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[RP] Entre peur et abandon...

Apolonie
Contact... Main qui se veut réconfortante sur son bras encore crispé par la colère et cette envie... furieuse, rageuse, de faire mal. Faire payer au monde la douleur de sa trahison, la frustration de son impuissance... Mais l'inquiétude prend la place de la violence, les tremblements celle de la main assurée d'une combattante, le ton agressif se laisse aller à l'intonation inquiète d'une jeune mariée désespérée.

L'attitude de Jazon l'ancre dans une réalité qu'elle avait aimé fuir quelques instants. Bulle de liberté douloureuse éclatée par la bienveillance amicale d'une sentinelle en qui elle a toute confiance. Se laisser aller à ressentir sans peur de la trahison, de la déception ou de l'abandon... Elle ne connait plus vraiment.

Au fil des mois et des années, tous ceux qu'elle avait aimés avaient disparus. Willen était mort dans ses bras, Bire avait sombré dans le radicalisme et l'obscurité d'un combat qu'ils n'avaient plus en commun, Fab avait pris les routes de traverse... Et maintenant, l'homme en qui elle avait tellement accordé foi et confiance qu'elle l'avait épousé, sous le regard cuisant d'un frère amoureux, disparaissait à son tour. Comme tous, ses amants, amis... Toujours.


Je crois qu'il a son compte maintenant. Tu n'as plus rien à craindre. Je suis là.

Et elle le croit. Parce qu'elle le connait, parce qu'ils ont toujours, depuis leur rencontre, été là l'un pour l'autre. En Auvergne comme en Provence, de la Gascogne à Toulouse. Le Clan, et plus que ça. Elle le croit aussi parce qu'elle en a besoin, là, tout de suite. Le croire ou s'effondrer. Alors elle s'accroche, à ce bras qui la soutient, à ce regard où elle peut lire les craintes qu'il a pour elle. Brunette qui voudrait le rassurer ne peut que ne pas le chasser. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour elle ça veut dire beaucoup...

Bouger, avancer. Reprendre là où Scar l'avait arrêtée. Un pas devant l'autre, une pensée après l'autre, récupérer ce qu'elle est, et reprendre en main sa vie, ses recherches. Si elle en avait la force, elle sourirait à entendre Jaz' invectiver le groupe de badauds. Mais déjà le cheval de son ami s'approche. Morceau de tissu tendu, qu'elle prend d'une main maladroite. Premier enseignement de l'armée : une arme non nettoyée ne rejoint pas son fourreau ou elle ne servira plus jamais.

Le carmin souille l'étoffe, effaçant de la lame la colère de l'agression, la violence contenue dans le corps d'une brunette torturée. Sur son cou le contact humide d'un linge apaisant d'une douceur amicale, presque filiale. Un clin d'azur reconnaissant vers Jazon qui vide sa gourde sur les mains ensanglantées d'une vicomtesse un peu perdue.


Merci.

Rien d'autre n'a été inventé encore pour exprimer la gratitude qu'elle peut ressentir à être soutenue par lui. Le bras se fait plus pressant sous le sien. Fierté malgré tout, malgré ce qu'il vient d'entrevoir chez elle, malgré son allure défaite. Apolonie se redresse, fait front. Comme toujours, force de la nature, ou confort parfois appréciable d'une dualité alternative à laquelle elle refile sans scrupule les émotions trop fortes. Gênée par son ventre, elle sait qu'ils ne pourront chevaucher à deux. Elle sait aussi que courir, armés comme ils le sont tous deux, est illusoire.

Les dagues glissées à nouveau dans leurs liens de cuir sur ses cuisses, sans accorder un seul regard à son agresseur, là-bas, dans un monde qui lui parait déjà si lointain, elle avance avec sa sentinelle.


On y va ?!On va bien finir par le retrouver ton époux !

Reprendre contenance. Les idées éparpillées au gré d'un vent de panique tentent un rassemblement opportun. Rechercher, oui... Mais Montbrison elle a fouillé, il n'y est pas... Elle lève la tête vers son ami.

Dernière fois que je l'ai vu, Clermont.
A la sortie de la Cathédrale. Deux semaines...


Le ton est à la fois ferme et implorant. Ils vont devoir y aller... Et chercher. Dans son esprit, elle se rappelle d'autres recherches. Auxquelles elle avait ou non participé d'ailleurs. Armagnac en Touraine, Lila à Bourbon, Etolus, et tant d'autres... Le frisson qui lui parcourt l'échine est violent, glacé. Elle se refuse à ça. Inenvisageable. Hors de question.

Mon cheval est là-bas. Doigt qui se tend vers l'entrée de la ville. Tu m'accompagnes ?

Question d'une rhétorique presque blessante, Jaz', lui, comprendra qu'elle n'attend de lui que de quoi rompre ce silence oppressant qui l'étouffe, la compresse, jusqu'à la souffrance physique qui rejoint la torture mentale que l'absence d'Alayn lui fait endurer depuis de nombreux jours.
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Fan de Constant Corteis, et aussi un peu de RP Partage.
Jazon
Jazon la vit peu à peu se redresser.
Il eut l'impression de la retrouver tout à fait quand elle leva son regard sur lui et lui parla.

Dernière fois que je l'ai vu, Clermont.
A la sortie de la Cathédrale. Deux semaines...


Deux semaines.......?!
Jazon passa sa main dans sa chevelure.
Le ton était implorant mais elle était de nouveau là celle qu'il connaissait.

Deux semaines.... Depuis deux semaines, Apo n'avait plus de nouvelles d'Alayn....
C'était plus qu'inquiétant.
Il vit la jeune femme frissonnée.

Jazon ne voulait pas être pessimiste mais au bout de deux semaines si aucun courrier de sa part ne lui était parvenu, si elle avait déjà fouillé Montbrison......
L'espoir ne pouvait malheureusement que s'amenuiser au fur et à mesure que les jours passaient.

La sentinelle réalisa pleinement à cet instant qu'il allait falloir prévenir une mère.

Mon cheval est là-bas.
Apo montra du doigt la direction des portes de la ville.
Tu m'accompagnes ?

Se donner une dernière chance avant d'accepter l'inacceptable et reculer ainsi encore l'échéance de devoir prévenir Gypsie.
*Ooooh Gypsie ! Si tu savais combien à cet instant, je comprends parfaitement ce que tu vas ressentir......*
La souffrance qu'il croyait enfouie au plus profond de lui remonta, l'envahit, le submergea. La perte d'un enfant était d'une cruauté sans pareille.
*Côooooome......*
Ce jeune père serra ses doigts, à en faire blanchir les jointures, sur les rênes de son cheval. De l'autre, il s'appuya sur l'encolure de son cheval, la tête baissée.
Puis il inspira profondément et se redressa.

"Bien sur Apo que je t'accompagne. Nous ne serons pas trop de deux pour le chercher."
La reprenant par le bras et tirant son cheval derrière lui, il ne se rendit pas compte que son amie devait presque courir à ses côtés. La distance jusqu'aux portes de la ville fut parcourue à un train d'enfer.

Il l'aida à se mettre à cheval. Un fois en selle à son tour, il eut un regard vers le sud, vers une petite maison, chemin du Vieil Ecotay.

*Gypsie, je vais te le ramener ton fils !*
Ce n'était pas une pensée mais un cri du coeur vers celle qu'il aimait, la révolte d'un père qui n'acceptait toujours pas la mort de son propre fils.

"En route, Apo ! En route !"
Et ils piquèrent des deux, s'éloignant au grand galop en direction de Clermont.
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Jazon Duchesne de Marigny, Vicomte de Ravel, Seigneur de Viverols.
Apolonie
Ils avaient pris la route. Apolonie gênée par l'arrondi d'un ventre plein de leur enfant, chevauche tout de même derrière Jazon vers le dernier endroit où elle a vu son mari pour la dernière fois.

Les mots se font rares, pas du genre à causer pour ne rien dire les Sentinelles. Maintenant qu'elle n'est plus seule, ce n'est plus l'inquiétude mais la panique qui vrille les tripes de la brunette qui entrevoit le pire au bout de la route qu'ils viennent d'emprunter.

