Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2, 3   >   >>

Info:
Avertissement : sauf si vous êtes un esprit, passe muraille ou autre joyeuseté du genre, vous ne pouvez pas vous servir des informations de ce rp. Ce qui s'y passe n'est connu que d'Enguerrand de Lazare, de René (tavernier de la Licorne) et de Cerridween. Bonne lecture cependant ! Cette histoire remonte à loin. Depuis les fracas de Vendôme. Depuis qu'Enguerrand a découvert ses démons. Un choc a la tête qui a réveillé bien des douleurs et des blessures. Difficilement soignables. Celles de l'esprit. Un Autre a commencé à s'imposer en lui. Son alter ego, sauvage et incontrôlable, a absorbé son esprit petit bout par petit bout, s'imposant avec le temps. Il a cherché de l'aide auprès de Cerridween, qui a entrevu l'ampleur du mal et lui a donné un peu de pavot pour qu'il puisse dormir, après une semaine d'insomnie et de lutte. Elle a promis de garder le secret envers et contre tout. Las, Le remède a été empiré le mal.: Enguerrand a abusé de la drogue et en est devenu profondément dépendant. Cachant au début son accoutumance, il est resté longtemps sans se plaindre, pendant que la complicité teinté d'une tendresse inavouée se tissait avec l'Errante. Jusqu'au point de non retour. Ce soir de novembre où l'Autre est apparu trop violemment après leur premier baiser, en faisant valser une chaise à travers la chambre de Cerridween. Aculée, la rousse n'a plus le choix si elle veut garder Enguerrand sur pied. Le moyen sera radical....

[Les cellules] De profundis animae

Cerridween


La course était aussi rapide qu’il lui était possible.

Elle lui rappelait combien elle aimait les braies. Cette fichu robe entravait franchement ses mouvements. Pensée idiote en ce moment. Pensée idiote. Mais elle essaie, la rouquine, d’oublier ce qu’elle va faire au moins un instant. Sa besace sur l’épaule, elle l’avait relevée afin de pouvoir courir et dévaler les escaliers. Ailleurs elle aurait été jugée impudique. Ici et à cette heure où la haute lune, qui dévoilait à peine son sourire, laissait une traînée lumineuse sur la forteresse, il n’y aurait personne pour le lui faire remarquer.

Derrière elle, elle le sent, il s’accroche, souffle court, à ce maigre espoir qu’elle est encore pour lui. Ne pas lui laisser le temps, non, ne pas lui laisser le temps, de voir l’Autre arriver. Juste une course, juste un élan, physique, vif, pour éviter le pire… avant de l’affronter. Arrivée au pied de la Tour Achille, elle s’arrête à l’encablure de la porte, stoppant de la main son compagnon. Sa tête cachée sous sa capuche, elle regarde prudemment que la voie soit libre. Elle attend le souffle court que les gardes chargés de la ronde de nuit laisse l’accès au donjon. Vite… pardieu pas de zèle ce soir, pour sa survie et la sienne, pas de zèle, écartez vous. Les minutes lui paraissent une éternité pendant que les gardes riant attendent un instant à l’entrée. Sa main se serre sur celle d’Enguerrand pendant qu’elle regarde.
Courage. Encore. Je t’en prie. S’il apparaît ici, c’est ta fin et la mienne.
Parce que tu seras vulnérable, parce que je ne pourrai plus garder ce secret, que je deviendrai parjure…
Que te perdre, je ne le veux pas comme cela... alors que je suis en train de le faire, peut-être… sûrement.

Les gardes enfin lèvent le camp pour continuer leur ronde. La rousse rabat la capuche d’Enguerrand, hagard, pour masquer son visage maculé de perles de sueur. Lentement la main dans la sienne elle longe le mur d’enceinte, à couvert, dans l’ombre, alors que la lune au front d’albâtre répand sur les jardins une lueur grisâtre.
Elle ne révélera pas leur présence ce soir, elle qui garde le royaume de l’obscurité, des songes et des mauvaises actions. La sienne en est-elle une ? Sous couverts de serment et de bonnes intensions ?
Bonne ou mauvaise, les questions ne sont plus de mises cette nuit.
Elle n’a plus le choix.
Elle a choisi une route, celle du silence, à elle d’aller jusqu’au bout. Même si l’issue semble de plus en plus effrayante.

Ils entrent dans le donjon dont la porte se referme dans un crissement de gonds qui crispe la mâchoire de la rouquine. Elle repart dans une course effrénée, plus bas, toujours plus bas, dans cet escalier à vis qui lui fait tourner la tête et le cœur.

Encore quelques marches et son pied se pose sur le sol en terre battue humide de la prison. Elle était déjà venue secrètement dans cet endroit. Elle le connaît un peu, au moins la première porte, faiblement éclairée par une torchère. Elle s’arrête devant.
Un instant, pendant que ses yeux s’habituent à l’obscurité des profondeurs.
Un instant, un instant avant de commettre ce qui sera peut-être irréparable.
Elle ouvre la porte en chêne massif et clouté qui découvre une petite cellule.
Des chaînes aux murs à senestre, un banc accroché au mur à dextre, de la terre poisseuse, une odeur rance, presque écœurante…

Entre et regarde…

Son regard ne peut affronter celui d’Enguerrand qui esquisse un mouvement vers l’intérieur.
Pardonne moi mon frère, parce que je vais te trahir…
Pardonne moi mon frère, parce que je n’ai pas le choix…




------------------------------------------------------------------------------

* Des profondeurs d'une âme.

Suite de cela.

_________________
Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Course désespérée.
Couloirs de Ryès défilant inlassablement. Coursives. Escaliers. Portes ouvertes marquées d’une vive lumière filtrant par l’interstice, témoin d’un quelconque signe de vie. Si lointain. Comme si lui-même, par moment, s’échappait de ce monde là.
Portes fermées scellant secrets ou pièces pour un instant délaissées.

Une pause.
Tension.
Des gardes.
Sensation de la main de la jeune femme enserrant la sienne.
Halètement. Reprendre sa respiration. Garder silence pour ne point être vu.
Pourquoi ? Il ne le savait. Ou plutôt si. Quelle vision pouvait-il offrir à un frère passant par là, un garde effectuant sa ronde. Il valait donc mieux rester discret et avancer sans bruit vers la destination de leur fuite.

Capuchon rabaissé sur son visage. Champ de vision amoindri, une partie du monde caché par la pièce d’étoffe qui l’entourait.
Progression le long d’un mur.
Pénombre.
Deux voleurs ou assassins n’auraient pas agi différemment.

Donjon.
Ainsi était ce leur but. Allait-elle l’amener auprès du Grand Maitre ou de l’un des membres du Haut Conseil ?
Instant d’angoisse. Impossible. Pas elle.
Un escalier.
Rapide descente vers les bas fonds de la forteresse. Entrelacs de salles secrètes, geôles, couloirs dissimulés qui faisaient les racines mêmes de ces lieux, masse de pierre solidement ancrée dans les profondeurs de la terre.
Le froid et l’humidité les entouraient désormais.
Étrange sensation pour l’homme qui avait cru voir l’enfer s’ouvrir sous ses pieds que d’être en cet instant même en train de pénétrer dans les royaumes souterrains.

Arrêt.
La porte d’une geôle.
Que donc cela voulait il signifier. Pourquoi sa sœur l’avait elle amené en ces lieux.


Entre et regarde…

Regard interrogateur du Cavalier.
Quelques pas pour se placer dans l’embrasure de la porte. Entrer ? Serait-ce là piège tendu par celle qui en ces murs était la plus proche de lui ? Tout cela n’avait il pour objectif que de l’amener à se retrouver prisonnier, enfermé au plus profond de la forteresse, là où nul ne pourrait entendre ses cris…là où…

Bien sur. Ici il pourrait tenter de maitriser l’Autre.
Ici rage et fureur seraient amoindris par les murs de pierre.
Ici rien ne cèderait à la rage destructrice de son autre Moi.
Ici…

UN PIEGE ! Elle lui avait tendu un piège. Elle ! La Trainée. La traitresse. Comment osait-elle. Comment espérait-elle ! Il devait agir. Vite!
Ses muscles se raidirent en un instant. Il faisait face à la porte, tournant légèrement le dos à l’errante.
Elle ne pouvait voir son visage. Voir qui maintenant dirigeait son être.
S’il se retournait brusquement, il pourrait avoir pas sur elle.
La maitriser.
Voire...la tuer.
Bouffée de plaisir irradiant son corps tout entier à la vision de la vengeance à laquelle il pourrait s’adonner. Assouvir cette soif de sang.
Oui.
La tuer.


NON !
Pas Elle. Pas Cerrid. Jamais.
Dans un dernier effort, reprenant le contrôle de ces muscles prêts un instant plus tôt à se ruer sur la jeune femme, il bondit en avant. Vers la cellule. Vers l’obscurité.
Vers sa fin.

Ou sa renaissance.

Chutant lourdement à terre, il entendit un craquement venant de sa cheville.
La rage à peine contenue l’empêchait de ressentir quelque souffrance que ce soit.
Bien au contraire.
Déjà Il revenait à la charge, empli de haine contre lui. Contre elle.
Un regard. Un seul. Tourné vers la jeune femme. Vers cet halo de lumière semblant irradier autour d’elle, dérisoire hallucination provoquée par une banale torche plantée sur le mur derrière elle.
Une voix. Perdue.


Ferme. Cette porte…

Il venait de sceller son destin.
Du moins l’espérait il de tout ce qui pouvait encore rester de son âme.

_________________
Cerridween
Il hésite sur le seuil.

Surpris ? Qui ne le serait pas… et encore elle, aurait déjà protesté, montant sur ses grands chevaux et demandé voix à l’appui, une explication séance tenante.
Silence assourdissant.
Il regarde perdu dans ses pensées…
Perdu dans sa lutte.
Déjà, déjà…
Ses mains se serrent…
Déjà, déjà…
Il se tend comme un arc armé, prêt à se rompre…
Déjà, déjà…
Elle sent l’aura de l’Autre qui revient, qui s’étend, qui appelle…

Ses mains se glissent dans sa besace et cherchent le contact froid du verre.
Elle ne le quitte pas des yeux pendant qu’elle débouche la bouteille d’alcool au pavot.
Elle ne le quitte pas des yeux pendant qu’elle verse à la dérobée le liquide sur une éponge.
Elle ne le quitte pas des yeux pendant qu’elle referme la bouteille, avant que les effluves de Morphée ne la trahissent.
Elle ne le quitte pas des yeux pendant que sa main, parée de son arme spongieuse, se cache dans un repli de sa cape.

