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[RP] D'un conseiller ducal exaspéré et d'un amour contrarié.

Terwagne
(HRP : Je signale juste au passage que ce RP se déroule après le dénouement à venir de "la tombée à l'eau de Terwagne" )


Château de Pierre-Scize, bureau du bailli :

Groumpfh de groumpfh et re groumpfh!
Même en Berry je doute d'avoir déjà vu ça...


Oui, elle elle ne faisait pas de "grmbl", mais bien des "groumpfh", ce qui devait sans doute vouloir exprimer la même chose, à savoir son exaspération devant certaines choses et surtout certaines personnes.

Perdre son temps, voila ce qu'elle avait l'impression de faire depuis plusieurs jours, pour ne pas dire semaines, et ce n'était pas le dernier passage qu'elle venait de faire en salle de discussion où se tenait la table ronde des chefs de port, maires, et représentants du Conseil ducal qui allait améliorer son humeur.

Tourner en rond, parler pour faire du vent, ne faire avancer en rien certains débats, laisser dormir de plus en plus de discussions n'attendant plus qu'une conclusion, ignorer les questions posées, faire la sourde oreille aux propositions de solutions exposées... Voila comment elle aurait résumer l'action de certains dans les murs de Pierre-Scize ce mandat-ci.

Sur son bureau, un tas de papiers épars, et dont la vue avait tendance à la désespérer encore plus.

Un de ceux-ci contenait des idées qu'elle avait couchées sur le vélin afin de leur exposer à tous... Des idées d'animations pour pouvoir commencer à rembourser les mairies ayant investit dans la construction des ports. Ces idées, elle le leur avait exposés, en effet, une semaine plus tôt, et mis à part deux ou trois voix qui s'étaient faite entendre pour dire que cela leur plaisait, et bien rien... Pas de réponse à ses questions pour savoir qui? quoi? quand? et où?

Un second papier contenait lui une liste de questions. Des questions posées par un des chefs de port dont la hargne avait certes tendance à exaspérer beaucoup de monde, mais dont les interrogations avaient le mérite d'être sensées, réfléchies, claires, et surtout exposées. Exposées... Elles n'en étaient que là depuis des semaines, ces questions, attendant toujours des réponses... Réponses qui ne venaient pas, parce que visiblement seul l'aspect financier était important aux yeux de certains, et pas le reste.

Cette liste de questions, la Dame de Thauvenay l'avait rappelée à plusieurs reprises aux autres membres du conseil, le Vicomte d'Ancelles y avait apportés des ébauches de réponses ensuite, qui auraient du tout au moins permettre aux autres membres du conseil de commencer à travailler dans ce sens.

Aurait du, oui... Parce que depuis, seul le Conseiller aux mines avait bien voulu s'y pencher quelque peu, il fallait au moins lui reconnaître ce mérite même si on ne partageait pas toujours ses avis et opinions. Lui au moins tentait d'avancer.

Les autres papiers présents sur le bureau contenaient d'autres résumés de discussions en attente, que la Bailli, certains jours, se faisait un devoir à rappeler, après avoir hésité pourtant, estimant que ce n'était pas son rôle à elle de faire des rappels à l'ordre, ni de recadrer un peu les choses en attente de décision ou de votes. C'est qu'elle ne voulait vexer personne, ne voulait pas non plus avoir l'air de ruer dans les brancards et de se mêler de tout, mais l'inactivité ça avait tendance à vite l'ennuyer, et le manque de conclusions à des choses quasiment réglées encore plus...

De tout cela, elle ne pouvait parler avec personne, au fond, puisque sa nièce Anne ne faisait plus partie du Conseil Ducal, et qu'elle-même partait du principe que dès les locaux du Conseil ducal quitté elle n'avait pas à parler à qui que ce soit d'extérieur de ce qui s'y déroulait.

La dernière chose à l'avoir mise hors d'elle, c'était un vote... Un vote à plusieurs propositions de réponse, mais dont on ne savait même pas quelle était la question au juste, puisqu'il faisait conclusion à une discussion où plusieurs questions avaient été posées.

Peut-être aurait-elle du en rire, au fond, mais là elle avait surtout envie d'en pleurer tellement elle se demandait si les choses allaient enfin prendre une tournure sérieuse et constructive au lieu de voir tout le monde s'éparpiller et s'agiter dans tous les sens pour pas grand chose comme résultats concrets.

Repoussant toutes les feuilles en un tas sans aucun ordre, tas qui aurait très bien pu servir d'allégorie à ce conseil ducal, elle poussa un profond soupir et posa son front contre le bois de son bureau.

Il n'y resta pas longtemps, puisqu'elle le releva quelques secondes plus tard en entendant frapper à la porte, et se leva pour aller l'ouvrir, découvrant devant elle un messager envoyé par Anne.

Lui demandant d'attendre pour le cas où il y aurait une réponse à faire parvenir, elle décacheta la missive qu'elle lut très rapidement.


Citation:
Ma Tante,

Un de mes vagabonds, Messire Italien, s'est installé il y a peu à Vienne. Il espérait y retrouver l'élue de son coeur, mais la dame en question se trouve à Embrun, où elle est arrivée il ne sait trop comment.

Cette dame, qui a nom Chlozo, a résolu de le venir rejoindre à Vienne. Cependant, je crains fort pour elle les dangers de la route.

Y aurait-il dans votre entourage quelque homme de confiance qui accepterait de se rendre à Embrun et d'en ramener la dame Chlozo ?
J'aurais volontiers adressé ma requête à mon oncle d'Aupic, mais depuis son retour du Berry, il refuse obstinément de sortir de sa chambre. Matheline lui laisse ses repas devant sa porte, et je remercie chaque jour le Très-haut qu'il accepte de les prendre.

Votre affectionnée,

Anne


Brève réflexion, très brève réflexion même, de sa part, et réponse rédigée, dans un sens sans doute bien différent de ce qui s'attendait à recevoir Anne.

