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[RP ouvert] Gargote : Au Tengu Immaculé.

Ria
Citation:
Au Tengu immaculé

* Propriétaire : Tsunesaburo
* Tenancier(e) : Ria

Sur la porte, un petit écriteau: "ICI, RIZ MOINS CHER QUE LES PRIX DU MARCHE! RIZ A VENDRE! SAKE ET VIVRES APPROVISIONNES!"

Cette gargote de taille moyenne est plutôt originale: le rez-de-chaussée est un espace public réservé à la clientèle de buveurs. Cette salle de boisson, bien ordonnée et d'inspiration "Zen" est plutôt modeste comparé a la taille du bâtiment. En revanche, si on fait le tour de la gargote, on trouvera ouverte la nuit l'autre partie de la gargote: derrière une porte coulissante cachée par des rideaux verts aux idéogrammes du propriétaire se cachent une salle de jeu tout en longueur, bien gardée et réservée aux initiés, ainsi qu'un fumoir tout en longueur. De plus, des pièces de commodités comme les latrines, une antichambre menant sur un débarras contenant on ne sait quoi, que le propriétaire appelle prétentieusement son "bureau", et un escalier sont communs aux deux parties de la gargote.

Cet escalier mène sur un étage fermé aux regards, que seuls certains privilégiés peuvent explorer. La seule chose qui est sûre, c'est que cet étage possède un balcon intérieur faisant tout le tour du bâtiment et donnant sur les pièces communes. A priori, l'étage est plutôt richement fourni.

Le règlement est simple et est écrit sur le menu: Pas de chuchotis en présence des tenanciers sous peine de sortie express ou de tournées. Pas de sommeil prolongé ou autre activité qui prendrait la place d'un autre actif. Niveau de langage correct exigé. Pas d'animaux. Pas de curieux dans les salles réservées...




Cela faisait maintenant quelques semaines qu’elle vivait sous le toit de Tsune-san et c’est tout naturellement qu’elle avait fini par s’organiser en fonction de la gargote. Si celui-ci lui avait offert le gîte, elle mettait un point d’honneur à se rendre utile et c’est sans ménager sa peine qu’elle entretenait les lieux et faisait l’accueil des clients. Si les voyages avaient été un point d’entente entre eux, Ria aimait également cette vie simple et relativement paisible.

Bien que peu démonstrative, elle s’appliquait à rendre l’endroit accueillant et quelque peu chaleureux. La gargote était un lieu de détente qu’elle souhaitait convivial pour ses proches et plaisant pour les esprits éclairés. Il suffisait juste de coulisser la paroi d’entrée pour être accueillit par l’un ou l’autre des habitants du lieu.
Ria


Elle avait prit habitude de se lever chaque jour avant que le soleil n’apparaisse, profitant d’un moment de calme et de solitude sur la plage de Kokura. D’aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle avait toujours aimée ce moment où le jour pointait, inondant de lumière et de couleurs la nature environnante.

Cependant, ce matin là, ce n’est pas vers la plage que ses pas la menèrent mais vers le verger où les arbres en fleur offraient un spectacle de couleurs tendres et de parfums suaves. La saison froide était bel et bien derrière eux. Il suffisait de regarder autour de soi pour être imprégné de cette profusion éclatante et odorante.

Elle était restée un moment immobile, suivant du regard la course des pétales chassés par la brise légère. Les mots d’un poème lui revinrent en mémoire. La vie était ainsi : immuable. Pareille à la fleur, elle se formait en secret avant d’éclater au grand jour, splendide et déclinait tout aussi rapidement ne laissant qu’un fruit tout aussi éphémère. Pourtant, qu’il était plaisant de vivre.

Le soleil commençait à réchauffer l’air ambiant, annonçant qu’il était temps de rentrer à la gargote pour Ria. Sa journée de travail ne faisait que commencer et elle avait quantité de galettes de riz au miel à préparer pour les clients comme les résidents. Lorsqu’elle avait offert les premières, elle n’aurait pu présager qu’elles auraient eu tant de succès et d’amateurs.

Pressant le pas, elle prit le chemin du retour, se promettant de revenir le lendemain et les jours suivants jusqu’à ce que les arbres aient perdu leurs derniers pétales. Pour l’heure il lui fallait tout mettre en place avant l’ouverture de la gargote et prévoir à occuper Himi le temps qu’elle puisse se libérer et l’emmener où elle souhaiterait.

Namiyo
Namiyo rassembla toutes ses affaires, elle allait dormir ce soir dans sa nouvelle maison. Elle regarda la chambre, elle avait passer un agréable séjour, grâce à la gentillesse de Ria et à l'hospitalité de Tsune.

Elle gardera toujours en mémoire cet accueil qui lui a permis de prendre son temps pour s'installer dans sa nouvelle vie. Elle laissa un petit mot pour Ria.




Ria, merci pour votre accueil et votre gentillesse, tout était parfait, mon séjour parmi vous était on ne peut plus agréable. Je rejoins ce soir mon chez moi, mais je viendrai vous voir pour bavarder. Merci pour vos précieux conseils, cela va m'aider pour gravir les marche de mon avenir.

J'espère que nous apprendrons encore à mieux nous connaître.

Namiyo.


Elle déposa un petit coquillage sur le mot,



puis sorti de la chambre, se retourna, la regarda une dernière fois et parti les bras chargés de ses bagages.
Asami...
[Après l'effort, le réconfort]

La journée touchait presque à sa fin, et Asami sortait le bout de son nez de sa boucherie dont elle connaissait à présent les moindres recoins.
L'air devenait plus frais, mais était encore agréable.
Une heure plutôt parfaite pour aller se balader sur la plage.

Arrivée devant le Tengu Immaculépour venir à la rencontre de Ria et peut-être Himi, elle se déchausse et sourit, contente d'apercevoir la jeune femme.
La voyant en train de ranger et nettoyer la gargote, elle s'avance vers elle, incline légèrement la tête en guise de salut et lui adresse un doux sourire.


Konnichi wa Ria-san. Je vais vous aider, si vous le permettez.

Le visage de Ria était un des rares que Asami se permettait de regarder timidement.
La délicatesse de cette femme l'impressionnait toujours autant, comme au premier jour de leur rencontre.


