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[RP] Le cimetière des miracles

Yuliya
La débrouille, ça aussi elle connaissait. Ça ne l’avait jamais vraiment amusée de chaparder de la nourriture, de quoi se défendre quand on sait qu’on risque sa peau en allant quelque part, mais il le fallait bien. La rouquine avait cependant toujours évité d’arriver à cette extrémité, mais quand c’était nécessaire, elle le faisait.
Yuliya continua d’écouter Goalhard avec attention. Son expérience pouvait lui être bénéfique, et pouvait lui donner des idées pour le futur, même si elle avait déjà une petite idée de la destination de son prochain voyage. Néanmoins la rouquine ne manqua pas de retenir la proposition qu’on lui faisait. Ca pouvait être utile, qui sait dans quel pétrin elle allait se retrouver à l’avenir.


« - D’accord, je retiens. Pour le moment je pense retourner voyager un peu, voir du pays, éviter de me faire enterrer une autre fois vivante. Je crois que j'ai encore trop la bougeotte pour me mettre sous les ordres de quelqu'un. Un jour peut être, ça changera. »

Un sourire apparut sur son visage.

« - En tous cas merci pour le sauvetage. J'aurais fini en pique-nique pour les vers de terre si vous n'aviez pas été là. »
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Goalhard
La gueulard hocha la tête, un sourire amusé aux lèvres.

T'as raison, bouge pendant que t'es jeune petiote! Se caser, c'est plus pour les croulants sur le retour que pour les jeunesses remuantes.

Avançant sa grosse patte, il lui ébouriffa légèrement les cheveux, rigolard.

Et pas d'quoi pour le coup de main! Mais vas-y mollo sur le goulot à l'avenir, sinon les vers pourraient bien finir par se venger! Allez, bonne route alors! Et qui sait, ptêtre qu'un d'ces jours on s'recroisera...

Un petit signe de tête à la mioche, un dernier regard à la tombe de la Cathau et Goalhard s'en repartit vers les quartiers riches, se sentant bizarrement vieux et sage, d'un coup.
Labda
    [Flash-back]
« Ceux qui se sont approchés de la mort pleurent toujours quand ils en reviennent. Je n'ai jamais su s'ils versaient des larmes de joie ou de chagrin »
    Le Clan des Otori II - Lian Hearn


    Les verres et les rires renégats s’entrechoquent en un fracas presque insupportable, et la boisson et les propos giclent et tâchent à tort, s‘accrochant parfois avec une ténacité odieuse.

    Il y a des soirs où l’alcool se fait discret, d’autres où, au contraire, il en devient important protagoniste, maître des lieux et des esprits, ami vicieux mais, et surtout, traître sans vergogne. Toute raison, sage raison pourtant, est alors laissée de côté, dominée par l’hystérie générale. C’est la dure loi de la boisson.

    Allez, buvons encore et encore. Car boisson, nous t’aimons trop fort, trop fort.

    Lasse des caresses et des promesses, Labda s'attache à Yuliya. Il faut dire qu'elle lui ressemble un peu ; Labda reconnaît ses cheveux et ses fossettes, son physique en outre mais aussi ses mimiques. Il faut bien, à ce qui paraît, se raccrocher à quelque chose pour ne pas sombrer, et tu es, Yuliya, ce soir, ce quelque chose. Mais Labda se sait perdue, l'enfant perfide n'en est plus un, et son âme à elle est aussi sombre que tes yeux noirs, belle Yuliya.

    Mais toi, toi, tu as encore une chance ! Alors saisis la, je t'en supplie, ne la lâche pas. Jure le, jure-le-moi ! Regarde, je ne suis plus qu'une ivrogne à bout de souffle. Et je te l'avoue, je t'envie. J'envie ton innocence et ton rire. Ta candeur et ta bravoure. Je t'envie car tu es sauve.

    Et je t'en veux, je veux ta peau.

    Nous nous sommes pourtant bien amusées, toi et moi, nous avons beaucoup ri, au creux du chaos. Mais mon rire était triste, mon rire était faux. Nous nous sommes même, toutes les deux, rien que toutes les deux, éclipsées un peu, ennuyées de tous ces poivrots. Car nous étions, nous, assoiffées de liberté. Nous avons marcher, côte à côte, comme si nous étions amies, comme si nous étions amantes. Comprends moi, Yuliya, je t'en veux trop, c'est comme ça, je t'en veux trop. Et l'alcool cultive ma folie.

    Peut-être, petit cadavre, sauras-tu un jour me pardonner ce coup sur ta nuque et les babioles que je t'ai volée.

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Yuliya
[Flash-back]

Une soirée normale. Une soirée alcoolisée. Une soirée folle. Comme toutes.

Yuliya est là, buvant les verres les uns après les autres, oubliant même qu’elle s’est perdue dans la sombre Cour des Miracles. Paris l’enivre, elle la voyageuse de province. Et cet alcool, cet alcool qu’elle aime tant, la fait rire. Tandis que sa naïveté perdure.

