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[RP] Devant l'juge, vous f'rez moins l'malin

Kartouche
Mercredi 16 mars, dans l'après-midi

Trois coups frappés. Le juge sait déjà qu'un des gardes de son couloir attend derrière la porte. Le commis-greffier-porte-encrier est timide et frappe donc tout doucement, juste un coup. Le comte entre sans frapper. Et le procureur n'entre jamais. Les autres conseillers, on n'en parle même pas ; le magnifique Kartouche, en moins de deux (semaines) a déjà fait valoir sa réputation de prétentieux arrogant, ou d'arrogant prétentieux. Par conséquent, se farcir le Genevois à la table du conseil semble suffire à ses collègues.

«Entrez !»

Bien vu ! La porte qui s'entrouvre laisse apparaître un garde. En général, il passe le matin pour apporter un biscuit au juge, lorsqu'il prend la relève du garde de nuit, Kartouche ayant pris l'habitude de lui donner un écu pour se payer une prune à l'Astaroth ou chez les Bocans.


«Ah, Fernand, qu'est-ce qui t'amène ?
--M'sieur l'juge, c'est pour l'audience V'leureuh.
--L'audience quoi ?
--L'audience Veul'reuh, M'sieur l'juge
--...
--Mais oui, M'sieur l'juge. Vous s'vez, c'brigand qu'a dit que la procureur, la meugnonne qu'on'vait avant, elle fais...
(Sèchement)
--Dona Seleina de Neuville ! L'affaire Va-leu-reux... Et bien ?
--Ben, j'croyons que c'est l'jour du verdict, M'sieur l'juge.
(Temps de réflexion)
--Hmm, tu dois avoir raison, mon brave Fernand. Mais comment sais-tu cela, toi ?
(Air penaud)
--Euh... M'sieur l'juge, j'mexcusions, mais le graffieur cognait pas assez fort.

--Et il est là, le graff... le greffier ?
--Pt'êt ben...
(Précipitamment)
--M'sieur l'juge

(Semblant sortir de sa torpeur)
--Monsieur Kartouche, Mônsieur Kartouche... je devrais te le dire combien de fois, Fernand ? Qu'il entre...
--M'sieur l'juge, si j'pouvions m'permettre, moi, j'estions Jacquot.
(Soupir dépité)
--Forcément, ton frère parle mieux que toi... À se demander ce qu'a fichu de vous votre vieille. Mais quand même, qu'est-ce qu'il lui a pris, au chef, de me coller deux jumeaux ?»


Le juste Kartouche se saisit d'un parchemin sur lequel il griffonne quelques mots, pendant que le greffier entre sur la pointe des pieds. C'est un petit homme, voûté, au teint blanchâtre et aux yeux plissés, d'un âge indéfinissable. Il agite le papier sous les nez crochu du vieux fonctionnaire.


«Portez-moi ça en salle d'audience. J'ai décidé de reporter la lecture du verdict, j'ai un traité à terminer.
--Mais, votre Honneur, ils vont me tuer. Me découper en petits morceaux, me faire bouillir à petit feu, m'écorcher vif, me...
--Jacquot, escorte-moi ce pleutre jusqu'à l'escalier est et botte-le en-bas ! Et n'oublie pas de fermer la porte en sortant. Je ne veux plus être dérangé avant la réunion de ce soir...»


Le garde attrape le greffier par une manche et sort rapidement en refermant la porte. Lui aussi a appris qu'il ne fait pas bon ennuyer le juge. Même si ce dernier aime bien ses deux plantons, autrement moins crétins que son gratte-papier attitré.

Debout derrière sa table de travail, le songeur Kartouche inspecte son bureau, si l'on peut qualifier de bureau ce qui ressemblerait presqu'à un respectable salon parisien. Large et long d'environ trois toises, il est percé d'une porte massive en bois de chêne d'un côté, de deux larges fenêtres de l'autre. Elles donnent sur l'esplanade publique devant le palais comtal, lieu de prédilection pour les agitateurs politique ou les marchands d'onguents miracle. la porte est flanquée de deux grandes étagères qui montent jusqu'au plafond, remplies de codex et de vieux dossiers. À gauchet en entrant, une large cheminée consume à pleine flamme. Sur la tablette repose une petite statuette en or, représentant un lion ailé, d'à peine 10 centimètres de long.