Je me suis dite que, peut-être, vous accepteriez de m'accompagner pour une balade sur la plage afin d'y contempler le soleil se coucher...

Son ton, malgré la proximité relative des deux femmes, était toujours aussi respectueux. La crainte, toutefois, était présente, en silence, comme à chaque fois qu'elle s'adressait à quelqu'un.
Ria
Les jours s’égrainaient au rythme de la vie dans la gargote. L’accueil de nouveaux arrivants à Kokura, leur hébergement et quelques conseils plus tard, leur départ.

Ce matin là, elle s’était absentée pour quelques achats et ce n’est que bien plus tard dans la matinée qu’elle avait découvert le petit mot de Namiyo-san. C’était une jeune femme discrète et joyeuse de ce qu’elle avait pu se rendre compte. Le peu de temps où elle avait demeuré dans la gargote avait été un plaisir pour les habitants régulier. Ria appréciait les gens calme et réfléchi, et Namiyo-san semblait être de ceux-là.

Le petit coquillage au creux d’une main, la missive dans l’autre, elle sourit doucement à sa lecture. L’attention la touchait plus surement qu’une bourse pleine de kobans. Roulant précieusement le message, elle alla la ranger dans le coffret prévu à cet effet, rejoignant tout les courriers qu’elle conservait soigneusement. Le petit coquillage quant à lui, serait soumis à Tsune-san pour voir s’il était possible de le faire porter en pendentif.

S’affairant aux diverses tâches la liant à la gargote, la journée s’écoula paisiblement, entrecoupée par l’accueil des clients venu là pour se désaltérer ou manger. C’est lorsqu’elle vit Asami pousser la porte et entrer, qu’elle se rendit compte du temps passé.

Souriant doucement, elle rendit son salut à la jeune femme et l’invita à prendre place comme elles en avaient prit habitude depuis l’installation d’Asami.


Konnichi wa Asami-san. J’ai terminée pour le moment mais si vous souhaitez vous occuper du thé, ce sera avec grand plaisir.

C’était toujours un réel plaisir que d’être en compagnie d’Asami. Ria aimait les manières et la délicatesse de la jeune femme. Sa présence était un apaisement qu’il était bien difficile d’expliquer et si la timidité était chose importante chez elle, elle savait susciter les confidences et apporter un soutient morale non négligeable. Ria s’était toujours sentie proche d’Asami et l’avait considérée comme une amie dès leur première rencontre. Asami était de ces personnes à qui l’on pouvait faire confiance et que rien ne venait entacher. Le rituel du thé était une chose que Ria concédait volontiers à la jeune femme. Maitrisant parfaitement son art, s’était toujours un grand moment que de la voir faire et de déguster ses préparations.

A la proposition faite, elle inclina légèrement la tête. L’idée même de profiter du dernier instant du soleil au dessus de la mer, était plaisante.


Arigatô, Asami-san. Prendre l’air nous fera le plus grand bien en effet.

Il ne restait qu’à débusquer la petite Himi et prendre le chemin en direction du rivage.
Himi
["Au Tengu immaculé", derrière un paravent]

Débusquer était un terme approprié en effet. La très jeune fille avait pour habitude de papillonner d'un coin à l'autre de la gargote, elle tenait rarement en place l'Himi.
Mais voilà une chose sûre on la trouvait toujours dans l'enceinte du "Tengu immaculé", car oui dehors, la ville, la rue, les gens, c'étaient un peu perçu comme le monde de tous les dangers.

Alors dès qu'il y avait un bruit faisant penser à une entrée dans la gargote. La petite était aux aguets. Pas feutrés, la discrétion même pour observer, avec une curiosité timide, les clients. Homme ? Femme ? Enfant ? C'était rarement la troisième option...

Et c'est, finalement, si et seulement si le visage était connu et agréable, qu'on pouvait espérer voir le bout du nez de la fillette.

Ce jour là, cachée derrière son paravent, qu'elle capta la discussion entre Asami et Ria. Alors là pas de question d'être craintive, Himi accordait aux deux femmes une confiance aveugle. Leur discussion semblait normale jusqu'à ce que... Plage ?

Plage ! L'enfant bondit sur ses pieds et s'acharna de toute sa faible poigne à faire glisser le paravent.

" Bouge toi, Himi, bouge, elles vont y partir sans toi !"

Konnichi wa ! Lança-t-elle avec un enthousiasme non dissimulé.

Elle ne pensait plus que à une chose, une étendue de sable, des cailloux brillants, d'autres polis, certains même friables ! Les voiles des bateaux au loin, des vagues, des vagues... V'là on l'avait perdu l'Himi. Un énorme sourire c'était développé sur son visage encore poupon.

C'est grâce à un effort considérable qu'elle arriva à se concentrer, pas de petits sautillements impatients non non, on doit saluer et ça si possible calmement, si possible on a dit.
Ria
[Incertitudes]

L’odeur du sang, la profondeur des blessures, rien n’avait fait pour la rassurer. Elle avait essayé de rester calme, d’agir avec discernement mais il en avait décidé autrement, refusant de se laisser soigner. Il avait peu parlé et avait fini par souhaiter rejoindre sa chambre. La mort dans l’âme, elle l’avait soutenue puis s’était retirée. Seule, elle ne pouvait rien faire, il lui fallait trouver Asami.

Elle était redescendue dans la salle principale et s’était dépêchée de ranger et nettoyer sommairement le sang maculant les tatamis, remisant les coussins pour plus tard. S’occuper les mains, réfléchir pour ne pas se laisser aller au désespoir et à la colère. Si elle avait toujours acceptée l’éventualité de devoir quitter la gargote, elle n’avait jamais vraiment songée à être séparée de lui définitivement. Comment aurait-elle pu imaginer une vie sans lui ? Les longues conversations et les taquineries ? Non, cela elle refusait même d’y songer. Cela ne pouvait pas se passer ainsi.

Elle en voulait à la gamine mal élevée qui avait provoquée tout ceci. A l’homme qui avait l’honneur mal placé et qui s’était cru intelligent de défendre plutôt que tempérer. Comment pouvait-on seulement se comporter ainsi ? Où étaient donc les valeurs qui avaient fait d’eux des gens respectables et honorables ? Tous se comportaient comme des gaijin, s’imaginant chez eux où qu’ils aillent, ne respectant plus ni les biens, ni les gens. Combien de temps encore devrait-on supporter les insultes sous son propre toit sans avoir droit de réponse ?

