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[RP] Phoenix jamai moris

Actarius


[Au Xe jour de février]

Joan était revenu la veille. Forcé de contourner quelques patrouilles ennemies, l'homme de confiance du Vicomte était revenu tardivement. Dans le souci de l'épargner quelque peu, le Mendois ne lui infligea pas un nouvel aller-retour vers Brignoles, et réserva la réponse à la missive de son vassal au lendemain.

Ainsi, alors que le soleil n'était pas encore levé, Actarius s'agitait déjà dans sa chambre de toile, dictant ses pensées au brave Joan qui noircissait le parchemin à une rapidité folle.

Citation:
De moi, Actarius d'Euphor,

A la vie, à la mort !


Mon cher ami. Je pensais que tes tresses étaient bien la seule marque féminine en toi. Mais te voilà devenu mélancolique et semblable à une femme enceinte. Malgré tes blessures, tu as contribué à des hauts faits de cette guerre. Malgré ton bras affaibli, tu as protégé mon épouse et continue de le faire. Grogne bleu ! Les temps sont rudes, voilà des mois que nous sommes tenus éloignés de nos foyers. Et pourtant malgré ta mésaventure, tu es toujours là. Tu n'as pas échoué, tu n'as que montrer quelles étaient tes qualités de coeur et ta fidélité.

Voilà précisément ce que j'attends d'un capitaine. Corbeaunoir sera également récompensé, il deviendra mon vassal et sera également capitaine, s'il le souhaite. Car je compte bien développer cette garde personnelle à mon retour. Néanmoins, si tu préfères quitter ton poste, tu auras libre choix. Mais laissons cela lorsque nous reprendrons le chemin du Languedoc. Pour l'instant, tu demeures en fonction. Corbeaunoir te secondera.

Ce jour, moi, Actarius d'Euphor, puissant Seigneur du nord du Languedoc, j'en fais le serment. L'exploit que vous avez accompli à Brignoles portant haut les couleurs du Languedoc ne sera pas oublié et il sera récompensé substantiellement dès notre retour.

Ressaisis-toi mon ami, un loup boiteux demeure un loup et sa volonté de vaincre n'en est que plus puissante !

Que le Très-Haut veille sur toi.


- Dois-je apposer votre scel Monseigneur ?

- Ce ne sera pas nécessaire. File apporter cette missive et prends garde à toi.

- A vos ordres.


Et sur ce bref échange, le fidèle Joan s'éclipsa profitant des dernières ombres de la nuit agonisante pour se glisser dans l'enceinte de la ville et porter ce mot à qui de droit. La matinée se poursuivit dans le calme, mais cela ne dura guère et bientôt plusieurs messagers se firent annoncer. L'un portait les couleurs d'Anglès, un autre de La Volta.

Le visage seigneurial s'éclairait au fur et mesure qu'il lisait les missives. Le vent semblait tourner petit à petit et la confiance en la victoire s'en voyait raffermie plus que jamais. C'était du moins l'impression qu'offraient les iris scintillantes du feudataire. Sans attendre, il se mit lui même à la rédaction des réponses.

Il commença par son ami baron.

Citation:
De moi, Actarius d'Euphor,

Mon ami, ta missive ne pouvait trouver un homme plus heureux et satisfait qu'en ce jour. En effet, Brignoles a été prise hier à l'aube et mon épouse, ainsi qu'Insanius et Corbeaunoir ont joué un grand rôle dans ce haut fait de guerre. Avec courage, ils ont porté le phénix à son zénith offrant une gloire éternelle à leur nom et à leur bien aimé Languedoc et rendant plus fier que jamais le blessé que je suis.

Mais je te rassure, le temps où je pourrais à nouveau combattre à proche, je le sens en moi comme une évidence. Brignoles sera sans doute reprise, mais là n'est pas le plus important. L'important est désormais que nous ne sommes plus seuls et que votre venue réchauffe nos coeurs et nos âmes.

Garde cette lame bien au chaud, je la prendrais dès que l'occasion nous sera donnée de nous voir. Sois remercier pour cette attention.


Que le combat vous soit favorable et remercie de ma part chaque Languedocien s'étant déplacé.

Que le Très-Haut veille sur vous tous !




A peine la cire avait-elle été marquée par la matrice que le Vicomte saisit un nouveau velin et le griffa d'une plume enthousiaste et décidée.

Citation:
De moi, Actarius d'Euphor,

Bien des choses ont émaillé notre quotidien de guerre. Ce jour, ce sont Hildegarde et Actarius qui sont convalescent et ce sont Nanelle, Insanius et Corbeaunoir qui font honneur au Languedoc. Ils ont tous trois joué un rôle prépondérant dans la reprise de la mairie de Brignoles hier. Je te rassure nos blessures ne sont pas fatales et nous serons bientôt prêts à reprendre le combat. En attendant, nous tâcherons de tenir Brignoles bien que la chose semble délicate.

Mais sois assuré que votre arrivée nous réchauffe le coeur et ne sera pas oubliée. Que le combat à Arles vous soit favorable et remercie de ma part chaque Languedocien s'étant déplacé.

Que le Très-Haut veille sur vous tous !




Les missives furent remises aux messagers qui avaient été convié à se restaurer au dehors près du feu. Le Vicomte, perché sur ses béquilles, les raccompagnait justement leur donnant quelques conseils pour éviter les armées et patrouilles provençales lorsqu'il aperçut un visage connu. Il remercia une dernière fois les hommes d'Anglès et de La Volta, les confia au bon soin du Très-Haut et approcha de cette connaissance occupée à papoter avec un des gardes. Il s'agissait en fait d'un Français du nord qui avait grimacé aux paroles d'Aristide. Car, oui, tous les gens d'Euphor, à l'exception de Joan avaient été envoyés à la défense de Brignoles.

Lorsqu'il fut suffisamment proche pour ne pas avoir à crier, il devança le garde nordiste qui se remettait à peine de l'Oc qu'on lui avait "infligé".

- Aristide ! Que fais-tu là ?

- Il vous cherchait Monseigneur, un pli à vous remettre, osa le garde.


Le regard du Vicomte se planta dans celui du planton.

- Retourne à ta tâche mon brave. Tout est en ordre.

Le Sienne se porta aussitôt sur l'homme de confiance de la mesnie Shaggash.

- Viens, ma tente n'est pas loin, allons nous installer. Il est toujours plus agréable de deviser au chaud.

Et le blessé ouvrit la voie tout en prenant des nouvelles de ce brave Aristide. Pus que du babillage de politesse, il s'agissait d'un réel élan cordial. Il avait par ailleurs pris une certaine habileté à se déplacer avec ses appuis de bois, ce qui évitait les jurons et autres "Grogne bleu !" qui avaient parsemé sa convalescence. L'exercice était certes parfois désagréable, mais avait le mérite de le faire renaître à l'effort. Car il était indéniable que le Mendois était sur la voie de la guérison. Lorsqu'ils furent installés sous l'abri de toile, le maître des lieux s'enquérit de l'objet de cette visite.

- Alors, quelles nouvelles m'apportes-tu ?

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--Aristide


Dans ses petits souliers comme qui dirait, ou plutôt ses bottes boueuses... Aristide n'en mène pas large face au garde. Pas un languedocien ça. Ouf, voilà un qui parle occitan ! Gagné ! C'est le Vicomte !

Bonjour Vicomte.


Le suivant, il est tout content. Il pourra dire qu'il a réussi sa mission, remettre le pli au Vicomte. Il soulève la toile de tente pour laisser passer le blessé.

Je suis venu d'Arles. Damoiselle Majda y est devant les remparts avec plusieurs membres de la bannière et son promis, enfin son fiancé maintenant.

Il sort alors un parchemin plié soigneusement.

