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[RP] C'est une très jolie dague...que vous avez là !

Charlyelle
« Après avoir cherché sans trouver, il arrive qu'on trouve sans chercher. »



Il tombait une pluie battante. Mais la Brune n'en avait cure et s'arrêta soudain. Une longue bâtisse se profilait au clair de lune. Elle avait remonté toute l'avenue. Des bordels à foison, des tripots à volonté. Des rires gras qui s'échappaient des lieux, des filles de joie à tous les coins de rue. Et des ivrognes. Elle venait d'ailleurs d'en balafrer un avec un tesson de sa propre bouteille d'eau de vie puante qui venait de finir dans le caniveau. Et le charognard pissait le sang. L'écossaise s'accroupit un instant près de lui.

"- Tu vois mon brave, fallait pas me toucher !"

L'homme avait eu un geste malheureux en s'approchant d'elle. Et la Dentellière, déjà pas d'humeur ces dernières semaines, et encore moins depuis quelques heures qu'elle venait d'arriver ici, n'y était pas allée de main morte. La bouteille avait voltigé en l'espace d'un éclair et le tesson fait son oeuvre tailladant profondément la joue du vicelard.

Trop inquiète et trop agitée ces derniers temps, depuis que ce quasi inconnu lui avait dérobé sa dague. Une rencontre au détour d'une auberge, une soirée, une nuit et au petit matin, il s'était envolé. Si encore la soirée n'avait rien eu d'exceptionnel, si encore il s'en était allé comme il lui était apparu. Mais non.Il avait fallu qu'elle trouve à apprécier ces moments là. C'était bigrement ennuyeux ça. Il s'était emparé de sa dague. Et là ça devenait bien plus gênant encore.
Elle ne pouvait se permettre le moindre faux pas. Si son père venait à le savoir, c'en était fini de sa liberté chérie. Il l'obligerait à porter titre et terres et elle devrait rester là-bas, sans ne plus pouvoir aller et venir à sa guise. Sans compter qu'il était dangereux pour eux de se faire repérer.Et les armoiries étaient gravées sur l'arme. Oh elle se doutait bien qu'il aurait un mal fou à déterminer ce qu'elles pouvaient signifier mais mieux valait récupérer au plus vite son bien.

Les renseignements qu'elle avait demandé, elle avait eu tôt fait de les avoir. Un nom. Von Frayner. Inconnu. Pour peu qu'il soit déjà son inconnu du perron, il n'y avait pas grand changement aux yeux de la Pallikari.
Mais un détail lui avait alors été signalé. Ce qui paraissait futile s'avérait être pour la Dentellière qu'elle est une information de bonne aubaine. L'information tout court. Et depuis le matin, elle était arrivé dans cette ville qu'elle déteste déjà. Paris. Et ses bas fonds.

Elle ne supporte pas la ville. Cela lui fait le même effet que lorsqu'un homme tente de lui mettre la main dessus. Elle étouffe. Et elle rue. Toujours et encore et continuellement.

Mais bizarrement, pas ce soir là.

C'est pourtant dans ce quartier là qu'il aurait sa garçonnière. Depuis l'aube elle ratisse. Discrètement elle interroge et peu à peu la zone de recherche s'est amoindrie pour en arriver à cette avenue.

D'un geste désinvolte, elle essuie le sang qui a giclé sur la manche de son mantel. Qu'avait-il besoin de venir l'ennuyer celui là aussi.

Haussant les épaules, la jeune femme continue d'avancer, sans vraiment regarder autour d'elle. La nuit est tombée, elle est trempée, et toutes ces odeurs et cette agitation lui retourne le ventre. Trop de monde pour elle dans ces quartiers là. Elle n'a rien avalé de la journée mais n'a pas faim. Pour se faire le plus discrète possible, elle a noué foulard autour de sa tête, longs cheveux relevés et tirés en arrière. Et ses tuniques et braies, rehaussés de hautes bottes n'ont pas résisté à cette pluie battante malgré la lourde redingote, dans laquelle l'eau s'est incrustée.