Un duel pour une gamine se croyant plus importante que les autres, ne sachant pas ce que le respect veut dire et encore moins l’appliquer à ses ainés. L’Otomo pouvait s’enorgueillir de sa puissance. Des soldats incapables de se retenir, une justice faite pour les puissants, des nantis incapables de la moindre action pour les autres si cela ne passait pas pour leurs propres bénéfices. Les clans ne lui avait jamais inspiré autre chose que du dédain. Aucun ne valait la peine qu’on s’y intéresse. Et la preuve venait encore d’être faite.

Elle essuya machinalement ses joues baignées de larmes silencieuses, les maculant du sang sur ses mains. Son kimono en portait également trace, mais peu lui importait. Seul lui comptait à cette heure. Paina… Etait-il utile de lui écrire pour l’avertir ? Saurait-elle quoi faire ? Elle n’était plus sure de rien. Tout s’effondrait. Et elle avec.

Elle rédigea rapidement une missive pour Paina puis sortit en recherche d’Asami, espérant la trouver dans son atelier.
Asami...
Asami avait du mal à comprendre tout ce que Ria lui balançait en paroles, en vrac, pour la mettre au courant des évènements.

A l’intérieur de la Gargote, Ria avait attrapé les bras de Asami, et leurs regards étaient plongés l’un dans l’autre, affolés.


Ria a écrit:
« Tsune-san a affronté un homme, Kurayami, et…. »


L’esprit de Asami s’était arrêté à ce nom, n’entendant plus que quelques mots de Ria sur le déroulement des évènements, perdue dans ses souvenirs, mais toujours plongée dans son regard, d’un air lointain.

Cette jeune fille, le baton, leurs tons…
Cela avait donc dégénéré ainsi ?
A partir d’une divergence d’opinion sur la manière d’éduquer une jeune fille ?

Elle secoua la tête, rejoignant à nouveau le regard de Ria d’un air volontaire, afin de suivre à nouveau les renseignements.


Ria a écrit:
« Il faut faire quelque chose Asami-san… Il faut le guérir… Je… »


Asami leva sa main pour poser doucement ses doigts sur les lèvres de la jeune femme afin de la faire taire. Ce n’était pas le moment de penser au pire. Pas plus que de penser au meilleur. Ni aux raisons. Ni aux torts.

« Emmenez-moi pour que je le vois Ria-san. Je dois le voir. »

Le voir ? Mais à quoi cela servirait-il ?
Elle n'avait aucune notion de médecine.
Elle n'avait jamais soigné un blessé.
Mais il y avait surement quelque chose qu'elle pouvait faire. Et si c'était le cas, elle le ferait.

Ria la dirigeait à l’étage, l’amenant jusque sa propre chambre.
Alors que Asami cherchait du regard, sur le futon, le corps de Tsune, Ria fit coulisser un panneau qui dévoila une autre pièce. La chambre de Tsune surement. Une entrée secrète, surement pour que le couple se rejoigne discrètement.

D’un geste, Ria lui fait signe de s’approcher, ce qu’elle fait, laissant ses imaginations à la porte de son esprit. Ce n'était pas le moment.

Sa vue découvrait lentement des formes sous le drap, allongées, alors qu’elle entrait dans la pièce.
Les pieds, les genoux, les cuisses, le torse, puis le visage…

Si elle n’avait pas toute sa vie appris à se contenir, il est certain qu’elle aurait dit quelque chose pour exprimer ce qu’elle voyait, qu'un son aurait franchi ses lèvres.
Mais il n’en fut rien. Elle eut juste besoin de 1 ou 2 secondes pour se ressaisir.

Est-il mort ? Non, surement pas. Ria-san lui aurait fait part de ce détail capital.
Lentement, elle s'approche du corps pour s'agenouiller au chevet de Tsune qui ne semblait que dormir paisiblement, si les hématomes et les taches de sang n'avaient pas trahis son véritable état.

Les blessures devaient être nettoyées.
Il allait falloir veiller, et faire en sorte que quelqu'un le soigne.

Dans les quelques secondes qui s'écoulèrent, Asami se rappela qu'elle ne connaissait personne à Kokura.
Qui allait pouvoir les aider ?
Ria
Elle sentait ses nerfs l’abandonner. Le flot de paroles se déversait sans qu’elle puisse seulement le contenir. Asami y mit un terme par son seul geste, calmant quelque peu l’affolement de Ria. Elle avait raison, il n’était pas temps de se lamenter mais bien d’agir et de faire pour le mieux.

Asami était comme la montagne. Paisible, rassurante. Une base bien encrée, la tête au dessus des nuages. Ria était d’avantage comme l’eau. Vive, insaisissable, tantôt paisible, tantôt tumultueuse. Et l’amitié qui la liait à Asami avait la solidité de la roche et la douceur de l’onde.

Elle l’avait menée à l’étage, passant par la cloison communicante restée accessible. Ce qu’on pouvait penser de cette proximité lui importait peu, elle n’avait jamais cachée qu’elle partageait la couche de l’homme étendu là. Son cœur se serra et l’air vint à lui manquer l’espace d’un instant. Le voir ainsi, aussi pale que le linge le couvrant, était une chose qu’elle n’arrivait pas à supporter. Pourtant, il allait bien falloir s’y résoudre et c’est par un effort de volonté qu’elle invita Asami à s’approcher.

Ria n’avait que peu de connaissances concernant le soin des blessures et celles-ci ne dépassaient pas la simple écorchure ou brûlure. La seule certitude qu’elle avait était qu’il fallait désinfecter les plaies avec un mélange d’eau et de vinaigre puis de stopper l’hémorragie qui ne faisait que l’affaiblir d’avantage. Jamais elle n’aurait crue voir tant de sang s’échapper d’un corps.

Abandonnant un instant Asami auprès de Tsune, elle se précipita dans la chambre attenante, arracha plus qu’elle ne retira le drap de coton qui recouvrait le futon et retournant les boites où elle entreposait ses effets, fini par dénicher une lame tranchante. Retournant sur ses pas, elle revint auprès d’Asami et déposa le drap et la lame devant elle.


Asami-san, pourriez-vous découper des bandes d’une largeur de main et de la longueur du drap ?