Pendant que son combat lui, monte en grade, en intensité…
Il essaie sur le seuil de résister…
Jusqu’au point de rupture.
D’un bond il est à l’intérieur. Son corps tombe sur le sol. Un craquement vient choquer les murs de pierres et hérisser la peau de la rouquine.
Il est là, en appuie sur ses mains qui s’impriment dans la terre humide.
Sa tête se tourne. Un regard. Un regard perdu, luisant de peur. Une supplication qui transparait dans les mots qu’il prononce, haletant.


Ferme. Cette porte…

La voix de la rouquine résonne. Calme. Déterminée.

Non…

Elle sait que par ce simple mot, elle vient d'ouvrir les portes de sa colère...
Elle vient d'ouvrir une brèche par laquelle Il va s'échapper...
Elle s’avance.
Lentement. Elle s’avance.
Quittant la faible lumière pour le noir de la cellule.
Elle sait qu’Il va arriver. Elle sait qu’elle va Le subir.
Elle ne recule pas.
Elle avance à pas lents, qui s'impriment dans la terre froide, en pénitente vers son sacrifice.
Déjà le changement s’opère. Il est là. Les yeux noirs de colère, les pupilles dilatées. Il se relève, il se déploie. Il hurle sa rage, cri bestial, viscéral et s’élance.
Il s’élance vers elle d’un bond.. Son bras sort de sa cape, bras en avant, en position de défense. Elle se campe sur ses pieds et attend la charge
Violente.
Il a trébuché sur sa cheville abîmée et tombe sur elle. Elle chute avec lui, corps contre corps, avant que sa tête et son dos rencontrent le sol glacé de la cellule. In extremis elle a calé son bras contre son torse et plaqué l’éponge sur sa bouche. Étouffant un cri de rage.
Il se débat. Les coups pleuvent. Elle ne bronche pas, malgré la tempête qui s’abat sur elle, la main écrasant sa bouche, ses doigts crispés, douloureux.

Peu à peu son corps se détend, se ramollit. Les coups deviennent effleurements.
Dans la lueur des torches, elle voit Enguerrand qui revient un instant.
Un court instant.
Il la regarde intensément.
La rousse serre les dents, ferme les yeux, la main toujours agrippée à l’éponge.
Ne pas faillir. Ne pas faillir.
Pour le meilleur ou pour le pire.
Malgré le regard qui vient de la transpercer. Malgré ce sentiment qui lui glace le cœur. Malgré le mal qui lui détruit les entrailles, goût bileux et âcre de la trahison et de la culpabilité. Malgré le son discordant du mal qu'elle va lui infliger qui, comme dans un miroir, lui revoit l'écho de sa propre douleur à le faire.
Ne pas faillir. Pour garder ce maigre trait de lumière dans les ténèbres. Ce maigre bien encore brillant. L'espoir.
Qu'ainsi, tout deux nous veuille absoudre.
Ici et maintenant.

_________________
Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Un regard. Prolongé. Désespéré.
Il l’observait.
Courage. Force. Ténacité.
Oser L’affronter ainsi. En pareil lieu. En pareil instant.
La lutte récente avait une fois encore été des plus violentes, l’Autre lançant à l’assaut toute sa rage pour vaincre son adversaire.
A peu qu’il n’ait réussi à maitriser la jeune femme. Il l’avait frappée. Comment pourrait-il survivre à cela. Même si ce n’était pas lui. Même si les coups avaient été donnés par l’Autre. Jamais il ne pourrait se pardonner.

Et pourtant. Pourtant, elle l’avait trahi. Lui !
Cette éponge plaquée sur sa bouche. Il étouffait. Il suffoquait.
Révolte.
Déception.
Colère.

Elle Lui avait tendu un piège, l’amenant en ces lieux comme on mène bœuf à l’abattoir. Il ne pouvait le tolérer.
Un exemple.
Voilà ce qu’Il devrait faire. Là. Maintenant. Un exemple. Afin que nul ne puisse à nouveau se laisser tenter par se jouer de Lui.
Elle se tenait là. Sous lui. Vive encore mais à sa merci.

La colère. Faire affluer à nouveau la colère en Lui. Se laisser dépasser par la rage et le désir de vengeance.
Il savait. Désormais, Il savait comment changer. Comment devenir…Lui.
Il devait…puiser au plus profond de son âme, ravivant blessures de son passé.

Il…Il n’y arrivait pas. Il n’y arrivait plus.
Son corps semblait être comme endormi, se réduisant à chaque instant un peu plus à une enveloppe molle et sans force.
La vision se troublait. Les sons à nouveau assourdis.
A peu qu’il ne sente encore ce souffle chaud qui le gagnait lors de ses visions.

Réagir !
Son esprit. Il se réfugierait dans son esprit.
Il attendrait.

Ne pas perdre une seconde.
La fatigue déjà envahissait chaque parcelle de son âme.
Dormir.
Oublier.

Encore…
Un…
Effort…


Néant.

Sans un bruit, le corps du cavalier s’affaissa, fétu de paille porté par le vent, poupée désarticulée, carcasse sans vie aux pupilles vides comme le plus profond des abysses.
Glissant de côté, il toucha le sol sans résistance aucune, le visage plaqué dans la terre humide de la cellule.
Ses doigts s’étaient détendus, marqués encore du sang qu’il venait de faire jaillir.
Ses muscles, tétanisés par l’effort s’étaient relâchés.
La respiration s’était faite profonde. Lente. Apaisée.
Il avait quitté les affres de la vie réelle, s’éloignant de ses côtes, porté par le courant qui l’amenait vers destination inconnue.

L’Autre s’était terré. Tapi. Vaincu, pour combien de temps encore, par les effluves chimiques.
Mais déjà les songes revenaient.
Comme à Vendôme. Comme à Ryès. Comme si souvent depuis de si longs et interminables mois.


Une ruelle.
Une ville portuaire.
La nuit était profonde, à peine éclairée par endroits par torches et flambeaux fixés devant certaines portes d’habitations.
Il ne parvenait à reconnaître les lieux.
Un homme s’avançait dans la ruelle. Il portait cape à l’état de lambeau et large couvre chef dissimulant pour partie son visage.
Il s’approchait d’une silhouette adossée à la devanture d’une échoppe. Homme de guerre, visiblement. Lourde cote de maille. Large écu fixé dans le dos par d’épaisses sangles de cuir. Bottes ferrées. Epée dans son fourreau, fixée dans le harnais ceinturant sa taille.
Pas plus âme qui vive dans cet étroit boyau. Des sons, étouffés, d’une rue passante non loin de là. Animation. Chants. Cris.

Effroi transparaissant dans les yeux de l’homme adossé. Il semblait connaître l’homme au couvre chef.
Tentative de fuite. Poursuite rapide.
Une lame sortant de sous la cape, scintillant brièvement à la lueur d’une flamme.
Un coup donné. Un seul.
Un cri étouffé.
Le bruit d’un corps s’effondrant sur le sol. Un filet de sang s’épaississant autour du cadavre, serpentant vers le centre de la ruelle, se joignant maintenant aux immondices mêlés à la poussière recouvrant les lieux, formant grumeaux sanglants qui lentement s’éloignaient des lieux de ce bref combat.
L’homme essuyait son épée courte sur l’étoffe de son adversaire.
Il se retournait, un sourire serpentant sur son visage. Trait tirés. Mâchoires serrées.
Ces yeux.
Ambres.
Cet homme. C’était lui.


Colère.
Rage.
Détresse.
Il cherchait à s’échapper. Il tentait de lutter contre la prison qui le maintenait dans ce sommeil.
Pourquoi ? Qui était celui qu’il avait tué. Où cela s’était il passé. Quand.
Trop épuisant. Tout était…si…difficile.
Sans plus pouvoir lutter, il sombra encore plus profondément dans cet articiel sommeil.

Pourvu que cela dura une éternité.

_________________
Cerridween
Le corps d’Enguerrand cesse de se mouvoir…

La rousse le sent de plus en plus pesant sur le sien. La tête du cavalier vient se poser près de la sienne sur le sol. Elle réouvre les yeux, le souffle court, le cœur battant.
D’un geste vif, elle se cambre et pousse le corps d’Enguerrand sur le flanc pour se dégager.
Difficilement elle se met à genou…
L’adrénaline qui coule dans ses veines, lentement, s’échappe et la laisse tomber dans la perception de sa réalité. Sa main droite agrippe toujours l’arme de sa traîtrise, tremblante, horriblement tremblante. Sur sa tempe, un filet chaud s’écoule pendant qu’un goût de sang emplit sa bouche. La douleur déboule, vive sur son épaule droite. Quant à ses jambes, elle ne sait pas si elles peuvent la soutenir encore…
Elle reste un instant, entre la nausée et l’inconscience latente, à genoux, près de lui, attendant que les tremblements passent…
Il n’est plus là, Il n’est plus là… celui qui la terrorise lorsqu’il apparaît, celui qui la terrorise quand elle n’est pas là, parce qu’elle a peur autant pour lui que pour ceux qui pourraient croiser ce regard d’outre tombe. Ce qui la fait le plus souffrir c’est que cet Autre n’est pas un étranger, un parasite. C’est une part de lui-même. Comme la sienne qui vient la hanter, moins vivace, plus maîtrisée. Celle qui surgie, tout aussi animale quand on touche à sa fille, à sa mesnie. Celle qui susurre des noms de poisons, celle qui l’a prise lors de la mort de son frère quand dans un cri de douleur elle a égorgé deux attaquants. Cette force noire, il l’a comme elle, mais bien trop puissante, pas assez muselée… elle est au bout de ses ressources, la Pivoine ensanglantée. Dans quelques minutes, elle ne pourra plus rien faire…

Il faut d’ailleurs qu’elle agisse tant que le pavot lui laisse encore le temps. Sa main lâche l’éponge. De la senestre elle rabat sa main droite sur sa poitrine pour réprimer le tremblement qui la secoue encore.
Continue…
Elle tente de se relever et vacille. Un temps avant que les murs ne cessent leur danse effrénée devant ses yeux. Plus de lumière. Elle fait quelques pas encore hésitants hors de la cellule. Elle s’empare de la torche de l’entrée et la fixe au mur de la cellule. Doucement près d’elle brille la clef des chaînes. Elle rejoint le fond de sa besace.
Continuer aller… courage…
La rousse saisit le corps d’Enguerrand sous les épaules et le traîne, en serrant les dents encore rouges de son sang, vers le mur senestre. Avec difficulté encore elle l’adosse au mur.
La tête encore lourde et embrumée, elle se laisse glisser à genoux.
Sa main saisit une des bandes dans le fond de sa besace. Lentement et délicatement, la rousse prend le poignet d’Enguerrand et l’entoure de la bande de lin… de même, avec le second poignet qui se retrouve enserré de tissu.
Respire, respire, Pivoine…
La rousse enfin passe au crible le corps inanimé, grimaçant encore sous le feu de son épaule. Elle détache la ceinture de cuir portant son épée, vérifie qu’aucun couteau ou poignard ne se cache dans un replis de tissu. Enfin, enfin, elle lui enlève, son secours, son garde fou, cette petite bourse de cuir qui renferme le pavot dont il se sert encore.
Une dernière chose…
Dans un cliquetis, elle ceint les poignets du cavalier des bracelets métalliques pendus aux chaînes… et les verrouille.