Elle m'a dit de dire qu'elle avait pas trop le temps pour mettre son sel(1) ni de feu pour faire fondre la cire.
Citation:

De moi, Majda,
a toi, Acta,

Respect et amitié,

Je suis arrivée ce jour à Arles. La bannière d'Exat flotte sur le campement du Baron de Saint Saen.
Quelques nouvelles du Languedoc pour toi mon ami, Bbred est CAC, Laurine Comtessa, et devine qui est la vice-comtesse ? Enduril bien sûr !
Donne-moi vite de tes nouvelles, et félicite Nanelle pour moi. Et oui, les rumeurs filent comme le vent.
Quirin est là également, il a démissionné de l'Ost et s'est joint aux membres de la bannière. Ne t'inquiète pas pour moi, mon entraînement et ma vie à la caserne de papa m'ont habituée aux conditions rudes.

Amicalement

Majda


Elle voulait pas trop en mettre par écrit, mais j'ai droit de vous dire ce que vous voulez savoir. Damoiselle Majda est intendante de l'armée, et elle travaille sans relâche, vous la connaissez. Tout juste si elle prend le temps de dire bonjour à son fiancé avant de filer au combat. Remarquez, lui est pareil.

Il se sent fautif, arf, il devrait pas dire du mal de ses maîtres...

Heu, sinon, ils semblent heureux d'être là, ils s'amusent, ils rient. C'est un peu étrange, je les ai rarement vu rire autant. Sans doute qu'ils sont quand même énervés, entre leur mariage et la guerre, ça fait beaucoup, enfin pour moi toujours. Même quand je scie les barreaux de la chaise du fiancé pour pas qu'il s'approche trop près. Sont pas encore mariés hein !



(1) erreur volontaire : Aristide parle d'héroïne pour une femme héraut, du sel pour un scel, il voit vraiment pas la différence








hildegarde.


[Camp des François, Brignoles, le onzième jour du mois de Février de l'An de Grasce 1458]

La Donà avait fui la tente ou son médicastre la retenait prisonnière pour quelques pas discrets aux abords du campement, le coeur battant comme une enfant, elle avait fait un petit pas, puis un austre, puis un troisième, riant intérieurement de la farce qu'elle s'apprestait à l'hosme de médecine. Pépin lui avait fièrement annoncé que la ville estait sous tutelle françoise, la Donà avait donc décidé de s'offrir une escapade sur le marché de la ville.

Ceste fois-ci les marchands n'avaient point fui, malgré la tension palpable qui resgnait dans les ruelles de la ville. Sans doute le fait qu'aucune armée françoise ne soit encore sur pied aidait à ceste 'cohabitation' entre anciens belligérants.
La mairie estait attaquée toute les nuits et dès le crépuscule chacun se terrait dans son logis pour esviter un mauvais coup, tandis que les hommes valides tentaient de prendre d'assaut l'édifice.

Quoi qu'il en soit, la belle rouquine se repaissait des bruits du quotidien, des différentes fragrances, bien qu'elles ne furent pas toute très agréables. Mais elles lui prouvaient tout simplement que la succube estait vivante. Hildegarde avait cru sa dernière heure venue sur le champ de bataille, à perdre son sang, à sentir le feu qui crépitait à l'intérieur de sa chair lentement décroistre. Les yeux fermée, elle se tint quelques instants devant l'étal d'un marchand d'épices et se laissa transporter au gré des effluves qui franchissait le rempart de ses narines. On la poussa... Elle réprima un juron à la douleur fulgurante qui lui transperça le flanc... Maudit soit-il! Prise d'un vertige, sa main valide prit appui sur l'étalage et le vendeur vint à sa rencontre voyant le malaise de la splendide rouquine.

- Bha ça va pas ma ptite dame?

Souriant à l'hosme, la créature de Gaia reprit lentement ses esprits, se sentant à ce moment bien stupide de tant d'audace. Eveillée depuis si peu de temps et déjà à vouloir agir comme avant... Pensée emplie d'inquiestude... Allait-elle pouvoir redevenir comme 'avant'?

- J'ai un peu présumé de ma capacité à me remestre de mes blessures mon brave... Avez vous un peu de ceste racine que l'on nomme 'zenj'(1)? Un peu de vaillance ne me ferait point de mal...

L'hosme prit un rhizome, le découpa en fines tranches et les posa délicatement sur une feuille d'arbre séchée... Hildegarde rit à la vue de l'écuelle improvisée et sortit pièces d'or de son aumonière pour payer son débiteur. Elle mordit à pleines dents dans la racine piquante à souhait, puis ainsi requinquée continua son chemin.
Son regard fut attirée par l'eschoppe d'un tisserand, qui pour une somme tout à fait raisonnable lui vendit une jupe cyan accompagnée de sa ceinture marron. Avec l'espoir de se pavasner devant son aimé tout en retenant son souffle pour ne point montrer à quel point elle aurait souffert en se contorsionnant.
Malheureusement, point de Tressé en taverne, juste le fiel d'un pauvre gueux qui ne cherchait que belliqueuse activité. Ignorant superbement l'imbécile heureux, Hildegarde fit honneur aux invités françois en buvant liqueurs et bière provençale. Bras en écharpe, à parfois grimacer de douleur alors qu'elle riait...

Le retour lui parut durer une éternité, et c'est devant un médicastre fou d'inquiestude qu'elle souleva le pan de sa tente pour y prendre du repos.
Demain elle demanderait audience au Vicoms de Tournel, pour avoir de plus amples informations sur les événements qui s'estaient produits alors qu'elle s'abreuvait à l'hypocras de son cousin adoré.

(1) Zenj = gingembre pour les marchands arabes

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Be My Valentine...
Actarius


[Au Xe jour de février]

Le Vicomte prit le pli tendu par Aristide et le lut tout en écoutant les propos de ce dernier avec un sourire bienveillant.

- Se battre pour une cause juste, c'est là un grand plaisir. J'imagine que d'avoir quitté l'ambiance suffocante du Languedoc contribue également à cette bonne humeur. Enfin, finis ton verre tranquillement, je vais te préparer une réponse.

Et ce fut bien là ce qu'il fit.

Citation:
De moi Acta,

J'apprends avec joie ta venue et celle de biens des Languedociens. Je ne saurai te dire à quel point cette arrivée réchauffe nos coeurs. Je vous souhaite le succès ce dont à dire vrai je ne puis douter. De notre côté, la situation s'améliore. Nous tenons Brignoles depuis peu et mon épouse, autant qu'Insanius et Corbeaunoir ont pris une part prépondérante dans ce haut fait que l'histoire retiendra.

Hildegarde et moi-même sommes toujours convalescents, mais notre état s'améliore de jours en jours.

Que le Très-Haut veille sur toi et tous les Languedociens venus avec toi !



Il apposa la matrice sur la cire chaude et revint vers Aristide.

- Voilà mon brave. Fais attention sur le chemin du retour. Evite soigneusement la route d'Aix. La propagande du Marquisat veut que les Françoys soient des sanguinaires, mais ses troupes tuent elles aussi, même des enfants. Alors des messagers... Allez va et merci des nouvelles que tu m'as apporté. Tu pourras ajouter que je transmettrai les félicitations à mon épouse.

Le Vicomte raccompagna l'homme d'Exat, puis revint à sa tente où il demeura le reste de la journée.


[Au XIIe jour de février]

Quelques jours avaient passé et la guerre prenait une tournure plus heureuse. Arles avait été prise, Toulon également, et Brignoles tenait toujours entre les mains de la Vicomtesse languedocienne. L'humeur d'Actarius était au beau fixe malgré la blessure toujours présente. Mais durant la matinée, un nuage apparut par le biais d'un messager venu apporter des nouvelles d'Aix. Le nuage devint même orage lorsque le jeune homme expliqua au feudataire comment la Comtesse du Languedoc préférait répondre à un brigand pour signifier son soutien aux Languedociens plutôt que de leur écrire directement. Les mots qu'il avait alors lâché trahissait toute l'ampleur de sa colère.