Elle n’attendit pas la réponse, sachant que la jeune femme ne refuserait pas. Aussi, sans attendre, Ria redescendit dans la salle principale, s’activant à mettre de l’eau à bouillir dans un grand récipient. Elle ne réfléchissait plus. Ses gestes étaient d’avantage guidés par l’instinct que sa volonté propre. Elle chercha de quoi monter l’eau à l’étage sans se brûler quand son regard se posa sur le pot de miel qu’elle conservait pour agrémenter ses galettes de riz. Sa mère ne lui avait-elle pas toujours vanté les vertus du miel ? Et sa blessure sur la joue avait été soignée ainsi en Oda. Nulle trace ne résidait. Saisissant le pot, elle alla chercher l’eau bouillante, la transféra dans un seau et attrapa une longue cuillère en bois. L’idéal aurait été de pouvoir faire bouillir les linges directement, mais elle comptait sur l’action du vinaigre pour aider. Chargée de deux seaux d’eau vinaigrée et du miel, elle regagna la chambre de Tsune et déposa-le tout à proximité.

Sans un mot mais pleine de reconnaissance, elle acquiesça doucement au travail d’Asami. Ria plongea les bandes prêtes dans l’un des seaux, les laissant s’imprégner de la solution un moment, profitant pour nettoyer les plaies avec l’eau du second seau et d’un linge propre, révélant leur profondeur et essayant de déterminer leur ordre d’importance. Pas un mot ne franchit les lèvres de Ria, trop absorbée par sa tâche. Elle montra à Asami comment sortir les bandes de l’eau bouillante à l’aide de la cuillère en bois et sans se départir de son silence, la laissa les faire refroidir et les essorer le temps qu’elle nettoie les plaies et les enduise de miel avant de pouvoir y appliquer les bandages. Les soins étaient rudimentaires, mais c’était les seules choses qu’elles puissent faire à elles deux pour l’heure. Le travail était long et fastidieux, l'odeur du vinaigre et du sang était oppressante, mais aucune des deux ne baissa les bras avant d’avoir tenté le tout pour le tout. La vie de Tsune était entre les mains des dieux. Elles avaient fait ce qu’elles avaient pu.
Asami...
[Tant qu'il y a de la vie...]

La vie de Tsune était entre les mains des kamisama, son corps entre les mains des deux jeunes femmes qui ne faiblissaient pas.
Chaque journée qui passait, elles se relayaient au chevet du blessé.
Les pansements étaient changés.
Les plaies nettoyées.
Le bouillon administré.
Puis les heures passaient lentement, bercées par la respiration rauque de Tsune qui, parfois, était parcouru de légers tremblements.

Quand l’une était avec le blessé, l’autre avait pas mal de choses à faire, et finalement, veiller le malade s’avérait, quelque part, une part de repos, même avec la charge des soins.

Dès que possible, il fallait mettre de l’ordre dans la gargote.
Parfois, voyant de l’animation de l’extérieur, certains y rentraient.
Jamais personne n’avait demandé des nouvelles du Shomin à Asami. Pas plus de l’homme.
Peut-être en avait-on demandé à Ria ?
Lorsqu’il s’était passé un certain temps, soit le visiteur partait, soit il s’en était passé assez pour pouvoir se permettre de s’excuser et de s’absenter.
Il fallait se rendre au Sô récupérer le courrier qui s’entassait chaque jour, et puis aussi passer au marché, en traversant la place, histoire d'entendre ce qui se racontait.
Au besoin, elles faisaient quelques achats mais elles vérifiaient surtout visuellement que tout était en ordre.
Et enfin, surtout, s’occuper de la petite Himi qui malgré les évènements, devait avoir une vie des plus normales.

Il y avait donc toujours à faire. Peu de temps pour travailler. Encore moins pour se reposer.
Mais, si aucun incident ne venait perturber cette petite vie plutôt bien rodée, il semblait que tout se passerait bien…
Il suffisait de continuer à prier les kamisama.
Tsune n’allait pas mieux, non. Mais il n’était pas encore mort. Et tant qu’il y avait de la vie, il y avait de l’espoir.
Himi
Quelques jours plus tard,

"Tsune-san a demandé à te voir c'est assez important"

Les yeux de la fillette déchiffrèrent avec peine les quelques mots venant de la lettre que Ria avait glissé sur le sol de sa chambre. Assise sur son futon la gamine s'interrogea durant quelques secondes. Il y avait autour de Tsune un flou artistique depuis des jours, et il restait invisible aux yeux d'Himi, seules Ria et Asami semblaient étranges et dépitées malgré la façade souriante qu'elles lui offraient à chaque instant. Himi n'était qu'une enfant mais elle sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Peut-être était-il souffrant ? Ou bien débordé par le travail ? Avait-elle fait une bêtise si grosse qu'il voulait s'entretenir avec elle ? Un nœud se forma doucement dans son ventre au fil des questions farfelues qui défilaient dans sa tête. Prenant son courage à deux mains Himi sortit de sa chambre et traversa le couloir aux rythmes de ses petits pas. Arrivée devant la cloison de la chambre de Tsune, elle s'arrêta net et frappa un petit coup sur le bois du panneau, laissa passer un instant et osa un
«Tsune-san ?». La chambre semblait silencieuse et si il ne répondait pas, elle ne ferait pas intrusions dans le lieu sans l'autorisation. Il était le seul homme à avoir sa confiance et elle faisait des efforts considérables pour être une enfant polie et respectueuse. Dans l'attente elle continuait de s'interroger sur le pourquoi du comment du "important" mais au grand jamais elle n'aurait pu imaginer Tsune blessé ou faible...
Tsunesaburo
(HRP: Un peu de musique: http://www.youtube.com/watch?v=fRmzDNdxh5w)

