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Lorsque le passé s'efface...

[RP] Sous les quais de Montpellier...

Maelie
La jeune femme s'étira comme un chat, baillant à son aise avant de se redresser à demi, les yeux encore ensomeillés. Elle frotta d'une main ses paupières avant d'ouvrir ses yeux verts pétillants sur l'horizon azuré, inspirant à pleins poumons l'air iodé du port. Aaaaah...!
Ses hardes - autrefois une belle jupe et un corsage de belle facture dont elle ignorait la provenance - étaient imprégnés d'un mélange d'odeurs marines et poissonnières, mélange fort peu ragoutant au demeurant, mais dont son nez n'avait cure : on s'habitue à tout, que voulez-vous ! Elle se gratta négligemment la nuque en se levant, ses pieds nus jouant dans la gadoue pour trouver un peu de stabilité sur sa jambe boiteuse. Elle se tâta les flancs, comme à la recherche de quelque chose.


Ah! Te voilà, toi!

Elle tira joyeusement de ses poches un amas de tissus, qu'elle dénoua prestement : en son coeur, des filets de poisson fumé qui empesta l'air aussitôt, et un morceau de pain rassi. Son ventre grogna d'envie à ce festin, et elle l'entama sans plus de cérémonies. Elle prit soin, cependant, d'en conserver la moitié et de la remballer pour le souper : elle avait eu de la chance de pouvoir chiper ces morceaux-là, il n'était pas dit qu'elle aurait à nouveau à manger avant des jours.
En renfournant son paquetage dans ses poches, ses doigts glissèrent sur un parchemin. Avec douceur et mille précautions, elle le sortit et l'observa. La missive était usée d'avoir été manipulées milles fois par ses mains sâles, et par tout ce temps passé à côtoyer les divers festins improvisés qu'elle trimbalait. Pourtant, elle ne pouvait se résoudre à la jeter.
Avec une lenteur respectueuse, elle l'ouvrit à nouveau, ses yeux verts soudain emplis d'une lointaine nostalgie.


"Maëlie, douce amie..."murmura-t-elle, en lisant les premiers mots.

Qui que soit cette Maëlie, elle était aimée et attendue. La jeune femme se sentait envieuse, elle qui n'avait ni famille, ni foyer, ni passé, ni même un nom. Lorsqu'on l'appelait, on lui donnait du "la gueuse" ou encore "ma belle", dans ses meilleurs jours.
La missive était signée "Adrien". Tudieu, c'est qu'il y en avait un paquet d'Adrien, sur cette terre ! Il y avait un cachet de cire sur la missive, mais il était désormais indéchiffrable, et elle n'avait franchement aucune idée de ce qu'aurait bien pu signifier ce hibou. Quant à savoir comment elle était venu jusque dans ses poches, c'était un mystère totalement insondable pour la pauvre femme.
Avec un soupire rêveur, elle replia la missive et la rangea à nouveau avec délicatesse : l'amour, et tout ça, c'était pour ceux qui en avaient le temps. Pour elle, il était temps de filer, avant que la milice ne finisse par l'attraper !
Rhaaa, ceux-là ! Voilà seulement deux jours qu'elle était en ville, mais elle avait vite appris à courir plus vite qu'eux ! Ils étaient tenaces, les bougres. Il y en avait même un qui lui avait fait une farce de très mauvais goût, juste pour l'attraper.


"Mais... ne seriez-vous pas... l'ancienne Dame de Lauzières ?"avait bafouillé le milicien, en la fixant de ses yeux lubriques de merlan frit.
"Hey ! Regarde, mon vieux ! N'est-ce pas elle ?
- Ca y ressemble pas trop, tu sais. Elle était plutôt du genre bien habillée et rondement emballée, si tu vois ce que je veux dire."
Le second avait éclaté d'un rire gras profondément désagréable.
"P'tèt qu'y y est arrivé des misères ? P'tèt qu'elle a faim ?"

Pour sûr qu'elle avait faim, mais ça ne l'avait pas empêché de prendre ses jambes à son cou ! Non mais sans blague. Une dame, elle... Pfeuh ! A d'autres.
Il n'empêche qu'elle savait lire, qu'elle connaissait des mots qu'une paysanne comme elle n'aurait pas dû connaître. Il lui semblait parfois entendre les rires et les musiques d'un banquet, comme un souvenir moqueur ou un rêve fugace que l'odeur de la mer chassait aussitôt. Ce n'était que depuis qu'elle était à Montpellier que son esprit se jouait d'elle, et elle avait peur. Une peur viscérale qui lui retournait le ventre à chaque fois qu'elle tentait de comprendre... comprendre quoi, au juste ?

Elle secoua sa longue chevelure d'ébène d'un mouvement vif, destiné à chasser ses mauvaises pensées. Allez, zou ! En route.
Elle avait du pain sur la planche... Elle s'enfonça dans les ruelles de Montpellier en chantonnant tranquillement, au rythme syncopé de son boitillement.


