.

Des lustres que la danoise ne s'est pas retrouvée seule au milieu d'une foule d'inconnus, avec pour uniques compagnons une bouteille, un godet et des pensées décousues. Non pas que ses comparses habituels lui soient devenus insupportables, loin de là. Mais Sørensen, contrairement au reste de sa famille, s'est toujours illustrée par un besoin criant d'indépendance, voire de solitude. Capable de s'enfermer des jours entiers sans voir personne. Histoire de remettre de l'ordre dans son carafon fêlé, ou pour causer à ses coins. Et pour la première fois depuis des mois, elle n'est là ni pour la guerre, ni pour le recel. Personne ne viendra la solliciter. Elle est allée jusqu'à congédier son homme de main pour la soirée : « Faites donc votre vie, mais pas dans le même rade que moi ».

À cette pensée, Astana étire ses quilles sous la table tout en noyant un sourire dans son vin. On touche la plénitude, Sa Blondeur, tu te rends compte ? À te voir comme ça, t'as presque l'air aimable, hé. Même le type au regard lourd là-bas n’entachera pas ce moment. Les huguenots sont habitués à être regardés de traviole, généralement dans un mélange de curiosité et d'appréhension, parfois de haine aveugle, affichant leurs croix à la face du monde. Il est loin, le temps de la Réforme planquée dans le maquis et des incendies de lieux de culte. Même s'il est vrai que les réformés ont une réputation qui les précède, oui. Elle laisse faire, l'homme finira bien par s'en lasser.

Il ne la regarde pas elle, ni son décolleté dépourvu de poitrine proéminente, Astana n'est pas dupe. Pourtant lorsque deux gorgées plus tard la blonde se retrouve à sec, qu'elle amorce un mouvement pour se resservir et qu'elle surprend la grisaille rivée sur son faciès, le doute survient. « T'as une gueule à tutoyer les anges, mais. ». Mais pas à ce point-là. Si ? Non. Les mercenaires venteuses dans ton genre n’intéressent qu'une petite minorité de timbrés. Le brun se voit offrir une grisaille plissée en retour. Ce doit être la croix.


- « Elle ne va pas vous sauter à la gorge, vous savez. »

Qu'elle balance suffisamment fort pour qu'il entende sans toutefois rameuter la moitié de la salle.

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Elias_romanov
La réplique ne se fit pas attendre, alors qu'Elias venait d'être pris en flagrant délit d'indécence. Fort heureusement, ce n'était qu'un bijou qui était visé, cela éviterait les jugements à l'emporte-pièce sur ces hommes qui ne pensaient qu'à cela. Quoique...

Le jeune homme ne se démonta pas, soutenant le regard acier de la blonde face à lui.


Bien sur, elle est à la vôtre.

Les "r" d'Elias roulaient comme autant de barriques, bousculant les voyelles sans ménagement. Un accent du nord, vraisemblablement, surtout si on se fiait à la peau pâle du tailleur, que même le soleil du Sud ne parvenait pas à brunir. Dans le genre expatrié polaire, il se posait là également.

Finalement, il convint qu'il avait manqué de tenue (le comble pour un tailleur) :


Pardon, c'était impoli.

Difficile de lancer un bonhomme "Alors c'est comment d'être réformée ? Bien ou bien ?" Déjà parce que cela n'était pas son genre, et qu'ensuite, c'était un peu convenu.

Ce n'est pas si souvent que l'on en voit.

Il fallait admettre qu'il ne manipulait pas ce type de bijoux en temps normal. Il décida d'y aller sans ambages, mu par une impulsion de curiosité.

Je m'appelle Elias. Vous me pardonnez si je vous offre la prochaine ?
Astana
D'habitude, les gens ne s'excusent pas. Ils ne disent pas « c'était impoli ». Ils disent beaucoup de choses, mais jamais ça. C'est très certainement l'approche la plus singulière à laquelle elle ait eu affaire ces dernières années. Et ce n'est pas peu dire. Tellement que la danoise laisse échapper un sourire se voulant poli, tout en balayant l'excuse d'un revers de main.

