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[RP] Avant que le vent nous emporte

Mirwais
Avant de partir sur sa vieille barque de pêcheur, une main posée sur sa tête, le père lui dit

En cas de danger, n'oublies jamais de suivre le vent mon fils, prends soin de ton frère, trouves lui à manger, couvres le, je sais que tu te débrouilleras, longez cette route et partez droit vers les bois d'où personne ne vous séparera, je m'en vais affronter les Dieux, voyage trop périlleux pour vous...

Souvenir lointain qui hante Mirwais tout au long de son épuisante marche suivi du chétif compagnon au visage diforme et à l'allure claudiquante qui l'accompagne. Pieds nus et peau de bête en guise d'habits, ils se dirigent têtes baissées vers la ville de Montauban non sans quelques craintes.

Bien trop habitués à survivre loin des Hommes, ils se faufilent difficilement au milieu de la foule et se dirigent droit vers l'église. Mirwais sait ce qu'il peut attendre de ce lieu sacré pour les habitants mais en connait aussi les risques pour son frère à l'apparence si révulsante. Certains prêtres extrêmistes ont tenté de les séparer et d'enfermer l'enfant sans nom et si laid afin de l'éloigner du regard superstitieux des gens mais toujours Mirwais a réussi à s'échapper avec son frère sur les épaules.

Deux jours s'écoulent et la tradition séculaire du Royaume qui exige d'aider le prêtre pour cette durée afin d'espèrer obtenir un lopin de terre a été accomplie grâce à l'indulgence du cureton en fonction.

Ne reste plus désormais qu'à trouver trois personnes susceptibles de leur accorder leur confiance, toujours selon cette étrange coutume, et de leur permettre de vivre enfin sur un terrain bien à eux, avec un champ dont Mirwais se chargerait et une cabane où son frère pourrait se reposer des milles maux et souffrances qui l'accablent.

Faut-il pour celà trouver une solution, les tavernes ? Mirwais n'est pas doué pour les conversations, taper aux portes des habitants ? Là plutôt, il ne compte pas s'y risquer alors qu'ils sont si proches du but.
Aussi décide-t-il de chercher du travail pour montrer sa bonne volonté mais force est d'admettre que le creusage, le concassage, le transport, le lavage de minerai ne suffit pas à amadouer les citadins.


Epuisé, il s'allonge au coin d'une ruelle.
Il regarde son frère qu'il déteste autant qu'il peut le protéger et, goûtant du raisin qu'il a chapardé, lui crache les pépins dessus en souriant, rire que répéte machinalement le chétif sans comprendre.


Que tu es laid mon frère, seigneur que tu es laid et bête...
Si tu savais comme je te hais, oui, si seulement tu savais...


lance t-il en fermant les yeux tout en frottant lentement son front, la tête penché en arrière, le rire continu et niais du frère en guise de bruit de fond.

Dans le noir des paupières apparaît un Mirwais adolescent patientant près de la maison de ses parents, un cri horrible alors et des pleurs d'un nouveau-né à la suite...

- Elle est morte ! elle est morte ! Regardez l'enfant ! Par Aristote, quelle horreur, c'est l'oeuvre du sans-nom, il faut le noyer afin que le mal nous épargne !
- Non, n'y touchez pas, je m'en charge...

Mirwais rentre alors après le départ de nombreuses femmes pour buter contre son père.

Vas t'en Mirwais, vas t'en vite avant que le vent nous emporte tous !

Mais il ne s'en va pas...
Une nuit et un jour lugubres dans la demeure et toujours les cris du nouveau-né qui s'accroche à la vie en présence du pater familias plongé dans un mutisme morbide.
Une deuxième nuit qui voit le père s'agiter, prendre le bébé diforme dans les bras et indiquer d'un signe de tête le chemin de l'extérieur et de la plage à Mirwais.
Les jambes dans l'eau face à l'Océan près de sa barque, le père hésite puis fait demi tour en confiant le nouveau né à Mirwais et sous le bruit sourd et le vrombissement des vagues, lui dit

En cas de danger...

Un sursaut alors, Mirwais est réveillé par son frère qui tente de se blottir

Vas te réchauffer ailleurs tu pues comme un porc !
Allez vas t'en !


Mais le diforme reste et se pose au creux de l'épaule de son frère...
Mirwais abandonne toute résistance et glisse les yeux dans le vague


Vas t'en vite avant que le vent ne t'emporte...
Demain peut être, des gens viendront nous voir et nous feront confiance, ils nous parleront et nous aideront...
Oui...Demain...
Mirwais
Seul dans sa barque au milieu de l'Océan, solidement cordé à deux barriques, Il sait qu'il a atteint le chemin de non retour, c'est un pêcheur avant tout.
Il regarde le ciel attentivement. De toute évidence une tempête vient à lui.

Les vagues toujours plus violentes le préviennent mais il ne s'en soucie guère bien au contraire, il attend l'ultime rencontre avec impatience.
Les heures passent et l'homme trempé se dresse en écartant les bras


Regardes moi, je n'ai pas peur de toi, envoies moi dans les profondeurs de l'Océan, je ne crois plus en Aristote, mon âme t'appartient désormais, tu m'as déjà pris ma femme, j'ai abandonné mon fils pour toi, tu t'es servi de moi pour engendrer ta créature sur Terre et je ne l'ai pas détruite, viens donc m'affronter, je te méprise et je te défie, n'as-tu pas honte de me faire attendre si longtemps ?

Giflé par des larmes de pluie, l'Océan se déchaine alors malmenant le bougre sur sa vieille barque, les coups redoublent de violence mais l'homme n'a pas peur et s'amuse à blesser la créature sans nom en frappant dans le vide...
Face à la vague qui lui sera fatale, il s'écrie


Maudits soyez-vous toi et Aristote !

La mer a repris ses droits, de l'embarcation il ne reste plus rien, comme un cri de victoire, le vent souffle en direction de la terre.

Les yeux fermés et les bras en croix, sur une colline où l'on trouvait de nombreux saules, Mirwais et le chétif se plaisent à affronter le vent d'autan particulièrement virulent ce jour, il n'y a pas de danger, ils peuvent se le permettre quite à désobéir au père disparu depuis si longtemps, ils rient à gorge déployée, forcés de reculer, ils reviennent sur leurs traces initiales jusqu'à épuisement puis se réfugient contre une batisse.
Mirwais, avec sa grande taille, regarde essouflé son frère et lui frotte les cheveux energiquement au plus grand bonheur du difforme. il fallait bien savourer les quelques élans de tendresse du lunatique.


Certains jours sont agréables. A son réveil, il a trouvé deux lettres de recommandation venant d'un dénommé Archybald et d'un autre Grimoald pour obtenir ce fameux lopin de terre. Heureusement qu'il savait plus ou moins déchiffrer les mots pour en comprendre le contenu, il ne sait pas en quel honneur mais il devine qu'il existe des bonnes gens en ces lieux, peut être aura-t-il l'occasion de les rencontrer afin de les remercier même s'il ne sait pas à quoi ils ressemblent...Après tout, seules les montagnes ne se croisent pas...

Son dessein n'est plus loin, ils vont pouvoir vivre comme des Hommes, il faudra qu'il pense à s'habiller correctement, à arranger sa gueule d'ours ; sous sa longue barbe sale et sa chevelure blonde se cache un être au teint pâle et aux yeux bleus clairs qui, aux dires des ribaudes qu'il a pu monter en échange de fourrures de renard ou vair de petit-gris dont elles sont friandes, ne sont pas déplaisants quand on s'y noie dedans.