- Comtesse... catin oui ! Elle préfère batifoler en verbiage avec de la canaille plutôt que de signifier concrètement un soutien que nous attendons depuis des semaines. Foutue cruche ! Elle doit se gargariser d'une victoire fantoche aux élections et perdre totalement la tête pour manquer pareillement de respect.

En cours de journée, légèrement calmé, il demanda à Joan d'aller chercher la dame de Brison Saint Innocent avec laquelle il désirait s'entretenir. L'homme de confiance s'exécuta.

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hildegarde.


[Au douzième jour du mois de Février...]

Ainsi donc Monsieur de Salesses estait parti à Tolon sans l'en avertir... Le visage fermé, la Donà estait sortie furibonde de la tente du Vicoms Actarius.

Et en plus Pépin, je dois apprendre cela de la bouche d'un austre! Je vous jure mon ami, que le Tressé ne perd rien pour attendre... Je ne vais point lui couper les tresses, mais les lui brusler, il ne pourra ainsi plus jamais me rétorquer qu'elles vont repousser!

Et au pauvre Pépin d'escouter la Donà sans répondre, il valait mieux esviter qu'elle ne lui broie le bras plus intensément qu'elle ne le faisait en cest instant. Les nouvelles avaient esté toutefois agréables, et elle aimait à eschanger sur les arts de la guerre et de la stratégie avec cest homme dont le Tressé ne cessait de vanter les louanges.

Au devant de la tente, elle avait demandé à ne point estre dérangée... Et à ce qu'on lui apporte une bouteille de liqueur, maigre consolation, mais efficace, contre le chagrin, la peur et l'inquiétude qui lui tourmentaient l'asme. Son mutisme prit fin le lendemain après un bain salvateur, lorsque Joan indiqua à Pépin que le Vicoms désirer s'entretenir avec elle en privé.

Encore en convalescence, elle oublia la guerrière pour redevenir femme, et c'est vestue d'une robe d'hiver de velours bleu nuit qui lui couvrait le cou que la Donà se fit introduire dans la tente du boitillant combattant.

- Entrez Hildegarde.

Le Vicoms se tenait ce jour avec une canne, ce qu'il lui avait promis quelques jours auparavant. Elle sourit.

- Je vois que vous allez bien mieux vous aussi. Nous serons d'ici quelques jours prest à reprendre le combat.

- Grogne bleu je me tiendrai également prêt à suivre les ordres. Je vous ai fait amener pour vous donner quelques nouvelles. Toulon est tombée cette nuit, et Arles a ployé sous la force de nos soldats. Nous avons aujourd'hui pris le contrôle de trois villes, et allons tenir nos positions.

Je ne peux que vous conseiller de vous préparer à partir vite si les ordres venaient à tomber à la faveur de la nuit.


Le babillage continua pendant encore quelques instants, ou, penché sur une carte, Le Vicoms lui expliqua les tenants et aboutissants des manœuvres. Peut-estre aurait-elle la mauvaise surprise d'estre envoyée à Toulon; A ce jour elle n'avait nulle envie de croiser l'indélicat seigneur qui faisait bondir son coeur, quoi qu'elle en dise.

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Be My Valentine...
--Jehanne_elissa


[Le IXe jour de février en Languedoc]



Les jours passaient, inexorablement semblables. Le froid d’avoir qui venait de faire un grand retour et qui poussait notre petite Vicomtesse à évoluer emmitouflée de fourrures en tout genre pour ne pas sombrer à nouveau dans la maladie qui lui avait presque coûté la vie quelques mois plus tôt. Le Languedoc ensuite qui suite à ces dernières élections semblait plongé dans une espèce de torpeur, cette attente lancinante de « quelque chose », quelque chose voué à changer, un peu, à redonner du calme, enfin, à faire rire, beaucoup. Et Tante Pol qui malgré les jours passant se montrait toujours aussi mélancolique quand la petite Jehanne Elissa l’observait à la dérobée. Enfin, ils étaient semblables dans l’inquiétude et l’attente de nouvelles du Vicomte de Tournel.

C’était donc un de ces journées ayant tant de sœurs. L’héritière Goupil était allée à Montpelhier en quête de quelque occupation en vain et s’était donc retournée dans la demeure de Mende. Elle avait suivi un cours de maintien profondément ennuyant qui consistait, une fois de plus, à savoir se tenir. Elle avait été assise, un bout de bois dans le dos pour ne pas se tenir penchée puis elle avait une fois de plus réalisé quelques dizaines de révérences avant que le maître soit content. A l’après dînée elle s’était enfermée dans le bureau de Tante Pol et se tenait aux nouvelles du Royaume pendant qu’une de ces dames s’évertuait à coudre. C’est dans cet instant de calme qu’on vint la trouver lui annonçant un messager… De Provence ! Et à la petite Jehanne de se lever en vitesse et de courir à sa rencontre. Tout se serait bien passé si le maître n’était pas encore dans les parages : sous son regard dur elle n’avait pas u assaillir dès sa vue le messager de question mais plutôt, lui proposer de manger avant de l’entretenir des nouvelles de son Parain. Impatiente, elle faisait les cents pas dans sa chambre. Impatiente elle grognait, râlait, soupirait avant de céder. Désobéir. De ses petits pas déterminés et parfois discrets pour éviter de croiser le maître elle s’était glissée dans la salle ou se restaurait le messager. Là, elle prit une chaise et s’assit très droite, très digne, très Volpilhat en face de lui le fixant avidement de ses petites mirettes vertes. Ses pieds ne touchant pas le sol…


- « Comment va-t-il ?

Et au messager de sourire et de lui donner pour toute réponse à cette question qui en contenait une bonne trentaine d’autres une missive cachée sous les épaisseurs de ses vêtements. Fébrile, elle fait sauter le sceau et se plonge dans la lecture….

Quelques instants de calme seulement rythmés par les yeux de la petite Vicomtesse sautant de lignes en lignes et par les mâchonnements du messager. Il était blessé… Mais vivant. N’était-ce pas l’essentiel ? Après tout n’était-ce pas ce quelle avait demandé au même messager quelques jours avant ; le faire tomber de cheval afin qu’il ne puisse plus se battre sans non plus qu’il s’amoche trop ? A la fin de la lecture elle sourit, fière d’elle et de son plan et laisse le messager manger lui proposant même de se reposer avant de repartir le soir même vers le Provence muni de sa réponse.


[...]


- « Oh Parrain si vous avez souffert n’est pas de la faute à mon amour pour vous ? »

C’est dans l’après-midi quelle prit la plume. Sa joie s’était légèrement estompée pour laisser place à une certaine culpabilité. Son jeune cœur peu habitué à manigancer par amour avait été tiraillé tout le long de l’après-midi. N’étant pas de nature menteuse elle allait lui dire la vérité… Son murmure s’écrase contre les murs épais et sa tête résignée se baisse face au velin.

Citation:
De votre future filleule, Jehanne Elissa Raphaëlle de Volpilhat, Vicomtesse de Cauvisson et Baronne de Malpertius
A vous, Actarius d'Euphor, Vicomte de Tournel et Seigneur de Saint-Dionisy et d'Aubemare,

Mes plus coupables salutations.

Mon Parrain, comme je suis partagée. Cette blessure dont vous faite mention et qui a du vous causer tant de mal est de ma faute. Oui, de ma faute. Je ne sais pas si je m’en veux ou si j’en suis heureuse car elle vous empêche de combattre et donc, de vous mettre plus en péril. Mais est-ce bon d’être heureuse d’empêcher une personne que l’on aime de faire ce qu’il aime ?

