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[RP] La Provence, dans les yeux d'un môme.

Grimoald
[Marchant vers la guerre]


Le chemin fut long, pour les jambes du petit. Il n'était pas habitué à marcher tant. Oh, bien sur, son poney l'aidait bien, mais il y avait quelque chose dans la route qui l'épuisait. Il avait gouté, en allant en Bourgogne, au joies du carrosse, et ce confort lui manquait. Marcher à dos de cheval une journée entière était pénible, alors deux semaines, alors que l'on ne s'arrête que pour les repas et la nuit... Heureusement, ses nouveaux amis lui avaient appris une chose, qu'il n'était pas près d'oublier: la solidarité. Des gens qu'il connaissait à peine, des êtres qu'il considérait, auparavant, comme des gueux, ou de simples artisans... Ces personnes là avaient réussit à lui inculquer des valeurs, à sa voir que ce n'est pas parce que l'on est noble que tout est permis. La noblesse de cœur était bien entendue prise en compte...

Une rencontre l'avait marqué... surement à vie. Jamais il ne l'oublierait, elle était dans ses pensées, à présent. Pourtant, rien ne prédestinait ça. Seulement, il y a parfois des gens qui sont fait pour être ensemble. Des gens qui sont compatibles... Eh bien la rousse était compatible avec le mioche. De sa stature élancée, ses yeux fins et perçants, ses serpents roux souvent ébouriffés tellement ils étaient légers... En y repensant, la rire sournois et pourtant si sincère de la jeune femme lui revenait en tête.. Et ces mots... Ces quelques mots qui avaient pour lui tant de poids. « Mon sale gosse préféré ». N'allez pas croire qu'il faisait tout pour lui plaire... Il restait simple, et cela suffisait. Alors, un soir, en taverne, il se posa sur ses genoux... Et s'endormit, simplement. Peut être fallait-il lui écrire... Qui sait... Mais à plus tard ces questions, voilà que la capitaine les rassemble.


« Écoutez, on entre en territoire Provençal, soyez sur vos gardez et restez disciplinez. »

Quel homme, ce Pierre !

Alors comme ça, ça ressemblait à ça, la Provence... Bien différent de ce qu'il avait déjà visité; quoiqu'en hiver. On voyait pourtant que le territoire était plus chaud, moins humide. Il y avait beaucoup moins de neige. Le corps du môme ne tremblait plus, il ne frissonnait plus au moindre petit coup de vent. Bien que ses pieds soient toujours meurtris par le froid, et qu'il tousse toujours autant, on ne pouvait dire que les conditions soient pire.

Et le capitaine donna à l'armée l'ordre de déplier les bagages. Ils avaient en tout et pour tout passés la journée sur la route. Ils allaient enfin pouvoir se réchauffer autour d'un bon feu, et dormir, toute la nuit. Jamais le jeune Montmorency n'eut tant dormis que pendant ces quelques semaines. Quelques hommes l'aidèrent à monter sa tente, et il sortit ses couvertures et ses quelques objets qui ne le quittaient jamais. Il entra alors dans la tente commune et s'assit à la table. Elle avait pour but d'apporter un peu de réconfort aux soldats, et de leur donner de quoi se distraire, l'histoire de quelques heures. Il s'assit à la table, sortit de quoi écrire, et regarda sa feuille blanche. Mordant doucement la plume, il réfléchissait. Nul doute, il connaissait le premier destinataire... Mais que lui écrire?


Citation:
Duchesse de ce magnifique pays qu'est Amboise, bonjour.


Soupir... Qu'est ce que t'es con mon vieux...
Et le premier parchemin finit froissé à terre.


Citation:
Chère Ellesya,

Ne t'en fais pas, c'est Grimoald qui t'écrit. Il ne m'est rien arrivé, pour le moment. Tout se passe bien, bien que je tousse beaucoup et que j'ai mal au pied... et j'ai aussi froid... Et mal aux jambes... et je suis fatigué. Mais mis à part ça, je vais bien ! Tout va bien, je pourrai même dire.

J'ai cependant quelque chose à te dire, et je ne sais pas si ça va te faire plaisir. Je t'ai mentit... Je ne vais pas en Béarn. Je suis en Provence, avec la Vicomte de Montlouis. Il s'occupe bien de moi, d'ailleurs. Je t'expliquerai tout en entrant, mais je sais pourquoi je vais me battre. Ne t'en fais pas, je le fais parce que je trouve la cause juste, et non pas parce que je suis entrainé par tel ou tel chef.

On ne m'oblige à rien, et tout ce que je fais, c'est de plein gré.

Je n'ai guère de temps pour m'étaler sur le sujet, mais sache que je pense fort à toi.

En t'embrassant,
Je te laisse sur la pointe de ma plume
mais pas sur celle de mon cœur.

Grimoald.


Mouais... Petite moue insatisfaite, cependant, il vit une grosse main se poser sur le parchemin. Un colosse, à côté de lui, regarde sa lettre. Il se prend pour qui, celui là ?! Grimoald, toujours assis, lève les yeux vers l'homme. Plait-il? Le soldat à l'air amusé par ce qui est écrit... Étrange, vu qu'il sait pas lire. C'est peut être l'écriture en patte de mouche qui le fait rire.
Mais Grimoald attrape le bras poilu et emmitouflé sous les couches de vêtements de l'homme.


« Tu retouche, je te met la face en travaux... »

Regard noir, et le jeune se met à prendre un autre parchemin, alors que le type s'en va en se marrant.

Citation:
Ma belle Princesse,

Comment vont tes cheveux? J'espère qu'ils ne perdent pas de leur beauté avec le froid...
Comme promis, je t'écris, pour te donner de mes nouvelles. Je ne me suis pas encore battu, mais je vais surement le faire bientôt. Ne t'en fais pas pour moi, en quelques tours de passe passe, je m'en sortirai. Tu te souviens, le bateau? Si tu es triste, serre le contre ton cœur, je le sentirai aussi. Les copains d'abord, n'oublie pas...

J'aurai aimé t'écrire plus, mais je ne le peux... Le devoir m'appelle, et je te promet que je te raconterai tout, en rentrant... S'il me reste la langue et qu'elle n'a pas gelée.

En t'embrassant,
Grimoald.


Un peu plus content du résultat que pour la première lettre, le jeune regarda ces deux lettres et se mit à sourire. Il alla voir l'homme qui était chargé du courrier et lui porta les parchemins. Il lui recommanda de bien faire attention, bien entendu... Il était content, et il revint à la tente commune pour quelques dizaines de minutes. Ensuite, il repartira à sa propre tente pour dormir, et là, il dormira jusqu'au lendemain. Et ensuite? Ensuite, il marchera, et marchera encore, pour arriver devant de hauts remparts.


Hola. Ceci est un topic RP fermé. Vous voulez poster, très bien. Envoyez moi un MP ou convenez de ça, avec moi, en taverne.
Merci et bon jeu à tous.

_________________
Grimoald
[Le lendemain, les premiers combats]


Dans les yeux du gamin, il n’y avait plus que de l’envie. Il était tout excité par l’idée d’aller à la guerre, quelle qu’elle fusse. Pour lui, la seule chose qui importait, c’était de tuer. Il voulait essayer. Se croyait-il fort, grand ? Avait-il dans l’idée que donner la mort serait facile ? La suite allait lui prouver que non. Essayez de vous souvenir, ce jeune garçon, qui il y a encore quelques temps avait peur… Il n’aura suffit que de quelques jours, pour que son esprit soit détourné. Il n’y avait pas trop d’explications. Peut être était-ce toutes ces soirées passées dans les tavernes, à côté des soldats. Peut être était-ce ces histoires racontées par son Capitaine. Peut importe.

Plus il se rapprochait de la destination finale, c’est dire Aix, plus son cœur battait. Un savoureux cocktail, mélange de plusieurs sentiments, se consommait en lui. Il ne savait plus trop quoi penser. Il avait tellement envi… Mais dès qu’il y avait un bruit, même minime, il sursautait de peur. Et puis… Quelle désagréable sensation, ce nœud au milieu de l’estomac ! C’est comme si chaque pas s’il faisait, à dos de son destrier, était significatif d’une contradiction de sentiment.

Détermination…
Peur…
Hardiesse…
Frisson…
Courage…

Parce qu’après tout, est-ce que cela n’était pas normal ? Un enfant de onze ans, presque douze, maintenant, est-il vraiment fait pour la guerre ? La réponse donnée par les gens du XXIème siècle sera sans aucun doute : non. Et c’est alors que les nuages laissèrent quelques rayon de soleil passer, éclairant le visage encore enfantin du jeune. Il se leva sur ses étriers et s’aperçut qu’il était en haut d’une colline. Il ne lui fallut pas longtemps pour deviner que, par là bas, il y avait la mer. Il mit alors sa main gauche en visière, et il aperçut la géante bleue.


« Pierre ! Pierre ! Regarde, la mer ! »

Son petit bout d’os sans chair montra le sud. La mer avait l’air agitée, il ne devait pas faire bon prendre la mer, aujourd’hui. Mais il n’était pas là pour voyager, aujourd’hui. Il se concentra alors sur la route, tâchant de ne as faire d’impairs. Il ne dut pas attendre des heures. En effet, voila que, au loin, se dessinent la forteresse d’Aix, et les villages environnants. Depuis le début, le môme se permettait quelques libertés, au sein de l’armée. A chaque fois, il vérifiait que Pierre n’enrage pas. L’armée de la Crépi formait une longue colonne. Il était vers la fin, et en quelques coups de talons, il se retrouva devant. En fait, Aix était plus près que ce qu’il avait pensé. En effet, ils étaient devant…

Il ne se passa que très peu de temps avant que les combats commencent. Juste l’histoire de quelques heures. Au départ, le jeune ne comprit pas. En une rafale, tous les soldats se mirent à courir, alors qu’avant, ils étaient en train de boire. Les gens criaient, on entendait des ordres de ça, de là. Une réelle confusion dans la tête du rejeton. Il arriva a se mettre devant une femme… bha oui, il était lucide. Une femme va s’arrêter… enfin, surement plus qu’un homme.


« Que se passe-t-il ? »
« Ca a commencé ! »

Grimoald écarta les yeux. Alors comme ça, il allait se battre… Il prit une grande respiration, qui tentait de calmer ses membres qui se faisaient tremblant. Il transpirait, étouffait sous la chaleur de ses vêtements. Qu’il faisait chaud… Il n’avait pas le temps de réfléchir, juste a peine celui de vérifier ses armes. Son bouclier, présent. Sa dague, toujours là, et enfin son épée, bien accrochée… Voila, il n’avait plus d’excuse pour battre en retraite. Il fallait assumer ses actes, maintenant… Son cœur battait la chamade, et plus il s’avançait vers les remparts, plus il avait peur.

C’est alors que l’armée Provençale, ou un bout d’armée, s’avança. Il fallait être fort, ne pas lâcher. Il les vit s’élancer…
Non !
Ils s’approchaient…
Aidez-moi !
Ils étaient tout près…
Je ne veux plus !
Et le fracas des armes se fait entendre…
NOOOOON !