Défilent les lieues et les paysages. Entre Montbrisson et Thiers, à peine une halte. Entrainés aux longs trajets, à la rapidité de déplacement, ils ne marquent l'étape qu'à contre-coeur et pour soulager leurs montures. Là encore le silence qui les entoure ne les dérange pas. Dans les regards échangés passe de toute façon l'émotion. Les relations qui les lient à Alayn ne sont évidemment pas les mêmes, mais Apo se rappelle ce jour, dans le cimetière de Bourbon, l'enterrement d'Armagnac, où elle avait lu sur les traits creusés par le deuil le chagrin d'un père qui venait de perdre son fils. Elle se rappelle que Jaz' connait ce terrible sentiment de la perte, et qu'il est marié à la mère du disparu.

D'un tacite accord, ils ne l'ont pas prévenue de leur folle recherche. Inquiéter une mère, c'est injuste sans raison, c'est cruel quand il y en a une. L'épouse est assez tourmentée pour deux. C'est dans ces cas-là qu'elle s'étonne, qu'elle se surprend elle-même, Apolonie. Qu'elle remercie sa dualité qui lui permet d'endosser la panique sans pour autant en perdre l'esprit et le raisonnement. Froide, distante par rapport à ses propres émotions, elle mène la chevauchée et la recherche tambour battant, sans se laisser aller plus que de raison.

Enfin Clermont. Les murailles qu'elle a laissées derrière elle il y a deux semaines, le croyant parti pour ses terres après sa sortie de la cathédrale. Aurait-elle eu tort ? Aurait-elle du rester dans la capitale ? Où est-il...

Arrivés aux portes, leurs simples noms leur ouvrent les portes. La sentinelle et la conseillère ducale, le vicomte et la sentinelle, l'ami et la vicomtesse... Clermont n'est pas si grand. Comme dans beaucoup de villes à l'époque, le tracé des rues et les quartiers sont assez classiques, par métier, par catégorie. Ruelles à peine pavées qui montent pour se rejoindre à la cathédrale.


Tu prends à droite, moi à gauche, on se rejoint à la cathédrale ?

Après tout c'est là qu'elle l'a vu pour la dernière fois. Une inclinaison de tête et ils se séparent après une dernière pression de main. Apolonie laisse sa monture aux écuries municipales, elle verra moins bien juchée sur l'étalon gascon, et puis sa grossesse commence à lui faire souffrir le martyre.

La cadence régulière de la botte qui claque sur le sol gelé d'un mois de février résonne à ses oreilles comme une sentence plus pressante à chaque pas. Elle le sait, elle le sent. Inexplicable sensation. Une bouffée de souvenir qui remonte, l'oppresse, l'étouffe. Février... Le 16 de l'année précédente, c'est Willen qui a expiré entre ses bras encore frêles. Un an... Tellement de choses, elle s'est endurcie. A vécu le pire comme le meilleur. Mais la roue du temps semble lui jouer un tour pendable. La zone des tanneurs est dépassée, aucune nouvelle du vicomte. Elle le sait connu, il a été duc...

Mais aucun des artisans clermontois ne se souvient l'avoir vu. Pas un employé qui puisse lui indiquer où il serait. La fouille azurée des recoins se fait plus frénétique au fur et à mesure que les minutes puis les quarts d'heures, les demies heures s'écoulent, implacables, rapprochant Apolonie d'une fin inéluctable.

Enfin, un espoir. Une parole. Un paysan qui sort d'une taverne, éméché. Qu'importe l'ébriété du bonhomme s'il sait où elle peut le trouver. Les poings se crispent dans un effort désespéré pour ne pas secouer le gars comme un prunier. Qu'il crache le morceau bon sang ! Si tu l'as vu, où ? MAIS OU ? Elle en vient à crier, les badauds se retournent sur la jeune femme de noir vêtu, ses dagues sur les cuisses, l'épée ceinte au côté, la tignasse auburn ébouriffée laissant les mèches paniquées gifler ses joues déjà creusées par l'inquiétude, le ventre proéminent se faisant presque agressif tandis qu'elle interroge le bougre d'âne qui cherche ses mots dans la vinasse qu'il vient d'ingurgiter.


OUUU ? Par le cul d'une catin vérolée tu vas me dire où ?!

Enfin il semble se réveiller. Le bras tremblant de l'homme apeuré lui montre une autre auberge un peu plus loin. Elle ne reconnait pas l'enseigne. Que diantre Alayn était-il venu chercher là ? Elle ne marche plus, elle court. Maudissant son état et le vent qui arrache des larmes mêlées de frustration et d'espoir, elle court. Les quelques pas sont vite franchis et la porte claque quand elle l'ouvre à la volée. Sursauts surpris de clients avinés qui se demandent ce qu'elle peut bien leur vouloir, la vicomtesse au regard si perdu, et pourtant vibrant d'espoir.

Y'a deux semaines, un client, un vicomte, l'a été duc, Alayn, où est-il parti ?

Le tavernier, obséquieux, veut l'inviter à entrer, elle le foudroie d'un azur orageux tendance tornade qu'il ne cherche pas à contrarier plus. Et précipitamment lui raconte qu'il était là... Si c'est bien de c'grand brun avec la barbe naissante dont elle parle, çui avec un blason bleu et jaune sur son écu. Elle acquiesce, qu'il parle plus vite ou elle l'étrangle. Sous ses ongles restent encore quelques traces du sang séché de Scar, elle n'est plus à ça près. A peine l'temps d'effleurer d'une pensée que c'est vrai, il n'a même pas fait graver son nouvel écu, avec leurs armes à tous deux. Elle secoue la tête, c'est pas l'moment. Il avait passé la soirée là... Il avait bu, beaucoup, pour faire passer un malaise à ce qu'elle comprend. Puis il était sorti. Par derrière. Malade. Elle en bafferait le gros tenancier au ton doucereux mais qui enfin s'avère empressé. Les détails foisonnent, elle n'en a plus cure. Il est sorti, pas revenu.

Elle traverse la salle d'une démarche mettant au défi quiconque de réagir, et s'engouffre à son tour par la porte du fond. Ruelle étroite fleurant bon les odeurs de latrines et autres déjections, effluves des ordures jetées à même la rigole centrale qui viennent titiller un odorat rendu sensible par les hormones maternelles. Elle en vomirait presque. Mais elle fouille, encore. Remonte un peu la rue. Pas d'autre porte, à croire que personne ne vient ici que les gars qui nettoient parfois les rues. Encore que vu le tas d'immondices, ils doivent pas passer beaucoup par ici... Qui s'en plaindrait ? Pas les riverains toujours...

Il fait sombre, maisons à un étage qui obscurcissent le ciel et empêchent la lumière. Quelques rats, pourtant peu vivaces à cette époque, un chien errant qui s'enfuit en couinant. Et se prend un coup de pied d'une sentinelle frustrée au passage. Satané cabot. Et puis elle ...voit.

Un talon. Qui dépasse. Une botte. Un pied. Un mollet, puis la jambe. Plus elle avance plus les détails de ce corps se font familiers. Autre souvenir qui remonte en gorge comme la bile qu'elle régurgite dans un hoquet. Lila, qu'elle avait trouvée, décomposée, derrière une taverne bourbonnaise. La vie ne serait-elle qu'une boucle moqueuse qui jamais ne se fatiguerait de priver Apolonie des siens ? Le gout est amer en bouche, elle essuie ses lèvres d'un revers de manche.

Haut le coeur qui ne fera que reprendre avec la certitude. C'est lui. Là. Méconnaissable, sauf pour une épouse, pour une mère. Pour une femme qui aura aimé ce corps maintenant bouffi par la décomposition. Rongé par les vers d'une putréfaction avancée. Les cheveux, la carrure, son épée, ses vêtements... Alayn. Etendu là. Sans autre parure que la mort qui l'aura fauché il y a déjà plusieurs jours, semaines... Le froid d'un hiver rude aura ralenti la course du pourrissement, mais pour autant ce n'est déjà plus lui.