J'ai perdu beaucoup d'habitudes depuis le temps, mais est-il utile de préciser que ce RP est ouvert à tous ceux qui le voudront et qui se trouvent à Montpellier ?

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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
Cristòl
Le Chevalier des Pyrénées sortait du château comtal, où, dans son bureau dérobé, il avait donné quelques leçons de blasonnement à son poursuivant et à sa chevaucheuse. Comme mêler les pigments pour obtenir le meilleur or qui soit, comment courber le poignet au moment d'attaquer la pointe des écus, de tous les points du blason, le plus important, celui qui ferait l'uniformité d'un armorial. Comment dessiner au mieux des objets inertes comme une navette et sa canette.

Navette et canette.

Cristòl aimait ces mots, parce qu'ils n'évoquaient rien de concret pour lui, et tout en même temps. Il n'aurait su les conduire dans la trame du métier, comme il n'avait su conduire le fil de sa vie sur le bon chemin.

Mille fois sur le métier, remets ton ouvrage.

Mains dans les poches, le Chevalier, en vêtements humbles, chemise ample, et cheveux noués en catogan, à cause du soleil qui frappait encore à cette saison, errait dans les rues de Montpellier, jusqu'à la chambre qu'il louait à la semaine, lorsqu'il avait besoin de rester à Montpellier.

Perdu dans ses pensées, il manqua de renverser une jeune femme là.


-"Desencusa !"

Et il allait continuer sa route sans plus de cérémonie, quand il aperçu le profil de la femme. Il blêmit, et stoppa net.

-"Maëlie ?"
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Ma seule étoile est morte,& mon luth, constellé - Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Maelie
Le choc la sortit de ses rêveries laborieuses. Elle se retourna, prête à tancer vertement le malotru qui venait de lui rentrer dedans mais ce qu'elle vit la réduisit au silence : l'homme qui lui faisait face n'était certainement pas un paysan ou un de ces gens simples auxquels elle appartenait. Cela se sentait dans sa posture, dans son allure, quand bien même il était grimé en homme ordinaire. Elle plongea immédiatement dans une profonde révérence, ses cheveux tombant négligemment de ses épaules, tandis qu'elle faisait un petit pas en arrière.

"Desencusa, Senhèr ! Soi una paureta femna, mercenejatz !*"

Elle ne vit pas son visage se décomposer, mais elle l'entendit clairement prononcer ce nom qui était écrit dans la précieuse missive qu'elle portait encore sur elle. Surprise, elle releva la tête sans y penser et tomba sur le visage défait de l'homme. Prise de panique, elle s'inclina encore plus bas. Se pouvait-il qu'elle ai commis une faute sans le savoir ? Avait-elle offensé un puissant à son insu ? Ô misère... Peut-être était-il là pour la punir du menu larcin qui l'avait nourrie.
Se mordant nerveusement les lèvres, les mains crispées sur ses jupons usés, elle demeura ainsi, figée.


*Mes excuses, Seigneur ! Je suis une pauvre femme, ayez pitié!

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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
Cristòl
Elle s'incline par deux fois, presque terrorisée. Cristòl ne comprend pas, pas du tout. Ce qu'elle lui dit est bien aussi étrange, et il se trouve désemparé. Il la prend par les épaules et la relève, pour la regarder bien dans les yeux.
Il ne veut pas qu'elle croie cela, qu'elle est une pauvre femme. Il ne voulait pas qu'elle se dénigre devant lui, à cause de ce qu'il lui avait fait, et du mépris qu'elle s'imaginait peut-être recevoir désormais de lui.


-"Pelejatz pas, Maëlie. N'avètz pas-res de paure... E si ai amarcit vos, desencusa, Maëlie. Ont erètz ? Aviatz disparegut..."
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Ma seule étoile est morte,& mon luth, constellé - Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Maelie
Pour le confort du lecteur - et pour le mien aussi un peu - les dialogues seront rédigés en français, cependant merci de considérer que Maëlie s'exprime toujours en occitan.


Alors ça par exemple ..!
Stupéfaite, la jeune femme se laissa faire. Elle n'en croyait pas ses oreilles : il la prenait pour une autre ! Et pas n'importe quelle "autre", pour Maëlie, la femme de la lettre ! Et il s'excusait ... il s'excusait auprès d'elle ? La familiarité avec laquelle il l'approchait la mettait au supplice.
Elle papillonna des yeux de longues secondes sans comprendre, bouche bée, avant de réaliser sa situation. Le rose lui monta aux joues de gêne, tandis qu'elle se racla la gorge en baissant les yeux. Elle reprit la parole d'une voix douce, presque maternelle, comme pour ménager un homme prit de quelque folie.