Il y a une foule de monde autour d’elle. Des bruits, des rires, des cris, des bagarres avortées dans la chope. Tous inconnus, tous susceptibles d’être un danger, ou une rencontre précieuse. Ses yeux se troublent, sa raison aussi. Et puis il y a Labda, autre rousse au pays des ivrognes. Toute aussi imbibée qu’elle. Yuliya rit aussi, de bon cœur, joyeuse, le sang aromatisé à l’alcool. Naïve, encore.

Puis la lassitude d’une compagnie qui lui est étrangère. Yuliya, anomalie dans ce monde si obscur alors que peu la sépare de ces gens aussi perdus qu’elle. Sorte de colombe parmi les crapauds. Rousse aux bonnes intentions, le cœur déchiré lorsqu’elle doit s’écarter du chemin qu’elle s’ordonne de suivre. Apatride au grand cœur. Trop grand cœur.

Alors quand elle marche auprès de son double du soir, elle ne se doute de rien. Ses rires ne cessent pas, au contraire, ils s’amplifient. Trop ivre pour savoir si Labda est une amie en devenir, elle qui n’en a jamais eu. Mais surtout trop ivre pour comprendre que tout cela n’est qu’un jeu, et qu’elle va mordre la poussière.

Trop ivre pour sentir le danger. Trop ivre pour éviter le coup. Trop ivre pour ne pas sombrer dans l’inconscience la plus totale, laissant sa voleuse disparaitre dans la pénombre de la Cour et dans les méandres de son esprit brouillé.

Dors Yuliya. Laisse la chance sauver ta peau. Une fois de plus.

_________________
--Anarazel
Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

La pelle est lourde et racle au sol tous les deux pas.
Longue plainte crispante et angoissante.
La charge à l'épaule est pesante.
Le pas trainant.
Il n'est pas pressé. Ne l'est jamais.
Le bossu s'avance dans la nuit épaisse.
La brume qui s'étire en volutes claires s’effiloche à chacun de ses pas.
Elle fuit.
Elle laisse un halo de ténèbres l'encercler.
Un corbeau se tient immobile sur l'une des pierres jaillissant de terre.
Il a vu briller son œil, il le sait, et un sourire carnassier fend ses lèvres craquelées.

...

Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

Fait la pelle.
Le chemin n'est plus très long.
Bientôt.
Bientôt tu seras reconnu par tous.
Les stèles défilent, les croix aussi.
Nulle richesse.
Minuit à la Sam Hain, ils se lèveront tous.
Il sera là, bossu dansera.

Le bois craque lorsque se pose dessus le pied.
Tombe ouverte, n'avait-il pas quelques trésors enterré là?
Il ne l'a plus et en pleure à en croire son faciès parcheminé et grouillant.
Quelle grimace fait-il là?

CHTOOONG.

Fait la pelle en rencontrant le sol.
La main sanguinolente du fossoyeur caresse la chevelure éparse de cet ancien homme.
Oh comme il est beau dans sa mort.
Rictus de douleur sur bouche grande ouverte, orbites opaques.
Il n'est pas vieux.
Mais déjà lui manquent ses dents.
On les lui aura sans doutes volé.

La pelle est reprise.
D'accroupi, la position debout est retrouvée avec force difficultés.
Le poids de la charge n'aidant en rien.
L'avancée reprend.

Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

Schrrrrrrrrrrrrrrrat

...

Croooooooooouaaaaaaaaaaaaaaaaaa.


Son sombre ami corbeau semble s'être éveillé au monde de la nuit.
Attend-il son heure?
Bientôt le repas serait servi.
Plus que quelques pas.
Le bossu la voit, là est la tombe.
La plus grosse du cimetière.
La plus imposante.
Et la charge qui lui pesait tant est lâchée sans retenue.
A peine résonne le bruit du corps qui a touché terre.

Ô doux homme.
Te voilà sur le point d'entrer dans l'histoire.
A moins que tu ne sois qu'un parmi tant d'autre.
Petit à petit, le vil le redresse.
Petit à petit, il le fait prendre appui à la stèle.
Marionnette sans fil et désarticulée, au rictus étrange et effrayant.
Sourire sanglant sur peau olivine qui aurait reflété la Lune si elle était venue à briller.
Le souffle rauque de la Bête, seul son audible dans le cimetière.
Le liquide pourpre qui s'échappait de sa poupée du soir, se met à lui couler gracieusement sur la main qu'il a sale.
Dernière offrande de la victime à son bourreau?

Un rire aigu, un rire fou.
Il est en joie.
Langoureusement, amoureusement, il vint, de la langue, lécher ce nectar, n'oubliant aucun doigt, aucune rainure.
Qu'il était bon.
Qu'il était délectable.
Un nouveau rire, et il se remet à l'ouvrage.
Un bras passé par là...
Le second par ci...
Les membres en croix, en appui, position nonchalante pour ce nouveau cadavre abimé de frais.
Avec tendresse, la tête sanguinolente est renversée sur l'arrière, offrant à la vue du monde, le sourire d'un ange, sur une écharpe pourpre.