Le bras en équerre appuyé contre un mur, elle tente cette fois de passer par dessus son ventre pour expulser la bile qu'il lui reste en ventre. L'odeur pestilentielle s'imprègne dans ses cheveux, ses vêtements. Déjà elle sait qu'elle ne sentira plus que ça pendant des jours, même après dix bains, même avec des huiles... Ancrée en elle. Comme la perte.

Et réalisant ce qu'elle a sous les yeux, elle tombe à genoux. A coté du corps grouillant de vers, à la peau tombée dans les replis du tissu qui le vêtait, à l'os des pommettes saillant et aux orbites vidées de leur substance, elle tombe. Écorchant les genoux, elle tombe. Comme l'espoir qu'elle avait entretenu jusqu'au bout, fracassé par une réalité bien plus morbide. L'azur recouvert des paupières salvatrices, elle lève la tête vers le ciel, le Très-Haut, qui encore une fois la prive d'une partie d'elle. La main en réflexe inconsciemment protecteur sur le ventre plein d'une partie de lui.

Et elle hurle. Un cri à en déchirer la voute céleste, une clameur empreinte d'une douleur insupportable. Elle hurle. Encore et encore. Et tout ce qu'elle veut, à ce moment-là, c'est qu'il ait souffert. Qu'il ait souffert avant de l'abandonner. Rage sourde et grondante d'une jeune femme que la mort entoure d'une aura protectrice, comme si l'Ankou voulait la garder pour elle, pour toujours, sans qu'elle ne puisse aimer sans perdre. Et l'instinct au fond d'elle s'éveille, l'Apo et Apolonie réunies, criant au ciel égoïste leur souffrance commune. Il l'a abandonné. A qui le tour ? A QUI LE TOUR ? Qui va la trahir maintenant ? Qui va lui mentir, tricher, l'abandonner ? Qui va mourir ? Et un nom, fulgurance évidente d'un lien plus fort que tous, Eikorc...


Nooooooooooooooooooooooon !
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Fan de Constant Corteis, et aussi un peu de RP Partage.
Liamchaa
[Auvergne quand tu nous tiens...]

La charrette qu'il arrête.
Il saute à terre.
Foule de ses bottes cette terre.
Il se penche.
Ses doigts noirs prennent de la terre.
Il la fait jouer dans sa main.
Malaxage.
Des grains s'échappent entre ses doigts.

Un coup d'œil à la Blonde.
Regard interrogatif de la Belle.
Il lui sourit en coin.
Verte est la contrée.
Vert sont ses pupilles.
Le Sombre est de retour en Auvergne.
Dernier passage pas réjouissant.
Arrivée en Bourbonnais pas plus.
Pourtant...

Il sent la poignée de terre.
Parfums de prairies.
Volcanisme à perte de vue.
Nature indomptable.
Tout comme lui.
La terre retourne à la terre.
Il se frotte les mains.
Y a à faire.
Y a à voir.

Coup de paume sur l'encolure.
Cheval qui s'ébroue.
Il agrippe la rambarde.
Coup de rein.
Assit à côté d'elle.
Épaule contre épaule.
Faudra bien qu'il s'offre un destrier un jour.
Le luxe.
Pas pour maintenant.
Pas pour lui.
Pour l'heure...
La charriote s'ébranle.
Sunie
L’écuyère silencieuse suivait l’ombre au ventre arrondi dans les ruelles de Montbrison… perdue, elle l’a sentait perdue… b’soin d’être seule…. Sunie pouvait parfaitement la comprendre, elle qui était si sombre, solitaire et farouche bien souvent depuis son enfance, observer, apprendre, comprendre, ne pas s’attacher, ne pas se lier… partir... Mais dans la vie, il est des choses, des personnes auxquelles on ne peut être indifférents. Ces choses qui vous mangent l'esprit, vous tordent le ventre, et vous paralyse les pieds. Ces aveux qu'on voudrait n'avoir jamais entendus, lus ou vus... L'indifférence n'est pas facile face a certains évènements, resté de marbre quand la colère est si forte qu'elle est difficile a contenir. Sunie se fond dans l’ombre des façades, reste a distance, un combat, une rage qui s’exprime, La haine est un sentiment plus fort encore que l'amour, elle se cultive, elle crée une dépendance, une possession, un besoin vital d'avoir l'être haï proche de soi...


L’écuyère s’plaque au mur, laisse ce sentiment s’exprimer, prête a intervenir sachant au fond d’elle-même que la sentinelle n’en a pas b’soin…Hurlements de douleur d’une silhouette au sol qui rappel a Sunie l’état dans lequel se trouve l’Apo, elle le connait que trop bien… Un passé qui n'appartient qu'à elle, un oubli qu'elle voudrait total… l’agresseur devient l’agressé.. . Alors, tourmente, méandres de cauchemars qui n'en finissent plus ... Où la douleur sauvage arrive, l’animal s'en vient de sa tanière chercher sa proie, lui planter un couteau dans le bas ventre, et ce regard de terreur devant ce mi-homme, mi-animal, qui ne semble pas vouloir mourir …Alors le torturer comme la torture qui nous tenaille les trippes et qui revient comme un sentiment enfouie… jamais totalement oublié…

Sens en éveil, sabots ferrés qui claquent sur les pavés de la ruelle, cavalier qui s’approche lentement d’l’Apo….Une écuyère sur l’qui-vive, qui fixe la scène qui s’déroule d’vant elle à quelques mètres….. Elle n’est plus seule, soupire de soulagement les silhouettes s’éloignent…Faire quelques pas en arrière, s’faufiler chez l’maréchal ferrant où elle a laissé son étalon, a qui elle avait d’mandé qu’il soit prêt au plus vite… Belle monture, celle là même même offerte par sa marraine d’puis qu’elle chevauche dans l’royaume… Elle se rappel, la dernière fois qu’ils ont tous chevauché ensemble, c’était Clermont, r’trouver l’point départ et comprendre…passer au trop les portes de la ville…Partir au galop direction la capital…Le vent glacial de février qui fouette le visage… refaire le voyage en sens inverse, regarder, observer, s’arrêter, questionner, écouter… se remémorer la veille du départ, la p’tite avait entraperçue l’inquiétude dans les prunelles azurée d’la vicomtesse, l’regard plongé l’une a l’autre, elle le cherchait où était’ il , retenait son inquiétude, se dire pas de nouvelles…bonne nouvelles, faire taire les craintes qui taraude l’esprit, une campagne a mener, le voyage a faire, il les rejoindrai comme prévue, et pourtant des jours qui s’enchainent… il n’était toujours pas là…

L’écuyère entre en ville de Clermont…Le soir tombait sur la capital… Peu d'âmes à l'horizon. Seule la lueur des feux dans les tavernes éclairait les ruelles de la paisible ville d’Auvergne. L’écuyère ralentie sa monture et s’laisse glisser au sol…elle noue les rênes à l’endroit prévue a cet effet près des remparts… Reste discrète… Son p’tit gabarit lui permet bien souvent de s’fondre et de s’faire oublier… Elle se faufile dans la rue principale, jette un r’gard aux f’nêtres des tavernes devant lesquelles elle passe…Rien, elle ne la trouve pas, en revanche son instinct ne la trompe pas, elle n’est pas loin…Cris en échos qui déchire la nuit … Jetant de temps en temps un regard furtif dans chaque ruelles qu’elle passe a présent a pas rapide… les hurlements ne cessent… elle s’oriente..au détours d’une de celle-ci, elle stoppe le pas, cris distinct… Elle l’a trouvé a l’arrière d’une taverne… pas qui s’précipitent, puis qui ralentissent devant cette silhouette courbée de douleurs…. Elle s’approche lentement, cherche ses mots, sent l’odeur l’envahir…le haut l’cœur qui la prends et pourtant ce n’est pas l’moment, la futur mère en a que trop vue… Elle s’glisse derrière Apo en restant sur ses gardes, elle sait que la douleur peut transformer une personne, ne plus rien voir, ne plus rien reconnaitre…. Penser aussi à l’enfant à venir, il est trop tôt bien trop tôt… Un souffle… Un murmure…


Apo … C’est moi Sunie… éloigne toi ne reste pas là…

Elle tend silencieusement la main et la pose sur la nuque d’Apo, puis la laisse glisser au creux de son dos en un geste qu’elle voudrait réconfortant…L'r'gard azur qui s'fait tendre aussi, sentiment tres rare chez la jeune fille… Et pourtant, elle sait très bien qu’en cet instant rien ne peut l’être… Si… r’gard qui s’tourne instinctivement vers l’sud…
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Kar1
Quelle blonde. La voilà sur les routes, à tâter du chemin, aussi différents les uns que les autres. Une charrette retapée de fond en comble. Et surtout, la voilà bien accompagnée. Que demander d'plus au peuple. Quelle femme, j'vous dis..