Une seule chose lui importait : elle devait le retrouver.


"- Où êtes-vous Judas Gabryel ? "

Guidez-moi ! Guidez-moi !
_________________
Judas
    [ Hush, it's ok
    Dry your eyes* ]


Je suis là.

Je suis dans les mornes flaques que vous foulez, je suis sur les visages endurcis des vieilles coureuses de remparts, je suis dans l'âpreté du cuir des chevaux bâtés, je suis en Paris, je crois que je n'en suis jamais parti, je suis tapis, sur les clous aux ailes des chouettes, sur les portes closes, sur les huis voyeurs, sur le sel de contrebande, dans l'obscurité de la nuit, sur vos joues froides et sous la pluie, je suis.

Judas n'a pas sommeil. Paris guette, épie, obsède. Roide est là quelque part, et lui, et lui... Il ne sent pas ce qui se trame. Il n'attend personne, il se joue de tout le monde. Comme souvent il a joué aux cartes jusque tard, maintenant il pleut dru. Nyam ne viendra pas le chercher sous la pluie pour lui apporter son mantel, il n'est plus en Anjou. Nyam n'est pas là. Il est seul, dans sa tête mais pas dans sa couche. Il paye, il congédie et prend congé. Paris larmoie, un peu comme lui dans son esprit. Il erre sur les quais, contourne les pièges que crée les remous torrentiels de quelques digues d'enfants qui cèdent bien vite.

Frayner se laisse guider par la faim. Celle de son pauvre ventre, pas celle de son coeur. La garçonnière le reverra bien demain, après tout... Au bout de la rue il s'apprête à bifurquer, il connait une bonne adresse où personne n'encombrera sa conscience des bienséances, des protocoles et de la morale. Au diable iceux-là, c'est bien à cause d'eux qu'il se retrouve là ce soir. C'est encore à cause d'eux que sa vie est ainsi. Il a des remords et autant de regrets. Son mariage, son Anaon. Lien de cause à effet...

Sous la pluie on y voit goutte, et chaque lanterne de bordelière semble tout à point de se noyer. L'évasion est chère au coeur de Paris, quand bien même à deux doigts des mains d'une Dentelière... Inconscient de ce qu'il frôle Frayner se fait ombre parmi les ombres, ce quartier il le connait comme sa poche. Là un pauvre hère semble tenir sa joue en lambeaux, il titube, Judas l'enjambe.

Il est là.


* Chut, tout va bien
Sèche tes larmes - Placebo, Sleeping With Ghosts.

_________________

Vive le Roy !
Charlyelle
Quand il pleut dans mes yeux,In nomine Dei nostri Satanas Luciferi excelsi.*

Le ciel est chargé, la pluie frappe si fortement. Les éclairs,le tonnerre,le vent,le ciel sont impitoyablement déchainés cette nuit,comme pris d'une humeur furieuse. Charlyelle a l'impression que les pluies sont ses larmes, le tonnerre sa fureur, les éclairs et le vent sa peine. Rires de pluie sur le sol assoiffé, applaudissements rythmés d'orage et les corps respirent une fraîcheur retrouvée, la terre s'abreuvant elle, du pluvieux déluge.

En manque d'Elle ! Il lui arrive parfois dans le secret de ses nuits de savourer l'instant sans précipitation où elle effleure son corps de cette dague sacrée. Elle ne cherche plus, à cette heure ci elle est lasse et malgré tout l'appel de la faim se fait sentir. De toute manière elle finira bien par le trouver. Il est quelque part, non loin. Son instinct l'a senti.
Elle tourne au coin d'une rue. Une pancarte attire la brume. Une truie se pavane dessus. La Druidesse hoche la tête surprise. Ici aussi ils connaissent donc ? Ou bien serait-ce simple coïncidence ? A moins que ce ne soit un signe ? Il est de ces lieux où une simple enseigne signifie beaucoup. La dilettante brune entre et jette oeil méfiant autour d'elle.

