Être étendu sur le sol n'était pas la position idéale pour faire porter sa voix. Enfin, on ne lui demandait pas non plus un concert enflammé mais un credo. Aurait-il eu une chance s'il s'était lancé dans la chanson ? Voilà une question digne de désintérêt. Prenant appuis sur ses avant bras, il releva un peu la tête pour réciter.
Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.
Et en Aristote, son prophète,
Le fils de Nicomaque et de Phaetis,
Envoyé pour enseigner la sagesse
Et les lois divines de l'Univers aux hommes égarés.
Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Très-Haut.
Je crois en l'Action Divine;
En la Sainte Église Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés;
En la Vie Eternelle.
Minlawa entama l'imposition des mains.
...reçoit les pouvoirs de ton ministère, Le baptême, le mariage, la mise en terre et la confession
Curieux ordre des sacrements : devait-il donc enterrer avant de confesser ? Il n'avait pas prévu son emploi du temps de cette manière. Remarque cela lui libérerait pas mal de temps. Mais il risquait d'être mis en terre avant Calyce et avait promit de la confesser, c'était fâcheux.
Regort se releva difficilement, les membres engourdis. Faisant enfin face à l'assemblée qu'il n'avait vu qu'à son entrée, il sourit largement. Il salua d'un signe de tête Minlawa en se saisissant de sa tenue qu'il entreprit d'enfiler. La scène était cocasse, les bras du pauvre nouveau curé cherchant désespérément les manches de la bure, la tête empêtrée dans le tissu. Il avait fier allure, pour sûr, devant les fidèles. Ses mains trouvèrent finalement leurs place et l'habit glissa sur lui, sa tête sortit gracieusement pour afficher un sourire contrit.
Pour faire diversion, il prit alors sa médaille qu'il enfila autour de son cou. Il était fin prêt.
Monseigneur, je vous remercie. Je tâcherais d'être à la hauteur de la mission qui m'attend.
Une accolade et le voici seul et ordonné. C'est qu'il en aurait le trac mais prêcher est ce qu'il savait sans doute le mieux faire. Il se racla la gorge avant de se lancer.
Mes frères, mes soeurs, merci d'être présent.
Aujourd'hui l'on m'a passé la médaille au cou. Aujourd'hui moi aussi j'ai une nouvelle robe.
Un sourire malicieux en direction de Calyce et sa suzeraine.
S'engager au service de la communauté. Si vous aviez à retenir une seule chose de cette cérémonie, j'aimerais que ce soit celle-ci. Enfin n'hésitez pas à en retenir plus surtout !
L'homme sage doit participer à la vie de la Cité disait dans son infinie sagesse Aristote. Nous sommes nés pour vivre ensemble, partager l'Amitié Aristotélicienne entre nous, adorer notre Créateur. A chaque fois que vous prenez le temps de rendre un service à un frère, vous rendez grâce au Très Haut. Tout acte bienveillant envers l'un de ses fils c'est envers Lui que vous le faites. Si nous sommes tous Ses enfants, nous avons chacun nos propres aspirations, aptitudes. Pour cette raison il existe autant de possibilités de s'engager pour le bien commun qu'il y a d'individualités. Ces dernières doivent être exploitées pour apporter un plus par un regard différent, non pas une division.
A l'heure où nous bâtissons l'Anjou indépendant, sachons nous rappeler cela. Nous avons tous nos particularités, nos ressentis, nos expériences, notre vécu. Et nous avons tous à apporter à ces terres, aux habitants ou voyageurs. Ancien à l'illustre parcours ou nouveau débordant d'énergie et d'idées, noble ou roturier, clerc ou laïque, boulanger ou boucher, poires ou pommes, euh... Je disais quoi déjà ?
Un petit sourire gêné, se rattraper aux branches.
Ah, oui. La Cité se doit d'offrir à tous leur place. S'impliquer dans ce qui nous correspond, voilà bien tout ce que je vous souhaite. D'aucun se marieront et fonderont une famille qu'ils feront grandir dans l'Amour. D'aucun comme moi entrerons dans les ordres pour diffuser la Parole et faire piquer du nez des paroissiens durant des homélies interminables. D'autres s'engageront dans la diplomatie, tandis que leur frère aura choisi la maréchaussée pour défendre ses compagnons. Être au service n'est pas ingrat, bien au contraire. Qu'y a-t-il de plus gratifiant que de se sentir utile ?
Une petite pause. Il avait un sourire chaleureux aux lèvres tandis qu'un regard pétillant passait des visages en visages.
Je n'ignore pas la défiance que certains ont avec l'Église. Certains se sont sentis abandonnés, d'autres agressés. Je ne me permettrais pas de juger les raisons qui ont pu y conduire. Humblement retrouvons le sens des Ecrits et de ce qu'ils véhiculent. Permettez-moi de citer le second logion de Christos.
Regort voulu sortir de sa poche un papier où il avait noté le fameux logion mais la poche de sa robe se trouvait en dessous de sa nouvelle bure. Il du donc la soulever maladroitement afin de pouvoir se saisir du papier qu'il déplia et lut.
Les disciples disaient à Christos : " Maître, ces marginaux ne nous apportent rien, et Aristote nous met en garde contre ceux qui fuient la cité ! "
Christos leur répondait : " Disciples ! Vivez pour les autres au lieu dattendre des autres quils vivent pour vous. Cest à la cité daccueillir les marginaux, et non aux marginaux daider la cité. "
Voilà sûrement ce qui a guidé mes pas jusqu'ici. Jamais je ne refuserais l'hospitalité à quelqu'un ou lui fermerait la porte. Qu'importe les raisons ayant poussé à une rupture, le Très Haut et sa volonté est tout ce qui importe. Et Sa cité est toujours accueillante. Que naisse une nouvelle ère, celle du renouveau de la foi, celle de l'Amitié Aristotélicienne. Je me mets humblement à votre service, qui que vous soyez.
Mes amis, ouvrons nos coeurs à l'Amitié, nos demeures aux vagabonds, et nos bras au service de la communauté. L'avenir nous attend !