Il arrange son frère en cachant soigneusement son visage de quelques peaux légères et dit

Viens, y'a encore de la place dans les mines, tu restes à mes côtés et tu ne bouges pas surtout, tu m'entends ?
Rire bête du chétif en guise de réponse.

Ce soir, ils dormiront au même endroit que la nuit précédente...
Mirwais
Dans le reflet du ruisseau, le visage ensanglanté, l'adolescent turbulent, agenouillé, trempe ses mains écorchés que l'eau soulage laissant un sillage rouge suivre le cour de sa route.

Une silhouette se profile derrière le blessé et après un court instant d'attente, réagit

D'où te vient cette colère mon fils ? Les mères s'émeuvent de ce que tu as fait, il n'y a point de place pour la violence auprès des autres enfants en ces lieux.
En faisant du mal tu te fais du mal et l'espoir de te voir prendre ma place de chef du village s'amenuise à ma plus grande peine.


L'enfant ne se retourne pas mais écoute comme il a toujours su écouter après ses brusques moments de folie. Il voudrait parler mais il n'y arrive pas, il voudrait se poser dans les bras de son père mais il ne veut pas montrer sa détresse.
De continuer, le père explique


Combattre et vaincre nécessitent d'avoir une cause à défendre, un idéal à protéger mais toi, dis moi qu'as-tu donc qui puisse t'autoriser à chercher les coups ?
Tu n'as rien, absolument rien en ton coeur si ce n'est le caprice d'un enfant unique.


Ta mère est faible, encore plus ces derniers temps, à trop perdre de vies dans son ventre, elle se demande pourquoi Aristote l'afflige d'autant de peines mais elle ne desespère pas, dans la prière, elle sait que cette fois, l'enfant sortira pour faire de toi, l'aîné...

...Alors, tu deviendras un homme protecteur qui aura une raison de se battre et avant que le vent nous emporte, nous te verrons devenir un brave dont je pourrai être fier...

Le colosse s'éloigne en concluant

Je t'attends pour le châtiment qui t'es dû, quelques coups supplémentaires ne t'abimeront pas plus que ce que tu as réussi à te faire tout seul...

le regard porté sur son reflet, l'adolescent ne pleurera pas.

Près d'un cour d'eau, la main sur son visage taché du sang de son frère, Mirwais, machoires encore sérrées, récupère d'une énième colère incontrôlable portée contre le chétif laissant là ces souvenirs d'enfant.

Il se redresse et néglige volontairement de prêter un oeil sur son exutoire humain et disgracieux. Celui-ci est prostré contre un arbre, il pleure de tant de coups reçus et ne parvient pas à calmer sa peur, il sanglote, le buste balançant d'avant en arrière, en poussant des gémissements, plainte dans le vide.

Pourtant, tout allait pour le mieux dans cette ville, le bourgmestre de Montauban, Sancte, avait été le troisième individu à concéder la marque de confiance à ces deux vagabonds, synonyme d'un droit à quelques hectares de terre.
Le sort en était jeté, ils allaient devenir des Montalbanais, des paysans avec un sol à travailler et d'humbles habitants avec une ville à protéger comme il se doit.


Mirwais s'approche enfin de son frère et s'asseoit pas trop loin en lui offrant son dos comme consolation, il jauge ses propres mains d'où quelques gouttes de sang continuent encore à glisser dans les sillons de ses paumes.

Pourquoi es-tu là ? Ne vois-tu pas que tu me répugnes avec ton odeur qui me prend à la gorge et tes rires qui me rendent fou ?
Quand cesseras-tu de m'accabler de ta présence ? Quand vas-tu crever que je puisse te jeter dans une fosse ?
Quand tu respires, tu m'étouffes, quand tu geins, tu me rends sourd, quand tu souffres de tes maux, tu me dégoutes...
Si tu n'étais pas devenu aussi faible, nous ne serions jamais venus ici...nous serions encore dans les bois.


Mirwais arrache nerveusement l'herbe qui jonche le sol, il ne parle plus, il se sent comme épuisé après une longue marche. Son frère alors, se rapproche et s'installe difficilement tout près de son bourreau sans un bruit.
Un instant de silence


Par quoi dois-je commencer ? La sénechaussée ? Le cadastre ? Le tribun peut être ? Il faut que j'aille voir du monde maintenant, tu me suivras et tu te feras discret surtout, ce n'est pas le moment de te faire remarquer...

Un signe de la main en arrière pour montrer le cour d'eau

Et vas t'arranger la gueule, tu as des plaies qui vont s'infecter encore...
Mirwais
Le chétif s'est endormi après avoir englouti la miche de pain que Mirwais lui a cédé.
Dans un bois proche de la ville, l'écorché vif aux pupilles dilatées de trop de pommade hallucinogène pénétrant son corps s'agite dans l'obscurité


Surtout n'en abuses pas lui avait conseillé des années auparavant une de ces dames noires que l'on pouvait croiser dans certains coins reculés de la région en lui offrant une de ses recettes, ces jusquiames mauséabondes risqueraient de te rendre fou.

De sa bouche ouverte et sèche, les dents ne sont plus que des crocs, le loup d'un soir n'est plus dans sa meute, des voix le traquent, il ne résiste qu'à travers le bruit de sa course effrénée vers l'inconnu.
Il comprend le langage des Hommes


C'est de ma faute, tout est de ma faute père, pardonnes moi je t'en supplie
Quand je te vois revenir de la mer avec le fruit de ton travail , je ne remercie pas Aristote, je n'y pense même pas, quand je lève les yeux, je ne vois que l'immensité du ciel, quand je me bats je ne vois que ma force sur un faible. Je ne crois pas au divin, c'est pour ça qu'ama ne peut enfanter !


L'odorat de l'animal devrait pourtant lui permettre de s'éloigner sans trop de peine mais les voix fusent encore

Mon fils, que de souffrances t'assaillent...
Imaginer ne pas croire en le seigneur, c'est déjà trop y croire, penses-tu vraiment qu'il te prête attention ?
Dans sa bienveillance, il nous a fait don de la vie mais il ne nous juge pas, nous sommes seuls et nous nous devons de le remercier par nos actes aussi infimes soient-ils...
Tu n'es pas responsable, pas plus que moi ni qu'un autre du mal de ta mère et laisses les mauvaises gens se gargariser de leurs superstitions.
Face à la mort proche, on se rapproche du divin de peur d'être happé par le sans-nom mais là, tu vis et tu dois aimer la vie sans penser au jugement de notre Dieu, il se repose sur ta conscience.


Les yeux phosphorescents de l'animal dans la nuit font face à un haut mur qui n'a plus de fin, le loup ne doit pas rebrousser chemin, il tente en vain de passer l'obstacle, il entend alors

En cas de danger, n'oublies jamais de suivre le vent mon fils...

Suivre le vent, oui, suivre le vent, ces voix ne pourront le retrouver, après un moment d'hésitation, il longe le mur en atteignant sa vitesse de pointe mais la fatigue commence à le ralentir et les voix résonnent de plus belle

...je m'en vais affronter les Dieux, voyage trop périlleux pour vous...

...Ta mère est faible...à trop perdre de vies dans son ventre, elle se demande pourquoi Aristote l'afflige d'autant de peines mais elle ne desespère pas, dans la prière, elle sait que cette fois, l'enfant sortira...

...si tu savais comme je te hais...

...il se repose sur ta conscience...