La dernière fois que votre messager est venu me trouver apeurée de tout ce qui pouvait vous arriver –je ne doute pas de votre force, mais un si mauvais coup peut si vite arriver !- je lui ai demandé, non, presque ordonné de vous empêcher de vous battre. J’ai ainsi suggéré une chute de cheval qui vous immobiliserez sans trop non plus vous faire souffrir… Mais suis-je sotte ! Mes ordres ont apparemment été suivis mais ce que je n’avais pas compté c’est qu’une chute de cheval même si elle n’est pas mortelle est douloureuse… Je ne me souviens que trop bien de mes premières chutes.

Alors ce jour, même si je suis rassurée que vous ne pouviez aller croiser le fer je me sens terriblement coupable de vous priver de guerre vous qui aimez tant ça. Sachez mon parrain que ces guerres dans lesquelles vous vous investissez font votre honneur, le respect qu’on vous doit et de vous un vassal admirable de Sa Majesté mais à nous qui sommes loin de vous, elle nous font que soucis, inquiétude et peur du coup fatal.

Ma manigance, qu’Aristote me pardonne, n’était pas en son fond mauvaise. Je voulais juste qu’elle me permette de vous revoir un jour… Ce n’était qu’une manigance née de la tendresse et de l’amour que j’ai pour vous. Alors même si vous avez du passer des nuits entières à souffrir, des journées dans cet immobilisme qui vous exaspère, des heures à serrer les dents pour ne pas crier, me pardonnez-vous, mon Parrain ?

Jehanne Elissa Raphaëlle de Volpilhat.

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Avec l'accord de la joueuse de Jehanne_elissa
Actarius


[Au XIIe jour de février]

La conversation s'était poursuivie, cordiale, avec la Dame de Brison Saint-Innocent. Les deux convalescents échangeaient avec plaisir en l'absence de leurs compagnons, tous repartis en mission. Il s'agissait d'instants de réconfort et de partage, d'une occasion de faire plus ample connaissance finalement. Et force était de constater que son brave ami avait plutôt bon goût. La Savoyarde était tout à fait délicieuse et agréable. Mais ces moments particuliers avaient une fin, comme toute chose. Ainsi le Mendois reprit-il le cours de ses correspondances.

Dans l'après-midi, un pli venant du Languedoc lui était parvenu. Il le parcourut souriant, puis riant au fil des phrases rafraîchissantes de sa future filleule.


Citation:
De Nous, Actarius d'Euphor, Vicomte du Tournel, Seigneur de Saint-Dionisy et d'Aubemare,

Tendres salutations.


Chère jeune amie, alors que vous lirez ces lignes, le piège gentillet que nous vous avions tendu aura pris fin. Ne soyez point trop dure avec vous-même. Car notre blessure n'est en rien liée à vos malicieuses pensées. Notre fidèle messager nous avait conté vos plans et nous avons vu dans cette blessure l'occasion de vous donner une petite leçon.

Et cette petit leçon s'est avérée payante puisque votre missive sincère nous remplit de fierté. Vous avez le coeur bon et nous ne doutons pas une seconde que vous aviez pensé nous protéger. Mais vous l'avez compris. De même qu'il est inadéquat de priver un boulanger de faire son métier, il est inadéquat d'empêcher un guerrier de se battre.

Ceci étant dit, la situation en Provence s'enlise. Les Provençaux sont de fiers et solides guerriers. Nous ne pouvons que déplorer qu'ils défendent les chimères marquisales. Ils pensent se battre pour la liberté, alors qu'ils combattent pour défendre une institution félonne. La doctrine implantée depuis des années est fermement ancrée dans leur coeur et malheureusement nous doutons qu'il soit possible de les ramener à la raison autrement que par les armes.

Aussi, le conflit va s'appesantir. Mais nous rêvons d'une belle, grande et ultime bataille décisive à laquelle nous pourrions prendre part. Rêve d'un autre temps peut-être, rêve qui meuble nos nuits pourtant.

Nous nous languissons de revoir nos amis et nos terres, mais continuerons à faire notre devoir aussi longtemps qu'il le faudra. Ce jour, notre épouse est toujours à la tête de Brignoles et bien des renforts sont arrivés rendant encore plus indécise l'issue du conflit. Qui peut se targuer de connaître l'avenir ? Personne sans doute. Nous avons néanmoins l'intime conviction que nous survivrons à cette guerre. Ne vous inquiétez point trop pour nous, nous reviendrons.


Que le Très-Haut veille sur vous



Le messager était parti au soir naissant, profitant des ombres pour éviter les patrouilles ennemies.


[Au XIXe jour de février]

La nuit était déjà bien avancée offrant une tension toute ténébreuse à l'atmosphère ambiante. Le Vicomte avait presque retrouvé le plein usage de sa jambe sénèstre. Il avait abandonné les béquilles pour une canne de fortune, un appui de boiteux taillé par un volontaire du camp français, artisan au civil. Et ce fut précisément l'écho étouffé de cette canne frappant le sol qui trahit la présence du Mendois dans la cité de Brignoles. A ses côtés, plusieurs braves compagnons.

Le plan avait été bien ficelé, mais était dépendant de l'attitude de l'armée de la marquise félonne qui stationnait non loin des remparts. Nanelle était à la tête de la ville depuis bien des jours, l'instant des suffrages populaires approchait cependant à grands pas. Le résultat serait connu dès le lendemain. Il fallait donc agir vite, discrètement et bien pour maintenir la ville sous contrôle et devancer le maire élu.

Les pas de la petite troupe progressaient rapidement, contournant les endroits où Sélène jetait ses blafards rayons. Ils approchaient de la mairie où il était convenu que Nanelle remette les clés à une des personnes de ce groupe. Tout avait été pensé finement, mais les événements se précipitèrent lorsqu'un éclaireur traversa la ville en criant à qui pouvait l'entendre: "La marquise est dans la ville, la marquise est dans la ville !".

Le Languedocien grommela, il fallait faire vite désormais. La troupe accéléra la cadence, pénétra bientôt dans l'enceinte de la mairie et s'activa à bloquer l'issue principale. Il n'y avait aucune arme, à quoi auraient-elles pu être utiles de toute manière ? Au devant de la mairie un groupe de Provençaux félons s'était formé, s'étonnant sans doute de ne pouvoir ouvrir la porte. Mais ce qu'ils firent ou tentèrent de faire, nul au sein des infiltrés ne pouvaient le savoir. Ils s'activaient justement à l'intérieur, réglant les derniers détails.

Son épouse était-là, à ses côtés, alors que le Vicomte se saisissait d'une bourse à peine garnie. Il la regarda tendrement un peu comme si dans son inconscient, il s'était rendu compte du danger de la situation et des risques qu'ils prenaient tous ici alors qu'une armée félonne investissait les rues et approchaient d'eux petit à petit. La petite troupe se décida d'abandonner la mairie avant qu'il ne fut trop tard. Ils s'esquivèrent par une fenêtre après avoir vérifié la sûreté de la ruelle où elle donnait. Puis, à l'aide d'une corde se laissèrent glisser jusqu'au sol. Comme prévu la troupe se dispersa et le couple Vicomtal demeura.

- Viens mon aimée, des chevaux nous attendent là où tu sais, il nous faut quitter la ville au plus vite.

Et ce fut ce qu'ils tentèrent de faire, mais la jambe du Vicomte les ralentissait et mettait en danger leur fuite. Boitant, il s'efforçait avec peine de suivre la cadence imprimée par son épouse. Le visage marqué d'un rictus de souffrance, il exhortait son ange à avancer à chaque fois qu'elle se retournait. L'amour était bien le plus dangereux ennemi de cette mission et pourtant la victime ne fut pas celle escomptée. Car Nanelle fut la première à déboucher dans une rue où se trouvait une patrouille. Par le plus grand des hasards, il s'y trouvait un Brignolais qui n'avait pas tardé à reconnaître celle qui avait occupé la mairie des jours durant.