Il n’avait pas fait attention, mais il s’était mis vers l’avant… Et il vit un homme s’avancer vers lui. Ses yeux grossirent, son visage pâlit. Comment… Non, les cours d’armes de Pierre étaient trop loin. Il était trop tard, maintenant. Il était seul face à la mort… Incarnée par ce type. Mais c’est alors que les gestes vinrent comme s’il les eut répétés cent fois. Dégager l’épée avec le bouclier, l’autre avec l’épée… Mais… Il n’osait pas taper. Qui était-il pour faire du mal à cet homme ? Et c’est alors qu’il l’entendit…


« Tape, Grimoald, tue-le ! »

De profondis clamavi… Cette sombre clarté, qui tombe des étoiles. Pierre… Il le regardait. Alors Grimoald joua de ses atouts. Il se fit petit et passa derrière l’homme qui, par chance, n’avait ni trop de force, ni trop d’intelligence. De derrière, il donna un coup d’épée dans le dos, ce qui fit tomber l’homme à genoux. Repassant devant, le petit regarda l’homme qui n’avait que de la fureur dans les yeux… « Tue-le Grimoald, tue-le ! »

Le tuer… Et l’épée rougie par le sang de l’individu vient s’enfoncer dans son ventre, libérant les organes qui tombèrent à terre. La sensation n’était pas des plus agréables… C’est comme tremper une épée dans de l’eau… Mais, en voyant ce qu’il avait fait, et l’homme inanimé par terre, Grimoald lâcha ses armes et partit en courant. Il voulait rentrer… Arrivé dans un bosquet, un peu plus loin, il se mit à vomir. Il attendit alors que la bataille soit terminée pour aller chercher ses armes, restées sur les champs.

_________________
Grimoald
[Le suivre... jusqu'en enfer]
[Entre Brignoles et Aix]


Se préparer fut dur, pour le jeune garçon. Oui, ce fut dur. Le sale gosse mettait du temps... Et pour tant, il avait souhaité ce jour comme s'il fut le premier. Il voulait se battre, il voulait tuer autre chose que des passants. Il voulait voir ce que c'était, exactement, la guerre. Mais, devant le fait accomplit, ce n'était plus pareil. Je vais me battre... Cette simple pensée lui donnait dans le dos des frissons incontrôlables. Pierre, son capitaine, lui avait fait une cote de maille sur mesure, et une armure plus légère, quoique moins protectrice. Il enfilait ses gants lentement, ses bottes... En fait, non, il ne voulait plus se battre... ou alors si, mais plus tard, enfin... non, il ne voulait pas... quoique... Il demanda à Muad qui l'aida à lasser son veston, et il fixa fermement son épée à sa taille. Sa dague, qui ne le quittait pas depuis presque trois ans, maintenant, était elle aussi fixée à sa taille. Il mit son casque.

Il était prêt.

Il s'avança, lentement, toujours. Il regarda ses camarades qui, eux aussi, étaient là, en train de se préparer. Lorsqu'il vit tous ces colosses armés jusqu'aux dents, tous ces soldats confirmés, il prit peur. Il se mit à trembler, ce qui fit claquer l'armure contre sa cote de maille. Il n'était pas près, il le savait... Mais comment faire? Il ne pouvait plus reculer. Il dégaina rapidement son épée, comme pour contrôler qu'elle ne soit pas trop lourde, comme pour contrôler qu'il pourrait se défendre. Mais déjà, le capitaine les appelait. Il dit son discours, son discours... Puis, ils prirent la route. Son cheval avait lui aussi paré son armure. Il était élégant, comme ça. Le jeune Grimoald essaya de monter, mais rien que de mettre le pied sur l'étrier était une mission presque impossible. Il appela alors Pierre qui, dans un petit rire, le porta comme s'il n'avait que son poids, pour le mettre sur le dos de sa monture.

Il voyait qu'il était un boulet, pour l'armée, mais que faire?
C'était comme ça...

C'est alors qu'ils se mirent à marcher, rejoignant les autres armées. Ils étaient beaucoup, nul doute qu'ils réussiraient. Cette pensée fit sourire Grimoald, il avait confiance. Trop? Surement. Il trônait fièrement sur son cheval, qui en réalité était un poney. Il lui avait donné le nom de Gaillard. C'était beau, Gaillard. Un grand Gaillard comme lui ne pouvait que tenir ce nom. Il s'était mis entre Muad et Pierre, pour écouter les conversations. Les deux n'avaient pas l'air trop bouleversés. Ils parlaient de femme, de guerre... La routine quoi. Ces expressions joyeuses et familières sur leur visage rendait Grimoald serein. Pour lui, il n'allait rien se passer, il ne pensait pas que, quelques heures plus tard, il allait se faire toucher, et être grièvement blessé. Alors il profitait de ce moment là pour rire. Il riait pour la dernière fois, avant que ça ne devienne un homme. Son rire enfantin et aiguë avait résonné dans les camps, dans les tavernes, dans les villes, depuis la croisade. Et il ne comptait pas s'arrêter là...

C'est alors que leur route les menèrent en haut d'une colline. Des tambours français, et des trompettes retentirent. C'était ici... C'était ici que tout allait se passer; dans cette plaine qui était bordée par deux collines. D'une côté, la leur, celle des français où les fleurs de lys flottaient sur de grand étendards. De l'autre, déjà présents, ils étaient là... Les drapeaux de la Provence et du Marquisat montraient l'appartenance des soldat à l'armée félonne. Il s'arrêta. Son cheval commençait à piétiner, et, pour essayer de le calmer un peu, il flatta son encolure et lui murmure quelques bonnes paroles. On ne voyait que les chefs d'armée, sur la colline. L'armée était derrière. Et c'est alors que la première offensive fut lancée.


« - Grimoald, je veux que tu restes en dehors de ça.
- Qu... quoi?
- Restes derrière l'armée, va te cacher dans le bois et...
- NON ! J'irai me battre !
- Grimo...
- Ne te fatigues pas ! J'irai, point. »


Et un caprice, encore un. Sa vie se ponctuait de caprices. Il n'arrêtait jamais, n'écoutant personne. Lorsqu'il avait une idée en tête, il ne la lâchait pas. Surtout aujourd'hui.

Lorsque le véritable assaut fut lancé, le jeune homme planta ses éperons dans les côtes de sa monture qui partit au grand galop. La première épreuve fut de rester sur son dos, ce qui n'était pas chose facile. Il essayait de se mettre en équilibre sur ses étriers, comme lui avait apprit Ellesya, mais il n'y arrivait pas, du fait de son armure qui le gênait. Alors, il tenait la crinière comme un vulgaire débutant, mais il moins, il ne tombait pas. Lorsqu'il fut arrivé sur la pleine, et que le choc des avants avait été lancé, il freina tant bien que mal Gaillard pour visualiser. Il était seul, tout le monde avait trouvé adversaire. Mais il vit Une femme, ni trop grande, ni trop grosse. Il tira les reines en direction de l'ennemi lorsqu'il sentit son cheval vaciller. Surpris qu'il ne réponde pas à l'ordre, il regarda et... Non... NON ! Son encolure, transpercée par une flèche, saignait à flot. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Gaillard tomba, agonisait pas terre. Grimoald sauta a temps pour ne pas se faire écraser un membre. Il regarda son cheval et sentit les larmes lui monter aux yeux.

Et c'est alors que le dragon s'éveilla dans ses entrailles.
Viens à moi, rage, furie... J'en appelle à toi !

Il saisit son épée et la sortit de son fourreau dans un bruit de métal crissant. Il ne regardait plus rien, il n'avait dans sa tête que l'image de son plus fidèle compagnon, mort. C'est alors qu'il arriva devant le soldat ennemi, la rage lui tordant le visage. Il commença à tourner autour d'elle, son épée pointée dans sa direction. Il la leva et tapa deux fois contre son bouclier. Plus de poids, il ne sentait plus rien... Ni la fatigue, ni la faim, ni la lourdeur de ses armes. Il voulait tuer, tuer comme on avait fait à son cheval. Mais la femme, surement meilleure en combat que lui, chassa son épée avec son bouclier et, d'un geste fluide, fit passer son épée près du genoux de Grimoald, à une telle vitesse qu'il ne put se reculer à temps. Ses yeux s'ouvrirent en grand. Pendant une seconde, il vit le monde autour de lui tomber. Il lâcha ses armes... Il devait tenir... Et déjà son genoux le lance comme jamais. Autour de lui, tout s'écroule... Il sent l'abîme qui l'appelle, qui le tire. Mais il ne veut pas, il a peur... Pourtant, c'est trop fort. Sa douleur, qui le fait crier comme si on l'égorgeait, est trop forte. Il faut lui céder, il faut … mourir? Surement... Plus jamais il n'aura envi de rire. Plus jamais il ne pourra regarder un levé de soleil. Plus jamais...

Alors, dans un dernier cri, peut être plus aigüe et plus fort que les autres, il tombe... Ses jambes ne le tiennent plus, son corps ne peut pas vivre avec cette douleur... Il sent encore la lame lui trancher l'extérieur du genoux. Et l'abime vient à lui, alors qu'il se croit mort. Il n'a plus notion du temps, plus notion du lieu où il est. Même dans son inconscient, il sent la douleur... Et pourtant, il ne réagit plus. C'est trop tard... Sa vie n'est plus entre ses mains.

Corps gisant à terre, autour d'une flaque de sang...



23-01-2010 04:07 : Culbute vous a porté un coup d'épée. Vous êtes mort au combat.

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--Ewaele_de_la_boesniere


[Lyon… Un départ imprévu!]

Trop longtemps cela faisait trop longtemps… Des nouvelles, mais rien qui ne pouvait la rassurer. Elle se rongeait les sangs, ne vivait plus, était devenue l’ombre d’elle-même, ne voulant même plus voir les personnes qui l’avaient si bien accueillie en cette capitale. Sa tête et son cœur étaient tournés vers la Provence et pour cause. Combien d’hommes et de femmes qu’elle connaissait se trouvaient là bas, combien y laisseraient un morceau d’eux ou qui sait leur vie. Elle souffrait et n’arrivait pas à en trouver la cause, se retranchant derrière des faux semblants pour ne pas s’avouer les choses, pour ne pas faire face à ce qu’elle n’avait pas osé faire pour respecter son serment au-delà de tout. Mais elle n’arrivait plus à se regarder en face, car quand bien même elle ne pouvait prendre part à ce qu’il se passait, elle aurait pu être à leur côté et apporter un peu de soutien et peut-être plus en cas de besoin. Et, comme à son habitude, défiant les futurs dangers en cette nuit chaotique elle prit une décision ferme et définitive… Partir!

Les correspondances reçues la veille l’avait faite hésiter que cela soit Muad, Lenance ou Grimoald, ils essayaient tous de la rassurer mais cela ne suffisait plus, elle devait constater avant qu’il ne soit trop tard, du moins c’était ses craintes et ce qui la poussa à préparer un minimum d’affaires en prenant un hôtel particulier en Lyon pour laisser le reste et voyager léger. Elle irait sur les routes, seule et si elle devait encore manger la poussière ou y laisser la vie, c’était que cela était son destin. Elle ne voulait plus réfléchir, ne pas savoir et être dans l’ignorance attendant le retour de sa buse qui lui annoncerait sans nul doute un jour qu’une de ses connaissances était morte au combat. Galoper, sentir le vent s’engouffrer à nouveau dans ses cheveux, fouetter son visage et venir insidieux glisser sous ses vêtements pour la faire frissonner, ressentir ce chaud-froid d’une course endiablée en plein hiver, se sentir vivre en courant vers la mort.