Oh comme il est fier de son cruel tableau.
Prenant recul, il mire et admire.
Les mains se joignent et claquent l'une dans l'autre sous l'excitation ressentie.
Oh comme il lui tarde d'entendre ce qu'Ils en diront!
Courbé sous sa bosse au dos, il se rapproche à nouveau.
Du bout des doigts, il replace une mèche de cheveux, dernière retouche à la scène macabre.

Et à reculons, il retourne à l'Ombre.
Et à reculons, il s'en va, gloussant derrière sa vilaine main noire de crasse.
Il lui tarde déjà la prochaine œuvre.
En attendant, la nuit l'avale, retour aux ténèbres qui l'ont suivi jusqu'ici, laissant là le corps à la main manquante, aux joues ouvertes, et à la gorge béante.


Duncan_mac_campbell
Duncan poussa la lourde grille de fer qui marquait l'entrée du cimetière de la Cour des Miracles. Il voulait voir de ses propres yeux si, par hasard, les deux personnes qu'il cherchait n'était pas enterrées ici. Après tout, il savait mieux que quiconque à quel point la vie pouvait se montrer rapidement cruelle et surtout définitive avec certains camarades...

Il arpentait les allées envahies de mauvaises herbes, déchiffrait avec mal les noms gravés sur les sépultures. Il s'arrêta devant l'une d'elle, sourit furtivement au souvenir que lui évoquait le nom. Il s'accroupit, se plongea dans ses souvenirs... Morte si bêtement... Dans la fleur de sa jeunesse dérobée.




" Irina Asherton - 1442-1458 "


Ce qui restait d'elle, des souvenirs... des sentiments enfouis au plus profond de lui-même. Une fille de joie... Un passé tumultueux... Irina dans toute sa splendeur, infréquentable, indomptable... Finalement, la vie l'avait domptée...

Il fixa quelques instants la piteuse tombe, se promit de la fleurir, en souvenir d'elle, de ce qu'elle avait été, en souvenir de celui qu'il fut...

Puis quand il se détourna, il allait partir quand il vit sur le bord gravé en petit :



" continue de m'aimer - me méconnais jamais le cœur tant fidèle de ta bien-aimée "


Elle lui avait dit cela, un jour, peu avant... Son coeur se serra douloureusement.
Laell
Le couple s'était mit en route pour la Cour des Miracles, depuis le temps qu'elle parlait de Sadnezz à sa cousine, il était temps de venir la saluer. Laell l'avait connue, pas vraiment longtemps mais suffisamment pour avoir apprit auprès d'elle les bases de la vie qui était la leur. La formation n'aura jamais été fini, la Belladone avait été fauchée par la mort alors qu'elle venait de la donner. La vengeance est ainsi, on prend là où on nous a prit. Une Reine contre une autre.

Elle avait été là lors de l'enterrement, ça faisait plus d'un an maintenant et la gamine avait évolué. Elle avait gagné en patience, en réflexion, en sagesse peut être finalement.

Ses pas battaient lourdement la terre. Le regard traversant les brumes de l'hiver à la recherche d'un détail qui la guiderait. De part et d'autre du chemin se dressaient fièrement cryptes et pierres tombales. Ca et là la végétation reprenait ses droits sur des mausolées abandonnés par ceux qui étaient restés. La mémoire de ce jour funeste lui revint. La recherche du corps, la désorganisation de ce groupe pourtant habitué à travailler ensemble. La rage qui l'avait saisi quand elle avait entendu parler ces crétins en taverne, pleurant leur Reyne alors qu'on détenait La Corleone. La course folle en compagnie d'Elwenn à travers le royaume. L'arrivée tardive, trop tardive. Dans la fougue de leur jeunesse elles avaient cru pouvoir tirer des griffes des Royalistes celle qui était pour tout le Clan, l'emblème même des Corleone. Triste retour à la réalité.

Puis il avait fallu la mettre en terre, à l'abri des regards, dans le crépuscule d'un été sanglant. Ca avait été là son premier acte de bravoure. Parce que oui, il lui en avait fallu du courage pour poser ses mains sur le corps froid et déchiqueté de sa tante. Toute la rage contenue l'avait poussé à agir là où les autres hésitaient.

Elles arrivèrent au coeur du cimetière. Laell s'arrêta un instant, le regard fixe, un sourire s'étira doucement sur ses lèvres.

C'est là.

Quelques mots pour désigner la tombe improvisée. Rien n'avait bougé. La gargouille était là, lapant l'air de sa langue de pierre, souriante comme au premier jour.

C'Cerdanne qu'a choisi l'emplacement. Pour la gargouille surtout.

Un rire sonna dans la gorge de Laell.

Faut dire qu'elle va bien comme pierre tombale pour Sad. Même dans la mort elle nargue le monde.

