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[RP] Église Saint-Germain-l'Auxerrois

Axelle
De la galanterie, la gitane n’y entendait rien. Cela avait même le don de l’agacer, quand farouchement indépendante, elle mettait un point d’honneur, stupide certainement, à se débrouiller seule. Elle n’acceptait d’être soutenue, ou portée, que les sens brouillés d’une fièvre sulfureuse. Pourtant, ce fut avec un naturel teinté d’évidence, qu’elle s’appuya sur le bras d’Alphonse. D’un sourire amusé soulignant l’échange entre Renard et Chat et sous les exclamations fusant sous leurs museaux, elle descendit à son tour du perchoir des toits, prenant la place centrale du lardon dans le rang d’oignons. Cape de laine abandonnée distraitement sur la rambarde, la danseuse tourna sur elle-même, faisant un instant virevolter le jupon coquelicot de sa robe.*

.

Le cadeau d’Alphonse avait fait mouche. Si d’ordinaire la gitane ne voyait des robes et autres tissus que l’utilité de ne pas se balader à poil, elle avouait sans mal l’exception de celle-ci, de par sa légèreté et du rouge soyeux qui claquait dans l’air comme un coup de fouet. Mais sans doute aucun, c’était la minutie avec laquelle le Chat avait manigancé sa surprise qui l’avait le plus touchée. Amusée de se voir coquette et accrochant à nouveau le bras félin, elle se hissa sur la pointe des pieds pour murmurer à l’oreille comploteuse.

Fais gaffe Màćka, à me gâter de la sorte, je vais finir en épouse parfaite et vider ta bourse pour une ribambelle de tenues. D’un sourire espiègle, elle déposa un baiser frais sur la joue fiancée avant d’ajouter d’une voix douce. Elle me plait. Et pour qu'une robe me plaise... 'Fin t'sais bien. Merci, merci, merci. Le regard noir d’ailleurs se posa sur la seconde comploteuse. Quand Axelle avait fait connaissance d’Anaon, drapée à la sauvette d’un drap de bain telle une statue grecque, jamais la gitane n’aurait imaginé qu’au bout des doigts de l’emmaillotée se cachait un tel talent pour les travaux de couture. Et pour la danseuse qui ne savait tenir une aiguille sans massacrer ses mains, c’était là une véritable source et d’étonnement et d’admiration. Suivant le fil du regard de la couturière, ce fut sur le colosse blond que se posèrent les prunelles de geai. Et là, enchâssé dans le vermillon, le cœur bohémien fit un bond. Sergueï. L’envie de lui sauter dans les bras l’empoigna avec une telle force qu’elle en sursauta. Les pas de ces frères et sœurs choisis ne s’étaient plus croisés depuis le Lyonnais Dauphiné, pour ainsi depuis une vie entière. Elle avait tant de choses à lui dire, tant de choses à lui demander, que sans nul doute, la journée y aurait été consacrée. Mais maintenant que les souliers étaient enfilés, qu’ils étaient à sa pointure, et non baillant d’aise au bout des orteils danseurs, le temps était compté. Aussi, elle prit sur elle de rester sage, mais se promit des retrouvailles dans les règles de l’art une fois ses petons libérés de la gangue de cuir fin. La bouche toujours accrochée au lobe pale, la fiancée souffla de rapides présentations.

L’grand blond, c’est Sergueï. J’pourrais passer des nuits entières à t’parler de lui et des feux de camps qu’nous laissions dans le sillage de nos pérégrinations. Comme il semble serein… souffla-t-elle pour elle-même alors que son regard se posait sur la femme à ses cotés et sur les petites têtes blondes les encerclant. C’doit être grâce à eux… D’une tignasse blonde en suivit une autre. Le sourire doux qui flânait sur ses lèvres s’aiguisa. Lui, c’est Tynop. Fichtre, faut que j’me marie pour parvenir à voir la trogne du frangin! Et… Heu… Oui… L’est blond. Tare qu’il a héritée d’notre mère et à laquelle j’ai échappé. L’héritage paternel à finalement du bon. Ponctua-t-elle d’une virgule moqueuse et étrangement détachée des turpitudes que l’image du père Casas ne manquait pas de réveiller. En habit chatoyants, c’est Bezelius. D’ordinaire, son habit est bariolé d’couleurs qui me font perdre la tête, tout comme les notes qui sortent d’sa flute quand j’enchaine mes pas d’danse. Un clin d’œil complice à l’Egyptien alors qu’elle ajoutait doucement rêveuse. Lui, ce sont mes nuits que j’peux perdre à l’écouter m’raconter des récits aussi colorés qu’sa vêture.

Les invités étaient assez peu nombreux pour que les absences brillent. Et l’une d’entre elles brillait bien davantage que les deux autres. Le visage gitan, un instant grave d’inquiétude, se redressa sur le profil ciselé d’Alphonse pour mieux se perdre dans le même élan au gris du sol afin de camoufler une bouche tordue d’une égratignure qu’elle devinait racler le cœur flamand.

Allons-y. Coupant court à toute brèche qui pourrait fendiller la journée, la danseuse noua ses doigts à ceux d’Alphonse et l’entraina dans son sillage coquelicot. Quelques pas suffirent à fendre son visage d’ambre d’un sourire mutin. S’inclinant doucement devant le Prince, un regard espiègle pourtant accroché aux prunelles grises, elle lui glissa sur le ton de la confidence. Me suicider ? Fichtre ! Pas avant d’avoir débusqué les poules d'Clichy qu'vous semblez cacher avec soin. Cruel qu'vous êtes ! Baissant les yeux pour les relever plein de respect ajouta la pincée d’essentiel. Je vous remercie d’avoir accepté d’être mon témoin votre Altesse. Des enjeux de cette cérémonie, quelques mots échappés de la bouche princière en avaient souligné toute la compréhension. D’ailleurs, il semblait que bien peu de choses n’échappent au discernement de Sancte, à tel point que la gitane, malgré ses airs désinvoltes, l’écoutait toujours avec une attention aiguisée.

Tournant le museau vers le but ultime du cheminement, la Casas découvrit que celui-ci était accaparé par le Renard qui déjà avait manqué la bousculer. Décidément, ce Goupil semblait pour le moins facétieux ou bien maladroit, l’incertitude ne manquerait pas d’être élucidée. Si cela réjouissait la future épousée, le compte à rebours des souliers ajustés n’en avait pas moins implacablement débuté. D’une oreille animale à l’autre, ce fut à celle du Renard qu’elle glissa taquine. Auriez-vous donc besoin des talents d’une brodeuse pour la manche d'votre chemise ? Espérant que la diversion soit assez efficace, ce fut enfin sur le visage de la rousse diaconesse que les prunelles noires se posèrent. Le moins que l’on pouvait dire, était que les deux femmes ne se connaissaient pas. Et c’était certainement cela qui rendait la bonté et l’altruisme d’Exaltation plus étincelants encore. Face à l’impossibilité de célébrer l’union à Notre Dame, la Châtaigne avait semblé plus contrariée encore qu’Axelle. Oui, à n’en pas douter, cette femme recelait en elle les valeurs profondes de ce que la religion devait être, au point même d’être capable de réconcilier la Casas avec l’Eglise. D’un sourire doux, les doigts se serrant sur ceux d’Alphonse, elle salua l’Officiante poliment. Votre grâce, nous aimons l’air frais, mais il fait néanmoins un peu frisquet. Jetant un rapide coup d’œil dans la nef. Et il serait fort dommage de ne pas profiter et des braseros et des jonquilles au gout de printemps que vous avez eu la gentillesse de préparer. Et relevant un regard vers Alphonse conclut. Nous vous suivons ?


[Un grand merci à JD Anaon pour ce magnifique portrait d’Axelle et à JD Alphonse d’avoir su si bien comploter dans mon dos pour me concocter cette si jolie surprise ;)]

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Leandra.
Ca m'amuse que tu sois ma muse
Dis moi si ça t'amuse aussi
Ou bien si tu refuses
Le fluide ne s'use que si l'on en abuse…
…Alors veux tu que je te dise
Je prends ce que tu donneras
La pierre est précieuse et magique
Maintenant je sais que tu es là
D'antennes en satellites autours des météores
Je peux puiser dans ton calice
je peux creuser dans ta mine d'or
Et sois au rendez-vous
Au rendez-vous.