Le visage congestionné de remords de la Comtesse, la détresse inconsolable qu’on pouvait lire dans le tumulte du regard vert, ne trouveraient pas de réponse avant d’avoir rejoint ceux qu’elle avait laissés partir sans se retourner. Si quelque démon de la vengeance, les appels des ancêtres, la haine née de l’inconcevable horreur dont elle avait été victime avaient peut être empêché qu’elle réalise l’abomination de ses actes sur l’instant…C’était une femme brisée, perpétuellement hantée par le remords et le dégoût d’elle-même. L’ombre qu’elle avait senti en elle dès les premiers instants, qui parfois rehaussait tant son authenticité, sa touchante humanité, n’était pas tant le sceau indélébile d’un douloureux passé mais celui qu’on appose à ceux qui n’ont rien pu faire pour empêcher cela. Si Ewa n’avait pu se résoudre à s’ôter la vie pour se punir, elle avait choisi un châtiment bien plus douloureux encore : celui d’affronter chaque jour la lourde vérité. Là où la mort aurait pu la soustraire à ce tribut, elle avait choisi d’être inlassablement confrontée aux fantômes et à sa contrition, à un tel point qu’elle s’estimait indigne d’être heureuse et d’elle-même dressait des barrières toujours plus hautes, plus étroites et infranchissables. La rouquine fut saisie d’un frisson en comprenant la dualité des sentiments qu’elle ressentait depuis le début quant à ce qu’il se déroulait sous ses yeux, en sa tête et en son coeur.

Elle eut un regard douloureux pour ces missives qu’elle avait ressorties alors qu’elle faisait une halte aux frontières du Lyonnais. Ce regard qui désormais n’osait plus les lire. Après une si longue errance, tant d’horreurs vécues, tant de tourments, cette femme éprouvée par ses chimères et ses ombres ne méritait-elle pas le repos et la paix? Cette lumière en elle, cette noblesse teintée de mélancolie, cet amour de la justice ne pouvaient être des illusions. Elle le savait au plus profond de son être. Elle ferma les yeux. Pour fuir ou pour mieux s’imprégner de certains mots, de ses souvenirs, nul n’aurait pu le dire. Elle écouta les rêves perdus, le dédain et les trahisons, le poids de la destinée d’un pays, d’une lignée, d’une magie antique pesant sur ses épaules. Elle serait irrémédiablement associée à cela, comme les aspérités, les défauts, les étranges irrégularités qui marquent parfois les œuvres de la nature, qui fascinent et effraient mais qui restent indissociables de leur support, constituent une part de leur identité.


« L’âme d’un homme se forge par les faits de lames mais aussi ceux du cœur. » murmura-t-elle. Il était temps d’offrir une autre chance à sa vie. Elle tortilla le cordon qu’elle avait autour du cou avec comme pendentif une simple pièce trouée qu’elle avait récupéré la veille par un porteur particulier et qui l’emportait à nouveau vers le Sud. Elle reprit sa route.
Muad_dib
D'abord la chausse gauche, toujours... puis la droite, toujours; puis une gorgée de calva... toujours. Parce que le Calva est une chance.
Immuables préparatifs, tension palpable dans toute l'enceinte du camp. L'offensive se prépare lentement, l'ultimatum est fixé, les guerriers se préparent a boire toujours plus de sang, arracher toujours plus de chair... Ôter toujours plus de vies. Les vétérans, eux, le savent. Cela donne a certains un teint cireux et des yeux vides, a d'autres un sourire carnassier. L'appel de la violence résonne deja contre le mur d'enceinte de bois mal équarri du camp. Les chocs sourds des épées contre les boucliers se font entendre dans les esprits... Ils viendraient bien assez tôt emplir les oreilles sur le champ de bataille. Les Hommes qui ont connus la Guerre, les batailles, la Gloire et l'Honneur préparent leurs armes avec la plus grande attention. Combien de soldats ont ils vu tombés car gêné par une sangle mal serrée, un bouclier trop lâche ou une épée bloquée dans un fourreau?
Peu de mots se font entendre. Que Dire dans ces moments?.. Souhaiter de la chance ne servait a rien, tout est deja décidé, écrit. La liste de la faucheuse était deja a jour alors quoi?... Quitte a mourir il fallait mourir avec honneur.... Pour le nom, la famille. La honte ne souillerait pas les Lasteyrie par la faute d'un soldat couard. La meilleure façon de partir était auréolé de Gloire. Qu'on dise de moi "Il est mort en guerrier, pour son Roy" et ma vie n'aura pas été vaine.

Grand Chevalier de l'inconnu,
Ceins ton épée sur ta cuisse, vaillant,
dans le faste et l'éclat va, chevauche,
pour la cause de la vérité, de la piété, de la justice.

Nulle justice dans ce combat, par pour Muad, cela faisait trop longtemps qu'il avait abandonné la défense des causes perdues. Si il était la c'était pour lui même avant tout. Provence ou autre chose; peut lui importait. Son épée était aussi avide de gloire que sa crosse épiscopale fut pleine de dévotion.
Alors qu'il se perdait dans de sombres pensés, sa douce venait d'achever de lui enfiler son armure. Point de baiser d'adieu, cela portait malheur, il lui prit juste le bras et l'entraina, sans un mot, a l'extérieur du pavillon en direction des chevaux qui piaffaient deja d'impatience. Dans quelques heures leurs belles robes seraient souillées de sang d'inconnus mort pour une cause qu'au final personne ne comprenait vraiment. Trop de fils qui perdraient leur famille... trop de famille qui perdraient un mari, un frère. Mais c'est la nature de l'homme qui le pousse a être comme ca, se sacrifier pour une idée je crois qu'on ne résiste pas. Marchant comme une ombre parmi les ombres il n'accordait de regard a personne. A quoi bon? Ils seraient sans doute mort le jour même, leur sang rougissant les plaines et emplissant les fossés. En soupirant Muad pouvait deja sentir l'odeur des cadavres qui brulaient pour éviter que l'air ne charrie mort et maladies empêchant les cadavres de se décomposer et de nourrir cordeaux et charognard. Puis un petit homme attira son attention. Grim, arnaché pour le combat. Un Soldat de bien petite taille. Mais qui pourrait l'empêcher d'aller au front? Il en avait le droit au même titre que tout les autres. S'accroupissant devant le jeune homme il resserra le lacet de son veston afin que nul pan de tissus ne gène le jeune homme quand il serait temps de sortir sa lame de son fourreau. Puis il se redressa et se dirigea vers les bêtes, les pas rapides du gamin a ses cotés. Il ne lui accorda aucun regard. Il préférait se rappeler du gosse comme il était avant, et non pas ridiculement arnaché pour servir les sombres désirs des Hommes.

Puis sans s'en rendre compte il était au devant de l'armée... Pierre a ses cotés, le gamin aussi. Place bien dangereuse que celle qu'il avait lui même choisit. Bien des soldats aguerrit et courageux eurent préférés se placer au milieu du groupe compact de l'armée, bien a l'abri des traitres carreaux d'arbalète et des flèches meurtrières et soudaines. Étrange moment que celui la... Une tension palpable et malsaine et des sons de tambours... La valse entrainante de la mort et de la souffrance. Festoyons donc une dernière fois sur un rythme entrainant mais pourtant tellement morbide... Pour combien d'hommes serait ce la l'oraison funèbre? Trop sans doute.. toujours trop de morts.
Puis levant son épée haut dans le ciel grisâtre la charge fut lancée.
Le rythme sourd des tambours couvert par le piétinement de la cavalerie sur l'herbe fraiche de la plaine. Muad abattait son épée a rythme soutenu, ne touchant que peu, mais obligeant les hommes a s'écarter sous le charge de son lourd rouan de guerre. Les défenseurs semblaient en surnombre. Peu de pertes de chaque cotés mais des blessures et des hurlements ou perçaient haine, sauvagerie, douleur et exaltation.
Puis un éclair rouge attira le regard de Muad, faisant faire un virage a son cheval il s'arrêta une demie seconde devant le spectacle sous ses yeux.
Le jeune Grim etait a terre, visiblement blessé, du sang imbibant le tissus qui se collait a sa jambe. De tout son cœur et se vidant les poumons il hurla "A Moi!". Deux mots simples mais qui incitèrent quelques hommes a venir se joindre a lui alors qu'il se précipitait a bas de sa monture en se ruant sur le petit corps étalé lamentablement sur le sol. Le secouant maladroitement il ne put retenir une lourde claque de sa main ganté sur la joue du jeune homme qui lui laissa une strie sanglante. Puis alors que les hommes défendaient tant bien que mal la position, encerclant Muad et Grim, il le jeta sur son épaule sans plus de ménagement que si il fut un sac de grain et le déposa en travers de sa selle. Remontant aussi vite qu'il pouvait sur sa monture il lui fit faire volt face et fonça droit en direction du camp, alors que le jeune homme perdait encore du sang qui coulait le long de sa selle pour terminer sur le robe du rouan. Le sang d'un ami, d'un fils, qui lentement s'écoulait, le privant de sa vie. Maudissant le sort il arriva enfin au camp ou il déposa le gosse sans ménagement sur le sol devant la tente du médicastre qui s'affairait deja sur le corps inerte du jeune Grim...
--Ewaele_de_la_boesniere


[Sur les routes…]

La jeune femme de noir vêtu avait observé l'air de rien les deux hommes et prêté une grande attention à leur conversation. Elle avait quitté Lyon depuis quelques jours déjà pour rallier la Provence dans le but d'avancer discrètement son affaire. Mais elle ne s'y était pas rendue directement. Elle avait trainé dans quelques tavernes parmi les plus douteuses de Montélimar, en quête de rumeurs, de renseignements qu'elle cherchait sur ce qu’il se passait de l’autre côté de la frontière du Lyonnais. De fait, sa route avait croisé un barde lorsqu'elle avait passé le seuil d'une auberge, ses traits et sa longue chevelure dissimulés sous une capuche sombre. Pour autant, les propos du personnage, installé avec son comparse à une table, avaient éveillé son attention. Sans en rien laisser paraitre, accoudée au comptoir, tournant le dos à l'individu, elle avait écouté l'homme narrer une légende à l'auditoire captivé: l'histoire d’un nomade exilé, devenu forgeron, de ce prince guerrier déchu qui menait une existence d'errance et vivait d'expédients, forgeant des armes révélant un talent d'exception en devenir. Ce récit eut un écho dans l'âme de la rousse. Le barde s'était tu, chacun était retourné à ses conversations et l’itinérante était restée en alerte. Lorsque le ménestrel s'était tourné vers son comparse à la peau d'ébène et lui avait murmuré "d'ailleurs je dois les avertir qu'ils sont en danger, je dois rallier leur dernier lieu de campement au plus vite", elle avait pris sa décision en son fort intérieur. Dès que les deux hommes quittèrent l'établissement, elle régla son dû à l'aubergiste, sortit quelques minutes après eux et se dirigea vers l'orée des bois pour rejoindre sa monture.

