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[RP fermé] Les fleurs du mal ne poussent pas dans un jardin

Baile
Suite de l'interpellation de Sadnezz par Baile, dans le topic de la Rose, ici



[Dans une rue derrière le Bordel]

Elle avait lancé son cri sans réfléchir et, la dague ramassée au sol tenue fermement par la poignée dans sa senestre, elle accéléra l'allure vers l'ombre qui s'était brusquement retournée. Un deuxième fut lâché, plus doucement, comme une ancre pour que le navire n'avance plus, et la Baile s'arrêta à portée de main de la femme. Le choc fut rude et immédiat. Si Baudouin lui avait fait penser, il y a quelques minutes, à un balafré de la vie, c'était une plaie encore bien béante et vivace qui la dévisageait d'un regard plus que méfiant, son regard marqué par les ans tout autant que sa peau.

N'avance plus. Elle comprit le message sans que les lèvres n'eurent à former les mots, et bien qu'elle ne ressentît aucune peur en cet instant, elle fit un léger pas en arrière sans détourner ses noisettes. Il y avait quelque chose de farouchement hostile dans le visage qui lui faisait face. Et de tourmenté. Depuis qu'elle avait fait volontairement couler le sang d'une innocente, celle qui était devenue capitaine de l'Ordre qu'elle avait fait souffrir et qui avait pourtant toujours été le centre de son existence, savait non seulement reconnaître les torturés de la vie dans ses semblables, mais ressentait une irrémédiable attirance vers eux. Et davantage encore si ce n'était pas un homme.

La main gauche de l'inconnue brilla fugacement, et la Baile baissa son regard vers l'origine de l'éclat. De là où elle se tenait, elle était incapable de distinguer les détails de l'anneau qu'elle remarqua, mais l'image d'un serpent est celle qui lui vint immédiatement à l'esprit et elle grimaça instinctivement de haine. Relevant les yeux tout en faisant taire ce qu'elle ressentait pour la Zoko et ses chefs, elle bougea légèrement le poignet pour montrer la dague, comme une invitation. Sa voix était ferme et ne trahissait aucune crainte, que la fille à la tenue débraillée fût mercenaire de la compagnie au serpent ou pas.

J'ai ramassé ça derrière, à l'instant. C'est à toi?

Le tutoiement était spontanément sorti, et elle ne pensa même pas à le corriger. La femme en face d'elle, malgré son âge très certainement plus avancé que celui de la Baile, lui donnait cette étrange impression d'être en territoire familier, lui rappelant celle qu'elle a été et qu'elle aurait pu devenir, et la ramenant immanquablement vers l'inoubliable souvenir d'une rasée qu'elle ne pouvait chasser de son esprit. Un instant, elle oublia ses charges et ses responsabilités, pour n'être plus qu'une jeune femme libre de toute attache dans une rue parisienne.

Sa virée au bordel était oubliée. Il n'y avait plus que cette rencontre fortuite, ici et maintenant. Le geste de la main se fit plus pressant et le regard plus incisif. Qui es-tu, la solitaire?


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"I have never seen a wild bird feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself."
Sadnezz
Elle avait entendu le premier appel, qui lui avait fait alourdir ses foulées sans pour autant prendre la peine de se retourner. Se faire héler dans le silence de la nuit lorsqu'on presse le pas pour éviter de se faire rattraper par son passé fait monter une vive adrénaline qui aide à reprendre vite ses esprits. Adieu délectable réminiscences, retour à un nouveau problème qui semblait l'avoir prise en filature. Le second appel le lui confirma, tout en lui arrachant un grognement sourd.

Sad pivota pour faire face à celle qui avait décidé de troubler sa fuite étudiée, l'oeil méfiant et les traits tirés. Une femme. Une gauchère qui tenait une lame, lame qui éveilla les instincts de la Belladone. Elle pressa machinalement sa taille, surprise de ne pas y trouver le contact lisse de la dague qui lui avait été cédée quelques heures plus tôt. Les onyx sombres firent une minutieuse mais rapide inspection de celle qui se tenait près d'elle... Trop près. Etrangement, elle sembla percevoir la gêne vindicative qui la devançait, car elle eut un petit mouvement de recul à la rencontre de leurs regards. Mise en garde subliminale vite chassée à la question que la jeune femme lui posa.

Oui c'était sa dague, cadeau de feu Aleanore, ou plutôt de son araignée... La pierre qui ornait son pommeau était reconnaissable entre mille, et l'imaginer souillée de la boue douteuse des pavés fit naitre en Sad une colère mal dissimulée. Elle avança vers la jeune femme comme un taureau vers le drapeau rouge, agacée plus que reconnaissante. Etrangère au geste, la Corleone s'approcha de façon surfaite pour récupérer son bien, frôlant l'inconnue. La dague lui fût arrachée à ses mains trop sages, et ses yeux l'insultèrent presque. Elle lui tourna brièvement autour, pour mieux vérifier que l'avoir dans le dos de nouveau ne lui soit pas fatal... Elle était armée. Tant pis.

Des mèches corbeau s'étaient une à une échappées de son chignon de fortune, jusqu'à la délivrance de toute sa crinière. L'air sauvage n'était pas voulu, mais en se retournant vivement pour reprendre sa route, la masse sombre vint fouetter le visage de sa jeune et trop généreuse visiteuse. Elle avait eut le temps de la dévisager, et en garda une impression étrange mais ne l'avait plus helas pour faire des manières.

Sa nuit avait été longue, longue et terrible. Ses vêtements partiellement déchirés attestaient de l'humeur avec laquelle elle avait accueilli ce contretemps... Si celui dont elle s'éloignait été sorti du bordel entre temps, il pouvait bien débarquer dans la ruelle, ce qui l'encouragea à reprendre son chemin sans demander son reste. Le froid avait commencé son oeuvre, la laissant frémir comme une feuille morte jouet du vent.

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Les murs ont des oreilles, mes oreilles ont des murs... Spiritu Sanguis.
Baile
Pas un mot, ni merci ni va t'faire foutre, le silence pour toute réponse. Et ces yeux, tout sauf vides, qui continuaient de la dévisager, la méfiance s'y lisant encore, mêlée à tout ce que l'âme pouvait exprimer de colère infinie. Pourquoi c'est moi que tu sembles haïr alors que tu me vois pour la première fois? Les yeux se plissent et les lèvres se serrent quand la dague lui est arrachée de force, mais la Baile se laisse faire, intriguée plus qu'agacée par le comportement de l'inconnue. Elle pivota instinctivement sur place quand la femme lui tourna autour, la gardant dans son champ de vision, main droite machinalement resserrée autour du pommeau de sa propre lame.

