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[RP] Sur la trace des mots passants

Edern
HRP : RP ouvert à tous et à tout. Si si.

Une route.

Le Fou la parcourt depuis qu'il est ce qu'il est, même s'il n'est plus vraiment ce qu'il a été. Pourfendeur du silence ? L'ennemi le terrasse aujourd'hui, lors de batailles aussi courtes que dévastatrices. Les visions qui l'envahissent sont au-delà de la terreur, au-delà de l'effroi. Elles lui donnent un aperçu sur le néant qui l'attend à la fin de toutes choses.
Trouvère déchu, celui qui fut l'amant des mots a renoncé dans sa quête d'une scène impossible. Il a perdu plus que les piécettes dérisoires qui achetaient la nourriture réclamée de temps à autre par son corps. Plus que les applaudissements de l'implicite ou de l'explicite qui venaient gonfler l'orgueil dément. Quelque part, le lien a été rompu par quelqu'un, quelque chose. Dans un puits sans fond gisent le maître et l'esclave moribonds, deux carcasses tressautantes promises au même cimetière.

Fou que tu es, le Fou. Tu mourras avec ta folie !

Mais avant...
Remonter à la source.
Comprendre pourquoi elle se tarit.
Là où les mots fuient et disparaissent.

Il en est pourtant un, si petit, que dans un dernier sourire le Fou a accueilli, qui s'accroche à lui, tel les racines d'une fleur écarlate au rocher grisâtre du monde.
A peine un parfum...

Espoir.

~~~~~

Une route.

Bretonne ? Celle qui mène à l'océan. Belle saison pour se noyer !

Le Fou marche parmi les Hommes. Son habit de noir et de blanc contraste à peine avec le vert qui éclot autour de lui. Il n'est plus rien, n'a plus rien, si ce n'est la plume. Une arme qui lui échappe, qu'il chérit pourtant bien plus que le bâton que sa main droite serre fermement en cette vaine matinée de printemps. Elle a affronté rois et manants, causé morts et naissances, été l'instrument de sa puissance. Trempé dans le sang de l'oubli... symbole de l'union, ultime convulsion.

S'il vit ? A peine. Le temps vainc son esprit avant son corps, qui croit à l'éternité de sa jeunesse. Aucune cicatrice sur le marbre du visage dont il contrôle toujours l'expression. Face aux autres, les lèvres s'étirent, les sourcils se haussent encore pour retrouver un peu du plaisir d'autrefois, celui du jeu et de la sublimation. Sans importance, maintenant... chaque jour tire un peu plus les traits de l'impassible.

Bretagne. Une langue qu'il a oubliée. Des histoires... il en ressent les antiques sonorités, il pourrait presque en toucher le pouvoir s'il ne fuyait pas lui aussi. Malgré tout, quelques mots survivants inondent son esprit, franchissent le seuil de ses lèvres pour former des paroles chantées à mi-voix.

Semblant de mélodie que personne n'espère plus.

Droite sage, courbe maligne
Un sillage pour horizon
Nous ne suivons que la ligne...


Délire en marche ? Marche délirante.

La ligne que je suis sans son
Tranche dans le vrai par la faux
Qui élude l'illusion...


Le Fou erre, les yeux sur le chemin mais le regard au loin.
Madeline
Une route.
Laquelle ? Surtout ne lui demandez pas. Pour elle, toutes les routes se ressemblent et mènent à l'inconnu.
Pourquoi marcher vers ce que l'on ignore alors ? Peut-être tout simplement pour apprendre ou du moins tenter de retenir quelque chose de nouveau.
Elle marche donc lentement avec pour seuls compagnons ses souvenirs, ses pensées et ses interrogations. Et dire qu'elle avait décidé de faire quelques pas dans la campagne pour se vider la tête. Au lieu de cela, la voilà qui rumine dix fois plus dans ce pays où les ruminants sont bannis... la vache !

Augustine, son intendante avait voulu l'accompagner. Madeline avait refusé net car il était tout à fait impossible de faire le vide avec une Augustine à ses côtés, tant elle pétait la forme du matin au soir.

Que cette route est calme finalement. Pas âme qui vive. La paix... le bonheur à l'état pur.