Ce n'est pas son territoire ici.

Des grandes dalles couvrent le sol. Les murs, recouverts d'immenses tentures de velours carmin, donnent un cadre velouté à la scène. Sur le mur du fond, une tapisserie, acte héroïque d'un Chevalier Noir face au Dragon Blanc. Au milieu de tout cela, une table ronde nappée du velours carmin, un chandelier à quatre branches de cristal arborant avec fierté ses quatre bougies elles aussi rouge carmin, et des couverts entourant deux assiettes.

Charlyelle s'y dirige et se laisse glisser sur le siège. Il doit très certainement y avoir une arrière salle clandestine.

Cadre romantique et lugubre à souhait. Un bordel, un tripot, une taverne, sans doute un brin de tout cela. Cuisson de la viande parfaite. Assortiment des légumes rassemblés avec grand soin. Chaque bouchée de bœuf, chaque mouvement de mâchoire sur ces lambeaux de chair ne sont que prologue incessant. Elle ne sera pas difficile Charlyelle ce soir dans ses atours trempés. De ce gourbis parisien, elle s'en fait son monde à elle.

Il est là.

*Livre de Léviathan, La Bible Satanique, Anton Szandor LaVey
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Judas

    [ It seems it's written
    But we can't read between the line* ]


Il a déposé ses effets trempés sur un dossier de chaise, il y a déjà du monde. Judas progresse dans l'atmosphère humide et chaude du tripot un jour d'orage. Tout est là. La Ninon, la grosse Suzon, même le chien sans âge qui ne garde plus la porte depuis longtemps. Il se sent chez lui, sans doute plus que dans sa garçonnière désertée. Voilà trois soirs qu'il retrouve le décor de la maison de jeu pour dilapider son argent. Ce sera toujours cela de moins pour la rente de sa Dame. Ses cheveux ont été ramenés en arrière, formant une matière noire et lisse presque disciplinée. Personne n'est surpris de le voir revenir, et lui il se surprend à bouder le coté Face. Il prend place à une table et mande à boire. Ho bien sur il connait le manège de la Suzon. " On mange de l'autre coté, ce n'est pas raisonnable." Judas n'est pas raisonnable. Il est déjà passablement alcoolisé.

Il y a toujours trop de règles... La maison a deux visages, l'un pour l'église, l'autre pour la débauche. Pile tu manges, tu dors. Face tu joues, tu baises. Entrée pignon sur rue, porte de service. La truie qui file est pleine de ressources. Il y a ceux qui s'égarent au sous-sol aussi, il faut dire, ce sous-sol a un aspect canaille. Et la Suzon... Ho la Suzon ne sait pas résister à son seigneur Bourguignon. Allez ma Suzy, me fais pas croire que tu vas me refuser un verre. Tu sais bien que j'ai faim, tu sais bien que je serai de retour demain. Rester jusqu'à trouver l'Anaon, ça c'est un foutu objectif. La nuit s'éternise.

Il étire ses jambes, ses bottes sont froides et ses pieds ne refusent que de grelotter par fierté. Paris. Paris à s'en dégouter, jusqu'à l'overdose. Il pensait qu'il ne voulait pas de la capitale, c'est finalement Paris qui ne doit pas vouloir de lui. Frayner s'ennuie, là de l'autre coté du miroir. Il ignore la présence de l'Hyvresse à deux pas qui serait à portée d'yeux si le mur des apparences ne les séparaient pas.

Puisque c'est toi qui me cherche, c'est à toi de me trouver.


*On dirait que c'est écrit
Mais nous ne pouvons pas lire entre les lignes - Placebo, Sleep whith ghosts.