Citation:
Ma chère nièce,

Sans doute pourrais-je trouver quelque homme de confiance dans mon entourage, en effet, mais pour tout vous dire je n'ai guère l'envie de chercher.

Le cas de ces deux jeunes tourtereaux m'a bien émue, et j'ai moi-même besoin de grand air. Aussi, si vous me pensez digne de confiance comme pourrait l'être un homme, je vous invite à prévenir cette demoiselle de mon arrivée à Embrun sous peu afin de l'escorter jusqu'à Vienne.

Mais peut-être préféreriez-vous que nous partions à plusieurs? Ce dont pour ma part je ne vois pas l'utilité, mais sait-on jamais...

J'attends de toute façon votre réponse avant de faire mes bagages et de prévenir le Vicomte d'Ancelle de mon départ.

Avec toute mon affection,
Votre tante Terwagne.


Pli confié au messager, elle semble hésiter devant la porte ouverte de son bureau en le regardant s'éloigner. Il lui reste encore quelques heures avant de prendre la route, et elle pourrait en profiter pour faire un dernier tout dans les différents lieux de réunion du Conseil... Mais est-ce vraiment la peine d'aller se rendre compte une fois de plus que rien n'a avancé? Elle y renonce et ferme sa porte, préférant encore se concentrer sur son travail à elle et ses chiffres.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Anne_blanche
Il n'y a pas loin de Vienne à Lyon, en temps ordinaire. Cinq lieues, ça se parcourt en deux petites heures, quand on a un bon coche, solidement construit, tiré par deux bons chevaux. Mais justement, on n'était pas en temps ordinaire. Malgré la maestria de Bacchus, on avait mis, cette fois, près de six heures pour parvenir en vue de la capitale. A la moindre petite côte, les chevaux patinaient sur la neige tassée, malgré les chiffons dont le cocher leur avait soigneusement enveloppé les sabots. Les roues creusaient de profondes ornières, qui rendaient la progression encore plus difficile.

Blottie sous la couverture de voyage, dans le coche enténébré par les rideaux de cuir soigneusement baissé, Anne s'était demandé plus d'une fois avec appréhension si la nuit ne finirait pas par les surprendre en rase campagne. Quelle idée, aussi, de vouloir à toute force voyager par ce temps à ne pas mettre un chien dehors ! Mais Anne avait eu envie de revoir Lyon, où elle n'avait plus mis les pieds depuis sa démission du Conseil Ducal. Elle voulait passer à l'Université, recevoir des mains du Doyen sa licence ès Etat, dont elle n'était pas peu fière. Il faut bien avouer aussi qu'elle n'avait pas pris vraiment conscience de la difficulté de l'entreprise, avant de s'y trouver confrontée. D'autres auraient admiré, par les portières, la virginité du paysage, ou la froide majesté des forêts. Anne n'avait jamais été sensible à la poésie de la neige. Elle n'y voyait qu'une chose froide, humide, douloureuse pour les yeux, seulement propre à précipiter dans la tombe vieillards et nourrissons.


On arrive, Demoiselle !

L'annonce de Bacchus sonna comme une délivrance. Anne se décida à relever un des rideaux, pour s'apercevoir que, s'il restait en théorie une bonne heure de jour, tout était déjà obscurci par un amoncellement de nuages du plus mauvais augure, du côté de Meximieux.
Sur la route, en avant du coche, une silhouette apparut soudain, semblant surgir de la chaussée elle-même. Bacchus ralentit l'allure, fouet à portée de main.


Holà ! Maître Bacchus ? Maître Jannequin ?

Oui-da, l'homme ! Je suis bien Bacchus... Eh ! Par la barbe d'Aristote, c'est toi, Louis ?

C'est moi, et je suis bien aise d'être pas obligé de courir jusqu'à Vienne. J'ai vu les armes de La Mure sur le coche. J'ai un message pour la demoiselle.


Ce fut en franchissant les portes qu'Anne prit connaissance de la réponse de Terwagne à son courrier du matin. Louis, son message délivré, était monté sur le siège à côté de Bacchus, et elle entendait les deux hommes échanger des banalités sur le mauvais temps, la neige, l'hiver dont on ne verrait pas le bout de sitôt...


J'aurais dû m'en douter ...

Un sentiment de culpabilité l'étreignait. Elle sentait que la décision de Terwagne était prise. Oh ! Certes, elle précisait attendre la réponse d'Anne avant de faire ses bagages. Mais la jeune fille n'y croyait pas trop.

Et s'il lui arrivait quelque chose ? Je ne me le pardonnerais jamais !

Tant pis pour Messire Misericus. Le beau diplôme tout neuf attendrait bien une ou deux heures de plus.
Anne se fit conduire immédiatement à Pierre-Scize. Le bureau de Terwagne, elle en connaissait le chemin par coeur, l'ayant elle-même occupé tout un mandat. Mais c'est sans plaisir qu'elle parcourut le corridor menant à la porte familière. Sa tante ne lui avait rien dit de la façon dont se déroulaient les séances du Conseil Ducal. Mais justement, c'est ce silence-même qui avait mis la puce à l'oreille d'Anne. Si tout s'était bien passé, Terwagne l'aurait dit. Et Anne en aurait été fort surprise ... Les conditions dans lesquelles s'étaient déroulées les négociations pour l'élection du Gouverneur ne laissaient présager que des choses si laides qu'elle avait préféré se retirer.

Dix mois de Conseil Ducal, ça crée des réflexes. Anne poussa la porte sans y penser, après un rapide et machinal coup du doigt replié, sans attendre l'invitation à entrer. Terwagne était assise à sa table de travail, plume en main, abaque à portée.


Le bonsoir, ma Tante. Je reçois à l'instant votre réponse, j'ai croisé Louis en arrivant à Lyon.

L'onglée la saisit, et elle porta les doigts à ses lèvres pour les réchauffer.

Ne songez point à partir ce soir, je vous prie. La route de Vienne est affreuse ! Je suis certaine que nous trouverons quelqu'un d'autre.