Abandonné par une meute imaginaire, l'animal épuisé se résoud à affronter ce qu'il ne voit pas, le regard fixe, les babines retroussés et les crocs apparents, de proie il compte devenir prédateur.
L'attaque est fulgurante, Il se jette comme un enragé sur un adversaire qu'il ne voit pas.


Tu m'as menti ! Aristote nous a puni ! Il nous a jugé !
Mirwais se relève brusquement de son cauchemar hallucinatoire, son coeur bat à tout rompre
...Aristote m'a puni...

D'un réflexe protecteur, il s'assure de la présence de son frère

Et toi, tu es ma rédemption...
Mirwais
Nuit pluvieuse et fraîche annonciatrice d'un automne précoce, Mirwais donne un coup de pied à la porte de son cabanon de fortune.
Ayant obtenu droit de terre, il s'était empressé de trouver un terrain éloigné de la ville, avait débuté la construction d'une cahute afin que son frère puisse enfin se poser et souffrir de ses maux toujours plus violents loin des gens. Cruelle raison qui s'avérait pourtant naturelle pour Mirwais.

La ville commencait à l'attirer, les tavernes ne lui paraissaient plus infranchissables, il était un homme après tout, il avait renoncé à la compagnie du silence pour le compte des voix assourdissantes de la foule.

Goûter à la bière lui procurait un vertige agréable à la différence de ses herbes qui l'aspiraient vers les limbes de la culpabilité.

le chétif est réveillé en sursaut par un Mirwais aux yeux brumeux qui est désormais adossé à un mur de pierre.

Alors ma créature de frère ? Bien dormi ?

Il ricanne, titube vers le desoeuvré et s'écroule à ses côtés.
Les bras en croix derrière sa tête


J'ai vu des gens, plein de gens, des femmes aussi même une gamine qui viendra nous voir un jour peut être, une gamine...tu te rends compte ? une gamine en taverne...et toi dis moi qu'as-tu fait ?
Tu as souffert ? tu as pleuré ?

Dis moi voyons ! insiste-t-il
Qu'as-tu fait ?

Mirwais fixe son frère terrorisé par la perspective d'éventuels coups à venir puis s'approche du difforme et l'embrasse en lui tenant fermement ses cheveux éparses le repoussant violemment ensuite

Qu'as-tu fait sombre idiot ?
Tu ne veux pas répondre c'est ça ?
Vas au diable alors !
Je vais dormir en me rappelant de cette nuit auprès de gens qui parlent !
Ils me parlent, tu entends ? Ils me parlent !
Et toi ? Quand vas-tu me parler enfin ?


Tu pourrais me raconter notre histoire, tu me conterais nos aventures, nos marches à travers les bois, nos rencontres, ma première fois en ta présence chez la folle si crasseuse que j'en ai attrapé des saloperies à m'arracher la peau.

Il sent le chétif contre lui mais pour cette fois, il ne dit rien, à moitié endormi, il se souvient d'une main caressant son visage, d'une ombre qui le protège de tous les dangers, d'un chant qui le berce et du grondement des vagues au loin...

Dors mon enfant, dors mon petit homme, demain tu seras grand et fort...
*Tu partiras comme un oiseau mais je ne te couperai pas les aîles
car tu ne serais plus un oiseau et moi c'est l'oiseau que j'aime


*Pardon à J.A Artze
Mirwais
S'acharnant avec une certaine hargne à coup de serpette sur les ronces envahissantes et particulièrement résistantes de son humble terrain, Mirwais se perd dans les souvenirs d'une mémorable rencontre

C'est par un appel à la pitié que tout avait commencé en une fin d'après-midi pluvieuse dans ces bois de refuge pour tant d'êtres solitaires

C'est mon frère, je vous en prie, épargnez-le !

Fléau en main prêt à s'abattre, un homme au regard froid et portant tenue de combat se retourne alors

Cette horreur ? Cette erreur de la nature ? Ton frère ?
Par tous les saints, raison de plus pour que je le crève, je t'épargnerais d'un tel poids !
Puis, de toute évidence, il semble bien mal en point, ce serait lui rendre service aussi...


Le sire n'achève pas son dessein et s'approche de Mirwais avec une allure de dépit

Soit, je vais t'épargner la vue du sang jeune homme mais finis donc de me préparer ton breuvage qui, à tes dires, devrait me faire voyager dans un monde que je ne connais pas encore...Fais vite, je ne suis pas d'une patience infinie...

L'eau frémissante sous le feu de bois était pleine de champignons dont la qualité première n'était pas de ravir le palais mais plutôt d'élever les individus au delà des réalités purement materielles.
Mirwais tend alors un gobelet à cet homme qui, de toute évidence, ne vivait que de guerre et ne s'entretenait que par des rixes.
Le robuste mercenaire s'en empare et jette un oeil vers l'horizon


Un voyage alors...souhaitons que j'y trouve de belles choses...

Silencieux, assis sur un tronc d'arbre, il attend de partir vers la terre promise et au bout d'un certain temps commence à se dérider

Diantre...je commence à voir d'étranges images...

Il ferme les yeux et s'amuse

Petit, que ces couleurs sont magnifiques, je ne les avais jamais vues auparavant, elles m'entourent comme une horde de papillons qui souhaitent me montrer une route à suivre...
Je voudrais tellement leur donner un nom mais il y en a trop !


Il se lève et avance en caressant avec ses doigts écartés l'impalpable

Je vois un chemin mais il y a du monde au loin, j'ai du mal à les distinguer...

Mirwais le suit avec précaution, il ne connait que trop bien l'effet que ces champignons peuvent provoquer chez certaines personnes mais toujours cependant, il s'enrichissait de la vision ô combien personnelle des autres.
Le mercenaire insiste


Tous ces hommes mon dieu, j'en reconnais certains, ils n'auraient pas dû se retrouver en face de moi ces imbéciles, je n'ai pas à épargner quand on me défie !

D'un revers de la main, il les repousse

Fuyez donc et laissez moi en paix malheureux ! Je ne vais pas vous étriper une deuxième fois tout de même !

Mirwais essaie de réconcilier le guerrier avec son imagination de façon à ce qu'il ne s'éloigne pas trop de la raison

Messire, vous voyez d'autres hommes ?
Peut être que vous allez rencontrer mon père...L'entendez vous ?


Ce à quoi, l'halluciné d'un moment rétorque après s'être informé de l'apparence physique du pater

Bien sûr que je le vois, il me dit...il me dit...

Avec une violence certaine, il empoigne Mirwais, le soulève, cherche aux alentours et l'enfonce dans un tas de ronces avec insistance

Il me dit qu'il faut que tu choisisses entre la ronce et son fruit

Tout en laissant le jeune homme se détacher douloureusement des griffes de la plante, l'homme continue à s'exprimer loin de toute empathie.

Il me dit que la vie se limite à celà, à des ronces, il faut que nous décidions de ce que nous souhaitons être, le choix n'est pas simple...
D'un côté, tu n'es qu'une plante insignifiante pour ne pas dire repoussante mais malheur à celui qui voudrait s'approcher car tu lui agrippes la main, le bras, le dos, le corps en son entier et tu le saignes à chaque mouvement ne lui laissant pas d'autre possibilité que de se blesser encore plus s'il compte s'enfuir, pauvre hère en peine qui découvre les blessures de tant d'arrogance à ton égard...


Mois de septembre, les mûres sont bonnes à apprécier, le mercenaire s'évertue à en attraper une malgré sa vision trouble et les mouvements de Mirwais qui tente, autant que faire se peut, de se sortir du traquenard sans trop de griffure

...D'un autre, tu es un fruit si tentant, si apprécié que l'on ne peut s'empêcher d'y regoûter au point de s'en rendre malade, tu te laisses faire pour découvrir qu'au fond tu n'es utile qu'au plaisir des autres et que tu seras oublié aussi vite que tu seras avalé...
Ta seule défense ? laisser une tâche indélibile sur un habit qui finira sur un vagabond...