Seigneur, vous vous méprenez sans doute... Je n'ai point l'honneur de vous connaître, aussi ne pouvez-vous avoir offensé la pauvre femme que je suis. Je ne suis personne, une simple paysanne sans nom et sans histoire. Vous devez vous tromper...

Ce disant, pourtant, le doute se mit à ramper insidieusement au creux de son estomac, et à le tordre à nouveau. Cela expliquerait peut-être la lettre... Mais alors pourquoi ne se souvenait-elle pas ? Qui était cet homme qui s'excusait et qui lui demandait où elle avait disparu ? Avait-elle disparu ? La cherchait-on, quelque part...? Soudain, une idée jaillit dans son esprit et lui fit à nouveau chercher le regard de l'homme. Elle déglutit, péniblement, abrutie par la crainte, les joues envahies d'un feu nouveau.

Mon Seigneur, pardonnez mon audace mais... seriez-vous... par hasard, seriez-vous Adrien ?

Il y avait quelque chose dans cet homme, quelque chose qui l'attendrissait et l'effrayait à la fois, sans qu'elle ne sut bien pourquoi : cela ne faisait qu'ajouter à sa crainte grandissante.
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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
Cristòl
Tous les détours que prit la voix de Maëlie laissèrent Cristòl dans une grande perplexité. Il savait qu'il ne se trompait pas de personne. Il savait Maëlie assez forte pour masquer certaines pensées, certains sentiments. Mais de là à délibérément mentir, cela n'avait pas de sens. Sa voix était trop sincèrement suppliante, touchante, éreintante. Elle mettait toute sa conviction à lui dire qu'il était dans l'erreur.

Qui donc, alors, était dans l'erreur ?

Cristòl était pris au dépourvu. C'était le corps et la voix de Maëlie, non son esprit.
Il s'apprêtait à rendre les armes et lui offrir le gîte, dans l'attente d'en savoir plus, quand elle changea soudain de voix et de propos. Pour la première fois, une lueur naquit : ce nom n'était pas inconnu.

Mais l'usage qu'elle en faisait était pis qu'alarmant. Il était dramatique.


-« Maëlie... Qui es-tu devenue, pour confondre l'homme qui avait demandé ta main, avec ton bon ami le Baron de Crussol ? Oh, oui, tu l'ignores peut-être, il a eu Crussol. Maëlie, bon dieu ! Je ne croyais pas ressembler à ce point à Desage... Maëlie, te ne me reconnaît même plus ? »
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Ma seule étoile est morte,& mon luth, constellé - Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Maelie
La jeune femme pâlit aux propos de l'homme, dont elle ignorait encore qui il était : elle avait espéré démêler les fils de l'écheveau, tout en craignant sa réponse, mais la situation n'en était devenue que pire.

"Desage". Clic ! L'information se rangea à côté du prénom "Adrien", cela semblait correspondre, pour son interlocuteur. Mais le reste relevait de la folie douce ! Voyons, elle avait la certitude qu'Adrien aimait Maëlie, or cet Adrien, a priori Desage et récemment Baron de Crussol n'était pas l'homme qu'elle avait en face d'elle, et ce n'était pas Adrien qui avait demandé sa main, mais cet homme-là ? Elle fut prise de vertiges.

Finalement, elle aimait mieux être une paysanne ! Qui savait ce qui pouvait se cacher derrière son absence de passé ? Elle adressa mentalement une petite prière au Très-Haut tout en déglutissant, cherchant ses mots. La bouche pâteuse, elle répondit.


Mon bon Seigneur, je vous demande pardon... Ce que vous dites n'a aucun sens pour moi. Comment un homme de la noblesse peut-il demander la main d'une simple paysanne comme moi ? Et si ce que vous dites est vrai, si vous m'avez demandée en mariage, alors je ne peux pas être Maëlie, puisqu'Adrien...

Elle se figea en prononçant ces mots : l'Adrien en question était noble, lui aussi, maintenant qu'elle y pensait. Or les nobles ne s'épousaient pas par amour, c'était de notoriété publique.
Elle avait soudain la tête qui tournait. Elle n'avait qu'une pauvre lettre pour imaginer toute une vie... Se pouvait-il que l'amour d'Adrien ne lui fut pas rendu ? Cette injustice lui parut insensée. Surement que Maëlie était une paysanne qui avait eu l'heur de partager leurs couches, à tous les deux. Le sang se retira progressivement de son visage, tandis qu'elle assimilait ces nouvelles données : se pouvait-il que Maëlie, qu'elle avait imaginé grande dame, fut une simple courtisane ? Peut-être Maëlie n'était-elle qu'une intrigante de Cour. Une bile amère remonta dans sa gorge à l'idée d'être cette femme.