Contre l'autre mur -à gauche en sortant, donc, le fantasque juge a fait installé un grand coffre : une toise et un pied de long pour une demi-toise de large. Fermé par deux volumineux cadenas, il contient la clé du secret de l'ingénieux Kartouche, toujours éveillé et toujours au travail. Lorsqu'il est fatigué, il l'ouvre et s'allonge sur la moelleuse paillasse qu'il renferme. Au-dessus, il aimerait bien accrocher un joli portrait de lui-même, par exemple sur le pied de guerre ou bien assis sous un chêne. Le problème, c'est qu'il faudrait trouver un vieil artiste qui peigne encore dans le style Philippe le Bel ou Saint Louis, histoire que son successeur croie à la véracité du témoignage historique fourni par l'oeuvre d'art et qu'elle soit laissée en place pour quelques années. Ça risque de ne pas être facile, dans ce Limousin à la pointe de la mode...

Pour finir, il va s'asseoir sur un des deux fauteuils disposés à quelques pieds de la cheminée, et entre lesquels se trouve une petite table sur laquelle sont posés quelques volumes, en vrac. Deux versions du coutumier, une copie sans enluminures du livre des vertus -copie un peu particulière offerte par son ami Sancte-, un exemplaire de la vita de Fra Dolcino, les
52 Articles de Genèves, la biographie de CMdT par Mephistophele, et d'autres encore. Il se saisit d'un nouvel arrivé dans sa pile de livres de chevet : Sur l'origine de la foi aristotélicienne, par un certain Lockarius d'Ambre.
_________________
Une lettre écrite par Kartouche est utilisable dans vos narrations ou par votre marionnette, si elle a pu se la procurer. A priori, la réciproque est vraie aussi.

Juge, double bourgeois, journaliste, reître...
Attila_caligula
- OUVREZ TAS D'LARVES!
Derrière la porte du Juge un ramdam infernal retentit. Quelquechose entre l'insurrection des têtes rondes, la bataille de Bouvines et la criée à Vannes. Des heurts, un juron, une claque suivie d'un autre juron plus étouffé et la porte s'ouvre pour laisser passer un des jumeaux suant et ahanant sous la charge d'un énorme caisson. Le garde entre a reculant, rouge sous l'effort, suivi de la caisse monumentale, avec à l'autre bout un autre jumeau tout aussi rouge, quoique sa joue droite tire davantage sur le violet.
Fermant la marche, le Vice Comte vicomte entre d'un pas altier, torse bombé et mine rayonnante.

- Aaaah cher Juge! Laissez moi entamer cette belle journée par une petite révolution.
Kartouche le Magnifique tourne la tête avec juste assez de lassitude pour trahir un émoi certain. En deux mots, un cil vibre légèrement.
- Posez... Levez!
Les deux jumeaux, au prix de rivières de sueur, exécutent la manoeuvre et la caisse frappée des aigles de l'Imperium se dresse bientôt au centre dela pièce.
- Kartouche! Voici... la modernité! Il est temps de passer à l'époque des scientifiques, de la justice scientifique, de la science scientifique! Une révolution vous dis-je!
Le cil reprend sa torpeur flegmatique et une pointe d'impatience fait maintenant vibrer une narine Helvète. Néanmoins (ah ah) le vicomte poursuit son monologue de bateleur sans se démonter.
- Imaginez les prévenus dans d'immondes cachots, sombres, humides, aux voùtes trop basses. Imaginez les efforts surhumains que doit fournir le Procureur, son greffier, ses assistants, pour recueillir les aveux du coupable! Imaginez le parchemin trop humide pour y coucher les minutes de l'interrogatoire, sans compter la lumière trop mauvaise pour les yeux, les rats -vous ai-je déjà parlé de ma sainte horreur des rats?- gros comme des chats, de l'exiguité des lieux peu propice à l'exercice d'un interrogatoire rondement mené...
L'évocation puissante de la scène ne semble pas émouvoir le Juge Kartouche, qui en a vu d'autres, mais retient vaguement son intérêt.
- Le bas Moyen âge a certes du bon... mais là je m'insurge, je ne peux exercer dans de telles conditions qui nous renvoient au statut de bêtes!
Petit silence un peu théatral.
- Voici la solution!
Nouveau silence accompagné d'un vaste mouvement du bras vers la caisse majestueusement plantée sur le parquet.
- La MACHINE!
Nouveau silence, un peu gêné cette fois devant l'incompréhension apparente du Juge.
- La Machine Teutone voyons! Kartouche! Ca vient d'une de leur ville barbare.... un nom en "...berg". C'est tout récent. Ce que je vous propose là, mais c'est la révolution de l'interrogatoire. Les aveux couchés noir sur blanc aussi sûrement que le Pape n'a pas de boulettes. Un rendement infernal, à faire pâlir Lucifer lui-même! Des dossiers refermés sitôt ouverts. Des cohortes de prévenus reconnus coupables avant même d'être reconnus par leurs parents! De quoi faire crever le bourreau à la tâche. L'intruction à la chaîne! On appelera ça l'Attilation de la Justice.
Silence froid et immobilité hiératique du Juge toujours dans son fauteuil mais fixant d'un oeil hostile la caisse qui dénature lemobilier cossu du bureau.
- .... et qualité teutone!
Kartouche
Deux secondes. Il aura fallu deux secondes entre le hurlement de contremaître lancé depuis derrière la porte et l'ouverture de cette dernière. Elles suffirent toutefois au flegmatique Kartouche pour deviner l'identité de son visiteur.