Un instant encore… un instant avant son réveil. Peut-être sa colère, peut-être ses suppliques, peut-être l’Autre… un instant encore où elle caresse doucement sa joue… un instant encore, avant qu’il la haïsse… un instant où ses lèvres se posent sur les siennes…
Arrête toi…
Elle se recule la rousse, hors de portée, toujours à genou. Elle sort de sa besace une dernière bande de lin avec laquelle elle essuie sa tempe douloureuse, alors que son épaule lui lance des traits à chaque mouvement de bras. Le lin teinté de rouge vient ensuite essuyer ses lèvres qui laissent une empreinte pourpre sur le tissu… Son tibia quant à lui, accuse par une enflure douloureuse, le vif combat qu’elle vient de subir. L’heure de se soigner viendra ensuite…

Attendre…
Elle reste là à genoux, mains reposant sur ses cuisses… elle attend.
Combien de temps s’est écoulé quand il se réveille ? Elle ne sait pas, la rousse, elle ne sait pas. Entre ces murs le temps semblait inexistant, imperceptible. Aux Enfers, il n'y a de place que pour l'éternité...

La tête d’Enguerrand se redresse doucement pendant qu’un murmure incompréhensible sort de ses lèvres entrouvertes. Elle attend que ses yeux s’éveillent…

Il la regarde encore nimbé de brume.

Pardonne moi…

Ses mains s’agitent et découvrent dans un bruit métallique, la présence de la gangue de fer qui les emprisonne.

Ce n’est pas contre toi… c’est contre Lui. Je ne connais que son visage… je ne connais pas ses intentions… je ne veux pas qu’il se retourne contre toi… j’ai ton épée et ta bourse de cuir…


Elle essaie de s’expliquer tant bien que mal…


Si je t’avais prévenu, Il aurait su… je devais te trahir pour le prendre au dépourvu. C’est ici que commence ton combat. Je ne peux pas t'aider plus, même si j’aurai sacrifier beaucoup pour pouvoir le faire.


Elle réprime un tremblement…


T'aider... si seulement j'étais sûre que je t'aide... Ici tu peux le combattre et guérir.... ou je peux te perdre à jamais.
_________________
Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Réveil. Douleur.
Perdu. Désorienté. Ou était-il ?
Il devait tenter de reprendre contact avec la réalité. Tenter de récupérer les informations qui l’aideraient à se retrouver.

Goût.
Parfum âcre emplissant sa bouche. Sa langue était gonflée. Il pouvait sentir ce gout métallique si caractéristique du sang.
…Un combat.

Odorat.
Moisissure. Poussière. Humidité.
…Il était en sous sol…quelque part.

Toucher.
Adossé contre une surface froide et humide. Il était assis sur un sol meuble. Encore trop faible pour pouvoir se relever, il restait immobile, tournant par instant la tête d’un côté ou de l’autre.
…Les cellules.



Ouïe.
Un cliquetis se produisant à intervalles réguliers, semblant l’entourer, provenant de dextre et de senestre. Quelques raclements au loin. Le son de l’eau tombant dans une flaque. Il semblait seul en ces lieux. Non. Une respiration. Lente. Une voix maintenant. Paroles encore inaudibles, hachées. Quelques mots reconnus. Insuffisant pour en comprendre leur sens.
…Une présence.

Vision.
Devant lui un halo lumineux semblant lui percer les yeux par la vivacité de son éclat. Fermer les paupières. Tenter à nouveau d’apercevoir quelque chose. Douleur vrillant son crâne. Une silhouette. A quelques pas de lui.
…Cerridween.

Soudain, telle une tempête apparaissant en plein océan, la marée de rage et de fureur l’envahit à nouveau.
Il se souvenait.
Elle. Elle l’avait piégé. Femme traitresse. Il l’avait suivi, cet imbécile, lui qui lui faisait confiance. S’il avait écouté cette part de noirceur en lui, Il n’aurait pas été pris de la sorte. A cette heure, Il serait quelque part en la forteresse. Peut être même se délectant de ce sentiment si particulier qu’Il ressentait à chaque fois qu’Il voyait un corps tué de ses mains.
Oui. Voilà ce qu’Il aurait du faire. Si au moins Il avait eu le contrôle à ce moment là. Il aurait pu…

De colère, il tenta de se relever, essayant de poser ses mains au sol afin que de s’appuyer sur celui-ci. Résistance. Ce cliquetis à nouveau.
Et soudain, glaciale, la réponse lui vint, le jetant plus encore dans les profondeurs de Son âme.
Prisonnier. Elle l’avait fait prisonnier.
Elle paierait pour cela. Mille fois. Il lui ferait subir mille fois ce qu’elle lui avait fait.
Déjà le sentiment de vengeance se développant en lui le remplissait à nouveau de ce sentiment qu’il venait d’évoquer. La souffrance. Torture. Râle d’agonie. Suppliques.

Mais pour l’heure. Pour l’heure, il devrait se libérer.

Agitant les bras en tous sens, tirant d’un côté puis de l’autre, il tentait maintenant de se libérer de sa prison de fer lui enserrant les poignets. Ruant, se cambrant, éructant, il ne parvenait qu’à se fatiguer plus encore, sentant la résistance de ces solides bracelets construits pour résister à la furie la plus puissante qu’il soit.
Encore quelques minutes de rage.
Il n’y parviendrait pas ainsi.
Déjà ses bras endoloris le suppliaient d’arrêter. Ses chausses, tachées de terre humide, déchirées par les contorsions auxquelles il venait de s’adonner, n’étaient plus que l’ombre de ce qu’elles avaient été.
Il soufflait. Epuisé. Prêt, comme ces bêtes prises au piège, à se tuer plutôt qu’à se faire capturer vivantes.

Réfléchir. Il devait réfléchir. Canaliser cette force. Trouver la faille. Toute forteresse a son point faible. Il trouverait celui là.
Qu’avait elle dit. Rassembler ses esprits. Tenter de se souvenir de ces mots reconnus.
Respirer. Laisser la tempête s’en aller quelques instants.


Pardonne moi…c’est contre Lui…te trahir…T'aider...

Il sentait de la pitié dans ces mots. Ces mots qui le faisaient vomir de dégout. Voilà la clé. Le bélier qui emporterait l’imprenable porte. Plissant les yeux, la fixant de ce regard devenu noir, il l’observait. Elle avait peur. Elle tremblait. Voilà comment il devrait s’y prendre.
Un instant. Un seul. Faire revenir cette autre part de lui. Tenter manipulation qui saurait la faire faiblir. Et ensuite. Ensuite… Libérer à nouveau la Bête.

Baisser lentement la tête. Respirer. A quelque courte distance, se retirer. Laisser venir à nouveau cet autre lui. Lui saurait la contrôler. Lui saurait l’apitoyer.
Le regard se plissa, les yeux baissés sur ses jambes éraflées.
Se reculer. Là. Juste derrière lui. Prêt à bondir…


Il avait cédé la place. Il s’était à nouveau tapi dans un sombre recoin de son âme.
Pourquoi. Que voulait-Il. Jamais encore Il n’avait agi ainsi.
Relevant la tête, le cavalier fixa la silhouette agenouillée devant lui.
C’était bien elle. Cerridween. Son amie. Celle qui avait tout risqué pour le soutenir. Pour l’aider à Le tuer. Elle était blessée. Traces de Son courroux, il s’en souvenait désormais.
Tristesse. Déception. Qu’il meure ici. Maintenant. Expier tous ses pêchés. Et Les siens également.

Non. Il devait lutter. Pour tout ce en quoi il croyait. Tout ce qu’il avait fait. Tout ce qu’elle faisait pour lui.
Une larme, une seule, coula sur sa joue, traçant un sillon sur le mélange de sang et de poussière recouvrant son visage.
Larme de rage. Larme de tristesse. Larme d’amour.


Cerrid…Je…Ne reste pas là…Il n’est pas loin. Je le sens….Ferme cette porte et laisse moi mener ce combat. Il est bien trop dangereux et risquerait de nous tuer tous les deux.

Elle devait comprendre. Il le fallait. Qu’elle s’éloigne. Ce combat ne devait, ne pouvait être mené que par lui.

Tu as déjà tant fait. Tant de dangers encourus. Je ne veux. Je ne peux.

IMBECILE !
Il allait tout gâcher. Tout rater.
Il devait…reprendre…la place…repousser ce lâche en arrière…il devait…colère. Sang. Traitrise. Fureur.


Les yeux, un instants, se firent plus sombres, les traits se tirèrent, signes visibles du combat menée en son esprit. Puis, ce fut un sourire triste qui s’imposa sur le visage du cavalier. Le regard se fit suppliant. Implorant.
Il était immobile, bras ballants, retenus par les deux anneaux de fer.
Sa voix se fit hésitante, semblant à nouveau par instant se dédoubler, emplie d’une rage tout juste contrôlée afin qu’au mieux elle ressemble à celle que tous ici connaissaient.