Elle passe le paysage en revue en souriant : des fourrés, des buissons, des arbres, un homme étrange, de l'herbe, des ronces, une vieille ferme au loin... Cherchez l'intrus...

Petit soubresaut, le corps en alerte et la main qui s'assure qu'elle n'a pas oublié de s'armer avant de partir. Elle fixe la silhouette.

C'est un homme... habillé sombrement... un long bâton à la main...

L'espace d'une seconde, le souvenir d'un homme disparu l'envahit. Elle le chasse : laissons les locataires d'Ankouville tranquilles.

Aller vers l'inconnu est une chose. Aller vers un inconnu en est une autre.
Une route droite bordée de buissons épineux. Deux choix s'offrent à Madeline : faire demi-tour ou continuer droit devant et croiser cet inconnu qui pourrait bien être son Ankou à elle...

Madeline fait son choix et se détend. Après tout, s'il est écrit que cet homme l'agressera, c'est que tel est son destin. Et face au destin on ne peut pas lutter.

Elle ne ralentit ni accélère. Elle regarde droit devant, fixant cet inconnu qui marche, là, comme elle... sur cette route.

_________________
Edern
Écoute ces coriaces échos
Quand les temps ne sont plus aux signes
Fixe la lune au fond de l'eau...


La voix s'arrête. Le chant est terminé. Les mots s'éloignent dans une caverneuse cavalcade. Le fil sur lequel le Fou a construit sa folie se réduit en silence.
Lorsqu'on ne peut se raccrocher aux mots qui s'effacent, on finit par souhaiter la chute dans l'infinie crevasse... mourir du vide, mais savoir pourquoi. Connaître enfin ! Plus qu'abréger les souffrances qui sont désormais le lot de son existence, satisfaire ce besoin de réponse sans précédent.

Continuer jusqu'à la falaise et sauter.

Deux prunelles vagabondent. Il aperçoit une vague silhouette qui se détache à la limite de son champ de vision. Ce n'est pas la première qu'il croise, loin de là.
Celle-ci est physiquement seule pour le moment, insignifiante. Un élément à sa place.
La main du Fou se crispe légèrement sur le bois rugueux de son faux bourdon, vrai bâton.

Faut-il... ?
Quelques gestes seulement.
Contenter l'estomac d'or et d'argent...
Violence pour pitance.
Non.

Bourse et besace sont bien assez remplies. Il pourra atteindre le bout de son voyage, il arrivera vivant aux portes de sa mort. Attendre une nouvelle fois dans des geôles quelconques le viderait définitivement. Et il n'a plus de temps à consacrer aux hypocrites prétoires...
La silhouette restera donc une silhouette. Parmi d'autres. Nul Breton n'a retenu ce qui lui reste d'attention jusqu'à présent. A peine si quelques voyageurs intrigués se sont attardés à sa table. C'est qu'il n'y a plus guère à prendre ou à offrir...

Plus loin, un croisement sur le chemin empierré. Il aimait tant l'étreinte des confluents, avant, ailleurs... Là ? Juste un carrefour qu'il atteindra dans moins d'une minute, l'intersection de deux chaussées poussiéreuses, une tache sur une carte à deux sous. C'est moins que rien, ou presque.

Il faudra bien choisir, pourtant.

Gauche, droite, gauche, droite... le pendule infernal de ses jambes s'arrête dans une dernière oscillation. Le Fou est immobile au milieu de la route, statue dérangeante battue par les vents de l'ouest. Ses pieds cherchent ce que son âme pressent.
Un point d'interrogation pour résoudre la contradiction ?
Les yeux bruns survolent la femme qui approche. Ils ne se posent pas. Rien ne les y retient encore.

Si ce n'est sa réponse, peut-être.

L'océan ?

C'est plus qu'une direction...
Aeternitae
Silence.
Bref échappatoire, loin des textes et de la loi, à mille lieues du brouhaha des assemblées. Silence et recueillement.
Enfin seul.
Appuyé sur son bâton, il laisse le vent lui caresser les cheveux, et frissonne. Derrière les nuages, il devine la position de la lune et se tourne vers l'Est. Il laisse alors son regard se perdre à l'infini, sur l'horizon, sur la France, et il soupire.
L'impatience.