Un corbeau sans ailes

La politique. Une chose pourrie. Tsune le savait, et s'il se présentait, c'était pour Kokura. Il fallait voir la concurrence... On ne pouvait pas se permettre de laisser le village tomber plus bas encore. Cela faisait un moment déjà qu'il vivait à Kokura. Malgré tous ses voyages, il y était toujours revenu. Et le bilan n'était pas vraiment positif. Depuis la guerre, rien n'avait été fait. C'est tout juste si on permettait au village de garder la tête hors de l'eau. Cependant, il avait décidé de se salir les mains. Il fallait bien essayer de faire quelque chose. Déjà avant d'arriver en poste, il savait qu'il y aurait une résistance forte, et une situation difficile à prendre en main. Mais il ne s'attendait sans doute pas a ce que cela soit véritablement bloqué. Aussi, il fut assez surpris de voir que dés le soir de son investiture, on viendrait chez lui pour l'insulter, et le traiter de mauvais Shomin. Lui qui n'avait même pas signé la charte, il avait déjà droit à une promesse de duel pour une gamine des plus stupides. Le lendemain, il irait donc se présenter au Dojo. Un duel équitable? Certainement pas. Tsune avait l'habitude de tricher à tous les jeux, y compris celui de la vie et de la mort. Et comme cela faisait longtemps qu'il prévoyait certaines activités avec son amie Painappuru, il avait tout ce qu'il lui fallait à disposition. Tricherie heureuse d'ailleurs, car c'est cette plaque de métal forgée comme un plastron et cachée sous son kimono qui lui a sauvé la vie pendant ce fameux duel. Sa bonne étoile sans doute... même s'il était à présent sur le point de la renier.


Quelques jours étaient passés depuis ce duel. Des jours étranges, peuplés de délires et inconscience. C'est tout juste s'il se rappelait qu'il avait eu la force de rentrer seul. Il y avait trouvé Ria qui l'avait aidé à monter dans sa chambre. Chaleureusement remerciée par la porte claquée devant son nez, Tsune était resté seul dans sa chambre. Il savait qu'il devait faire vite et bien, les traces de sang laissées au sol n'engageaient rien de bon. Rapidement, il se débarrassa du Kimono en lambeaux. La plaque de métal avait fait son œuvre, mais elle était éventrée en deux, tout comme son propriétaire. La blessure était située sur le flan, et tout ce que Tsune avait réussi à penser en l'observant dans un miroir, c'est qu'il pouvait s'en trouver heureux qu'elle ait épargné son tatouage. Une ouverture aussi profonde que longue, mais très fine compte tenu de l'arme utilisée.

Après avoir vidé en moins d'une seconde la première fiole de saké qui se présentait à lui, une moitié avalée pour ne pas perdre pied à cause de la seconde moitié vidée sur la plaie, il plongea ses doigts dans la blessure. Il avait fait de son mieux pour ne pas crier sa douleur en glissant un peigne entre ses dents en guise de bâillon, mais il était impossible de retenir ces réflexes la. Heureusement pour lui, s'il n'était pas du tout le meilleur des guerriers, il était sans doute l'un des meilleurs blessés. Il se souvenait, en voyant ses doigts disparaitre dans son sein, de toutes les fois ou, à Edo, il avait cherché les ennuis. Et de toutes ces fois ou il avait été battu. Le souvenir d'une nuit douloureuse lui revenait en mémoire alors qu'il se sentait tourner de l'oeil, les doigts sur une côte brisée presque à sa base. Une dette de jeu. Il avait parié, comme toujours. Jamais avec son argent propre, comme à chaque fois. Le trésor du père, des fonds sombres dont on ignorait l'ampleur et la provenance. Il avait volé beaucoup, et gagné au jeu, en trichant. Si bien qu'il avait ruiné la maison de jeu qui ne pouvait payer sa dette. Comme souvent dans ces cas là, et ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, il y avait règlement de compte, et les reconnaissances de dettes étaient signées par le sang. Heureusement, quand on dépense des sommes importantes, on a toujours bien des amis autour de nous. Et Tsune dépensait assez pour avoir des gardes du corps choisis parmi les plus redoutables. La suite, elle était confuse. Un passé qui se mêle au présent. Le coup de katana était semblable au coup infligé par ce gourdin incrusté de clous de charpentier. Aujourd'hui touché sous l'aile, l'amnésie passée l'avait rongé par le bas ventre.


Tout comme il ne se souvenait pas de cette fameuse bataille rangée, il ne se souviendrait pas tellement du combat au Dojo. Comme par le passé, il ne pouvait que supposer la conclusion du combat. Il savait qu'il avait touché, peut être tué, dans cette ruelle. Il savait aussi qu'il avait touché au Dojo, le sang n'était pas uniquement le sien. Il ne devait peut être sa vie qu'à cela pour les deux fois. Ou bien alors, on l'avait laissé pour mort. Une des hypothèses les plus probable, surtout pour la première fois, était qu'on l'avait laissé volontairement vivre avec sa blessure, en espérant l'avoir émasculé, compte tenu de la zone touchée. Et si cette fois il était parvenu à rentrer seul chez lui, par le passé, il n'avait eu pour seul salut que l'envol de trois Tengu. Trois oiseaux qu'il connaissait bien, et alors qu'il se sentait décoller pour perdre connaissance, il croyait être pris dans les serres du sauveteur qui n'était autre que son plus jeune frère. La tête renversée, ses paupières se refermaient sur une vision de massacre, deux harpies arrachant vie après vie, sans qu'aucune résistance ne puisse leur être opposée. Des guerriers valeureux, invincibles, la charge des valkyries qu'il avait pu observer de loin à de nombreuses reprises. Et si lui était de ce sang là, il savait surtout s'en vider régulièrement.


Les serres l'avaient déposé sur le dos d'un cheval Mongol, petit mais si rapide, marque de l'écurie familiale. On était alors en Chine... pays mystérieux, sombres, contrées des Gaijins... mais aussi des médecins Chinois aux longues barbes et ongles. Des médecins qui faisaient le bien par des aiguilles et des potions mystérieuses, des gardiens d'un art sombre aux yeux nippons. Quoi qu'il en soit, l'obscurité ne faisait pas peur à la famille, et pendant que l'épuration des rues du quartier des plaisirs avait court, on retirait enfin la massue. Cette fois ci, il sombrerait définitivement, perdu pour quelques semaines pendant lesquels on le soignerait si bien qu'il ne garderait que quelques cicatrices sur le bas ventre, comme des grains de beautés correspondant à autant de clous.