- « Il n'y a pas de mal. »

Astana reprend là où elle s'était arrêtée. Confortablement installée sur sa chaise - et non pas une saloperie de race hybride de tabouret -, elle se ressert puis s'abreuve, en profitant pour observer l'étranger par-dessus son verre. Rien qu'un petit tour du propriétaire, savoir où se posent les choses. Son accent trahit tout autant ses origines que le sien. Quoique celui de la danoise semble s'être quelque peu adouci au fil des années, sans pour autant s'être terni complètement. Étrangement, Sørensen a toujours été plus coulante avec les natifs d'ailleurs, qu'ils soient du Nord ou de l'Est. Sûrement parce qu'elle y retrouve des intonations communes, et que cela a un petit arrière goût du pays.

- « J'accepte volontiers votre proposition, Elias, mais uniquement si vous cessez de m'observer comme une bête curieuse. »

Parce que je ne suis pas une espèce en voie de disparition. Ou presque pas.

D'un mouvement qui fait crisser les pieds de sa chaise, auxquels elle murmure de brèves excuses, la danoise ouvre la voie. Une invitation à prendre place à ses côtés.


- « Je suis Astana. »

... en plein flagrant délit de sociabilisation, donc.
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Elias_romanov
La blonde réformée ne lui en tint pas rigueur.

Il manqua répondre de cet humour affreusement pince-sans-rire qui le caractérisait qu'elle était peut-être à ses yeux, ou à ceux des autres, une bête bien curieuse, mais il ne tenait pas à la vexer, alors qu'elle l'invitait à s’assoir à côté de lui.

Elias se leva donc, et fit signe au tavernier de resservir deux godets de ce que la blonde buvait. Le russe était assez grand, et à voir les doigts fins qui enserraient la timbale, il n'était pas habitué à travailler dans les champs. Sobrement vêtu, dans un flou entre l'habit bourgeois et celui d'artisan, il semblait avoir la vie aisée en ce moment.

Il prit place sur la chaise à côté d'Astana, avec une légère indolence due aux deux bières précédentes. Ce fut peut-être ce qui induit la question suivante :


Et votre chaise, qu'en pense-t-elle de tout cela ?

Sérieux, toujours sérieux était cet air sur le visage du jeune homme, comme si il n'en connaissait pas d'autre. Difficile de savoir si il se moquait d'elle ou non.
Astana
Une grimace passe.

Forcément il a fallu que tu gaffes, Sa Blondeur. Qu'est-ce qu'on avait dit à propos d'avoir une audience à l'esgourde attentive ? Tu peux pas leur demander d'entraver ça correctement, comme si c'était normal de causer aux coins, et aux chaises. Certains demeurent aveugles aux justes causes, qu'est-ce que tu veux. En attendant, sois gentille et garde tes horreurs pour les heures creuses.

La mercenaire avise son assise à quatre pieds puis Elias d'un air peu convaincu. Même, elle fixe un point flou au niveau de son cou, où nulle croix ne semble pendre. Une, deux, trois secondes. C'est enfin le retour aux yeux, qu'elle accroche sans trop savoir où sa prochaine réplique va tomber. Et toute auréolée de sérieux, de déclamer en soupirant légèrement :


- « Les mystères des chaises sont impénétrables, vous savez. »

Mais Sørensen est femme de menus détails. Qui prête attention verra forcément que sa joue gauche est pincée, preuve qu'elle se rit d'elle-même en-dedans.

- « Ceux de la Réforme le sont moins. »

Et un point pour la transition.

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Elias_romanov
Astana ne trouverait effectivement rien en guise de bijou chez le russe. La seule chose qu'Elias avait pu porter au cou ornait désormais celui d'Eliance. Le médaillon familial s'était retrouvé collier de pseudo - fiançailles improvisé quelques semaines plus tôt, et parfois le russe se surprenait à le chercher inconsciemment sur sa poitrine.