Elle examina la mise du Seigneur en face d'elle, soudain consciente de sa simplicité et ses yeux s'écarquillèrent d'horreur : se pouvait-il qu'il ait renoncé à sa noblesse ? Se pouvait-il réellement qu'il l'ai demandée en mariage ? Folie ! Folie que tout cela, c'était impossible ! Rien ne pouvait être vrai... Et l'homme qui paraissait si sûr de lui, si plein d'inquiétudes à son égard... Il était convaincu qu'elle était Maëlie, et elle n'avait aucun argument pour lui prouver le contraire, puisqu'elle-même ignorait qui elle était. Elle inspira longuement, se forçant à garder son calme or même qu'elle se mettait à trembler et que ses yeux écarquillés démentaient cette volonté.


Seigneur, je... Désolée, je suis un peu confuse...

Autour d'eux, les passants jetaient des regards curieux, parfois moqueurs, à cet étrange duo.
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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
Adriendesage
[Devant Lodève]

L'aube rouge qui se levait sur Lodève semblait embraser toute la forêt d'un feu qui descendait depuis le Larzac et qui vomissait ses flots rougeâtres dans la Lergue. Il y avait ci et là quelques foyers faibles, qui fumaient encore au pieds des murailles. Quelques braises éparses, qui rougeoyaient encore au gré du vent, et qui participaient à donner à ce tableau matinal, un aspect lugubre, infernal.
L'armée qui siégeait devant les portes de la citadelle avait levé le camp dans la nuit pour pénétrer l'enceinte, avec force et violence. La résistance fût faible en nombre, mais acharnée de coeur. Car ceux que l'on avait combattu sur les murs, les "renégats", étaient dans leurs âmes des gens généreux. Pourtant, ils s'étaient perdus... Jamais Spartan et Christina ne rendirent les armes, et il fallu qu'ils soient submergés par le nombre pour que leurs blessures fasse mettre fin au combat.
Cette nuit là, David ne terrassa pas Goliath, Achille ne se fît point percer le talon.

La ville était calme, mais on entendait de ci, de là, résonner sur les murs des tavernes, des échopes, des maisons, des cris de victoire, des jurons de soldats. De temps à autres, s'élevaient dans l'air, parmi les éructations impies, quelques prières pieuses qui s'élevaient, intouchables, pour tenter d'adoucir un ciel trop sanglant.

Il y avait deux hommes et un cheval, devant la porte Sud de la cité. L'un des deux était à cheval. Il portait à la main dextre une épée rougie par du sang séché*. Cette main pendait et l'épée y semblait comme une excroissance inerte, d'un bras lui-même assoupi, sans vie. Il portait une armure dont la brillance indiquait sa riche fabrication. La visière de son casque était relevée et laissait paraître un visage las, des yeux rougis, des traits tirés, des sillons creusés dans ses joues par quelques larmes qui y avaient fait des rivières.
L'autre homme était à terre et s'appuyait, songeur, sur une bannière qui claquait au vent. L'Hibou qui flanquait ce tissu semblait sonder l'horizon de façon inquisitrice. Le silence religieux de ces deux hommes, devant l'imposante cité lodévoise, terminait ce tableau matinal par quelque idée douloureuse, qui laissait à l'observateur un goût d'amertume, de tristesse et peut-être aussi, un peu de dégoût.

Le baron de Crussol, car c'était lui qui était à cheval, retira son heaume et laissa libre sa chevelure bouclée. Ses yeux étaient secs à présent. Aussi secs qu'un noyau de pêche qu'on a laissé deux jours au soleil. Il peinait à les fermer. Avec la chute de Christina et de Spartan, c'était un pan entier de sa personne, de ses rêves, qui s'était effondré. Tout autour de cet homme là semblait se défaire, et être la proie du temps. Curieux paradoxe que celui-ci, qui semblait d'allure si puissant et qui à plus près y regarder, était un colosse criblé de fissures. Un monument à l'abandon que tout architecte semble fuir, et d'où tout maçon semble semble se détourner.
Le paradoxe entier d'un homme qui était né misérable, avait été un enfant voleur, un adolescent soldat et devenu baron lorsqu'il fût homme. Le contraste de celui qui avait aimé de toute son âme, mais que tout Amour semblait avoir pourtant fuit.

Sa main gauche se porta vivement à l'une des quelques failles visibles de son être. Sous le bandeau qui masquait son front, se trouvait une longue cicatrice qu'il avait ramené de la guerre en Provence. Celle-ci le grattait à cet instant, où à Montpellier une rencontre étrange était entrain de se dérouler. Lorsqu'il eut retiré l'étoffe de son crâne et qu'il l'eut porté à son regard, une scène lui revînt en mémoire. Une femme, Elle, Maëlie. Il revît son courroux, ses yeux froncés qui lui lançaient autant de flèches d'Amour qu'il n'éspérait plus en recevoir. Elle, à qui il avait promis de ne plus cacher cette cicatrice. Elle, qui depuis de longs mois était disparue et qui creusait dans sa poitrine une autre blessure qui chaque jour devenait plus douloureuse.