La messe était dite et lorsque le Vicomte déboucha de la ruelle, il était déjà trop tard. Son épouse était emmenée sans aucun ménagement par les hommes. Un dilemme déchira l'échine du Mendois. Il ne pouvait rien faire, mais comment se résoudre à abandonner son aimée ainsi. Le devoir, l'amour sur la balance... La raison l'emporta. Il rejoignit le lieu de rendez-vous alors que la rage et la colère lui déchiraient les entrailles. Jamais il n'avait dû faire pareil choix et aussi froid que celui-ci pût paraître, il n'en demeurait pas moins qu'enfermé lui aussi, il n'aurait rien pu faire.

Bientôt, un cavalier se mêla aux dernières ombres de la nuit, abandonnant Brignoles la maudite.


[Quelques jours plus tard, quelque part en Provence]

- Monseigneur, des nouvelles de Brignoles !

Le visage du Vicomte se ferma, il s'attendait au pire depuis cette nuit fatidique. Il ne dormait presque plus, ruminait ce choix cruel continuellement. Ses traits étaient profondément marqué, il s'y lisait la colère, la fatigue et la tristesse. La voix n'avait pas l'aplomb habituel, elle était lasse elle-aussi et ses inflexions avaient disparu pour une monocordie inquiétante.

- Amène-le.

Un homme recouvert de poussière approcha bientôt du Vicomte.

- Messire d'Euphor.

- ...

- Une de mes connaissances compte parmi les gardes affectés à votre épouse. Cet imbécile s'est vanté devant moi de la captivité d'une noble femme de France, il se réjouissait avec cruauté du dur traitement qui lui était infligé. Aucune nourriture ne lui est apportée et c'est tout juste si on lui sert de l'eau croupie.


Le regard de l'époux vira au rouge. Et sa voix retrouva soudainement toute sa force.

- C'est donc ainsi que les dirigeants Provençaux conçoivent l'honneur ! Grogne bleu ! S'il n'en tenait qu'à moi j'irai défier cette foutue marquise et lui infligerai la plus belle correction de sa vie.

- Monseigneur...

- Oui ?

- Un procès fantoche a également eu lieu. J'ai appris qu'il avait été expédié alors qu'elle ne pouvait être présente et se défendre. Des rumeurs courent. Le juge aurait prononcer la sentence comme si votre épouse était présente.

- Qu'est-ce donc que cela ? Ils perdent la raison ?

- Je l'ignore, c'est simplement ce que j'ai entendu.

- Bien, peux-tu transmettre un message à mon aimée.

- C'est impossible malheureusement, mais il est prévu qu'elle soit libérée bientôt et sommée de quitter la Provence.

- Grogne bleu ! Ils ne reculent devant rien ces lâches.

- ...

- Il faut trouver un moyen de l'affranchir de son escorte. Penses-tu cela possible ?


La conversation se poursuivit et plus tard dans la journée l'homme poussiéreux s'éclipsa laissant un Vicomte bien pensif. Son homme de main approcha à l'invitation de son Seigneur.

- Il va te falloir partir en Languedoc et transmettre un message à un de mes amis. Mestre Antimond, il est juge au conseil. On verra si la moins-que-rien qui nous sert de Comtesse saura enfin réagir pour soutenir celles et ceux qui portent haut les couleurs du Languedoc dans ce conflit.

Le boiteux transmit son message et se retrouva bientôt seul. Seul face à ses secrètes pensées où il regrettait amèrement que les fiers combattants provençaux fussent endoctrinés et dirigés par de tels imbéciles dépourvus d'honneur.



Je rappelle que ce topic est un topic fermé. C'est aussi un topic où le but est de jouer. Donc, si ce rp pose problème, passez par mp. S'il y a des propositions différentes et cohérentes de joueurs qui ont réellement envie de jouer, on pourra affiner la trame, voire même éditer ce post. Merci de respecter cela.

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hildegarde.


[Quelquepart en Provence]

Pas de tente carmin, ni de Donà déambulant de manière tellement sensuelle dans les rues de la ville.. Juste une ombre, au soir, serpentant dans les lacets, halo méphistophélique qui ne semblait toucher sol... L'Ambrée Cascade, insaisissable, scrutait l'horizon de ses yeux devenus sombres à la lueur de Séléné... Personne, ni lueur, ni torche, ni son... Juste l'oppressant silence de la nuit... Et puis...

- Donà, vous rendez vous compte des conséquences que cela aurait pu avoir s'il l'apprenait

- Oh je vous en prie Pépin... Cessez donc de me regarder comme le ferait mon géniteur... Taisez vous donc et aidez moi à serrer ce bandage...


Par Gaïa, qu'il semblait des plus sérieux parfois... La situation n'en était rendue que plus cocasse, elle à demi-nue dans la chambre de misère qu'ils avaient marchandée contre quelques précieux écus françois... Marquisat, peut-estre, mais l'argent semblait à certains ne point avoir de frontières. Hildegarde gloussait, s'eschappait quand il tentait de fixer le linge, le faisant pester de rage.

- Il faut nous dépêcher Dame, nous devons partir, et le plus rapidement sera le mieux. Vous savez comme nous ne pouvons rester longtemps au mesme endroit..

C'est qu'il allait finir par l'immobiliser par la force... Déjà qu'elle souffrait d'avoir dansé la tarentelle... Sautillant sur le bois vermoulu malgré ses costes qui estaient bien loin d'estre à nouveau liées entre elles. Pépin l'avait trouvée ainsi, à virevolter dans la pièce, pouffant de rire, la fiole de liqueur à la main, moment d'insouciance enfantine au coeur du conflit...
Hildegarde voltait encore, dans la grande salle de bal de la Demeure familiale d'Autun, au bras de charmants garçons, à choisir l'élu qui aurait ses faveurs... Du moins s'il savait s'y prendre... Et puis Pépin gaschait tout là, sombre comme ces oiseaux de mauvaise augure... Se haster, se cacher, se faufiler parmi la populace... Et surtout tenter de ne prendre ni l'accent savoyard, ni cest occitan dont l'accent se prononçait à mesure que les jours passaient....

- Vous serrez trop fort enfin! Vous allez finir par m'estouffer à m'emprisonner ainsi...

Pépin la regardait, une pointe de satisfaction dans ceste voix qu'il gardait tout de mesme humble devant sa maistresse...

Si je pouvais faire de même avec vos jambes, croyez bien que je ne m'en serais pas privé.

Un éclat de rire cristallin vint ponctuer la remarque de son escorte... Il allait finir par ressembler à Insanius...
A la faveur de la nuit le couple se faufila en dehors de la cité, emmenant discrètement leurs chevaux... Du moins pour lui... Depuis la mort d'Eos La Donà faisait équipe avec une vieille carne dont elle se débarrasserait à la première occasion venue.
Mais en ces moments difficiles... Il ne fallait point faire la fine bouche... Mesme s'il fallait subir les tentatives désespérées de la beste de la mestre à terre... Comme si Hildegarde De La Barre, Veuve de Géronte Saintclair, Dame de Brison Saint-Innocent allait se laisser malmener par un animal... Sans nom... Manquerait plus qu'elle nomme la 'chose'.

Et pourtant, la créature sans nom terrassa la si Noble créature de Gaïa... Sous le regard narquois d'un Pépin qui se permit de rire à plusieurs reprises, mettant la Donà de Brison Saint Innocent à la torture... Parce que tomber avec les costes à moitié remises...
Bien que les routes furent calmes, ils estaient aux aguets, le regard réagissant au premier bruit suspect, l'oreille aussi affûtée qu'une lame d'espée. Ils réussirent à passer discrètement certains remparts, pour se retrouver en pleine campagne au petit matin... Pépin les fit s'enfoncer dans un amas végétal ou ils tentèrent de trouver le sommeil, chacun veillant à son tour.

Le voyage continuerait... Dès le lendemain... Pour une destination dont la Donà n'avait point d'idée.