Assis dans celui de ses deux fauteuils qui était devenu son favori, il observait les flammes danser en face de lui. Ou plus précisément, son regard vide semblait fixer l'âtre flamboyant pendant que son esprit se penchait sur un problème épineux qu'il ne savait pas par quel bout empoigner. Autant dire que l'arrivée du vicomte le prit au dépourvu, au bord de la transe méditative. Un sourire bienveillant, et une écoute attentive.


«Vous connaissez Cerise ?»

La question est posée par le froid juge -euh...- à la fin du discours d'Attila, sans autre forme d'introduction. Persistance de sa longue et profonde réflexion interrompue par l'arrivée du vicomte, le changement d'expression qui s'effectue sur le visage du journaliste ne laisse aucun doute sur le fait qu'il n'attend pas de réponse. Comme s'il sortait d'un rêve.

«Bonjour, cher procureur. Venez donc vous asseoir avec moi autour d'un godet d'Armagnac, et expliquez-moi tranquillement ce qu'est votre trouvaille... Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi.»

De la main droite, il montre l'autre fauteuil, exacte réplique de ceux qu'on doit pouvoir trouver dans tous les bureaux du conseil, tandis qu'il jette un regard au premier des deux gardes, lui faisant comprendre qu'il doit amener de quoi se rincer la gorge. En moins d'une semaine, Kartouche n'a pas chômé pour transformer les plantons de son couloir en véritables intendants. Reste plus qu'à leur apprendre à écrire, et puis il pourront remplacer ce fichu greffier. Le garde s'empresse de sortir le volumineux Codex Champenois de la bibliothèque -- un prédécesseur quelque peu illuminé devait avoir eu l'idée de tenir une bibliothèque de droit comparé, et la présence de quelques épais volumes jamais sortis avait du bon ; derrière la loi champenoise se trouvent quelques godets et deux ou trois flacons d'Armagnac, le code du Languedoc, plus épais encore, sert à cacher du jambon de Bayonne ou bien une viande séchée, et la Ius Burgundiae recèle quelques crus bordelais ou angevins -- et fait donc miraculeusement apparaître les indispensables. Le juge reprend la parole, pendant que deux verres sont servis sur la petite table de son "salon", à côté des livres de divertissement du bourgeois Kartouche.