Le regard, au-dessus des doigts joints, suppliait bien plus que les mots.
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Terwagne
Se concentrer sur son travail... Facile à dire oui, moins à faire lorsqu'un tas de chose et surtout un excès de ras-le-bol vous encombrent le cerveau.

Et ce soir-là, ça n'était pas uniquement la Bailli qui était excédée, malheureusement. C'était également, et peut-être même surtout, la femme qui avait de plus en plus de mal à comprendre ce que faisaient certains Lyonnais, comment ils réfléchissaient, où ils avaient la tête, ce qui les motivait.

A croire que seules la richesse et la mise en avant motivaient nombre d'eux, sans compter ceux qui eux n'étaient pour elle que des donneurs de leçons qui jamais ne retrousseraient leurs manches, des "Je critique à tout va mais moi je n'ai pas le temps de réfléchir et encore moins de proposer mieux".

Penchée sur ses chiffres qu'au fond elle ne regardait même pas, elle fut heureuse de voir entrer sa nièce, mais aussi surprise.


Anne!

Contente de vous voir, même si je ne m'y attendais pas aussi rapidement.


Après avoir écouté la jeune fille et comprit comment elle se trouvait déjà là, elle se leva et lui prit un instant les mains, très brièvement, en souriant d'une façon qu'elle aurait voulue un rien rassurante, ne s'imaginant que trop bien le genre de craintes qui devaient traverser l'esprit de la demoiselle à l'idée qu'elle parte seule sur les routes jusqu'Embrun.

Voyons, Anne, ce ne sont pas quelques flocons de neige qui vont arrêter une "tempête" comme moi. Vous vous en doutez bien.

Et comme je vous le disais dans mon courrier, j'ai vraiment grand besoin de prendre l'air en ce moment. Cela ne pourra m'être que bénéfique.

Et puis, si vous aviez déjà été amoureuse, vous sauriez à quel point ces deux jeunes gens doivent être impatients de se rejoindre. Il serait idiot de les priver de la possibilité de pouvoir être ensemble un jour plus tôt uniquement à cause de la poudreuse, non?


Relâchant l'étreinte de ses mains, elle se dirigea vers le crochet où était pendue sa cape, décrocha cette dernière, et l'enfila. Elle n'avait pas envie de partir trop tard tout de même.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Anne_blanche
Anne s'y attendait. Terwagne ne renoncerait pas à ce voyage. Une pression des doigts sur les siens, un sourire rassurant... Loin de suffire à rasséréner la jeune fille qui venait de passer des heures à se morfondre au fond de son coche.

Voyons, Anne, ce ne sont pas quelques flocons de neige qui vont arrêter une "tempête" comme moi. Vous vous en doutez bien.

Oui, oui, elle s'en doutait. Elle sourit faiblement, pas convaincue par l'argument. "Tempête", d'accord, pourquoi pas ? Mais peut-on rester tempête face aux éléments ? Anne en doutait. Une réplique lui monta aux lèvres, sitôt arrêtée par les mots de sa tante.


Et comme je vous le disais dans mon courrier, j'ai vraiment grand besoin de prendre l'air en ce moment. Cela ne pourra m'être que bénéfique.


Là, rien à redire. Anne avait elle-même éprouvé, à plusieurs reprises, ce besoin impérieux de quitter Pierre-Scize. Pas sous le mandat de Dame Arwel, cependant. Celui-là, elle l'avait vécu dans la sérénité, sûre de ne pas devoir attendre des semaines qu'un projet soit soumis au vote, qu'une discussion soit recadrée, qu'un sceau soit apposé. Ça l'avait réconciliée avec les charges ducales. Mais elle comprenait parfaitement ce que pouvait ressentir Terwagne.
Celle-ci poursuivait, usant d'un autre type d'argument :


Et puis, si vous aviez déjà été amoureuse, vous sauriez à quel point ces deux jeunes gens doivent être impatients de se rejoindre.


Anne s'empourpra. Horriblement gênée, elle se dirigea vers la fenêtre, contempla un instant la barbacane, chercha les silhouettes des gardes qui faisaient les cent pas sur le chemin de ronde. Terwagne était déjà près de la porte, cape sur les épaules, et l'attendait.
La lumière n'était dispensée généreusement qu'autour de la table de travail, et Anne espéra que les ombres de la nuit tombante suffiraient à masquer son trouble.


Me ferez-vous au moins la grâce, ma tante, de faire la première étape dans mon coche ? Bacchus m'attend là-dehors, pour me mener auprès de Messire Misericus. Un crochet par les Cordeliers ne nous retiendra que quelques minutes, et nous pourrons ensuite rentrer à Vienne ensemble, sous la garde de mon cocher et de Louis.

Peut-être, constatant par elle-même la difficulté du voyage, la dame de Thauvenay renoncerait-elle à poursuivre sur Valence le lendemain. Anne l'espérait de tout cœur, mais le dernier argument de Terwagne avait porté bien plus qu'elle n'aurait voulu.
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Terwagne
Et bien, j'accepte avec joie la proposition!
Après tout cela nous donnera l'occasion de papoter un peu toutes deux.
Cela ne fait que bien trop longtemps que nous n'en avons pas eu le temps.


Ces paroles étaient motivées par deux raisons bien distinctes, voir trois...

La première était cette bonne résolution qu'elle avait prise lors de la messe de fin d'année, celle qu'elle avait faite de tenter de se libérer un peu de temps pour sa nièce et sa jeune soeur.

La seconde était dans le but de rassurer quelque peu Anne, au moins sur le début du voyage.

La troisième était une impression fugace qu'elle venait d'avoir. En effet, il lui avait semblé, malgré l'obscurité, voir les joues de la demoiselle se teinter de rose juste avant qu'elle ne se dirige vers la fenêtre du bureau. Elle tenterait d'en avoir le coeur net durant le voyage jusque Vienne...