La pluie battante s'abattait sur la Boesnière. Sa cape de licorneuse pesait sur ses épaules alors qu'elle ordonnait à son cheval d'avancer afin de tracer toujours plus vite, toujours plus loin. Elle progressait donc, l'échine courbée face au vent pour rejoindre le campement des armées françoyses, loin derrière les collines. Elle surveillait le ciel à la recherche du moindre mouvement d’oiseau qui pourrait lui donner des nouvelles mais depuis deux jours plus rien, même pas un porteur… Sa buse tournoyait au dessus d’elle, poussant des cris stridents comme si elle lui disait qu’elle ne voyait rien venir elle non plus, comme si elle se ralliait à sa cause, à ses doutes, à ses craintes. Une voix résonnait dans le crâne d’Ewa d'une manière proprement inconnue pour elle. La Comtesse aurait voulu la chasser mais elle avait également quelque chose d'envoûtant. La voix se fraya un passage jusqu'au plus profond de son être, il n'était désormais plus question de l'ignorer. Ses membres endoloris ne semblaient plus exécuter le moindre mouvement. Ils la clouaient sur place, livrée à son destin. Un destin qui, apparemment, passait par une revisite de son passé. Son cœur semblait vouloir déchirer et sortir de son poitrail. Des souvenirs immondes jaillirent du plus profond de son âme. Des actes immondes, des guerres, des femmes violées, torturées, des trahisons, des parricides, l'exécution d'êtres chers. Ses anciens souvenirs presque oubliés déboulaient depuis son âme à la porte de son esprit. Des champs de batailles, des corps jonchant le sol, la désolation, le sang. Un bourbier sans nom et des geôles glaciales, spartiates, encore plus mortelles que la blessure qui avait faillit lui retirer la vie. Ses hommes, leurs mains, le dégout d’être une femme soumise à leur force, à leur abject besoin de dominer de la plus vile manière le morceau de chair qu’elle était en la possédant, en la blessant pour la seconde fois d’une manière plus marquée. Cette cicatrice là ne pourrait jamais se refermer, ils lui avaient volé ce qu’une femme a de plus précieux… Elle essuya d’une façon colérique avec son avant bras les larmes mélangées aux gouttes qui parsemaient son visage balayant une mèche rousse. Elle devait faire abstraction de tout ça, elle ne savait pas ce qu’elle trouverait, mais surtout ne devait pas partir perdante, négative. Aller de l’avant et garder la foi…


[Provence… Quand le ciel lui tombe sur la tête]

Ne plus s’arrêter, savoir. Aller au bout de ses forces, savoir. Ne plus penser, savoir. Ignorer les battements de son cœur et le magma qui tournicotait dans ses entrailles, nait de sa peur, ses angoisses… Pousser son cheval pour arriver plus vite. Elle se maudissait un peu plus à chacune des lieues effectuées, elle tremblait de froid mais pas seulement. Elle arriva juste pour voir ce qu’elle aurait aimé ne jamais voir… Elle arrêta son équidé d’un coup sec, hypnotisée par la vision de cet homme portant sur son épaule un petit corps inerte. Elle n’arrivait plus à bouger, son sang n’avait fait qu’un tour et ses muscles étaient tétanisés. Vision d’horreur, elle se sentit vide, venait de recevoir une gifle sans nom. Muad et le sale gosse. Tirer sur les rennes… Un pas. Essayer d’avaler sa salive… Un pas. Résister, résister, résister… Tous ses gestes allaient dorénavant se passer au ralenti comme si son cerveau était incapable de voir le temps défiler, de voir l’urgence. Le monde autour d’elle s’effondrait, ses murailles si durement construites recevaient l’assaut de cent trébuchets d’un coup. Elle se laissa glisser du dos de sa monture et les yeux hagards se dirigèrent là où le vassal de Marie s’était stoppé… Elle ne ressentait plus la fatigue, ni le poids des lieues chevauchées, elle ne ressentait plus rien d’ailleurs, que du vide à la place du cœur, elle se haïssait et avait peur de ce qu’elle allait découvrir… Fallait-il qu’elle tourne la tête pour être sure que ce petit corps qui jonchait le sol avec un médicastre au-dessus de lui était? Non son instinct le lui avait soufflé… Un simple murmure se faufila d’entre ses lèvres : ‘Grimoald’.

Ses yeux doucement remontèrent des bottes aux braies et au mantel de Marc… Elle était là, hésitant et d’un coup ce fut une furie rousse qui se jeta sur lui, les poings en avant martelant son poitrail de toutes ses forces, tapant sans cesse, pour lui faire mal, pour se faire mal, pour vider cette douleur qu’elle n’arrivait pas à refouler, elle mitraillait encore et encore ne faisant même plus attention à sa frappe…

Vous m’aviez promis, vous m’aviez promis…

Répétait-elle inlassablement en hurlant comme si le frapper n’avait pas suffit. Puis d’un coup le calme avant une nouvelle tempête? Elle se laissa tomber à genoux… Ses mains glissèrent le long du torse, des jambes de Lasteyrie, sa chute s’arrêta, en touchant le sol, elle se raccrocha à ses braies en baissant la tête… Sa main gauche lâcha le vêtement et se faufila autour de son cou… Elle se releva lentement, très lentement et plongea son regard émeraude dans le sien, lui mit la pièce trouée qu’elle avait autour du cou sous le nez et lâcha d’une voix frémissante… ‘Vous m’aviez promis!’
Muad_dib


"Vous m'aviez promis.... vous m'aviez promis...." Des mots qui résonnent dans la tête de Muad avec intensité. Oui oui il avait merdé bon... mais il n'était qu'un homme non? Depuis quand les hommes devaient ils tenir leur promesses? Elle qui avait été politicienne devait savoir ca... Il faut mentir pour faire plaisir! C'est une règle de base a toute bonne relation sociale. Alors oui bon... en l'occurrence son mensonge n'avait tenu que une semaine... en politique ils arrivaient a mentir pendant un mois de campagne tout entier!... mais l'exploit été deja remarquable pour Muad. Puis bon... l'gosse était pas mort... enfin pas tout a fait... enfin presque... Il fallait l'espérer quoi...
Il ne faisait plus trop le mariolle, ca c'était certain par contre. Puis sa jambe devait avoir sacrement honte vu comment elle rougissait. Mouarf! naaaan! ne pas rire! Ewa semblait effondrée... elle était effondrée d'ailleurs; littéralement; au pied de Muad. Bon bon bon... une solution! vite! Coup d'oeil discret vers le cheval... Mouais... la fuite semblait encore le plus simple. Mais il ne fallait pas partir comme un voleur tout de même. Il était en Provence pour "redorer" son blason et partir sans un mot n'irait certainement pas aider a cela. Soupire sur soupire... mais que faire nom de Dieu?
S'agenouillant devant Ewa il la regardé a travers le trou de la pièce qui se balançait devant son nez.


Je suis... désolé?

La phrase du siècle! elle était arrivée! Seigneur tout puissant bénit donc celui qui porte ta Tres Sainte parole pleine de sagesse. Bon... et puis quoi dire d'autre après tout... Déjà il était désolé alors que ce n'était pas entièrement sa faute. Il n'avait pas obligé le gosse a venir en première ligne et l'en dissuader n'aurait servit qu'a affermir un peu plus sa détermination de jeune étalon fougueux. Nouveau chapelet de soupires qui s'égraine dans un silence de mort.

Écoute Ewa... je ne pouvais rien faire. Le gosse était a mes cotés et en un éclair il s'est retrouvé coupé de moi et a terre. C'est deja un miracle que j'ai réussi a le ramener en vie au campement. J'ai promis oui, mais certaines promesses ne peuvent être tenues. Celle ci en faisait parti même si je l'ignorais au départ. Il est blessé a la jambe, il va s'en sortir je pense. Quoi qu'il en soit tout cela m'a fait comprendre que ma place n'est pas a essayé de défendre un idéal stupide et une guerre sans fondement. Aujourd'hui j'ai tué un enfant... Il aurait put être mon fils...

Brusque prise de conscience... Le gosse était tombé. Mais Muad y était pour quelque chose. Il aurait du le faire attacher dans un coin du campement pour qu'il ne participe pas a cet assaut des plus risqués. Mais a quoi bon?... De toute façon les dernières décisions de Muad n'avaient fait que l'enfoncer un peu plus dans des actions stupides et inconsidérées. Mais que foutait il diable en Provence alors que sa suzeraine le pressait depuis des semaines de venir la rejoindre?... Oui... oui... c'est ce qu'il fallait faire!
Pourquoi réfléchir plus? Il le voulait depuis des semaines! Se levant sans un mot il lanca un dernier "désolé" en direction d'Ewa puis se précipita sur son cheval pour foncer a bride rabattue vers Eymoutier et son calme. Oui voila... du calme. Une longue période de calme... Et les caves d'Eymoutier sont bien remplies...
Ewaele
[Etre ou ne pas être…]

Comment réagir elle ne le savait pas ou plus du moins, tout lui semblait si… Elle était dépassée par les évènements, comment pouvait-elle lui en vouloir à lui? Tout ça car elle lui avait demandé de surveiller le gosse? Elle savait pertinemment au fond d'elle que personne n’aurait rien pu faire et sans doute même pas elle dans la même situation que Marc. Comment pouvait-elle rejeter sa rancœur à la face de cet homme? Qui était- il réellement pour elle, pour qu’elle puisse se permettre de le juger de la sorte, pour l’incriminer de n’avoir rien fait? Etions-nous maitres du destin mais surtout des actes des autres? Elle savait que non, mais à ce moment là il avait été le bouc émissaire idéal. Quand elle l’entendit s’excuser elle ressentit une pointe glaciale la traverser. Décidément où se trouvait son cœur? En avait-elle un? Elle pencha la tête pour l’écouter et la question lui revint comme un message défilant devant les yeux. Qu’étaient-ils l’un pour l’autre? A part le fait d’avoir la même suzeraine, pouvaient-ils parler d’une amitié même naissante ou simplement d’une rencontre anodine, deux être liés par une vassalité de loin ou de près… Elle soupira, sachant qu’elle avait sans doute été trop loin et que ce qui allait suivre ne lui plairait pas, mais que faire maintenant? Stupide elle avait été, stupide face à lui elle resterait pour toujours et à jamais.

Agenouillés tous deux, elle aurait pu reprendre la parole, essayer de s’excuser, de lui faire comprendre ce qu’elle ressentait, la peur qu’elle avait eu, mais ses lèvres restaient scellées face à Muad. Seuls ses yeux auraient pu parler pour elle mais dans l’état présent des deux personnages, ni l’un ni l’autre n’étaient en état de faire la part des choses. Trop de sentiments mêlés les tenaillaient pour qu’ils puissent aller de l’avant comme deux adultes en d’autres circonstances l’auraient fait. Les dés étaient jetés, leur destin avait été lié par une promesse intenable et tout s’effondrait là maintenant dans le chaos de ce campement où les blessés et les morts maintenant arrivaient pour se faire soigner ou recevoir l’extrême onction… Lasse, elle était lasse, prendre sa main mais elle ne pouvait pas bouger, ses yeux auraient aimé lui dire regarde-moi, regarde mes prunelles, lis en moi… Je ne t’en veux pas, tu ne me devais rien, mais… Mais rien du tout, elle devait ravaler sa fierté et parler, parler pour ne pas laisser le mal s’insinuer là où il ne devait même pas être. Elle n’en eut pas le temps, elle le vit se relever et prendre la fuite impuissante. Elle le regarda s’éloigner penaude, vide, déchirée, un ultime ‘je suis désolé’ la glaça jusqu’aux os et elle s’effondra sur le sol, froid et humide…

Elle se laissa porter vers un ailleurs, celui qui ne pouvait que la réconforter en ces cas là et qu’elle ne connaissait pas pourtant, sauf à travers les récits de son père.