«Votre machine, si je comprends bien, serait une sorte d'engin magique capable de pousser n'importe quel quidam à confesser meurtres, sorcelleries et actes sodomites, c'est ça ? Je dois vous avouer que ça ne m'avance pas à grand chose, je suis plus souvent en chaire que dans les cachots. Les enquêtes, ce n'est pas moi, c'est vous ou votre blonde. Franchement, j'aurais préféré que vous m'apportiez un ingénieux système qui permettrait de décoller un vilain sans avoir besoin d'un bourreau. Un genre de billot automatique. J'ai un condamné dans les tuyaux, mais personne pour l'exécuter...»
Attila_caligula
Un peu refroidi par l'enthousiasme délirant du Juge... pour sa bibliothèque, mais pas encore réduit à merci, le Leu arpente le bureau a grands pas et regarde distraitement les rayonnages. MMmh beaucoup d'épais textes de lois et Oh oh! "Cantica amatoria", 'La Pastourelle", un recueil d'"Invitatio amicae" et là, un chef d'oeuvre "De rerum natura" de Lucrèce. Les doigts du vicomte feuillètent avec fébrilité les riches enluminures et l'oeil jaune devient égrillard, lubrique, la face hilare libidineuse en passant sur les considérations très personnelles du philosophe sur l'amour charnel, et leurs illustrations. Pour ensuite s'arrondir des yeux et de la bouche quand est abordée la mortalité de l'âme et du corps et l'ataraxie qui fait si peur aux calotins.
- Je vous l'emprunte celui-ci... je pensais qu'on brulait chaque exemplaire et son propriétaire...
Le manuscrit claque en se refermant et disparait dans une poche aussi profonde qu'un rectum de capucin, rejoignant le bréviaire du vicomte, les lettres d'Héloïse et Abelard.
-DONC!
La voix retentit à nouveau claire et tonnante. Un pied de biche apparait miraculeusement dans les pattes du Vicomte et le voici qui fait grincer planches et clous.
- Laissez moi vous présenter le dernier cri en matière de criminologie...
Rrrrrran!

L'explosion d'échardes et de débris révèle le contenu de la caisse, une statue massive d'acier, aux courbes sensuellement féminines, merveilleusement finie à la peau de chamois pour un lustre impeccable.
- Ma Dame de Fer! Directement arrivée des forges impériales et honteusement oubliée à Droux, chez Mère, d'où je l'ai exhumée pour notre plus grand avantage.
Contemplez de vos yeux ébahis ces merveilleuses lignes soulignant des formes assez généreuses pour se refermer sur le plus gras des délinquants!
Admirez ce mysterieux système de loquet astucieusement logé dans le... la ... enfin ici là!
Pleurez en louant l'ingéniosité des criminologues teutons qui ont placé les boutons commandant les ressorts des pointes intérieures sur ces tétons fiérots et joufflus.
Rendez grâce en notant les orbites évidées qui laissent voir le regard saisi d'effroi du client au moment où le couvercle se referme avec son "Clong" joyeux.
L'avenir est en marche, le futur à notre portée, voici venue l'époque où l'on rendra la Justice en prenant du bon temps! La Question Ordinaire avec enthousiasme! L'Extraordinaire avec extase!


Encore un silence.

- Et j'ai le modèle réduit pour enfants!
Kartouche
Le juge n'a même pas le temps de lâcher au cleptomane vicomte «Faites donc !» que celui-ci fait exploser la caisse, qui, avouons-le, en jetait pas mal avec les aigles frappant ses côtés. Il s'est levé pour observer la machine de plus près, pendant qu'Attila expose les unes après les autres les qualités de sa dame de fer.

«Charmant... et ces finitions. On dirait du travail d'Helvète. Je gage qu'avec cet engin, vous n'aurez aucune peine à recueillir confessions et aveux. Rome devra nous jalouser... c'est tellement inhumain.»

Sourire narquois.

«Heureusement que je n'aurais pas à m'en occuper. Vous prendrez un verre avant de partir, ou bien vous mettez sur-le-champ votre appareillage à profit ? On m'a dit qu'il y avait quelques vilains en attente de jugement.»
Kartouche
Le grand conciliabule entre le procureur et le juge est interrompu par trois coups frappés à la porte. Le greffier, cette fois. À l'injonction d'entrer lancée par le magnifique Kartouche, il entre, pas changé d'un cheveu par rapport à la veille. Toujours blanchâtre, toujours voûté, toujours poussiéreux.

«Votre honneur, une lettre pour vous.
--Pour moi, ou pour le juge ?
--Je ne sais pas. Ça vient de la vicomtesse de Té...
(Coupant brusquement)
--Oui, c'est bien pour moi. Apportez-la... Et pendant que j'y pense, il y a sur mon bureau une lettre pour la Guyenne, vous la ferez expédier au plus vite.»

Au grand dam du curieux Kartouche qui se retient à grand peine de se frapper le front de dépit, le greffier-secrétaire-homme-à-tout-faire va cherche le courrier à envoyer avant de lui donner la lettre qu'on lui a envoyée. Lorsque celle-ci arrive finalement entre ses main, il l'ouvre rapidement tout en affectant un désintérêt surjoué. Sa lecture, qu'il ponctue de Ah ! d'appréciation et de Oh ! d'étonnement, il lâche posément un commentaire laconique, avant de replier la lettre et de la glisser distraitement dans son pourpoint.