Quelques instants plus tard, toutes deux s'engouffraient dans le coche, qui ne tarda pas à quitter Pierre-Scize. Un silence lourd n'allait sans doute pas tarder à s'installer, comme souvent en prémisse à toute discussion intime, aussi la Dame de Thauvenay décida-t-elle d'y mettre fin de suite.


Je suis contente de quitter ce château ce soir.
J'ai beau avoir envie de servir ce Duché, je ne sais pas si je vais encore en avoir la force bien longtemps...

Je ne sais pas si je vais tenir le coup encore longtemps ailleurs non plus, ceci-dit.
J'ai bien du mal à me sentir à ma place à...


Le choc produite par ce qui sans doute n'était rien d'autre qu'un bloc de neige gelée sous une roue l'interrompit, et elle en fut soulagée, ses mots ayant dépassé sa pensée.
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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Anne_blanche
La réponse de la dame de Thauvenay fusa, si rapidement qu'Anne en resta interdite. Elle s'était imaginé qu'elle devrait batailler ferme pour que sa tante accepte le coche offert, et voici qu'elle disait "oui" tout de suite. Décidément, Tempête elle était, et Tempête elle resterait, toujours surprenante.

Mais il fallait profiter au plus vite de ces bonnes résolutions. Bacchus attendait près du coche, battant la semelle en devisant avec Louis. Ce dernier n'avait manifestement pas l'intention de gâcher sa chance de rentrer autrement que pedibus. Les deux valets montèrent sur le siège, les deux femmes s'installèrent l'une près de l'autre, la couverture sur les genoux. Dans les rues de Lyon, on progressait assez facilement. Chacun avec déneigé devant sa porte.


Je suis contente de quitter ce château ce soir.
J'ai beau avoir envie de servir ce Duché, je ne sais pas si je vais encore en avoir la force bien longtemps...


Cette force, Anne l'avait eue, dix mois. Et elle l'aurait encore trouvée, sans les coups bas encaissés dans les heures qui avaient suivi le résultat.


Je ne sais pas si je vais tenir le coup encore longtemps ailleurs non plus, ceci-dit.
J'ai bien du mal à me sentir à ma place à...


Un cahot jeta Anne contre Terwagne, qui se tut.

Pardon, ma tante ! Je ne vous ai pas fait mal ?

Une intuition lui souffla que non. Il lui avait semblé que Terwagne avait arrêté net sa phrase juste avant le cahot, que le choc n'était pas la cause de son silence soudain.
Anne le respecta, durant les courtes minutes qui restaient pour rallier le couvent des Cordeliers. Terwagne voulait-elle parler de Meyrieu ? Non, certainement non : Bacchus lui avait dit que Dame Terwagne avait repris une chambre à l'auberge, chose qui avait laissé la jeune fille bien perplexe. Alors, quitter quoi ?

Laissant sa tante dans le coche, elle fila jusqu'au bureau du doyen. Sa joie d'avoir décroché sa licence ès Etat passait au second plan. Elle n'en serra pas moins le précieux parchemin contre son coeur, sous sa cape, et gratifia Messire Misericus d'une révérence qui masquait mal son envie soudaine de lui sauter au cou.
Elle mourait d'envie de montrer le document à sa tante. Mais, d'autre part, elle avait hâte de retrouver l'intimité qui s'était si vite établie lors du bref voyage dans les rues de Lyon.
L'on repartit, l'on passa les portes, l'on affronta la tempête. Le vent soufflait la neige dans leur dos, cette fois, un peu sur la gauche, rendait par moments la conversation difficile.

Anne se taisait, craignant à tout moment que Terwagne ne l'interroge sur son trouble de tout-à-l'heure. Pour couper court, elle prit les devants.


Qu'alliez-vous dire, ma Tante ? Evoquez-vous sérieusement une ... démission ?
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Terwagne
La diversion ne fut que de courte durée, au grand damne de la Dame de Thauvenay, puisqu'après le choc et une brève halte au Couvent des Cordeliers, la question fusa des lèvres de Anne.

La tête tellement encombrée par tout ce qui lui pesait sur le coeur depuis plusieurs jours, sa tante ne pensa même pas à lui demander quelle était la raison exacte de cet arrêt, et se contenta de tourner vers elle son visage où l'on pouvait lire une certaine surprise.


Une démission du Conseil Ducal? Certes non, grand dieu!
Cela ne me ressemblerait absolument pas!

Comme je m'en suis exprimée à l'APD lors de votre propre démission, je pars du principe que lorsque je me suis engagée à quelque chose, je vais jusqu'au bout. Aussi vais-je terminer ce mandat, quoi qu'il puisse m'en coûter certains jours.


Ton se radoucissant soudain, elle poursuit.

Je ne juge en rien votre décision Anne, ne vous en faites pas...
Mais pour ma part rien ni personne ne pourrait me pousser à faire de même.


Comment lui parler du reste? Elle ne savait pas par quel bout commencer, faisait semblant d'apercevoir quelque chose par la fenêtre, pour se donner du temps, temps qui ne servit pas à grand chose, puisque finalement elle libéra ce qu'elle avait sur le coeur de façon très brutale et maladroite.

Je sais que le Vicomte d'Ancelles espérait me voir mener la prochaine liste de l'APD, et sans doute vous-même aussi, mais...

Comment dire? Je ne me reconnais absolument pas dans la majorité des gens que je croise là-bas.

Autant j'ai cru dans les valeurs de l'APD, autant j'ai eu envie et à coeur de les défendre, autant aujourd'hui je me demande si d'autres que vous et moi se souviennent de ces valeurs.

Cette liste, je ne la mènerai pas, cela c'est certain!

Pour la simple et bonne raison que s'il s'agissait d'un bateau avec un équipage, je ne voudrais pas en être le capitaine tant je manque de foi dans cet équipage certains jours, je dois vous bien l'avouer.

Mais au-delà de cela, je me demande même si... si...


Interruption, comme si l'air soudain lui manquait.

J'aime ce Duché, vous le savez, n'est-ce pas?