Voilà longtemps qu'il n'y est pas retourné. Voilà longtemps qu'il n'a pas eu à sortir Kenaz de son fourreau. Voilà longtemps qu'il n'a pas eu l'occasion d'aller y déverser sa haine.
Toute sa haine.

Où est Venitia ? pense-t-il alors. Nouveau soupir.

Il se tourne et dans le clair-obscur il devine plus qu'il ne voit l'homme au milieu du chemin. Un geste fugitif, et le voilà invisible, à l'abri des fourrés. Geste inutile s'il en est : aucun danger ne menace, et aucune proie ne s'avance, mais ce reflex il l'avait acquis à errer sur les routes de France pendant des années. Au moins peut-il désormais observer le vagabond à loisir. Lancinante oscillation qu'il suit inconsciemment d'un imperceptible mouvement du torse ; est-ce l'écho du vertige de son esprit ? Le pauvre hère semble perdu, seul sur la route, mais qu'a-t-il perdu ? Son chemin ou sa raison ? Espère-t-il la retrouver en Bretagne ? Peut-être. Æternitæ l'avait cru lui aussi. Il l'avait espéré. Revenir en Bretagne, pour mieux se retrouver.
Douloureuse utopie.
Homme, seras-tu jamais à nouveau celui que tu fus ? Ou celui que tu allais devenir...
Nouveau frisson.
En ajustant la capuche de sa cape sur sa tête, il imagine la réaction qu'il aurait eue, quelques temps auparavant. Quelques gestes silencieux, et tous se seraient posté à leurs places, sachant exactement quoi faire. Quelques minutes à peine pour disparaître à nouveau, laissant l'homme inconscient sur la route. Quelques secondes seulement pour se retrouver plus riche de quelques écus, mais l'âme appauvrie... et sa haine inassouvie.
Æternelle torture.

Un léger bruit de pas attire son attention. Il observe la silhouette qui semble hésiter une seconde avant de poursuivre son chemin, et croit reconnaître la marquise qui approche sous le regard de l'inconnu. Que faire ? Risque-t-elle quelquechose ? Il hausse inconsciemment les épaules ; au fond de lui, il n'en a cure. Il s'assied sur l'herbe, croise alors les bras sur ses genoux, y pose son menton, et il observe.

_________________
Idrissela
Elle est enfin arrivée. La Bretagne. Un rêve. Un mythe. Elle ne le sait. Elle le saura bientôt.
Il lui en a fallu du temps pour arriver. Une rencontre avec une armée qui tapait sur tout ce qui était vivant. Morte. Puis le choix d'Aristote. Renaitre ou continuer la route vers la vraie mort. Jeune. Curieuse. Avide de connaitre la vie. Lui. quatorze ans et demi. Pas assez de sentiments vécus. Pas assez de rire. Pas assez de pleurs. Pas d'amour. Il lui manquait trop de choses pour continuer, alors elle est revenue et a vécu la souffrance physique. Expérience qu'elle ne souhaite pas renouveler.

La lune. La lune. La lune ronde et pleine. Elle la regarderait et distinguerait ses yeux. elle serait si parfaitement ronde, si parfaitement lumineuse. La lune. Elle la regardait couchée sur son lit de douleur. Elle pensait à la Bretagne. A son grand-père qui l'attendait. A sa mère disparue. Elle lui manquait cette lune. Elle eut aimé qu'il fasse nuit. La nuit l'aidait à chasser ses angoisses et la lune, sa mélancolie.

Elle marche. Devant, deux personnes, elle ne peut les distinguer . Elles vont à la rencontre l'une de l'autre. Elle n'a pas peur. Le pire lui est déjà arrivée. Le pire ? pas vraiment, maintenant elle sait que la mort provisoire n'est pas le pire. Elle sait que le pire, elle ne l'a pas encore rencontré. Le pire pour elle, est inconnu et il ne lui tarde guère de le rencontrer.

Un souffle de vent soulève sa chevelure qu'elle a laissé libre. Elle marche. Une nouvelle vie. Remplie d'incertitudes. Elle frissonne. Il lui manque des bras autour d'elle.


Edit . pour la coherence
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Myrlin
La route.