Tu cherches quoi? Oui j'suis armée. Ca t'inquiète? Ca te fait peur? Les questions fusaient dans sa tête comme autant d'analyses instantanées, et la pensée qu'elle avait affaire à une fugitive lui effleura l'esprit. Car ce n'était pas un comportement de prédateur qu'elle avait sous les yeux, mais bien celui d'une bête traquée. Immédiatement la main se détache de la hanche. Un animal menacé est un animal dangereux, surtout une femelle hein, et la militaire qu'elle était n'était a priori pas venue dans ce coin échanger une partie de jambes en l'air contre des blessures inutiles.

Un souffle d'air lui caressa doucement la joue quand les cheveux lui balayèrent le visage. Aucun parfum ne s'en dégageait mais ce simple geste involontaire la décrispa étrangement. L'inconnue s'éloignait, emportant ses mystères avec elle, et laissant une Baile légèrement désemparée de son absence de réaction. Et maintenant, je fais quoi? J'te regarde partir? J'te suis? Pourquoi tu n'as pas dit un mot? Frustrée et sur sa faim, la jeune femme réalisa que ce qui l'énervait le plus était l'absence d'un quelconque intérêt que l'inconnue n'avait même pas fait semblant de lui porter. Touchée et dans son ego et dans la non satisfaction de sa curiosité originelle, elle fit un pas en avant et reprit sa filature.

Sa Rouquine d'amante lui aurait dit en riant que là, elle avait une réaction tout à fait digne d'un homme. Sans doute était-ce encore vrai. Mais tout dans le comportement de cette femme intriguait inexorablement la Baile qui avait décidé de persister dans l'irrationnel en ne lâchant pas l'affaire. Elle aurait peut-être à le regretter, quand la nuit sera passée, mais c'était en cet instant qu'elle se sentait vivre ce qu'elle était venue chercher au Bordel. Il n'était plus question d'abandonner du regard l'inconnue qui avait accéléré le pas. Et peut-être même allait-elle trouver un moyen de la provoquer et l'obliger à lui parler.

Elle tentait de réfléchir tout en courant pour réduire la distance, jusqu'à n'être plus qu'à quelques pas de la femme. Elle s'en fichait d'être repérée, là elle ne cherchait pas du tout à se rendre discrète. C'était elle le prédateur maintenant, même si elle ne voulait pas de mal à la proie qu'elle venait de choisir. Elle dépassa la brune et se planta devant elle, l'obligeant à s'arrêter.

Bon, faut que j'vous dise un truc. On m'a payée pour vous suivre et vous surveiller. Autant qu'on marche ensemble non?

L'idée de génie qu'elle venait d'avoir... Et ce vouvoiement revenu par habitude... Les bêtes traquées ont-elles le sens de l'humour? La Baile aura-t-elle le temps de lui dire que la seule chose qu'elle voulait c'était qu'elle ne disparaisse pas comme une chimère et que ce qu'elle vient de dire n'était que mensonge éhonté? Mains sur les pommeaux de ses armes, elle se préparait au pire, mais elle espérait quand même que l'esquisse de sourire crispé sur son visage ferait réfléchir un peu l'inconnue avant qu'elle ne réagisse en taureau affolé.

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"I have never seen a wild bird feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself."
Sadnezz
La Corleone n'aime pas qu'on marche dans ses pas, qu'on suive sa trace ... Sentiment désagréablement exacerbé au fil de sa progression, l'autre est là quelque part derrière elle. Son regard s'assombrit, ses mâchoires se crispent. Ce n'est pas le moment, pas le moment, non , tu ne veux pas comprendre? Elle avait eut l'intuition qu'elle n'avait rien à craindre de l'inconnue à la peau claire, mais qu'en était-il de cette obstination absconde? La brune bifurqua sur une rue adjacente, poil hérissé de percevoir cette ombre à ses trousses.

Soudain elle la double, l'obligeant à stopper sa course comme on ne peut éviter l'embuscade en rase campagne. Mouvement instinctif de recul, la Belladone la toise d'un air surpris et pourtant assassin. Elle lui parle, encore, cherche le contact comme ces misérables qui quémandent leur pitance, et ses mots sont autant de foutaises qui provoquent immédiatement les foudres de la fuyarde. Quoi? Ne me fais pas rire... Ceux qui sont payés pour traquer se gardent bien de le dire au premier venu, leur discrétion restant le seul fil qui retenait le couperet sur leur têtes. Mensonge, mais dans quel but... Elle se paye sa tête, et ne fait que de jeter de l'huile sur la flamme qui grandit dans une infime parcelle de son esprit.

Tu me tutoies, tu me vouvoies, tu te perds en conneries et me retarde. J'ai faim, j'ai froid, que cherches tu? Ses dents viennent mordre la lèvre inférieure dans une expression d'ultime avertissement, l'italienne ne connait pas les demi mesures. Sa main vient enserrer le cou de biche de son obstacle, menant avec violence le corps contre le premier mur qui le reçoit. Sa tête a cogné contre la pierre, elle l'a sentie et entendue. L'intention n'y était pas mais... Ses doigts vinrent pincer la fine trachée ennemie. Sa main libre ne s'arme pas, l'inconnue n'est pas encore une menace, pourtant de tout son poids la Corleone la plaque et gronde sourdement.


Si tu veux pas que je te fasse un nouveau sourire sous le premier, tu me lâches.


Que veux-tu? Qui es-tu? Le dernier mot est prononcé d'une verve exsangue, la brune bouillonne. Et voilà sa discrétion évanouie, elle va se faire repérer c'est certain. Déjà des pas se font entendre non loin. Son regard quitte celui de la jeune femme pour se poser, furtifs, à l'autre bout de la rue. Il n'est plus l'heure de montrer les dents, l'animal qui dort en elle se tapit d'instinct et l'entraine elle et sa captive dans la première alcôve sombre que leur offre une porte cochère.

Shhhh...