L'Auvergne, toujours été attirée par l'Auvergne la blonde. Surtout pour sa popularité, sa vivacitée et tout le reste.
Les tavernes remplies, pas toujours par les bonnes personnes, je vous l'accorde. Mais on n'enlèvera pas au BA ce qui appartient au BA.
Un noir qui manque parfois. Pas toujours là quand elle en a envie la blonde. En même temps, ce serait bien trop simple s'il était près d'elle en permanence. Comment demander c'la à un homme aux yeux verts, inaccessible ou presque.. Heureusement que la charrette est là pour les réunir et leur laisser la possibilité de se retrouver en bon et due forme.

Ces derniers temps pourtant, v'la qu'ils la partagent avec un Barbu et une autre blonde. Sympa comme couple, envie surprenante de les escorter, de les entraîner un bout d'chemin, même si ce n'est pas leur direction. Qu'importe...

Le Bourbonnais, l'Auvergne, sa terre y parait au Noir.
Une boucle, qu'ils ont fait.

Un saut puis un sol caressé.
Retour habile en charrette, le rev'la près d'elle. Karine se frotte inconsciemment ou presque contre lui.

Ca commence à faire.. Eux.. Ensemble..

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Karine de Pommières.
Milite pour que ljd Aurel revienne parmi nous! Aureeeel...
Jazon
Le trajet de Montbrison à Clermont, aucun souvenir. Les pensées de la sentinelle se bousculent. Alayn.... Ou est il ? Gypsie..... Comment va t'elle réagir ? Et Apo........ Cette amie qu'il n'a pas reconnu, quelques heures plutôt, en pleine détresse. Mais c'était bien au delà de cela. Il avait quelqu'un d'autre devant lui. La vie pouvait elle changer quelqu'un à ce point ? Et puis la minute d'après, il la retrouvait, d'abord dans le regard...... Comme si deux personnalités coexistaient en elle....

Clermont et son immense cathédrale qui la domine.

Tu prends à droite, moi à gauche, on se rejoint à la cathédrale ?
Jazon confirme du chef et lui serre la main, tentant de lui faire passer réconfort et confiance.

Il part vers des quartiers qui se transforment. De grands chantiers viennent d'être ouverts..... Des hôtels particuliers vont s'édifier à ces emplacements dans les alentours de la cathédrale et du chateau. Des masures y ont été détruites pour faire place nette.
Déjà on y aperçoit les fondations.
La sentinelle se rend au chateau. Peut être qu'on a vu le duc !
Tout le monde le connait ici jusqu'au moindre garde en faction. Mais les nouvelles sont négatives. Pas vu depuis un bon moment.
Ou le chercher ?
Prenant une rue qui monte, il se rend à la COBA. Qui sait !
Il a pas beaucoup d'espoir mais peut être qu'un soldat l'aura vu en ville. A l'entrée, on lui dit ne pas l'avoir vu. Mais il entre quand même et se rend dans les salles de coordination. Désertes.....

Où chercher ? L'angoisse monte peu à peu, lui nouant le ventre. Sortant de la Compagnie d'Ordonnance, il se remet en selle et regarde autour de lui. Les tavernes !
Jazon décide de commencer par celles du quartier puis il avançera vers les quartiers plus populaires.
Il va les visiter méthodiquement, l'une après l'autre, décrivant à chaque fois et sans relâche, le fils de Gypsie . Certains taverniers le connaissent et pensent l'avoir vu, il y a bien plus longtemps que deux semaines.
Sa recherche le fait passer devant la cathédrale. Son amie n'y est pas.
Le quartier des tisserands est passé au peigne fin puis celui des forgerons où les forges soufflent leurs poumons rougis sur le fer blanc.

Jazon ne sait plus où chercher. Les pas de sa monture l'entrainent vers le quartier populeux. Les rues se transforment en ruelles, les maisons sont moins hautes, les odeurs y sont plus fortes.
Un hurlement déchire l'air ambiant. Puis un autre ! et encore un autre !
Vandale fait un écart. L'angoisse envahit entièrement la sentinelle.

*Elle l'a trouvé !*

Pressions des mollets. Il se dirige d'après les clameurs qui deviennent obsédantes, assourdissantes.
Une ruelle..... des badauts sur le pas de leur porte.
Là-bas, des silhouettes.
Jazon saute à terre et remonte la ruelle en courant, la main gauche maintenant son épée.
Les gens apeurés par les cris le regardent passer.

Une femme et devant elle, agenouillée, Apolonie.... Son amie.......
Il a compris. Quelques pas de plus et il découvre le corps......
Ca pue ! et c'est pas beau à voir
Chaque hurlement le transperce. Il souffre avec elle. Les souvenirs le submergent. Il crie la perte de l'être cher, de son fils, sans qu'aucun son ne sorte de lui.

Regard vers la jeune femme qu'il ne connait pas mais qui semble être une connaissance d'Apo. Cette vision le sort provisoirement de cet état de douleur qu'il a connu si bien et qui n'était pas si loin, enfoui quelque part au fond de lui.
Il lui chuchote :
Elle peut pas rester là ! Il faut l'éloigner !

Jazon jette un regard circulaire tentant de reprendre possession de ses moyens.
Il faut réagir et agir.
De la porte entrouverte, il entend les bruits familiers d'une taverne.
Il en pousse la porte.

OLA ! QUELQU'UN !

Un homme en sort, le tavernier.
Jazon lui demande de trouver au plus vite une carriole et une bâche et des hommes pour transporter le corps.
L'homme hésite.
"J'ai pas que ça à faire, moi ! J'ai une taverne à faire tourner !"
Bourse d'écus dans la main, l'homme s'exécute immédiatement.

Jazon retourne vers la femme et Apo qui s'est relevée, agrippée à elle.
Quoi lui dire ! Elle est dans sa douleur, ne voit plus rien.
Ses pensées se fixent sur le retour à Montbrison. Il faut ramener le corps chez lui. Il s'accroche à cette unique idée évitant de penser à Gypsie. Il sera bien temps là-bas.

Les gueux trouvés par le tavernier s'affairent autour d'une carriole. Le corps y est chargé.
Il va falloir être fort là-bas, surmonter ses souvenirs douloureux et soutenir femme et mère. Et pour cela, elle n'est pas très douée la sentinelle.
Il sait se battre, n'a pas peur de combattre. Mais face aux émotions, à la mort d'êtres chers, aux proches qui les pleurent, il est en dessous de tout.
Ce fut le cas avec Féeleone à la mort de son fils. Il n'a pas su la consoler, l'aider, la soutenir.

Jazon attache son cheval à la carriole et aident les femmes à monter devant. Puis il grimpe à son tour et jette un regard sur la dépouille enveloppée dans la bache. Ils devaient faire une chasse ensemble.... Alayn avait souhaité mieux le connaitre.....
Il passe sa main sur son visage, soupire longuement et claquant les rênes sur la croupe du cheval de trait, ils retournent vers l'écurie récupérer les chevaux.

La douleur l'a envahi mais il fixe ses pensées sur le retour. Montbrison... Montbrison....
Ne pas penser et....... prier ?!
Oui !
pourquoi pas prier.... !!