Ainsi, on parlait de chaises et de mystères. Le russe lâcha d'un ton solennel :


C'est parce qu'elles manquent de conversation. J'ai déjà essayé.

L'histoire ne dit pas combien de bières il avait bu ce soir là. Une brève étincelle naquit dans l'acier des yeux d'Elias, alors qu'il adorait plus que tout ces instants à déclamer des choses sans queue ni tête. Mais revenons aux choses plus sérieuses, alors qu'Astana lâchait le mot qui fâchait. Elias retint le réflexe de vérifier que toutes les discussions ne s'arrêtaient pas pour que les regards convergent vers eux. Mais on ne s'intéressait pas à eux dans cette taverne aux relents alcoolisés.

Après tout, peut-être pouvait-on croire qu'ils en étaient à une étape préliminaire de tout autre chose, alors que le tavernier amenait ce que le russe avait commandé. Les piécettes passèrent de main en main, et la discussion put reprendre.


Je vous avoue que je suis curieux.

En même temps, c'était assez évident, alors qu'il avait longuement observé la croix portée par Astana.

Voudriez-vous bien... m'initier aux pénétrables mystères de la Réforme ?

Ce fut en le formulant à haute voix qu'il trouva tout ça un peu alambiqué comme formulation.

Bien entendu, je paye la bière.
Astana
Il semble que le temps se soit arrêté. Juste assez pour qu'Astana, les yeux aussi ronds qu'elle est imbibée, bloque sur ladite formulation comme pour l'assimiler pleinement. Les pé-né-tra-bles mystères. Pénétrables. Ah. Petit à petit, son faciès se décompose. La voilà qui pince les lèvres, et que ses joues prennent du volume. Ça chatouille, ricoche entre les côtes pour finalement remonter dans sa gorge. Blondeur s'esclaffe, manquant renverser le contenu de son verre qu'elle avait commencé à approcher de ses lèvres pour noyer le tout.

Réalisant après coup qu'elle est toute seule à se poiler, elle lève l'index.


- « Non, excusez hein. J'me fous pas de votre gueule, mais... huhu... »

Quelques spasmes la secouent encore avant qu'elle ne retrouve un calme relatif.

- « Votre manière de le dire. Bon. »

Le pauvre a dû trouver le temps affreusement long. Raison pour laquelle Astana étouffe les rires dans l’œuf avant qu'une nouvelle catastrophe ne se pointe pour dire bonsoir. De toute évidence, la danoise est instable. Mais à y regarder de plus près, sans trop se pencher non plus rapport à l'équilibre, il n'a pas l'air bien net non plus. S'impose alors la vision traumatisante de son cousin, une Conduite de poche en main, prêt à frapper à l'aide du fameux verset 4.

- « Si mon cousin était là, il nous aurait assommés tous les deux à grands coups de : « L'ébriété corrompt l'âme et affaiblit le corps. Elle prédispose au péché. ». Fort heureusement pour vous, je ne suis pas lui. D'autant qu'aucun fidèle n'est exemplaire. Mais c'est un rabat joie qui ne tient pas l'alcool... Enfin. »

Elle risque un regard dans sa direction, histoire de s'assurer qu'il ne s'est pas tiré à la première occasion venue.

- « Que voulez-vous savoir, au juste ? »
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Elias_romanov
Bien entendu, le double-sens malheureux des propos d'Elias fit rire la réformée. Quelque part, ce genre de réaction était plus agréable, et propice à la tenue d'une conversation détendue, même en abordant un sujet de ce genre. Habitué à ce genre de réaction, Elias ne conserva qu'un sourire un peu guindé le temps qu'elle se calme.

Astana évoqua un cousin à elle, visiblement peu enclin à l'hilarité et l'ébriété. Mais tout de même, cela interpella Elias sur un point tout à fait stratégique de ses occupations quotidiennes :


Oh... il ne faut pas boire d'alcool ?