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Be My Valentine...
Nanelle


[Au XIXe jour de février]

La Vicomtesse était à la tête de la ville de Brignoles depuis plusieurs jours. Certaines nuits avaient été bien agitées, elle avait toujours tenu bon. Mais dès le lendemain, un nouveau Maire serait élu, un plan avait été minutieusement préparé afin de ne pas laisser à nouveau la Mairie entre les mains des Provençaux.

Nanelle avait tout d'abord douté lorsqu'on lui avait donné les consignes pour cette nuit-là. Mais n'ayant pas une grande expérience, on pouvait même dire aucune expérience des stratégies lors de bataille, elle fit confiance aux personnes qui en avaient. Les journées étaient d'ordinaire assez longues et monotones, mais celle-ci plus particulièrement que les autres. Était-ce dû à un mauvais pressentiment, à ce sixième sens que possède nombre de femmes, la Vicomtesse n'aurait su le dire.

Comme convenu il n'y avait aucun garde devant la porte de la Mairie, espérant que les provençaux n'en profiteraient pas pour prendre possession de la Mairie. Nanelle fut particulièrement attentive au moindre bruit, c'est pourquoi elle comprit que son époux et ses compagnons étaient sur place en entendant les coups réguliers émis par la canne du Vicomte. Tout se passa très vite, pas un mot, juste des regards échangés entre les deux époux, un regard tendre où l'épouse perçut de l'inquiétude. Mais pas le temps d'en décerner davantage... Nanelle suivit le petit groupe qui quitta la Mairie par une fenêtre à l'aide d'une corde comme s'il s'était agi d'une évasion. A ce moment là, la Vicomtesse ne se doutait pas que dans quelques heures, voir quelques jours elle souhaiterait à nouveau s'évader.

Une fois dans la ruelle, un geste de la main du Vicomte suffit à faire comprendre à ses compagnons qu'ils devaient se disperser, puis se tournant vers son épouse.


- Viens mon aimée, des chevaux nous attendent là où tu sais, il nous faut quitter la ville au plus vite.


La blessure du Vicomte était encore récente et c'est avec peine et souffrance qu'il suivit son épouse poussée à accélérer la cadence à chaque regard. Elle connaissait suffisamment son époux pour savoir quand elle devait lui obéir. C'est donc au détour d'une ruelle avec plusieurs dizaines de mètres d'avance que Nanelle échappa quelques secondes au regard de son aimé.

Sans avoir réellement eu le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait, la Vicomtesse fut saisie par plusieurs hommes. Surprise, elle ouvrit la bouche pour hurler, mais aucun son ne sortit. Regardant derrière elle pour trouver de l'aide auprès de son époux, Nanelle ne vit personne. Perdue, se laissant traîner par ces hommes, plusieurs questions lui traversèrent l'esprit. Où était-il? C'était-il lui aussi fait arrêter? Sinon comment aurait-il pu l'abandonner ainsi?

Sans ménagement la Dame fut enfermée on ne sait où!!!!

Les jours qui suivirent laissèrent peu d'espoir à la prisonnière, elle était traitée comme une moins que rien, n'ayant même pas droit à de la nourriture. Combien de temps allaient-ils la garder ici ou combien de temps résisterait-elle à un tel traitement? Elle avait essayé de savoir, posé des questions, mais les gardes étaient muets. La pire souffrance était d'ignorer ce qu'il était advenu de son époux, était-il non loin d'elle, lui aussi prisonnier!!!!

La Vicomtesse s'allongea à même le sol, ferma les yeux et pensa à la seule chose qui lui permettait encore de tenir, ses enfants... ses enfants qu'elle n'avait pas vus depuis plusieurs mois, les reverrait-elle un jour? C'est sur ces pensées qu'un cinquième jour s'acheva.

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hildegarde.


[ A mesure des journées...]

Emerveillée... Ebahie... Enchantée... Tels sont les adjectifs qui auraient pu qualifier ce que la Donà laissa paraistre alors qu'elle descouvrit au soleil levant l'étendue de la rade de Tolon... Comment avait-il pu ne point lui conter la magnificence de la cité qui se desvoilait à ses yeux....
Hildegarde embrassa du regard le paysage, puis tourna le visage vers Pépin, qui manifestait la mesme émotion. Elle fit une arabesque de la main comme pour suivre les courbes de la plage et imprimer en sa mémoire ce moment béni des Dieux. Eole semblait saluer l'arrivée du couple en soulevant les boucles ambrées de la Donà... C'est tout naturellement qu'elle dit à basse voix...

Regardez Pépin comme cest endroit semble receler du Divin... La guerre est certes synonyme de trépas, mais aurai-je foulé le sol du Comté de Provence si ces événements n'avaient point eu lieu? Regardez Pépin, comme ce moment semble figé pour l'éternité, comme je me sens en paix, comme les combats me semblent loin, comme ce pourquoi nous sommes venus en ces terres semble si trivial.
Je ne m'émerveillerai jamais de l'honneur qui nous fut fait de nous octroyer vie sur Gaïa.


Pépin ne renchérit pas, hoschant la teste pour signifier son addiction aux paroles d'Hildegarde... Elle mit pied à terre, enroula la longe du canasson autour d'une solide branche puis resta de longues minutes silencieuse, à admirer les beautés de la ville. Doucement la vie reprenait, les cheminées des boulangers fumaient, les forges seraient bientost aussi rougeoyantes que les geosles de la Créature Sans Nom... Elle regretta amèrement de ne point estre venue icelieu avant que tout conflit ne commence.
Moment de recueillement, pensées s'envolant vers ceux qui furent, ceux qui estaient et ceux qui estaient peut-estre... Le feu qui bruslait en ses entrailles s'amenuisait de jour en jour, mais elle restait intimement convaincue que tout viendrait rapidement à son terme, vainqueur ou vaincus, elle n'en avait à ce moment vraiment cure. Pépin s'estait glissé à ses costés, savourant esgalement ces instants...
Malheureusement les minutes s'égrainaient, et il fallut reprendre le chemin vers la ville... Ses gens devaient estre icelieu depuis des lunes... Ayant suivi la cohorte qui s'estait lentement esbranlée vers la ville.

'Canasson', parce qu'il fallait bien lui donner un nom à ceste 'chose', ne se rebiffa pas, aussi éreinté que sa nouvelle maitresse. La lente descente vers les faubourgs de la ville leur laissèrent le temps de profiter encore de la vue, puis maistre mot fut donné de rester discrets. Le velin qui les avait attendu dans une auberge de passage leur donnait l'itinéraire à suivre afin de rejoindre la mairie...

Plusieurs lunes passèrent, à monter la garde, prendre repos et chaleur humaine en taverne... La confrontation de la journée fut tout de mesme mémorable... La Donà avait eu le droit à la bile haineuse de quelque habitant. Autant l'accueil de certains à Brignoles estait des plus poli, autant celui de Toulon fut le plus acerbe.
Hildegarde n'estait point entrée dans leur conflit, ne répondant que platitudes à leurs attaques pour leur signifier qu'elle ne serait point candidate à leur joute verbale. Elle ne ressentait aucune haine contre les habitants, plutost un grand respect pour les croyances de ces gens, bien qu'elle ne les partage point. Ambassadrice de Savoie en Helvétie, elle avait passé du temps à babiller avec Feu Gromukus.... En toute simplicité, à rire, boire, sans que le domaine de leur différence de vision politique ne vienne à gascher la soirée. Ses soirées Brignolaises avaient esté emprunte de la mesme envie de vivre, d'oublier la dure réalité des combats pour se plonger dans de simples relations humaines.

Fort heureusement certains prenaient plaisir à envisager l'après, à parler de leurs désirs, de leur projets... offrant à la Donà un peu de ceste étincelle qu'elle voyait briller dans leurs yeux...