Cerrid…aide moi…Je…J’ai MAL. Je…ces anneaux. Retire-les-moi, je t’en SUPPLIE. Je souffre. AIDE MOI. JE…approche toi…j’ai besoin de te sentir…j’ai besoin de TOI…AIDE MOI…

A nouveau la respiration s’était faite plus vive. Ses mains étaient agitées d’incontrôlables tressaillements. Ses yeux, tantôt noir tantôt ambre semblaient danser folle farandole.
Les deux parts habitants l’âme du Cavalier continuaient inlassablement à se livrer ce terrifiant combat, l’un ayant par sur l’autre, le second ne voulant voir son amie tomber dans ce piège, hurlant en silence, tentant mille et mille assauts afin de reprendre le contrôle.
Il était encore prisonnier. Sans danger autre que pour lui-même.
Mais si la jeune femme approchait…

_________________
Cerridween
Enguerrand s’agite à travers ses chaînes… essayant de sortir du carcan de métal qui emprisonne ses poignets et l’immobilise.
C’est de la haine qui secoue ses liens, une haine sourde, dévastatrice, de fauve emprisonné, luttant contre une cage qui a eu raison de sa force. Une prison qui rompt sa liberté. Qui dompte sa fougue destructrice.
L’Autre est donc là… l’accoutumance au pavot est bien avancée. La première fois que la rousse avait utilisé ce remède, le cavalier avait pu dormir sans rêve et avait été en paix pendant quelques jours. Là déjà, Il avait vaincu Morphée, ses limbes et son poison…

Simple Pivoine fragile luttant contre un vent destructeur qui semble vouloir arracher son corps enchaîné à la pierre.
Il n’a pas entendu sa requête, sa demande de miséricorde. Elle reste là à genou, les dents serrées et douloureuses, serrant les poings pour que ses mains ne tremblent pas de terreur, jusqu'à ce que ses ongles s'impriment dans ses paumes, pour que les larmes ne viennent pas. Elle a le cœur déchiré par les moments contraires, entre son sourire doux et Sa grimace cruelle, ce baiser donné et les coups pris, le sentiment d’amour sans condition et cette peur qui lui retourne les entrailles. Le cœur palpitant de douleur… au bord de la rupture.
Car il faut un courage certain pour rester là, à genou. Plus que du courage… une foi sans faille, un amour sans condition. Penser qu’il puisse le vaincre. Penser qu’elle peut là, dans la noirceur des bas fonds, réussir à croire qu’il trouvera la lumière… alors que l’Autre se cambre pour y rester.

Lentement son double intérieur se calme, cessant la lutte… lentement sa tête retombe, molle sur sa poitrine dont les soubresauts se font moins violents.
C’est bien ses yeux ambre qui se lèvent sur elle maintenant. Ces yeux qui la regardent avec peine et horreur. Machinalement elle touche sa tempe… enflée et poisseuse. Sa lèvre lorsqu’elle réprime un gémissement de douleur au toucher de sa blessure, lui rappelle elle aussi qu’elle est touchée. Il ne dit rien, la bouche entrouverte de stupeur, laissant courir son regard sur son visage tuméfié. A la lueur de la torche brille une goutte de tristesse qui trace un sillon de peine dans le sang et la poussière de la prison. Elle ne peut rompre le silence la rousse. Elle ne peut pas sans s’effondrer à cet instant. Souffrir est une chose. Une chose qu’elle sait, qu’elle a vécu, qu’elle vit. Mais voir souffrir un être cher, aimé, lui est toujours aussi viscéralement insupportable.

Cerrid…

Qu’il est doux ce nom quand il le prononce malgré la note sombre de douleur qui le pare.

Ne reste pas là…Il n’est pas loin. Je le sens….Ferme cette porte et laisse moi mener ce combat. Il est bien trop dangereux et risquerait de nous tuer tous les deux.

Elle sait qu’il faut qu’elle l’abandonne… elle le sait. Elle sait qu’il va lui falloir se lever et marcher vers cette porte sans se retourner. Qu’elle laisse derrière elle le combat qu’elle ne peut pas faire.
Elle ramasse l’épée d’Enguerrand et pose un pied au sol… partir. Maintenant. Tant qu’il est temps. Tant qu’elle le peut encore.


Tu as déjà tant fait. Tant de dangers encourus. Je ne veux. Je ne peux.

Elle est debout. Elle essaie de ne pas croiser son regard. Ne pas le voir en haillon, couvert de fange, à bout de nerf et de force. Si elle pouvait se regarder la rouquine, elle verrait qu’à cet instant elle aussi n’est que l’image d’elle-même. Elle marche, tel un fantôme, vers la porte. Mais il est trop dur de ne pas regarder…
Elle tourne sa tête vers lui… un mince sourire. Un regard à faire fondre les glaces du plus dur des sans âme. Une voix déchirée et suppliante.

Cerrid…aide moi…Je…J’ai MAL. Je…ces anneaux. Retire-les-moi, je t’en SUPPLIE. Je souffre. AIDE MOI. JE…approche toi…j’ai besoin de te sentir…j’ai besoin de TOI…AIDE MOI…

Lentement elle lui fait face…
La rousse fait marche arrière.
Lentement, ses pas se posent dans ses empreintes de départ.
Elle approche du gisant, qui la regarde du fond de l’âme, les bras sans vie…
Papillon de nuit, voletant dans ses ailes rouges, vers la lumière de sa détresse…

Saut du fauve.
Elle s’est arrêté quand il a bondit. A l’endroit précis où l’ont retenu ses chaînes.
Il est là, menaçant, les bras retenus en arrière par les gardes fou de métal, le visage menaçant à quelques centimètres du sien, prêt à mordre.
Il la regarde un instant, un instant surpris, avant que la rage n’emporte le peu d’or qui parait son iris.
Il ne pouvait avoir mal aux poignets. Elle avait pris la précaution de les protéger. Il ne pouvait pas lui demander de revenir, alors qu’il venait de la prier de fuir. Pas Enguerrand, pas l’homme qu’elle cherchait à sauver dans le sang et la douleur, celui pour qui l’honneur était plus que sa vie, et pour qui demander secours et pitié était insupportable.
Lui oui. Cet être torve, sans scrupule, rampant...

A la rousse de sourire, de ce sourire cruel, malgré les larmes qui descendent maintenant sur ses joues et sa main crispée sur la garde de l’épée. Sa voix susurre, violente, incisive, pleine de colère contenue, de mépris...


Habitue Toi à tes chaînes… elles ne sont que le début de ta fin…

Elle le toise un instant encore, plongeant le vert de ses émeraudes taillées à vif, troublées par l’eau de ses larmes, dans l’ombre de sa furie, les mains tremblantes de ne pouvoir utiliser la lame qu’elles enserrent pour le vider de son sang.
Puis lentement sans lâcher des yeux l’Autre qui hurle et tire sur ses geôlières, elle retourne à pas lent vers la porte qu’elle franchit.
Dernier regard et sa main prend attrape la poignée. L’huis se referme dans un grincement de gonds.

De la main, elle pousse le loquet qui cèle la cellule...
Elle a terminé son combat.
Détruite elle se laisse tomber à genou et pose sa tête et ses poings contre le bois de chêne.
Les épaules secouées de violents sanglots.
Murmure entrecoupé, pendant que le sel de ses larmes brûlent sa lèvre ouverte...


De profúndis clamávi ad te...Domine... Dómine, exáudi vocem meam... Fiant aures tuæ intendéntes in vocem deprecatiónis meæ...
_________________
Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Elle était revenue, apitoyée par celui qu'elle croyait connaitre.
Encore quelques pas et il pourrait tenter de se saisir d'elle. Attendre. Encore un instant. Lutter de toutes ses forces. Il n'aurait qu'une seule et unique chance. Ne pas gaspiller celle ci, ou risquer de finir en ces lieux. Car il avait compris ce qu'elle souhaitait faire. L'isoler. L'enfermer. Le rendre inoffensif pour les autres, ces frères et sœurs de l'Ordre, ces maudits chevaliers pétris de bonnes intentions et de sentiments si nobles. Rien que d'y songer, la nausée lui venait au bord des lèvres.
Un jour il pourra. Un jour il extirpera de leurs entrailles ces maudites valeurs chevaleresques que son double semblait tant apprécier.
Depuis quand l'honneur et la droiture rapportaient elles la moindre récompense? Qui n'a pas entendu sa victime gémir ne pouvait rien connaitre des plaisirs de la vie. Qui n'avait jamais tenu à sa merci une famille entière ne...


NOOOOoOooooooon!!!!
Il suffit! Assez! Non!
Pas...Celà...il devait...le faire fuir...le...
Imperceptible mouvement de recul de son torse, tandis que ses jambes semblaient fermement campées dans le sol.
Signe de la lutte à nouveau livrée.

Enfer!
Voilà maintenant l'autre qui revenait à la charge. A peu qu'il n'ait réussi à prendre le dessus. Il devrait se méfier à l'avenir. S'il voulait garder le contrôle, il devrait prendre soin de ne point trop se laisser aller à ses penchants, sous peine de voir l'équilibre se rompre et revenir son double.
Mais le regard de la rousse s'approchant de lui avait su lui redonner la force nécessaire pour enfermer à nouveau ce lâche, ce misérable. Ce maudit licorneux.
Ce regard, il l'observait à nouveau, de ses yeux noirs comme la nuit.
La voilà à portée désormais. Il n'y pouvait plus tenir.

Bondir.

MAINTENANT!

Pousser en avant, puis, sentir la douleur irradier dans ses bras, ceux ci comme arrachés de son corps alors que les chaines se tendaient.
Impatient. Il n'avait pu résister. Il aurait suffit d'un pas ou deux encore.
Vaine tentative, force et rage, le projetant en avant, comme si, par sa poussée, il pouvait parvenir à desceller ses chaines.
Hurlement. Sueur. Furie. Tel un démon retenu par invisible lien dans les entrailles de la terre, il tentait de s'échapper de sa prison de fer. Sans succès.

Provocation de l'errante décuplant encore sa furie. Ses pieds frottaient le sol, créant sillons dans la terre humide, manquant de le faire choir à chaque nouvel élan.
Il la sentait bouillir de rage. Il connaissait si bien ce sentiment là. Si seulement il pouvait réussir à accroitre encore sa colère. Nul doute qu'elle saurait se montrer allié de choix.
A deux, ils ne rencontreraient plus aucun obstacle.
A deux, ils seraient invincibles.
A deux...

Soudain, sans un mot de plus, elle fit demi tour. Porte close. Grincement du loquet glissant dans sa loge.
Il était prisonnier.
Seul.