L'ancien général essuya la lame de son épée avec le bandeau et le jetta à terre. Il rengaina la lame et lâcha laconiquement à l'autre, qui était à pied:


"Nous rentrons à Montpellier."


[Dans le même temps, à Montpellier]

Il y avait dans la mesnie Desage, nous l'avons déjà écrit à de nombreuses occasions, un homme dévoué, à la figure de rat et à l'allure de cigogne. Cet homme là était en quelque sorte l'intendant des Maisons de Crussol et de La Voulte réunies à Montpellier. Il servait avec la même âpreté le père et la fille. Cet homme s'appelait Uc et se devait garant de l'approvisionnement des appartements Desage à Montpellier. A cette heure là, il passait devant Cristol et Maëlie avec la même ignorance qu'ont tous les passants besogneux, et pour qui toutes les scènes de la vie n'ont qu'une seule et même saveur, et ne doivent souffrir que d'un seul et même regard: l'indifférence.
Il revenait du marché et avait à sa suite trois hommes qui tiraient un âne, qui lui-même tirait une charette emplie de tonneaux, de sacs de légumes et de viandes salées. Cette charette était ornée d'un drap et ce drap était vert et flanqué de l'emblème des Desage...


*
Citation:
15-09-2010 04:06 : Vous avez frappé Spartan91. Ce coup l'a probablement tué.
15-09-2010 04:06 : Vous avez frappé Christina64. Ce coup l'a probablement tué.
15-09-2010 04:06 : Vous avez engagé le combat contre une armée.

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Cristòl
Enfin Cristòl comprit. Enfin, et cela l'emplit de pitié et de compassion. Si Maëlie avait tout oublié... Fallait-il lui apprendre le mal qu'il lui avait fait ? Il résolut pour l'heure de passer son épaule autour de cette amie égarée.

-« Venez, marchons. Vous semblez perdue, je vais vous guider dans les méandres de votre vie. Marchons, cela nous fera du bien. »

Et il l'entraîna, d'un pas mesuré, dans la rue, à la suite de la charrette aux couleurs de Desage.
Il ne le dit pas, mais cela lui permettait aussi de ne pas regarder sans cesse ce reflet lointain dans les pupilles de Maëlie.


-« Je suis Cristòl de Sìarr, et nous nous sommes rencontrés pour la première fois quand, revenant de guerre, j'ai cherché en Languedoc des personnes motivées pour redonner au Languedoc sa grandeur. Elle était bien malmenée, à cette époque. »

Et maintenant ? Peu importait.

-« Vous étiez humble Lodévoise depuis peu, et à cette époque, je vous aurais cru, si vous m'aviez dit être une pauvre femme sans noblesse. Mais votre force de caractère, votre perspicacité, votre abnégation, ont prouvé lorsque je fus Comte votre grande valeur. Je vous ai faite vassale du Languedoc, Dame de Lauzières. Je croyais alors vous arracher à votre roture.
Il n'en était rien. »


Il s'arrêta, car deux piétons qui s'étaient écartés de leur chemin venaient de révéler devant eux la charrette Desage. Il ni dit rien à ce sujet, car son récit n'était pas fini. Si Maëlie n'avait qu'un mot d'Adrien, ses armes ne lui diraient rien.
Mais il hâta un peu le pas pour ne pas perdre le sillage de la charrette, tandis que des piétons leur cachaient par intermittence le drap au Hibou.


-« Ce n'est que bien plus tard que nous avons découvert votre ascendance paternelle. Vous ne saviez qu'à moitié qui vous étiez, à l'époque. Mais un bijou et ma science héraldique... Enfin, maintenant, vous n'avez plus Lauzières, mais demeurez la fille du Prince d'Avalon, Iziledur. »

Il soupira.

-« Quant à nos fiançailles, elles furent rompues pour bien des raisons, que vous n'avez pas vraiment connues. Adrien Desage, veuf, et vous-même, Maëlie, avez bien pu tisser des relations plus étroites à ce moment. »
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Maelie
Il y avait des jours comme ça... Des jours où vous vous couchiez le soir en vous demandant pourquoi diable vous vous êtiez levé ce matin-là. Des jours où vous vous leviez paysanne et on vous parachutait noble dame... Des jours où le ciel vous tombait sur la tête, en somme.
Mais avant toute chose, il y avait cet homme, charmant, prévenant, intimidant et beau, qui la prenait par l'épaule comme si elle ne sentait pas le poisson et la vase, et qui lui parlait comme à une amie chère. Pendant quelques instants, cette sensation oblitéra totalement ses sens, et elle se sentit comme une adolescente, le coeur battant la chamade et les joues roses. Il pouvait bien lui dire ce qu'il voulait maintenant, elle était d'accord pour le croire, songea-t-elle avec un petit sourire amusé et troublé. Diable ! Si elle était vraiment Maëlie, si elle était vraiment cette femme croqueuse d'hommes, elle ne pouvait pas se comporter ainsi comme une vierge effarouchée !