Le Grand Duc l'arpente sans cesse, avec deux valets et un garde pour tout cortège. De Rennes au Crozon, du Crozon à Tréguier, de Tréguier au Mont Saint Michel, du Mont à Nantes, de Nantes à Châteaubriant, de Châteaubriant à Pontcallec, de Pontallec à Rennes. Tours et détours incessants, tantôt sur les grands chemins pour gagner vite sa destination, tantôt par des sentiers champêtres pour se perdre et prendre le temps.

Drôles de moeurs pour un aveugle que de vouloir voir du pays, de profiter des paysages. Les romantiques diront que la Bretagne se contemple par l'âme et se savoure au nez et au palais.

Drôles de moeurs pour un prince de préférer les promenades bucoliques et mélancoliques aux fastes de la cour. En lieu et place des grands festins et autres chasses, le partage du beurre, du cidre et de la charcuterie de Guémené, en bord de route, lorsque point l'accalmie. Une bourse de sel guérandais pour tout trésor. Les finances publiques n'autoriseraient guère mieux de toute manière.

A chaque voyageur ou paysan croisé, un geste amical, le voeu d'une prière à Saint Yves pour les affaires ou les récoltes et un "Vive la Bretagne".

Modestie et simplicité propre au peuple vagabond.

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''C'est la morale d'un peuple qui fait le crédit public'' (Chateaubriand)
Madeline
Notre enfance ne nous quitte jamais, elle fait partie de nous. Bien entendu, nous avons tous tendance à l'oublier, à la cacher parfois, à la faire taire lorsqu'elle se rappelle à nous.
Et pourtant, il est des situations où tout adulte et raisonnable qu'on soit, il nous est impossible de freiner certains souvenirs d'enfance surtout quand il s'agit de vieux traumatismes.

Madeline marche.
Madeline se souvient de ce placard dans lequel elle était recroquevillée. Un placard légèrement entrouvert, pas suffisamment pour être vue, mais largement suffisant pour voir.
Voir le spectacle de la bestialité et de la mort sous les traits d'un inconnu chapeauté qui frappe à grands coups de bâton sur celle qu'elle appelait maman...

Madeline marche et combat ses démons.
Madeline se souvient de son poing qu'elle mordait pour ne pas crier. Un poing où son propre sang, sa salive et ses larmes se mêlaient. Une douleur pour en cacher une autre. Un sang pour en oublier celui qu'elle ne pourra jamais offrir à aucun homme puisque volé par ce soit-disant gentil voisin qui s'éloigne d'elle, couvre-chef rabattu sur un regard de guerrier victorieux.

L'homme ne marche plus.
L'homme est arrêté à la croisée des chemins. Il semble réfléchir et hésiter. Il semble perdu. Madeline ne voit que lui ou plutôt son chapeau et son bâton qui lui rappellent tant de choses.

L'homme ne marche plus et lui parle.


- L'océan ?

Chasser les pensées. Chasser les craintes. Chasser l'enfance. Oublier. Aller droit devant soi, sur la route, sur la bonne route ou du moins sur celle qui saura être la moins accidentée. Trouver sa route, trouver sa voie et s'y maintenir coûte que coûte et rester soi-même jusqu'au bout du voyage.

Madeline fixe l'homme et comprend que lui aussi cherche sa route, celle de la mer.

Madeline se contente de répondre :


- La mer est sans routes, la mer est sans explications. On la trouve sans chercher si elle nous appelle. Et plus concrètement, je dirais...

Montre simultanément les deux voies possibles.

- Je dirais qu'elle est soit par ici... soit par là...
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Edern
Je dirais qu'elle est soit par ici... soit par là...

Les yeux du Fou se portent plus avant, par ici et par là. Ils n'y rencontrent que les cendres du feu qui le consumait jadis. Les mêmes qu'en Maine, Anjou, Touraine, Limousin, Berry, que partout... il n'y aura donc pas d'exception bretonne. Pas encore. Que n'est-il pas revenu en ces lieux quand les mots nourrissaient joyeusement son esprit ? Qui sait ce qu'il aurait vu dans la lande immense ? Sa folie avide se serait-elle régalée des incantations boisées des derniers druides ? Autant de questions qui n'en étaient pas une poignée de mois plus tôt, quand tout se justifiait par la plume, quand un rire dément répondait aux pitoyables regrets dont on le martelait. Si jamais il ne les laisserait couler, il sait aujourd'hui que même les larmes lui sont refusées. La seule eau qu'il connaîtra sera salée. Le retour à la source ne peut être un choix pour qui aime à aller dans le sens du fleuve. Passage obligé vers la liberté ou la mort, la liberté et la mort...