«Eh bien, que de bonnes nouvelles.»
Kartouche
[21 mars, au bureau]

Plongé dans le dossier Valeureux, pour lequel il est plus que temps de rendre un verdict, le suprême Kartouche n'entend pas les coups frappés à la porte. Il faudra trois tentatives au greffier avant que ne retentisse à travers la porte close un las «Entrez !»

«Monsieur le juge»

Un sourire de contentement s'étale sur la face du journaliste. Il n'y a pas à dire, ça en jette.

«Bonjour mon greffier... quoi de neuf ce matin ?
--Vous êtes convoqué, messer le juge. Le procureur ouvre une audience.
--Fort bien. Je me demandais quand j'aurais le plaisir de voir ce bon Attila plaider... Curieux, j'étais bien curieux.»

Il se frotte les mains, se réjouissant par avance de l'amusement que ne manquera pas de lui procurer l'infatigable vicomte. Le sourire s'élargit encore un peu. Il embarque les copies des dossiers en attente d'instruction avant de sortir de son bureau, suivi par le greffier. Dans le couloir, il discute insoucieusement avec ce dernier.

«Alors, est-ce pour une de ces histoires d'esclavagisme à Guéret ?
--Je ne crois pas, messer le juge.
--Du brigandage, peut-être... Paraît que ça dépouille sévère sur les routes, en ce moment. On aura peut-être fini par en attraper un.
--Je ne crois pas, messer le juge. Le vicomte a dit que c'était pour le comte...
(L'interrompant, agacé)
--Oui, sans doute que sa Grandeur lui aura tirer ses esgourdes pointues, inerte qu'il était, et qu'il se sera finalement mis à traiter ses dossiers. Peut-être pour ce récalcitrant qui doit 3000 écus à la mairie de Tulle...
--Je ne crois pas, messer le juge. Il était plutôt question de haute trahison.
--Par les moustaches d'Izaac ! Aurait-il fait un truc pareil ?»

Le juge s'arrête et fixe sans le voir le tableau suspendu à gauche. Il représente une bataille au pied du château... 1457 ? 1458 ? Le greffier, bien emprunté, ne dit rien. Le premier marmonne, le second devient nerveux ; c'est que le procureur lui fait un peu peur depuis qu'il a vu la machine dévoilée dans le bureau du juge.

«Cette affaire d'hier... Mais qui donc ? Il n'aura pas mis sa presque moitié en procès... Et le comte, impossible, il est comte. Nom d'un chien, ça me rend curieux.
Allons-y !»


[En salle d'audience]

Une enfilade de couloirs et trois escaliers plus tard, le juge entre dans le saint des saints de la justice limousine. La salle d'audience qui a vu défiler tant de personnages, illustres ou infâmants. Il prend place derrière son pupitre, placé sur une estrade, et attend que le procureur lui fasse signe que tout le monde est arrivé et que le procès peut commencer.
Attila_caligula
[Ysengrin Procureur... pour encore quelques heures]

Le Leu fait les cent pas derrière son lutrin où repose des notes, rouleaux, volumes... tout l'attirail du clerc de justice. Il ne doute pas qu'un autre à sa place aurait su en faire bon usage, et endormir son auditoire par d'assommantes références à telle ou telle affaire, jurisprudence, lois ou décret...
Alors il a placé là la panoplie censée servir la Justice, celle des hommes, pas celle de l'honneur.
Un regard dans la pièce où le Juge vient d'entrer. Le regard jaune se plisse imperceptiblement. Le bonhomme avait de l'attrait, l'alliance électorale entre Ose et Vachette devait beaucoup à sa personne... Las, c'était encore un esclave des textes, et non de l'usage.
Le procureur n'a pas daigné revêtir l'accoutrement d'apparat qui moisit tranquillement au fond d'une malle de St Pardoux. Il porte le collier de sa charge, sur une veste de chasse en cuir noir, ses bottes montent jusqu'à mi cuisse sur ses culotte de laine rouge et son vaste manteau de drap des flandres git sur la chaise curule.
D'un pas alerte, il rejoint le Juge qui s'installe et prend connaissance d'une copie de l'Acte d'Accusation, et lui glisse à l'oreille:

- Juge Kartouche. Je vous demande d'ouvrir le Procès d'Arnaut de Malemort pour Haute Trahison. mes témoins sont prévenus, l'Accusé, nous savons où le trouver, la populace est aux portes de l'enceinte, attendant votre décision de juger à huis clos ou en séance publique. Sachez que si public il doit y avoir, nous ne souffrirons pas l'ambiance d'une place de marché, ni celle des alcôves feutrées où le venin n'ose pas s'exprimer à voix haute, mais empuantit les pensées les plus profondes. Nous nous réservons le droit d'interroger ce public s'il en fait la demande pour porter témoignage. Dans le strict respect de la sérénité de la Cour.
Kartouche
«Le peuple attendra, mon cher procureur. Il me semble que pour l'instant...»

L'incorrigible Kartouche laisse sa phrase en suspens et termine la lecture de l'acte que vient de lui fournir le procureur. Le conciliabule reprend, inaudible sans doute pour l'ensemble des personnalités présentes, les deux interlocuteurs n'offrant que leur profil aux spectateurs.

«... que pour l'instant, il me semble que je vais devoir réfléchir un peu. En théorie, on n'est pas censé juger localement les frasques d'un régnant en exercice. Je devrais, selon le droit royal, me déclarer incompétent et saisir les Parisiens et leur Haute Cour de Justice.
--Committimus, monsieur le juge.
--Oui, sans doute...
--Articles 221-11-2 et 221-12-2, monsieur le juge.
(Las)
--C'est ça, merci. (Au vicomte) Je reprends...
--La Haute Cour de Justice est seule compétente pour juger pénalement les Ca...
--Silence ! (Reprend à mi-voix) Vicomte, vous l'aurez compris en écoutant mon intransigeant greffier, je ne peux pas faire grand chose sans me mettre en porte-à-faux avec le droit royal. Auquel cas on me cassera en appel. Sinon, je me déclare incompétent, mais là, on est bon pour trois ans. Un procès Dragonet, bis...»


Le magnifique Kartouche, à l'ensemble de la salle.

«Gentes dames, beaux sires, l'audience est levée. La cour a besoin d'un temps mort pour pouvoir réviser quelques questions de procédure. J'ai dit.»

Et de ponctuer sa décision d'un coup de marteau. À droit, de nouveau.

«Vicomte, vous savez où me trouver. C'est pas évident, il faut qu'on en discute en privé ce soir.»
Attila_caligula
Comme prévu, le Juge se défausse et gagne du temps. Le problème est épineux pour lui, qui veut faire les choses comme il sied. L'Ysengrin n'a pas ces emmerdants scrupules. Il retient Kartouche par la manche et lui souligne de la griffe quelques mots sur l'Acte:

Citation:
nous accusons Arnaut de Malemort de haute trahison et de folie furieuse.


- Si la Haute Trahison est à la charge de la Reyne, les Limousins peuvent justement se décrier contre un suzerain fol, inconséquent et inapte. N'attendez pas que les fourches viennent fouiller sa cervelle pour voir de quelle couleur elle est. Vous vouliez une belle affaire de Justice, je vous l'offre sur un plateau. Qui fera Jurisprudence qui plus est.


Ayant rempli son office, en abusant selon certaine, L'Ysengrin regagne le lutrin de la Procure et attend que le Juge lève la séance ou poursuive l'audition.
Kartouche
«Fi ! Suis-je apte, moi, à juger seul de la folie furieuse d'un homme ?»

Il observe la bancs se vider suite à la suspension de la séance prononcée quelques secondes auparavant, son greffier rassembler les notes du dossier, les gardes tenir ouvertes les portes de la salle, rêveur. Il finit par revenir à lui, et au procureur un peu plus loin. Face à face, il reprend la parole, toujours à mi-voix, toujours seuls.

«Si vous ne voulez pas que cette histoire ne se transforme en une énième farce, et qu'il en ressorte quelque chose de bon, selon notre perspective à tous les deux, alors il faut avancer prudemment et ne pas se tromper de voie. C'est peut-être l'occasion de donner une claque aux Parisiens, ne la gâchons pas. L'audience est interrompue, j'en ai plus besoin que ce que vous ne pourriez penser.»

Petit sourire.