Depuis leur rencontre, Enjoy était avide de tout ce que Laell pouvait avoir à raconter sur la famille. C'était là l'occasion de le faire.
Elle farfouilla dans sa besace, sortant le caillou, souvenir de Toul. Puis s'agenouillant au pied de la bête, le déposa doucement en offrande.

J't'ai ram'né ta part Sad, un bout d'ma première mairie en tant qu'maire. Ah t'aurais été fière, y avait presque toute la famille.
Pi Rod a accouché en plein d'vant, la meilleure diversion possible, l'gardes s'sont fait avoir comme des bleus.


Un courant d'air passa le long du dos de la Corleone. Etait-ce l'hiver qui lui mordait la peau ou la Belladone les gratifiait d'un passage. Un frisson la parcourra. Il est tellement facile de faire croire que rien ne nous fait peur mais se le cacher à soi même est impossible.

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Enjoy
    Silencieuse. Que pouvait-elle bien dire ? Après tout, son souhait d'assister sa cousine avait été fort. Mais surtout il souffrait de l'absence d'une connaissance première. Celle de ne pas avoir eu la chance de croiser l'emblème de toute une famille. Ce n'est pas une main céleste qui les a recueilli à la naissance. Partant avec un handicap pour suivre le tracé établi des gens bien pensants. Elles n'ont que le nom de l'effroi qui s'évanouie peu à peu dans l'oubli. Héritières d'un régicide. Quelle tragédie de ne pas connaître la Belladone quand on se targue de vivre de larcins, de meurtres et plus généralement du mal. Un non sens que hélas, elle devait subir. Lasse d'ouïr les récits d'une légende du passé. Qui les a abandonnés. Et même si l'admiration la pousse à l'envier, vouloir suivre ses pas. Un soupçon de colère et de reproches jaillit. Pourquoi n'est-elle plus là alors qu'elle en avait si besoin ? Le besoin de la fréquenter, de souffrir de ses bienfaits. Se calquer sur ce qu'elle était. La prendre comme un modèle, un exemple à suivre. S'abreuver de ses soupirs et ne rester qu'une ombre. La sienne. Puisque le double ténébreux d'une lumière éblouissante a des éclats merveilleux. C'est un peu comme sublimer l'aura des autres qui ne peuvent exister sans nous. Sadnezz était sans aucun doute de cette espèce. Mais à regret, elle ne donne plus rien. L'a-t-elle fait un jour ? Peut être. La mustélide ne pourra jamais en témoigner. Ce manque cruel et vorace dévore son âme. Il ne lui reste qu'à écouter les bribes de pauvres moments qu'a pu connaître Laell.

    La furette n'espère que d'entrer en adéquation avec ce que leur tante aurait fait. Seulement, elle ne sait pas du tout comment procéder puisque cette dernière n'existe plus que dans les mémoires de ceux qui lui ont survécus. Elle se demande aussi parfois, pour ne pas dire souvent, si ses origines auraient été acceptées si leur "Reyne" était encore là. Si l'attitude de leur cousin serait restée sans réponse. Si la Majestueuse était encore parmi eux. Si les tensions naissantes seraient devenues de simples égratignures et non une future et probable hémorragie. Si La Corleone poussait encore en ce moment même un souffle. Bien des choses prendraient des allures totalement différentes. Mais les "si" n'ont que le pouvoir immense de l'hypothétique qui n'entrera jamais en vigueur. C'est l'Histoire reconstruite par les ficelles de l'Abstrait. Pendant que s'écoulent les minutes des jours concrets. Ceux qui font souffrir, créent bien des regrets, et donnent la mort. La vraie, l'unique. Non pas celle des pensées ou d'un esprit qui se forge une carapace jusqu'à se replier. Mais celle qui est physique, celle qui nous fait redevenir poussière parmi les poussières. Et dans ce cimetière, les pierres tombales, les mausolées et cette triste gargouille sont les seules à tenir tête à tout ce qui disparaît.

    Enjoy eut la pensée d'un avenir plus ou moins lointain. Dieu seul le sait. S'il voudra la rappeler ou non à Lui. Toujours est-il qu'elle observe l'Italienne d'un oeil admiratif. Certes la nostalgie est le poison des gloires passées. Mais comment rester insensible face à une jeune femme qui vient honorer son ancêtre. Comment peut-on blâmer une des rares personnes qui continue de faire vivre un être d'outre-tombe ? La Fougueuse sait au fond d'elle-même que sa vie sera courte. C'est une certitude, une vérité absolue. Elle aime la compagnie qui prend place en ce jour. Mais qu'adviendra-t-il de Demain ? Avec qui ira-t-elle ? Que deviendra son Italienne ? Le seul espoir de ses prunelles qui verront sa dépouille, sa tombe se sceller et celui de la revoir de temps en temps. Après un coup, comme ici ou pour juste lui montrer qu'elle pense encore à elle, bien des années après. Cela serait le plus beau cadeau qu'on puisse lui faire. Celui de ne pas sombrer dans la décrépitude d'une mémoire défaillante. La réalité a des retours qui sont parfois bien tristes. Tout comme la situation actuelle ou leur présence en ce lieu.