Là-bas. Deux autres silhouettes, au moins. Bien des solitudes sur une même route ! Le soleil brille, bien inutile, entre deux nuages familiers du ciel breton, mais tout n'est qu'ombres et décombres pour le Fou. Qu'ils viennent donc, ces grisâtres feux follets ! Il ne fera que les traverser... il éteindra toute belliqueuse velléité. Il est loin le temps des batailles oniriques, de la flamboyance des mots fantastiques. Si loin...

Retour à la femme qui lui fait à peine face. Le regard brun juge mornement les ornements de son vêtement... une dame, dirait-on ailleurs. Le Fou ne lui demandera pas son nom, lui qui peine déjà à se souvenir du sien. Malgré sa lassitude, il parvient à canaliser assez d'énergie pour une autre question.
Si le Fou se meurt, il ne se rend pas.

Le bras gauche décrit un demi-arc de cercle, balayant les fourrés qui cernent le chemin, jusqu'à désigner les deux voyageurs en approche.
La voix se fait forte sans être cri.

Ces longs profils...
Que cherchent-ils ?


Alors que ces mots fusent vers les oreilles de ceux qui voudront bien les écouter, tous les autres s'envolent de nouveau. Le Fou frissonne. Il sait qu'un songe va l'emporter sous peu, toujours plus fort que les précédents, qui le tuera peut-être. Bientôt...

Ça y est. Le vide est de retour et l'avale en silence. Si les yeux d'Edern sont ouverts, ils ne fixent plus rien. Ou plutôt, ils fixent le rien qui l'étreint mortellement, qui le comprime jusqu'à n'être plus qu'un point sans dimension. Tout son être est déchiqueté par le néant. Il sent sa peau se détacher de ses os, les nerfs qu'on torture à la tenaille rougie. Les mots ! Ils se sont enfuis, aveugles à son supplice. Des milliers de lettres séparées, égarées, s'enfoncent en lui, embrochant sa folie.
Si seulement il pouvait hurler...

Il ne perd pas connaissance. Il n'y a de douleur que dans la conscience. C'est dans son âme et dans sa chair qu'il souffre.
La violence est telle qu'il ne peut à la fois tenir les deux positions...
Son corps s'écrase lourdement contre la pierre.
Le bâton s'en va rouler devant.
Le vieil écritoire s'échappe de sa besace, laissant voleter quelques parchemins vierges dans l'air armoricain.

Des feuilles mortes au printemps...

Le Fou est tombé.
Idrissela
Elles se sont rencontrées. Croisées. Les personnes devant elle.
Elle n'accélère pas. Il y a du monde sur cette route pourtant son attention était fixée sur les deux personnes devant. Se connaissaient-ils ? Se croisaient-ils ? simplement deux inconnus sur la même route. comme elle?

Elle était curieuse de leur destin, une manière d'oublier le sien, une manière de magnifier sa vie qui pourtant n'était pas triste.
Un deuil, Un deuil qu'elle refusait de faire au plus profond 'elle-même. Elle souriait, riait, chantait même, mais son cœur saignait toujours. Son père n'était plus. Seule. Elle restait seule jusqu'au jour où cet homme avait frappé à sa porte. Une famille. Elle avait une famille. Alors son cœur s'était allégé.
Elle cheminait pour la rejoindre. Elle avait laissé le carrosse s'en aller en avant, elle avait eu besoin d'être seule. Lui était partit déjà.

Il titubât. L'homme titubait, elle était sure maintenant qu'il s'agissait d'un homme et d'une femme. Il tombât.
Sans réfléchir, elle courut vers lui.

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Madeline
Et dire qu'elle était partie sur une route pour marcher un peu et se changer les idées.
Et dire qu'elle appréciait le calme et l'isolement.

Mais non, ce n'est jamais comme ça que les choses fonctionnent...

Pourtant, les ingrédients étaient là : une route déserte, un temps clément, des soucis à évacuer.