L'homme crache la mûre mâchée, se dirige vers le feu de bois et observe la dance lancinante des flammes

Il me dit qu'il faut choisir...voulons-nous être ces gens à la verve si fruitière mais si insipide au point de finir dans l'oubli ou ces illuminés sans charisme mais si féroces que l'on ne peut vaincre qu'à l'aide du feu
Il me dit qu'il n'y a pas d'autres choix, que nous allons tous mourir de toute façon et qu'il faut se décider...


De rajouter

J'ai déjà fait mon choix...moi

Mirwais cesse de s'acharner avec sa serpette, traverse son champ de blé et rejoins son frère toujours plus mal en point
Il attend encore un peu que ce souvenir s'efface


Le mercenaire s'était retiré dès le lendemain en lui confiant une bague où l'on pouvait lire DAVIKEN
Il avait rajouté


Gardes cette bague, petit, j'en possède deux, je me dis qu'elles m'ont toujours porté bonheur...
J'ai demandé au dernier souffle de son détenteur que je venais d'estourbir ce que celà voulait dire, c'était un breton, il en portait une accrochée à un collier qui ornait son cou et l'autre à son doigt, c'était temps de guerre, il m'a répondu le brave non sans m'avoir craché à la gueule : "pour toujours"


Ton frère va crever bientôt, vas t'installer dans une ville, petit, la plus proche est Montauban si je ne m'abuse, rejoins l'Ost, tu es gaillard et tu y trouveras ta peine, nous sommes des ronces toi et moi, je pars vers le Nord, j'ai encore des épines à étrener...Salut à toi petit !

Mirwais met un terme à ce rappel du passé et s'adresse à son frère qui ne le comprend pas de toute manière

J'ai confié une patte de lapin à une gamine pour lui porter bonheur et elle l'a déjà perdue, ça me peine mais je ne peux lui en vouloir, un mercenaire m'a confié une bague et je l'ai toujours sur moi...
Il avait raison, je ne suis qu'une vulgaire ronce...


Observant son champ

...d'ailleurs, je n'aime pas couper des ronces, ça m'ennuie...
Le terrain est très bien comme ça...
Je vais voir si je peux rejoindre l'ost et je demanderai s'il est possible que tu viennes à mes côtés...Je ne tiendrai pas longtemps à arracher des mauvaises herbes, ce n'est pas fait pour moi...
Mirwais
Il s'est défait de ses habits et se présente nu devant son champ de blé, la pluie tombe en averse et le terrain se refuse à absorber toute cette eau laissant place à de vastes flaques boueuses.

Sous le regard amusé de son frère qui observe ludiquement cette scène, Mirwais passe ses mains dans sa chevelure dorée puis les fait glisser de son cou à son ventre. Sa peau ruisselante est marquée par autant de cicatrices que mère nature lui a infligé, parmi les plus imposantes ; sur son poitrail au niveau du coeur, la morsure d'un loup qui s'était refusé à périr aussi aisément que pouvait le prétendre son bourreau et sur sa hanche, la marque d'une branche morte et pointue sur laquelle, par une chute, il s'était embroché en tentant d'extirper une prometteuse hermine de sa cache.

Il s'agenouille puis s'allonge face contre terre. Enlacé par la boue, il s'offre à elle.
Elle, elle avait un visage dessiné par un instant de bonté du divin, ses yeux bleus trahissaient l'origine d'une région lointaine, son nez fin contrastait avec sa bouche pulpeuse.
A chaque mouvement de bassin, son souffle frôlait les lèvres de Mirwais hypnotisé par un tel présent du ciel.
Et quand venait l'instant de l'ultime soubresaut, elle le griffait au niveau des omoplates jusqu'à ce que sang coule, complice, il subissait la blessure comme un peu plus d'éternité offerte à leurs ébats.


Les corps entremêlés près d'un ruisseau, Mirwais aimait se plonger dans la noire crinière de la belle, insouciant pour un temps, loin du frère chargé de surveiller un campement de fortune qui se révelait chaque jour plus ancré que transitoire.

Mirwais ? la mère a dit qu'elle voulait encore plus de fourrures pour le temps que je passe avec toi...

La jeune vendue se pose au creux de l'épaule de Mirwais

Des fois, je me dis que nous ne sommes pas seuls, que le ciel est empli de regards qui nous jugent et nous condamnent...

Si je te demandais de m'emmener loin, loin d'ici, loin de ce ciel inquisiteur, si je te demandais d'abandonner ton frère maintenant et de partir sans jamais nous retourner, le ferais-tu seulement ?


En un rapide geste de la main, elle couvre les lèvres de l'amoureux ne sachant que trop bien ce qu'il répondrait et ce n'était certainement pas ce qu'elle souhaitait lui laisser croire.
Elle le regarde et parcourt chaque trait de son visage forgé dans la pierre.


Je vais devoir enlever ce que tu m'as laissé dans le ventre, je n'ai pas fait ce que j'aurais dû faire et que la mère m'a toujours incité à faire pourtant, mais je ne le voulais pas avec toi et maintenant je le regrette...
Tu ne comprends pas n'est-ce pas ?


Mirwais pensait avoir compris et son envie de fuir aux côtés de la belle ne devenait que plus urgente, plus absolue si tant est qu'elle accepte la présence du claudiquant à chaque pas de leur fuite.
Le corps de la fille se détache de l'emprise du fougueux qui n'avait en fait pas saisi le sens de la dernière question.


Ne reviens pas Mirwais, il ne faut pas que tu reviennes, je ne veux plus te voir...Il est temps que tu partes, je ne veux pas de toi...

Sans attendre, le bougre la saisit et la retient violemment en tentant vainement de trouver une quelconque lueur dans les yeux d'où il se noyait auparavant tant ils étaient bleus.

Non sans un certain applomb, elle réagit en lui infligeant une blessure supplémentaire de par son rire

Quoi ? Tu me tuerais ?
Fais le donc ! Tues moi ! Vas-y !
Tu n'en auras même pas le courage Mirwais...Tu es trop lâche !


Sous l'averse, près de sa cahute de Montauban, il se sort de la boue, une larme de tristesse sous un torrent de pluie, il n'était pas lâche

Dans le silence, près de leur ruisseau, elle s'est éteinte, une larme de bonheur sous un torrent de résignation, elle ne le voulait pas lâche.
--Eilihn


Une silhouette trempée et transie de froid, tapie dans l’ombre. Et deux grands yeux verts fixés sur le géant. Il la fascine la jeunette, tout autant qu’il l’effraie. Qui est-il ? Qui est ce monstre sans cesse à ses cotés. Qui sont ils ?

La rouquine n’était pas habituée à s’aventurer dans le village, passant d’ordinaire le plus clair de son temps auprès de sa mère. Lors de ses rares moments de répit, ses doigts tout occupés à son ouvrage de broderie, elle ne s’évadait guère que dans ses rêves, s’imaginant courir dans les champs de blés, pieds nus et cheveux aux vents. Mais sa vie ne ressemblait en rien à cela. Seule fille d’un couple de paysan peu fortunés et peinant à nourrir les huit bouches composant leur famille, ses journées étaient consacrées à astiquer, lessiver, cuisiner, repriser et lorsqu’elle avait finit elle n’avait alors que le loisir de recommencer. Depuis qu’elle avait l’âge de comprendre, on lui racontait qu’elle ne devait pas se montrer au monde, que ses cheveux rouges feu étaient engeance du démon, et qu’il lui arriverait forcément malheur si elle s’éloignait du cocon familial. Alors, docile, dissimulant ses longues boucles rousses sous un foulard aussi vert que ses yeux, restait-elle loin du monde, comme on le lui avait appris.