Une main ferme se fait bâillon sur la bouche de l'imprudente, plus pour leur éviter d'être découvertes d'un toussotement malheureux que pour venger son entêtement. Les pas se rapprochent, l'ombre de la lune les dissimule encore... Elle ne se risque aucun mouvement, figée dans le dos de son autre telle une statue d'église. Elle aperçoit d'un oeil le groupe qui arpente le pavé humide en dépasse leur refuge, elle détend alors un peu son joug. Des miliciens, ce n'étaient que des miliciens... Son nez s'enfouit un instant dans les cheveux de l'inconnue, le temps de soupirer et d'expier la crainte qui l'avait envahie. Une infime seconde pour souffler, une infime seconde...
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Les murs ont des oreilles, mes oreilles ont des murs... Spiritu Sanguis.
Baile
Et la bête a jailli, presque comme prévu, et la Baile a failli, ça par contre, ce n'était pas voulu. Elle avait compris de suite que l'inconnue ne l'avait pas crue. mais elle ne s'attendait pas à autre chose, vu l'énorme absurdité qu'elle avait balancée pour simplement entrer en contact. Et le contact avait bel et bien eu lieu, Certes pas comme elle le souhaitait, mais on faisait avec ce qu'on avait... Et d'ailleurs, que souhaitait-elle vraiment, là? Elle était bien embêtée pour l'exprimer clairement, et de toute façon, la femme en face d'elle ne le lui demandait pas vraiment.

Les yeux rivés sur la lèvre mordillée, elle a le corps entier de son vis-à-vis dans son champ de vision. Elle l'a vue, la main, à l'instant même où elle a bondi dans sa direction. Mais elle n'a esquissé aucune réaction. Des années d'entraînement au combat rapproché, la jouissance de n'avoir jamais perdu même s'il n'y avait pas d'enjeu au bout, pour n'avoir aucun réflexe quand le danger se faisait plus réel... Elle avait simplement eu la volonté consciente de tendre les mains pour amortir le choc, en pure perte. L'arrière de la tête a heurté le mur dans un couinement de douleur. Elle n'a pas le temps de se dire qu'elle a mal qu'elle sent tout contre elle la fraîcheur du corps légèrement vêtu de son assaillante.

Immédiatement, réglage à la limite du pavlovien et les noisettes rivés aux onyx, ses muscles se détendent presque totalement. Gloussez ceux qui connaissent Baile, seul un corps de femme peut lui faire oublier qui elle est l'espace de quelques longues secondes, et ce soir encore vous avez eu raison... Toujours est-il que cette réaction due davantage à sa nature qu'à son instinct de survie l'empêcha de trop souffrir de l'étranglement à l'arrache dont elle fut la victime. Le mouvement brusque par contre, opérée par l'inconnue lorsqu'elle chercha à se cacher, l'entraînant avec elle, lui fit douloureusement tourner la tête et elle grimaça pour contenir mentalement les battements dans sa boîte crânienne.

La grimace se fit rictus tordu quand une main tout sauf douce se plaqua contre sa bouche. Elle ferma les yeux pour calmer sa tête. Elle entendait les pas, elle aussi. Mais elle s'en carrait de savoir qui traversait la rue. Elle avait eu confirmation de sa prime pensée, la femme inconnue fuyait quelque chose, ou quelqu'un en l'occurrence, et la Baile était déterminée, pour une raison tout à fait irrationnelle et elle l'assumerait parfaitement quand tout ceci sera terminé, à découvrir qui. Pour le moment, elle n'était plus que sensations. Le visage de sa ravisseuse était presque enfoui dans ses cheveux, elle sentait sa respiration les traverser et lui rafraîchir la nuque, et la pression des doigts sur ses lèvres s'était relâchée.

Tu vas continuer à ne pas te défendre, ma Baile? Mère Teresa des porte-jarretelles, va... La fierté réveillée en elle, elle pivota brusquement des hanches tout en balançant de toutes ses forces son coude dans le ventre de la fugitive. Profitant des quelques secondes de répit accordées par le souffle coupé de la femme, elle se libéra complètement de son étreinté et recula pour s'adosser contre le pan de mur opposé. Le sang battait toujours dangereusement à ses tempes, mais sa voix se fit la plus calme possible.

Ca, c'est paske si tu veux me redessiner un sourire, ca s'ra avec mon autorisation et là où je l'aurais choisi...


Elle se détacha péniblement du mur et, posant une main sur celui d'en face comme pour faire barrage à l'inconnue, elle la regarda droit dans les yeux.

Qui c'est que tu fuis comme ça et qui a l'air tellement fort que tu n'peux pas te défendre contre, comme tu viens juste de le faire?


La voix se fit suicidairement narquoise, à mettre peut-etre sur le compte de la douleur dans son crâne.

Ou alors tu n'sais te battre que contre une pauv' jeune femme qui n'sort même pas ses armes?

Elle se tut, portant sa main libre à son crâne pour tâter légèrement le liquide visqueux qui en coulait doucement.

Tu m'as un peu loupée en tout cas... J'espère que tu sais mieux dessiner les sourires...

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"I have never seen a wild bird feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself."
Sadnezz
Ils sont partis, emportant avec eux le bruit de leur passage et leurs éclats de voix. Sa captive se défait sans peine des fugaces liens de chair qui la retenaient au creux de leur abri inopiné... Le coup de coude est encaissé, parce que peut-être mérité. Un instant le souffle court, les secondes mortelles passent sur elle sans qu'elle ne tente de s'en défaire. Sad baisse la tête, accusant le coup. Mais déjà l'esprit réfléchit au chemin qu'il fallait prendre, aux places à éviter sur le retour plus qu'à la manière de faire ravaler son traitre geste à la jeune femme... L'esprit lointain, le regard vaguement posé au sol.

Et c'est souvent quand la Corleone se fait quiète, apaisée d'un éphémère moment d'accalmie que les rivaux choisissent de s'éveiller à leur colère légitime, à leur desseins de vengeance. Son visage se leva de nouveau sur la jeune femme comme elle lèverait les yeux au ciel, sentant dans son attitude la tension si reconnaissable du qui-vive. Elle part d'un rire mauvais étranglé d'orgueil en dégageant d'un revers le bras qui se veut la retenir. Pas de violence sans but, pas de sang sans contrepartie. Même le plus gratuit de ses actes n'était pas dénué d'intérêt, le plaisir suffisait souvent à le justifier.