Et puis cet homme qui débarque de nulle part et qui lui en rappelle un autre. Petite pièce imprévue qui vient tout chambouler, tout modifier à son programme de promenade.

Si on lui avait dit un jour que son ignorance en géographie aurait un tel effet sur un homme, Madeline aurait bien ri.
Et pourtant... A peine avait-elle brillé par sa nullité cartographique que l'homme en était tombé carrément par terre, à moins que la seule présence de la Madgnifique n'ait eu cet extraordinaire pouvoir de couper les jambes aux inconnus subjugués par tant de madgnificence.

Quoiqu'il en soit, le bâton roula, des parchemins volèrent et des genoux heurtèrent violemment le sol, suivis d'un ratatinage de face contre terre dans les règles de l'art.


- Non mais relevez-vous messire... Ne vous mettez pas dans des états pareils, je vais vous y conduire à la plage moi... si vous n'avez pas peur de faire des kilobinious en aller-retour.

Mais l'homme reste à terre, le nez dans la poussière.

« Par Aristote, je l'ai tué en une phrase ! ». Cette pensée tétanise Madeline l'espace d'une seconde qui semble durer une éternité.

Les secondes qui suivent resteront à jamais gravées dans l'esprit de Madeline...

Elle se précipite vers l'homme à terre, s'accroupit et s'aperçoit qu'il a les yeux grand ouverts.
« Ce n'est pas un homme, c'est un cauchemar vivant ce type ! » Cette pensée déclenche en Madeline l'envie de partir en courant.
Cependant cet homme semble souffrant et il est de son devoir de lui porter assistance avec toute la douceur d'une mère.
Elle l'empoigne donc au niveau de l'épaule, le fait rouler sur le côté et cherche à capter l'attention de ce visage vivant mais qui semble loin, si loin de tout.


- Messire ? Messire ? Regardez-moi, vous m'entendez ?

Madeline n'a jamais fréquenté le Triskell, elle fonctionne à l'instinct. Et puisqu'il ne semble pas l'entendre, ni la voir... peut être la sentira-t-il.

Et d'une main vive, elle claque la joue de l'homme.

- Messi...
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Idrissela
- Il n'est donc pas mort ?

Idrissela se tenait debout à coté de la dame et elle aussi se penchait sur l'homme.
Brusquement elle se demandait si elle n'aurait pas du passer son chemin. Elle ne pouvait être d'aucune aide mais laisser cette dame seule avec l'homme mourant peut-être, cela était impensable.


- Vous savez ce qui lui est arrivé ?

Elle regretta aussitôt sa stupide question. Elle ne devait pas savoir, sauf si elle était médicastre.
C'est incroyable les choses stupides qu'on débite quand on est devant une situation qui nous dépasse. Idrissela ne faisait pas exception à la règle.

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Edern
On le manipule.
On le bouscule.
On le nomme sans majuscule...

Quelque part au fond de l'esprit du Fou qui se tord, une flamme s'embrase, rouge puis bleue. Son combustible a pour nom sollicitude. Elle se propage immédiatement à tout son être, purifiant chaque coin et recoin du vide qui le torturait et le torturera encore, plus tard, sans crier gare.
Partie remise. Il n'en a cure. Une autre partie a cours, sur un autre terrain.
Un mot de trois lettres s'envole pour lui en toute harmonie, oiseau merveilleux, voleur de feu.

Non !

Ses yeux voient de nouveau. Les iris bruns courent sur les nuages, s'accrochent un instant à deux visages féminins, tournoient avec vigueur, refusant que se ferment les fourbes paupières. Que croient-elles donc faire ici ? L'aider, lui, le Fou ? Oser même l'envisager ? Personne ne peut plus l'aider sur sa route, et personne ne l'a jamais pu ! Ou presque... mais le presque est parfum, ne pourra manquer de disparaître à son tour. Il n'y a que lui pour aller au bout, s'abîmer en restant entier, faire le sacrifice de sa vie pour enfin affronter un ennemi qu'elles ne connaissent même pas. Du reste, ne seraient-elles pas les servantes de ce dernier, des combattantes du silence déguisé sous des lettres mal ordonnées ? Des humaines traîtresses à leur race, la seule qui ait pu aimer les mots ?