J'aime me rendre utile, j'aime mettre mon expérience au service de tous, j'aime m'investir en politique pour cette raison, et sans appartenance à un parti je devrais renoncer à cela, j'en suis bien consciente, et c'est sans doute pour cela que j'hésite depuis plusieurs jours.

Que me restera-t-il pour me donner envie de continuer à avancer sans cet investissement?
Pas grand chose, je le crains...

Mais est-ce une raison suffisante pour continuer à évoluer au sein d'un groupe de gens dont je me sens de plus en plus éloignée?

Comment pourrais-je défendre des valeurs qui ne sont plus celles auxquelles j'ai adhérer en arrivant en Lyonnais-Dauphiné?

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Anne_blanche
Les paroles de sa tante parvenaient à Anne comme les vagues d'une marée montante. Du moins, c'est ainsi qu'elle imaginait une marée montante, n'ayant jamais vu la mer de sa vie.
Une phrase en entraînait une autre, faisant surgir dans la tête d'Anne, qui écoutait en silence, une image, puis une autre. Tout s'enchaînait, se surajoutait, enflait, et peu à peu la plage était grignotée par le flot. Anne n'avait pas le temps de réfléchir aux mots qui se déversaient. Terwagne marquait pourtant des pauses, scrutait la nuit neigeuse, comme si elle avait pu apercevoir quoi que ce soit dans la tourmente. Etait-ce sa propre tempête intérieure qu'elle fixait ainsi ? Elle repartait, perdait le souffle, clamait son amour du Lyonnais-Dauphiné.

Anne avait souvent entendu son frère raconter la mer. Une histoire lui revint en mémoire, celle d'un jour où, par imprudence, il avait nagé trop loin. Il avait tenté de revenir à la côte, s'était épuisé en vains efforts contre le flot descendant. Le Très-haut lui avait soufflé de s'arrêter, de "faire la planche", avait-il dit. Se laissant bercer par les vagues, il avait repris son souffle et ses forces, et avait pu revenir à la plage, lors du retournement de marée.

Elle ne lutta pas, ne chercha pas à interrompre. Au contraire, quand Terwagne s'arrêta, sur des questions qui n'étaient certainement pas de pure rhétorique, elle laissa planer le silence, un long moment. Blottie sous sa couverture de voyage, heurtant durement de l'épaule, à chaque cahot, à chaque rafale, la paroi du coche, elle prit le temps de bien réfléchir à ce qu'elle allait dire. Et quand elle parla, elle remonta le flot des paroles de sa tante, pour remonter peu à peu à la source.


Les valeurs de l'APD n'ont pas changé, ma Tante. La charte affichée à l'entrée est toujours la même. Cependant...


L'affront essuyé quelques jours plus tôt, juste avant la Saint-Noël, de ceux-là même en qui elle avait toute confiance, n'était-il pas encore trop récent pour qu'elle pût en parler sans acrimonie ? Elle décida que non, et poursuivit, d'un ton calme, détaché, comme si tout cela ne la concernait plus que de très loin, au fond.


Cependant, certains membres auraient tout à gagner, et l'APD aussi, à relire la charte. Peut-être avez-vous là un rôle à jouer, ma Tante. Tout le monde n'a pas les mêmes capacités de lecture, certains ont besoin d'explications.

Votre expérience est une chance pour le Lyonnais-Dauphiné. Je sais que vous l'aimez, vous qui l'avez adopté, contrairement à moi qui y ai grandi. Il est aujourd'hui bien malmené, d'après ce que j'en puis voir depuis la retraite à laquelle je me suis contrainte. Dix mois à Pierre-Scize, des passages au bureau public du Commissaire aux Mines et au vôtre, le montant de l'impôt, les demandes aux Compagnies nobiliaires, les comptes-rendus du porte-parole,... il ne m'en faut point davantage pour me convaincre que je n'ai pas eu tort de démissionner.

Il est fort dommage en effet, pour le Lyonnais-Dauphiné, que vous ne meniez point la prochaine liste.


L'amertume lui monta soudain aux lèvres, comme si elle avait avalé sans la mieller une des pires tisanes de Matheline.

Ma décision, je savais par avance que nul ne la comprendrait, même pas vous, ma Tante, ni Messire Walan. Je le savais, et je l'ai dit, le jour de mon départ. Sans doute les valeurs dont vous parliez tantôt sont-elles trop ancrées en moi, et pas assez chez d'autres. Pour ma part, je n'admets pas que l'équipage laisse le capitaine sur la touche au moment le plus crucial.

La voix s'était faite encore plus glaciale que les courants d'air qui traversaient le coche.

Et même si vous dites, ma Tante, ne me point juger, d'autres le font, à la lueur de ce qu'ils croient savoir de moi, et de ce qu'ils imaginent de leurs propres réactions face à pareille situation.
Croyez-le si vous voulez, je n'en ai cure !
Les apparences sont parfois trompeuses, voyez-vous : tout comme vous, je vais au bout de mes engagements. La voie choisie est simplement différente.


Ce fut à son tour de soulever un peu le rideau de cuir, et de scruter la neige, à la recherche d'on ne savait quoi. La grosse voix de Bacchus et les piaillements de Louis, qui encourageaient les chevaux, étaient à demi couverts par le grondement du vent. On était encore loin de la Combe Bleue, loin de Vienne. L'obscurité laiteuse du coche rendait les choses plus faciles, au fond. En pleine lumière, Anne n'aurait sans doute pas osé une dernière remarque.


Bon courage à vous, ma Tante. Il vous en faudra sans doute autant pour continuer qu'il m'en a fallu pour arrêter, sachant ce que cela me vaudrait de haines et d'incompréhensions... Et d'ennui...