Mais ce jour là, sa mère, contrainte par une forte fièvre à garder le lit, lui avait confié la tâche du ravitaillement au marché, non sans la sermonner mille fois et lui rappeler de ne faire que l’aller et retour, ne parlant qu’à un minimum de personne, et n’ôtant surtout pas son foulard. Et c’est ainsi que, son panier d’osier en main, elle avait pris la direction du village, pour la première fois toute seule. Elle en souriait de toutes ses dents la jeunette, ivre déjà de ces quelques heures de liberté offerte, loin du regard inquisiteur des siens.

La pluie l’avait surprise alors qu’elle n’était plus qu’à quelques foulées des portes de la ville, et la petiote avait courut s’abriter sous l’arbre le plus proche. Et c’est là qu’elle l’avait aperçut, allongé dans la boue, nu comme un ver. Si la nudité ne l’effrayait pas, ayant vu plus d’une fois son bourru de père et tous ses frères se promener dans le plus simple appareil devant elle, la colossale stature de l’homme qu’elle pouvait deviner malgré qu’il ne soit qu’allongé la fit frissonner. A moins que ça ne soit le froid qui commençait à lui engourdir les membres ...

Et soudain elle retint son soufle, pétrifiée de panique comme l’homme se redressait et s’imposait à son regard de toute sa hauteur. Elle le détailla alors des pieds à la tête. Une larme sur sa joue.

Pourquoi pleure-t-il ? Et la peur de se faire plus grande encore, faisant reculer la jeune femme qui fit craquer bien malgré elle un tas de brindilles sous ses vieilles chausses.
Mirwais
Faut-il donc si peu de temps pour que tous les sens d'un Homme s'évanouissent dans le brouillard d'une ville ?
Seul le réflexe animal du chétif qui se réfugie et se prostre dans un coin de la cahute trahit une présence étrangère.
Qu'il pleuve, qu'il vente, que l'orage gronde, le difforme apprécie chaque bruit comme une harmonieuse mélodie si tant est qu'aucun son ne soit discordant à cette incessante symphonie qui le berce depuis si longtemps.


Mirwais, au corps sali par ses perpetuels tourments, se fie, pour la première fois, à son frère.
Encore nu, prenant allure d'un félin, il plisse les yeux et évalue chaque mouvement éventuel aux abords de son nouveau territoire jusqu'à s'arrêter à une silhouette fixe proche d'un arbre.
Suprême humiliation que d'avoir été observé de si près sans rien n'avoir remarqué, d'avoir été vu dans de telles circonstances et de comprendre que la pluie ne suffisait pas à cacher les détails de la menace du moment et par conséquent les siens aussi.


Il fait signe à son frère de lui donner un bâton, seule arme de défense adaptée à leur nouvelle vie, et se dirige, décidé, vers la source du danger.
Chaque pas dans la boue l'incite à calmer sa colère en la présence d'une femme aux yeux bien trop brillants pour ne pas témoigner d'une crainte évidente à son approche.


Parler pour ne rien dire est un ersatz des citadins pour combler la perte des sens qui leur est infligé et si Mirwais en a pris un certain goût, il ne se sent pas de s'y exercer à cet instant.
Il fixe sa proie et tente en vain de comprendre à travers le moindre de ses gestes la raison de sa présence.
Fallait-il qu'il lui fasse signe de déguerpir ou devait-il la contraindre à l'accompagner dans sa bicoque ?
Quelles étaient les règles à respecter dans son nouveau monde et dans une telle situation ?


Il arrache le foulard de l'étrangère comme pour marquer encore plus son territoire et l'effrayer de plus belle. Des cheveux rouges se dévoilent alors pour témoigner d'une tare rarement acceptée par la populace.
C'est en voyant cette chevelure, fruit de nombreuses superstitions, que Mirwais prend la décision de contraindre la fille à le suivre d'un mouvement sec de la tête.


Dans un abri de spartiate, le frère à l'allure si repoussante tourne autour de la jeune fille avec son rire d'animal comme pour fêter la prise d'un gibier tandis que Mirwais le repousse d'un coup de pied après s'être couvert d'une peau au niveau de la taille.
Il s'engage enfin à parler non sans avoir caché les cheveux de sa prisonnière de circonstance avec le foulard récupéré et posé une peau de bête à ses pieds.


Je suis Mirwais et ce que tu vois à mes côtés est mon frère...
Tu es trempée et tu vas attraper la mort si je te laisse dehors.
Tu peux dormir ici, je ne crois pas aux supertitions des mauvaises gens.


Il regarde son frère au rire toujours plus insupportable

Non, je n'y crois vraiment pas...
Tu es une belle femme et tu me plais.
S'il faut te payer pour que tu viennes dans ma couche, je n'ai que des fourrures mais elles plaisent aux dames en général.
Si tu ne veux pas alors dors plus loin et disparais demain


De rajouter comme une requête cachée

Ce que tu as vu tout à l'heure, tu dois l'oublier...
--Eilihn


Le voilà donc qui approchait … Repérée, faîte comme un rat. Courir, oui c’est certainement ce qu’elle aurait du faire à cet instant : prendre ses jambes à son cou et s’enfuir loin d’ici. Mais elle n’en fit rien, comme statufiée de panique comme le colosse en tenue d’Adam s’approchait d’elle, bâton en main. Un pas à peine esquissé en arrière et la main qui se porta à sa bouche pour ne pas crier, vaine et dernière tentative d’être discrète. L’espace entre eux fondait comme neige au soleil, et la rouquine devait puiser au plus profond d’elle pour ne pas défaillir. Non elle ne lui ferait pas ce plaisir. Du courage, elle n’en avait guère, mais de la fierté … à revendre ! Et le voilà tout près, beaucoup trop près d’elle. Elle ferma ses yeux lorsqu’il porta la main vers elle, s’attendant déjà à ce qu’il la cogne, mais tressaillit en comprenant qu’il n’avait fait que lui ôter son foulard. En un geste presque réflexe, elle porta ses mains à ses cheveux comme pour les recouvrir à nouveau. L’homme la dévisagea un instant, elle soutenant son regard, comme pour le défier de la toucher à nouveau. Mais il n’en fit rien, se contentant de lui intimer de la suivre d’un geste de tête qui ne souffrait nulle contestation. Craintive, jetant des œillades en arrière, elle se décida donc à le suivre, tout en cherchant déjà un moyen de se soustraire à cet homme.

Une fois entrée dans la masure, son regard se concentra plus longuement sur la petite chose qui tournait en ricanant autour d'eux.
Mi homme, mi monstre.