Ses yeux prirent cette fois le temps de détailler la jeune créature qui la toisait avec méfiance, la mettant à nue en quelques battement de cils. L'esprit n'a pas de limite pour inventer ce que l'on peut désirer voir... Narquoise, mais belle. Insolente, mais pas si frêle. Curieusement obstinée, obstinément curieuse. La force n'est pas la plus crainte, souvent surpassée par la ruse, et les mots piquants qu'elle lui adresse lui font ranger son air arrogant malgré tout. Fuir tient plus du bon sens que de la lâcheté dans certains cas, ne le savait-elle pas?

Jaugée, Sad vient l'écarter de son passage, avec moins de brusquerie que leurs précédents échanges. Echanges tactiles, trop tactiles. La chaleur de l'inconnue a rappelée à la Corleone combien elle avait froid, combien elle maudissait l'Araignée d'avoir détruit les liens de son corset. L'air est pénétrant, presque autant que les questions de sa voisine. Il lui faudra une bonne heure pour traverser la ville, retourner à la Garçonnière du paris coté cour. Un Paris que l'autre ne connait certainement pas, se plait-elle à penser... Sa cape l'enveloppa, maigre couverture pour un mois de janvier dans la capitale.

Se battre, non elle ne le voulait pas. Ni la blesser, juste l'écarter de sa route. Il était trop tard pour que monte le besoin d'écraser les insectes sur son passage, surtout apres ce que le dernier lui avait laissé à la peau. Les bleus avaient éclos au fil de l'épiderme comme tant de fleurs du mal, formant de longues trainées sombres autour de son cou, près de ses lèvres. Les morsures et les assauts avaient terminé d'éteindre la hargne de la Corleone, au moins jusqu'au lendemain. Rapprochant son visage du sien jusqu'à toucher de son nez le sien, elle lui murmura d'un ton méprisant quelques mots obscurs pourtant bien lourds de sens.

On a pas tous les mêmes problèmes...

L'impatience se devine dans le regard que tu me rends, toi l'inconnue aux élans trop spontanés... Si tu savais, si tu savais... Qui était-elle pour se voir avouer la fuite d'une Corleone sur la sellette... Le Machiavelli avait mit sur son chemin mille sbires pour venger son visage à jamais mutilé, l'orbite béant et la haine au corps il se foutait bien de remonter la chaine de la vengeance... Le courroux qui revient aux commanditaires et toujours payé par les bourreaux. Dire qu'il se trouvaient si près l'un de l'autre sans même le soupçonner il n'y avait pas de ça une heure... Non, elle tairait les exactions et les souillures, le regard impassible pour bouclier la cuirasse reprend ses quartiers.

Si le destin t'a mise sur ma route, tant pis pour toi... Sad se tourna vers la porte que dissimulait l'alcôve de pierre et se risqua à remonter son lourd loquet... Surprise, elle était ouverte.

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Les murs ont des oreilles, mes oreilles ont des murs... Spiritu Sanguis.
Baile
Dans le regard que l’inconnue lui adressa, elle avait la désagréable impression d’être pesée, soupesée, pour finalement être rejetée sur l’étal du fruitier parce que pomme trop jeune, ou poire pas assez juteuse, quantité que l’on juge négligeable et qui nous désintéresse. Et ça l’agaçait. Elle se demandait pourquoi elle demeurait encore là, pourquoi elle insistait, quand visiblement on ne voulait pas d’elle, pourquoi elle ne tournait simplement pas le dos et laissait la femme se débrouiller, toute seule comme une grande, avec ses démons. Le rire qu'elle lui lança à la figure lui donna simplement l'envie de la gifler pour la faire taire.

Elle avait l'habitude qu'on ne la prît pas au sérieux notamment lors des premières rencontres. Mais cela ne l'avait jamais dérangée avant ce soir. Caméléon de la vie et des relations, elle laissait les autres croire ce qu’ils avaient envie de croire, voir ce qu'ils avaient envie de voir, et elle restait tapie dans l’ombre qu’elle maitrisait, attendant simplement le moment propice pour intervenir. Car quand quelqu’un se trompe sur votre compte, c’est un avantage si et uniquement si vous savez contenir votre fierté et vous taire, en attendant le jour où votre meilleure connaissance de l'adversaire deviendra un atout et portera ses fruits.

Seulement, la sérénité et la calme lucidité étaient loin de guider les réactions de la jeune capitaine en cet instant. Son orgueil était touché, irrationnellement. Pourquoi restait-elle donc, quand tout l’invitait à dégager d’ici ? Elle ne cherchait pas de sensations fortes en demeurant près de cette femme. Elle avait connu ce monde de la nuit et des éternels coups fourrés, et c’était volontairement qu’elle en était sortie. Ce n'était même pas l'envie de coucher avec cette inconnue qui induisait ses actes non plus.

Lorsque la brune la regarda et lui répondit enfin, une phrase qui n’expliquait pas grand chose pour qui ne la connaissait pas, et qui la remettait simplement à sa place d’étrangère, elle comprit pourquoi elle n’avait aucune envie de renoncer, là. Cette femme avait des yeux d’un noir insondable, d'où se dégageaient une force et une vulnérabilité qui prenaient aux tripes et les tordaient sans vergogne. Ils lui rappelaient étrangement ceux d’une rasée que le destin avait également mise sur son chemin en Alençon, mais qui, contrairement à l’inconnue de ce soir, avait donné à la Baile le sentiment incroyable d’exister, rose au milieu d’autres semblables et pourtant unique au monde. Et si elle acceptait sa défaite ce soir, si elle n’insistait plus et s’éloignait de la femme qui ne prêtait déjà plus attention à elle, alors non seulement l’histoire s’arrêterait là, mais dans sa tête, la symbolique ferait que c’était la seule zokoïste qu'elle aimait qui se serait moquée d’elle, qui se serait joué d'elle, et ce sentiment lui était intolérable.

Elle ne répondit donc pas, observant l'étrange fugitive. Tandis que cette dernière tentait d'ouvrir la porte et y réussissait, la Baile fit un pas en arrière et tourna la tête dans toutes les directions. Ne voyant plus ni âme qui vive ni inquiétant éclat, dans la rue ou sur un toit, elle se retourna prestement et, posant la main sur le panneau de bois, les seins presque collés au dos de la femme, elle poussa la porte un peu plus tout en glissant un Je reste ici, à l'oreille de la brune.