Détroit. Ma muse.



[Le Louvre, appartement familial des Cassel]


Ploc. Ploc. Ploc.

Bruit discontinu. Gouttes qui martyrisent l’eau calme et limpide du bain, essences jasmines, perles huileuses flottant, formant des lunes pleines et difforment. Je reste silencieuse, les émeraudes lointaines, perdues dans une des lunes précieuses venues de terres lointaines où se trouve ce jour mon frère. Mon nez se plisse légèrement, je me sens perdue tant est que depuis quelques jours tout le monde me regarde avec incompréhension, au point que je me sois froissée avec Parrain, au point que je m’éloigne du monde, même de Bastian. Je ressens l’abandon alors que je le provoque, je reproche et deviens égoïste, je ne suis plus moi-même… Je sursaute doucement au tapotement doux sur mon bras, mon minois se tourne vers ma fidèle Linette gardienne des secrets les plus sombres, l’avantage d’être muette. Un signe prompt et impatient m’intime de me lever. Je grimace et quitte à regret la chaleur bienfaisante de l’eau trop chaude jusqu’à rougir ma peau, une envie quasi compulsive de nettoyer l’outrage. Mon corps nu dégoulinant d’eau parfumée, enfin est offert au savon frictionnant ma peau, la nuque se baisse alors que Linette arrête son geste, je devine qu’elle remarque les stries boursoufflées sur ma peau. Je n’ai pas envie de capter son regard emplit de reproche, je n’ai pas envie de donner la quelconque explication. Juste un mot.

Continue.

Les paupières recouvrent les émeraudes, je reste immobile, pantin se laissant laver en silence contrairement à mon habitude où j’inonde Linette de bavardages certainement agaçants. J’inspire profondément puis expire un soupir.

Laisse-moi et prépare ma plus belle robe.

Le corps retrouve l’enveloppe chaleureuse de l’onde, là je me sens bien, là je tente de remettre de l’ordre dans mon esprit, là j’aimerais noyer mon inquiétude. Mon corps glisse doucement jusqu’à ce que ma tête soit totalement immergée, les cheveux dorés se déploient comme la chevelure de la Gorgone, mes lèvres laissent échapper un filet d’air se transformant en colonnes de bulles. Je fais le vide, je garde l’image carmin du Coquelicot, sa douceur sauvage, le goût de ses lèvres, le parfum naturel de sa peau, la grâce de son corps, son regard étincelant quand elle me regarde…Le manque d’air se fait ressentir, efface ce bien être distillé par les images de la Gitane, me ramène à ce moment en Touraine, où la main ferme serrait mon cou. Mon corps tressaille, le buste se relève vivement, j’amène les mains fines à agripper le rebord du baquet, la bouche entrouverte se gorgeant d’air. Les mains lissent les cheveux autour de mon visage, le souffle saccadé, l’échine sursaute à la main de Linette apposée. Mon minois enfin daigne se lever sur elle, et je devine à ses grands gestes que je suis en retard. Mon corps s’extirpe de l’eau devenue tiède puis du baquet et se retrouve enveloppé dans un drap puis frictionné. Je me laisse faire, l’esprit tourné vers le Diamant noir, l’Unique. Un fin sourire s’esquisse d’enfin La retrouver et d’honorer ma promesse d’être là, parmi les rares invités pour ce jour des plus important. Un onguent frais est déposé sur l’injure, et petit à petit le corps est vêtu de la dernière robe offerte par Bastian. Je grimace alors que Linette dans toute sa douceur arrive à démêler mes cheveux humides, duo de myrrhe et jasmin déposé au creux du cou, la même cape rouge de la plus belle soirée d’hiver de décembre déposée sur les épaules, un coffret de bois ciselé remit par Linette qui me gronde de son index puis un sourire.


[Eglise Saint Germain-l’Auxerrois]

Enfin le carrosse s’arrête devant le parvis de l’Edifice religieux, je souris, rassurée de constater que je ne suis pas si en retard que cela. A peine le pied à terre , je revêt le masque de la jeune Cassel que tout le monde connait, mes émeraudes captent la silhouette du Prince de Clichy, ma lèvre se mordille et malgré mon appréhension je m’approche de lui.

Bonjour Parrain, dîtes-moi que je ne suis pas trop en retard. Et sur un ton plus bas. Avez-vous pensé au présent ? Difficile à trouver n’est-ce pas…
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Xalta
Tant que vous ne le commencez pas sans nous !

Aucun danger. Vous êtes les héros du jour. Pas de fête possible sans vous.

Un sourire amusé éclaire ses traits. Tout le monde est enfin redescendu. Le marié, la future épousée, le témoins. La mariée est fort jolie d'ailleurs. Un bel écarlate.

C'est un plaisir de vous revoir. Aimez-vous toujours autant les tapisseries? lui demande Sabaude. Oh Pu.. naise ! Et les conversations qui reviennent en tête. Foutu vin chaud qui délie les langues ! malgré le temps qui se décompte désormais en année, il n'avait pas oublié, tout comme elle n'oublierai jamais ce mariage préparé dans l'urgence, elle avait failli s'arracher les cheveux pour les demandes de dérogations, et la décoration tout en déclinaison de rose pour deux inconnus: Erwelyn et Shynai. Un sourire amusé ourle alors les lèvres de la diaco-duchesse.

Un plaisir partagé. Et j'aime toujours autant les tapisseries. Tellement de qualités que j'ai pu encore tester.


Elle ne posera pas de question sur l'absence de Brune, n'étant pas au fait des derniers événements. D'ailleurs, elle n'avait pas non plus posé de question à cette dernière l'été dernier quand elles s'étaient croisées à Bourge. Non pas un manque d'intérêt, c'est simplement que parfois elle savait faire taire sa curiosité naturelle. Tout comme elle ne pose pas de questions sur l'orphelin... dont le nom lui échappe mais elle se souvient qu'il se voyait roi de France.

Les mariés les rejoignent, elle leur adresse un sourire chaleureux. Puis elle pivote dans un froufrou de soutane, elle remonte la nef, l'église est imposante même si ce n'est pas ND. Puis elle se place devant l'autel, elle attend que chacun prenne place: les mariés, leurs témoins, les invités.

Frères et sœurs

Nous sommes tous réunis aujourd'hui pour accompagner Axelle et Alphonse dans cette nouvelle étape de leur vie.

Pour commencer nous allons nous débarrasser d'une questions. Certains clercs ont pour habitude au moment des voeux d'interroger les personnes présentes pour savoir si l'une d'elle aurait une raison de s'opposer au mariage. Cette question, je ne la poserai pas, considérant que quiconque a eu un délai de quinze jours, depuis la publication des bans , pour se manifester.

Comme je disais, Nous allons être les témoins privilégiés de la célébration de leur affection qui les a unis déjà il y a longtemps et qui existe dans une des plus belles créations humaines: leur enfant,


Elle leur adresse un sourire. Et puis une hésitation qui passera inaperçue.

Pour commencer ce mariage, nous allons débuter non par la prière de la confession, mais par le credo

Je crois en Dieu, le Trés-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
le fils de Nicomaque et de Phaetis,
envoyé pour enseigner la sagesse
et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu’après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Trés-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.

AMEN

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Alphonse_tabouret
Oreille attentive aux remerciements coquets comme aux présentations faites au murmure des lèvres gitanes, le chat avait écouté l’esquisse de portraits dont il ne connaissait que l’importance sans pouvoir encore la nourrir de détails. Les mots étaient assez rares chez Axelle pour en gouter chaque inflexion avec lenteur, aussi s’était-il attardé à tous, au fil d’une méticuleuse mémoire archivant les bribes de substance au détour de l’intime tour de piste orchestré par la danseuse. Ses invités quant à lui étaient bien peu nombreux, créature solitaire qui avait si longtemps considéré l’affection des autres comme de potentielles faiblesses qu’il en gardait en guise de séquelles, un vide distinct autour de lui, ne discernant que lors d’accidentelles collisions des mondes, l’étincelle d’un probable ; Anaon avait effleuré son univers à la faveur d’une nuit d’été alourdie des promesses d’une pluie en suspend quand celui de Sabaude l’avait frappé de plein fouet avec une telle violence qu’ils demeuraient tous deux depuis, au prise d’une indissociable énergie esquissant au front des enfants sages, le gout acidulé des frasques les plus enjouées et si jamais encore il n’avait vu les deux cote à côté, la tête avait trop à penser pour se rendre encore compte qu’il faudrait nourrir la curiosité de la mercenaire quant à cette improbable réunion.