Dans quelques heures, Terwagne reprendrait la route, seule, en direction d'Embrun. Elle ramènerait à Vienne la dame qui faisait battre le coeur de Messire Italien. Une toute petite chose, par rapport à ce qu'elle faisait tous les jours pour l'ensemble des Lyonnais et Dauphinois, mais tellement importante pour les deux amoureux !
Quelques heures, qu'il fallait mettre à profit. Depuis son retrait des affaires, Anne ne voyait plus personne. Elle mesurait la valeur de l'amitié, de l'affection. Elle faisait le tri. Certains, qui l'avaient visitée tous les jours pendant dix mois, ne s'étaient pas manifestés une seule fois depuis l'annonce de sa démission. Oubliés, le temps passé au service du Duché, les conseils prodigués, en privé pour ne pas gêner les susceptibilités, les encouragements, les compétences, même. Mais il restait les autres, bien rares, et d'autant plus précieux, au premier chef desquels Messire Walan et Tante Terwagne.


Ma Tante, ai-je tort de trouver tout cela un peu vain, au fond ? C'est si compliqué, de vivre !

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Terwagne
Sentant que sa nièce avait elle aussi bien des choses sur le coeur, elle l'écouta sans broncher, se retenant de l'interrompre par instants, alors que pourtant certaines réponses lui brulaient les lèvres.

L'ambiance était à la fois lourde et emprunte d'une immense confiance entre les deux femmes qui parfois semblaient s'accrocher l'une à l'autre sans le montrer vraiment, seules toutes deux, sans plus de famille pour Anne, sans plus de passé pour Terwagne.

La dernière phrase de Anne franchit ses lèvres alors que le coche franchissait les portes de Vienne, et même si elle appréciait ce moment d'échanges à coeur ouvert entre elles, la Dame de Thauvenay en fut soulagée.

Comment répondre à cette interrogation de la jeune fille alors qu'elle-même cherchait en vain une réponse à la même question depuis un certain temps?

Elle évita simplement...

Le convoi ne tarda pas à s'arrêter, et Bacchus à venir ouvrir la portière, laissant s'engouffrer le froid dans l'habitacle.


Il y a une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord avec vous, Anne.

La phrase était tombée, nette, avec autant de rapidité que la température. Il lui faudrait bien développer, à présent. C'est ce qu'elle fit, sans prendre le temps de choisir ses mots.

Les valeurs d'un groupement, d'un parti, d'un comité, ou que sais-je encore, ne sont pas celles que l'on trouve dans une charte, mais bien celles que l'on trouve dans ses membres.

C'est le goût de la confiture, la maturité des fruits qui la composent, qui vous donnent envie d'y tremper le doigt encore et encore, avec confiance et appétit...
Pas l'étiquette posée sur le pot.


Elle marqua une pause, le temps de sortir de voiture, puis se tourna vers la jeune fille.

Je ne sais ce que je déciderai à mon retour, mais sans doute ce petit voyage me permettra-t-il de réfléchir à tout cela au calme.

Merci de votre écoute, quoi qu'il en soit.


C'est alors qu'elle lui souriait en signe d'au-revoir qu'elle se souvint de la seconde chose dont elle avait eu envie de lui parler... Mais l'heure tournait, et la route serait longue...

Alors se contenta-t-elle uniquement de soulever ce point, gageant que bientôt elle en saurait plus sur ce qu'elle avait soupçonné.


J'ignore quelle était la raison de ce rouge sur vos joues dans mon bureau tout à l'heure, mais sachez qu'il vous va très bien.

Vous me raconterez à mon retour, si vous le voulez bien.

Pour l'heure, une amoureuse éplorée m'attend à Embrun, et je n'aime pas faire attendre ceux qui ont compris où était la seule chose qui en vaille vraiment la peine dans cette vie.

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Membre de l'APD : la compétence au service des Lyonnais et Dauphinois
Anne_blanche
Sa question resta sans réponse. En appelait-elle vraiment une, d'ailleurs ? A moins que Terwagne n'ait pas entendu ? Elle semblait là sans y être, l'esprit peut-être préoccupé d'autre chose, de ce Conseil Ducal qui paraissait tant lui peser, ou ... de Messire Walan ?
Dehors, le bruit du vent s'était soudait atténué, le coche semblait avancer plus facilement. Ce fut à cela qu'Anne se rendit compte, non sans soulagement, que l'on était arrivé.

Comme Bacchus ouvrait la portière, amenant des frissons sur les joues déjà glacées d'Anne, sa tante retrouva la voix.


Il y a une chose sur laquelle je ne suis pas d'accord avec vous, Anne.


Son explication ne convainquit pas la jeune fille, loin de là. Dans sa candeur encore bien peu entamée, au regard de tout ce qu'elle avait vécu, elle croyait dur comme fer que c'est d'abord l'étiquette sur le pot qui attire, justement ; qu'on n'entre pas dans un parti par hasard, mais bien parce qu'on partage les valeurs qui y sont défendues, et qu'on ne connaît, avant de les défendre à son tour, que par les chartes ou les actes des autres membres.
Mais déjà la dame de Thauvenay descendait du coche, et Anne n'eut pas le loisir de répondre.


Je ne sais ce que je déciderai à mon retour, mais sans doute ce petit voyage me permettra-t-il de réfléchir à tout cela au calme.

Merci de votre écoute, quoi qu'il en soit.


Elle n'avait pas renoncé. Le contraire eût été bien étonnant, mais Anne n'en sentit pas moins l'angoisse reprendre le pas sur tout autre sentiment.

Ma tante...


Un sourire, elle allait partir, se ravisait.


J'ignore quelle était la raison de ce rouge sur vos joues dans mon bureau tout à l'heure, mais sachez qu'il vous va très bien.

Vous me raconterez à mon retour, si vous le voulez bien.


Sous la guimpe monta un nouveau flot de sang, qui ne devait rien à la température glaciale. Elle avait vu ! Et, à en juger par l'enchaînement avec l'amoureuse d'Embrun, elle avait compris...
Il faudrait bien parler, oui. Anne avait une petite semaine devant elle pour réfléchir à la manière de présenter les choses, réfléchir à ses sentiments, aussi. "La seule chose qui en vaille vraiment la peine dans cette vie", avait dit Terwagne. Voilà un autre point qu'il faudrait étudier, durant cette semaine. Un point que, seulement quelques semaines plus tôt, elle aurait contesté pied à pied. Encore une certitude qui s'était envolée.
Terwagne voulait partir le plus vite possible. Etait-ce cette conversation si lourde, dans le coche, qui la poussait à s'isoler ? ou réellement la volonté de rapprocher le plus vite possible Messire Italien et sa Dame ? Anne ne le saurait probablement jamais.