Toute force ayant quitté son corps, il s'affala, chutant lourdement sur le sol, marqué des signes de sa lutte récente. L'écho du bruit de la porte refermée se mêla au cliquetis des chaines tombées à terre.
La rage, repue de ces instants de fureur s'en était retournée, accompagnée de l'Autre, cette bête immonde ne demandant que tuerie et souffrance.
Cette bête qui était partie de lui.
Cette bête qui était née. Là bas. Il y a si longtemps maintenant. Et qu'il avait cru à tord avoir maitrisée en ce temps lointain.
Revenue depuis Vendôme, elle n'avait eu de cesse de prendre force et acquérir témérité, jusqu'à parvenir par instants à le maitriser, marionnette de cette arme intérieure, pantin dirigé vers un seul but, une seule obsession. Faire souffrir. Se venger.

Au début.
Au début, il avait justifié Sa présence, cette soif de revanche, par la perte des êtres chers assassinés en ce funeste matin. Sa femme. Ses enfants. Ses amis.
Puis, nourrie de meurtres et de haine, elle avait grandie, enfant de prime turbulent, devenant petit à petit indépendant et audacieux pour enfin réussir à s'émanciper de son créateur, vivant sa propre vie, aspirant à son propre destin.

Seul.
Il était épuisé. Il avait froid.
Peur? Probablement.
Il entendait des sanglots provenant de l'autre côté de la porte. Quelques murmures.
Était-elle donc restée là, tapie dans l'obscurité, séparée de sa rage par ces quelques pouces de bois.
Guettant l'oreille, il lui semblait discerner quelques mots. Du latin, visiblement. Perception trop parcellaire pour y comprendre goutte.

Sa mâchoire le dolait. Ses lèvres étaient desséchées. Un gout métallique avait envahi sa bouche, trace de la furie qui l'avait submergée.
Un raclement de gorge. Tout juste un fantôme de voix se fit soudain entendre de la part du cavalier.


Cerrid...Je...Je te sais là...J'ai froid...Je sais que tu fais cela pour moi. Pour mon bien. Je comprends ton geste. Mai...mais Il est là. Tapi. Il me guette. Je le sens...Je...Je ne sais comment le vaincre...Aide moi...Je t'en supplie...Aide moi...

Allongé sur le sol, il gisait, immobile, la tête seulement légèrement soulevée, tendue vers ce rectangle de bois, signe de sa possible délivrance, témoin de sa présente captivité
Une douleur, soudain, vrilla son crâne, tout proche d'éclater sous la force de la souffrance. Il était revenu.
Il...il n'était jamais parti...


Oui. Bien. Brave soldat. Apitoie la. C'est bien. Continue ainsi. Et je te libèrerai. Un instant. Tu seras libre. Juste le temps pour la voir mourir. De tes propres mains. Sous tes propres yeux.
_________________
Cerridween
Cerrid...Je...Je te sais là...

Ses lèvres arrêtent de murmurer leur mélopée. Ses doigts se déplient et ses mains se posent sur le bois de la porte. Elle relève la tête. Elle semble le fixer à travers les nœuds du cœur de chêne qui la constitue.
Oui je suis là…
Comme toujours…
Comme jamais…


J'ai froid...

Son corps réprime un frisson pendant que les larmes se tarissent sur ses joues. L’air glacial ne l’atteint pas seulement elle. La fatigue qui lui glace les os non plus. Il est là derrière, souffrant, frigorifié, les doigts sûrement aussi transis que les siens, le corps au contact du métal aussi chaud que neige.
Frisson de culpabilité.
Frisson d’angoisse.
Ses mains se caressent doucement le bois de la porte, avant de tomber sans vie sur ses genoux.
Sa tête reste collée aux rainures, lourde.
Fermer les yeux….
Ne pas entendre… ne pas entendre les voix des sirènes qui l’appellent vers les fonds de ce cachot.


Je sais que tu fais cela pour moi. Pour mon bien. Je comprends ton geste.

Une larme encore… qui s’attarde sur sa joue. Pourquoi cette phrase, ces mots ne la réchauffe pas, même un peu… est-ce l’Autre encore qui essaie de la ramener dans ses filets…
Il comprend. Peut-être pas la profondeur du sacrifice qui la maintient ici… elle joue tout dans la boue, les larmes et le sacrifice. Comme un certain jour de janvier. Dans le froid. Dans le sang. Dans la douleur. Mais elle ne veut pas non, pas revivre encore et encore, ce coup de hache qui la hante tant, sonnant sur les vertèbres de son frère comme l’odieux craquement de sa défaillance, de son échec. De sa défaite. Elle ne veut plus perdre. Plus perdre un être cher. Plus souffrir d’un manque aussi grand, aussi dévastateur.
Ne plus souffrir…
Douce ironie…


Mai...mais Il est là. Tapi. Il me guette. Je le sens...Je...Je ne sais comment le vaincre...

Les doigts se referment sur ses paumes meurtries et se replongent dans les sillons déjà labourés par ses ongles. Ses lèvres tremblent, annonçant la pluie…
Tu n’as pas le droit.
Tu n’as pas le droit de douter. Tu n’as pas le droit… Tu n’as pas le droit d’abandonner. Tu n’as pas le droit de cesser de te battre. Tu n’as pas le droit de me laisser seule. Pas toute seule dans les ténèbres que j’affronte pour toi.
Il a mal, il a peur, Pivoine…
Il n’a plus de pavot pour les refouler ses terreurs et ses doutes.
Tiens encore… il faut que le poison évacue ses veines. Il faut qu’il se purge de ses noires humeurs, de ses fantômes… il va te tenter, Pivoine. Il va sûrement te détester, hurler, prier, menacer.
Rappelle toi que tu n’as pas le choix… tu ne l’as jamais eu…


Aide moi...Je t'en supplie...Aide moi...

Elle est là la prière… déchirante de peine et de désespoir. Elle vient de faire vibrer le cœur de la rousse comme un coup sur la peau d’un tambour, résonnant dans ses propres peurs, ses propres blessures, ses propres souffrances.
Elle veut courir ouvrir cette porte, la faire voler en éclat, le prendre dans ses bras, poser sa bouche sur la sienne, lui tirer cet Autre, l’extirper et le fouler au talon comme un ver difforme.
Impuissance.
Impuissance et déchirement.

Un cri.
Tête en arrière et bouche ouverte.
Un cri de douleur et de désespoir.
Poings serrés à les détruire.
C’est la seule chose qu’elle arrive à faire à cet instant.
Un cri déchirant qui vient répercuter sa peine sur les pierres humides de la prison.

Haletante….
La poitrine qui se soulève et les yeux hagards…
Libérée un peu…
Un peu…


Je ne peux entrer…

Enfin elle arrive à articuler... peu importe s'il n'entend pas. Ses paroles sont plus un réconfort pour elle dans le silence oppressant des geoles et dans le manque total d'échappatoire.

Sa respiration se calme, son sang lentement arrête de lui détruire les tempes.


Je ne peux pas… je ne dois pas…

Larmes, larmes, pluie silencieuse, qui s’épand sur la terre blême de sa peau…

Je ne peux pas te détacher… je ne peux pas t’aider… Je peux juste être une lumière, un appui… mais je ne peux pas t’aider…

Trouver une échappatoire… avant de faillir… avant qu’il s’épuise…

Je vais chercher de quoi te couvrir… de quoi te désaltérer et de quoi manger… je ne peux… je ne peux pas faire plus…

Elle se lève la Pivoine abîmée.


Je serai là bientôt…

Elle court la Pivoine… elle essaie tout du moins… titubante, la capuche rabattue, ombre d’elle-même.
Elle ne veut plus rien entendre pour l’instant…
Elle fuit oui…
Elle fuit…
Car sans fuite, cette fois, elle perdra…

_________________
Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Il l'entendait pleurer. Là, à quelques pas de lui, tout juste séparés par cette porte de bois. Des sanglots retenus, tout justes perceptibles.
Soudain, un cri. Hurlement. De rage? De terreur?

Oui...voilà qui est parfait...parfait. La colère. La colère montait en elle. Oui. Je la sens. Je peux la percevoir, poisseuse, envahissant les lieux. Encore quelques instants et elle tenterait quelque chose. Peut être oserait elle pénétrer dans la cellule. Et là, il pourrait avoir une deuxième chance. Il saurait résister cette fois ci. Attendre. Quelques pouces de plus. Avant de bondir.

Ce cri lui avait glacé le sang.
Ce cri, évacuant la tension accumulée résonnait encore en les murs des geôles de la forteresse, prisonnier lui aussi à jamais, retenu pour l'éternité par les pierres ancestrales.

Elle parlait maintenant.
Allongé sur le sol, il tenta de se calmer quelque peu afin de discerner les paroles prononcées. Respiration encore haletante, son de la voix de la jeune femme assourdi par le bois les séparant.


Je ne peux entrer…

A nouveau ce duel intérieur. Partie de lui se rassurait de la savoir à l'abri, sans désir de venir à nouveau affronter celui qu'il était devenu, tandis que l'Autre enrageait, tempêtant de voir sa proie lui échapper.
Son corps était par instant parcourus de tressaillements involontaires. Sa bouche devenait de plus en plus sèche, tandis que sa vision se troublait.

Un mot, terrible, vint se graver en l'esprit du cavalier, faisant pour un instant stopper le conflit qui l'animait.

Manque.

Frayeur. Angoisse.
Plusieurs fois déjà il avait ressenti cet état. Instinctivement, sa main dextre se dirigea vers sa ceinture, forçant sur les chaines l'emprisonnant.
Vide.
Elle lui avait retiré sa bourse.
Il n'était plus nul secours possible.

CATIN! Traitresse! Tu m'as trahis. Emprisonné pour me chasser. Pour me faire souffrir. Je te le ferai payer. Au centuple. Je...

Violente douleur enserrant se poitrine, manquant de lui faire perdre conscience.
La colère et l'épuisement avaient encore accentué la vitesse d'apparition de ce manque. Ce pavot dont il avait tant besoin.
Avait il parlé? Avait il pensé si fort ces mots là qu'ils s'étaient gravés en son esprit de façon aussi violente?
Etait elle encore là?

Mais déjà ses sens fuyaient la réalité, emportés par les affres de sa dépendance.
Lentement. Peu à peu, il perdit pied avec le présent, s'enfonçant dans un état de semi torpeur, hanté par ses souvenirs du passé revenus en son esprit.