Tu as vécu tout ce temps sans avoir besoin de moi, et moi non plus je n'ai pas besoin de toi. Mais tu m'attires, et pour l'instant, je contrôle mon dérapage dans l'abîme de tes yeux. Je me fiche de tes mots. Franchissant la porte et s'avançant un peu plus dans l'obscurité de la bâtisse, elle se tourna vers l'ombre à ses côtés. Elle hésita à parler. La précédente réponse laconique lui avait fait comprendre qu'elle ne devait plus poser de questions. Aussi, se contenta-t-elle de dire.

Si ça t'intéresse, j'ai habits neufs, armes et nourriture dans une auberge à quinze minutes d'ici.



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Sadnezz
L'obstination incarnée, cette fille avait le diable au corps. Corps qui d'ailleurs, au contact trop froid du sien avait su lui arracher un tressaillement sorti du fond des tripes, un de ceux qui font s'hérisser les poils et retrousser les babines... Mais le froid excusa le geste, et la Corleone ne s'en dégagea pas. Le froid... Oui, la belle excuse. Mais là n'est pas encore le coeur de l'histoire. Les pupilles sombres vinrent manger les prunelles lorsque la pénombre s'empara des deux corps avançant à tâtons, mais la vision de l'italienne s'acclimata rapidement à son nouvel environnement. Passer de la rue de nuit au noir d'une pièce était d'une douce transition, et le silence qui les entourèrent toutes deux ajouta au moment une intimité toute offerte... Que les mots glissés dans son dos rendirent d'autant plus palpable.

Oui, je le sens bien que tu me suis. Et où vas-tu? Où crois-tu me suivre? Sad elle même n'en savait rien , et espérait juste que le rez de chaussé donnait sur une échappatoire. Le vent s'était levé dehors presque brutalement, où alors dans le tumulte silencieux de leur manège à demi dissimulé elle ne l'avait pas remarqué. Les légers sifflements qui en résultèrent donnèrent à la maisonnée une atmosphère étrange et sonnèrent le début d'une traversée plus franche de l'endroit.

Doucement mais sûrement, elle reconnut le spectre d'un escalier, et sur sa gauche un corridor. A priori l'étage était de pièces à vivre, mais là où les deux ombres progressaient il n'y avait nulle âme qui vive. Rasant le mur, elle avança jusqu'au bout du couloir étroit, bien plus long que ce qu'elle avait cru percevoir... Une lourde porte de bois, reconnaissable d'un coup d'oeil et d'un coup de nez... Une bergerie.

Sad entra, comme le loup s'introduit dans l'antre du carnage et la chaleur animale qui vint lui caresser le visage fût presque aussi plaisante qu'un bain chaud un soir d'hiver. Les maisonnées de ce genre possédaient agneaux et brebis plein pied sur une cour, par où les longs troupeaux partaient s'offrir au long et périlleux chemin des transhumances. Les cour communes voyaient toute l'année les gosses jouer aux osselet, les cochons se faire étriper et les chevaux se faire panser... Le banal spectacle de la vie quotidienne.

Elle se fraya un chemin entre les lainages épais et les mangeoires de bois, repoussant lentement çà et là les bêtes les plus paresseuses à céder la place. Par chance, nul chien pour venir les accueillir, déjà la porte de sortie sur l'arrière cour lui tendait les bras. Et juste à son seuil, l'unique gardien trônant sur deux pattes éveillées pour deux endormies... Le sésame. Un gros trait qui avait depuis bien longtemps relevé les oreilles, attentif et faussement indolent.

Sad vint ouvrir la porte, ce qui fit fuir légèrement la masse laineuse vers le fond de leur chaude maisonnée, et vint agripper avec force la crinière de la bête. Un sinueux courant d'air froid agita ses cheveux corbeaux en s'engouffrant par l'entrée nouvelle... Elle murmura sèchement entre ses dents dans l'effort, bien décidée à faire sortir l'imposant de la bergerie.


Aides -moi... Nous serons plus vite arrivées s'il se décide...


Un aveu pour une évidence, dans son état au vu de la situation il était l'heure de ravaler sa fierté et de s'inviter chez la fille... Pourvu que son fessier trop lisse sache monter à cru.
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Les murs ont des oreilles, mes oreilles ont des murs... Spiritu Sanguis.
Baile
Elle n'avait pas râlé, elle n'avait pas dit non. La Baile était fière de son illusoire victoire, presque comme une gamine. Un sourire vint s'installer aux coins de ses lèvres pendant quelques secondes, le temps pour elle de suivre l'étonnante inconnue un peu plus avant dans la maisonnée. Puis rapidement, la nuit et les mystères de cette femme reprirent le dessus, ramenant sur son visage la concentration nécessaire pour rester vigilante devant cette fuite qui n'était pas un jeu.

Elle marchait sur les talons de la brune, observant machinalement le petit chemin qu'elles empruntaient, une main serrant par réflexe la garde de son épée. Pénétrant la bergerie à sa suite, elle se retrouva brusquement plongée, madeleine de Proust par anticipation, quelques dix ans en arrière quand ses parents l'avaient cachée dans leur bergerie à eux, afin qu'elle échappât aux yeux des soldats de l'Inquisition venus la chercher après qu'elle eût été dénoncée pour comportement contraire à la religion et la loi d'Aristote tout ça... Les yeux fermés, elle entendait à nouveau les hurlements de sa mère tandis que les hommes de Dieu frappaient son père à mort parce qu'il avait eu l'outrecuidance de se mettre en colère contre eux.

Elle ne s'était pas levée, n'était pas allé leur porter secours. Tapie entre deux moutons, recroquevillée sur son corps de presque femme, elle avait attendu que cessent les bruits et que disparaissent les intrus, sans que personne ne vienne fouiller son refuge. Alors seulement elle s'était levée et était revenue dans la maison qui jouxtait la bergerie. Sa mère n'était plus là, et son père gisait dans une mare de sang, le visage et le corps tuméfiés. Elle était restée près de lui de longues minutes, jusqu'à ce qu'il meure. Ses yeux portaient la plus grande tristesse du monde alors qu'il lui disait les seuls mots qu'il avait jugés importants en cet instant. Pars et ne reviens jamais.