Elle n'avait plus qu'à attendre le retour de Terwagne et Dame Chlozo.


Envoyez-moi un pigeon dès que possible, ma Tante, je vous prie. Il me semble que cela me rassurerait.
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Terwagne
Quelques jours plus tard :

La route qui l'avait menée à Embrun s'était passée sans encombre, mis à part quelques petits ralentissements dus aux conditions climatiques, et quelques haltes dans des auberges pour se sustenter un minimum.

Un minimum, oui, parce qu'il fallait bien avouer qu'en ce moment elle manquait autant d'appétit que de sommeil, la bailli.

Elle en avait profité pour aller saluer le sieur Natchoum, et s'était jointe à Dames Somica et Bounette pour un morceau de route, en profitant pour discuter un peu des festivités avec la première des deux dames.

A Embrun, elle ne s'était guère attardée plus que de raison, laissant juste le temps à sa "protégée" pour quelques jours de finir d'empaqueter ses dernières affaires. La demoiselle devait d'ailleurs la trouver bien étrange cette conseillère ducale ayant accepté sans hésiter de venir l'escorter mais ne prenant même pas la peine d'échanger quelques mots sur les chemins ni de prendre ses repas en sa compagnie lors des arrêts qu'elles faisaient.

Terwagne aurait voulu en être capable, mais à l'heure actuelle elle était plus que jamais plongée dans un mutisme dont rien ne semblait vouloir la faire sortir, et plus la fin du voyage approchait et plus ce silence semblait vouloir devenir profond.

Bientôt elle serait de retour à Vienne, et elle n'avait toujours pas réussi à y voir plus clair en elle concernant ses motivations...

Walan l'attendait-il là-bas? L'aiderait-il à prendre sa décision? Etrangement, elle n'avait reçu aucune nouvelle de lui depuis qu'elle avait pris la route... Anne l'avait-elle prévenu de son départ?

Norf! Elle n'était même plus certaine d'avoir demandé à la jeune fille de le faire... ?

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Anne_blanche
Aucune nouvelle. Anne se rassurait comme elle pouvait, en se disant qu'elle l'aurait su, s'il était arrivé quoi que ce soit à sa tante. Elle scrutait à chaque heure le ciel enneigé, dans l'attente d'un pigeon.
Mais soit Terwagne n'avait pas le temps d'écrire, soit les volatiles se perdaient en chemin, dans cette neige qui n'en finissait pas de tomber.
Pas de nouvelles non plus de Messire Italien. Sans doute le malheureux devait-il rentrer le plus vite possible chez lui, après ses journées à la mine. Le pauvre ne voyait pas le jour : tôt parti, la journée au fond, et tard rentré. Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il évitât la fréquentation des tavernes.

Alors, pour tuer le temps, et oublier son inquiétude, Anne tentait de s'intéresser à l'économie du Duché. Après tout, cela, elle le faisait bien, et elle le savait. Sans doute n'y eût-elle même pas songé, si la saison avait été autre, si des compagnes de son âge s'étaient présentées, si le temps avait permis de plus fréquents voyages à Paris, si ...


Avec des "si" et des "mais", on met Paris en bouteille, disait le Père Comis.

Il fallait donc se montrer pragmatique, et faire ce qu'on pouvait, avec ce qu'on avait sous la main. Bacchus allait presque tous les jours à la mine, il en rapportait à sa jeune maîtresse des échos qu'elle n'aimait guère. Elle avait fini par se rendre en salle de doléances, convaincue que le Commissaire aux Mines n'avait pas lu les ouvrages à sa disposition à la bibliothèque de Pierre-Scize. Il l'avait reçue de telle façon qu'elle n'avait plus envie que d'une chose : fuir le duché.

Mais il y avait cette lettre, que Messire Walan lui avait remise avant de quitter Vienne, pour Dame Terwagne. Elle l'avait serrée dans sa besace, où elle se trouvait toujours, et dont elle n'osait la sortir, par une sorte de crainte superstitieuse : le Vicomte d'Ancelle était lui aussi sur les routes, à la tête de son armée, elle ne savait où ; faillir à la mission qu'il lui avait confiée, c'était l'exposer lui à aller au-devant d'un échec. Elle se gourmandait quand la pensée prenait forme, mais n'osait la repousser tout-à-fait.

Elle était justement en train de se lever pour sonner Matheline, et lui demander de préparer ses malles, quand la servante fit irruption, portant un de ces minuscules rouleaux de parchemin dont on chargeait les pigeons. Anne reconnut aussitôt l'écriture de sa tante, et lut avidement.


Citation:
Ma chère nièce,


Je vous écris pour vous prévenir de mon retour à Vienne ce matin, avec l'amoureuse bien impatiente de rejoindre les bras de l'élu de son coeur.

Le voyage c'est fort bien passé, malgré le temps, et je serais heureuse de vous revoir dès que j'aurais récupéré un peu de ma fatigue.

Vous êtes bien entendu la bienvenue dans mon bureau à Pierre-Scize si d'aventure vous vous trouvez dans les parages.


Affectueusement,
Votre tante Terwagne


Les parages, elle n'y était pas vraiment. Mais elle comptait de toutes façons se rendre à Lyon dans l'après-midi, pour entendre au Théâtre antique l'allocution du Gouverneur à la Noblesse.
A Matheline, qui attendait, guettant l'occasion de se saisir du parchemin et d'en découvrir la teneur, elle lança :


Dites à Bacchus d'atteler. Je pars sur-le-champ.