Il était seul.
Il avait peur.

_________________
Cerridween
[Après l’orage …]

Le trajet inverse s’était fait sans bruit…
La rousse se faufile encore une fois dans l’ombre à pas rapides. René suit. Elle n’a pas besoin de se retourner. Elle sent la présence de la grande silhouette du tavernier, proche, elle peut sentir ses pas de géant sur le sol. Elle frissonne. Du ciel toujours sombre, toujours occupé par l’astre lunaire qui a encore changé sa place, commencent à tomber de minuscules flocons de neige, les premiers de cet hiver. Elle aurait aimé s’arrêter. Rester immobile dans l’air froid. Lever sa tête vers le firmament étoilé. Sentir les flocons se poser sur la peau de son visage. Rire. Sourire. Comme la première fois où elle avait vu de la neige et où elle était restée immobile dehors, regardant avec des yeux enfantins, la campagne se couvrir d’un épais manteau poudreux. L’insouciance…
La rousse continue à longer le mur jusqu’à la porte du donjon. Elle regarde avec crainte la porte, gueule ouverte et noire par laquelle ils vont s’engouffrer. Porte de Dante, qui la contemple. Elle la franchit les dents serrées. Bientôt au détour d’un couloir l’escalier à vis qui descend vers les profondeurs. Un regard vers René et elle descend les marches. Ne pas tomber, ne pas faiblir, ne pas s’éteindre…

Son pied touche le sol en terre battue de la prison. Elle avance de quelques pas et elle s’arrête devant la porte. Sa main se lève lentement vers le verrou. Et s’arrête. Elle se retourne vers René qui attend toujours les sacs sur son épaule. Elle le regarde la rousse, un instant… Son regard sombre ne cille pas, elle ne lit rien, ni stupéfaction, ni remontrance, ni pitié. Elle doit lui dire. Avant. Avant qu’il n’entre. Avant qu’il ne se rende compte.


Vous allez voir ici Enguerrand de Lazare, ancien Connétable de France. Vous allez le voir enchaîné. Vous allez le voir épuisé. Vous allez le voir… différent.


Elle vient d’ouvrir les valves de ces mots retenus trop longtemps par le sceau du secret. La chape de plomb s’envole, éclate en mille morceaux et les aveux coulent, murmures, de la bouche de la rouquine qui ne s’arrête plus.

Il a été blessé à Vendôme. Il est venu me voir suite à cette bataille… il en a gardé de graves séquelles. Au début, ce n’était que des visions, des visions de son passé en Orient, de sa femme et de ses enfants, de leur assassinat. J’avais déjà fait les frais de l’une d’entre elle lors de notre première entrevue quand il m’a avoué son mal et m’a supplié d’y trouver remède. Il m’a prit pour un des orientaux qui avaient attenté à sa vie et a failli me tuer. Je m’en suis sortie, un peu violemment… il m’a fait jurer lorsqu’il est redevenu lui-même de n’en parler à personne, de garder ce secret si violent et douloureux. Je n’ai trouvé que le pavot à cet instant pour soulager sa peine… Cela ne l’a soulagé qu’un temps.

Elle baisse la tête… admettre sa défaire. Allons. Admets que tu t’es trompée, Pivoine. Et lève donc tes yeux, coupable, lève donc tes yeux.
Les mots sortent, plus hachés, plus douloureux…


Il a prit le pavot comme échappatoire. De plus en plus souvent dans cette petite bourse de cuir qui pendait en tout temps et toute heure à sa ceinture. Et il a encore changé. Des visions, est apparu un autre, un autre Enguerrand. Une brute, un démon qui prend possession lui. La dernière apparition, la plus violente, était ce soir. Je l’ai… je l’ai attiré ici. Je lui ai plaqué une éponge au pavot sur la bouche pendant que son Autre, apparu, se débattait violemment. Je lui ai ensuite enlevé tous les objets avec lesquels il pourrait se blesser. Je lui ai bandé les poignets. Je l’ai enchaîné. Et il gît là…

Sa main qui montrait la porte de la cellule retombe près de son corps, assommée par la fatalité qu’elle révèle. Elle regarde René une dernière fois…

Je ne demande pas la rédemption. Non… Je vous demande juste une faveur… une seule… De vous taire le temps que le poison quitte ses veines. Le temps qu’il soit de nouveau lui-même. Ensuite allez voir le Grand Maistre. Portez l’affaire devant le haut conseil. Servez de témoin devant la Cour des Licornes réunies. Mais laissez moi essayer de le sauver… je vous en prie…

Amen, Jolie Fleur. Tu as bu jusqu’à la lie ton absurdité. Tu es allée aux bouts de tes forces, au bout de ton cœur et au bout de ta jolie vertu. Mais ce n’est pas fini Pivoine, non. Ce n’est pas fini.
Maintenant expie donc ce que tu dois. Finis ce que tu as commencé.
Elle n’attend pas de réponse. S’il entre, il accepte. S’il refuse, il s’en ira. Elle ne veut pas savoir à cet instant. Sa main se porte définitivement sur le verrou, qu’elle pousse. Elle ouvre ensuite la lourde porte de la cellule qui dévoile une faible lumière. Elle entre lentement, anxieuse.

Il est là.
Allongé et prisonnier de ses chaînes. Les cheveux défaits, collant à ses tempes piquetées de sueurs. Le teint pâle comme la mort. Les vêtements tâchés de boue et déchirés. Son entrée a provoqué un faible bruit de métal qui s’agite. Elle se met devant lui à distance respectable, les mains croisées devant elle, serrées à les rendre plus douloureuses encore.


Enguerrand…

_________________
Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Sons provenant de l'extérieur. De l'autre monde.
Par delà le panneau de bois.
Grincements de gonds ou invention de son esprit perturbé.
Bruits de pas ou simples raclements de quelque animal des profondeurs. Combien de temps était il resté là, allongé sur le sol de sa geôle. Une journée? Une semaine? Le temps d'un battement de paupière?
Avait il rêvé? Avait il faim? Autant de questions qui ne pouvaient, en cet instant, offrir de réponses à ce qu'il était.
Il avait froid. Son corps, couvert de cette glaciale sueur, tremblait sans répit.
Sa tête le dolait. Ses mains étaient agitées de soubresauts qui, en d'autre temps, d'autre lieux, auraient presque pu paraitre comiques pour un observateur extérieur.

Cette douleur. Cette terrible et pourtant si familière douleur. A croire que le manque, déchainé, le faisait souffrir en ce moment tout ce qui lui avait été épargné par le pavot absorbé. Juste retour des choses dans l'équilibre de l'univers. Ironie de ce capricieux destin qui, pour l'avoir épargné quelque temps, lui faisait souffrir mille morts, bien plus que tout ce qu'il aurait pu éprouver, tombant sur un quelconque de ces champs de bataille traversé.
Comment parviendrait il à surmonter cette nouvelle épreuve. En aurait il la force. La simple volonté. Pour quoi. Pour qui. Inutiles questions posées par le cavalier, lui si solidement attaché, isolé, enfermé sous terre comme n'importe quel prisonnier.
Comme avant. Là bas.
Et comment, s'il n'avait pas cette volonté de lutter, comment aurait il pu faire pour rompre ses liens, briser cette porte, quitter cette forteresse. Et ce n'était certainement pas la rousse qui lui apporterait son poison salvateur. La rousse. Cerrid...

Tais toi, idiot! Tais toi! Et écoute!

Comment pouvait il se laisser ainsi mener. Comment l'Autre avait il pu prendre telle ascendant sur son âme.
Fatigue, douleur, désespoir, dépendance. Tout cela peut être pouvait expliquer cette situation. Et tant d'autre choses encore.

SILENCE!

La Voix l'avait pétrifié, immobilisé par la peur, submergé par cet élan de colère rouge comme le sang qu'elle voulait répandre.
Une voix.
Il percevait une voix. Lui était elle adressé. Comment le savoir. Quelques bribes, à nouveau, lui parvenaient. On parlait de lui. Elle parlait de lui.
Elle n'était pas seule.

Traitrise! La catin a amené de l'aide. Qu'importe, ils mourront tout de même. Maintenant ou plus tard. Mais ils mourront.

ASSEZ!
Ultime soubresaut de sa conscience affaiblie.
Le loquet coulissa, la porte s'ouvrant quelques instants plus tard, apportant souffle d'air vicié et pâle halo venant des torches incandescentes.
Face contre terre, il avait redressé son visage, apercevant la silhouette se découpant dans l'ouverture et qui, maintenant, s'approchait de lui.
Esquisse d'un mouvement de la part du licorneux avant que la douleur à nouveau ne le paralyse brutalement.

Voilà....Sage....bon petit chevalier. Brave héros.
Ne bouge plus, imbécile. Ne bouge plus ou tu pourrais en mourir. Encore quelques pas. Là. voilà. Tu vois, elle s'est rapprochée. Avec un peu de chance nous pourrions attraper sa cheville.


Mouvement dans l'encadrement de la porte, obstruant un instant la lumière éclairant la cellule. Une silhouette. Imposante. Massive. Ainsi donc elle était venue avec soutien.

Enfer! Jamais nous ne pourrons venir à bout de ces deux là. Gagner du temps. Gagner du temps et saisir l'occasion. Observer. Attendre. Parle, imbécile! Parle!

Douleur à nouveau, labourant son flanc senestre. Sa vision troublée tentait vainement de se fixer sur le visage de la jeune femme. Observer ses traits. Serait ce de la peur? De la colère? Ou...de la tristesse? Ainsi donc voilà l'image qu'il lui renvoyait. Tristesse. Pitié. Lui!


Cerrid...Laisse...moi...Referme cette porte...A jamais je dois rester enfermer en cette prison, oubliés de tous. Oubliés...de...toi...Laisse...moi! Laisse...haaaaaa...

Cri de désespoir et de souffrance. A nouveau, l'Autre venait de se venger, le punissant dès qu'il quittait la voie qu'Il lui avait tracée. Se rattachant aux prunelles sinoples de la jeune femme, il tentait de résister encore quelques instants. Ne pas Le laisser reprendre une fois encore le dessus. Ne pas...

J'ai faim, maudi...Cerrid. J'ai faim! Et soif. Voudrais tu me voir ici crever gueule ouverte comme le dernier des condamnés. Tu m'as perdu. Rachète toi!