Sentiments mêlés à son contact : peur, dégout mais … aussi, un peu de compassion et de compréhension. Comme elle il était différent, et sûrement jugé sur sa simple apparence. Mais, pas le temps de s’appesantir trop longtemps sur le difforme, qu’une voix rocailleuse la fît se redresser et frissonner de nouveau. Ses énormes mains étaient de nouveau sur elle, lui remettant le morceau de tissu ôté plus tôt, et l’homme avait dissimulé sa nudité. Pour autant, de si près et à la lueur des flammes qui dansaient dans l’âtre, il lui paraissait encore plus effrayant.
Pourquoi vouloir qu’elle le suive ?
Pourquoi ne pas l’avoir tout simplement frappée à coups de bâtons pour qu’elle déguerpisse et le laisse tranquille. Tant de questions … trop …

Méfiance …

Elle l’écouta, le plus impassible qui lui soit possible d’être, ne l’interrompant pas comme il se présentait et l’invitait à passer la nuit ici. Choix cornélien que celui de rester avec ce géant fort peu commode ou retourner sous la pluie, finir ce pourquoi on l’avait envoyé en ville. Avec la quasi certitude de devoir rentrer de nuit au vue l’heure avancée. Pourquoi diable avoir tant trainé en route ?

Et le petit, celui qu’il avait désigné comme son frère, qui jamais ne cessait de rire Un frisson de nouveau alors que l’eau ruisselait sur son visage, puis le long de sa vieille robe, laissant déjà une petite mare à ses sabots. Lentement les mots de Mirwais firent leur chemin dans l’esprit embrumé de la rouquine. Leur sens lui échappait totalement, mais elle semblait comprendre que l’homme n’était pas effrayé par sa chevelure du diable, l’invitant même à dormir avec elle en échange d’une fourrure qui à n’en pas douter ferait la fierté des siens lorsqu’elle la leur ramènerait tel un trophée, victorieuse d’avoir enfin réussit quelque chose par elle-même. Alors, ignorante et naïve, se décida-t-elle à lui répondre et à accepter ce qu’elle prenait pour une offre des plus honnête.


Je suis Eilihn … Je … Je suis désolée de vous avoir dérangé Messire. Je ne dirai rien je promets !

A qui aurait elle bien pu raconter ce qu'elle avait vu de toute manière hein ?

Et … je … J’aurai une fourrure si je dors avec vous cette nuit, c’est ça ?


Et la jeunette d’espérer qu’il lui expliqua un peu plus les termes de son « arrangement », le fixant de son regard émeraude, tout en pointant d’un doigt le difforme.

Comment se nomme-t-il ?
Mirwais
En haut d'une falaise, Mirwais, l'enfant turbulent retrouve le rocher en forme de lune, le rocher du brave qui, à l'unanimité, ne peut être touché que par le roi du village des petits pêcheurs.
Tenant fièrement son bâton d'une main, arme redoutable et bien utile contre les téméraires qui oseraient encore s'opposer à son titre, il invite ses sujets à s'installer de façon à être entendu de tous.
Le sujet du jour était grave, les rumeurs allaient bon train depuis cette évidente constatation : le roi n'avait pas de reine et il fallait qu'il en choisisse une au plus vite.


J'ai décidé qu'aujourd'hui, j'allais me marier !

Brouhaha des voix enfantines, il cherche sa future dulcinée, ses yeux bleus se posent sur une sihouette à moitié cachée derrière Xabi aussi grand qu'un chêne, l'ainé de la grande famille vivant près du ruisseau. La fluette si timide s'accroche à son grand frère mais ne peut s'empêcher de regarder celui qui n'a pas peur des coups.

Au grand damne de Xabi et de ses frères, l'enfant roi Mirwais désigne du doigt celle qu'il a toujours rêvé d'enlacer comme le font les "grands" et dont la présence en ces lieux est rare tant les parents sont sévères.

Tu touches pas à ma soeur Mirwais !

Nul, aussi imposant soit-il ne pouvait désobéir aux ordres du chef et Mirwais, tête brûlée reconnue, de menacer avec son bâton les protecteurs de la fille aux yeux de chat

Votre soeur est à moi, j'l'ai décidé et c'est moi le chef !

Un premier coup de poing annonce une rixe générale, pas besoin d'arme, le bâton est jeté, les partisans du petit roi et ses détracteurs entrent dans une guerre fratricide, le sort de la petite reine est en jeu...
Dans le monde de la falaise, les filles appelent, paniquées, les mères et les garçons s'extirpent de la furieuse mêlée avant de se faire rosser, seul Mirwais continue de frapper pour obtenir celle qui lui revient de droit.
La reine, avant de fuir avec ses frères aux habits déchirés, lance un
dernier regard sur son roi en sang.


Je suis Eilihn … Je … Je suis désolée de vous avoir dérangé Messire. Je ne dirai rien je promets !

Le royaume de la falaise n'est plus, l'enfant roi a été déchu, les yeux rivés sur le visage de la belle aux cheveux cachés, les souvenirs s'effacent à mesure qu'Eilihn place quelques mots...

Et … je … J’aurai une fourrure si je dors avec vous cette nuit, c’est ça ?
...
Comment se nomme-t-il ?

Il s'asseoit près de sa couche de fortune et sourit aux questions innocentes.
Il faut si peu pour que l'écorché change d'humeur, il peut être violent, exécrable, méprisant et par le fait d'un simple détail, aussi infime puisse-t-il être, se réveler accessible.
Il comprend aisément qu'elle n'a pas encore subi les outrages d'un homme et la question concernant la fourrure l'amuse d'autant plus que la belle biche se révelait inconsciemment proie et le rendait plus que jamais prédateur.
Il ne se veut pas vil homme et préfère garder son statut de noble roi de la falaise avec cette jouvancelle, étrange rencontre d'une fin de journée, aussi, enchaine-t-il avec la deuxième question


Comment il se nomme ?
Je ne sais pas...Pourquoi lui donner un nom ? Il ne comprend rien de toute façon...


Mirwais lance le bâton sur son frère et l'incite par un signe de la main à s'éloigner encore et toujours plus.

Si tu veux, tu peux lui en trouver un de nom, j'essayerai de m'en souvenir...
Le tien, c'est Eilihn alors...


Il montre négligement du doigt la peau de bête posée aux pieds de la jouvancelle.

Tu vas attraper la mort, je te dis, tu es trempée, vas-tu enfin te changer et poser ton panier ?
Faut-il que je me retourne et que je te laisse en pâture à mon frère dès que j'aurai le dos tourné ?


Sous le bruit de l'averse, la cahute dégage une atmosphère de plénitude désormais. Mirwais le taquin s'avère bien heureux tout compte fait de recevoir en son territoire cette étrangère à l'allure si fragile qui, avec son regard, lui rappelle sa reine perdue, il se relève et va chercher une fourrure entassée parmi d'autres, il en tire une au hasard et propose

Je te l'offre pour rien, peut être que tu pourrais simplement nous préparer un petit quelquechose à boustifailler avec la maigre pitance qui me reste et nous chanter belle contine pour agrémenter le tout ?

Il s'amuse

Et tu dormiras là où tu veux à moins que tu préfères repartir près de ton arbre dehors ou pire encore, continuer ton chemin au risque de te faire avaler par les démons qui règnent en maitre quand la nuit tombe...et crois moi, la nuit s'annonce à grand pas...
--Eilihn


La situation se précisait et il semblait de plus en plus évident pour la jeune rouquine que l’impressionnant propriétaire des lieux ne lui ferait aucun mal. Sans quoi, songeait elle, cela serait-il déjà fait depuis longtemps et ne se serait il pas donné la peine de se montrer sous un jour presque affable. Le regard faisant des allers et retours entre lui, à demi nu sur sa couche et le difforme sans nom qui ne cessait de vouloir s’approcher d’elle, elle acquiesça d’un signe de la tête à la demande de Mirwaïs.

Après avoir enfin déposé son panier désespérément vide sur le sol, elle tendit le bras vers la peau qu’il lui tendait, le fixant de ses yeux d’émeraude, comme pour lui signifier qu’elle n’avait pas peur de lui, peu persuadée d’y parvenir pour autant.