Mais aujourd'hui, il n'y avait qu'un seul oiseau dans son nid, et pas de Chinois. Telle la côte d'Adam dont on tira Eve, le volatile rendait la vie jusqu'alors compromise à l'homme en arrachant de ses entrailles l'os brisé. Sa blancheur tranchait avec les couleurs sanguinolentes répandues partout dans la pièce. La blessure n'était pas aussi grave qu'elle en avait l'air. La lame avait glissé contre les os, et ironiquement, c'est la garde qui avait causé le plus de dégâts, en brisant une cote qui était venue se planter dans un muscle. Dans le miroir, on voyait plutôt bien l’intérieur du corps s'animer et vibrer, laissant échapper du sang par petits filets. Tsune pouvait souffler mais pas relâcher sa vigilance. S'il n'y avait plus urgence directe à cause de la blessure, il était toujours bien entaillé et beaucoup de sang l'avait abandonné. Il se décida à dire adieu à son kimono déjà ouvert lui aussi, et en fit de longues bandes destinées à compresser la plaie sur toute sa longueur. Avec un peu de chance, la cicatrice serait assez propre pour être glissée sous l'encre d'un nouveau tatouage.

Une fois bandé, il fouilla dans ses tiroirs en toute hâte, en gardant le bras droit plaqué contre sa blessure. Une autre fiole de saké à vider pour imbiber le coton du vêtement. Puis il appela sèchement Ria après avoir déverrouillé sa porte. Il lui demanderait d'apporter des pinces de sa forge pour aider à refermer sa blessure. Une fois Ria partie, il pourrait enfin souffler. Et perdre connaissance aussi. Il avait fait bien des efforts, et maintenant qu'il se relâchait enfin, la douleur vive l'étreignant comme une brulure fut la dernière chose à rester présente, alors que l'esprit volatile se dissipait.

Les jours suivants se passeraient sans lui. Ria et Asami feraient sans doute le nécessaire avec les pinces pour refermer les chairs. Peut être auraient elles aussi trouvé des vieux restes d'onguent qu'il appliquait parfois sur son tatouage et ses cicatrices quand elles se réveillaient, à l'occasion. Tsune avait aussi souvent vanté les mérites de sa fameuse poudre noire... Parfois, il regagnait un peu de lucidité lorsque les femmes le lavaient ou le soignaient à leur manière. L'eau froide surtout, lui rendait un peu de vigueur. Mais alors, toujours trop fier et digne, il les renvoyait avec une certaine sévérité pour être seul et se soigner en secret. Notamment à l'aide d'aiguilles. Une seule chose l'inquiétait encore, l'infection, qu'il rinçait souvent de bols de saké, seul moyen de lui arracher des larmes et quelques cris... puis aussi l'inquiétude de voir la moelle de l'os brisé net sortir. Les jours suivants ne seraient pas de tout repos et passés à surveiller et soigner ce bout d'os menaçant, cautérisant le tout dans sa forge, en secret des femmes.


Mais bientôt assez lucide et fort pour tenir sur ses jambes seul, il reprendrait l'exercice de son devoir. Un peu moins d'une semaine après ce duel, il appellerait Himi à lui, comme sa première priorité, avant même l'exercice du Sô. Il avait dit à Ria de la prévenir, mais elle n'en avait pas eu la force, ou n'avait pas su le faire. Lui pensait que les enfants sentent les choses, contrairement aux adultes qui les pensent. Il était donc hors de question de la tenir à l'écart, et encore moins de lui cacher quoi que ce soit plus longtemps. Il était en train de rédiger son testament, un héritage entierement tourné vers la petite. La côte retirée de son corps quelques jours plus tôt en faisait partie. Ils auraient une petite discussion sur la mort et les fourmis...elle pleurerait un petit peu, et puis tout irait mieux rapidement. Elle était plus facile à gérer que Ria, qui s'en faisait toujours trop. Et d'ailleurs, il se sentait bien en peine de la comprendre. Une chose était sure, quelque chose changeait.
Ria
[Obscurité]

Des jours et des nuits à veiller sur cet homme dont elle partageait le quotidien depuis de longs mois. Des heures d’inquiétudes, de doutes et d’espoirs souvent balayés par l’abattement. La présence rassurante et rationnelle d’Asami. Son aide précieuse pour garder un semblant de vie dans la gargote et prendre soin de la petite Himi. Ria était épuisée tant moralement que physiquement.

Incapable de trouver le sommeil ou même l’appétit nécessaire chaque jour, elle passait de longues heures prostrée dans la grande salle du bas. Si ses sentiments pour Tsune la faisait souffrir, elle avait toujours fait en sorte de les retenir. Par pudeur d’une part mais également par soucis de ne pas s’imposer. Cependant, les jours qui suivirent ce duel furent tout autant de tourments et de douleurs silencieuses. Si la crainte de perdre l’homme qu’elle aimait était bien présente, elle voyait également avec effroi les changements que cela apporteraient dans la vie paisible et bien établie qu’elle menait. Elle n’avait jamais été bien courageuse et l’avenir était une notion qu’elle n’avait jamais vraiment bien saisie pour elle-même.

Les seules certitudes qu’elle avait pu tirer de ce marasme étaient qu’elle lutterait jusqu’au bout pour Himi. L’enfant ne méritait pas d’être abandonnée à nouveau.

Faire semblant de rien avait été plutôt facile avec la petite. Elle qui détestait le mensonge et la dissimulation s’y était pourtant adonné avec la plus grande honte. Pour le bien d’Himi, elle avait fait le choix de ne rien lui dire des derniers événements et aidée par le caractère joyeux de la fillette, elle eut presque l’impression que tout cela avait été un mauvais rêve. Pourtant, Ria avait parfois le sentiment de ce servir de ce prétexte pour elle-même. Inconsciemment, elle refusait de voir la vérité en face et se raccrochait désespérément aux derniers repères qu’elle s’était forgé. Himi lui apparaissait comme son ultime raison d’exister.

Faiblesse ou stupidité ? Elle aurait probablement répondue que c’était un peu des deux mêlés à la couardise. Mais incapable de rester objective, elle finissait par accumuler les bévues.

Complètement perdue, s’abandonnant sans scrupule à son désarroi, elle avait fini par recevoir le coup de grâce le soir même où Tsune était enfin réapparu dans la salle principale de la gargote. Mue par le soulagement de le voir levé, elle s’était précipité à sa rencontre, lui imposant une aide qu’il n’avait pas sollicité. Il l’avait repoussé sèchement, lui intimant froidement l’ordre de le laisser en paix. Les restes de l’édifice qu’elle s’était plu à croire inébranlable finirent par céder et c’est la mort dans l’âme qu’elle contemplait à présent les ruines. Elle avait beau connaitre la fierté de l’homme, elle était trop épuisée pour réfléchir efficacement et relativiser les choses.