Non, elle n'aimait pas les bergeries. Elle soupira et ouvrit enfin les yeux, les posant sur l'inconnue qui lui tournait le dos. Aide-moi. Ces mots la sortirent de sa léthargie et elle s'avança vers le canasson. Elle se mit à côté d'elle, son épaule effleurant la sienne, et ce contact la fit frissonner malgré elle. Evitant de regarder la femme, elle ne bougea cependant pas, prolongeant la sensation de sa peau frôlant la sienne. Le visage crispé par un mélange d'émotions contradictoires, elle donna une tape sur la croupe du cheval, qui finit par se lever. L'agrippant immédiatement par la crinière à l'instar de sa future compagne de chevauchée, elle posa la joue sur son flanc et regarda sa voisine, souriant légèrement.

J'vais monter devant, hein? Je connais la route, puis ça t'évitera d'avoir peur que j'te frappe par derrière.

Joignant le geste à la parole, elle tira d'abord l'animal à moitié à l'extérieur puis se hissa en deux fois sur le dos de la monture, sans relâcher la crinière. La bête se révéla docile et accepta sa nouvelle charge sans broncher. Tournant la tête vers la femme encore à terre, elle tendit la main plus symboliquement qu'autre chose.

Tu viens? J'sais pas qui te poursuis, mais dans moins d'dix minutes maintenant, on s'ra à mon auberge. J'espère que t'y trouveras ce dont t'as besoin...

L'idée que cette inconnue pouvait être pourchassée pour des raisons bonnes et légitimes ne l'effleurait même pas. Elle avait lu dans ses yeux un univers de souffrances, et dans sa façon empirique et empathique d'appréhender les humains, la Baile avait décidé que c'était la brune qui avait raison.
Tout était maintenant prêt pour le départ. Elle talonna doucement le trait et lui imprima une allure modérée. Il n'était pas question de perdre du temps en le faisant marcher, mais ce n'était pas la peine non plus d'éveiller d'éventuels soupçons en galopant à bride abattue dans les rues de la capitale à cette heure-ci de la nuit... Se retournant, elle lança à voix basse.

C'est tout droit, une rue à gauche, deux à droite et une dernière à gauche.

Largement de quoi faire de mauvaises rencontres, mais également de longues minutes à profiter encore de la proximité de cette femme qui la fascinait...

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"I have never seen a wild bird feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself."
--Umbre


Voilà qui ressemblait fort à une complice. En assistant au début de l'échange, Umbre avait pensé que les deux femmes ne se connaissaient pas... la seconde s'était comportée comme si elle ne faisait que rendre quelque chose qu'une inconnue avait laissé tomber par mégarde. Elle ne s'était cependant pas arrêtée à cela et avait engagé le dialogue. Il n'était hélas pas assez près pour entendre tous les mots, et ne captait que des bribes de phrases. Ne pouvant pas traverser la rue pour se rapprocher comme si de rien n'était, il dut de contenter d'observer.

Rapidement, elles avaient commencé à marcher. Au moins étaient-elles plus faciles à suivre ensemble, à deviser à voix basse, que la Corleone seule, lorsque le moindre bruissement d'air la mettait sur ses gardes. Elle était forte, il devait bien lui reconnaître cela. La preuve, il sentait qu'elle se savait suivie, malgré toutes les précautions qu'il pouvait prendre. Étonnamment toutefois, cela ne lui avait pas compliqué la tâche, au contraire : la peur était mauvaise conseillère, et elle coulait dans les veines de l'Italienne. Il n'était sûrement pas facile pour une prédatrice de devenir la proie d'un chasseur invisible... et invisible, le vieil espion savait l'être. Davantage que le groupe de miliciens qui déboula d'une ruelle voisine, en tout cas.

En connaisseur, il put apprécier à sa juste valeur la promptitude de la réaction de Sadnezz. Elle et sa complice disparurent en un éclair, dans le renfoncement d'une porte, probablement. Umbre profita de cette diversion opportune pour se rapprocher, regagnant l'abri des ombres dès que les bruits de bottes de la patrouille s'estompèrent. S'il avait été un tout petit peu plus âgé, il n'aurait pas entendu le cliquetis du loquet. Il faudrait décidément qu'il songe à prendre sa retraite. Mais pour l'heure, cet imprévu ne l'arrangeait pas, se risquer dans une planque était trop risqué à son goût. Sauf s'il ne s'agissait pas d'une planque... bien sûr ! Elles n'auraient pas attendu le passage des miliciens si elles avaient été en terrain connu. Fort de cette certitude, l'espion attendit quelques secondes avant de risquer un oeil par la porte. Même pas fermée. Oui... Corleone puait la peur.

Entrant à son tour, il prit soin de refermer derrière lui. A droite, un escalier... à gauche, un couloir. Il prit le couloir. Plus long qu'il ne l'aurait imaginé, et débouchant dans une bergerie. Les bêtes ne dormaient plus, et s'entassaient, apeurées, à l'opposé d'une porte ouverte par laquelle filtraient les claquements sourds des sabots d'un cheval sur le pavé. Voilà que les choses se corsaient. L'espion pesta dans sa barbe et sortit précipitamment, juste à temps pour apercevoir les deux fugitives disparaître sur un gros canasson au coin d'une rue.


Mon vieux, c'est le moment de te secouer les puces...

Son seul espoir était qu'elles n'aillent pas trop loin, car il n'était plus capable de courir le marathon depuis quelques années. Foulées souples, respiration régulière... et petits jurons bien sentis de temps en temps. Une rue, deux rues, trois rues, et chaque fois il ne les rattrapait que pour les perdre de vue. Mais il s'accrochait. Il n'avait jamais été semé, et cela ne commencerait pas ce soir.
Sadnezz
Portées par la lente et pourtant puissante allure de l'animal, l'auberge fut vite en vue. Les volutes vaporeux que recrachaient ses naseaux dilatés se joignirent aux leurs, toutes deux la tête dans l'air froid de la nuit. La cadence qui lie les deux corps est indolente et langoureuse , et lorsqu'elle prend fin c'est presque encore la terre qui ondule sous le premier pas posé à terre.

L'animal est abandonné, la porte poussée à la hâte. Vide, il est bien tard pour hanter les lieux. Regard à l'inconnue... Je te suis, hâte toi. Une main vient fermement tirer les liens qui retiennent avec grand peine ses défroques, un long frisson lui taquine l'échine.

L'esprit aussi aiguisé d'épuisé, un lit n'est pas superflu. Et si elle avait menti? Si elle était avec eux? Sad palpe l'ambiance morne en silence, darde le doute au visage de sa voisine et attend presque sagement un geste en guise de démenti.