Réalisant qu’il ne se retournerait sûrement pas pour la laisser se dévêtir loin de son regard, elle se décida à lui tourner le dos. Si lui la voyait, au moins elle aurait la satisfaction de ne pas le voir la regarder et ainsi ne verrait il pas ses joues s'empourprer à l'idée de se dévêtir devant un homme. Fébrile, mais bien décidée à ne pas se laisser plus impressionnée qu’elle ne l’était déjà, c’est d’une main mal assurée qu’elle se défit de sa robe trempée, la faisant glisser à ses pieds qu'elle avait sortis de ses vieux sabots boueux. Désormais simplement vêtue de ses dessous, soit une fine chemise blanche qui ne dissimulait quasiment plus rien de sa nudité, elle s’enroula comme elle pût dans la fourrure. Restait le souci de la maintenir en place, qu’elle résolu rapidement en libérant sa lourde chevelure rousse de son foulard, et en récupérant une des épingles qui se perdaient dans la masse rougeoyante. Fixant la peau le plus serré possible contre son corps, elle décida qu’ainsi elle était presque visible et fit volte face, un sourire satisfait éclairant pour la première fois son visage.

Vrai que la scène pouvait prêter à sourire : ce géant et cette frêle demoiselle, vêtus tous deux de peaux de bêtes les faisant presque ressembler à des animaux des bois. Ce qui concernant ce dernier ne devait pas être bien éloignée de la réalité. Elle étala sa robe humide sur le dossier d’une chaise, priant qu’elle soit sèche le lendemain lorsqu’elle partirait enfin de cet endroit maudit où elle n’aurait jamais du s’aventurer.

Enfin, avisant la table qui trônait au milieu de la pièce ainsi que diverses provisions et ustensiles dispersés ça et là, Eilihn se mit à l’œuvre. Il y avait peu, mais avec les quelques légumes et le bout de lard qu’elle avait récupéré, elle parviendrait facilement à leur faire une soupe qui à défaut d’être nourrissante pourrait au moins les réchauffer. Toujours silencieuse, et ne cessant de laisser errer son regard de l’homme au monstre, du monstre à l’homme, elle entama de peler, découper, émincer. Ce faisant, et bien malgré elle, la jeunette était en train d'inventer mille noms pour le petit frère, tous plus ridicules les uns que les autres, et aucun ne lui semblant convenir. Puis, comme il le lui avait suggéré, elle se mit à fredonner un air que sa grand-mère paternelle lui chantait lorsqu’elle était petite. Cette aïeule aujourd’hui disparue, qui n’avait cessé de lui répéter qu’elle devait être fière de ses origines et de la couleur de ses cheveux. Lorsqu’elle entendait cette mélopée, la rouquine rêvait de ce pays inconnu, cette Bretagne qui était sa source. La fin de la Terre.

De longues minutes passèrent alors, pendant qu’au dehors la pluie faisait rage, désormais accompagnée de rafales de vent qui firent frissonner de nouveau la jeunette. Etait-ce le froid ou l'évocation des démons par son hôte qui la firent ainsi frémir ? Un savant mélange des deux à n'en pas douter. Interrompant sa berceuse, elle fixa le géant.


Pourriez vous … heu … il faudrait du feu pour la soupe Messire …

Et surtout pour la réchauffer comme tout son corps s’engourdissait, la peau de bête ne la recouvrant pas assez pour l’empêcher de crever de froid.
Mirwais
Assis et adossé contre le mur, Mirwais savoure chaque geste de sa prisonnière, elle libère sa chevelure rousse de la geôle en toile puis, tournant le dos au bourru, laisse glisser sa robe le long de son corps, une constellation de tâche de rousseur illumine sa peau qu'une simple chemise blanche ne suffit pas à cacher en entier. Toisant par intermitence le propriétaire des lieux, la féline, qui vient de se couvrir d'une peau d'animal se lance dans une périlleuse tentative de préparation de repas avec le peu de denrée qui traine de ci de là tout en fredonnant un air de musique qui incite Mirwais, comblé, à faire un appel de la main au difforme. De son bras droit, Il le presse contre lui.
Tel un parfum qui, subrepticement, envahit une pièce pour un temps donné, la cahute est embaumée par une atmosphère calme et sereine...


Le sourire aux lèvres, Mirwais ferme les yeux, quite à perdre un instant la belle de vue pour se retrouver des années en arrière auprès de son père lui montrant un petit personnage gratté au couteau sur une pièce de bois et de sa mère, aux traits étrangement fatigués, préparant un plat pour ses deux hommes. Elle aussi, s'emploie à réchauffer la demeure d'un beau chant venu du lointain monde des sirènes.

Alors que l'adolescent manipule l'oeuvre en bois, un brusque silence l'alerte d'un incident : de l'eau mais aussi du sang coulent sur les chausses de la mère au ventre rond annonciateur d'une nouvelle vie à venir sur Terre.
Tant d'espoirs posés sur ces longs mois et pourtant des larmes de tristesse en guise de reconnaissance


Ce n'est pas normal...
...je ne veux pas...je ne veux pas...


Non sans pousser Mirwais à aller chercher les femmes du village, le père se tient derrière son épouse et lui glisse à l'oreille

Il le faut...tout se passera bien...

Etrange prémonition d'une mère qui appelle son fils avant qu'il s'éloigne et le supplie en tendant sa main

Mirwais...Laisse moi te regarder...Laisse moi te regarder encore...une dernière fois...
Mirwais...Mon bel ange, me pardonneras tu ? Me pardonneras tu seulement ?


L'adolescent ne prête guère attention à ces mots et ne se doute pas que c'est l'ultime image maternelle qui lui restera trop pressé qu'il est de remplir la mission que lui a confié le pater.
Il court aussi vite que ses jambes le lui permettent poussé par un vent qui ne l'épargne pas des premiers cris de panique d'une femme qui sait que cette douleur ne ressemble pas à celle qu'elle a déjà connu.


Mirwais ouvre ses yeux préfèrant se réfugier vers le présent plutôt que de s'éteindre dans le passé.
Mais la cahute a perdu de son âme. A ses côtés, un frère répugnant qui lui a tout pris, il le tient contre lui et dans un instant de colère est tenté de le serrer si fort qu'il en étouffera jusqu'à trépas.
Une cacophonie de sons insupportables l'étreint et réveille en lui une folie meurtrière qu'il essaie de contrôler et là, une petite voix s'immisce comme pour freiner sa tentation du mal


Pourriez vous … heu … il faudrait du feu pour la soupe Messire …

Pourriez vous … heu … il faudrait du feu pour la soupe Messire …

Pourriez vous … heu … il faudrait du feu pour la soupe Messire …

L'enragé d'un court instant retrouve ses esprits et perçoit un soupçon de lumière d'abord floue puis plus précise en la personne de la rousse Eilihn.
Plus que jamais, il se repose sur ce doux minois, cette belle jouvancelle qui ne se doute pas qu'elle est apparue de derrière un arbre pour l'épargner d'une terrible crise de colère qui allait s'abattre sur le difforme, pour cette nuit du moins.
Il tente de s'exprimer


Du feu ? Il n'y a pas de feu ici...
Et puis, je n'ai pas faim...
Le monstre se chargera bien de ce que tu as préparé, je t'en remercie...


Mirwais s'allonge sur la couche avec difficulté, à la recherche d'un second souffle, il se réfugie sous des fourrures, seul luxe qu'il s'autorise et demande à sa lumière d'une nuit

Rejoins moi petite, il commence à faire froid, viens te serrer contre moi, je ne te mangerai pas, je veux juste te sentir contre moi, tout contre moi...