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Vive le Roy !
Charlyelle
Elle repousse son assiette. L'issue de table, composée de fromage et de fruits, elle n'y touche pas. D'humeur noire ce soir. Elle pensait le trouver dans la journée, le suivre, récupérer son bien dès qu'il aurait le dos tourné et s'en retourner.

Mais ça ne se passe pas vraiment ainsi. Et ses vêtements sont plus qu'humide. Son mantel quant à lui est trempé. La jeune femme a menti à Ilug. Elle lui avait assuré partir et revenir avant la nuit. Mensonge !
Hors de question qu'il la suive, et pauvre d'elle qui s'imagine qu'il ne s'est pas aperçu de la disparition de la dague. C'est ce qu'elle veut croire et ce qu'elle espère surtout. Il est trop tard à cette heure pour trouver un tisserand, mais demain matin, c'est la première chose qu'elle fera. Des vêtements secs. Il lui en faut peu ce soir, vraiment.

Délicatement, une boite en bois d'ébène est sortie de la poche intérieure du mantel. Les doigts fins l'ouvrent doucement, et le nez penche avec délicatesse dans les arômes des épices contenus. Souvenirs qui effleurent alors sa mémoire et d'un geste rageur, elle claque le haut du coffret.

Silhouette brune qui se lève, parcourue de frissons en son échine lorsqu'elle remet le mantel trempé et sans un regard pour quiconque, son écrin de bois bien contre elle, Charlyelle s'engouffre dans la salle à côté. Un lieu enfumé ou elle distingue sur la gauche des marches qui descendent vers un couloir plus sombre. Alors que tables de jeu et filles de joies se pavanent non loin d'elle.
Elle a tôt fait d'y descendre et au vu de son avancée, enjambe quelques corps avachis, quelque peu dénudés ou qui semblent être dans un état second ne laissant aucun doute à l'Ecossaise. Elle a bien choisi l'endroit. Et elle ne tarde pas à découvrir ce qu'elle cherchait : apothicaire en manque de quelques produits rares. C'est que la Pallikari fait commerce d'épices et d'herbes à l'occasion. Et là ce qu'elle a ramené avec elle semble faire le bonheur de l'homme.
Quant à elle, non pas qu'elle ait besoin d'écus bien que jamais elle ne laisse paraitre le contraire sur elle.

Mais de tout temps, les épices ont pimenté la nourriture et la vie des hommes. Elles fascinent par leurs parfums, leurs saveurs et leurs vertus médicinales. Il leur est même attribué des pouvoirs magiques et aphrodisiaques. Elle en connait d'ailleurs quelques secrets. Mais elle ne les dévoile jamais ou si peu. Les tromperies les plus fréquentes consistent à remplacer le poivre en poudre par de la poudre de nigelle ou de genièvre, le safran par des pétales séchés de fleurs de soucis. L'Ecossaise, il est difficile de la duper sur ce terrain là. Et ce n'est pas ce soir que cela se produira.

Et c'est en remontant les escaliers, réprimant un nouveau frisson de froid, qu'elle s'imprègne d'un visage dont les joues sont rougies par la chaleur, et le regard bien plus troublé d'alcool que dans son souvenir. Mais c'est à cette mèche qui décidément semble faire toujours des siennes chez lui, que les brumeuses s'arrêtent. Il est à une table. Assis.

D'un geste brusque, Charlyelle dénoue le foulard qu'elle porte, libérant cascade de boucles brunes sur ses épaules.

Typhon qui s'éveille, lueur d'ouragan en perdition dans les brumes. La Succube s'assoit sur le siège face à lui. Les fins doigts viennent alors qu'elle se penche vers lui, rediscipliner derrière l'esgourde, le voile qui s'était fait la belle.

Et les accents gaéliques se font entendre. Dangereusement calmes. Moins calmes que la lueur des brumes qui se posent sur lui.


"- Vous êtes là."