L’ouïe libérée de la badinerie renarde à laquelle le comptable apposa un regard faussement moralisateur tout autant qu’amusé, la diaconesse emmena le minimaliste cortège dans le ventre de pierre, animal tenant au sien le bras de sa fiancée et la rassurante compagnie du Goupil sur les talons, s’arrêtant devant l’autel où elle déroula le début de la cérémonie.
La précipitation de pas ronds sur le pavé attira l’attention comptable sans pour autant l’asservir à un tout autre espoir, discernant en accordant un regard derrière lui, la silhouette replète de Pernette se faufiler dans le fond de l’église et sa mine confuse en constatant son retard, serrant contre elle le corps endimanché d’Antoine dont le visage délicieusement tragique témoignait visiblement d’un profond mécontentement à sa situation, et lorsque l’une des boucles soigneusement, tout autant qu’inutilement, lissées pour l’occasion rebiqua déjà, excitant le désarroi de la nourrice qui s’appliqua alors à la maitriser, l’enfant protesta d’une voyelle grave, amenant indubitablement un sourire aux lèvres paternelles tandis qu’il reportait son attention sur la flamboyante ecclésiastique, reprenant en écho à mi-voix, ce crédo retrouvé quelques semaines auparavant :


Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.

Et en Aristote, son prophète,
Le fils de Nicomaque et de Phaetis,
Envoyé pour enseigner la sagesse
Et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.

Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu’après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Très-Haut.

Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Eglise Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la Vie Eternelle.

Amen


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Etienne_de_ligny
La nouvelle lui avait été annoncée avec sérieux et l'écho qui se porta à ses tympans eut raison de la compréhension du noble. Abasourdi, trahit, humilié, l'heureux événement sonna le glas entre les tempes du Griffé. Ce qui ne fut que jalousie déplacée et misogynie acerbe, s'apaisa néanmoins sous la verbe féline. Pour Eux, pour Lui, tout n'était qu'artifice et façade, compromis et compréhension. L'Exception autrefois tolérée, revêtit alors le visage d'une Mère, prête à tout pour élever Antoine, d'une Femme compréhensive qui au delà de l'amitié sincère qui la liait à Alphonse, accepta de porter la tenue ingrate de la Conformité. Aussitôt, la rage, la jalousie, tous ces maux se dissipèrent au profit de la tolérance. Prenant alors sur lui, sur ces idées fixes et limités sur la gente féminine, Etienne se prépara pour la cérémonie. Pour l'occasion, la barbe fut taillée, la peau méticuleusement nettoyée aux sels et les griffures, quant à elles, furent masquées sous une épaisse chemise blanche et un mantel de cuir. Les braies noires sont enfilées, les bottes de cuirs marrons également enfin apprêté, le Griffé regagne la Capitale. S'il avait pour habitude d'être en retard, le mariage n'échappa nullement à la règle.

Les marches franchies, l'ombre de l'établissement surplombant la carcasse nobiliaire, le De Ligny poussa les lourdes portes céleste pour en franchir le seuil. Plusieurs convives sont déjà présents, et malgré sa discrétion, il senti sur lui se poser certains regards insistants. La cérémonie a déjà commencée. S'installant dans un coin, loin de tous mais néanmoins visible pour Lui, Etienne écoute distraitement ses paroles. S'attendait-il à ce que ce soit Xalta ? Non. A ce qu'Axelle se pare de rouge pour son mariage ? Non. A ce qu'il choisisse un autre que lui comme témoin ? Non plus. Légèrement rancunier et revanchard, le noble prend sur lui malgré sa mauvaise foi. Il sait que malgré la proposition, il n'aurait pu s'exposer ainsi aux yeux de tous, au risque de compromettre son propre intérêt. La Noblesse se pare de biens d'apparat mais la menace du bûcher, risquait avant tout de le priver de son rôle de frère et d'honorer son héritage familiale. Pour les De Ligny, pour Aliénor, le Griffé se fait discret, distant et transparent. Pour Lui, il franchit le seuil d'un lieu de culte pour en bafouer les fondements. De ce secret, seule Xalta et les principaux concernés pouvaient en saisir le trouble et l'évidence.

Assidu, le Griffé écoute les mots et promesses de son Autre, tandis qu'il sort de sa poche, sa chevalière familiale. S'il ne pouvait lui offrir le calme et la tendresse, si pour Lui, Etienne n'était que drogue dure et corrosive, le noble tenait néanmoins à lui prouver qu'il était prêt à tout pour honorer sa promesse, même à se damner.

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L'Aphrodite, une invitation indécente.
Sabaude
Fine esquisse que celle ciselant la face renarde au chant de la diaco-duchesse. L'oeil finit de parler pour lui et de livrer muettement à l'officiante le tour joué par ses pensées... des tapisseries et des hommes... Puis il se fait souris, la nuque piquetée des présences derrière lui, et, traînant dans son sillage une réponse énigmatique qui trouvera refuge au creux de l'oreille gitane...

Seulement si elle sait broder bien au delà de la manche.

...il se faufile dans leur dos pour échanger les places.

A la lenteur du corps oppressé par l'édifice s'associe celle des salutations minimalistes faites de légères inclinations de la tête lorsqu'il ne s'agit d'un regard curieux ou d'un sourire pour ceux nimbés d'inconnu, à peine soutenus par une mémoire défaillante quand bien même quelques traits éveillent un vague souvenir et se tournent vers lui.

L'impulsion donnée par les futurs mariés vers le ventre divin l'arrache à son immobilisme convenu et guide ses pas tandis que les prunelles s'attardent sur la sicaire qu'il n'a revue depuis l'Anjou quatre semaines plus tôt. Des questions lui brûlent les lèvres, d'autres en retour vrillent ses nerfs. Détournés par l'avancée à surveiller, ses sombres accrochent une silhouette, une autre, l'arrangement des lieux, échouent avec bienveillance sur les mains enlacées et s'arrondissent à la montée du credo. Pour un peu il souhaiterait la répétition de l'épisode angevin, un Namay lâchant ses bœufs dans le lieu saint pour distordre les mots, en faire un poème, une chanson paillarde enjouée. Imaginant la tête de chacun des rassemblés si ceci advenait, il pique du museau pour dissimuler l'avortement d'un rire incongru, soudain conscient qu'aucune foule ne le soustrait à la vue et que les sons sortent clairs.
Les lèvres se serrent. Lui parfois si volubile ne dérogera pas à ses convictions, ce qui n'entachera en rien son rôle pris à cœur.

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Axelle
Exaltation n’était pas seulement foncièrement altruiste, elle était aussi bigrement efficace, ce qui n’était pas pour déplaire aux malheureux petons gitans peinant à se faire dociles dans leur prison de daim –oui Monsieur, de daim - pourtant si souple. A peine la Gitane eut-elle le temps d’apercevoir le bout d’une mèche blonde que déjà, la voix posée de la demie rousse Officiante emplissait l’édifice à la sobriété élégante et majestueuse. A la voix d’Alphonse récitant la prière certifiée, se mêla celle d’Axelle, fidèle au protocole, sage et concentrée, presque pieuse alors pourtant qu’entre ses tempes brunes une toute autre louange chantait sa mélodie.