La voix s'était faite forte. Assurée. Menaçante. Celle de l'Autre. Si puissante alors que lui était si faible....si faible...
_________________
Kékidi!
Il a suivi. La traversée des deux cours avait été rapide, en silence. Comme s'ils étaient un commando inconnu en ces murs. Deux conspirateurs. Deux espions, peut-être.

Même si la rousse mène, René a toujours le jeu en main. Il sait qu'elle ne peut se retourner contre lui. Pas un chevalier, pas elle, pas comme ça. Il a été profondément troublé par la scène dans la taverne, et tente de se repeindre un visage impassible, impavide et impatient. Cette femme le remue. Il ne peut le nier. Et ce n'est pas forcément les meilleurs souvenirs qui lui remontent à l'esprit, à la cotoyer. Dieu, comme il est étrange que le désir puisse s'accompagner de tant de lie...

L'une des premières fois qu'il pénètre dans le donjon. Il s'imprègne rapidement, cherchant des signes qui pourront lui permettre de revenir. Y parvient-il? Cela, même lui ne le sait pas. Tout dépendra des circonstances de la prochaine visite. La bocca di leone* s'est ouverte sur eux, et ils descendent, au plus profond. Là où les pièces n'ont pas de paupières. Il arrive enfin dans les cellules, ce qui n'a rien de sympathique pour lui. Les cellules de Ryes n'ont rien d'accueillantes. Ryes étant construite à proximité d'une petite rivière, les infiltrations d'eau dans le sol ont créées de nombreux passages dans la roche qui constitue la couche dure de Ryes. Ils n'en sont qu'au sommet, bien entendu. Et qui sait si quelqu'un descendra un jour au plus profond? Les cellules ne sont que de grossières dégrossissures dans les parois de roche. Pas de fenêtres. Pas de lumière. Hormis une torche, à un bout du couloir. Pas de porte en bois: avec l'humidité stagnante, elles pourraient pourir. On leur a ajouté alors une large structure métallique, pour les maintenir debout. Structure métallique qui pare tout : les coups, comme les bruits...

René ne s'aventure pas à regarder par les petits oeilletons. Il ne sait que trop bien ce qu'il peut y trouver. Quiconque sait que l'endroit faisait partie de l'antique ensemble de jeu du Destructeur n'a que trop peur de voir ce qui pouvait advenir des ennemis de l'Ordre...
Paradoxalement, les cellules sont toutes agrémentées d'un banc. Signe de faiblesse, peut être, ou impression de restant d'humanité. René avance, à la suite de la rousse, toujours plus loin, toujours plus profond. Il s'enfonce dans les tréfonds de la Citadelle, dans ce qu'elle a de moins beau à montrer. Oh, dire de Ryes qu'elle était belle ne serait qu'une vaste plaisanterie. Mais la porte du donjon, à elle seule, vaut bien mieux que ce cul-de-basse-fosse.

Ils s'arrêtent enfin. Il écoute le compte-rendu de l'Errante. Il est très étonné. A la fois d'avoir entendu qu'il y avait l'un des personnages les plus importants de France enfermés là, mais peut être encore plus de voir qu'il avait senti juste.
La rousse dissimulait bien quelqu'un... Quelqu'un qui l'avait mise à mal. Comment as-tu fais, René? Comment as-tu compris? Est-ce le "ma", cet instinct du guerrier qui ne te quitte jamais, qui fait percevoir aux hommes les intentions des advenants? Est-ce le hasard? Est-ce la chance? Tu n'en sais rien. Et tu n'épilogueras pas dessus.
L'Errante n'est pas en état de revivre quoi que ce soit. Elle aussi doit manger et dormir. C'est ce qui compte. Il ne voit que cela, René.

Il a vu la scène. Il l'a vue, s'abaisser devant un homme, un homme qui n'est pas lui-même. Impressionnant, comment un homme respecté, commandant des armées entières, peut devenir un simple gueux dépenaillé et hirsute, dans de telles circonstances. Il est peiné. Presque attristé. Mais cette vue le raffermit, et il sait qu'il ne flanchera pas. Le plus important: définir quand l'Autre est là. Ce ne sera peut être pas difficile, mais une étape nécessaire.
Il a attendu, à l'extérieur. Restant volontairement le plus possible en dehors du regard de l'ancien connétable de France. Evaluant les possibles. Des gouttes tombent, sur le sol, derrière lui.

Plic. Ploc. Plic. Ploc. Plic. Ploc.

Quand il est sûr, il se prépare à parler. Il ne s'adresse pas à la loque étendue là. Il regarde l'Errante, et cherche ses mots. Il finit par prendre la parole.


- " Vous n'avez aucune demande à me faire, Errante. Je suis à certains regards l'Intendant de la Citadelle, et n'ai nulle demande à recevoir de vous.

...

Depuis combien de temps est-il là?

...

Bien. Sortez de cette cellule, ne lui parlez pas, ne vous approchez pas. Vous allez commencer par manger, boire, et dormir.

...

C'est un ORDRE, Chevalier. C'est peut être le seul que je puisse vous donner, à contrario. Une couverture, et les vivres. Mangez à satiété. Vous savez que je lui donnerais le reste. "


Il la regarde s'exécuter, sortir de la cellule. Il veut être sûr qu'elle se repose. Alors, seulement, commencera le Combat. Pas avant. Il ferme la cellule derrière elle. Enguerrand retourne au noir, et à la solitude. Pas pour longtemps. Mais suffisamment pour que la Rousse, qu'il ne sent pas du tout indifférente, puisse se remplumer.
Ca le blesse, René. Il aurait préféré que les sentiments soient uniquement pour lui, et personne d'autre. Il aurait besoin d'être aimé, René. Il aurait besoin... Et l'admettrait-il? Ferait-il en sorte, dans ce temple de l'éphémère de la chevalerie, de prendre une place, quelle qu'elle soit? Voudrait-il devenir quelqu'un, pour eux? Mais ces regards entre la rousse et la loque, à ses pieds, le blessent. Son coeur est mordu, lacéré de coups de dents violents portés par son propre esprit. Il baisse les yeux. Aurait-il les yeux humides? Qui pourrait le savoir, dans cette pénombre? Et à quoi t'attendais-tu, vieille baderne? A des lettres d'amour? Vieux con... Tu espères trop. De beaucoup trop de gens.

Mais tant mieux. S'il doit affronter un "Multiple", la colère ne sera pas de trop. Il s'adosse à la porte, de tout son poids dessus, et observe l'Errante s'exécuter.

_________________
"Un tavernier sachant tavernir doit savoir tavernir sans sa serveuse, nan?"

René Dangieu, à vot' service. Mais on m'appelle "Kékidi" aussi. 'Jamais compris pourquoi, d'ailleurs...Hein? Kékidi?
Cerridween
J'ai faim, maudi...Cerrid. J'ai faim! Et soif. Voudrais tu me voir ici crever gueule ouverte comme le dernier des condamnés. Tu m'as perdu. Rachète toi!

Elle n'a pas bougé la rouquine. Mais la phrase a claqué comme un coup de poing violent qui l'aurait fait reculé de plusieurs mètres si elle n'était pas là, debout, à s'accrocher à ses mains. Le silence s'installe pendant que la rousse essaie de se remettre de l'attaque, essayant de ne pas vaciller. Touchée, Pivoine. Au plus profond de ta culpabilité qui t'attend là, tapie au tournant, pour venir lui écorcher la conscience. Elle le regarde, hagarde, et même si une partie d'elle même entend l'Autre dans ces mots, l'autre grinçante, lui rappelle qu'elle ne peut être sûre, la belle en guenilles, tellement fatiguée qu'elle en trébuche... le voir crever la bouche ouverte. Non pas lui. Bien pour ça qu'elle se met en danger, la rouquine, qu'elle essaie de soulever ciel et terre avec sa simple échine qui à cet instant menace de se rompre en deux. Elle n'avait pas la force. Elle n'avait pas la carrure...

La voix de René retentit dans la cellule et vient la tirer de son état de statue de sel.


Vous n'avez aucune demande à me faire, Errante. Je suis à certains regards l'Intendant de la Citadelle, et n'ai nulle demande à recevoir de vous.

Je le sais René... c'était une supplique, une prière et si j'étais sûre de pouvoir me relever, je te l'aurai faite à genoux. Elle reste là la rouquine, toujours immobile au milieu de cette cellule dont elle sent les murs se rapprocher comme s'ils voulaient l'étouffer, l'emprisonner et la plonger dans les ténèbres.

Puis l'ordre claque.
Pas violent non. Mais impératif. Sans appel.


Bien. Sortez de cette cellule, ne lui parlez pas, ne vous approchez pas. Vous allez commencer par manger, boire, et dormir.
C'est un ORDRE, Chevalier. C'est peut être le seul que je puisse vous donner, à contrario. Une couverture, et les vivres. Mangez à satiété. Vous savez que je lui donnerais le reste.


La rousse déambule, funambule sur un fil imaginaire tracé dans la fange de la cellule, vers la porte et la sortie. Pas un regard et pas un mot, fantôme. Elle est plus maitre de rien, de personne, même de sa pauvre carcasse qui tient encore, marionnette désarticulée dont on a déjà coupé les fils des bras, pendant de part et d'autre de son corps,vouté, alors qu'un apprenti saltimbanque lui fait maladroitement lever un à un ses genoux, quand ses pieds eux à la bourre trainent sur le sol boueux. Pas un regard, pas un mot, ni au Cavalier, ni au tavernier. Elle sort, corps automate et sent derrière elle la lourde porte qui se ferme dans un grincement de verrou.
Elle reste là debout, attendant un instant, sans plus de vie, que la faible brume qui sort de ses lèvres dans le froid des bas fonds.
Elle entend le corps de René qui s'appuie de tout son poids sur la porte et qui attend.

Il a les cartes en main. Il peut tout faire ici sans qu'elle puisse faire un pas, un geste... mais il ne sait pas René ce qu'il y a dans le noir. Il n'a vu qu'un corps allongé, meurtri, loqueteux. Il n'a vu que des paroles acerbes à en baffer le propriétaire. Il ne sait pas la force qui se trouve là bas.


Chevalier, on pose son derrière et on graille...

La rousse fait volte face, pas par pas. Lentement son corps s'affaisse.... elle descend la rouquine lentement, chute silencieuse, sur le banc contre le mur. Fin du chute dans un petit cliquetis de chaines qui attachent le banc et viennent de se rebeller sous son poids.
René vient poser les sac près d'elle avant de reprendre sa place de vigie près de la porte.