«Et vous êtes bien brave d'avoir sacrifié votre poste de procureur... Pour ce que je connais du comte, cela ne va pas tarder.»
Attila_caligula
Décidément l'Ysengrin avait du mal avec les juristes. Trop sinueux, serpentins, lisses, glissants. Lorsqu'il croise une vipère sur sa route, à la chasse ou en campagne, il lui pose la botte sur la nuque avant de lui écraser sa tête venimeuse. Ici, sous la défroque encombrante de Procureur, il est obligé de se contorsionner contre son collègue, pour prendre le meilleur. Et à ce petit jeu, il n'est pas le meilleur.

- Sacrifié? Je serai libéré plutôt. Par contre si vouos avez besoin d'un bourrel...
Quant à cette claque, on en parle beaucoup, on tarde à la voir. Il me semblait pourtant que le bras était bien armé pour la donner.


Le vicomte retire son collier de Procureur, le laisse sur le lutrin méprisé et quitte la salle à la suite de ses derniers occupants.
Kartouche
Sur un ton qui conviendrait bien à une dispute conjugale, le sinueux Kartouche continue.

«Vous n'êtes pas comte, et moi non plus d'ailleurs. On fait avec ce qu'on peut. Quoique je fasse, je ne peux pas rendre de décision avant que toutes les étapes ne passent. Vous connaissez la procédure, et préjuger serait un crime au moins aussi grave que saisir les pairs.»

Léger ricanement. La salle, jamais pleine au cours de cet embryon d'audience avorté, est désormais complètement vide.

«On verra bien, cher vicomte...»
Kartouche
[Bureau du juge, 29 mars]

«Aaaaaaaaaaargh !»

Derrière la porte, un garde emprunté. C'est déjà arrivé que ça braille dans le bureau du juge, mais là, il est seul. Enfin, sauf s'il a trouvé le passage secret, mais c'était plutôt mal parti.

Le comte ! Appelez-moi immédiatement le comte ! Et tant qu'à faire, le bailli et le commissaire aux mines. Une honte, une honte !

Toujours seul, il braille, piaille, craille, criaille, croaille, carcaille, cocaille. La totale, quoi. C'est évidemment ce moment-là que choisit le greffier pour venir apporter les dernières nouvelles de la cour. Toc toc toc, entrez ! Bonjour m'sieur Kartouche.

« Mil trois cent trente-huit écus et soixante-deux deniers...
— Monsieur le juge...
(Soupirant)
— Oui ?
... ça fait beaucoup, pour une amende, vous ne croyez pas ?
— Qui est le juge, ici ?
— Monsieur le juge, ce n'est pas moi. Mais quand même, permettez-moi de...
(L'interrompant)
— C'est bien, tu feras un bon juge, si tu as l'audace de te jeter un jour dans la fosse aux lions. C'n'est pas une amende...
— Un préjudice, peut-être ?
— Non plus !
— Une dette ? Des arriérés d'impôts ? Le coût de la machine du vicomte ? Je vous l'avais bien dit, qu'il ne fallait pas la prendre... En plus, c'est tellement violent...
— *Hmpf* Rien de tout ça. Tu crois que je m'occupe toute la journée de justice, peut-être ?
— L'état de vos fonds, peut-être ?
— Vilain ! Pour qui m'prends-tu ?
— J'en sais bien rien, moi... La dette de Guéret, peut-être ?
(Pouffe)
— Ridicule, vraiment aucun sens des réalités. Non, je vais te le dire, mais c'est encore un secret...
— Vous pouvez tout me dire, monsieur le juge... vous me connaissez, muet comme une carpe. »

À ce point du dialogue, une brève digression s'impose, afin de présenter plus avant notre greffier. Le greffier – dont personne ne semble connaître le nom – est un Limougeaud pu souche. Cadet d'une famille de tisserand qui habitait une masure du faubourg des Augustins, il eut la chance d'avoir un père qui croyait pouvoir faire de son fils un grand homme sorti du néant. Une sorte de Charles-Maurice de Talleyrand au rabais. C'est d'ailleurs à peu près à l'époque où ce dernier était en exil à Rome que le futur greffier s'explosait les yeux sur les volumes du séminaire. Le paternel, convaincu que le salut
passait par l'Église, avait décidé d'envoyer son benjamin chez les apprentis prêtres. Une façon comme une autre d'en faire quelqu'un qui sache lire et écrire, et puis évêque, c'est pas trop mal donnant, financièrement.