Le ressac des vagues se brisait sur les rochers aux arêtes dentelées, inlassablement. Flux... reflux... flux... reflux... La rouquine ne se lassait pas de contempler ce spectacle perpétuel. Elle prit le temps d'admirer d'un coup d'œil circulaire le paysage sauvage et immuable qui s'offrait à ses yeux, les hautes falaises qui barraient l'accès à cette plage magnifique, tels des remparts naturels, leur paroi abrupte interdisait toute tentative d'escalade et semblait propre à décourager toute intrusion... Le lieu idéal. La jeune femme se voyait retirer ses cuissardes, soulageant ainsi ses pieds chauffés par la longue marche qu'elle venait de faire, comme si passer d’une vie à des pensées lui avait demandé un effort surnaturel. Elle savoura la douce sensation du sable entre ses orteils et remonta ses braies comme un enfant qui s'apprête à patauger puis elle ôta sa cape et relâcha sa chevelure qu'elle avait retenue par un lien de cuir tressé. Le vent vint caresser sa peau et jouer avec ses cheveux tandis que le disque doré s'abîmait dans la mer... Elle écarta les bras comme mue par une irrépressible envie de tournoyer au gré de la brise sauvage et se mit à exécuter une danse envoûtante, portée par une musique qu’elle seule entendait, la musique enivrante de l'eau, de l'air, de la terre et du feu qui vivait dans l'astre solaire. Elle les sentait l'appeler irrésistiblement, prendre possession de son corps et de son esprit, alors que la pénombre descendait doucement sur le campement. Elle tournoyait doucement la tête en arrière, riant et criant, éperdue de vie jusqu'à en perdre haleine puis elle s'effondra sur le sable, secouée de spasmes presque incontrôlables et son regard se perdit dans la course affolée des nuages teintés d'encre qui s'amassaient dans le ciel. Retour à la réalité dure et amère. Elle se releva et se mit à scruter le lointain pour ne pas regarder ce qu’elle avait sous les yeux, quand les premières gouttes tièdes se mirent à tomber doucement sur son visage puis de plus en plus fort jusque à ne former qu'un rideau argenté et vivant qui voilait l'horizon. La moire du ciel se déchira bientôt de grandes zébrures blanches et lumineuses, exprimant la volonté d'entités immémoriales qui demandaient leur dû. Ewa reprit ses esprits en même temps que l'orage cessa.

Elle se dirigea vers la tente où l’enfant avait été conduit. Il était là gisant sur une couche de fortune le médicastre au dessus de lui finissant de lui administrer les derniers soins possibles pour l’heure. Acteur sans nul doute des maux qui venaient d’avoir lieu, pour lui, à cause de lui. Mais comment lui en vouloir, comment reprocher à ce petit être ce que des adultes ne maitrisaient même pas. Redresser le museau et s’avancer un peu plus pour venir auprès de lui… Lentement, très lentement regarder son teint blafard et lever une main pour venir caresser une joue, passer dans ses cheveux, jouer avec une mèche, espérant seulement qu’il ouvrirait les yeux, un espoir de le voir toute peine sourire, pour elle, à elle… Un espoir, le seul qui pour le moment aurait pu la soulager, la faire rebondir. Puis venir entrelacer ses doigts aux siens, ne les serrant pas trop pour ne pas lui faire mal, comme si dans sa position il pouvait ressentir quelque chose de plus douloureux que sa blessure. Mais ne sachant rien d’autre de ce qu’il se passait autour d’elle, toute son attention était reportée sur ce môme qui avait réussi à la faire sourire, à la mettre en émoi, un sale gosse qui avait su, elle, l’apprivoiser… Ironie du sort après ce qu’elle avait pu vivre, mais ironie douce en son cœur. Elle murmura son prénom maintes et maintes fois debout à ses côtés attendant, patiente comme jamais, un mouvement, un battement de cil ou l’ouverture de ses yeux…
‘Grimoald !’
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Grimoald
[Reviens à moi]


Blanc... Tout était blanc, beau... Oh oui ! Qu'il aimait ça, le sale môme ! Comme il trouvait ça jolie... Tout était calme, luxueux, voluptueux. Il souriait. Son âme avait quitté son corps, et elle s'était élevée dans le ciel. Il voyait, comme un spectre qui pourrait jouer dans les airs, comme un oiseau. Plus il prenait d'altitude, mieux il voyait l'ampleur de la bataille. Mais il montait, se dirigeant vers le soleil. En souriant... Il voyait les français, les Provençaux, eh puis les autres... Ceux qui n'étaient ni provençaux, ni français, ni vivants. Les morts, bien sur... Et le sang.. le sang qui jouait avec la terre la rendant rouge.. Rouge sang. Mais il s'en moquait... Oui, il montait. Il montait vers le ciel, et il était content. Il savait ce qu'il l'attendait, il s'en doutait. Après toutes ces années, il allait enfin voir ses parents. Avaient-ils changés? Papa était-il barbu, comme lorsqu'il ne se rasait pas de deux jours? Maman serait toujours aussi belle? Il nageait dans l'air, essayant de se diriger vers le nord... Mais cela était impossible. Il montait d'une trajectoire rectiligne vers le soleil, vers le ciel. Il ne pouvait pas faire autrement, et il le savait. A quoi bon avoir peur? S'il eut peur, il se serait débattu, refusant de monter... Mais là, il n'avait pas peur. Allez savoir pourquoi... Les gosses sont imprévisibles. Alors, dans tout ce blanc, il distingua des formes, des couleurs pâles. C'était des gens ! Des enfants, comme lui ! Des hommes, des femmes ! Il y était arrivé... Le royaume des immortels. C'est alors qu'il passa à côté d'un homme, un peu barbu, qu'il n'avait jamais vu.


« Dites, je cherche mes parents, vous les avez vu? »

L'homme ne marchait pas, il flottait, tout comme lui. Même si par habitude, il agitait ses jambes, ça ne lui servait à rien. Il s'amusait à faire des sauts dans le ciel, retombant sur le dos, sur la tête, mais en ne se faisant jamais mal. L'homme passa sans même détourner son regard. Peut être qu'il était devenu sourd, quand il était en bas. Il faut dire que ses cheveux grisonnants ne présageaient pas qu'il soit jeune. Mais qu'importe... Grimoald continua à marcher. Un frisson lui parcourut le corps quand il regarda sa jambe. Elle ne lui faisait pas mal, mais elle était pleine de sang. Étrange... Il ne la sentait plus, et lorsqu'il la touchait de son doigt, c'eût été comme s'il passait son doigt au travers d'une fine toile d'araignée. Il s'amusait de ça... La sensation était étrangement drôle. Mais, lorsqu'il releva la tête, il vit une grande femme, rousse. Il pensa en premier lieu à Ewaele, puis à Esyllt. Elle lui ressemblait. Cette femme souriait, mais il n'y avait aucune chaleur dans ses yeux. Il s'approcha et plissa légèrement les siens.

« Vous m'entendez? Qui êtes vous?
Tu me connais...
Ah bon? Je crois que vous faites erreur...
Je suis Morgwen, la mère d'Esyllt et d'Ellesya. »


Sans trop réfléchir, le jeune homme se baissa, s'inclinant respectueusement. Il avait toujours imaginé voir cette dame, d'ailleurs, dans ses rêves, il l'imaginait sur un grand cheval, galopant à travers champs. Alors qu'elle posa son doigt fin sur sa joue pour le faire relever, elle lui dit quelque chose d'étrange. Quelque chose qui le secoua intérieurement. Comment savait-elle..?

« Tu t'es bien battu, aujourd'hui.
Mais comment...
Maintenant, il va falloir redescendre. Tu as encore à faire en bas.
Non, je veux voir mes parents. »


Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait froncé les sourcils. Il était ici, alors maintenant, il voulait les voir. Ça ne servirait à rien de monter jusqu'ici, d'avoir fait tout ce chemin pour ne voir qu'un vieux sourd et une pair! Bon, d'accord, la rencontre avec la Duchesse avait été intéressante, et elle n'était d'ailleurs pas terminée. Il était quand même encore en train de lui parlait, et ils marchaient même à côté l'un de l'autre.... Comme lorsqu'il parlait à Ellesya. Elle lui manquait, et en plus, ici, il faisait froid. Il voulait simplement voir ses parents, et, ensuite, il voudrait peut être redescendre. Mais Morgwen n'était pas en train de l'emmener vers ses parents, il le savait. Elle voulait qu'il redescende, et lui ne voulait pas. Alors il essayait de ne plus avancer, mais il y avait quelque chose qui l'attirait, comme une pente trop abrupte que l'on ne peut grimper. Il se laissa donc aller à la vie, et, d'un coup, sa jambe lui refaisait mal, son corps avait une masse, et surtout, il sentait son cœur battre.

Comme s'il avait envi d'ouvrir les yeux le matin, il essaya de bouger son bras pour se les frotter. Il voulait regarder où il était. S'il le faut, les ennemis avaient pris son corps pour le torturer et le faire avouer quelque chose... Il paraît qu'ils avaient ça aux templiers... Il ouvrit un peu les yeux, ne sachant si c'était la nuit ou le jour, ne sachant où il était, ne sachant qui l'avait emmené ici. Il sentait bien qu'il était sur quelque chose de plus confortable que la terre, aussi imbibée de sang puisse-t-elle être. Il distingua alors des formes floues... Fallait-il appeler? Oui, il fallait appeler. Mais rien ne sortit de sa bouche, qu'un petit
« Mmmm ». C'est alors qu'il vit une silhouette rousse... Encore elle? Non, elle était restée en haut... Et un mot vint à son esprit, un nom...

« Sya... »
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Ewaele
[Sombre et sentimentale…]

L’atmosphère auprès du feu sous la tente était propice à un repli sur soi confortable, Ewaele avait toujours eu des rapports agréables avec cet élément. Elle se rappelait très bien les récits de son père sur les réunions du village dans sa petite enfance, autour d’un beau feu de joie, où l’Ancien racontait ses plus belles histoires, où les musiciens faisaient apprécier leurs talent avec voluptés, mais aussi où les jongleurs, bateleurs et autres gens du spectacle se mettaient en scène. Par la suite elle avait entendu des récits, autour de feux également, quand elle voyageait avec lui. Il tenait dans son sac bien des histoires de combats, de guerre, mais également d’amour et de vie. C’était à ses côtés que la jeune femme avait apprit le peu de choses qu’elle connaissait de ses origines.

Les paroles du médicastre à ses côtés la tirèrent brièvement de ses rêveries, la rouquine le voyait naviguer de corps en corps, accourant aux gémissements des uns et des autres, se précipitant à l’entrée de la tente dès que le battant se levait pour accueillir les blessés ou pire… Les morts. Elle n’avait pas réalisé que n’importe lequel de ses amis présents sur les champs de batailles pouvaient passer ses portes de tissus si légères à tout moment. Puis plus un bruit, plus un mot. Le silence régnait en maitre. Elle était juste lasse. Ses pensées naviguèrent vers un homme, qu’elle n’avait pas revu ni dont elle n'avait eu de nouvelles depuis des lunes. Que devenait-il, que faisait-il? Etait-il encore en vie? Le savoir disparu emplissait son cœur de souffrance. S’il était vivant, comment prendrait-il sa rencontre avec elle? Ses questions lui trottaient dans la tête comme une araignée tissant sa toile au fond d’un crâne. Un enchevêtrement de fils pour une multitude d’interrogations. C’en était trop pour la Comtesse qui éprouvait le besoin de sortir, de prendre l’air. Ce n’était pas tant le fait d’être immergée qui l’étouffait mais bien de ne pas savoir comment résoudre ces problématiques qui lui venaient tous les jours, qui ressassaient le passé comme on retourne un couteau dans une plaie. Ewa ne savait que penser. Elle se persuadait qu’il fallait qu’elle vive cette vie avec autant d’ardeur que possible.

Elle franchit la sortie de la tente… Puis replongea dans ses pensées. Les lames venaient se briser sur la roche en rythme régulier, en contrebas de la falaise. La Boesnière père désignait ce son comme les battements de cœur de l'océan venu se livrer aux hommes. Fixant l'horizon, elle se demanda si la mer pouvait vraiment être apprivoisée ou si elle restait aussi fugace et imprévisible que ses propres vents. Comme pour lui répondre, une brise légère se leva et vint la caresser, jouant avec ses cheveux et glissant dans son oreille des mots que nul autre ne pouvait comprendre en gaélique. Ewa releva la tête en fermant les yeux et se laissa ainsi bercer, respirant lentement et profondément. Puis, prise d'une soudaine inspiration, elle aurait aimé s'avancer au bord du précipice, et évaluer la chute…

La rousse se ferma alors totalement à ce qui l'entourait, concentrant son esprit sur ce qu'elle allait faire. Ses muscles fins saillirent sous sa peau et elle leva le regard vers le ciel. Une aura lumineuse l'entoura peu à peu tandis que deux courants d'air s'accolaient en face d’elle. Tout à coup, elle fit un bond rapide et imaginaire en direction du vide. Mais au lieu de tomber de la falaise elle disparut le temps d'une seconde. Elle tomba alors comme une pierre au sol.