Elle se força à écouter ses propos, s'extirpant de ses rêveries de midinette, se laissant guider cette fois bien volontiers. Cristol de Siarr... Un ancien Comte ! Elle ne s'était pas trompée sur sa noblesse. Elle s'était crue prête à toute entendre, mais lorsqu'il parla de Lauzières et de son anoblissement, elle tourna vers lui un visage incrédule.


J'ai fait tout ça ? Moi ? Mordious...

Elle ne savait pas d'où lui venait ce juron-là, mais il lui semblait particulièrement adapté à la situation.
Il continua en pressant le pas.


-« Enfin, maintenant, vous n'avez plus Lauzières, mais demeurez la fille du Prince d'Avalon, Iziledur. »

Ses pieds s'emmêlèrent dans les pavés, manquant de la faire tomber, tant l'énormité de ces mots la frappa. Elle s'accrocha au cou de Cristol et le fixa d'un air ahuri. La fille d'un Prince ?! On nageait en plein délire, cette fois c'était sûr. Elle se força à refermer sa bouche béante, tâchant d'avoir l'air plus digne qu'un poisson mort, se redressa et fixa délibérément la charrette devant elle pour ne pas croiser le regard de son compagnon. Il ne fallait absolument pas qu'il croit qu'elle le prenait pour un fêlé : on pourrait la faire pendre pour une injure moins grande ! Non, il fallait qu'elle joue le jeu, comme elle se l'était promis. Cette homme était bon pour elle, c'était la moindre des choses qu'elle puisse faire.

Dooooonc... Je suis la fille d'un Prince que vous avez anoblie, mais j'ai perdu mon titre de noblesse. Nous étions fiancés, mais finalement ne l'étions plus et j'ai une relation avec Adrien Desage, qui est veuf... Quel extraordinaire destinée ! J'espère que vous ne m'en voulez pas trop d'avoir ainsi oublié un si charmant fiancé que vous. Je me demande où j'avais la tête... J'espère aussi que ce n'est pas par ma faute que les fiançailles ont été rompues ? Je m'en voudrais de vous avoir causé quelque peine, Senhèr de Siarr.

Elle retint un sourire amusé : c'était vraiment une jolie fable ! Pour un peu, elle aurait bien aimé qu'elle soit vraie.

Pour ma part, je ne me souviens de rien. Je me suis réveillée, un matin, dans la masure d'un paysan qui m'a recueillie et qui m'a proposé de l'épouser, mais il était trop vieux et j'avais des fourmis dans les jambes alors je suis partie. Heureusement qu'il était gentil, il aurait pu me forcer à rester et abuser de moi, mais il ne l'a pas fait.

Elle parlait en toute simplicité, tout en laissant son regard glisser sur la charrette. Soudain, ses yeux semblèrent remarquer un détail qui jusque là lui avait échappé : sur la charrette qu'ils semblaient suivre, n'était-ce pas...

Oh ! Le hibou !fit-elle en le désignant du doigt.C'est le hibou !
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Cristòl
Le juron qui s'échappa des lèvres de Maëlie fit sourire Cristòl. Au delà de l'amnésie, certaines choses restaient, ancrées plus profond, plus sûrement. Ce juron, c'était celui que proférait toujours Adrien. Maëlie avait dû être bien proche de lui, en effet, quand Cristòl s'était mis en retrait de tout, avant de rompre tout à fait toute forme de lien entre eux. Et par la suite, pour récupérer ses expressions, avait-elle dû l'être bien davantage.
En cela Cristòl obtint confirmation plus tard, lorsqu'elle évoqua Adrien comme partenaire d'une liaison. Le Chevalier des Pyrénées ne s'était pas tant aventuré... Au-delà de l'oubli, cette nouvelle Maëlie semblait savoir certaines choses, sans pour autant être capable de les relier à son passé, à sa propre personne.

Mais avant cela, il eut à gérer plus délicat : Maëlie qui trébuche, et s'accroche à son cou et le regarde avec incrédulité. Un peu embarrassé, il l'aida de ses bras doux et forts à reprendre pied, et ils continuèrent à marcher. Elle-même semblait mettre un grand soin à faire comme si rien ne s'était passé.

Sa récapitulation des faits le laissa rêveur. Si tout était si simple... Mais rien ne l'était.
Il tourna vers elle un regard bienveillant.


-« La rupture de nos fiançailles était de mon entière faute, et j'espèrais qu'avec le temps, vous ne m'en tiendriez plus rigueur. »

Et de ne s'empêcher de penser que s'il l'avait épousée, tout aurait été bien différent. Aurait-il tout de même lutté en duel contre LeGueux ? Aurait-elle perdu la mémoire ainsi ?
Il se sentait à la fois responsable de son malheur et de son bonheur.