Et maintenant... Qu'allons nous faire?

Tu me suis, je te suis... Et maintenant...?

La faim lui vrille l'estomac, les vapeurs d'opium n'ont jamais rempli le ventre. Sa gorge s'est faite sèche, sa voix s'y est même tarie. Montre moi le chemin, je te dirais qui tu es... Ou peut-être qui je suis.

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Les murs ont des oreilles, mes oreilles ont des murs... Spiritu Sanguis.
Baile
Elles n’avaient pas rencontré âme qui vive sur le parcours, et la vigilance de la Baile s’était transformée en lent éveil des sens, le corps de celle à qui elle crevait d’envie d’enfin donner un nom lui procurant de familières sensations. Sitôt arrivées, la fugitive s’était engouffrée dans l’auberge, et la jeune femme l’avait suivie, non sans avoir pris quelques secondes pour faire détaler la monture, en espérant qu’elle retrouve le chemin de sa demeure, car les bêtes, pour la Baile, ça restait quand même sacré.

Immédiatement, la chaleur encore présente dans la petite bâtisse lui fit du bien. Ses cuisses étaient glacées et brûlantes mais elle avait oublié le froid dans l’effervescence des événements. Surprenant le regard plein d’interrogations de l’inconnue, elle répondit spontanément par un sourire. Un étrange pincement lui vrilla les entrailles. Ce n’était plus juste une bête traquée qu’elle avait en face d’elle, mais une femme fatiguée et dont l’âge commençait à se révéler, maintenant que dans sa fuite elle avait fait une halte… L’envie irraisonnée de la toucher, comme pour l’apprivoiser et lui signifier qu’elle était prête à la protéger si elle le voulait, lui fit tendre la main vers l’avant, qu’un bienheureux réflexe transforma en un geste vers l’étage.

Là-haut, dit-elle sobrement, avant de retirer une clé de derrière un comptoir vide, et de grimper rapidement les escaliers qui menaient à sa chambre d’une nuit. Elle ne tourna pas la tête une seule fois, sachant que si la méfiante inconnue lui avait fait confiance jusqu’à présent, elle ne renoncerait pas maintenant que la promesse d’un regain de force était à portée de main. Et quand elles furent toutes deux à l’intérieur, la Baile referma la porte à clé et lança, sur un ton à la fois sérieux et cherchant à détendre un tant soit peu l’atmosphère

Comme ça, ça nous laisse un peu de répit !

Elle avait utilisé le nous en toute conscience, le message « je suis avec toi » se voulant direct et non subliminal, puis s’activa à préparer ce qu’elle avait promis. Elle sortit d’abord de sa besace des braies et une chemise propres, qu’elle posa sur le lit, puis plaça à côté d’eux un pain et deux morceaux de viande séchée.

Voilà, pour commencer.

Se relevant, elle se dirigea vers la chaise où elle avait posé en vrac armes et cape brodée aux couleurs de la Commanderie, avant d’aller à la Rose. Tournant le dos à l’inconnue pour ne pas la brusquer par son regard, elle s’affaira à plier l’habit qu’elle ne porterait pas ce soir, l’esprit tout entier attentif à ce que ferait la femme derrière elle.

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"I have never seen a wild bird feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself."
Sadnezz
L'ascension silencieuse s'était achevée dans une chambre spartiate, mais quatre murs et une porte fermée a clef aurait même suffit à satisfaire l'italienne qui s'adossa au mur des la serrure fermée. Le papier gras aux fenêtre ne permettait à personne de voir ce qu'il pouvait bien se tramer à l'interieur, et au premier étage elle se dit qu'aucun fol ne viendrait la dénicher de sitôt...

Un peu de répit avait-elle dit, un peu de répit... Le répit ne viendrait qu'avec le soleil matinal, le répit était un aura diurne qu'il fallait savoir saisir au bon moment. Pour l'heure, le danger était toujours là, tapis dans l'obscurité quelque part. Elle avait appris à ne pas l'oublier, surtout quand la nuitée s'appliquait à le dissimuler de ses ombres.

Elle s'était déjà fait rattraper par une assurance surfaite, lorsque dans le néant de la nuit personne n'avait su entendre ses hurlements et ses cris d'horreur. Les râles aussi étaient passés inaperçus, tout comme l'ichor qui s'est déversé sur toute la durée d'un soir. Depuis, elle préférait presque trouver repos le jour, et basfonder avec alerte l'autre versant du temps.

Elle ne releva donc pas l'utopique déclaration de l'inconnue, et laissa son corps réagir lentement à la chaleur qui l'enveloppait. La chaleur de la Rose, du corps de l'Araignée, le froid de la rue... Chaleur d'une bergerie, froid de la brise hivernale, et une fois de plus la douce caresse d'une chambre chaude. Les écarts de températures l'avaient certainement déjà affaiblie, sa peau tannée se laissa mordre par une fine chair de poule.

L'éclat de l'iris sombre scintilla lorsque les vivres furent déposés sur la couche, l'animal affamé à qui l'on tendait pitance savait toujours ranger son agressivité... Du pain à l'affublement, Sad se pressa. Les mains se saisirent des vêtements et sans trop prendre la peine de regarder ce que faisait la jeune femme, s'enquirent de mettre à nue la peau marquée. Les restes d'étoffes furent vite jetés au sol, plus bon à couvrir grand chose.

Le corps de Sad parlait pour elle, pour peu que ses amants eurent envie d'en savoir plus... Dans son dos la mutilation, sur ses traits l'histoire d'une vie remplie. Tournant le dos à son hôte, elle se baissa et enfila les affaires propres et fraîches qui lui étaient offertes. Peut-être pas offertes d'ailleurs, mais Sad ne s'en soucia pas. Braies réajustées, et le plaisir de sentir de nouveau sur elle quelque chose qui tenait la route.

La chemise vint à son tour, cacher la brûlure et les chairs sillonnées pour enfin laisser la Corleone se retourner. Manquait une pièce de taille, qu'elle ne se gêna pas de mander.

T'as pas.. Un corset?


Car le corset sans être objet de coquetterie était vaguement indispensable pour le bien être de l'italienne... Enfin, de sa poitrine surtout. Elle était femme après tout, elle devait bien en avoir un de plus..