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Jazon Duchesne de Marigny, Vicomte de Ravel, Seigneur de Viverols.
Apolonie
Dans une ruelle clermontoise, quand la mort se fait réalité

Colère. Le chagrin et la tristesse se terrent au fond d'elle, bousculés par la rage et la rancune. Abandonnée, c'est comme ça qu'elle se voit. Egoiste ? Peut-être... Déçue, sûrement. Il lui avait fait une promesse. On ne meurt pas quand on fait des promesses pareilles ! On ne laisse pas sa femme comme ça, on ne laisse pas son enfant venir au monde sans père, on ne promet pas tout ça quand on ne peut pas assumer... On ne meurt pas quand on promet.

Apolonie a trop pleuré. Le deuil est presque naturel chez celle qui a tant perdu... Il suffit qu'elle se lie pour perdre, elle le sait pourtant. La confiance est chez elle comme le poison, qu'elle l'accorde, qu'elle y croit, et les Parques viennent cueillir ses espoirs d'une faux habile et sans pitié.

Le corps décomposé de son mari en preuve implacable sous ses yeux. Les hurlements se font silencieux, les paupières closes refusant le spectacle. Des bruits de pas. L'Apo en réflexe émoussé. Ranafoute ! Il est mort, il l'a trahie, elle rêve de déchiqueter ce qu'il reste de la carcasse du vicomte à coups d'ongles ou de lame... Elle se fiche de ce qu'il se passe autour.

Elle et lui, en dialogue à sens unique. Elle crie intérieurement, elle le tance vertement, lui en veut et vitupère. Alayn, tu es fier de toi ? Faire croire à une jeune fille aux barrières défensives quasi-infranchissables qu'elle compte plus que tout ? L'engrosser, lui faire croire qu'une vie heureuse est possible ? L'amener à blesser un frère qu'elle aime plus que tout par amour pour toi ? Et l'abandonner ? Crever telle la charogne moyenne dans une ruelle clermontoise, c'est ça tenir ces promesses pour toi ? Et pourquoi tu me fais ça ? Hein ? POURQUOI ?

Une main. Réconfort inattendu d'un contact humain, telle l'aile d'un papillon surprenant, menotte imprévue sur le dos... A peine la tête a-t-elle besoin de se tourner qu'elle reconnait déjà son écuyère, une voix douce qui se présente... Sunie...

Bout de femme si volontaire, si présent. La rencontre commence à dater entre les deux jeunes femmes... Elles ont mis du temps avant de se trouver, se retrouver. Sauvageonne qui a accepté de suivre dans ses pérégrinations une vicomtesse atypique. Echange de bons procédés, Apolonie l'amène au monde, l'emmènera aux joutes, lui apprendra ce qu'elle ne sait pas encore sur les armes... Sunie la suivra partout, prendra soin d'elle et de ses armes... Compagnie agréable d'une minette vive et motivée... Elle pensait l'avoir laissée à Montbrison, mais la Cuyer comme elle se décrit a manifestement pris son rôle à coeur, et la brunette lui en est fugacement reconnaissante...

D'avant en arrière, balancement cadencé pour se calmer, les pensées éparpillées par le sentiment de trahison qui lui brule le coeur et l'âme se récupèrent avec la présence de l'amie... Et d'une sentinelle qui a fini par les retrouver. Combien de temps sont-elles restées là, devant la dépouille, avant que Jaz' ne vienne prendre les choses en main ? Secondes, minutes, heures, le temps a suivi une course floue et Apolonie en a égaré la notion...

Eloignée, bougée, menée... Apolonie suit les directives d'une sentinelle qui sait mieux qu'elle ce qu'il faut faire. Cadavre bringuebalé du sol à la carriole, comme la vicomtesse et son écuyère. C'est parti pour... Montbrison croit-elle deviner. Et son cheval ? Et Sunie ? Et mes amis ? Et j'veux pas être seule !

Les canassons récupérés à la sortie de la ville, le convoi se met en branle, l'étalon gascon accroché, une fois n'est pas coutume, à l'arrière de la carriole. Mais arrivés à Thiers, Apolonie pose sa main sur le bras de Jazon. Minois blêmi, yeux bouffis et fatigués, la coiffure ébouriffée, et la voix blanche, mais elle a pris sa décision.


Jaz, j'pars à Moulins... Ramène le à sa mère.
Je vous rejoins pour les funérailles, mais besoin de voir les miens.
Je... Tu comprends ?


Regard vers Sunie. Il est des connivences qui n'ont pas nécessairement besoin de s'exprimer. La demoiselle de la forêt et sa vicomtesse s'extirpent de la carriole, le ventre proéminent de la brunette la gênant, mais elles grimpent sur leurs montures rapidement harnachées par Sunie. En route vers Moulins. Dans quelques jours, elles reviendront à Montbrison. Enterrer les espoirs et l'idée d'une vie rangée dans le cimetière de la ville natale de celui qu'elle appellera désormais feu son mari...
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Fan de Constant Corteis, et aussi un peu de RP Partage.
Jazon
Thiers

Trajet silencieux si ce n'était quelques sanglots de temps à autre.
Plus on se rapprochait de Montbrison, plus Jazon avait du mal à maitriser ses émotions.
Une main posée sur son bras, il sortit de ses tristes pensées.
Ils venaient d'arriver à Thiers.

Jaz, j'pars à Moulins... Ramène le à sa mère.
Je vous rejoins pour les funérailles, mais besoin de voir les miens.
Je... Tu comprends ?


Pauvre Apo, à peine mariée et future mère, déjà veuve avec un futur orphelin.
Jaz posa sa main sur celle d'Apo.

"Bien sur que je comprends Apo.
Ne t'en fais pas ! Je ramène Alayn chez lui, à Montbrison.
Nous t'attendrons."


Regard lancé à l'écuyère lui demandant implicitement qu'elle veille sur elle.
Jazon aida Apo à descendre du chariot et leur donna un coup de main pour seller les chevaux.

Il serra un instant Apo dans ses bras comme il ne l'avait jamais fait avant. Elan de tendresse, cherchant à lui donner cette force dont elle allait avoir grand besoin dans les jours qui viennent.
Il lui caressa doucement les cheveux.
Grande combattante qui soudain paraissait si menu, si fragile entre ses bras.
La dépassant d'une bonne tête, le regard dans le vague, il lui chuchota :

"Je ne vais pas te quitter par la pensée. Tu peux compter sur moi, sur la sentinelle mais surtout sur l'ami fidèle.
Tu n'es pas seule, Apo."


Baiser déposé sur le front, il s'écarta à regrets d'elle et la vit partir au côté de son écuyère, la tristesse lui serrant le coeur.

Quelques heures de repos pour les chevaux.
Jazon s'installa, contrairement à son habitude près d'une fenêtre qui donnait sur la cour où se trouvait le chariot, ne le quittant pas des yeux.
Il se projetait avec un profond malaise dans les prochaines heures quand il devrait annoncer l'horrible nouvelle à Gypsie.

Puis il fut temps de reprendre la route.
Les chevaux furent vite attelés avec l'aide d'un valet et Jazon reprit la route.



Arrivée à Montbrison

Le triste chariot atteignit Montbrison et se dirigea vers la maison du duc.
Quand les serviteurs ouvrirent et comprirent ce qu'il se passait, ce fut des cris de stupeur, d'effroi puis des pleurs qui retentirent dans la demeure.
Jazon indiqua que dame Apolonie reviendrait pour l'enterrement puis il prit congé, assurer que l'on prendrait soin du corps.

Il détacha Vandale du chariot et prit la route vers les faubourgs.
Ce n'est pas au grand galop qu'il parcourut la distance mais au trot, reculant le moment où il se présenterait à Gypsie.
Depuis la veille qu'il était parti, elle devait être morte d'inquiétude et la nouvelle qu'il lui apportait n'allait rien arranger.

Au bout du chemin, la maison.....
Jazon n'avait pas arrêter son cheval que la porte s'ouvrait et Lulu vint faire la fête faisant des bonds autour du cavalier et de sa monture.
Passepoil et Jehan apparurent, le visage inquiet et interrogatif, immédiatement suivi de Gypsie et de Lucie tenant Gandelin dans ses bras.