« Je suis bohémien, un pauvre voyageur,
Ma caravane est mon monastère,
Je fais de mon cœur le lieu de ma prière,
Je ne possède pas d'habits élégants,
Dieu dit que le corps est plus beau que le vêtement.
Je ne me soucie pas de la nourriture de demain
Le Notre-Père demande le pain quotidien,
J'amasse dans mon âme une tirelire d'amour,
Elle est à Dieu, elle sera ouverte un jour.
Mon cœur ne convoite pas de grands biens,
Son gros appétit est d'aimer bien son prochain,
Ma roulotte est petite,
Bien plus qu'une maisonnette,
Mais Toi, Seigneur,
Tu n'avais pas où reposer ta tête.* »


Tels étaient les mots qu’elle avait appris haute comme trois pommes, à la bouche ridée de cette grand-mère adorée, refuge de ses chagrins de gamine, avant que celle-ci ne juge salutaire pour son âme de feindre la sénilité, comme si cela pouvait amoindrir les vices de son propre fils et le rendre plus humain. Oui, pieuse, au secret de son âme, la Gitane l’était, ses pas foulant les sols sacrés dès lors qu’elle avait besoin de force pour poursuivre sa route. Si elle était fâchée avec l’Eglise, elle ne l’était nullement avec le Très Haut, bien que ce Barbu là ne lui semble trop inaccessible pour ne pas lui préférer Sainte Sarah, Vierge noire dont l’oreille féminine lui semblait bien plus douce aux confidences. Bien sûr, Axelle avait trébuché, était tombée si lourdement qu’elle avait bien cru ne jamais se relever. Et pourtant, elle était là, debout, encore plus forte certainement, quand le seul regard nuageux qui emplissait son ciel, elle l’avait troqué contre d’autres. Ils n’étaient pas bien nombreux ces regards, le peu d’invités en ce jour en attestait, mais chacun était unique et si précieux à sa façon. Destin gravé au creux d’une paume ou volonté céleste, la gitane n’en avait cure en cueillant ce regard noir à ses cotés qui l’avait accompagné à chacun de ses pas sur la voie de la guérison. Car guérie, elle l’était aujourd’hui. D’un père tyrannique. D’un époux qui n’en fut jamais un malgré l’Amour insensé. De ces pleurs d’enfants délaissées sur le bord de sa route. Me tuke phenav ake o drom oke le kanre; tu phir sar zanes.** C’était exactement ce qu’elle faisait, le cœur léger et sans crainte, oublieux de la jalousie et de la passion destructrice, pour n’aimer qu’en douceur, au gré des rires, des sourires et des envies. Peureuse encore de rouvrir cette boite de pandore qu’était l’Amour? Peut-être. Mais au diable ces philosophies de baltringues quand c’était l’Ami qu’elle épousait. Mariage d’Amitié et d’Amour pour un marmot aux yeux de geai. En existait-il vraiment de plus beaux ? Qu’elle ait raison ou tort, la gitane était persuadée que non, et c’était très bien ainsi.

Prière achevée, les charbons noirs se baladèrent dans la nef jusqu'à tomber sur Antoine, si petit, si fragile, et qui pourtant avait réussi le prodige qu’un Chat et qu’une Bestiole se disent oui sous les pierres d’une église, conjuguant au passé les craintes autant que le dégout du sacrement, pour qu’il puisse grandir sans peur.

Dans son sillon, le regard bohémien cueillit une silhouette reculée que, malgré l’ombre traitre, la Casas reconnut sans mal. Et l’aurait-elle voulut que rien n’aurait pu empêcher son sourire de s’étendre face à la présence d’Etienne en ce jour là, très précisément. Sourire qui s’agrandit encore en posant furtivement ses mirettes sur le profil du Chat, quand sa mémoire joueuse se réveillait d’un sigle enfantin tracé sur une liste d’invités.

Puis redevenant sage, par pitié pour ses pieds, mais surtout pour l’Officiante, lui rendit toute l’attention qu’elle méritait.


*[Extrait de la "Prière du Gitan", que je me suis refusée, par respect, à modifier pour les besoins du jeu. Je m'excuse donc pour l'incohérence qui peut en découler]

** Traduction du romani: "Je te dis voici la route, voilà les épines ; toi, marche comme tu sais."

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Xalta
Un texte sur les enfants, c'était là, la seule exigence de celle qui allait se marier. Pour cela, la diaconesse avait replongé dans le livre des Vertus, dans les hagiographies, les démonographies aussi_ elle se souvenait d'avoir lu celle de Belial pour le mariage de Sancte avec Catherine_ , les écrits des saints et puis elle avait hésité longuement, hésitant entre deux textes: choisissant l'un puis l'abandonnant au profit de l'autre et ainsi de suite et c'est quasiment la veille qu'elle s'était décidée. Le travail n'était pas terminé après le choix, il lui fallait le relier, en tirer une courte leçon en lien avec le mariage. Pas si simple, plusieurs ébauches avaient fini au fond d'une corbeille à papier. Elle avait l'impression de ne dire que des banalités, ce qui au fond n'était pas dénué de vérité.

Je vais vous lire quelques extraits d'une méditation de Saint Barnabé, ceux qui assistent à mes offices dominicaux savent combien je l’apprécie.

Et elle réussit à le dire avec le lus grand sérieux quand on sait que la majorité des baptisés oubliaient rapidement le chemin de l'église sitôt le baptême fini et le dimanche, elle officiait devant une assemblée des plus réduites. Malgré tout elle continuait: c'était la voie qu'elle s'était choisi. Dieu jugerait, elle, elle avait d'autres préoccupations.

Une mère était désespérée, son unique enfant était atteint d’une tuberculose et l’arrivée de la mort n’était qu’une question de jours. Barnabé qui faisait le tour d’un hospice en Berry remarqua cette femme et son enfant. Il s’approcha de la mère et s’assit à côté d’elle. Il pris la main du gamin, puis s’adressant à la mère il lui raconta l'histoire de deux hommes qui partageaient la même chambre dans un hôpital: l'un était allité et l'autre pouvait se mouvoir. Le second pour égayer les journées du premier lui racontait tout ce qu'il voyait: la chambre, la rue. Un jour l'homme qui racontait mourut. L'autre homme se rétablit et il découvrit alors que son compagnon d'infortune décédé était aveugle et qu'il avait inventé tout afin de lui insuffler du courage.

Il s’arrêta et regarda la mère, attentive. Puis il reprit :
Il y a un bonheur énorme à rendre les autres heureux, en dépit de nos propres situations. La peine partagée est la moitié de la douleur, mais le bonheur, une fois partagé, est doublé. Si vous voulez aider votre enfant, ne vous apitoyez pas sur son sort, tout le monde le connaît. Vivez les derniers moments de sa vie avec lui, à ses côtés, mais pas dans le chagrin. Aujourd'hui est un cadeau, c'est pourquoi il s'appelle le présent.

Barnabé se leva, fit une petite croix sur le front de l’enfant, et embrassa la mère sur les deux joues. Il passa près des autres malades, puis s’en alla vers d’autres lieux. La mère tenta de suivre ses conseils. Deux jours plus tard, l’enfant rouvrit les yeux, le neuvième jour, il aidait sa mère aux champs… Un miracle ? Peut-être ! Laissons la réponse à Dieu…


Elle fait une pause, ses mains gantées sont posées désormais à plat sur les pages du Livre. Elle laisse le silence s'instaurer, elle finit par relever le visage au bout d'une minute, ses yeux se posent sur l'assemblée qui lui fait face. Elle inspire profondément et d'une voix posée.

Que nous apprend ce texte ? Il nous enseigne que nous devons chaque jour vivre celui-ci pleinement, que l'on doit en extraire le meilleur, non seulement pour soi mais aussi et surtout pour les autres. La vie est brève, nul ne sait quand il sera rappelé auprès de Dieu pour y connaître son jugement.

Il nous apprend que lorsque nous agissons pour le bien des autres, nous recevons en retour beaucoup. Notre bonheur est doublé et il en est de même quand deux être décident de s'unir, dans votre cas il est même triplé puisqu'il y a votre fils.

Ce texte finalement nous parle d'amour, d'entraide, de courage et d'abnégation, des valeurs que l'on se doit de faire vivre au sein d'un mariage.


Puis elle quitte le pupitre et vient se placer devant les mariés. Sa mine est sérieuse

Nous allons passer aux choses sérieuses.
Vous allez devoir échanger vos serments et vos voeux.


Puis parce qu'elle est elle et qu'elle ne peut s'en empêcher, sa mine devient espiègle

Si jamais vous aviez un doute, c'est votre dernière chance pour fuir et quitter l'église en courant.