Je retourne vers toi, tu ne m'as pas laissé le choix.
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Judas
Les yeux rivés sur un point imaginaire l'homme pense. Trop. Il essaie de se rappeler les bons moments qu'il a pu passer dans cette ville. A vrai dire tout ce qui lui revient c'est l'agression, Notre Dame et la Suzeraine. Sa vision est barrée par une silhouette. Tout d'abord il ne la regarde pas, accoutumé aux passages, à ce ballet incessant de personnes qui se frôlent et qui se cherchent. Mais inévitablement il ne peut l'éviter longtemps, focus sur l'improbable. Il redresse tout de go le menton et tente aussi de redonner un peu de dignité à sa posture qui a eut tendance à s'affaisser contre le dossier.

Charlyelle.


Et de laisser un demi sourire embrumé étirer les traits de son visage. Il est étonné, ça doit se voir malgré le vitreux de ses yeux, c'est que le vin n'efface pas tout. Sa surprise est douce, Charlyelle lui a laissé un souvenir plaisant.

Vous ici.

Ce n'est pas une question, il s'en amuse. Frayner accepte cette visite nocturne, désormais intimement persuadé que la Dentelière vit dans les environs de Paris. Pourquoi la croiser deux fois dans le coin si ce n'était pas le cas, après tout? La dague est la dernière de ses préoccupations, il ne se doute pas qu'elle est venue pour Elle. Judas est rarement ivre, rarement. C'est peut-être pour cela qu'il ne fait que des suppositions sans finalités et des conclusions vaines. Il ne recule pas son visage lorsqu'elle le touche, c'est d'un naturel désarmant. Son temps de réaction laisse à désirer...

Elle est belle, et cet accent. Il faudrait vraiment penser à lui demander d'où il vient.

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Vive le Roy !
Charlyelle
" Découvre moi, découvre toi ! "

Oui c'est moi. Je suis là.

L'ouragan intérieur ne semble quant à lui pas se calmer.

_ Et ma dague Judas Gabryel où est-elle ? Qu'en avez-vous fait ? En avez-vous seulement pris soin ? Oui ? Et bien c'est parfait, rendez-la moi je vous prie, puis je vous souhaite la bonne soirée et peut-être à un de ces jours ! Peut-être ! _

Et elle s'éclipserait aussi vite qu'elle ne lui est apparue. Une fuite en quelque sorte. Une préservation de soi.

Sauf que. Ils ne se doutent ni l'un ni l'autre qu'il est déjà trop tard pour la fuite.
Sauf que. Sauf que. On dirait que c'est écrit, mais que nous ne pouvons pas lire entre les lignes.

Et la Pallikare du Nord s'adresse à l'une des femmes qui s'approche.


"- Deux coupes de votre meilleur vin. Et louez-vous des chambres ?"

Il s'est redressé sur son siège. Etrangement, il n'a pas fui ce geste familier qu'elle a eu, pour la seconde fois si naturellement envers lui. Alors qu' elle capte un demi-sourire sur ses lèvres et sur son visage. Perles de Lune se font alors presqu'aussi étonnées que lui. Les lèvres de mûres frémissent avant de souffler

"- Vous êtes ivre ?"

La main a lentement glissé sur la joue, avant qu'elle ne l'ôte comme brulée au vif ou de peur qu'il ne la lui retienne. Elle croise machinalement ses bras autour d'elle, se préservant du froid et de cette insidieuse humidité qui la transperce et lui flanque ces foutus frissons dans la moëlle épinière depuis des heures maintenant.

Carson ? * _ elle ne formulera pas demande_ et elle ne peut s'empêcher de penser qu'il va lui faciliter la tâche s'il est ivre.

Ce n'est plus qu'une question de temps pour qu'elle récupère son bien. C'est une évidence. Un p'tit tour de dague, et elle s'en ira.

"-Un homme ivre est un homme faible".