    Sa cousine évoque un nom. Celui de Cerdanne. Elle se rappelle alors de leur léger différend à Saumur. Une jeune pousse en mal de reconnaissance et un chêne qui n'escomptait pas se laisser faire. Seules les montagnes ne se rencontrent pas. Le choc des générations fut titanesque. La violence des paroles fut accouplée aux gestes brutaux. Les enfants des duels sanglants. La mustélide n'était pas en état et son adversaire la laissa tomber à ses pieds. Puis un halo de blanc entoure le reste de cette confrontation. Il en ressort juste que Cerdanne avait su gagner, non pas le respect d'une famille puisqu'elle le possédait déjà, mais celui de la brune. C'était mieux que rien. Les gens qui s'écrasent, ne méritent pas qu'on s'y attarde. Désormais, elle accorderait toute son attention à la terreur des mouflets si elles venaient à se recroiser. Une question lui brûlait les lèvres lorsque Laell lui indiqua l'emplacement mais tout fut brisé au moment où elle céda son présent. Un reste dérisoire de la prise de Toul. Dérisoire ? Oui et non. L'objet en lui-même l'est. Le symbole est tout le contraire. Première fois que sa cousine trônait au sein d'une mairie. Le début d'une épopée que la mustélide voulait encore plus encourager que sa relation avec elle. L'amour et la volonté qu'elle goûte au bonheur absolu étaient plus importants que ses prérogatives personnelles. Plus que son ego, plus que leur histoire. Il était vital que Laell devienne l'essentiel. La nouvelle Corleone. Pour qu'un jour, nos poumons se vident lentement en songeant à sa personne. Avec ce sentiment injuste. Celui qui nous anime quand on songe à Sadnezz.


    Que penserait-elle de nous en cette heure...

    Un courant d'air s'exprima juste avant qu'elle posa cette question qui n'en était pas vraiment une. Loin lui vient l'idée de croire que c'était un signe, une représentation étrange de cette femme qu'elles sont venues visiter. Juste l'expression d'un vent qui choisi toujours les moments opportuns pour signifier ses hôtes d'une présence énigmatique.

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[Manque de temps IRL. Retour bientôt.]
Hibou.
RP supprimé de ma part, pour longue hibernation personnelle, et incohérence en rapport avec l'enterrement suivant

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Hibou, au désir de l'Art et des Hommes...
Cerdanne
[Rien ne résonne mieux au coeur de l’homme seul et tombé que la grâce nostalgique du haïr. F.Royo]


Elle en avait assez vu. Le mariage n'avait pas besoin d'elle et réciproquement.
Tapie dans son recoin sombre, elle avait vu le passé ressurgir au gré des têtes familières.
Elle avait vu aussi les Corleone d’aujourd’hui qu’elle ne connaissait que trop peu…Sad lui manquait…

La provençale avait prolongé un peu l’observation et finit par quitter son recoin sombre pour se fondre dans les ruelles crasseuses de la cour.
Elle n’avait qu’une envie, raconter à la Bella ce qu’elle avait vu, ce que devenait la famille.

Après tout, l’heure du rendez-vous annuel avait sonné.
Les herbes folles devaient passer par-dessus la gargouille et sans songer à planter Muguet et Roses trémières, la provençale aimait s’asseoir sur la dépouille de son ainée ;
Et si ses mains nonchalamment grattaient la terre sombre et faisaient place nette…pourquoi pas…

Elle a le sourire aux lèvres lorsqu’elle franchit les murs des Innocents.
Le soleil l’accompagne et le pas est tranquille.
Un instant, elle s’arrête et le visage se lève vers le ciel et la brune respire à plein poumons comme si, ici et seulement ici, l’air, enfin, pouvait se respirer sans compter.

Enfin, elle se décide à rejoindre la Bella et reprend sa marche vers la tombe de La Corleone. Pour stopper net, pupilles dilatées devant ce qu’elle voit.

Instinctivement la main droite cherche la dague qui flottait tranquille contre sa hanche.
Elle ne voit qu’un dos, une silhouette efflanquée penchée sur SA TOMBE.
Et cette chevelure de Lune qui s’effiloche sur ses épaules…

La provençale, sans le lâcher du regard , contourne prudemment, se rapproche, et sans bruit , semblant surgir d’une des tombes voisines se redresse devant l’intrus.

Alors qu’elle réalise que ce visage-là elle l’a déjà vu et revu, les mots jaillissent..


Pas de plantations sur cette tombe Jardinier !
Va gagner ta vie ailleurs….