Son tour de garde terminé, la Donà retourna se sustenter à l'abri de sa tente carmin. Entre deux morceaux de fruit, ses yeux parcoururent la missive de son petiot, moment le plus joyeux de ces dernières journées. Sa soirée fut dédiée à la réponse... Un gobelet de liqueur de fraise à la main, enroulée dans sa peau de beste - il faudrait vraiment qu'elle demande à Pépin quel animal fut sacrifié pour lui réchauffer les cuisses - la plume coucha sur le velin les dernières nouvelles, les espérances, les tristesses, les espoirs... et aussi la promesse de bientost se voir... Dès que le scel fut apposé la Donà remit la missive à Pépin afin qu'il trouve les services d'un pigeon, puis elle s'endormit dans un sommeil sans resve ni cauchemar.

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Be My Valentine...
--Joan


[Au XXIIIe jour de février, quelque part en Provence]



Les premières ombres de la nuit avaient accompagné la petite troupe sur les chemins poussiéreux de Provence. Le plan avait été soigneusement ficelé. Le contact sur Brignoles avaient eu confirmation de l'itinéraire qu'emprunterait l'escorte de la Vicomtesse pour la conduire à Aix. Un messager avait même prévenu le Mendois que des négociations étaient menées par son conseil pour obtenir un laisser-passer. Cette nouvelle avait eu le don de mettre le Vicomte hors de lui offrant à son homme de confiance une nouvelle scène de colère envers Laurine.

"Comment peut-on accepter de négocier avec des félons ?", avait-il lancé alors. Il n'osait sans doute imaginer les raisons d'une telle bassesse, d'un tel manque de discernement. Mais ceci n'était rien en rapport avec la propre culpabilité du Vicomte que Joan devinait de plus en plus présente. Les affaires qu'il qualifiait de politiques lui étaient généralement indifférentes. Il savait simplement qu'il existait deux noms à éviter en la présence de son maître et cela lui suffisait amplement. Le reste ne le concernait point.

Mais devant le désarroi de son Seigneur, rongé de culpabilité, il n'avait pu demeurer de glace et avait accepté sans hésiter une mission périlleuse dans le genre de celles dont il n'avait aucune expérience. Affranchir la prisonnière de son escorte et la ramener près de son époux., voilà ce qu'il devait accomplir, voilà ce sur quoi il travaillait depuis quelques jours avec ses contactes de Brignoles et surtout voilà pourquoi il se trouvait encapuchonné en compagnie de quelques hommes dans les fourrés aux abords de la route qui serait suivie selon les renseignements récoltés, pour ne pas dire monnayés.

La matinée était jeune encore lorsqu'un petit nuage de poussière apparut à l'horizon. Joan se tint prêt et fit signe à ses compagnons d'agir de même. La nuée approchait et bientôt se dévoilèrent quelques cavaliers, autour d'une personne presque allongée sur le cheval. Sans doute inconsciente, ses traits étaient invisibles, mais sa chevelure ne trompa pas le fidèle serviteur de la maison d'Euphor.

La suite fut obscure comme l'était la guerre. L'embuscade étira ses tentacules, des fourrés surgirent les encapuchonnés, le combat commença. Des cris, du sang, un oeil fixé sur la Vicomtesse. Le nombre parla en faveur des assaillants et l'escorte fut mise hors d'état de nuire. Les cadavres furent profondément enterrés à quelques toises de la route, les traces de sang et de mêlée dissimulées involontairement sous la poussière soulevée par les chevaux mis en fuite.

Ne resta au final que la monture de la Dame et une route paisible, loin de l'agitation qui l'avait animée quelques temps plus tôt. Joan approcha. La Fortune lui avait souri et il n'avait pas été blessé. La Vicomtesse était inanimée. Les traits étaient marqués, les cernes apparentes. Elle semblait si faible que le Saint-Dionizyen n'eut guère de doute sur le traitement qui avait été infligée à une des grandes dames du Languedoc dans les infectes geôles des félons à Brignoles.

Mais le temps jouait contre les embusqués, il fallait partir au plus vite, quitter la route et ramener l'épouse à son mari. Il prendrait le soin de s'occuper de la Vicomtesse, une fois loin de la route.

Les plus vives inquiétudes naquirent au fil de la journée. La Dame d'Euphor n'avait toujours pas ouvert les yeux et seul un mince filet d'air s'échappait encore de ses lèvres. Au soir, la troupe s'arrêta, l'état de l'ancienne mairesse de Mende ne permettait plus d'avancer. Joan l'allongea sur le sol et fit ruisseler quelques gouttes d'eau dans sa gorge, comme il l'avait fait à plusieurs reprises durant la journée. Accroupi au-dessus d'elle, il murmurait des "Dame, Dame", tout en tapotant sur les joues de la malheureuse.

- Dame, Dame, revenez à vous je vous prie... Dame, Dame...

Il avait abandonné presque tout espoir lorsqu'un léger sursaut saisit le corps de sa Maîtresse.

- Dame Nanelle, c'est Joan.

Les yeux s'ouvrirent ...
Nanelle


[Au XXIIIe jour de février, quelque part en Provence]

La Vicomtesse avait passé plusieurs jours dans ce trou infâme, on ne pouvait pas le nommer différemment, elle ne voyait même pas la lumière du jour, sans nourriture, sans autre compagnie que des petits animaux qui lui frôlaient les jambes. Depuis combien de temps était-elle ici, elle n'aurait su le dire, complètement désorientée.

A l'aube, la Dame fut extraite de son cachot sans ménagement par un petit groupe d'hommes et installée sur un cheval. La prisonnière à l'air libre rassembla les quelques forces qu'il lui restait pour ouvrir les yeux, mais ayant passé plusieurs jours dans l'obscurité, la lumière du jour lui fut insupportable. C'est donc en équilibre sur sa monture, qu'elle se laissa emmener vers sa nouvelle demeure sans même résister.

Dans un état de semi conscience, la Vicomtesse perçut des éclats de voix, des bruits de fers qui s'entrechoquaient. Elle tenta de se redresser sur son cheval mais sans y parvenir. Après un retour au calme, le cheval se remit en route. Par moment, elle sentait un liquide lui couler dans la gorge puis une voix qui lui semblait familière.


- Dame, Dame, revenez à vous je vous prie... Dame, Dame...


Cette voix.... cet accent chantant... il ne s'agissait pas de ces geôliers. Elle fit à nouveau un énorme effort pour rassembler les dernières forces qu'il lui restait et entrouvrit doucement les yeux.

- Dame Nanelle, c'est Joan.


La Vicomtesse ne s'était pas trompée en entendant cette voix qui tentait de la ramener à la vie. Dans un murmure, quelques mots sortirent enfin de la bouche de la Dame.


- Joan....... Mon.... Mon époux.... J'ai eu si..... peur.....


Puis les yeux de la Vicomtesse se fermèrent à nouveau.

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--Joan


[Au XXIVe jour de février, quelque part en Provence]



Elle avait ouvert les yeux l'espace d'un instant, d'un battement d'aile, puis avait sombré dans le néant. Et bientôt les larmes d'ombre de la nuit ruisselèrent sur l'horizon. La petite troupe avait abandonné l'idée d'un feu pour des raisons de discrétion. Les routes n'étaient pas sûres, mais même loin de celles-ci, il ne faisait pas bon parcours le paysage de Provence. Des rumeurs circulaient sur des innocents abattus de part et d'autre. Bien entendu, chaque acte de l'ennemi était amplifié pour servir la propagande inhérente à toute forme de conflit. Le danger n'en demeurait pas moins présent et la prudence était seule source de survie en ces temps troublés.