‘Relève-toi’, gronda une voix dans sa tête… Elle se leva donc et retourna auprès de l’enfant, s’assit, jambes ramenées contre elle, les bras croisés sur ses genoux, le menton en appui sur ses avant bras, Ewa, les yeux fermés, presque en position fœtale vulnérable et retranchée en elle-même, bien que projetant une partie de son esprit sur la crête des vagues. Est-ce que tout n'était qu'éternel recommencement? Comme la danse incessante des vagues? L'avenir se dessinait pour elle comme ce tableau que la nature peignait et repeignait sans cesse sous ses yeux, à l'image de cette ligne d'horizon brumeuse et incertaine. Son cheminement lui apparaissant aussi mouvementé et tumultueux que la houle ondulante qui venait s'échouer à ses pieds. Le vent caressant et humide semblait lui chanter une douce mélopée. Berçant sa solitude, confident secret de ses doutes et de ses peines, il semblait la pousser à sortir de sa torpeur, veillant son instinct, ses sens.

La rouquine releva la tête puis son corps au moment même où l’image d’une flèche étrange vint se planter dans l'onde mouvante. Elle fit surface quelques instants plus tard... Le sale gosse avait parlé, elle n’avait pas rêvé, elle avait entendu un murmure, un son, une plainte? Elle se rapprocha de lui, prit à nouveau sa main, entrelaça leur doigts, se fit douce, protectrice au-dessus de ce petit être. Elle scruta son visage, elle n’avait pas pu imaginer, non c’était lui, ça ne pouvait être que lui. Alors son autre main vint câliner du bout des doigts ses joues blafardes et des mots naquirent sur ses lèvres, pour lui, rien que pour lui :


Grimoald, je t’en supplie, parle moi, dis-moi quelque chose, ô sale gosse de mon cœur, dis-moi que tu m’entends, que tu me vois, que tu sens mes mains. Je suis là… Plus rien ne peut t’arriver, Grim s’il te plait…

Et alors qu’elle était là, penchée au-dessus de lui, elle l’entendit… ‘Sya’. Elle ferma les yeux, comme prise de vertige, elle serra un peu plus ses petits doigts entre les siens, glissa le creux de sa main pour épouser sa joue, elle approcha son visage du sien, déposa un baiser du bout des lèvres sur son front et vint auprès de son oreille.

Hé sale gosse, c’est moi, Ewa, tu sais la rouquine…

Elle était émue et sa voix était d’une douceur inhabituelle, elle se rendit compte en relevant ses traits que les yeux de l’enfant étaient ouvert, un sourire délicat vint se loger sur sa bouche et plus un mot ne sortit, juste des regards entre lui et elle et l’attente… Lui laisser le temps et être forte pour eux deux.
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Grimoald

Les yeux du jeune garçon étaient encore ouvert... Et pourtant, il ne voyait presque rien. Un voile troublant sa vision s'afférait à brouiller son regard... Il voulait voir, il voulait savoir. Était-il en dangers? Peut être les français avaient-ils perdu la bataille, et le garçon avait été capturé... Comme s'il fut une rançon. Il essaya une seconde fois de lever son bras, de bouger, mais il ne pouvait pas. Il avait perdu sa force. Était-il attaché? Surement... Mais à quoi bon, il n'allait pas se battre alors que son genoux ne supporterait surement pas son poids ! Aristote... M'as-tu abandonné ? Son cœur battait la chamade, ses yeux restaient ouvert, sans cligner. Il avait vagabondé dans le ciel, dans cette lumière blanche pendant des heures, des jours peut être... La faible lumière qui éclairait son corps n'était rien, comparée à la clarté céleste... Il n'était pas ébloui. Non... Et pourtant, cette tignasse rousse, devant lui, ne trompait pas. C'était une femme, pour sur... mais comment réellement le savoir. Il faudrait mieux voir les traits de son visage, mieux distinguer les contours de sa figure... Et, qui sait, peut être connaitrait-il la femme en question... Ça le rassurerait tellement. Et puis... Ce silence ! Ce vide ! Parlez bon dieu ! Bougez ! Criez ! Vivez !

Mais ne me laissez pas seul...


« Hé sale gosse, c’est moi, Ewa, tu sais la rouquine… »

Et un frisson lui parcourir le dos... C'était elle... mais.. Comment? Tellement de questions ! Il aurait voulu pouvoir parler, vouloir lui dire ! Il était si heureux ! Reste, ne m'abandonne pas ! S'il te plait... Non ! Oui ! Noir ! Blanc ! Ce que tu veux... Mais je t'en conjure, je t'implore... Reste. Même si toutes ces questions se bousculent dans ma tête, je te les poserai plus tard... Ou jamais.

Comment as tu su?
Pourquoi es tu venue?
Tu n'as pas eu d'ennuis?
Qui t'as prévenue?

Il sentait la peau fine des doigts de la Comtesse dans sa main. Il la sentait, il vivait grâce à elle... Elle lui donnait de la force... Comme si le fait que le contact seul de leur peau pouvait le maintenir en vie... Parce qu'il doutait. Pourquoi Aristote lui accordait la vie, alors qu'il péchait si souvent... Il voulait vivre ! JE VEUX VIVRE ! Eh puis, Morgwen lui avait dit... Il faut qu'il fasse des choses, ici ! Parfois, il y a donc des choses inexplicables qui se passent, des choses que l'on ne peut comprendre. Et, pour lui montrer qu'il l'entendait, pour lui montrer que, malgré tout, malgré la vision troublée, malgré son genoux qui le lance, malgré tout ça, il voulait lui parler, il ferma ses doigts, et essaya de serrer... en vain.

Mais, comme quelques minutes plus tôt, il voulut dormir. Il voulait rentrer dans cette bulle propre aux enfants... Il savait qu'il était en sécurité. Il le savait, il pouvait être confiant... Pierre, Marc, Dono... Ils doivent être en liberté, maintenant... Ils n'ont pas du être touchés... Oui ! C'est ça ! C'était tellement mieux... Il ne voulait pas... Non... Il ne savait plus... Laissez moi tranquille... Un dernier sourire à Ewa, maintenant, il pouvait... Puis... Il se laissa aller à l'abîme...

Laissez moi dormir...


    [Vingt jours plus tard]


« Si je vous dit que ça va, c'est que je vais bien ! Je peux me lever, marcher, alors je vois pas pourquoi je devrais rester ici ! »

La voix du jeune homme qui avait retrouvé sa vitalité s'élevait dans la tente médicale. Pour qui ils se prenaient, vraiment ?! Il allait mieux, sa voix aigüe et vivifiante en témoignait. Mais il avait marre... Rester assis, tout le temps... Tout le temps... Marre ! Il en avait marre de cette maudite Provence, de ces maudits marquis, de ces félons... On rentre quand à Tours?

« - Je me moque de ce que vous pensez, vous res...
- Dans vos rêves ! Je m'en fiche je m'en vais quand je voudrai..!
- Faites le taire, part tous les saints... »


Sur son lit d'hôpital, le jeune freluquet regarde l'homme qui se plaignait. Il était laid... le visage cerné, et les rides creuses... Et en plus, il était chiant. Mais, alors que le jeune homme continuait à crier et à s'énerver contre le médecin, il vit Ewaele rentrer dans la tente. Enfin ! Elle était là...

« S'il te plait, partons... »

Mais avant de partir, il lui fallait régler les dernière affaires, les dernières choses qui lui feraient avoir la conscience tranquille. Il fallait notamment qu'il réponde à la fille qui lui avait écrit... La jet setteuse, comme ils l'appelaient. La grande Alterac, la belle Nore. Elle lui avait écrit... Ca l'avait surpris. Fallait-il lui dire? Surement pas... Elle allait s'inquiéter... C'était une grande personne, et les grandes personnes sont toujours inquiètes... mais elle n'était pas comme tout le monde... enfin... Grimoald ! Suffit ! Tu réfléchis trop !

Citation:
    Ma Dame, comme j'ai vu que tu étais dame à présent. Il faudra que tu me fasse visiter, et me dire si c'est un beau château. Si c'est le tien, je ne doute pas qu'il soit le plus beau... Au moins du duché ! Voira du comté... je sais même pas où il est, t'aurais pu me l'écrire !


    Bonjour, donc;

    Sache que je me porte bien... Même si ça n'a pas été tout le temps le cas. Je me suis battu... Vaillamment, selon certains. Moi, je me suis trouvé faible... Je suis tombé, alors que les autres étaient encore debout. Je me suis pris un coup d'épée dans le genoux, et je me suis retrouvé dans l'autre monde, pendant quelques jours. Mais aujourd'hui, je vais mieux. Le médecin ne veut pas que je parte, mais j'ai décidé que je voulais partir, donc nous voila sur les routes ! Je me suis fait une amie: Ewaele. Je crois qu'elle connait ta mère, vaguement... Ou pas d'ailleurs.

    On se verra certainement bientôt.
    Il me tarde, en tous cas...

    Mais dis moi, comment va Clarisse?

    Sur cette question réthorique (je sais ce que ça veut dire maintenant, et je sais aussi que la réponse est: elle se porte pour le mieux), je signe de mon nom.


    Grimoald de Montmorency,
    Toujours pas seigneur.


Moui, c'est pas mal. Il n'y a pas les formes, mais ce n'est pas un courrier officiel, il est presque intime !

Allé, andemos !

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Donotach
Donotach qui voyait Grimoald se rétablir et même retrouver toute sa vitalité dans la tente médicale tentait de le persuader de ne pas quitter en ce moment. Mais rien, aucun mot ne le faisait changer d'avis.

Le moment était donc proche pour le départ.

Je te souhaite une très bonne route et n'oublie surtout pas de te cacher tant que tu ne seras pas en terrain ami. On se reverra surement très bientôt.
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Soldat de dragons de Touraine, 2eme compagnie Lochoise
Si j'avance suivez moi! Si je meurs vengez moi! Si je recule Tuez moi!
Ewaele
L’ESCARMOUCHE

[Entre conscience et inconscience… Un récit trouble]

Elle se sentait s’élever, traversant un lieu sans nom, comme un ciel épais, successivement nuancé de bleus, d’ocres variés puis de blanc. Un blanc lourd, une toile d’hiver, il neigerait sans doute… Comme dans la réalité? C’était bel et bien la saison du givre… Il contrastait avec le tableau de son songe et se sentait léger, comme s’apprêtant à disparaître. On dit que certains hommes ne reviennent jamais de leur nuit, était-ce ainsi? Et entendait-on une délicate mélodie, à peine audible, venir nous envelopper dangereusement, prête à nous étouffer? Non, cette musique si fine et si douce ne pouvait être que bienveillante, le pensait-elle du moins. Ewaele vit les notes, comme faites d’or, s’échapper de fenêtres tout aussi riches et décorées. La demeure? Etrange que son conscient l’emmène en ces lieux qu’elle avait à peine habités. Et pourtant, elle était attirée, irrésistiblement attirée. Et brusquement, elle redevint lourde et ses pieds touchèrent le sol : l’entrée de la propriété même. Elle fut assez hébétée, un peu sonnée par cette sensation d’apesanteur soudainement réduite à néant, le froid la prit aussi, comme si elle était de retour en Limousin et elle avança dans la bâtisse, un peu hésitante. C’était bien beau, mais d’une façon irréelle… Il y avait d’autres personnes aussi! Ce qui la surprit plutôt, d’autant plus qu’elle n’avait pas l’air de les connaître. Elle se retourna pour voir qui lui parlait mais il n’y avait personne.