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Enjoy
    ~ Après le décès de Rodrielle, l'enterrement ~

    La pluie s'abat de concert sur les tombes défraîchies. De temps à autre, le ciel gronde et craque dans une fissure électrique. C'est la saison des orages et le temps du deuil. Les croix ciselées offrent leur biture macabre. Un mausolée, la gueule creusée par les vents, trône fièrement sur la terre des ancêtres. Tombes de catins côtoient celles des maquerelles. Tombeaux de gredins aux côtés d'un milicien malchanceux. Aucune distinction parmi la caste de la gueusaille. Ils s'amoncellent et se succèdent avec indifférence. Un jour, ils eurent un nom. Puis la mémoire se désagrège, se teinte d'omission légère. Les survivants alternent les différentes phases du souvenir. La première est de retenir un visage, une voix, une attitude. Ensuite tous ces détails se transforment en embellissements. Les traits, parfois grossiers, se muent et cèdent la place à une face angélique. Le rauque de son timbre s'adoucit considérablement. Sans aborder l'étrangeté suivante que, parfois, les défauts s'évaporent. Les pardons pleuvent comme les gouttes issues d'un bénitier. Dans de rares cas, une existence endosse le rôle de légende. Et celles-ci ne meurent jamais.

    On ne peut prétendre que Rodrielle avait un faciès disgracieux. Chevelure ambrée, tatouage serti de joyaux. Sculptée à même le roc, forte, dure mais juste. Nul ne pourra lui accorder un manque de loyauté. L'honnêteté des malhonnêtes est encore plus précieuse que les apparences des gens de la haute. Elle n'en manquait aucunement. Droite, fière. Sa tâche a été ardue. Mener le clan à la suite de la plus illustre des Corleone.

    Aujourd'hui, les trognes sont différentes. Du médicastre en passant par les hirondelles jusqu'à l'Arsouille flamboyante. Ils ont toutes et tous leurs particularités, leurs manières, leurs ambitions. En être la cheffe d'orchestre n'est pas une sinécure. L'unité s'y préserve avec une autorité bienveillante. Penser aux siens avant de songer à soi. Laell le sait plus que quiconque. Et malgré les divergences, les errances des uns et des autres, ils restent et resteront jusqu'à leurs morts des membres de la famille. Même si parfois le lien du sang souffre de ne pas assez ouvrir son cœur.

    La dépouille mortelle repose sur un chariot en bois. Ils l'entraînent vers sa dernière demeure. Un cortège marchant au pas à l'instar d'une légion romaine. Le Soleil a déserté derrière les nuages et l'eau inonde les moindres parcelles de terre. L'épiderme de leur aînée s'humecte et lui donne une apparence plus amène. L'Italiano-écossaise reste muette, égarée dans ses pensées. Il est notamment question de certains secrets qui s'évanouiront avec Elle. Mais aussi de ce manque. Celui des occasions ratées, de ne pas avoir été ensembles. Espère-t-elle que la Matriarche fut fière, comme elle le pouvait être de son préféré; Amalio.

    Le convoi s'arrête devant une gargouille. La couche de Sadnezz. La Tatouée ira à sa droite. Une Reine se doit d'être toujours bien entourée. Elles pourront s'entretenir pour l'éternité. Conspuer les vivants en ayant la sensation du devoir accompli. Les convives de cette ultime fête sont là. Peu ou trop nombreux, seule Rodrielle pourra en juger.


    Ici. Elle reposera ici...

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[Manque de temps IRL. Retour bientôt.]
Aevil.
Il était logique qu'il fasse parti du cortège, en première place. La douleur était encore intense. Aevil avait du mal à digérer la perte de sa petite soeur, ne le comprenait toujours pas. Et elle lui manquait déjà.

Pourtant, il avait été si absent ces dernières années, alors qu'il savait Rodrielle souffrir de son manque de présence. Mais, aussi bête avait-il pu être, le Balafré avait cru sa soeur suffisamment "grande" et "adulte" pour s'en sortir toute seule. Et elle l'avait fait, d'ailleurs. Il l'avait surveillé de loin, prenant nouvelles de temps à autres, directement ou indirectement, mais n'agissait pas. Ne faisait qu'être spectateur de la vie de sa petite Tatouée dont il était si fier. Parce que personne ne pourrait les contredire : Rodrielle avait été une femme courageuse qui avait mené la Famiglia d'une main ferme. L'honneur des Corleone avait été porté comme il se devait. Elle avait réussi le défi de gérer la Famiglia après Sadnezz.

Aujourd'hui, les Corleone avait des bases solides. Les deux Donne étaient devenues les piliers principaux de toute une famille dont la réputation n'était plus à faire. Pourvu que les générations futures aient conscience de leur héritage et qu'ils le portent fièrement. Et Aevil avait parfaitement confiance en eux pour porter ce nom. Beaucoup d'entre eux avaient la tête sur les épaules. Certains, même, avaient déjà repris le rôle de l'italienne, notamment à sa demande, et semblaient être assez forts pour endosser le rôle.

"Ici. Elle reposera ici..."

Les pas s'arrêtèrent à l'unisson. Aevil redressa la tête et regarda l'endroit choisi pour enterrer la Tatouée. Parfait. Rodrielle sera à sa place, à côté de Sadnezz. Les deux grandes Italiennes côte à côte pour veiller sur la Cour des Miracles et sur les Corleone. Enfin le Balafré esquissa un léger sourire en coin. Comme Elle. Leurs ressemblances étaient flagrantes lorsqu'il s'agissait de certaines mimiques.