Comme dans toute stratégie imparable, quelque chose tourna mal. Le principal avait une bonne, qu'il avait l'habitude de culbuter, évidemment. Le principal, en plus de la gestion du séminaire, avait une autre charge, qui lui permettait de mettre du beurre sur les épinards à la crème : il était aumônier de la prison comtale. Lorsqu'un vilain était condamné à mort, il était appelé pour recueillir les dernières confessions du malheureux, ou bien l'entendre abjuré s'il s'agissait d'un sorcier. De plus, il y avait au séminaire le fils du responsable de la prison. Ce dernier, averti par son père des condamnations à venir, pouvait ainsi savoir à l'avance les absences du principal. Cette connaissance se monnayait cher parmi les séminaristes, qui profitaient de ces occasions pour à leur tour exercer leur humanité. Le jour où notre futur greffier prit son tour – il avait pour cela dépensé deux mois de l'argent de poche envoyée par son paternel – le condamné à mort, un vieux sorcier-rebouteux, avait déjà trépassé. De retour dans ses appartements, il manqua de s'étaler, littéralement, sur un des étudiants en train de trousser sa bonne. Bouté hors du monastère, il alla se plaindre auprès du brave informateur qui, bon genre, lui trouvé une place au château par son père. Ayant passé assez de temps penché sur les ouvrages des pères, il pouvait lire et écrire. On en fit donc un greffier. Tout cela n'a évidemment rien à voir avec le fait qu'il soit muet comme un carpe.

Le greffier s'est rapproché et le juge lui chuchote quelques mots.


«... Périgord-Angoûmois.»

Brave homme qui n'a pas oublié son éducation, le greffier se signe.

« Mordious, mais que va-t-il se passer ? La ruine ? La guerre ?
— Ouais ouais. Pourquoi êtes-vous venu me voir ?
— Nouvelle affaire en instruction.
— Ah, bien ! Je vais pouvoir me remettre au travail. Vous avez l'acte ?
— Oui, mais...
— Donnez-le moi. Et servez-moi un verre d'Armagnac, pendant que vous êtes là. »

Le greffier lui tend un papier, avant d'aller chercher le nectar dans la cache que nous avons vue il y a quelques jours. Le magnifique Kartouche n'est toutefois pas au bout de ses surprises. L'acte d'accusation dans une main, un fond d'Armagnac dans l'autre, il boit une gorgée de ce dernier.

*PFOUAGH !!!*

La gorgée finit sur le bureau.

« Par les moustaches du Vieux ! Dans quel marais me suis-je mis. Voilà que la procureur se met à m'offrir des relaxe sur un plateau en or. Pas sortis de l'auberge, pas sortis.
— Monsieur le juge ?
— Il y a qu'après les trous qui passent inaperçus, on me colle une procureur qui me demande de bafouer la loi... Allez, va chercher Ratou, il faut que je lui cause.
— J'y cours, monsieur le juge.
— Oh non, attends... va plutôt me chercher le comte, le commissaire aux mines et le bailli. La procureur attendre... et je ne suis pas censé interférer dans la procédure. »
Arnaut_de_malemort
Dans la plupart des mangas, le temps est divisé en deux. Un pour se battre, un autre pour courir ; et quand il court, le héros peut parcourir de longue, de trèèèss longue distance. Du moins, dans les mandats animés. Ses enjambés paraissent faire deux fois celle d'un adulte normal, et le paysage... Rah le paysage... il défile tellement vite qu'on le croirait n'être qu'un pan de mur verdâtre. Parfois, il faut prendre le temps de s'arrêter, et de mater. C'est que l'arrivé du printemps apporte avec lui son lot de couleur et de décolleté. Passer ainsi sans contempler... telle tristesse. Bref. Courir. Tel était le lot du Comte. Ne voulant déroger à la règle suivante : "Un Comte n'arrive jamais en retard, ni en avance d'ailleurs, il est précisément là à l'heure dite", il fallut courir plus vite. Heureusement pour lui que la jeunesse aidait. Remettant son habit, reprenant le souffle, il pénétra majestueusement dans le bureau du juge avant de s'écrouler sur une chaise, et de s'exprimer :

- « J'ai encore vu un souris. A-t-on embauché plus de chat ? Et pas de noir. Pourquoi m'as-tu fait mandé mon brave Kartouche ? »
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