Jazon mit pied à terre et s'approcha.

"Je reviens de Clermont et ...."

Le visage défait, une boule lui serrant l'estomac, le regard passant sur tous les visages qui lui faisaient face et s'arrêtant sur celui de Gypsie.....
Regards des époux se mélant.....
Les mots n'arrivaient plus à sortir.

Un pas vers elle, ses mains qu'il prend dans les siennes.
Chuchotement....

"Un accident..... Alayn......"

Comment dire à une mère que son fils est mort ?
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Jazon Duchesne de Marigny, Vicomte de Ravel, Seigneur de Viverols.
Gypsie
Jazon arriverait dès qu’ils seraient attablés, avait dit Passepoil, car la sentinelle avait senti les effluves du ragout en quittant la maison. Il se faisait toujours un devoir d’honorer les plats de l’intendant, et y parvenait sans faire le moindre effort, sous le regard réprobateur de son épouse qui se demandait comment on pouvait ingurgiter autant de nourriture en un seul repas. Mais pour une fois, il fit mentir son ami.

Les douze coups de minuit sonnaient quand chacun regagna sa chambre, après une longue veillée ponctuée de bavardages divers et silences. Animée un moment par la visite de Gandelin, affamé chronique comme son père. Sans doute une des dernières soirées rue du Vieil Ecotay et l’avenir de la maison fut longuement discuté.
Passepoil en profita pour avouer être passé à plusieurs reprises sur les terres de Saint Maurice, visites de plus en plus espacées car l’état du domaine auquel il avait consacré de longs mois de travail, se dégradait à vue d’œil, à son plus grand désarroi. Quel gâchis disait-il dans un triste soupir, quel gâchis…

Point de Jazon au chant du coq, et décision fut prise. Encore quelques heures d’attente, et dès le début de l’après midi, Passepoil irait à la rencontre de son ami. Pas pour se rassurer lui, mais plutôt Gypsie, éternelle inquiète, marquée à vie par la vaine et interminable attente d’un époux parti en promettant de revenir très vite, car il avait un fils à élever.

Enfin Vandale henni dans la cour, chacun se presse pour accueillir le maître de maison, même Lulu qui soudain s’arrête dans son élan car aucune caresse ne la récompense. Jazon ne la voit plus, ses yeux vont de l’un à l’autre en face de lui et s’arrêtent sur une Gypsie apeurée par son attitude, par sa mise et sa mine défaites, par les traces sur son visage et la froideur de ses mains qui enserrent les siennes.

Ils se font face, se regardent sans mot dire. Elle sait lire dans les prunelles de son époux, y trouve de la crainte, de l’encouragement, et un « pardonne moi « accentué par son haussement de sourcils. Encore un pas et il chuchote.


"Un accident..... Alayn......"

Elle se sent mal tout à coup Gypsie, très mal. Elle a terriblement peur, Jazon lui fait peur, les mots qu’il risque de prononcer lui font peur.

Alayn a eu un accident ? Où ? C’est grave ? Galswinthe est près de lui ? Il est où ? Ca s’est passé quand ?

Jazon ne répond pas, léger mouvement de la tête en signe de non. Non ? Non ? Et Gypsie s’énerve car il ne dit rien, comme le soir quand il lit son journal et ne l’entend même pas parler.

Vas tu me répondre ?! Où est-il ?! Dis moi !!

Il l’attire contre lui, passe sa main dans ses cheveux et pose sa tête contre sa poitrine. Là, c’est chez elle, là elle est bien, contre son amour, c’est sa place à elle. Et c’est là que dans un souffle il prononce les mots terribles. C’est fini, Gypsie.
Il la serre fort, si fort, la retient et la porte presque alors qu’elle défaille. Elle ne respire plus, n’a plus de souffle. On lui a planté un poignard dans le cœur et on malmène son estomac.

Les trois qui assistent à la scène, larmoyants, s’éclipsent discrètement ; rien à faire ou dire pour l’instant. Laisser passer le choc qui ébranle Gypsie. Oh Jazon… Pourquoi me fais tu si mal ! Pourquoi m’as tu dit ça ! Pourquoi Alayn est mort ? Car il est mort ! Mon fils ! Alayn ! Qu’importe le lieu, qu’importe l’endroit, qu’importe la manière, Alayn est mort ! Elle ne le reverra plus, ne l’entendra plus, ne l’embrassera plus, ne rira plus avec lui !
Pensées intolérables qui font déclic. Soudain elle se détache de Jazon, avance sur la petite passerelle et regarde le Vizézy qui coule, l’eau qui passe charriant des radeaux enflammés devenus sépultures. De l’autre côté de l’eau, chaque monticule de terre est un cadavre au sol, les arbres sont des géants verts venus les écraser.

Que se passe-t-il dans la tête de Gypsie ? Telle la mécanique qui enferme, entoure, écrase, compresse le condamné à mort, l’esprit serre son cœur dans un étau. La douleur est insurmontable, si insupportable qu’elle trouve refuge dans l’aliénation. Alors telle une hystérique, Gypsie se met à rire, se retourne vers Jazon qu’elle dépasse pour entrer dans la maison sans cesser de s’esclaffer. Arrachant Gandelin des mains de Lucie ahurie, elle l’emmène avec elle dans sa chambre, se déshabille ainsi que l’enfant. S’allonge sur le lit, serre son fils contre elle, sa peau contre sa peau, contre son ventre, s’enroule autour de lui, comme pour le faire revenir en elle, pour le garder à jamais et pour toujours, pour ne pas le perdre. Gandelin crie et pleure, sa mère n’est plus hilare, elle le caresse doucement, le berce, en murmurant de tendres paroles.


Ne pleure pas Alayn, ta maman est là, tout près de toi…

Douce mélodie mêlée aux pleurs de l’enfant, celle imaginée par les soldats mourants sur le champ de bataille, croyant voir leur mère penchée sur eux,

Do do… l’enfant do… l’enfant dormira bien vite… Do… Do…
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Sunie
Sa petite main posée sur le dos, elle ressent le balancement de douleur que la vicomtesse a présent veuve ressent, ce va et viens comme pour chercher force de ne pas sombrer dans la douleur… reprendre force, se laisser aller…comme des ondes de réconfort transmise… malgré sa jeunesse, Sunie a déjà traversé beaucoup d’épreuves, c’est pour cela d’ailleurs qu’elle est toujours si méfiante et parai farouche…comme une protection...qu’elle a entrouvert pour Apo..Rare sont les personnes qui pénètre dans cet espace quel cache si bien …

Un homme approche… la sentinelle M’sieur Jazon, il ne la reconnait pas… qui ne le connait pas… il y a si longtemps déjà, elle était encore adolescente lorsque sa marraine lui faisait découvrir le duché… Souvenirs... Regard qui croise l’homme prés d’elles son chuchotement la fait sortir de ses pensées


Elle peut pas rester là ! Il faut l'éloigner !

Sunie se ressaisie, Elle se mit à l’œuvre sans plus attendre et aida à l’installation d’Apo elle prends une grande inspiration malgré l’air ambiant nauséabond et entraine silencieusement Apo vers la carriole afin de la soutenir l’aider a s’y installer avec M’sieur Jazon, celle-ci semble dans un état second… rejoins quelques instant plus tard par la sentinelle qui prends grand soin de s’occuper de tout, Sunie observe chaque chose qu’il fait ou dit, elle apprends de tout s’enrichit du moindre détail qui pourrai lui apprendre comment se comporter…La carriole s’ébranle et ils prennent la routes de Montbrison….