En plein jour, la route était moins mauvaise que quelques nuits plus tôt. Le passage des armées de Sa Majesté, dans les jours précédents, avait tassé la neige. Le coche parvint sans encombres à Lyon, et déposa Anne devant la barbacane si familière. Encore quelques pas, sous l'oeil un peu méfiant des gardes, qui se demandaient ce que venait faire là cette conseillère démissionnaire, et elle poussa la porte du bureau de Terwagne.


Le bonjour, ma Tante ! Vous ne pouvez savoir à quel point votre missive m'a soulagée. J'avais si peur pour vous !

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Terwagne
Affalée sur son fauteuil de bailli, dans une position que jamais on ne lui avait vue, la Dame de Thauvenay était à cent lieues de ce qui l'avait poussée à faire ce voyage, pas même en train de rêvasser aux retrouvailles qu'elle avait aidées, contrairement à ce qui aurait sans doute été le cas si son humeur avait été moins contrariée.

Jouant avec ses mains blessées par le froid, elle soupirait longuement, tout en regardant des chiffres couchés sur un vélin posé sur ses genoux, et non pas sur son bureau.


Y a bien que les cochons pour pouvoir profiter ainsi des joies de la vie sans se demander de quoi sera fait leur lendemain!

Moui, enfin, si ils le savaient, on serait encore plus ennuyés, les étables ressembleraient à des lacs remplis de leurs larmes.


Cette idée saugrenue la fit rire, au moment où Anne faisait son apparition.

Se redressant immédiatement sur son siège, elle prit entre ses doigts le papier qui la faisait rire et pester à la fois quelques instants plus tôt et le posa sur le meuble.


Peur? Mais voyons, regardez... Je suis en pleine forme!
Rien ne m'est arrivé de fâcheux, pas plus qu'à la demoiselle impatiente?


Elle lui sourit, et poursuivit.

A ce propos, veuillez excuser la brièveté de cette missive, mais j'avais quelques petits cochons à compter ce matin en arrivant.

Le croiriez-vous si je vous disais que le froid leur donne envie de faire des rejetons à tirelarigot? Un nombre de naissances affolant cette nuit...

Enfin, je suppose que cela ne vous inquiète pas, après tout ils partiront comme les autres, dans notre estomac.

Mais dites-moi, et vous-même, comment allez-vous?

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Anne_blanche
Contrairement à Anne, dont le jeune front s'ornait d'un pli soucieux, et les yeux de lueurs de colère, la Dame de Thauvenay, semblait de fort belle humeur.
Elle riait, même.


Peur? Mais voyons, regardez... Je suis en pleine forme!
Rien ne m'est arrivé de fâcheux, pas plus qu'à la demoiselle impatiente


Vous m'en voyez ravie, ma Tante.

A ce propos, veuillez excuser la brièveté de cette missive, mais j'avais quelques petits cochons à compter ce matin en arrivant.

Les cochons, Anne s'en souciait comme d'une guigne. Les siens prospéraient plus ou moins, ça faisait belle heurette qu'elle en avait totalement abandonné le soin à Bacchus et au porcher qu'il avait engagé des années auparavant. L'époque était bien révolue où la jeune demoiselle de Culan prétendait se mêler d'élevage. Son mandat de bailli l'avait évidemment amenée à fréquenter les étables ducales, mais elle avait bien de la peine à comprendre ce que sa tante y voyait de si amusant.


Le croiriez-vous si je vous disais que le froid leur donne envie de faire des rejetons à tirelarigot? Un nombre de naissances affolant cette nuit...

Elle sourit poliment, vaguement gênée. Quelques mois auparavant, l'idée des cochons batifolant lui aurait juste inspiré des chiffres, des calculs de rentabilité, des comparaisons entre maïs et blé. Désormais, elle détournait le regard quand on évoquait en sa présence toutes ces questions de naissances... Le rose lui monta même aux joues.

Mais dites-moi, et vous-même, comment allez-vous?

La question à ne pas poser. Elle n'attirait qu'une réponse : "bien, merci". Mais ç'aurait été un mensonge. Et puis ce feu au visage, qu'elle sentait fort bien, la Dame de Thauvenay ne manquerait pas de le remarquer. Pour détourner l'attention de sa tante, Anne fouilla fébrilement sa besace.

Messire Walan m'a donné ceci pour vous, ma Tante.

Le parchemin soigneusement roulé changea de mains. Anne se doutait bien un peu de son contenu, et ce qu'elle en imaginait la gênait presque autant que cette histoire de porcelets surnuméraires. Le vélin abandonné par sa tante à son entrée fournit à Anne matière à lecture, pendant que Terwagne prenait connaissance de la lettre du vicomte.

Ah oui, tout de même ! Près de cent !

L'économiste reprenait soudain le dessus.


Ma Tante, je dois vous dire que je suis furieuse !
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Terwagne
Ne prêtant que fort peu d'attention à la gêne qui semblait avoir envahit la jeune-fille, la Dame de Thauvenay déroula le parchemin et changea de figure en le lisant. Cette nouvelle de la part de Sans-Repos la rendit pour le moins triste, et songeuse, et sans l'interpellation lancée par sa nièce, nul doute qu'elle aurait laissé le chagrin prendre le dessus sur tout le reste.

Relevant son visage, tout en refermant la missive, elle fixa la demoiselle avant de lui répondre.


Près de cent, en effet... Enfin, bon, ils finiront bien par partir.

Elle lui sourit bien faiblement, avant d'enchaîner rapidement.

Furieuse?
Et sur quoi?
Ou plutôt sur qui?

Pas moi, j'espère...


En attendant la réponse, elle se mit nerveusement à ranger les papiers présents sur son bureau, et tomba sur le projet d'invitation qu'elle avait présenté au Chancelier Akmer.

Cette soirée qu'il lui avait demandé d'organiser pour lui n'attendait plus à présent que l'envoi aux près de 50 invités... Ce serait fait ce soir avant de quitter les lieux, si elle en avait le temps au vu de tout ce qui l'attendait encore comme travail.

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