Parfait.

Sans lâcher la main de Lili, la petite Etoile qu'il devait protéger pour l'Italienne, le Balafré s'avança vers le futur tombeau de sa soeur et soupira profondément. Regard sur la petite. Elle devait être encore choquée de la perte de sa Mamma ; il serait là. Du moins, il essayerait. Aevil lui sourit tendrement, pour l'encourager à rester près de lui alors que la dextre lâcha sa main.

Aller, on creuse.

Sa voix était lourde, froide. L'émotion. Aevil joignit donc le geste à la parole et attrapa une pelle pour commencer à creuser.
Bientôt, ce serait la Fin.

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Amalio

    Aux côtés de Joy, aux côtés de son père et de la minusculissime, figures différentes mais pourtant vitales du clan, Amalio se tenait silencieux. Il avait subi de plein fouet la lente déchéance de Rodrielle, qui s'était agrippée à lui de toutes ses forces, pendant de longs mois, pour ne pas se laisser dépasser par la maladie. Il l'avait vue, lui, comme aucun des autres Corleone ne l'avait vue : faible, épuisée, endormie sans force et les cheveux collés sur son front trempé au fond d'un lit d'auberge miteuse. Il l'avait vue lutter de plus en plus vainement contre la mort qui s'avançait, alors qu'elle insistait encore pour qu'il ne dise à personne qu'elle était condamnée; lui, le médecin, qui avait laissé de côté ses enfants, sa compagne et sa place de meneur dans le clan pour soutenir Rodrielle à l'agonie. Elle leur avait confié le clan, oui, comme on confie sa vie entière, ses souvenirs et ses projets... mais il n'avait pu - voulu ? - se dévouer qu'à elle seule durant ces longues semaines. Des semaines terribles qui lui avaient creusé les joues et qui avait renvoyé loin au fond de lui les bribes de patience et d'attention qu'il avait d'habitude pour les jeunes Corleone. Mais au-delà de l'agacement que lui inspirait généralement Enjoy, il reconnaissait ses compétences de meneuse et sa capacité à marcher dans les pas de Rodrielle. Et il n'avait pu se tenir si longtemps au chevet de la mourante que parce qu'il savait que Joy était là pour assurer le clan malgré l'éloignement progressif de la Tatouée et du médecin.

    Et ils marchaient ensemble, côté à côte, puisqu'ils étaient égaux, du même sang et de trempes différentes, mais chefs de clan et obéis malgré leurs différents. Aevil allait en premier. Son père... son père à lui, retrouvé seulement pour la mort de la Tatouée. Ils n'avaient pas encore eu l'occasion de quoi que ce soit. Mais ils s'étaient reconnus l'un dans l'autre, et cela suffisait à Amalio pour savoir qu'il était toujours l'homme que les bribes d'une enfance trop lointaine ne lui montraient plus que par souvenirs embrouillés.

    La main du médecin s'était fermée sans douceur en un poing durci qu'il s'obligea à rouvrir pour dénouer ses doigts... la main qui avait achevé la tatouée. Celle qui avait donné le coup de poignard assassin et salvateur, celle qui s'était souillée de sang lorsqu'il avait nettoyé la blessure et le corps, avec son père, pour rendre à la Tatouée le visage qui devait toujours être le sien : celui d'une femme intouchable, d'un roc, d'une matriarche que les blessures n'effrayaient pas. Cette femme qui lui avait lâché, un jour, au détour d'une conversation, qu'elle comptait sur lui pour l'achever quand elle n'aurait plus rien à espérer.


      Rodrielle.


    L'âme du clan... c'était elle. Amalio avait l'impression d'être une pâle copie des désirs de sa tante, bien qu'elle lui eût dit mille fois qu'elle était fière de lui, qu'il serait un bon chef de clan et qu'il saurait composer avec le caractère explosif de la Joy pour qu'à deux, ils continuent à faire vivre le Clan.


      Rodrielle Corleone.


    Plus rien que le silence, plus rien que la mort.


    Et un clan entier à faire vivre après elle.

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Arthor
Même le ciel pleurait aujourd’hui.
La pluie, le froid et le vent étaient les plus fidèles amis des grands jours, des grandes batailles funestes et des enterrements des plus grands. La pluie pour la tristesse, le froid pour qu’à jamais ce moment reste ancrer dans les mémoires, et le vent pour chasser toutes les émotions, tous les souvenirs qui viendraient salir la mémoire de la défunte. C’est bien connue, ne perdure que les qualités, les grandes actions et le caractère. Et quel caractère pour la Matriarche qui, dorénavant, allait continuer à veiller sur sa famille depuis sa dernière demeure.