Un homme sur le perron est un impuissant.

A peine un frémissement sur les ourlées. Il est divin.Mais non, elle n'a pas oublié.

« fort vin esmoeult grande tempeste »

*pourquoi ?
_________________
Judas
    [ Maybe we're victims of fate
    Remember when we'd celebrate
    We'd drink and get high until late
    And now we're all alone* ]


Non.

Non c'est évident, je ne suis pas ivre, c'est le vin qui est ivre, moi, moi, moi.. Je ne fais que l'aimer. La réciproque est évidente. Vous me faites rire Charlyelle, ou alors est-ce lui.

Il est ivre. Ho pas de l'Hyvresse qui ne l'aidera pas à marcher droit, mais soudain du bon vin qui magnifie le laid et apaise la misanthropie. Alors levant la main à la Suzon il aurait pu dire "Non! Plus de vin! C'est un amour malsain." Mais à la place, ho oui à la place il dit en riant un peu, avec ses yeux qui se font petits et chafouins:

" Non! Pas de chambrée! Je dors dans le coin. "


La faiblesse oui, parlons en. On ne dit pas non à l'alcool quand il s'est emparé de nous. Elle n'a pas tort la Dentelière, et ça ne l'agace même pas. La nuit semble se figer. Ainsi elle compte dormir ici. Frayner se demande soudain ce qu'elle cherche la femme de l'Hydre, cette étrangère qui ne l'est qu'à demi et qui revient dans sa vie comme on revient dire bonsoir. Il la détaille. Il ne voit rien. Il n'en voit pas assez. Cette femme-là il l'a vue nue, il aurait même pu la posséder, et ce soir il semble pourtant qu'il y ait entre eux un rempart tenace, un halo opaque qui l'empêche de la retrouver comme la dernière fois. Ce sont ses défroques lourdes d'eau, ou la magie du vin. Frustration encéphale.


Vous êtes trempée. Que me voulez-vous?


Questions désordonnées, la situation l'interpelle soudain. Il était temps. Il est ravi de la revoir, ravi de savoir qu'elle va rester, car pour lui il est évident qu'elle ne mande pas une chambre pour lui mais pour elle. ça ne se fait pas. L'homme imbibé coté face est happé par le regard de sa voisine. Il a déjà envie d'elle, ce n'est qu'une question d'inachevé. Ce qui pourrait inquiéter c'est la violence de son envie, une pulsion attisée par frustration latente. Il a envie de lui faire mal, du mal qui fait du bien.


* Sommes-nous les jouets du destin
Souviens-toi des moments divins
Planant, éclatés, au matin
Et maintenant nous sommes tout seuls - Placebo, Protège-moi.

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Vive le Roy !
Charlyelle
Attirance aux parfums de Priarée



Elle l'observe rire et s'exclamer alors qu'elle réclame chambrée à la femme mandée. Les brumes orageuses virent à tempêtueuse intérieure. Attention Judas Gabryel. Terrain miné. Je pourrais décider de faire de vous mon Maître et le cesser tout autant quand bon me semblerait.
Deux années qu'elle s'est volontairement purgée du Sapineux, et qu'elle s'est euthanasiée de lui ces derniers temps.


"- Fascinant. Je ne fais que somnoler dans les parages pour ma part."

Petit sourire effronté, alors que les brumes le sondent, doucement carnassières. Sa voix rauque avait une profondeur, un grondement inhabituel qui l’accompagnait. Elle semblait frémir d’un besoin, d’un désir primal. Alerte sur les signes qu'il lui donnait, l'alcool aidant sans aucun doute, mais tout ce qu'elle pouvait lire dans les vitreux, c’était un désir, une forme de satisfaction, et une certaine surprise rémanente. Oh non, il ne s'attendait sûrement pas à la voir ce soir. Elle rit doucement de l'entendre rire pour la première fois. C'était un son agréable.