Route silencieuse qui plonge tous le monde dans ces pensées… mains de l’écuyère réajustant la cape sur les épaules d’Apo et l’autre tendrement glissé dans la sienne…attitude non pas simplement de l’écuyère mais aussi de ce lien qui ce tisse entre elles de plus en plus fort…
Arrêt a Thiers…En silence Sunie écoute l’échange entre les deux amis…les attitudes de réconfort… se fait discrète, croise le moindre regard et acquiesce ce qu’elle lit dans le regard de M’sieur Jazon…Où que soit Apo je serai là je veille…L’écuyère se dirige vers les chevaux afin de les préparer a repartir , elle a compris dans le regard de son ainée qu’elle a besoin de se ressourcer auprès des siens avant d’affronter la douleur des funérailles…


S'occuper des chevaux c'était son rôle aussi, ses gestes sont encore un peu incertains la demoiselle de la forêt a eu longtemps l’habitude d’être seule, M’sieur Jazon s’approche et veille a et lui montrer discrètement les derniers gestes a effectuer avec fermeté …détails a ne pas omettre…surtout avec une femme enceinte perdue dans sa douleur…Apres avoir veillé a ce qu’Apo soit bien installée sur sa monture, saisie des brides de son étalon et met pied a l’étriller du sien … tenant les rênes souplement elle regarde M’sieur Jazon esquissant un léger sourire, r’gard appuyé qui s’veut rassurant, elle restera prés d’elle tout le long et la ramènera a Montbrisson le jour des funérailles. A présent elle a bien compris que pour lui se n’est pas finit, il lui faut encore annoncer cette découverte a la mère du défunt…La douleur de perdre un enfant doit sûrement ressembler a celle de perdre ses parents, sentiment que Sunie a connue alors qu’elle n’était encore qu’une enfant de sept ans… rien ne peut apaiser cette douleur, même pas le temps, cette chaleur... se manque…se vide qui ronge a chaque instant… l’écuyère se mort la lèvre inferieur afin de chasser ses pensées, talonne légèrement son destrier et se lance au trop à la suite d’Apo …

Elles chevaucheront côte a côte et Sunie pensera a préparer la calèche a l’avenir, la vicomtesse ne va pas tarder a mettre au monde son enfant, il faut qu’elle se ménage, prendre soin de son confort, même si ce n’est pas dans ses habitudes, si ce n’est pour elle, pour l’enfant… et puis sait’ on jamais s’il arrivait trop vite…L’écuyère était depuis peu sur le qui vive a chaque instant…elle avait déjà vue des Dames accoucheuses et les avaient quelque peu aidé …. Mais la vicomtesse ne faisait jamais rien comme tout le monde et Sunie se doutai que cet accouchement serai probablement atypique…
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Gandelin_duchesne
Mais? que ce passe-t-il? cette maison calme et souriante dans laquelle il vit sa petite vie tranquille et espiègle est devenu d'un coup silencieuse. L'atmosphère est lourde. Il vois son père prendre sa maman dans ses bras.
Hey! c'est ma maman, c'est moi qui lui fait des câlins, toi t'as pas le droit.
Il lui murmure quelques chose et Gandelin voit que sa maman ne va pas bien. Il est tout interrogatif, même si personne ne prendra le temps de lui expliquer ce qui se passe.

Soudain sa maman s'agite et le prend dans ses bras. Incompréhensif, et impuissant a consoler sa maman, il pleure bruyamment. Mais quand elle l'emmène avec elle et se couche avec lui, il se colle a elle et attrape ce qu'il peut de ses petites mains potelées. Sa maman le berce. Mais! z'ai pas sommeil moi!Moi ze veux juste te consolé maman! bien sur ce ne son que des gazouillis, mais apparement, cela apaise sa maman.

Au bout de quelques temps, il finit par poser les lèvres sur le sein nourricier. Il se souvient que téter semblait calmer sa maman, et qu'elle était toujours souriante lors de ses moments la. Et puis de toute façon, il a faim. Autant joindre l'utile a l'agréable.
Jazon
[Montbrison, rue du Vieil Ecotay]

Alayn a eu un accident ? Où ? C’est grave ? Galswinthe est près de lui ? Il est où ? Ca s’est passé quand ?
Que pouvait il dire sous cet assaut de question ?
Il savait qu'elle avait deviné.... Tout au fond d'elle, elle ressentait l'horreur de cette nouvelle qu'il lui apportait.

Vas tu me répondre ?! Où est-il ?! Dis moi !!

Jazon ne put que la prendre dans ses bras. La gorge nouée, les mots ne sortaient pas devant la détresse d'une mère, devant sa propre détresse, se sentant impuissant devant la douleur et le désespoir de celle qu'il aimait.
Il la serra très fort contre lui. Elle s'accrocha à lui désespérément.
Il prit sur lui, ne pas la laisser dans l'incertitude, et dans un souffle.....
C’est fini, Gypsie.

Il la sentit s'affaisser dans ses bras alors que Passepoil, Jehan et Lucie s'éclipsaient, effondrés.
Soudain, elle s'écarta de lui et s'éloigna vers le petit pont de bois.
Ce rire ! Cette réaction lui déchira le coeur. Que pouvait il faire ?
Il se sentait si démuni, détestant ces situations.
Gypsie n'arrêtait plus. Rire nerveux, strident ! Elle revint vers la maison, lui passant devant sans le voir, comme dans un autre monde, se saoulant de son propre rire comme un rempart à la douleur.

Jazon entra derrière elle et la vit, stupéfait, arracher Gandelin à Lucie.
Et elle disparut dans la chambre.

"Monsieeeuuurrrrr ! " s'exclama la soubrette, affolée et le visage plein de larmes.
Passepoil et Jehan n'en revinrent pas non plus.
Jazon s'approcha de Lucie et lui mit la main sur son épaule en signe d'excuse et de réconfort.
Regards vers son ami, l'intendant et son jeune bras droit qui accourait auprès de sa fiancée.
Ils allaient devoir tous se soutenir dans les heures et les jours à venir.

Puis il avança jusqu'à la chambre et referma doucement la porte derrière lui.
Elle venait de se coucher, recroquevillé autour de leur fils. Des vêtements éparpillés un peu partout.

Ne pleure pas Alayn, ta maman est là, tout près de toi…

Alayn !!! Ne pas la laisser entrer dans cette spirale.
Jazon s'approcha et s'asseya sur le lit se penchant vers elle et Gandelin. L'enfant hurlait ne comprenant pas.
Il caressa doucement les cheveux de Gypsie alors qu'elle fredonnait en boucle une ritournelle d'enfant.

"Gypsie...... C'est Gandelin........ Chuuuttttttt.........Je t'aime..........Gandelin est là.........chuuutttt...........je suis là.... je t'aime......"
La berçant de sa voix, sa bouche près de son oreille, son souffle chaud sur sa joue, l'époux caressa tendrement la tête de son fils qui venait de se mettre à téter.

Une vie donnée pour une vie rendue......... ?
La nature était cruelle, une fois de plus. Ce sont les parents qui partent avant les enfants.... C'était dans l'ordre des choses pourtant.... pas cette fois !

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Jazon Duchesne de Marigny, Vicomte de Ravel, Seigneur de Viverols.
Gypsie
Heureuse là où elle était dans sa tête Gypsie, à Ravel, Alayn près d'elle. Ils s'aident à vivre mutuellement, elle respire pour lui, et lui vit grace à elle. Mais ce fils chéri est parti, laissant la place à un autre qui lui sauve la vie à son tour. C'est un éternel échec, un éternel échange. On lui en prend un, on lui en donne un autre, jamais elle ne les aura tous en même temps. Petite main qui prend le sein, qui le mange, qui tire, elle le sent jusqu'au fin fond des orteils, même de celui qui n'est plus là.

"Gypsie...... C'est Gandelin........ Chuuuttttttt.........Je t'aime.......... "

Gypsie... Où es tu... reviens, lui intime une voix. Maman dit Gandelin à sa façon toute charnelle de lui rappeler qu'elle est encore mère. Elle ouvre enfin les yeux sur son enfant. Non, ce n'est pas Alayn, Alayn est mort. Et la douleur est si forte qu'elle hésite entre fuir, s'échapper, trouver refuge dans cette folie morbide ou accepter la triste réalité.

" Gandelin est là.........chuuutttt...........je suis là.... je t'aime......"