Des bourrasques tentent vainement de pénétrer dans la misérable cabane mais se heurtent à une construction de fortune qui ne se laisse pas abattre par les caprices du temps

Viens vite avant que le vent ne t'emporte...
Mirwais
Sous un drap de fourrures, le tourmenté dort d'un sommeil agîté, il ne peut que se soumettre à ce que son inconscient lui impose.

Accablé par une chaleur étouffante, lourdement armé, Mirwais suit une troupe le long d'une route menant vers un volcan improbable. Une cage en bois immense construite par le sans nom barre leur passage mais c'est sans compter sur la marche décidée des hommes qui, bon gré malgré contourne le piège sans plus d'attention sur cette construction pestilentielle. Des appels à l'aide rompent le silence de cette équipée vers l'inconnu, un ordre alors surgit

Va donc les libérer et rejoins nous après

Seul face à la cage, la peur au ventre, il perd de vue ses compagnons et se retrouve investi d'une mission dont il aurait bien voulu être épargné.
Les cris de détresse se font plus pressants et Mirwais, d'un premier pas, pénetre sous des craquements d'os dans l'antre des condamnés.
Il oublie sa peur, pose ses armes et suit les voix afin de trouver une éventuelle cache d'où il pourrait sortir les suppliciés.

Il cherche, il cherche sans relâche mais il ne voit rien, il donne des coups sous ce tapis d'os qui lui blesse les pieds en quête d'une éventuelle cache mais rien, absolument rien juste les voix plaintives qui tentent vainement de le guider.
Il fait demi tour pour s'apercevoir que la cage s'est fermée à son passage, il n'en a cure, il faut qu'il retrouve ces gens, il s'agenouille et passe ses mains sur chaque centimètre du gigantesque piège.
Une main apparait alors de sous terre puis une autre et encore des centaines d'autres qui se bouculent et tremblent dans l'urgence.
Mirwais se refuse à les toucher mais s'approche suffisament pour apercevoir un amas d'individus qui n'ont que la peau sur les os.


Mirwais...sors nous de là...je t'en supplie

Comment pouvaient-ils connaître son nom ? Il s'approche encore plus acceptant d'être frôlé par les mains des pauvres suppliciés jusqu'à reconnaitre le guerrier qui l'avait jeté dans les ronces, la jeune putain qu'il avait étranglé, la vieille femme toute de noir vêtue qui l'avait initié aux rites des plantes sacrées, son père et sa mère, la petite princesse de sa falaise et bien plus loin les yeux phosphorescents de tous les animaux qu'il a piégé et tué...

Il ne dit rien, Il veut les sortir de ce trou infecte mais le piège s'y refuse, il gratte la terre comme un renard en détresse reniflant d'épuisement autour des épaisses barres en fer qui le séparent de ses proches mais en vain, la terre est trop sèche.

Les mains qui s'agrippent à Mirwais le lâchent enfin et d'une même voix, les condamnés le guident vers la sortie

Du sang de tes souvenirs, il ne reste que le chant de ton avenir et les pleurs de ton frère sur les remparts de Montauban, laisse nous et fuis vers la vie.

Refus desespéré de Mirwais mais l'immense cage s'ébranle, des pierres s'écroulent toujours plus nombreuses autour de lui sans le toucher. Il ne bouge pas, tout s'éloigne de lui ; les regards, les mains, les os et la cage du sans nom.

Il est seul, la mort même ne veut pas de lui.
Il regarde des nuages gris adoucir la fougue du soleil et déjà quelques gouttes de pluie commencent à le rafraichir et à laver son visage des noires cendres du volcan proche.

Son frère alors apparait et se pose à ses pieds.
Plus rien ni personne ne les empêcheront d'avancer, dans son rêve, il goûte à la liberté...

_________________
--Eilihn


Il ne l’entendait pas, il ne la voyait même plus et semblait soudain si loin d’elle. Qui était il donc ? Quels tourments semblaient ainsi le hanter sans cesse ? De longues et interminables secondes s'écoulèrent avant qu’il ne se décide enfin à lui répondre, d’une façon qui la fit hésiter entre frayeur, de nouveau, et compassion. Il paraissait comme perdu, presque fragile … Presque … humain …

Mais non, le bourru revînt aussitôt, effacant rapidement le sentiment de pitié naissant de la rouquine. Il refusa le diner qu'elle venait de lui préparer, se montrant ferme et rude avec elle tout autant qu’avec son frère. La jeunette haussa les épaules, réprimant comme elle pouvait les grognements de son propre estomac, affamé malgré les sombres évènements qui venait d’animer sa tranquille petite vie de paysanne en à peine quelques heures. Comme il lui suggérait d’offrir le repas tel quel à celui qu’il nommait « monstre », Eilihn se saisit d’un bol qu’elle remplit de la soupe, froide donc, qui attendait dans la marmite, puis, elle effaca de son esprit le dégout mêlé de peur qu’il lui inspirait et s’approcha de lui. S'accroupissant à ses pieds, elle glissa le bol vers lui, tout en lui murmurant, comme pour que Mirwaïs n’entende pas :


Mange … C’est pour toi pauvre Innocent.

Ainsi donc venait elle de le baptiser, Innocent, sans rien connaître ni de son histoire, ni des raisons de son infirmité. Pour la chaste rouquine, assimilé depuis son enfance au démon, à n’en pas douter le garçon ne pouvait pas être coupable de quelque méfait que ce soit, et sa mauvaise Fortune n’était, tout comme la couleur de ses cheveux, qu’une horrible malédiction à porter tels des fers au pied des galériens, tout au long de sa vie. Elle était persuadée de le comprendre, mieux que quiconque.

Comme Innocent se jetait sur la nourriture tel un animal, la jeune fille sursauta en entendant de nouveau son « hôte » la convier à le rejoindre. Se redressant de toute sa petite hauteur, elle le regarda, fière mais pourtant hésitante. Non elle ne lui montrerait pas sa peur, non elle ne ferait pas honte aux siens et elle se montrerait courageuse. Alors, droite comme un piquet, elle avança vers lui,, resserrant sa peau de bête contre son corps transi de froid, puis elle pris place à ses côtés, le plus loin de lui qu’il lui soit possible de l'être dans l’exiguïté de sa couche.
Lui tournant le dos, la main crispée sur l’épingle qui maintenait sa fourrure contre elle, elle garda les yeux grands ouverts, peinant à calmer sa respiration trop saccadée pour sembler naturelle à quiconque. Fixant un point imaginaire dans la pénombre de la cabane, laissant ses yeux s’habituer, elle entendit le souffle de l’homme se faire plus calme, signe qu’il s’assoupissait, et le monstre qui poussait de petits grognements dans un sommeil qu’elle devinait agité.

Combien de temps s’écoula t-il avant qu’elle ne sente Mirwaïs tressaillir derrière elle, avant qu’elle ne trouve en elle le courage de se tourner vers lui et de poser son regard sur lui ? Elle devina plus qu’elle ne vît son visage crispé et ne fut pas longue à comprendre que ses rêves n’avaient rien de joyeux. Alors, dans un geste sans aucune préméditation, elle dégagea sa main droite de sous les fourrures, et, non sans avoir encore hésité un long moment en tremblotant, elle vînt poser des doigts fins sur la joue de l’homme, les laissant s entrer en contact avec une barbe aussi drue qu’elle le laissait paraître au premier regard.
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