Un moment de flottement. L’effet ne s’estompait pas, semblait s’amplifier même depuis leur dernière nuitée.


Vous êtes trempée. Que me voulez-vous?

Au travers du carreau de la fenêtre, la Druidesse pouvait voir les teintes ocres, au-dehors. Le vent hurlait.

Elle boit son vin, prenant le temps de le savourer.


"- Ce vin est un charme pour mes papilles. Avez-vous déjà admiré les couleurs de notre soleil se levant sur l'atmosphère poussiéreuse de Paris ? Lorsque les vents sont calmes, c’est un spectacle magnifique parait-il. Je n'ai pas encore eu l'occasion de m'en rendre compte par moi-même. Accepteriez-vous de me faire découvrir ce spectacle demain matin ?»"

L' Ecossaise lui lance un regard pénétrant, tentant de lire son expression malgré la lumière qui effaçait les détails.

"- Judas Gabryel Von Frayner". C'est ainsi qu'on le lui avait alors nommé. "- Je préfère ne retenir que Judas Gabryel. Le nom de famille est par trop...chargé..La tradition voudrait que je me présente plus avant mais, tant que vous ne m'aurez pas rendu la Dague que vous m'avez substituée, je n'en ferais rien"

_Et puis, qui sait, peut-être n’êtes-vous pas ce pion que vous pensiez être tout à l'heure, à vous voir avachi sur votre siège, mais ce maître que je me cherche..._

Ici, un prédateur pouvait prendre proie en ayant la conscience tranquille, en sachant que cela n’était pas seulement accepté et désiré, mais voulu. Sentiment délectable qui flotte alors que les brumes enveloppent les sombres.

La biche a un besoin qui la fait brûler,oh oui, tout aussi sauvage que celui qu'elle ressent chez lui. L' instinct, le désir, le presque souvenir du Satrape à son perron.


"- Je vous ai cherché toute la journée sous la pluie. C'est de votre faute si je suis trempée."

Sourire qui se ferait presqu'amusé, si elle ne devait garder en tête à récupérer son âme qu'il lui avait prise sans même le savoir. Oui, cette dague a une âme.
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Judas

Du cynisme? voilà qui sortit Judas de sa torpeur. Il se saisit de la coupe offerte tout en l'écoutant attentivement. Elle lui parlait du soleil et de Paris, du matin, de demain. L'espace d'une seconde elle lui fit penser à la diseuse de bonne aventure, qui savait brillamment noyer le poisson pour ne pas trop ennuyer son hôte. Il lui revint une phrase qu'elle avait dite à leur dernière entrevue. Avec un sourire tout aussi cynique il ne put s'empêcher de trancher dans le vif.


- Demain? Chaque chose en son temps. Demain n'est que demain.


Judas Gabryel Von Frayner -c'était ainsi qu'il s'était présenté à elle - Fit tourner la coupe entre sa senestre baguée et pencha un peu la tête de coté. C'était la seconde fois qu'elle voulait de lui pour la nuit, la seconde fois qu'elle lui demandait plus ou moins explicitement de la passer avec lui. Il était désormais certain qu'elle ne jouait pas, et cela lui conféra un sentiment plus vil encore. La biche aimait prendre des risques, mais elle ignorait qu'il était dangereux de jouer sur le terrain du chasseur. Judas était loin des considérations d'un statut de Maitre, dominer, être maitre , c'était dans ses veines. Dans son sang. Ce n'est pas pour rien qu'il avait eut toutes les peines du monde à sortir des marchés aux galères et que ses suivantes avaient encore l'air d'esclaves. Non Judas n'était pas un personnage sympathique mais un être affamé de pouvoir, de pouvoir physique et spirituel, un égocentrique despote. L'histoire de la dague en était d'ailleurs révélatrice. Il l'avait trouvée belle et il l'avait prise tout simplement. A croire que dans sa tête tout fonctionnait ainsi... Je désire, je me sers. Il n'avait pas même cherché à déchiffrer son contenu, à comprendre d'où elle tirait son air exotique, c'est dire. Judas se foutait de l'intérieur, tant que l'extérieur lui plaisait. Tant qu'il pouvait se satisfaire. Se satisfaire d'autrui.