Ewaele glissa sa main dans celle de Grim qui ne la rejeta pas, même s’il tourna son visage vers celui de la Comtesse pour lui signifier qu’elle prenait des libertés notables. Elle avança et son bras se tendit emportant la main figée de l’enfant. Non il n’y avait rien de naturel dans ce geste, rien qui ne présageait que le sale gosse allait la suivre. Pourtant, elle insista fortement et il fit un pas, puis un autre, conciliant. De l’autre côté, une ombre s’agita. La rouquine n’aimait pas tout cela, ce type de manifestation dégénérait toujours et tous ici savaient, ou presque, se battre. Les portes de la ville d’Aix s’ouvrirent majestueusement. Elle referma immédiatement son visage, vraiment peu convaincue de l’issue de l’histoire… Troublée par cet attroupement de soldat, elle se tourna vers le gamin… Elle entendit des pas s’approcher et ne se retourna pas tout de suite pensant qu’il s’agissait d’une ronde. Mais il n’en fut rien, une voix lisse de ténor mal assuré prononça des paroles. Elle se tourna lentement et comble d’horreur… Elle n’eut que le temps de dégainer son arme et de se positionner devant Grimoald comme si elle pouvait à elle seule le couvrir. Elle aurait aimé lui crier sauve-toi mais trop choquée par ce qu’il leur tombait dessus, elle se concentra sur la dizaine d’hommes et de femmes qui venaient les encercler pour livrer combat. Il n’aurait de toute façon pas été bien loin, le garçon se mit dos à dos avec elle affrontant aussi courageusement que la rousse ce qu’il se tramait. Elle hallucinait et avait du mal à se persuader, malgré toutes les démarches effectuées pour circuler librement afin de ramener le gosse en Royaume de France. Tout cela ressemblait à une embuscade, comme s’ils étaient attendus. Ce qui aurait dû être le cas soit dit en passant. Mais pas de cette façon, qu’on les ignore soit, mais qu’on les malmène non.

Eviter les coups, protéger l’enfant, ne pas le perdre des yeux, mais cela était impossible, même avec toute la meilleur volonté, elle n’y arrivait pas, elle sentait les épées la taillader de part et d’autre, comme si les flammes de l’enfer venaient la lécher, lui imposant de multiples brûlures qui lui arrachaient de faibles gémissements et l’affaiblissaient. Mais elle ne s’arrêterait pas tant qu’elle pourrait tenir sa garde et se battre. Jusqu’au bout. Jusqu’à la mort si c’était sa destinée. Mais elle perdit son protégé de vue, et là tout son monde s’effondra, elle faisait voler son épée, chaque mouvement devenant plus lourd, plus maladroit, elle résistait aux douleurs des morsures infligées par les lames. Elle savait qu’elle ne maitrisait plus rien, ils étaient en nombre et même si elle l’avait voulu, elle n’aurait pu faire quoi que cela soit… Sombrer? Non pas encore, son heure n’était pas venue et puisqu’il voulait du spectacle ils allaient en avoir!

Perdue dans une spirale de brumes aussi ténébreuses que ses troublantes prunelles, incapable de s’extirper de cette boucle angoissante sans fin, elle n’avait d’autre choix que d’affronter les fantômes de son passé. Sa mère passa devant son regard et, comme dans un labyrinthe, il lui semblait qu’elle lui interdisait de se faire du mal volontairement. Mais se faire du mal dans quel sens? Elle ne comprenait toujours pas. Puis venait sa meilleure amie, la flamboyante Marie. Rageuse, elle la giflait pour ensuite lui cracher au visage qu’elle ne lui pardonnerait jamais ce qu’elle avait fait. Mais qu’avait-elle fait? Elle l’ignorait ou plutôt, voulait l’ignorer. Son père apparaissait à ce moment là. Vêtu comme un seigneur, il approchait d’elle et tendait sa paume droite, poisseuse de sang. Sa voix la transperçait comme une dague de glace. Il réclamait son dû et lorsqu’elle lui demandait ce qu'il était, il répondait avec un sourire méprisant : Ta vie. Une nuit encore peuplée des pires cris qu’elle n’avait jamais poussés dans la réalité. Une nuit courte, longue et suante, les yeux fermés. Elle avait haleté, ses longs cheveux roux avaient masqué son visage et s’étaient collés à cause de la sueur, puis plus rien. Elle avait l’habitude de se voir mourir dans ses songes.

L'esprit échauffé par les railleries, la rage et l'adrénaline, la jeune femme se redressa et envoya sur le sol la caractéristique cape de la Licorne dans le seul but de ne pas l’abimer. Ewa remarqua à peine que les bruits autour avaient cessés. Peut-être les soldats avaient-ils été tués, maîtrisés ou mis en déroute. Dans ses rêves sans doute, seule avec un gamin c’était fort peu probable… Ne pas penser au pire… Elle se battait, frappait, contrait... Les bruits de coups, chair contre chair, claquaient en résonnant contre les murs de la ville, ponctués par des exclamations des autres combattants. Le sang coula, les os se brisèrent, la peau céda, et pourtant, personne ne ralentissait l'allure. Dans un rythme effréné, sous les yeux des spectateurs, les coups de poings, coudes, pieds, genoux, armes pleuvaient.

Le front d’Ewa se macula de sang, elle se brisa un doigt et sentit plusieurs de ses côtes se briser, mais la rage l'empêchait de sentir la douleur. Une colère sans limite animait la rouquine tandis que la volonté de dominer muait ses adversaires. Aucun ne semblait vouloir, ou pouvoir, céder. S'ils n'avaient pas été mortels, nul doute que le combat se serait poursuivit pour l'éternité, comme une constante universelle. Elle finit par un simple duel, les autres soldats s’étant reculés. Les deux combattants échangèrent des coups violents pendant de longues minutes, qui parurent durer l'éternité entière. Leur nature éphémère fut la seule chose qui leur fit finalement ralentir le rythme. Mais même meurtris, blessés, épuisés, ils refusèrent d'arrêter. L'intensité fit place à l'obstination. Les coups pleuvaient avec plus d'intervalle et moins de violence, mais l'on y sentait tout de même une seule et même volonté. Celle que l'autre soit le premier à tomber. Il leur fallu encore de longues minutes de lutte acharnée pour que l'issue du combat arrive enfin. Ewa cessa de fixer son adversaire et regarda au-delà. Au-dessus d'eux, dans l'air, l'esprit embrumé par le manque d'oxygène, l’écuyère vit une forme. Belle, éthérée, familière. D'une pure blancheur, d'une grande beauté. Un visage ô combien connu, ô combien chéri. La vision dessina un sourire tendre et sincère sur son visage ravagé par le combat.


J'arrive... Je vous rejoins...

Lâcha-t-elle à la forme éthérée dans un murmure. Avant que tout ne sombre dans l'obscurité. Finalement, à bout de force, elle se laissa tomber au sol de tout son poids… Rien plus rien…

Après quelques minutes de marche, elle déboucha sur une minuscule clairière, manquant d'aller se cogner dans une étrange statue de pierre rongée par le temps, représentant un homme d'épée agenouillé dans une position de respect. Curieusement attirée par l'œuvre d'art, la jeune femme gratta un peu la mousse pour dégager les inscriptions qui apparaissaient sur le socle mais ne put hélas déchiffrer ce qui y était marqué. Haussant les épaules, un peu déçue, elle admira le jeu de la lumière à travers les feuilles. L'endroit lui plaisait, malgré tout, il dégageait une atmosphère apaisante, comme si un petit îlot de printemps s'y était développé. Le froid se faisait moins vif ici, et ça et là, à travers l'humus et la mousse, de petits brins d'herbes folâtres pointaient déjà leur nez. L'endroit idéal pour essayer une nouvelle fois de démêler ses pensées. Elle s'installa en tailleur, soigneusement emmitouflée dans sa cape, au pied d'un épais tronc d'arbre, et ferma les yeux, relâchant le contrôle qu'elle exerçait difficilement sur ses émotions. Doucement, les larmes se mirent à rouler sur ses joues rosies par le froid, une par une, puis tout un flot, dans des sanglots silencieux. Toute cette tension l'épuisait. Elle avait peur, peur de l'avenir, de ce qui pouvait arriver, et ne savait que faire ... Progressivement, le poids imposant qu'elle sentait peser sur ses épaules s'effaça et avec lui naquit une certaine sensation de chaleur qui se diffusa dans tout son organisme. Elle se sentait bien, l'esprit vidé de ce qui la tourmentait. Sans qu'elle ne s'en rende compte, elle sombra peu après dans un sommeil réparateur, sa tête venant reposer directement sur le sol.

La lumière chatouillant soudain ses paupières, elle papillonna plusieurs fois des yeux avant de se décider à les ouvrir. S'étirant comme après un long sommeil, elle découvrit avec perplexité qu'elle venait de se réveiller dans une large et confortable bergère. Sa chevelure cuivrée cascadant librement sur ses épaules et son dos accrochait les reflets d'une douce lumière, en provenance de grandes fenêtres en arche, s'ouvrant dans le mur opposé, voilées par de légers rideaux de voile. Allongeant ses jambes repliées sous elle durant son sommeil, elle posa un pied nu sur le sol carrelé, sans en ressentir la froideur, puis un deuxième, le riche tissu de sa robe venant frôler ses chevilles. Voilà qui était bien étrange. Etait-ce réellement un rêve? Tout avait l'air si vrai … Captant son reflet dans un miroir, elle se découvrit habillée d'une longue robe de soie, d'un crème doré, ornée de motifs exotiques et élégants, retenue par une très large ceinture d'un rouge-brun, qui mettait en valeur la finesse de sa taille. Un nom résonna doucement dans son esprit, en même temps qu'elle prenait conscience de son environnement. La musique, les oiseaux, le décor, et la table dressée. Elle se trouvait à nouveau dans leur demeure ? Et Il n'était pas encore là !

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Grimoald
[Retour en enfer]


Grimoald, 12 ans. A douze ans, on est encore un jeune garçon, on entre dans sa puberté, on devient autonome. On commence a avoir les idées claires, et même, on peut faire plaisir à une femme. Si si ! Enfin... Pas sur demande comme à l'âge adulte, mais dans l'absolu, on pourrait. Mais parfois, on a besoin d'une femme... Ça sert bien, une femme, plus qu'un homme peut être ! Enfin... pas sur, à vérifier. Assis devant Ewaele, sur le cheval, le jeune homme chantait. Quand un enfant chante, c'est qu'il est content. Il avait un peu mal, oui, à son genoux, mais il s'en moquait. Il était encore en Provence, oui, mais il allait bientôt en sortir. Rentrer en France, voilà ce qu'il voulait. Il ne pouvait pas plier la jambe, alors il la laisser pendre le long de l'épaule de la monture. Le souffle de la Comtesse faisait bouger les cheveux posés sur la nuque su garçon, et cette sensation lui procurait des frissons. Il l'aimait bien, sa rousse, et en plus, elle sentait bon... Puis, elle n'était pas désagréable à regarder. Dans l'absolu, elle ressemblait un peu à Ellesya... En moins... Je sais pas, elle n'étaient quand même pas pareilles.