Un peu d'humour, cela n'a jamais nuit. Mais point trop s'en faut. Alors elle reprend puisque personne n'a fuit.

Le mariage suppose que les deux époux s'engagent l'un vers l'autre librement et sans contrainte, qu'ils se promettent amour mutuel et respect pour toute la vie, qu'ils accueillent les enfants que le Très-Haut leur donne, et les éduquent selon les écrits d'Aristote et la pensée de Christos. Axelle et Alphonse, est-ce bien ainsi que vous voulez vivre dans le mariage ?

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Anaon


      Les azurites parcourent les drapés de rouge nimbant la silhouette gitane. Surprise en premier lieu qu'elle soit portée pour l'occasion, l'œillade ensuite ne peut s'empêcher de se faire critique. Perfectionniste sempiternelle, elle se rassure et se ravit de constater que la robe semble n'avoir aucun impair d'ajustement. Et si la mercenaire est d'une retenue exacerbée, sans doute n'aurait-elle pas hésité longtemps avant de sauter sur la mariée s'il y avait encore eu un bout de fil à couper qu'elle aurait été seule à voir et qui n'aurait pourtant cessé de lui tordre les nerfs. Le spectacle offert apaise néanmoins sa maniaquerie maladive, contente que son travail ait plu, et ses pensées s'écourtent quand le mouvement est lancé vers les entrailles de l'église.

    La sicaire demeure immobile, les bras toujours carcan sur sa poitrine. Les prunelles se lèvent à nouveau sur la façade dressée de l'édifice. Et la balafrée laisse bien volontiers les autres emboîter le pas des mariés les premiers. Certain pourrait dire que la mercenaire n'a pas fait tant de simagrées pour le mariage de Katina, où elle est passée bien rapidement sous le tympan de la cathédrale angevine. Le fait est que si elle n'avait eu la tâche de conduire la mariée à son époux, elle serait restée tout aussi longtemps plantée devant les portes sans oser y pénétrer. Et il y a fort à parier que sans cet empaffé de Gligor qui les avaient délicatement... " jetées " à l'intérieur de l'édifice, l'Anaon se serait figée comme un chat au bord d'une mare, la promise condamnée à demeurer sur le parvis à cause d'une marâtre refusant catégoriquement de mettre un pied de plus sur ce sol sacralisé. Les bras se défont néanmoins lentement de sa poitrine, une respiration un peu crispée se prend... Et en bonne dernière, la mercenaire ébranle ses chairs pour passer le porche de l'église.

    Un désagréable frisson la fait frémir dès le premier pied posé entre les murs religieux, et les azurites embrassent le décor offert à sa vue. Elle comprend alors qu'aucun autre invité n'est attendu. S'il y avait eu du monde, la sicaire aurait observé sans remords de loin, à deux pas de la porte, ou posée sur le banc le plus éloigné de l'autel. Mais à voir les rangs si vides derrière Alphonse, elle se résout bien soudainement à faire passer l'affection avant les stigmates gravés à fleur de peau et d'âme. A pas feutrés, mais pressés, d'une détermination mal à l'aise, elle rejoint les premiers rangs où elle se glisse, juste derrière Sabaude, préférant garder symboliquement corps entre elle et ce trop plein de divin matérialisé par l'autel de blanc nappé. Son attention est attirée par un son plus fort qu'un autre, et les perles cobalts se posent sur la petite Chenille qu'elle revoit encore emmaillotée dans son drap de bain. De voir le petit Antoine lui tire un léger sourire et ramène ses pensées des mois en arrière, où lors d'une journée humide des vapeurs d'une étuve, la balafrée avait eu l'heur de rencontrer la petite famille au grand complet. Et à observer l'enfant avec tendresse, les azurites reviennent aux parents qu'elle regarde d'une curiosité nouvelle. La nature de leur relation ? Elle ne la connait pas. Alors de les avoir vus si proches aux bains, la sicaire ne l'imagine naïvement que faite d'amour. Si des unions d'intérêts, elle en a connu, être témoin d'une alliance faite de sentiments serait bien là une première. Ou du moins, cela fait tellement longtemps qu'elle n'en a plus vu que celle-ci à le luxe aujourd'hui de la captiver.

    Les lèvres restent résolument closent au credo. Et quand vient les discours religieux auxquels d'ordinaire elle n'entend absolument rien, la balafrée se surprend elle-même d'y être aujourd'hui aussi attentive. Le thème touche au cœur. Il n'en est pourtant pas agréable. Si sur certain passage elle approuve et médite, la fin la braque et lui tire une irrépressible grimace. Les miracles ? Elle a compris que cela n'existe pas. De la bonté de Dieu ? Il est des ulcères plus douloureux à l'âme qu'à l'estomac.

    "Ce texte finalement nous parle d'amour, d'entraide, de courage et d'abnégation, des valeurs que l'on se doit de faire vivre au sein d'un mariage. "

    La mercenaire se fait pensive, regard perdu dans le vague. L'attention glisse brièvement sur le bambin porté aux bras de sa nourrice, et qui un instant, retient toute son attention. Avant de bifurquer l'œillade vers le couple se préparant aux vœux.

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    | © Image Avatar : Eve Ventrue | © Image Signature : Cristina Otero | Anaon se prononce "Anaonne" |
Serguei.novgorod
Il a ri, sans réfléchir, à la réponse de Lyson, et c’est dans un élan taquin que les lèvres viennent murmurer à l’oreille, comme un bras s’en va enlacer sa taille :

- Evidemment que je suis en manque de…

La surprise a pris l’esprit comme la présence a pénétré l’œil. En une seconde, en un instant fragile où il ne sait s’il a bien perçu ou non, ses pensées dérapent, se lacent et se délacent dans un tourbillon de questions. Alors, comme on le ferait dans la rue en croyant revoir un cher disparu ou perdu de vue, la nuque se tend soudain, pour vérifier si les prunelles n’ont pas menti, si elles ne l’ont pas trompé.

Nulle trahison des iris cette fois-ci ; Anaon est bien là, debout sur le parvis. A la stupéfaction subite est venue la joie, simple et puissante, de la voir se tenir là, à quelques pas de lui. La main ostensiblement posée à l’épaule de son fils, il la regarde, comme pour lui crier silencieusement « Tu as vu, Il est là, le prodigue ! ». Fièrement, il ébouriffe la tête chérie, l’entraînant à marcher devant lui. Sa main s’appuie aux reins Lyséens en une pression tendre, comme le visage est résolument tourné vers Anaon tant il n’en revient pas de cette coïncidence. Axelle a décidément le chic pour être surprenante. Elle l’a toujours été, d’ailleurs, et il se languit de la revoir et de la serrer dans ses bras.

Tant de choses les lient qui ne sauraient se raconter sans en ôter une partie de la teneur des sentiments, mais tout-de-même… Il se plaît à conter certaines de leurs aventures à ses gosses le soir au coucher, ou lors de balades en forêt. Une brindille seule le renvoie à elle ; ce surnom qu’il lui a donné, et qu’elle seule peut porter. Les probabilités que sa gitane sœur soit en relation avec celle qu’il ne saurait définir par un nom quel qu’il fût étaient tellement astronomiquement infinitésimales que l’incrédulité habille ses lèvres d’un sourire ravi.

Elle est si proche et pourtant si loin, quand quelques mètres seulement les séparent. Un tiraillement le prend au ventre en la regardant et, comme il la voit détourner son attention de lui, profite de l’obole d’un regard pour incliner la tête vers elle, lentement, dans un long salut appuyé, sourire malicieux fiché au coin de ses lèvres tourné vers elle. Mais elle a regardé ailleurs ; sans doute sa joie n’est-elle pas réciproque… Il profitera de la sortie de l’église pour l’attirer à l’écart et échanger avec elle quelques mots, un moment. Il le sait ; il le sent.

Il y a quelques autres présents que la famille Slave laisse pénétrer l’édifice avant de s’engouffrer à leur suite, après s’être émerveillé de l’habit de feu que revêtait l’allure gitane. Les yeux aux chausses de peau animale, il manque d’éclater de rire tant il sait à quel point ce genre d’ornement est une prison pour les petons d’Axelle ; elle aime le naturel et la fluidité des gestes. La réplique eut pu être murmurée en un « c’est parce que t’es à l’église que tu prends même tes pieds au sacerdoce », mais il se tait, résolument silencieux, attentif à ce qui l’entoure.