Puis se nourrir, apaiser la nausée qui l'avait soudain envahie, elle n'eut que ça en tête, et elle opéra un beau massacre dans la carne sèche qui ne fit pas la fière longtemps. D'ailleurs, la brune en oublia même un instant qu'elle était épiée...

...Car le regard d'une façon bien peu explicable, se sent toujours quand il vous courre dans le dos.

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Les murs ont des oreilles, mes oreilles ont des murs... Spiritu Sanguis.
Baile
Au début, elle n'avait pas pensé regarder. Au début, elle voulait juste apprivoiser la bête. Se concentrer sur les armes parce que le danger avait l'air d'être sérieux. Se demander quelle serait la suite des opérations. Imaginer ladite suite. Penser rationnellement comme le ferait tout personne sensée et aguerrie. Au début... Mais à peine eut-elle entendu le froissement des vêtements retirés, que le début prit fin, et elle tourna lentement la tête. La main gauche se resserra instinctivement sur le tissu de la cape, tandis que la droite tombait doucement sur le genou posé au sol. Les dents prirent appui sur la lèvre inférieure et commencèrent à la martyriser. Les yeux, eux, s'étaient fixés sur la croix imprimée dans la chair et ne la quittaient plus.

Le souffle court, elle restait là, assise sur ses talons, impassible en apparence mais remuée jusqu'au plus profond d'elle-même. Fascinée par l'histoire infinie contenue dans la chair meurtrie, elle finit par fermer les yeux, juste un instant, presque en apnée. Quand elle les rouvrit, la vision avait disparue, l'histoire avait été temporairement célée par la chemise que la brune finissait de lacer. Alors la main sur la cuisse rejoignit promptement la chaise et la cape salutaire, et les yeux se détournèrent, pudiques mais irrémédiablement touchés. La lèvre, elle, eut brutalement un goût de fer quand la voix de l'inconnue la transperça comme si elle l'avait prise sur le fait. Un corset, bordel.... La demande incongrue... La Baile ne répondit pas de suite, reprenant d'abord ses esprits et se morigénant de son comportement presque suicidaire. Elle avait regardé en arrière, elle ne s'était pas transformée en statue de sel, certes, mais quelque chose venait de se déclencher en elle.

Elle avait envie de cette femme, de son histoire, du corps qui portait cette histoire. Qu'elle ait volé, qu'elle ait tué, qu'elle ait torturé, elle avait envie de ses yeux, des blessures qu'ils portaient, en eux et même aux autres... Une main se posa sur le front, le massant doucement, avant de glisser dans les cheveux. Soupirant lentement, elle se retourna pour enfin lui répondre. Mais l'inconnue ne l'avait pas attendue, et terminait déjà son frugal repas. Se relevant, la jeune femme alla s'asseoir sur le lit, près de celle qui ressemblait étrangement à son invitée, en cet instant.

Désolée, je n'ai pas de corset ici, ni même sur moi...

Elle passa la langue sur sa lèvre fissurée, en réaction à l'absurdité des mots qu'elle prononçait face à ce qu'elle ressentait.

Si tu y tiens absolument, j'te filerai les sous qu'il faut pour en acheter demain...

Vas-y ma Baile, enfonce-toi encore, t'en es plus à ça près... Bien sûr qu'elle lui donnerait l'argent, la raison n'était pas le propre de la jeune capitaine dans ce genre de situation... elle restait néanmoins étrangement maître de ses émotions, et c'est d'une voix on ne peut plus neutre qu'elle balança une série de questions qu'elle voulait pragmatiques, mais qui n'avait pour but que de garder un peu plus cette femme auprès d'elle.

Tu veux faire quoi là? Dormir? Repartir? T'as besoin d'une autre arme que ta dague? Tu veux manger encore? Reste du pain...


Et puis la dernière, la seule qui pouvait lui ouvrir encore une porte.

Et c'est quoi ton nom?....

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"I have never seen a wild bird feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself."
Sadnezz
Regard oblique à son hôte... Pas de corset. Bien une fille du tendron celle là, elle avait au moins la poitrine qui regardait au plafond pour se permettre ce genre de liberté. Sad avala sa dernière bouchée qui passa presque mal lorsqu'elle s'entendit proposer de l'argent pour... Demain?

Ha ma jolie, demain aux premières lueur je serais bien loin... Puis je n'ai pas besoin de ton argent, quelques minutes me séparent de ma Garçonnière où j'ai tout ce qu'il me faut...

Garçonnière bien vide ces temps-ci. Mais là n'est pas l'histoire. Elle était bonne la donzelle, presque trop. Sad qui pourtant était d'une nature amplement généreuse avec ses rares amitiés n'arrivait pas à se figurer un don pareil, à une pure inconnue.

Sa fierté pointa sous la langue, et elle répondit d'un geste vague, façon de lui faire comprendre qu'elle pouvait laisser tomber. Elle s'essuya les mains sur ses vieux habits déchiquetés, et soupira. A ses questions elle secoua successivement la tête. Dormir était honnis, repartir bien plus. Mis à part la dague, le reste de ses armes était resté à la Garce-Aux-Nières, bordéliquement rangé dans un coin. Question estomac, la Corleone avait mangé trop prestement, et une boule douloureuse se formait dans sa poitrine. Plus rien ne passerait.

Seule l'ultime interrogation pouvait être élucidée, mais une infime part d'elle même hésita. Vous savez, l'animal tapis dans l'esprit, celui qui montre les crocs et qui fait parfois s'envoler son sang froid. Il était rétif à toute forme de lien, même les plus fugaces. Donner son nom pouvait nuire, surtout à la vue des blasons que la gueuse avait feint de ne pas remarquer dans un recoin de la chambrine...

Elle était cherchée de ci de là, et se plaisait à se faire appeler Marianne ou Frénégonde lorsqu'on insistait pour connaitre son patronyme... D'un autre coté, elle lui devait bien ça, à son inconnue. Elle passerait le reste de la nuit au chaud avec l'estomac plein, et des vêtements propres... Regardant ses poulaines, elle lâcha l'essentiel.


Sad.

Bon, ça c'était fait. Maintenant, restait plus qu'à mander sans gêne contrepartie tout en s'allongeant mains sous la nuque.

Et toi, tu te nomme...?


Elle planta son regard inquisiteur dans celui de sa voisine, et haussa légèrement un sourcil. Cette fille avait du chien à bien la regarder...
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Les murs ont des oreilles, mes oreilles ont des murs... Spiritu Sanguis.
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