Flûte, cela risquait d'être ennuyeux, et suspect. Toutefois, le fait qu'Astana savait parfaitement bien lever le coude face à lui allait à contrario de tout ça. Il faudrait aviser en fonction des réponses d'Astana, même si bon... renier une religion à cause de la non-consommation d'alcool était assez spécieux.

Elle l'invita alors à lui poser des questions. Elias décida de commencer par le début, tout simplement :


Et bien... comment on le devient ?
Astana
- « Nous ne sommes pas censés en abuser, nuance. Mais nous y reviendrons en temps voulu. »

Et plutôt deux fois qu'une. De toutes façons, leurs verres seront bientôt vides. Or, un verre vide est au choix un verre qui vole, ou malheureux.

La question suivante, en revanche, la laisse perplexe. Astana marque un temps d'arrêt. Est-ce une bonne idée de tenter d'y répondre dans cet état ? Probablement pas. Le moment ne semble pas propice, et pourtant les souvenirs affluent sans qu'elle cherche à les refouler, la renvoyant à sa propre conversion et aux prémices de celle-ci, offrant à vue un air absent. Ailleurs. Tout c'était fait naturellement, sans effort ni doute, c'était une suite logique. Sørensen s'était pointée un beau jour à la Cité des Saules, s'était entichée d'une bande de huguenots et plus encore de leur conception des choses. Croire n'était plus synonyme d'angoisse et de culpabilité, mais de liberté. Ainsi, la mercenaire s'était sentie entière à nouveau et avait adopté la croix aux dix-huit, mue par la certitude que son avenir se trouvait là. Mais lui servir ça n'aurait pas grand intérêt. Sûrement qu'il s'en foutrait comme de ses premières braies. Tête penchée sur le côté, elle avise Elias.


- « Vous avez déjà… ressenti quelque chose d'intense, là ? - l'index se plante sur son torse, sans que soit envisagée la possibilité qu'il puisse reculer ou mal le prendre - Je ne vous parle pas des bêtes truchements de votre palpitant, ni de la première fois où vous avez vu une paire de seins. Mais plutôt une chose qui soit si intense et évidente que vous ne puissiez expliquer d'où ça vient tout en sachant pertinemment que c'est votre Voie ? »

Dans le genre formulation alambiquée, la danoise se pose-là.

- « C'est l'effet que ça m'a fait. »

D'accord. Mais tout le monde n'est pas toi. Certains sont plus terre à terre. Maleus, où es-tu ? La blonde se surprend à le chercher dans la salle, comme s'il pouvait venir et rattraper ses explications trop personnelles, trop énigmatiques. Or le borgne s'illustre par son absence, et Astana n'a d'autre choix que de pousser un soupir résigné.

- « Cela ne doit pas vous aider. »
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Elias_romanov
Pour le Romanov, un verre vide était seulement un verre attendant d'être rempli. Ainsi cela n'était pas triste, c'était juste l'attente d'une situation plus agréable. Astana posa son doigt sur sa poitrine, mais il ne s'en offusqua pas, tout comme il ne prit pas cela pour une tentative de séduction, la discussion qu'ils tenaient étant loin d'amener un climat romantique ou trouble.

Elle parla alors de ce qu'elle avait vécu, mais le tailleur fut circonspect.

Je ne sais pas... Cela m'a jamais fait cet effet.

Elias avait été éduqué, mais ZE révélation, il ne l'avait pas eu. Jamais il n'avait été transcendé par les lueurs tremblotantes des cierges se réverbérant sur les antiques statues. Aucun sermon n'avait pu lui faire entendre les échos du Très Haut. Les églises et chapelles n'étaient que des plafonds ornés cachant le ciel, ce qui lui avait toujours semblé étrange pour une foi leur promettant le Soleil. Parce qu'il était tailleur, il ne voyait sous les voiles et les tissus des officiants et témoins qu'hypocrisie et faux-semblants, soupçonnant ce que nombre de gens dissimulaient sous les broderies, les galons et ornements qu'il cousait.