Le credo ne l’émeut pas vraiment, mais bien davantage le texte qui suit ; le regard posé à la nuque et au dos d’Anaon, il imagine comme la perte de son enfant doit trouver un écho à la lecture religieuse. Sans doute est-ce là le plus grand tour des bigots ; leurs textes parlent à tous, évoquent à chacun le souvenir d’un écueil ou d’un bonheur et les font leurs. Ils s’approprient la peine et l’heur pour en ériger des règles, des morales, des diatribes ; ils les prolongent de prières d’intensité exacerbée, pour nourrir les sentiments des croyants. A quoi sont-ils fidèles, les croyants, si ce n’est à leurs faux-semblants ?

Il ne s’est pas départi de ses armes qu’il a cependant et par respect, pris soin de camoufler sous la chemise et dans la botte pour ne pas cracher aux yeux du monde son état païen. Sa bouche fermée crie pourtant son absence d’élan théologique, mais qu’importe ; il n’est pas là pour lui, mais pour Axelle. Ses larges mains posées et croisées sur le petit corps du fiston, il attend comme chacun, après un sourire aimant à Lyson et aux deux autres bambins, l’échange des vœux des promis.

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Sancte
Le mariage a la sacralité de l'ad vitam aeternam. Ce fut long pour qu'Axelle accepte de franchir de nouveau le pas suite à l' « expérience Felryn ». Mais elle choisit de le faire. En pleine conscience. Aussi, il a naturellement accepté de lui prêter main-forte à sa mesure pour l'occasion, en décollant de Clichy pour Saint-Germain. Mais s'il s'est lui-même marié deux fois déjà, le souvenir de ses unions s'est effacé au-dessous de la patine du temps. Il est de ces gars à l'esprit profond qui ne laissent que peu de place à l'émotion sur le marbre de leur mémoire, contrairement à son époque, qui voulait que nulle décision ne soit pesée sans les atermoiements du cœur. C'est ce qui faisait que bien souvent, s'il comprenait assez bien les femmes, les femmes, elles, ne le comprenaient jamais.

Au sein de l'église, son visage s'habille d'un souris distant. Mais c'est parce qu'il se sent seul, en l'instant, soit un sentiment identique à ce qu'il a pu ressentir tout au long de sa vie, en dépit des apparences. Alors son regard se déporte sur Antoine, qui n'est déjà plus un bébé. Installé à côté de la Cassel, c'est avec elle qu'il passe un entretien pour tromper la solitude à laquelle il se sent voué. Étonnante question que la sienne. Oui, il a pensé aux cadeaux. Mais il est vrai qu'il ne s'est pas vraiment enquis des desiderata du couple en matière de présents.


« Je me suis fié au bon sens de la tradition. Un surcot & un mantel fourré de peaux d'écureuil, ainsi qu'une tunique en bon drap de laine. C'est traditionnellement ce que l'on offre aux nouvelles mariées, en Quercy. »

Puis, se voulant rassurant :

« Ainsi que des Toffee-Bars. Par pure gourmandise. »

Donc ils peuvent désormais quitter l'épicentre de la foi en toute quiétude. Les mariés pourront de nouveau remonter au sommet de l'édifice, et poser ensemble sur le monde leur regard empli de leur nouvelle vocation d'époux ... avec de quoi se tenir chaud et se remplir le ventre.
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Axelle
Les lèvres rousses s’arquaient et s’arrondissaient sur un récit que la gitane buvait avec la même lueur enfantine dans les mirettes que lorsque les mots coulaient de la bouche de Bezelius. Infatigable gamine qu’elle était dès lors qu’on lui servait un peu de ce dont elle avait été privée. Méticuleusement, elle extirpait la substance nue des mots pour la ranger avec précaution dans un coin de sa cervelle, à l’abri des regards mais certes pas de sa mémoire. Sur combien de textes Exaltation avait-elle dû se bruler les yeux pour répondre à cette demande, qui n’avait rien d’un caprice, d’un texte sur les marmots, tandis que chants, musiques et prières avaient été laissé au bon jugement de la Diaconesse ? Trop certainement pour ne pas en concevoir une pointe de confusion toute auréolée de reconnaissance. Attentive, ses pensées pourtant se prenaient les pieds dans des interrogations dont elle n’avait pas encore la moindre réponse. Car un jour, après avoir tant écouté, il lui faudrait bien parler à son tour. Le regard noir dévia fugacement vers l’indomptable boucle d’Antoine, lui arrachant un sourire fier de constater l’atavisme si bien choisi avant de replonger sur les lèvres de l’Officiante. Que choisirait-elle elle-même de raconter à son fils, quand il s’allongerait à l’ombre d’un orme feuillu pour reprendre son souffle après avoir déjoué les ruses véloces de l’épervier ? Devrait-elle gommer le noir du soleil camarguais ? Eviter les crevasses où les visages sororaux étaient oubliés ? Ou encore, devrait-elle donner une quelconque morale ou le laisser la forger lui-même ? Mais le moment appartenait à d’autres réflexions s’échappant des lèvres rousses.

Si Axelle était actrice, elle détestait mentir. Raison pour laquelle, dans sa logique toute personnelle, elle jouait la comédie. Feindre d’être telle ou telle pour éviter les questions avant même que celles-ci ne puissent éclore à des lèvres trop curieuses, tel était son credo. Et devant les paires d’yeux réunis en ce jour, l’idée même de mentir lui était plus insupportable encore que d’ordinaire. Vexante même, pour cette infime poignée d’êtres la connaissant bien trop pour être dupes de ses pirouettes. Aussi, prit-elle le temps de décortiquer chaque parole avant d’ouvrir la bouche.

S’engager librement et sans contrainte. Vrai que la question aurait pu poser souci quelques mois encore auparavant. Mais il avait suffit de s’attarder un peu sur le sujet pour que le doute s’efface. Nulle contrainte, nulle obligation ne pesait pour lier sa vie au Chat quand Antoine l’avait fait avec une force sans partage dés son premier cri, scellant de ses yeux noirs une complicité qui n’avait eu besoin d’aucune cérémonie pour déjà s’enraciner au plein milieu de sa vie.

Se promettre respect et amour mutuel. Si la question du respect ne posait aucun problème tant, depuis leur rencontre, le Chat et la danseuse en brodaient chacune de leurs retrouvailles, cette histoire d’amour mutuel pouvait prêter à confusion. Amour. Quel foutu mot fourre tout ! Amour filial. Amour fraternel. Amour amoureux. Amour sangsue. Il était à l’image de son homologue verbe: aimer. Diantre, qu’il était incroyable de constater tout ce que ce verbe pouvait avaler comme sens en quelques lettres. C’était bien là tout son paradoxe et son défaut. Dire tant de chose à lui seul, sans admettre de synonymes pour définir la multitude de ses nuances. Orgueilleux! On pouvait aimer avec la déraison de la passion amoureuse. Avec la sincérité franche de l’Amitié. Avec la complexité que déterrait le regard d’un père, avec l'absolu le plus poignant en contemplant des heures durant le visage de son enfant endormi sans se lasser une seule seconde, ou avec la tendresse taquine puisée aux rires d’un frère. Et même avec gourmandise, on pouvait aimer follement les Toffee-bars. Alors, pouvait-on aimer sans être amoureux ? La question ne se posait finalement même pas. Oui. Elle aimait Alphonse. Sans l’ombre d’un doute. Et au diable si d’autres fourraient dans ce sac des déductions faussées par la coutumière habitude d'un simple mot.