Il mangera quand vous aurez mangé.

Lentement la rousse ouvre le sac et plonge sa main tremblante dans la gueule qui s'ouvre. Elle tâtonne et elle trouve. Le pain. La viande. Un fruit séché. Un couteau. Elle coupe une tranche de pain et un bout de viande qu'elle mastique avec difficulté, la lèvre et la mâchoire encore douloureuses. René ne dit rien. Elle s'exécute petits bouts par petits bouts... vient le tour du fruit séché, au goût une pomme, qui lentement, rejoint son estomac déjà comblé. Qu'il ne lui demande pas d'en avaler plus, au risque d'en avoir la nausée.
Elle reste assise, sans rien dire et lève ses yeux verts René.


Un coup d'eau de vie Chevalier, avant de dormir.

La rousse farfouille dans le grand sac jusqu'à que sa main sente le contact froid du verre d'une bouteille. Débouchée avec difficulté avant d'en boire une grande rasade qui vient arracher la bouche et lui brûler la gorge. Pas longtemps avant que ça lui brouille la vue tant la fatigue est grande.

René se détache de la porte et s'approche du banc en sortant une couverture. La rousse profite de ce temps pour se défaire de sa besace et de chercher in extremis la clef de la cellule qu'elle cache dans un repli de sa cape. Un geste de René pour qu'elle s'allonge. Elle s'exécute, laissant tomber sa tête encapuchonnée sur le bois du banc, laissant glisser la clef près dans sa main gauche, celle qui sera sous elle. Encore une clef. Encore une clef qu'elle doit garder en silence. Encore une qui la brûle, cette fois, ne se balançant plus à son cou, mais là, emprisonnée dans le creux de sa main. Le poids de la couverture se fait sentir sur son corps à demi allongé son lit de fortune. La rousse lutte un instant, entre limbes et vapeurs d'alcool... La chaleur s'installe, l'enveloppant dans cette torpeur qui la gagne. René est là près d'elle. Un instant sa main dextre sort de sa protection de laine et attrape dans un dernier sursaut la main du tavernier.
Papillonnement de paupières qui se font d'une lourdeur de plomb.
Lèvres entrouvertes qui n'arrivent pas à dire...
Sa main se fait molle dans la main de René, avant d'y rester sans vie, emportée par une lame de fond de sommeil...

_________________
Cerridween de Vergy
"Pourquoi faire simple, quand on peut faire chier le monde" (Cerrid by Bralic)
Enguerrand_de_lazare
Sensation de victoire traversant l'esprit du cavalier, occupé désormais en totalité par son Alter ego. Ce cri, cette menace, avaient fait leur effet. Il l'avait vue, cette maudite femelle. Il l'avait vue lutter férocement contre son accusation. Certes, elle était forte. Certes elle ne voulait en rien montrer qu'il l'avait touchée. Mais il le savait. Son autre partie, qui la connaissait si bien l'avait sentie, elle aussi.
Précieuses informations données par celui-là.
Encore un effort. Quelques traits habillement décochés, et il pourrait la mettre à sa portée.
Allait il lui sauter à nouveau dessus. Aurait il la force de la tenir captive entre ses bras. A moins qu'il ne choisisse simplement de lui rompre le cou, d'un mouvement sec et violent.
Il en était là de ses pensées, savourant à l'avance la souffrance à venir quand une voix éclata dans le dos de la jeune femme.

NOOON! QUI venait de parler. QUI osait!

La silhouette. L'aide qu'elle avait apportée avec elle. Qu'il périsse en enfer! Qu'ils périssent tous deux! Mais déjà la jeune femme s'était retournée, attirée, aspirée par les paroles prononcées.


SILENCE IMBECILE! TAIS TOI! MISERABLE!

Avait il parlé? Avait il hurlé? Ou bien ces paroles pensées avaient elles été si fortes qu'elles avaient manqué lui faire éclater le crâne.

Reviens catin! Reviens vers moi! Ne l'écoute pas!
Et toi pauvre licorneux de merde, parle lui. Je te laisse la place un instant. Viens. Et apitoies la. Tu sais si bien le faire.


La jeune femme déjà avait atteint l'encadrement de la porte. Dans quelques secondes elle serait sortie. Dans quelques secondes, il le savait, sa prison se refermerait à nouveau sur lui. Il devait saisir cette chance, unique occasion de quitter ces lieux désolés.

VITE! PANTIN! VITE!


Mouvement brutal, soubresauts animant tout le corps du cavalier. Élancement douloureux venant de ces poignets meurtris par la colère et les mouvements de violence.

Non! Non. Jamais...jamais je ne ...t'aiderai plus...je préfère encore en...mourir...

Recul de ce corps souffrant, l'homme tentant de s'éloigner le plus possible de la porte, mettant autant de distance qu'il le pouvait entre lui et les deux autres protagonistes.

ALORS...MEURS, SOMBRE IDIOT!!! Meurs. Et souffre!


Vague de douleur comme jamais ressentie. Son corps entier se transforma soudain en souffrance pire encore que la plus terrible des Questions.
Tressaillements de tous ses muscles, envoyant messages d'alarme vers ce cerveau déjà surchargé.
Dans un brouillard rougeâtre, il put encore voir la porte se refermer dans un claquement sec, résonnant en sa tête, telles cloches d'une quelconque cathédrale sonnant matines démoniaques.

Il suffit...Arrête...Par...pitié...arrête...

Lentement, son esprit sombra, tandis que son corps, masse douloureuse et incontrôlable s'affaissait sur le sol de terre battue.
La douleur, encore un instant, submergea sa conscience avant que, dans un sépulcral silence, son âme parte loin de ces racines terrestres, esprit éthéré cherchant refuge en quelque souvenir bienheureux de son regretté passé.



*
Village fait de masures de bois et de pierre. Chaleur écrasante emplissant de torpeur ruelles et places. Habitants cherchant refuge dans la moindre parcelle d'ombre, guettant avec ardeur le plus petit souffle d'air frais, la moindre brise qui viendrait, pour un instant, rafraichir l'air surchauffé.
Il aimait ces moments là. Il aimait ce soleil dardant ses rayons brulants sur cette terre qu'il affectionnait par dessus tout.
Il avait pris place à l'ombre du patio de sa demeure, protégé par les feuilles de palmier tressées sur le canevas de bois. Une fontaine, luxe incroyable en cet orient stérile, apportait fraicheur et douce mélopée de l'eau coulant sur le marbre.
Du fond de la maison, il entendait ses enfants, Najma et Daeb, prunelles de ses yeux, jouer ensemble, tantôt inventant mille et mille histoires, tantôt tourmentant joyeusement le vieux Taslin.
Allongé sur un matelas, confortablement maintenu par de moelleux et délicats coussins, il buvait lentement cet alcool de datte qu'il appréciait tant. Sa femme Diya, endormie à ses côtés, prenait repos des plus mérité après journée domestique déjà fort chargée.
Il aurait pour sa part encore à faire, une fois la chaleur redescendue. Visiter quelques unes de ses terres. Inspecter le puits qui, lui avait on dit, s'embourbait parfois. Ensuite, il irait voir le conseil du village. Il avait grand projet et devait leur en faire part ce soir même.
Mais pour l'heure, il pouvait se permettre encore de savourer ces instants bénis, si précieux.

Des flammes s'élevant au dessus du mur recouvert de chaux. Des cris. Des hurlements de douleur.
D'un bond, il s'était levé. Que se passait t'il.

Le calme à nouveau. Chaleur de cet après midi paisible. Avait il rêvé. Aucun bruit ne provenant de la rue. Debout face à la fontaine, il se tourna vivement vers le corps de sa femme allongé.
Un cri venant de la maison. Suivi d'un second. Ses enfants. Il reconnaissait le son de leur voix. Sa femme, toujours endormie n'avait visiblement rien entendu.
D'un bond, il se dirigea vers la grande porte double menant aux appartements. Courant à en perdre haleine, l'esprit emplit d'une angoisse indicible, il allait pénétrer dans la masure quand...la porte...A mesure qu'il avançait, elle semblait comme s'éloigner de lui.
Augmentant le rythme de ses pas, il lutta, tentant de gagner quelque distance, tandis que l'ouverture dans le mur s'éloignait de plus en plus. Que se passait il. Qu'était ce donc que cette magie là.
Il n'y parviendrait pas. Pas ainsi. S'arrêtant brutalement, la porte maintenant flottant loin devant lui tel mirage aperçu en plein désert, il se retourna vers la couche qu'il occupait un instant plus tôt.
Diya était toujours là. Étendue. Immobile.
Une tache rouge sang inondant le tissu de sa robe, paupières ouvertes aux yeux déjà rendus vitreux par cette vie s'échappant de la blessure sur sa poitrine.

NOOOOOooonn!
Diya. NOOOOooonn!!!
Le cri avait résonné en les murs du patio. Cri de rage. De désespoir.
Que faire.
Vers qui se diriger.
Sa femme ou ses enfants. Là bas. Loin. Si loin.
Cruel dilemme.
Trois vies entre ses mains.
Il devait choisir...
*



Violente douleur inondant à nouveau son corps tout entier.
Il n'était pas là bas dans ses terres d'Orient. Il avait froid. Il faisait sombre.

Debout imbécile! Réveille toi. Ce n'est plus l'heure de tourner de l'œil comme n'importe quelle donzelle.

Douleur à nouveau, comme pour ponctuer cette demande. Cet ordre.
Il se souvenait. Prisonnier. Il était prisonnier. Ryès. Cerridween.
Sa femme. Ses enfants. Ils étaient en danger. Présent? Passé? Qu'importe.
Il ne pouvait rester ainsi. Il devait...quoi? Les aider? les secourir. Ils étaient morts il y a si longtemps de cela. Et pourtant, il les avait entendus. Il l'avait touchée. Il pouvait encore sentir le doux parfum dont se parait son épouse.
Se relevant d'un bond, il tira soudain sur ses chaines, ses pieds creusant à nouveau profonds sillons dans la terre retournée


LAISSEZ MOI SORTIR! LAISSEZ MOI SORTIR! JE DOIS ALLER LES RETROUVER! LES SAUVER! ILS...ILS SONT EN DANGERS.

Par Pitié...


Par...Pitié...

...pitié...
_________________
See the RP information <<   1, 2, 3   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)