Il disposait d'une foi raisonnable, ancrée en lui, mais dormante, attendant un déclic, peut-être. Il savait pourtant qu'il n'y avait pas de recette toute faite, tout comme il n'était pas certain de trouver ce qu'il cherchait dans la Réforme. Mais il pouvait arpenter ce chemin, en tout cas essayer.


Je connais... ce qu'ils disent dans les églises, dans les messes.

Il allait commencer à exposer ce qui lui passait par la tête, mais il changea brutalement de sujet, comme si tout cela était un peu erratique dans sa tête.


J'ai assisté au mariage de ma soeur, une cathédrale à Bordeaux, des nobles et des couronnes à ne plus en finir. Et... c'était... creux. Vous savez... Je couds des tenues, des robes pour des nobles, et je pense que l'apparat est là pour cacher quelque chose... Pas toujours, mais souvent.

Des masques que l'on met.


Tout cela était très décousu, et le russe plongea le nez dans son godet pour tenter de rassembler ses idées.

C'est idiot ce que je dis.
Astana
Entretemps, Astana s'est envoyé la moitié de sa bière dans le gosier, craignant peut-être une subite panne sèche. Elle échappe un sourire, largement visible bien que le verre soit toujours porté à sa bouche.

- « À suivre votre logique, les réformés sont donc loin d'être creux, puisqu'ils ne portent que du sombre. »

Raille, raille Blondeur. Non, c'était pas drôle ? Bon. Et comme si son manquement à la discipline était un sacrilège, Sørensen se redresse brusquement, le dos droit. Il lui apparaît que les plaisanteries ne sont peut-être plus de la partie, et que le tailleur est en demande de choses concrètes.

- « Ce que vous dites n'a rien d'idiot. L'apparat est une affaire de masques. C'est à qui aura les tissus les plus chers, les plus colorés, à la dernière mode, qui crieront : « regardez-moi ! Regardez ma fortune ! ». Et pour quoi faire ? Avoir le sentiment de s'élever au-dessus des autres et polir leur petite gloriole. Comme si fortune était synonyme de signes ostentatoires à tout va. »

Haussement d'épaules. La mercenaire ne paraît pas chiffonnée par ce constat, accepté de longue date. Souvent, elle ricane de ces victimes pathétiques, qui se figurent que porter du jaune ou du orange est preuve de goût. Ses vêtements à elle sont de facture supérieure, sans que l'oeil ne puisse le distinguer au premier examen. De loin, Sørensen est une femme drapée de sombre, comme beaucoup d'autres. Il n'y a qu'en prêtant attention que l'on remarquera ici une broderie noire sur un col, et là sur une manche. Du ton sur ton. Idem pour la qualité du tissu, qu'il faut toucher. Astana a des moyens, mais n'en fait pas tout un plat.

- « Mais qu'ils se fourvoient et en profitent tant qu'ils veulent, ils ne l'emporteront pas avec eux dans la tombe. Nous apparaîtront tous nus comme au premier jour devant Déos. Et Son jugement sera sans appel. »

Légère pause et regard en biais.

- « Vous avez commencé à parler des messes et avez changé de sujet. Cela vous met mal à l'aise d'en causer à une huguenote trouvée dans un rade miteux ? »
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Elias_romanov
Elias répondit, tout en faisant venir d'autres bières, ce qui pouvait s'assimiler à une provocation. Pourtant, le ton dont il usait restait courtois.

Peut-être portent-ils simplement des masques différents.

Le russe n'était pas adepte de la dichotomie. Rien n'était jamais ni tout blanc, ni tout noir, même pour quelqu'un qui manipulait les tissus. Toutefois, il était d'accord sur le fond du discours d'Astana.

La Réforme se construit-elle uniquement en opposition avec ... l'aristotélisme ?

C'était ce qu'il retenait de la conversation, pour l'instant.
L'opposition.
Astana lui demanda alors si c'était parce qu'il discutait avec elle qu'il s'était arrêté en plein milieu de sa réflexion. Après un bref instant de scepticisme, clairement visible, il secoua la tête, en signe de dénégation.