« Heureux les oublieux... »

Alors, elle remarqua la charrette. Cristòl ne l'aurait pas cru. Elle montrait une fois encore qu'au sujet d'Adrien, elle était intarissable de savoir. Nouveau sourire bienveillant. Il se sentait comme un père pour cette âme en errance.


-« C'est là le symbole du Baron de Crussol, en effet. Voulez-vous que nous le suivions ? »

Puis, après un temps d'hésitation :

-« Vous êtes certaine que vous ne vous souvenez de rien, Maëlie ? On dirait que vous me jouez un tour. »
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Maelie
Le sourire doux de Cristòl fit rosir à nouveau les joues de la jeune femme, tandis qu'ils poursuivaient leur route, elle tentant de maîtriser son trouble. Elle comprenait sans mal ce qui l'avait poussée à accepter sa demande en mariage ! Elle avait dû être sacrément déçue lorsqu'il les avait rompues : il aurait fait un mari fort agréable, à son avis. Songeuse, elle se demandait quels étaient les méandres de cette vie qu'il lui racontait : il lui semblait confusément que certaines choses étaient tues, qu'il n'était pas possible que l'histoire fut si simple. Mais comme le reste, elle fit mine de l'accepter ainsi.

Il lui proposa de suivre la charette, et le visage de la femme, jusqu'alors ouvert, se rembrunit, songeur et inquiet. Lorsqu'il lui demanda si elle ne se moquait pas de lui, elle lui lança un regard surpris, puis sourit tristement.


Moi, me jouer de vous ? Non, Senhèr de Siarr, je vous jure que je ne me joue pas. Vous êtes bon avec moi, pourquoi mentirais-je ? J'ai simplement avec moi une lettre d'un dénommé Adrien adressée à une Maëlie, une lettre dont les mots sont si pleins de tendresse et d'amour qu'il m'a parut injuste de la jeter. Je me suis dit que je ferais aussi bien de la ramener à son propriétaire. Elle était ouverte, mais je me souviens bien du hibou qui était dessiné sur le sceau décollé. Je m'en veux de l'avoir lue et de m'être immiscée dans ce qui ne me regardait pas.

Elle s'interrompit, comme frappée par une idée soudaine.
Dieu ! Mais ça me regarde, en fait !

Sur son visage, l'incrédulité, l'espoir, la peur et l'angoisse se lisaient, tour à tour, jouant sur l'éclat de ses yeux. Elle joua nerveusement avec une mèche de cheveux. Si Cristòl de Siarr, celui qui se disait son ancien fiancé, la prenait pour Maëlie, qu'en serait-il de cet Adrien ? Elle n'avait pas le droit de voler son amour à la "vraie" Maëlie, elle n'avait pas le droit de jouer à cela... Et pourtant, l'envie qu'elle avait ressentie depuis qu'elle avait lu la lettre pour la première fois s'amplifiait, créant un chant de sirènes qui lui murmuraient qu'elle trouverait peut-être une place, qu'elle deviendrait peut-être l'héroïne d'une belle histoire. "Pourquoi pas..? Pourquoi pas..."
Elle secoua vigoureusement la tête.


Parlez-moi un peu d'elle... de moi. Comment étais-je ?

Elle ne quittait plus des yeux le chariot orné de vert, comme si un Adrien en boîte pouvait en surgir à tout moment. Sans y prendre garde, elle se rapprocha de Cristòl, quêtant un peu de réconfort.
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De l'art de recevoir...
Occitania per totjorn !
--Uc
Les rues étaient bondées et la charette avançait lentement. Uc, nous l'avons dit, était un de ces hommes maigres, au visage creusé et fin, le menton fuyant et le front bas, dont la mine rappelait singulièrement la tête d'un rat. Il avait le port d'épaule d'une cigogne ou d'un héron: Ses épaules étaient assez carrées, mais son cou long et fin, portait sa petite tête vers l'avant, à la manière de ces grands échassiers.
Un physique de fouineur, un regard de souris. Pourtant, malgré cette apparence mesquine, Uc était un brave homme, qui possédait une certaine culture et qui, d'ailleurs, aimait s'en montrer dans son parler, par d'élégantes tournures. Du reste, il n'avait point de famille, et se trouvait fort peu d'attrait dans les plaisirs de la chair. Tant et si bien qu'il fût à n'en point douter, plus pur dans son corps qu'un moine ou qu'un évêque.
L'intendant éprouvait un profond respect pour Adrien Desage, bien que les deux hommes ne s'en trouvent par le physique et les intérêts de la vie, diamétralement oppopsés.
Aussi, il se faisait un point d'honneur à ce que l'image de la mesnie Desage soit toujours parfaitement tenue. La charette en montrait la vertu: Uc était un homme d'ordre. Chaque jambon, chaque poireau, chaque carotte, trouvait dans cet attelage, une place dont on eu cru qu'elle avait été prévue spécialement pour le calibre, la forme et la taille de la marchandise.