Les jours qui suivirent ne l’épargnèrent pas d’avantage et peu à peu elle perdit complètement pied ne trouvant de répit que dans le travail acharné qu’elle menait sur ses différentes charges. Le dialogue était rompu et le fossé semblait s’élargir d’avantage à chaque rencontre. Convaincue de son inutilité et d’être plus que tolérée, elle avait fini par abandonner la partie, se repliant sur elle-même, gardant un semblant de sérénité bien loin de convaincre mais qui l’aidait à faire face à ses responsabilités. L’âme meurtrie, elle voyait sa vie lui échapper.
Ria
[Réminiscence]

Une fillette à l’allure frêle, riant pour un rien et courant pieds nus le long des rizières. Un lieu excentré du reste du village. Une petite habitation composée d’une seule pièce faisant office de lieu de vie et de chambre à coucher. Le mobilier est réduit à son strict minimum mais la main d’une femme en a fait un paysage odorant et éclatant par les fleurs amoureusement entretenues. La fillette ne s’était jamais interrogée sur l’incongruité de la chose. Elle était née ici et n’avait pas connue l’endroit autrement.

Unique née de ce couple déjà vieillissant, elle n’avait pas réellement conscience de l’attention dont on l’entourait. Pas de frères ou sœurs et encore moins de camarades de jeux, c’est seule qu’elle faisait ses expériences. Des années d’insouciance, bercées par l’amour d’une mère s’employant à offrir la meilleure éducation possible à une fille trop libre et préservée. Que d’heures passées à s’amuser des enseignements, tentant tant bien que mal à comprendre l’intérêt d’une danse ou d’un chant, alors que la nature l’appelait dehors.

Dévouée à ses parents, elle n’en demeurait pas moins facétieuse. Laissant parfois ses corvées de coté pour suivre le vole gracieux d’un papillon ou la course bondissante d’une grenouille surprise dans les herbes hautes, puis faire part de ses découvertes à sa mère, sans même se rendre compte qu’elle en a oubliée de rapporter le riz récolté. Une vie d’insouciance, consacrée toute entière à ses envies du moment.

Puis la maladie était venue s’installer sous leur toit, affaiblissant jour après jour ce couple sans histoire. La fillette était devenue une jeune femme, qui impuissante, assistait du mieux qu’elle pouvait ceux qui leur vie durant s’étaient consacrés à elle. Ni les remèdes ni les prières ne firent reculer la mort et l’un suivit l’autre à quelques semaines d’intervalles. Plus de rire, plus de course folle autour des rizières.

Les fleurs finirent par faner et l’habitation fut fermée…

[L’éveil]

Silence. Entrecoupé seulement par la respiration profonde et régulière de l’homme à ses cotés. Pas un son, pas un mouvement ne venait troubler ce moment de paix. Seule la crainte de lui faire mal durant son sommeil l’avait tenue éloigné du corps de l’amant. Il lui en coûtait de ne pouvoir le toucher ou même le respirer comme si souvent auparavant mais elle était trop soucieuse de le voir se rétablir pour provoquer les kamisama. Gardienne silencieuse d’un sommeil qui ne lui appartenait pas, elle l’observait entre les mèches de ses cheveux défaits.

Les souvenirs, depuis ce jour à Kumamoto qui l’avait placé sur son chemin, lui revenaient en mémoire. Une rencontre fortuite avec un étranger alors qu’elle venait tout juste de trouver à s’employer dans la ville. Les longues discussions alors que nuls ne lui adressaient jamais la parole autrement que pour la railler ou lui faire comprendre sa différence. Ses conseils avisés et cette propension à la pousser à la réflexion. Elle s’était tout naturellement rapproché de lui. Patientant des heures pour avoir la chance et le plaisir d’être en sa compagnie.

Les bruits les plus divers avaient couru, faisant d’elle ce qu’elle n’était pas puis il était reparti, apportant avec son départ de nouvelles interrogations. Elle avait acquit la certitude qu’elle ne resterait pas plus longtemps que nécessaire à Kumamoto, préférant laisser la bêtise et l’ignorance se déchirer entre clans. Par sa seule présence, il lui avait donné l’envie d’autres horizons, d’une autre vie. Elle avait passée les semaines qui suivirent à travailler avec acharnement, dans le seul but de quitter cet endroit où elle n’était pas la bienvenue. Sa décision était prise, seule ou pas, elle partirait.

Il était revenu peu après, apportant avec lui à nouveau ce parfum d’interdits et de nouveautés. Naïve et trop curieuse de ce qu’elle n’avait jamais vécue, fière de cette indépendance nouvellement acquise, elle avait fini par s’abandonner entre ses bras, sans aucuns regrets. Les mauvaises langues avaient enfin de quoi faire mais elle s’en contrefichait. Comment aurait-il pu en être autrement ?

S’en était suivi les longs mois à ses cotés. Cheminant souvent, s’arrêtant parfois, tant est si bien qu’ils avaient parcouru un peu tout le nippon. Découvrir la vie en sa compagnie avait été enrichissant. Ce qui pour elle n’aurait pas tenu plus d’une semaine avait fini par se transformer en une certaine routine. Elle avait fini par s’en remettre totalement aux décisions et aux appréciations du Tengu. Qu’il avait été doux et rassurant de confier ainsi sa vie sans avoir à s’en préoccuper outre mesure.

Aujourd’hui, cependant, elle entrevoyait toute la folie de ce simple geste. Elle comprenait également que son incapacité à former des projets tenait d’avantage au fait qu’elle avait arrêté son horizon à cet homme, occultant les réalités d’une vie basée sur la diversité. Asami lui avait dit avec justesse qu’elle trouvait dommage de résumer une vie à une seule autre. Si elle n’avait tout d’abord pas réellement compris toute l’implication de cette formule, elle pouvait à ce moment précis saisir la sagesse de la jeune femme.

Elle avait rêvée sa vie au lieu de la vivre. S’acharnant à retrouver une existence depuis longtemps révolue au lieu de composer la sienne. Elle n’avait jamais cessé de se comporter comme une gamine gâtée et égoïste. Elle avait conscience des difficultés nouvelles à venir mais les voyait autrement que comme une calamité.