Accueillir les enfants que le Très-Haut donnait, et les éduquer selon les écrits d'Aristote et la pensée de Christos. Bon. La Gitane, bien que pas bien vieille encore, n’était pourtant pas née de la dernière pluie, et dire que les enfants étaient donnés par le Très Haut était un précepte qui ne manquait jamais de lui donner le sourire. A vrai dire, le Très Haut n’avait pas été franchement présent dans le charivari aussi infernal que fiévreux qui avait précédé de neuf mois tout ronds la naissance d’Antoine. Car s’il était là, avec ses boucles félonnes, sa peau pale et la figure bouffée pas ses grands yeux sombres, c’était davantage du fait de la débauche colérique du sans nom que de la sainteté du Très Haut. Mais cela, certainement, n’était qu’histoire de sémantique, quand parler de désir et de luxure aurait franchement fait bordel dans le tableau religieux savamment orchestré. Eduquer Antoine selon les écrits d’Aristote et de la pensée de Christos ? Au sein même du lupanar ? A premier abord, la chose semblait plus qu’ardue, mais si cela signifiait savoir l’aimer et lui apprendre en retour à le faire, alors sans aucun doute, c’était bien ce que la gitane avait derrière la tête.

Alors, ce fut sans tergiverser davantage que la gitane releva le museau pour annoncer un Oui, dépouillé tant d’hésitation que de dissimulation ou de fioritures, et encore plus de fuite qui ne soit vers l’avant.
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Alphonse_tabouret
S’il n’avait eu besoin du geste que sa fiancée lui adressa à l’ombre de leur couple ainsi présenté devant l’autel, le comptable aurait senti sans mal le poids d’un regard à sa nuque et l’alerte immédiate des sens relevant d’un intangible secret dont les chemins avaient tantôt le gout du sucre, tantôt celui du poison. Anxieusement, en écho aux doigts bohémiens le taquinant, il tourna la tête, apercevant brièvement De Ligny dont aujourd’hui les démons déposaient au ciel clair, l’oriflamme d’un drapeau blanc, paix éphémère mais non point illusoire, qui berça sans contremesure l’âme de l’animal d’une satisfaction tendre tout autant qu’égoïste, si souvent tenu au secret des troubles dissolvant l’âme nobiliaire que c’était à ses sens falsifiés, la première fois qu’il percevait le sacrifice du Griffé consenti à leur attachement insensé. Le pli doux d'un sourire fut adressé au visage grave quand les pas de la mercenaire attirèrent son attention, danse légère et pourtant déterminée qu’il avait ajouté à son répertoire de sons depuis quelques mois désormais et dont il parvenait presque à soupeser systématiquement le chant annoncé quand il se propageait dans les couloirs de la Maison Basse en attendant qu’ils ne s’aventurent dans Paris, démêlant un instant la surprise à ce contentement inexplicable d’attacher sa silhouette à la sienne en ce jour ci.
Étrange Anaon, qui se révélait sans cesse faite de petites et grandes choses, enroulant aux volutes de ses mots et de ses yeux clairs, des éclats de vie au visage mâle jusqu’à ce qu’il en découvre la substance… Ce jour-ci il n’y aurait point de mots, mais une silhouette qui achevait sa course lente derrière lui, au côté de son indispensable Renard dont la gaité retenue perçait pourtant sans mal le charme des traits, scellant dans le silence de l’église un pacte d’affection qui, s’il en ignorait le poids de la douleur première, illuminait les tempes félines d’une saveur nouvelle.
Solitaire, méfiant, prudent, et bien souvent déçu par ces autres assourdissants, le comptable ne connaissait que peu de choses des valeurs qui liaient les uns aux autres et s’il n’avait que trois convives choisis pour l’accompagner au fil de ce voyage, il n’en goutait pas moins pour la première fois depuis longtemps, l’unité pleine quand il avait à ses coté celle qui avait rendu cela possible, bercé par la voix de Xalta dont le discours s’égrenait aux oreilles de tous dans l’écho vibrant de l’acoustique minérale.

Le front depuis peu béni par la Mirandole ne lui avait nullement ouvert les yeux sur les beautés de la religion, bien trop en conflit avec ce Dieu sans pitié pour accepter le baume du réconfort au poids d’une médaille de baptême, et pourtant il trouva du sens au discours à défaut d’en saisir pleinement une sagesse qui se nourrissait de foi bien plus que d’actes, ponctué d’une question à laquelle la gitane fit écho en même temps que lui :


Oui.

Pivotant lentement sur lui-même, offrant le profil et à la diaconesse et aux convives de ce dernier jour de février, Alphonse invita Axelle à lui faire face, les mains se nouant aux siennes quand la lueur d’une rondeur amusée traversait ses prunelles à l’amorce de ces vœux bien souvent ourlés d’éphémères réalités, tissant aux bras de futurs mariés les prémices des désastres à venir pour mieux les unir à tout jamais devant ce Créateur affamé. Si le choix des convives avait prêté à une gaie chamaillerie, celui des vœux avait porté une toute autre perspective, amenant le Chat à envisager sans en tronquer la rareté, des mots qui sonnaient à la manière de promesses insensées, et s’il savait qu’il devrait peut-être voiler une vérité pour en préserver une autre, l’animal n’avait néanmoins pas prévu le mensonge en guise de d’apothéose à cette tendre farce dans laquelle ils s’engageaient, parents complices, amants fiévreux, amis à jamais unis par le salut de leur rencontre. Taiseux à la parole, l’écrit ne valait pas plus de démonstration chez l’animal dont les gestes bien souvent servaient d’ourlets à une parcimonie du verbe et si les plus romantiques seraient déçus par la brièveté des veux qu’il s’apprêtait à prononcer, il ne doutait pas qu’Axelle saurait lire à chaque intonation les nuances innombrables bruissant aux syllabes.
Installant un sourire à ses lèvres, il pressa doucement les mains femelles en prenant une inspiration discrète, à l’écoute d’un dernier silence avant que les liens jusque-là invisibles n’apparaissent au doigt de chacun.


Ballerina… Car ce n’était pas aujourd’hui pas celle que tous connaissaient qu’il épousait mais bien Elle, enchevêtrée aux mots impossibles et leurs définitions incomplètes pour la déterminer, abjurant le nom pour l’emploi d’un sobriquet qui n’existait que pour Elle … en ce jour je m’engage devant Dieu et les Hommes à te prendre pour épouse, à chérir chacun de nos moments partagés et protéger à chaque instant votre bonheur, à Antoine et toi.
Par ce serment de peu de mots, je te promets l’essentiel : la liberté, le choix, l’envol selon tes envies, mais aussi le havre où revenir que nous avons longtemps rêvé sans même nous connaitre…


Les lèvres prirent un accent doucement insolent visant à ne taquiner que la gitane, provocation ludique faisant suite à cette après-midi duveteuse où s’était déclarée une bataille faite de noms et de chiffres minimalistes, la mettant, joyeusement et sans équivoque, au défi de faire encore plus court.
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Axelle
Mais je suis libre ou du moins j’en ai l’air
Libre comme l’air, ou presque, un petit bout de toi
Me reste

Je suis libre- IGIT



Voix enchevêtrées d’un même Oui, simple, sans verbiage inutile. Ce genre de Oui qui coulait naturellement de la bouche de ceux qui savaient exactement où allaient et pourquoi ils marchaient. Et disciples des voix, les doigts et les regards s’emmêlèrent.

De tout ce que le mariage imposait et dictait comme lois, le plus ardu, certainement, était bien les mots à prononcer. Pour chacun d’eux. Avares qu’ils en étaient, quand chacun savait distiller au creux des gestes, les témoignages dont ils avaient besoin. Elle avait bonne mine la gitane, elle qui paillait à tous vents ne pas les aimer, ces mots, ne pas en avoir besoin. Que tous n’étaient que mensonge, ou au mieux, poudre aux yeux. C’était pourtant bien les yeux bouffis d’émotion qu’elle contemplait le Chat se soumettre à l’exercice, avouant devant tous, et surtout devant elle, cet attachement sans nom dans sa vérité la plus pure. Elle fut même surprise de le découvrir livrer sans ambages toute la nature de ce qu’ils étaient au creux des oreilles réunies sous la haute nef de pierre. Si la confiance ne régnait magistrale face à ces regards triés sur le volet, les vœux qu’Alphonse déclamait auraient presque pu s’avérer dangereux en parlant trop. Mais au diable les craintes et peut être même la pudeur. Alphonse, clairvoyant et attentif, égrainait bel et bien les mots qu’elle avait besoin d’entendre à cet instant précis.