La charette bifurqua dans une rue assez large et très fréquentée. L'on se trouvait encore à quelques temps de marche de l'Hotel des Desage. Uc marmonnait. Ronchon, il trépignait dans la foule. Mais dans le brouhaha environnant, il cru entendre une voix connue lancer le nom d'un oiseau très familier:


Citation:
C'est le hibou !


Uc se retourna vivement. Comme toute machine parfaitement reglée se défait complètement au moindre grain de sable perturbateur, tout le contrôle savant de l'intendant fût brisé. L'attelage freina, l'un des trois conducteurs trébucha, un autre le rattrapa, mais dans le même temps tira la longe de l'âne d'un coup brusque. L'animal dérangé rua, et un jambon chuta. Un jambon par terre, c'est un jambon sale et gâté. Uc rougit instantanément: il bouillait de colère. Il claqua le crâne du conducteur maladroit et exhorta les trois hommes à poursuivre la route. Avant de lui-même poursuivre, son regard de musaraigne scruta attentivement la foule... Mais d'où était venu ce cri, dans cette cohue?
Cristòl
En voilà une question complexe, songea le Chevalier... Il resta quelques secondes sans rien dire, le bras toujours autour des épaules de Maëlie, à la suite de la charrette de Desage.

-« Vous êtes... Une battante. Rien ne vous arrête. Vous êtes trop entière. Vos sentiments pourraient vous dévaster, s'ils n'étaient si nobles, grands... et, je le crois, toujours puissant.
Vous avez été la véritable révélation politique de mon mandat. Vous auriez donné la santé et la vie pour la gloire du Comté, et c'est presque ce que vous avez fait. Nous avons à cette époque tout donné, nous avons fini à plat... Mais heureux du résultat. »


Il ne savait pas vraiment que dire. Il ne voulait pas restaurer le climat de redevance qui s'était à demi voilé installé entre l'ancienne Maëlie et lui.

-« Vous croquiez la vie à pleine dents, vous vous frottiez à elle, toujours avec vertu et devoir. Vous êtes quelqu'un de vraiment précieux. Vraiment. »

Ils suivaient encore et encore la charrette, et Cristòl commença à entrevoir leur destination, car les rues de Montpellier étaient désormais comme sa poche : familières et souvent fréquentées.

-« Nous allons bientôt arriver à l'Hostel d'Adrien. S'il est là, sa vue ravivera peut-être en vous quelques souvenirs... »

Cela se pourrait-il, quand Cristòl lui-même n'avait pas été capable de l'arracher à son maudit rêve ?
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Ma seule étoile est morte,& mon luth, constellé - Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Maelie
La femme sursauta lorsque le chef du convoi au Hibou se retourna brutalement. Le méli-mélo qui en découla lui arracha un petit rire, aussitôt réprimé pour écouter avec attention la réponse à sa question. Ou plutôt, s'abreuver sans retenue des mots que prononçaient Cristòl. Ainsi, Maëlie n'était pas une femme de petite vertu, ce n'était pas une gourgandine profiteuse. Elle se sentit profondément reconnaissante et soulagée qu'il en fut ainsi : même si ce n'était qu'un rôle qu'elle endossait, elle préférait qu'il soit bon.

A vous entendre, elle devait être exceptionnelle. Je n'imagine pas avoir cette force que vous décrivez, mais cela me fait envie... Avoir une vie si riche, si pleine... Je ne sais si je dois envier ce qui est perdu ou me réjouir de pouvoir le connaître à nouveau.

Elle termina sa phrase sur un sourire mutin à l'adresse de Cristòl qui contredisait le sérieux de ses propos. Sourire qui s'affaissa avec inquiétude lorsqu'il évoqua leur prochaine destination.

Oui, peut-être cela ravivera-t-il des souvenirs...

Pour elle, il n'y avait qu'une issue possible : Adrien mettrait fin à cette utopie, ouvrirait les yeux à Cristòl sur son imposture et elle retournerait à sa vie d'errance après lui avoir rendu sa lettre. Pour autant, elle ne se sentait aucune amertume; elle était heureuse d'avoir pu, l'espace d'un instant impossible, être quelqu'un d'autre, quelqu'un de bien, quelqu'un de grand. Rêveuse, elle observa le profil de son guide, déterminée à le graver dans sa mémoire et à conserver le plus longtemps possible le souvenir de son affection et de sa gentillesse. Un nouveau sourire, doux et lumineux, s'épanouit sur ses lèvres. En fait de souvenir, elle aurait au moins celui-là.

Comment vous remercier, Senhèr, de votre gentillesse ? Si je ne me trompe, voilà deux fois en une seule vie que vous me sortez de l'anonymat !

Les ruelles défilaient sans qu'elle y prête attention, toutes semblables, pleines de vie bruyante et palpitante, superbe écrin à ce moment hors du temps dont la fin n'était que trop proche.
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