Le regard de l'ancien intendant de Saint-Dionisy devenu confident du puissant Vicomte du Tournel se posa sur la menue silhouette de la pauvre Dame. Les idéaux de bon traitement envers la noblesse n'existaient pas en Provence, terre de non-droit où les bêtes traquées se répandaient en exactions de tous genres. Et cela se trahissait sur ce visage creusé par le manque de nourriture, noirci par la poussière de quelque ténébreux cachot. Cela se comprenait à la respiration faible et saccadée, rythmée sans doute par les mauvais rêves qui devaient hanter l'inconscience de l'ancienne mairesse de Mende.

Joan ne dormit pas, trop occupé à préserver, à réchauffer, à soigner l'épouse de son Seigneur. L'aube perla bientôt, blafarde et crue, traitresse et sans pitié. L'instant où tout être pouvait se sentir vivant plus qu'en n'importe quel autre moment de la journée. L'instant où les embusqués s'étaient levés les uns après les autres. L'instant où Joan balaya la fatigue en se redressant, puis en donnant les premiers ordres du jour. L'instant enfin où la Vicomtesse demeura dans l'inconscience.

La troupe reprit son périple, sillonnant le relief jusqu'au hameau de Dardennes qu'elle esquiva soigneusement pour grimper les flans du Faron dissimulé par la forêt de Font Blanche. Bientôt apparurent les remparts de Toulon et la vaste étendue d'eau, la "mare nostrum". La cité portuaire était tenue par les Français et devenue refuge pour le Vicomte et ses compagnons.

Ce ne fut qu'en début d'après-midi que l'ancienne détenue trouva la douceur d'une couche et que Joan retrouva son maître. Lui aussi avait les traits de la fatigue, le dessin de l'insomnie et de l'inquiétude. Au terme du rapport, il quitta Joan, qu'il gratifia d'une tape sur l'épaule et d'un merci, pour rejoindre le chevet de son aimée.
Actarius


[La veille, à Toulon]

Les flammes couvaient dans les méandres de l'esprit vicomtal. Le feu des remords, le feu de la honte. Il avait abandonné son épouse, rien de plus, rien de moins. Durant des années, le devoir avait agi comme un souffle puissant ne laissant place à aucun autre sentiment. Il prédominait dans sa tête. Mais dans les instants cruciaux, le coeur l'avait emporté, la passion, la folie, la déraison de l'amour avaient triomphé faisant de lui une bête sanguinaire, un monstre.

Allongé sur le dos, le regard perdu au-delà, il se souvint. Se présenta tout d'abord la chute du Castel de Montpellier et ses sombres suites. Charlaine, le cuivre étincelant de sa chevelure sous la lune, le combat, la longue et terrible nuit de torture qui lui avait faite subir. Un coup d'oeil de son amie l'avait sorti de l'horreur de son ire sanguinaire.

Puis, ce fut Margot, la fleur d'oc. Une suzeraine adorée, adulée à qui il devait tant, emportée par le rouge tant honni. L'incarnation du devoir, de la résignation dans tout ce qu'elle pouvait avoir de plus pure, de plus belle et admirable... Les flammes de cette chevelure une fois encore, un chaste baiser, un serment vassalique au-delà de la mort, puis la perdition, la rage, l'errance. Derniers soubresauts d'un coeur emporté ? Une rupture avec le passé ? La présence dans ses veines, son âme de la Blanche Marguerite, la puissance du devoir...

Y pensait-il seulement égaré dans ses souvenirs ? Que cette mort-là avait définitivement bouleversé son être ? Que le devoir avait saisi son sceptre, s'était assis sur son trône et que désormais le coeur s'estomperait-il dans les moments cruciaux ?

Si le devoir était devenu tempête. Et si cette "auristre" avait raison du phénix magnifique. Si la fin de Margot était la sienne, si elle était fin de toute chose...

L'Euphor se releva, lui, le puissant feudataire, respecté de beaucoup, haï par beaucoup d'autres. Ses pas l'emmenèrent dans les ruelles de Toulon, seul, comme autrefois. Il marcha l'esprit égaré comme sur le chemin verdoyant de l'étang de la Muse. L'ombre du jeune homme, poète, amoureux, le suivait. Le pavé devint terre, les arches branches feuillues... il avançait. Là, la cascade d'émeraude du saule et au-dessous la silhouette blanche d'une jeune mère. Son regard doux, sa voix cristalline. Les battements de vie s'accéléraient. La beauté de la voûte étoilée. Le partage, la communion, l'amour. La passion.

Toulon avait disparu, Mende était apparu. Aux souvenirs des premiers émois succédèrent ceux de la famille, de la paternité. Mélisende, Enimie, Thibert Antarès... et la mort, seul nom qu'aura jamais porté celle qui aurait dû être la quatrième de cette fratrie.

Des larmes coulèrent, le tableau se déchira, les ténèbres de la ruelle se réanimèrent. Il demeura figé un instant, perché sur sa canne qui bientôt ne serait plus utile. Une extrême lassitude se lisait sur ce visage vieilli par une douleur contenue. Le poids des regrets était trop lourd. Il avait abandonné son épouse, délaissé sa famille, il avait trahi les flammes de la passion par la glace du devoir. Trahison ou sagesse ? Son coeur avait donné la réponse.

L'aube était apparue, dévoilant un Vicomte amorphe, assis, bercé par le bruit des vagues.


[Au XXIVe jour de février]

La matinée s'achevait comme de coutume par le défilé de messagers en tous genres, porteurs de lumière ou corbeaux de malheur. Des réponses du conseil languedocien à ses doléances, des nouvelles du Secrétariat d'Etat, du Languedoc... Rien de bien extraordinaire au final. Ici comme ailleurs le temps s'écoulait. Un dernier messager s'avança.

- Monseigneur, j'ai une triste nouvelle à vous annoncer.

- ...


Le visage du Vicomte se décomposa. Il pensa de suite que l'opération pour délivrer son épouse avait échoué.

- Votre parrain, le Comte du Gévaudan est mort.

- ...


Les lèvres demeurèrent closes, le messager s'éclipsa sur un signe de main. Ravagé est peut-être le mot le plus pertinent pour décrire l'homme qui resta assis, statufié. Ravagé et silencieux. Point de sanglots, juste des larmes amères et salées et leurs acres sillons sur ses joues. Ce fut ce même semblant d'homme que trouva Joan quelques temps plus tard, qu'il rassura et ramena à la réalité. Cette même ombre qui lui posa la main sur l'épaule, le remercia. Ce même fantôme qui apparut peu après au chevet de son aimée, qui lui tint la main comme il se serait accroché à son dernier espoir. Ce même visage ravagé par la culpabilité, les remords. Ce même regard dévasté par un nouveau deuil que croisa bientôt l'épouse en reprenant ses esprits.

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Nanelle


[Au XXIVe jour de février à Toulon]

L'épouse fut allongée sur sa couche, bientôt rejointe par son époux qui s'installa à ses cotés. Celui ci lui prit la main, une vague de chaleur traversa le corps de la semi inconsciente. Sans même avoir besoin d'ouvrir les yeux, elle su que c'était lui, cette homme aimant qui l'avait abandonnée quelques jours plus tôt, cet homme qui devait avoir une bonne raison pour avoir fait une telle chose à son épouse.

Finalement la Vicomtesse ouvrit les yeux, son regard émeraude croisa le sienne de son époux. Aucun mot ne fut échangé, un sourire se dessina sur le visage de la Dame, mais celui ci laissa la place à une mine inquiète. Le visage de son aimé exprimait tant de chose, de la culpabilité, des remords, des regrets, ce que la Vicomtesse comprit, connaissant son époux. Mais ce qui l'inquiétait d'avantage, ce fut cet air abattu, désespéré.

Malgré sa faiblesse, la Vicomtesse comprit qu'il s'était passé quelques choses de grave, avec peine elle leva sa main et la posa tendrement sur la joue de son époux, puis le regard toujours plongé dans le sien elle prononça ces quelques mots.

Mon aimé...

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