Car il serait revenu seul. Seul avec sa folie ! Il n'a pas besoin de cet insignifiant autrui qui n'est ni joueur, ni public.

La colère a précipité sa sortie du néant. Le Fou a la folie furieuse. Rare ire, ouragan sanglant, débarrasse-moi de ces impudents qui pensent pouvoir toucher ce qui n'est pas à leur portée ! Non, il n'est donc pas mort ! Il vivra tant qu'il ne saura pas le pourquoi de son châtiment !
Sa volonté est la dernière force qu'il peut opposer à la réalité.


Messi...

La claque est violemment rendue de la main qui aurait dû tenir le bâton. Vibrant de fureur, le Fou roule sur le côté et se relève prestement, rajustant son couvre-chef. Peu importent la poussière qui macule son habit blanc et noir, le bois qui est retourné au sol, les parchemins éparpillés. Si le temps ne lui était pas compté, s'il ne craignait pas un énième cauchemar meurtrier, il tuerait sans hésiter. Il rouerait de coups ces deux femmes qui ne comprennent pas. Pas par plaisir. Parce qu'elles représentent une partie de son échec, la ruine d'un monde qui aurait pu être sublimement autre. Le terrible symbole d'une défaite évidente.

Le Fou toise les donzelles qui lui barrent la route. Si l'écritoire est à ses pieds, la plume restera sienne tant que la rage irriguera ses veines.
Un fluide mordant pour une ultime exécution...
Le soleil est noir.

Ce qui m'arrive n'arrive qu'à moi
Reculez derrière votre émoi
De pitié je n'en ai ni tôt ni tard
Et encore moins pour les charognards !


Il va pleuvoir...
Madeline
- Messi...
- Savez-vous ce qui lui est arrivé ?

Une voix féminine, une présence, une question. Madeline s'interrompt et tourne la tête pour répondre à cette femme qu'elle ne connaît pas. L'homme se débat et se redresse d'un coup.

Les deux femmes sont accroupies, face à cet inconnu dont le discours est incohérent voire effrayant.
Il ne veut pas être touché, il ne veut pas être aidé, il les menace. Aboyeur désaxé... que le Très Haut ait pitié de toi et te prenne sous son aile si l'Homme n'a su le faire.

D'un air stoïque, Madeline l'écoute rimer.


« Ce qui m'arrive n'arrive qu'à moi
Reculez derrière votre émoi
De pitié je n'en ai ni tôt ni tard
Et encore moins pour les charognards ! »

« Il commence doucettement à me les briser menus menus ce taré... Restez à distance raisonnable damoiselle, mais ne le lâchez pas des yeux, tout est envisageable quand la raison est absente. » souffle-t-elle à sa voisine.

Madeline se relève sans quitter l'inconnu des yeux. Il n'a qu'un vulgaire bâton, tandis qu'elle est armée comme trois Coldtracker et qu'elle n'en est pas à son premier macchabée. Autant dire alors qu'elle est prête à « lui arracher la tête et à lui conchier dans le cou » au moindre geste suspect. Après tout, cela ne fera qu'une encoche supplémentaire à rajouter à côté des autres.

Elle n'ira cependant pas tenter le diable. Elle ne rentrera pas dans sa bulle. Elle se tiendra à distance respectable du « territoire » de ce sauvage-maboule.

D'un air stoïque elle l'écoute donc rimer, déçue qu'il ne s'agisse pas là d'alexandrins... Décidément, il a tout pour plaire celui-là... Une case et des pieds en moins !


Garde-toi bien, manant, de partager ton mal.
Souvenir d'homme, ombre de toi, presqu'animal...
Garde-toi bien, le fou, de t'en prendre à nous, femmes.
Ne sois pas si pressé de faire peser ton âme...


Petits mouvements de sourcils vers la jeune femme qui signifient : « ça, c'est de l'alexandrin ! ».
L'air stoïque, Madeline, les mains sur les hanches est aux aguets... Le message est passé, que ce fou ne tente rien si en vie il veut rester.

_________________
Idrissela
Idrissela ne saurait dire ce qui la bluffait le plus, le mourant debout et prêt à combattre ou les dialogues en alexandrins. Elle n'aurait su combattre et encore moins faire rimer deux phrases quand à parler en alexandrins? Rions!