Elle sourit doucement entre ses mèches éparses, en paix avec elle-même, puis délicatement vint effleurer les lèvres de l’amant, murmurant un imperceptible «aishiteimasu» avant de se lever et de quitter la pièce en silence.

Elle avait du travail à fournir pour ses diverses charges, mais avant cela elle souhaitait s’occuper un peu d’elle-même. Elle s’était quelque peu négligée ces derniers jours et il fallait y remédier.
Tsunesaburo
(hrp indispensable: http://www.youtube.com/watch?v=iJUaCAIxSk4)

[Gardienne silencieuse d’un sommeil qui ne lui appartenait pas...]

Le sommeil. C'était plus qu'une notion. Certains esprits se plaisaient à croire volontiers en des idées parfois farfelues. Manger de la viande saignante, remède d'une blessure par arme blanche. Le transfert de sang et l'appropriation par l'ingestion, comme un écho anthropophage lointain. Le mythe familial, étouffant, écœurant, bien plus que des gorgées de sang bouillonnant, avec l'envie irrépressible de s'en débarrasser dans un simulacre d'exorcisme... et pourtant, si profondément ancré, dans le sang justement, dans la chair. Une part de soi idolâtrée au sens propre, et détestée avec une telle violence pour l'autre qu'elle est, et la trinité qui n'est plus. Le symbolisme d'un oiseau, d'une divinité, d'un emblème, et sa concrétisation, dans l'urgence perceptible d'une âme. L'essence même de l'être, fébrile à l'idée de devoir porter à bout de bras l'essence collective familiale.

Depuis toujours pourtant, il en avait été ainsi. Plutôt que de se dédoubler, comme cela aurait été attendu, elle s'était naturellement fissurée, divisée, répartissant par compartiment hermétiques l'identité. Et une chose propre à cette âme, un de ses quartiers, était sa relation inhabituelle et innée avec le monde de la nuit. Cela faisait longtemps qu'il ne dormait plus. Il ressentait encore la lame brûlante glisser, grincer, sur l'os, dés que tout était calme. Bien sur, il ne se plaignait pas, bien au contraire, et faisait comme si de rien était. Plusieurs fois, il s'était étendu dans son nid, ailes déployées, comme clouées dans un rictus de mort, pour effectuer un jeu d'acteur familier. On surveillait son sommeil, il offrait ce qu'on attendait de lui, inconsciemment, par la force d'un réflexe puissant de l'enfance. L'illusion du sommeil. Mais à l’intérieur tout bouillonnait: idées, sensations, sentiments, souvenirs...

Une porte coulissante avait parachevé la ronde en laissant échapper le son caractéristique de sa fermeture. La nuit était avancée, tout était sombre, sauf la lumière d'une bougie qui défilait de l'autre coté du papier de riz, offrant des ombres de femmes grandissantes, inquiétantes, aux longs cheveux noirs. Quelque chose lui avait effleuré les lèvres un instant plus tôt, le tirant de sa léthargie semi consciente. Il ne dormait pas mais n'en était pas loin, terrassé par l'épuisement, son esprit se situait entre deux mondes qui semblaient se le renvoyer à tour de rôle sans jamais le laisser entrer. Vivant, mort, éveillé, endormi... Pourtant quand la porte avait claqué, les yeux aquilins s'étaient ouverts en grand, comme ceux de caïmans à fleur d'eau, épiant sans être vus, alertes.

La chaleur était intenable, et le bourdonnement dans ses oreilles l'avait convaincu qu'il était allongé dans sa forge. Les flammes invisibles et inexistantes allaient le consumer, mais une forme d'impuissance tenaillait ses membres. Les ailes étaient clouées, le bec aussi. Les pas dans le couloir, les chuchotements incompris, déformés par son état, et surtout des ombres qui montaient au dessus de lui, planant comme une menace. Il les regardait danser, vaciller, comme les ombres de sorcières penchées à son chevet pendant sabbath. La tension devint si insupportable que ses yeux se fermèrent à nouveau, quand qu'il n'aurait voulu que remonter les draps pour se cacher, et alors, il se souvenait de l'époque où il n'était pas plus vieux qu'Himi. La mort le suivait, comme figée dans son ombre, un éclat de l'âme maternelle qui était venu se figer dans celle du nouveau né, au moment où celle ci expirait le dernier souffle qui ne serait autre que le premier du second. Le deuil maternel, et le fardeau de vivre dans des appartements semblables à un tombeau. Des nourrices, des sorcières... des vieilles, aux visages voilés, sèches, dures, silencieuses en toutes circonstances comme de sombres religieuses, ou presque: elles parlaient mais jamais à quelqu'un. Ceux qui devaient les entendre n'étaient qu'idoles sur des autels enfumés.

Alors en ces temps là, il était souvent malade. La fièvre le prenait de nuit, comme on assaille un château de carreaux incendiaires. Ses tempes trempées de sueurs, la fièvre incrustée dans ses côtes, tout lui rappelait ce temps maudit, et certaines de ces nuits où tétanisé de peur, il n'osait bouger, seul face à trois statues voilées, silencieuses, immobiles, des Yama-Uba d'appartement. Elles le veillaient, pour son bien, dans son sommeil, et parfois au milieu de la nuit, il était réveillé par une triple litanie, des prières transformées en malédictions par l'oreille enfantine malade. Le sentiment de malaise profond, de peur brulante, les vieilles sorcières, voilà la menace qui planait dans ces ombres au dessus de sa couche d'adulte.

La gorge suffocante comme la cheminée d'une fournaise, il se tendait pour essayer de venir à la rencontre d'une bulle d'air qu'il ne parvenait à trouver dans une respiration naturelle. Aucune vapeur, mais une sueur malsaine, à l'odeur forte et prononcée d'un corps malade. Par delà le mur du sommeil attendait, tapie dans les abîmes du corps étendu, une bête prête à surgir et saisir les entrailles entre ses mâchoires puissantes, pour emporter une mère, un frère, une côte... Il avait toujours cru en cet réalité, cet endroit où mène le sommeil, juste avant le rêve, et où passé, présent et futur se mêlent, dans le seul but de laisser certains démons surgir.
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