Non, ça n'a rien à voir avec vous.
C'est juste que je n'aime pas dire du mal des gens.


Formulé comme ça, cela sonnait bizarrement. Pourtant, le tailleur était sujet à quelques défauts, comme l'orgueil et la colère, et s'en préservait par une rectitude des actes et paroles, qui fonctionnait assez bien, le plus souvent. Il n'était pas parfait non plus.
Astana
- « Ah. »

Que la blonde lâche comme ça, avant que sa langue ne claque contre son palais. Les gens mesurés en actes et paroles laissent souvent perplexe l'impulsive qu'elle est. Son homme de main, comme Élias, est de ceux-là. Et à de trop nombreuses reprises la danoise a éprouvé l'envie de le prendre au col, de le pousser dans ses retranchements voir ce qui en ressortirait s'il abandonnait tout contrôle et lâchait la bride. Juste une fois. Un traitement qu'elle n'envisage cependant pas pour le tailleur, à qui elle se contente d'affirmer sur un ton distancié :

- « Ce n'est pas forcément dire du mal que de reconnaître des défauts là où il y en a. »

Nouvel haussement d'épaules.

Un moment de flottement passe, laissant à ses mots le temps de décanter.


- « Nous sommes aristotéliciens. La Réforme ne s'oppose qu'à Rome et à ses dogmes erronés. »

Astana lui jette un regard en biais puis poursuit, devançant la question habituelle qu'elle croit déjà voir naître au bout de sa langue.

- « Par exemple, nous prônons le sacerdoce universel. Qui est l'idée selon laquelle nous sommes tous égaux sous Son regard et qu'aucun fidèle ne peut s'élever au-dessus des autres. Nous sommes une communauté avant tout, et n'avons pas de hiérarchie. »

Il faut y aller pas à pas, et non pas l'assommer à tout lui balancer à la tronche, en lui laissant la charge de tout trier, décortiquer.

- « Et puisque nous n'en avons pas, nous entretenons une relation personnelle avec Lui. C'est à Lui seul que nous confessons nos fautes et demandons Son pardon. C'est un lien unique. Que l'on vous refuse lorsque vous êtes papiste, puisqu'il y aura toujours un prêtre pour intervenir dans votre cheminement, à usurper Sa parole et à vous juger. Alors qu'ils n'en ont pas le droit, ni le pouvoir. »

Une étincelle de ferveur dans la grisaille plus tard :

- « Devriez venir à l'un de nos prêches, un jour. Cela n'a pas grand chose à voir avec vos messes. À moins que les échanges à haute voix entre fidèles et les débats soient admis le dimanche, et dans ce cas je suis mal renseignée. »

Elle lui sert un léger sourire amusé tout en prenant une gorgée de la bière tout juste rapportée.
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Elias_romanov
La remarque d'Elias jeta comme un froid chez la déjà-frigide-nordique. Si la remarque se voulut neutre, le tailleur en perçut bien quelques non-dits. Elle le reprit sur sa conception de la Réforme, il lui faudrait faire attention aux mots par la suite.
Mais après tout, il débutait.

Et avant qu'il ne formule quoi que ce soit, Astana enchaina, l'éclairant sur les quelques concepts phare liés à la croix poissonnée. Il lui faudrait néanmoins réfléchir à tout ça, sortir des chemins délimités par l'aristotélisme romain.

Ainsi il y eut un léger silence, mais pas de ceux gênés qu'il pouvait y avoir entre deux personnes, alors qu'il repensait à ce qu'Astana venait de dire. La bière aidait étrangement à faire couler tout cela dans l'esprit d'Elias, ou du moins cela lui en donnait l'impression.


Cela doit être déroutant, au départ, de ne plus avoir de... professeur.

L'idée d'assister à un prêche lui parut pertinente, mais il ne put s'empêcher de taquiner la jeune femme.

Et vous mettez des affichettes pour les annoncer, ces prêches ?

Pour sa part, il ignorait ou les réformés pratiquaient leur foi.
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