« Je n'avais jamais ôte mon chapeau, devant personne,
Maintenant je rampe et je fais le beau, quand elle me sonne !
J'étais dur à cuire elle m'a convertit, la fine louche... euh non mouche !
Et je suis tombé tout chaud tout roussit, contre sa bouche... »


Le jeune clampin se dandinait sur son cheval, comme si il fut dans la taverne la plus branchée de paris. De toute façon, il pouvait chanter, ils n'étaient pas là illégalement. Ils avaient les papiers, tout ça, les accords, donc à quoi bon se cacher? Le sale gosse tourna la tête vers la rousse qui souriait en coin de le voir ainsi faire. Il se mit à rire et continuait à chanter. Ils chevauchaient depuis longtemps, ils ne tarderaient pas à arriver à Aix. Il reverrait surement Galaad, ça lui ferait plaisir. Un gosse plus chiant que lui, ça, ça n'arrivait pas tous les jours ! Mais déjà, au loin, les remparts de la capitale se dessinaient. Ewaele ne pouvait pas faire aller le cheval trop vite, pour ne pas faire mal à la petite crotte fragile qu'elle avait devant lui, et pourtant, la petite crotte voulait qu'elle se dépêche. Il en avait ras le bol du cheval, et de l'inconfort que le pommeau procurait. Alors, il chantait, se dandinait, et regardait le paysage. Cependant, jamais il n'aurait cru que toute l'histoire allait se passer de cette façon. Il se voyait déjà, dans deux semaines, à Tours, en train de faire son chieur pour quelques crêpes... Et pourtant... Doucement coco, tu rêves trop. Le monde n'est pas si parfait, oh que non.

« Je subis sa loi je file le tout doux, sous son empire,
bien qu'elle soit jalouse au delà de tout, et même pire... »


Cheval à l'arrêt, la rousse qui descend. Il devait arrêter de chanter... Ils étaient arrivés à Aix. Lentement, elle le prit le souleva non sans difficultés (il avait pris du poids à rester immobile) et le mit à terre. Il fit une grimace, montrant qu'il avait mal, et elle lui donna ses béquilles. Il les mit correctement, et il commença à marcher. On ne cache pas que les débuts avec ces bouts de bois étaient difficile, mais on peut dire que, avec le temps, il s'y était habitué.... Même si le soir il avait toujours un peu mal sous les bras.

Clac, clac, clac...

Menton relevé, allure fière, il se rapprochaient des portes de la ville quand celles-ci s'ouvrirent. Grimoald leva un sourcil, il n'était pas habitué à un tel accueil, surtout dans ce comté de nuls. Puis... C'était étrange... Ils étaient encore à cent mètre que déjà la porte s'ouvrait... Il eut alors un déclic. Mais non, ils n'allaient pas oser... De toute façon, ils étaient en règle, alors ils pouvaient venir. Comme il s'en était douté, un groupe d'une dizaine de personne arriva. Ils les encerclèrent sans dire un mot. Un garde commença à parler avec son accent provençal... Autant dire que le mioche ne pigeait rien à ce que ce pauvre gland pouvait dire. Puis, il s'en fichait; Il voulait manger, son ventre gargouillait.


« C'est fini oui ?! Laissez nous passer, ça suffit... »

Sourcils qui se froncent, et le jeune homme brave l'interdit. Il s'avance vers les hommes et demande de passer, alors que les autres lui rient à la figure et le pousse pour qu'il rejoigne sa compagne de voyage. Quel toupet... Ils savent pas qui il est, le jeune ! Mais ils le sauront bien assez tôt... Et alors que les gens s'approchent, le garçon brandit sa canne. Qu'ils approchent, il a passé ses journées à l'aiguiser. Qu'ils osent, et ils verront ce que c'est d'avoir un trou dans le bide ! Ewa se met dos à dos avec le jeune garçon... Non... Ça va commencer... NON ! Que ça ne recommence pas ! Et déjà, il entend le fracas des armes derrière lui... La Licorneuse a retrouvé sa condition de tueuse et se bat, seule contre tous... Grimoald avance, en laissant trainer sa jambe, s'aidant d'une seule canne, alors que l'autre est pointée vers un soldat, comme lors des joutes. Il voit le soldat rire et donner un coup d'épée pour éviter le bout de bois... Il n'a pas trop de difficultés... Misère... Il se retourne et Ewa tombe... Le boule qui lui tordait le ventre s'enflamme, son cœur ne bat plus, ou si, il bat trop vite... Elle est tombée... Elle est.. morte? NON ! Laissez là ! Les larmes commencent à couler sur ses joues, ses bras tremblent. Il s'appuie sur son unique canne, et n'a plus de moyens de défense. Et il pleure ! il pleure. Il pleure...

« Laissez là ! Ne la touchez pas ! »

Une voix qui cri et qui résonne alors que les hommes commence à se baisser sur sa comtesse... Qu'ils la laissent.

« Raclures ! Chiens du sans nom ! Tête de morts ! LAISSEZ LA ! »

Des mots débités à une cadence folle, non... Il ne faut pas... Ne la touchez pas... Il boite et se dépêche d'aller vers elle. Plutôt lui qu'elle? Surement... phylécastrope... LAISSEZ LA ! Il veut crier mais sa gorge est nouée... Et pourtant, il se déplace tel un chien errant qui aurait perdu sa patte et qui boite comme pas possible... Et pourtant, le chien, malgré son âge, malgré sa faiblesse, se mettra au milieu des loups pour les empêcher. Il ne veut pas qu'on la touche, pas elle ! Il lève sa canne et essaye de toucher un homme qui est penchée sur Ewaele...

« Pourritures, je vais vous tuer !! »

Et le cœur de Grimoald bat encore plus rapidement... Sa peur, qui étaient alors à son maximum, trouve le moyen de monter encore... Il a tellement peur qu'il est à la limite de tomber... Il est à la limite de défaillir. Les gens s'approchent... Il voit les gens s'approcher... Il voit leurs armes ! NON ! Allez plutôt vers elle... non... vers moi... non... Il ne sait plus. Que cela cesse, que cela cesse ! Il en a marre, de tout ça... Il a déjà mal au genoux, il est déjà blessé... Et les armes s'approchent, vite... trop vite... Il a peur, le Grimoald, diable qu'il a peur. Et pourtant, il ne veut pas se rendre, il ne veut pas. Plutôt la mort ! Il doit accomplir quelque chose, en bas, c'est Morgwen qui lui a dit, dans le ciel... Elle lui à dit ! Il sent une lame dans son dos, il sent la fraicheur de l'acier. Il se cambre, et tout de suite, il sent que la chaleur du sang inonde ses vêtements. Et voilà qu'un autre donne un coup de pied dans sa canne. Il perd l'équilibre, et il chute...

« Laissez moi ! Partez ! Ne me refaites pas ça ! J'ai mal ! S'il vous plait... »

Il les supplie... Et pourtant, il voit le soleil disparaître derrière les têtes de gros lards des soldats qui rient... Eh polo ! Un gosse ce soir, marrant non? Et ils se marrent, les raclure... Voir un gosse les supplier de ne pas l'amocher, ça les fait marrer...

« S'il vous plait... »

Jamais il pourra enlever de sa mémoire les rires gras des gars qui l'encerclent, alors qu'il est à terre, jamais.
Et pourtant, l'abime le reprend...
Encore.

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Galaad__vf
Galaad, tête brune aux mille pensées, perdu dans des histoires de grands, d'indépendance, de marquisat... C'est pas ton monde, le chiard, c'est pas ton monde. C'était simple, au début, maintenant il n'y entendait plus grand chose, enfin, surtout, il ne voulait pas trop voir que des gens qu'il aimait, et, le pensait il, l'aimaient aussi, allaient se battre contre d'autres dans le même cas. Sans même parler d’amour… il craignait de voir encore le sang. La seule bataille où il avait tenu le rôle de tambour hantait encore son esprit. Chaque nuit, il revoyait les chairs abimées, calcinées pour certaines, déchirées. *sic* Alors il ne dormait plus, ou essayait. Ça ne durait guère. Exténué, affaiblit par la maladie, il sombrait rapidement.

Ses seuls moments de sourire, de rire, même, c’était lorsqu’il était avec les gens auxquels il tenait. Des gens comme son presque père qui avait survécu. Sa troisième, aussi, qui était repartie au combat. Il en tremblait, le môme. Il était perdu. Et Flore ? Flore qui lui écrivait… sa peine, ses envies, ses projets. Ils n’avaient pas les mêmes idées, étaient elles siennes, d’ailleurs, ses pensées à lui ? Flore disait qu’on lui mentait, mais il ne pouvait y croire.

Ce soir, des voyageurs devaient arriver en Aix. Ce soir, dans la nuit, demain matin, il ne savait guère. Avec Benquoi le presque papa, il s’était posté en haut des murailles. Il voulait pouvoir guetter ces voyageurs. Cette dame à la Licorne qui l’avait sollicité lorsqu’il était porteur de la parole. Celle à qui il avait dit qu’elle pouvait voyager sans crainte en Provence, n’étant pas belligérante. Et elle revenait en Aix, avec un môme. Enfin, môme… Le double de son âge quand même ! C’était pas rien ! Un presque aussi chiant que lui, et c’est pas peu dire.

Et donc la petite tête brune accompagnée d’une autre, moins petite mais pas moins brune, était postée en haut d’un rempart, guettant. Son nouvel ami, un môme qui voulait faire la guerre… Jusqu’à ce qu’il ait vu ce que c’était. Grimoald. Premier contact. Raté. Second… Ils s’appréciaient. Alors, le môme, il guettait. Sœur Anne ne vois tu rien venir ? J’m’appelle pas Anne, gamin. Je sais, mais ne vois tu rien venir ?

Soudain, deux silhouettes. Un môme à quatre jambes et une femme. Chevelure flamboyante dans les lueurs des torches. Et Galaad qui amorce de grands signes, ne crie pas, pourtant, on croirait à une attaque. Et le môme de garder son bras en l’air, un temps. Avant de le laisser retomber par la seule force de la gravité. Et de rester là, bouche bée, ne comprenant pas. Ne saisissant pas encore le sens du tableau qu’il avait sous les yeux. Des soldats… Provençaux…

Un cercle.

Autour des deux voyageurs.

Et des mouvements.

Des coups. Des coups…

Beaucoup, énormément, trop de coups.

Des hurlements.

Un désespoir.

Deux silhouettes qui s’affaissent.

Et un chiard qui se rend compte qu’il crie, qu’il hurle, qu’il se débat, maintenu par deux mains fermes. Que s’il n’est pas déjà en bas, c’est que son presque père le retient. Qu’il allait sauter. Qu’il voulait descendre, là, maintenant, tout de suite. Qu’il avait envie de crever ses alliés Provençaux. Soldats avinés incapables d’entendre raison.

Et de pleurer.

D’hurler des paroles incompréhensibles.

De murmurer enfin…

D’avoir envie de n’avoir rien vu. Rien entendu.

Et de se dire, qu’il n’a que six ans, le môme, et qu’il ne peut rien faire.

Et de pleurer.

Encore.

Chiale. C’est ça, la guerre. Des monceaux de chair humaines bien loi de ce qui est censé en faire partie. Des membres arrachés, des cadavres pillés. Des blessés qu’on égorge, d’autre qu’on oublie. Ceux sur lesquels on s’acharne parce qu’ils ne sont pas du bon camp, le notre. C’est toujours le notre, le bon. Même quand on fait pire qu’en face.

Une damoiselle qui avait demandé droit de passage et l’avait obtenu.

Un gamin, du double de son âge qui n’en était qu’encore un, de môme.

Chiale le môme.

Chiale.

T’as vu, Grim, on t’aime tant qu’on a voulu te garder pour plus longtemps…

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Z'ai pas compris... pourquoi le trou ?
Z'ai 5 amoureuses, 5, comme toute la main ! Enfin, des fois moins, mais 5 quand même !
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