Gandelin est là, je suis là... Jazon mon amour et cette promesse faite un jour, toujours là pour lui... tout n'est pas fini... Gandelin, vivre pour lui et pour l'amour de Jazon. Mais... Alayn est mort. La tête tourne, la nausée la gagne, c'est insupportable. Mais elle ne peut et ne veut pas pleurer. Pas devant la petite frimousse de son fils souriant.

Gypsie... reviens... Les deux hommes de ta vie sont là, reviens Gypsie... L'instinct maternel est mis à rude épreuve, coupé en deux. D'une part pour Gandelin, de l'autre pour Alayn. Mais Alayn est mort. Peut être pas. Après tout, Jazon l'a dit, mais est ce vrai ? Peut être s'est-il trompé ? Il faut en avoir le coeur net, et cet ultime espoir tire la mère du néant qui l'engouffrait.

Elle embrasse son fils, elle lui mange les joues, le ventre, les jambes dodues, comme si elle s'excusait auprès de lui et se force même à sourire. Puis se lève, tremblant de tout ses membres, de peur, de nervosité, de froid, se rhabille négligement sans mot dire sous l'oeil étonné de son époux. Fait de même avec son fils et enfin prêts s'adresse à Jazon. Dans ses yeux brillants de larmes, une infime lueur d'espoir, un rai de lumière autour de rien. La voix se veut ferme mais elle aussi vacille. Alayn est mort.


Emmène moi Jazon, emmène moi voir Alayn. Je veux le voir. Il faut que je le vois.
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Apolonie
[A Moulins, loin... loin. ]

Elle était arrivée dans un état pitoyable. Défaite, insomniaque, les yeux cernés, silencieuse. L'arrivée sans fanfare ni trombone. Rien qu'elle, et ses yeux vides. Son âme vide. Elle avait blessé l'homme de sa vie pour épouser Alayn, elle avait fait mal à celui qu'elle appelle son frère pour se marier avec Alayn. Elle avait accepté d'être mère pour s'unir à Alayn. Elle lui avait tout offert, le pire comme le meilleur, et surtout l'espoir qu'il n'y aurait plus que le meilleur.

Bafouée. Il l'a trahie. Elle lui a offert le calme, ce qu'elle pouvait de sagesse, de tranquillité. Ce qu'Apolonie avait de mieux en elle, et il l'avait abandonnée. Gentille, aimable, souriante, mariée. On la disait changée, elle se disait heureuse. Quelques mois, à peine ça... On l'avait moquée... "Tu n'as plus rien de ce que tu étais... Vicomtesse, tu deviens comme les autres..." Et elle avait sourit. Il était avec elle... Elle s'en moquait, il la faisait sourire niaisement. Mort.

Il l'a quittée. Elle redevient le pire de ce qu'elle a été. Et rien à foutre. Vous m'aimez pas ? Je ne vous aime pas non plus. Il m'aimait ? Il est mort. Allez tous vous faire foutre, et loin. Je ne suis rien, plus rien. Seule. Personne ne comprend... Apolonie n'est pas triste. Elle est furieuse. D'une rage infernale, implacable. Tranchante, acerbe, méchante. Faire mal pour oublier qu'on souffre.

Et tomber en face d'Arthur. Moulins l'a choisi pour maire, elle n'aurait pas dit mieux. Les débuts ont pourtant été difficiles avec m'sieur Dayne. Langue acérée d'une auvergnate contre flegme d'un moulinois. Pire, il était père. Et les mômes pour Apo c'est une plaie. Conversations houleuses, mais intérêt mutuel qui avait permis de creuser un peu les personnalités radicalement différentes et pourtant pas opposées.

Il avait offert une épaule, elle y avait posé sa caboche torturée. Il avait chantonné comme il le faisait pour sa fille, elle s'était laissée bercer. Et il avait réussi à sortir d'elle ce qui la rongeait, cette colère qui jaillissait dans chacun de ses actes, paroles... Et elle avait soufflé. Veuve... Pas la première, pas la dernière. Mais...

Arthur avait été là... Puis dans la soirée... Son meilleur ami. Ils ne se voyaient que peu, ils partageaient beaucoup. Blessé lors d'une attaque de brigand, Grid avait pourtant été là, il avait été comme d'habitude... Son Soutien Moral... Son ami, son confident. Celui qui n'a besoin que d'être là pour qu'elle soit mieux. Elle s'en veut un peu la vicomtesse, parce qu'elle n'est pas là pour lui comme il est là pour elle. Parce qu'elle est égoïste quand il est présent... Elle espère qu'il comprend.

Et puis... son rayon de soleil alcoolisé... Lilou. Et Bettym aussi. Une soirée dont elle avait besoin. Penser à autre chose, discuter de tout et de rien. Retrouver un temps le souvenir. Le groupe qu'ils formaient : Grid, Lilou, Bettym, Nim et elle. Parce qu'ils en formaient un bon. Nim n'était pas là, mais qu'importe, c'était déjà ça. Et la brunette en avait besoin.

Et puis se retrouver seule. Dans l'échoppe de Willen qu'elle habite toujours quand elle est à Moulins. Seule... Devant elle un encrier, une table de bois, une pile de parchemin. Vicomtesse a ça de bon que vous avez toujours de quoi écrire, malgré le prix que ça coute. Sourire en coin en pensant que simple dame elle était plus riche que son vicomte d'époux... Le velin vierge s'étale devant elle.

Elle sait déjà ce qu'elle doit en faire. Les mots à gratter dessus. Et pourtant la main rechigne, le visage est crispé. Elle... Elle n'y arrive pas. Comment dire ça ? Comment l'écrire... Apolonie... Diplomate oubliée. Celle qu'on dit revêche, sèche et incompréhensive... Celle qui ne sait pas parler sait pourtant trouver les mots. Parce qu'en elle, elle sait que là, maintenant, il le faut. C'est pas une question de blesser un ego, de froisser une susceptibilité. Elle se fout de ne pas être aimée. Elle refuse de blesser. Surtout elle... Et puis... La plume se saisit et court sur le velin refusant de s'arrêter avant la dernière arabesque tracée au noir... Noir de deuil.


Apolonie de Nerra-Viverols a écrit:

A Gypsie,
A ma belle-mère,

Je ne vous souhaite pas le bonjour, il ne le sera pas de toute façon.

Je tenais à m'excuser, Mère, de ne pas être arrivée avec Jazon. Je tenais à vous présenter toutes mes confuses pour n'avoir pu tenir le trajet. Pour n'avoir pu me présenter devant vous. Et vous annoncer moi-même la nouvelle. Je suis désolée...

Je ne pouvais pas. Je.. j'avais besoin des miens, de mes amis, de... Moulins. J'aurais du... Mais je n'ai pas fait. J'aimais votre fils, Madame. Bien plus que vous l'imaginez. Je partage votre douleur de.. de.. de le perdre de la sorte. Rien n'aurait pu laiss *rature* e suis désolée...

Je serai d'ici quelques heures, jours à Montbrisson. J'ose espérer que Furax sera d'accord pour célébrer la céré*rature* cérémonie... Il était comme un père pour Alayn, à ce que votre fils m'en avait dit, et Sentinelle, c'est un ami pour moi. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient...

Je vous adresse, Mère, mes sincères et douloureuses condoléances.

Apolonie de Nerra-Viverols



Missive rédigée... Attachée à la patte du premier volatile venu... Pourvu qu'il arrive à bon port. Apolonie est déjà plongée dans autre chose. L'encre sert à écrire, et elle n'arrête pas. Missives, rapports, plaintes... Dans le boulot pour oublier. Dans l'administratif pour zapper le reste. Mésanges qui se bousculent. Tout pour ne pas penser. Encouragement, critiques, elle prend tout, elle s'en fout. Son image n'est plus qu'un portrait balayé par une humidité déformatrice... elle s'en fout. Elle a mal. Cri silencieux... Eikoooooooooooorc reviens... Mon autre, mon double, viens, reviens, sois là.... s'il te plait...
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Fan de Constant Corteis, et aussi un peu de RP Partage.
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