Pourtant, malgré elle, le regard noir se brouilla furtivement, fuguant une pincée de secondes de trop vers cet autre amas de pierres sacrées, là bas, coincé dans les rochers des Ecrins. Qu’il aurait été naïf de croire pouvoir exclure ce regard nuageux de la liste des ses convives. Lui n’avait pas besoin d’invitation pour roder dans les parages. Du vide glacé de tous les mots et abandonné de toutes les promesses qui n’avaient pas su être tenues, les prunelles sombres dévièrent vers cet autre regard gris qui tranchait l’horizon en deux d’une vérité commune, rappelée quelques jours auparavant, sonnant un glas aussi salvateur que poignant au sein de la gitane. Elle pouvait fermer les yeux aussi fort qu’elle le pouvait, s’enivrer de danses jusqu’à l’aube ou salir sa lame de sangs ennemis, un petit bout de Lui restait accroché à elle. Immuable. Comme pour tenir l’ultime serment de lui pourrir la vie jusqu’à ce que la mort les sépare. Amen. Ce ne fut qu’en libérant le Prince lucide et galvanisant de son regard pour l’enfouir dans le cocon de celui d’Alphonse que la Casas retrouva le sourire. Et face au défit louvoyant dans les prunelles jumelles, la mine bohémienne s’épiça joliment.


Màćka, en ce jour, je te prends pour époux devant les hommes et devant le Très Haut. D’une main qui ne se pressa pas, elle tira sa poche coquelicot un simple anneau d’or sans gravure quand tout était déjà inscrit dans leurs yeux complices. Et d’un sourire filant vers la droite en guise de réponse au tendre défi, et vers la gauche pour embrasser la sincérité à pleine bouche, poursuivit. Je te promets Mon essentiel. Oh, qu’ils étaient commodes finalement ces mots fourre tout, surtout quand Alphonse saurait exactement quoi y mettre. De sa présence et son écoute indéfectible, à sa seule prérogative d’être née femme, en passant par cette unisson sans masque ni jugement qui n’avait plus besoin de mots pour être visible alors que l’anneau, lentement, glissait sur l’annulaire félin.

Il ne fut pas peut fier, le regard de la gitane en délaissant cette main où s’entrelaçaient ses doigts depuis si longtemps dès lors que les choses étaient trop âpres à regarder seule. Oui, fière, elle l’était, estimant avoir tout dit tout en gagnant le pari et qu’en en sus, elle trouvait que la formule claquait joliment dans l’air, toute aussi comédienne que le couple dressé devant l’autel pour ceux qui s’y laisserait prendre que vibrante de vérité pour qui saurait voir.

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Alphonse_tabouret
Des mots prononcés, il n’en craignait aucun car il aurait fallu savoir, peser, et mesurer toute la complexité des liens unissant leurs âmes déformées pour en comprendre le langage, et si parmi les convives déjà peu nombreux, quelques-uns pouvaient entrapercevoir l’aube d’une vérité, elle n’apparaissait entière, qu’aux yeux des rares les connaissant assez pour savoir lire les double sens ; aux autres, était offerte la surface des choses.
La liberté pour chaque décision qu’elle aurait à prendre, et n’étaient-elles pas nombreuses quand on était encore, comme eux, à l’aube d’une vie ?
Le choix pour chaque bifurcation d’agir selon sa volonté propre et point celle suggérée par l’unicité du couple
L’envol pour chaque expérience qui les séparerait, elle, sur les pas de ce Prince qu’elle respectait tant, lui, aux chiffres ronronnant de l’Aphrodite.
Voilà ce que tous, ou presque, avaient pu entendre sans rien déceler de plus que l’envie que le couple ne soit ni la prison, ni l’enfer promis par les expériences d’autres avant eux.

A l’anneau passé à son doigt, le sourire amusé de la répartie gitane flotta un instant lorsque la fraicheur de l’or encercla sa chair, plongeant dans la seconde l’âme toute entière à cet instinct d’animal tyrannisé par les chaines, crispant involontairement le fil de la mâchoire quand les prémices d’un tremblement lui piquait la senestre capturée. Le souffle retenu par instinct, il leva lentement le regard sur le visage brun lui faisant face, dessiné à l’aune d’une insolente satisfaction à se montrer plus brève que lui encore, égayant les traits farouches jusqu’à l’arracher à cette torpeur faite de souvenirs et de douleurs pour le figer net à un nouveau gouffre tout aussi vertigineux qu’entier, transformant le Chat en une immobile statue aux prunelles troubles et au regard fauché de surprise.
L’alliance.
L’alliance d’Axelle dont le poids ne pesait nulle part à sa mémoire, pas plus qu’à ses poches.
Foutredieu, qu’avait il fait de l’alliance ?

Des picotements fôlatraient le long de l'échine de Sabaude depuis l'installation de la sicaire dans son dos et d'autres vinrent grossir les rangs des garnements, s'attardant à sa nuque pour y former un point désagréable de compression immatériel à la vue de la fixité anormale d'Alphonse.
Fichtre qu'arrivait-il à son ami?
Renard cligna des yeux à quelques reprises, conscient que quelque chose lui échappait alors qu'à l'évidence c'était là sous son nez ou plutôt, ne le savait-il pas encore, dans la petite poche interne qu'il faisait coudre sur la plupart de ses pourpoints, manteau, et autres
hauts pour conserver au plus près de lui et à l'abri des mains habiles des détrousseurs de passants, les écrits et petits objets de valeur.

Tapis dans un recoin de la mémoire du Goupil se logeaient les événements d'un soir ou avant de finir une fois de plus tous deux ivres dans les rues de Paris, le futur marié avait confié l'anneau au témoin. Un chemin de réflexion commun avant de quitter l'appartement de la Verrerie les avait amenés à écarter un à un les endroits où ne surtout pas ranger l'alliance sous peine de l'oublier, à savoir tous ceux où n'importe qui d'autre l'aurait mise. Tiroirs, cassettes, coffre, dessus de table de chevet, de bureau, de guéridon, banc et bourse, furent donc bannis de la liste pour ne laisser qu'une possibilité vers laquelle le distrait plongea sa senestre, tâtant le renflement contre son torse entre pierre noire et laine, ayant enfin mis le doigt sur le grain de sable du rouage du comptable.
Carré de soie blanc maintenu entre l'index et le majeur battant sa cuisse, Sabaude se racla discrètement la gorge pour attirer l'attention du concerné.


Huhum, Al....

Au fil têtu de sa concentration, l’interpelé resta figé encore quelques secondes, si proche et pourtant si loin d’assouvir enfin l’interrogation née de l’absence, jusqu’à devoir s’avouer vaincu en déglutissant lentement à la torpeur froide d’avoir oublié le presque essentiel de cette cérémonie, et s’il tourna la tête vers le Goupil, ce fut d’abord mû par l’instinct de se réfugier, hébété, à la coupe d’un regard réconfortant, craignant que celui de sa jeune fiancée ne soit stupéfait d’embarras. L’œil noir glissa de la prunelle jumelle au mouvement des doigts orchestrés à la cuisse, contemplant une seconde supplémentaire le carré de tissu sans en comprendre l’utilité avant d’en saisir le poids, la chair s’allégeant subitement d’une tension épaisse tout autant que glaciale, et s’il n’avait pas senti peser le silence attentif au creux de l’édifice, peut-être se serait-il permis un soupir bordé d’un sourire soulagé en revisitant la nuit avinée qui avait menés Goupil et Chat jusqu'à l’aube d’un petit matin cotonneux; au lieu de cela, la main glissa, habile, vers celle du Renard, n’en effleurant que la pulpe pour se saisir de la bague, un sourcil soulagé se haussant à son unique attention d’une pointe d’insolence et d’un reproche comédien, condamné secouru au pied du mur jouant de sa chance, avant d’enfin faire de nouveau face à la silhouette rouge n’attendant plus que lui.
Lentement, l’anneau fut passé au doigt brun de la gitane, relevant aux puits sombres posés sur lui, le velours tranquille des siens, supplicié tout juste sauvé et retrouvant déjà le flegme coutumier de son costume, opposant à la danseuse une innocence feinte qui ne la tromperait pas mais qui ne visait qu'à étirer un sourire plissé à ses lèvres.


(A quatre mains)
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