Arthor se trouvait aux côtés des autres, ou plutôt comme tous les autres. Sur le flanc droit de la carriole, il avançait la tête baissée, et les mains jointes en avant, serrées le plus près du corps. Il battait les pavés de ses bottes noires, le bruit étant à peine étouffé par la pluie et la boue qui jonchaient leur trajet. Tous étaient ensemble, égaux, à se remémorer leurs meilleurs moments passés en compagnie de la Matriarche. Le barbu, lui, n’en avait que quelques-uns qui étaient ancrés à jamais dans sa mémoire. Leur première rencontre, ses premiers conseils, sa dernière lettre, son dernier regard.
Il y avait aussi tous ces moments passés à vivre, aussi simplement que ça, à ses côtés. L’émotion était intense, presque autant que fut la grandeur du personnage. Mais voilà, tout doit finir un jour, rendant l’existence humaine plus palpitante encore. Après Sadnezz, une nouvelle reine allait enfin avoir le temps de se reposer après tous les sacrifices et les efforts qui ont été les siens.

La lionne italienne stoppa le convoi, et dans une profonde inspiration, le montagnard regarda l’emplacement choisi. Une évidence certainement, ce qui expliqua peut-être la non-réaction du Corleone qui jeta alors son regard sur la carriole. Une dernière pensé, pour ensuite, et à la mouvance collective, empoigner une pelle pour creuser. Encore une évidence sans doute. La véritable évidence était que les grands de ce monde pouvaient bien se succéder les uns après les autres, leurs œuvres perduraient et les rendaient immortels. Et aujourd’hui le clan Corleone allait perdurer. Peu importe les différences, les caractères où les ambitions de chacun, la famille était toujours là, un et indivisible.

La mort n’est pas une fin, le bout du chemin, mais bien une nouvelle étape, le lien entre tout ce qui était avant, et de tout ce qui sera ensuite. Tant de mairies à piller, tant de riches à voler, tant de reine et de roi à tuer, tant de peur à susciter, sous le regard bienveillant des deux figures corleonniennes.

Afin qu’à jamais la famille perdure.
Praseodyme
La Mort … La Camarde … La Grande Faucheuse. Leur compagne de tous les jours.

Il semblait à Praséodyme qu’elle avait toujours vécu avec Elle, sous Son ombre, depuis petite fille (oui, aussi difficile que cela pouvait être à imaginer, Praséodyme avait été petite fille). La mort d’un ou l’autre de ses frères et sœurs, puis la mort de ses parents, alors qu’elle était toute jeune. La mort qu’elle avait infligée lorsqu’elle était soldate, puis lors de quelque brigandage, sans s’en affliger plus que cela, comme chose normale. La mort idiote, pour une pièce en billon, pour une miche rance, pour un mot cru ou un regard torve. La mort des joyeux compagnons d’aventures, la mort à laquelle on échappe, juste parce que ce n’est poinct tout à fait l’heure. Et les libations et la débauche auxquelles on se livre ensuite, à corps perdu, tout heureuse d’être encore en vie, jusqu’à la prochaine fois.

Nos vies de gueux n’ont poinct de valeur, et la Mort attend Son heure, Elle ne se presse poinct.

Praséodyme suivait le cortège funéraire, dans ce triste cimetière. Elle ne faisait poinct partie de la Famille, mais elle suivait le Clan depuis quelques temps maintenant, alors elle suivait le cortège funéraire… Elle n’avait poinct connu Rodrielle plus que cela, c’estoit la Chef de la bande, alors elle suivait la Chef, parce que c’est ainsy, et que Praséodyme faisait les choses selon leur nature. Adoncques Rodrielle avait cessé de respirer. Praséodyme avait peu connu Rodrielle, mais elle connaissait surtout Enjoy, et à considérer la rondeur apparente des poumons d’Enjoy, il lui restait encore de l’air en réserve pour pas mal de temps, ce qui estoit plutôt rassurant pour elle.

Le cortège s’arrêta devant la dernière demeure de Rodrielle. Praséodyme, qui s’estoit découvert le cap par respect pour la morte, pesta en silence contre la pluie qui s’insinuait dans le col de sa pèlerine. Elle tâta la flasque froide qui gisait au fond de sa poche, mais résista à l’envie de s’en enfiler une lampée en catimini. Elle jeta un œil glauque alentour, dévisageant les trognes attristées, ou qui faisaient semblant de l’être, recueillies autour du tombeau. Elle se demanda un instant qui allait être désormais Chef à la place de la Chef. Faudrait-il un combat, une élection, un tirage au sort, un Jugement du Très-Haut ? Ou au contraire le successeur estoit-il déjà tout désigné ? Quoi qu’il en soit, cela laissait Praséodyme indifférente. Elle suivrait le Clan pour autant qu’on voudrait d’elle, et pour autant qu’elle voudrait d’eux. Et c’estoit bien comme cela.

Praséodyme considéra le tombeau d’un œil atone.
Elle ne connaissait poinct de prière, alors elle n’en dict poinct.
Elle n’estoit poinct triste pour Rodrielle, alors elle ne pleura poinct.

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