Le temps s'était nettement assombrit et la première surprise passée, Idrissela scrutait le revenant. Elle avait entendu ce que lui avait soufflé la dame. Elle lui faisait confiance d'instinct mais il y avait quelque chose chez cet homme qui la touchait, Une fêlure. Quelque chose qu'elle ne saurait expliquer mais qui lui disait que cet homme était surement très dangereux mais qu'il n'était pas intéressée par elle. Qu'il voulait seulement être seul.
Surement se trompait-elle. Elle n'était qu'une enfant majeure après tout mais Idrissela faisait toujours confiance à son instinct, elle se relâcha et observa la scène, de plus la dame était rassurante.

Quelques gouttes tombèrent, une caresse de la pluie. Léger, l'air était léger et pourtant l'atmosphère pesante. Idrissela ressentait la tension. L'homme semblait imprévisible.

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Edern
Haussement de sourcil. Elle l'a nommé. Le Fou laisse s'échapper la colère et observe les points d'interrogation qui se soulèvent en lui.
Sait-elle pourquoi ? Sait-elle vraiment qui il est ?

Manant. Et Duc. Et Évêque. Et Brigand. Et tout ce qu'il veut, quand il le veut, où il le veut. Des limites ? Celles de l'impuissance des autres, de leur incapacité à reconnaître les contours d'un jeu de dupes. Chaque taverne est l'occasion d'un rôle à prendre, même en ces temps de fin du monde, même s'il n'y prend plus qu'un plaisir dénué de sens. Manant ! Oui. Il fut plus riche. Non. Ce qui lui reste de trésor, jamais elle ne pourra en jouir. Une richesse incalculable puisqu'on ne peut la mesurer à coup de règle jaunie.
Son mal. Se partage-t-il ? Peut-on diviser l'agonie ? Suggère-t-elle que sa solitude pourrait ne pas en être une s'il ne se gardait pas de la semer ? Trop peu de champs ont pourtant supporté la semence qu'il leur offrait. Son mal ! Mais personne n'a voulu de son bien. Comment ose-t-elle ordonner son être intime, lui intimer l'ordre, cette raisonnable inconsciente ?
Mourir de main de femme. Elle n'a pas d'arme, la naïve mégère au sang bleu. Ses ongles ? Aussi nombreux soient-ils, aucun n'entaillera le marbre qu'il a revêtu. Ils se briseront dans un crissement aussi désagréable pour l'oreille que doux pour son âme démente.
Qui ne pèsera toujours que le poids d'une plume, quelle que soit la balance...

Tsss.

Le Fou soupire, détourne les yeux de celles qui le bravent à peine. Il s'assoit en tailleur et lève la tête pour mieux contempler les nuages qui passent tranquillement dans le ciel. Bientôt, une goutte en dégringole et vient éclabousser sa joue. Puis une autre. L'heure est bientôt au déluge. Partout, de lourdes et petites masses d'eau s'écrasent en choeur, composant un chant mouillé vers lequel son corps se tend. Pourrait-il se noyer, ici, entre les larmes que les dieux pleurent pour lui ?

Flic, floc. Non. La pluie ne tombe que pour lui indiquer la route. Il va falloir repartir. Aucune halte n'est permise.
Débarrassons-nous des importunes avant de leur en tenir rancune. Choix d'une surprise... allons-y.

L'homme retrouve la station debout, le regard toujours en l'air. Son chapeau glisse, frôle la fine pellicule d'eau qui couvre maintenant le sol, stupide navire sans voiles ni capitaine. Il fixe alternativement les deux oiselles à qui il doit répondre. Ses lèvres s'étirent douloureusement. Est-ce un sourire, cette expression tordue ?
Presqu'animal, hein. La main droite se porte au nez pour le pincer. Les pupilles se dilatent au possible, évocation féroce d'une bête monstrueuse.
Ahem. Se dandinant parmi les flaques qui s'étendent, le Fou se fend des trois alexandrins suivants :

Coin coin coincoin coin coincoincoin coincoin coincoin
Coin coincoincoincoin coin, coincoin coin coincoincoin
Coincoincoin coin coincoin coincoin coin coincoin... coin !


Foie de canard, on ne lui clouerait pas le bec aussi facilement.
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