Ho, cette lame. C'était un emprunt machinal à vrai dire, elle est chez moi, à deux pas d'ici.

Et si aujourd'hui il avait pour des terres et pour s'éviter les foudres de Rome pris une épouse et renié son passé de marchand d'esclaves et de poisons, il n'en restait pas moins cet homme en quête d'égarements, car au final... Il ne fait jamais bon rester trop longtemps sur le droit chemin si l'on cherche à palpiter encore un peu, dans le tombeau de la bienséance. Se satisfaire de maitresses n'apaisait qu'un temps. Et depuis que Roide avait foutu le camps Frayner avait la morale qui le déglinguait. La façon dont Charlyelle le regardait elle, ça c'était quelque chose. Il pouvait deviner des desseins à taire, mais des desseins exaltants. Il pouvait laisser de coté le reste, puisqu'elle était là pour lui. Avait-elle seulement idée...

Venez vous y réchauffer, vous allez attraper la mort... Venez. J'ai quelque chose à me faire pardonner.

- Judas Gabryel, quand bien même seriez-vous Lachnos, je pourrais vivre loin de vous mais ne pourrais être sourde à l'appel de votre voix. - Elle l'avait dit. Alors après avoir mandé de sa voix cassée, sans attendre il lui prit la main, l'attira dans son sillage en abandonnant les coupes et tout ce foutu décor. L'ambiance ne lui seyait plus, le Seigneur avait l'impression de sentir cette ambiance décolorée déteindre sur eux. Il avait faim d'elle, ce n'était pas ici et maintenant, c'était sur son territoire. Une invitation en appelle toujours une autre, il était temps de lui rendre son hospitalité. Son contact froid l'assura qu'elle devait elle aussi avoir envie de se trouver ailleurs, de toute façon elle venait à lui, et c'était l'inextinguible. S'arrêtant au seuil de l'établissement il prit son bras sous le sien en regardant la pluie tomber comme si jamais Paris ne connaitrais la trêve. Il lui jeta un de ces regards qui peuvent révéler qu'au contact de certaines émotions un homme peut vite dégriser.

Vous êtes étrangère n'est-ce pas? Dites moi d'où vous venez...
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Vive le Roy !
Charlyelle
Froid. Elle avait froid. De nouveau ces insidieux frissons qui la prenaient du fin fond de ses reins jusqu'aux creux de son échine. De l'eau. Bien chaude. Très chaude. Elle ne voulait rien d'autre. Et là voila qui rêve éveillée. Elle pouvait presque aspirer l'énergie de l'eau et la faire sienne. Un long bain à l’eau bien chaude, comme pour bannir plusieurs semaines de souffrance. Plusieurs mois. Bordel Charlye, deux années ! Fallait-il que tu l'aies eu vraiment dans la peau le Dran pour t'imposer ça.

Et puis elle l'écoutait. A moitié dans son monde à elle.

Il avait quelque chose des hommes de son peuple Judas Gabryel. Cette arrogance, cette dureté, cette façon de regarder froidement les choses ou quelque personne. Les hommes de son peuple prenaient ce qu'ils voulaient, quand ils le voulaient. Cela était valable pour les biens comme pour les femmes. Ils les prenaient quant ils les désiraient.
Cela l'avait frappé lors de leur première rencontre. Et Charlyelle quoiqu'elle en dise, porte néanmoins en elle les gènes de ses ancêtres. Et est forcée, contre sa propre volonté même de ne pas y rester indifférente. Même si elle n'en laisse rien paraitre.


- Demain? Chaque chose en son temps. Demain n'est que demain.

Tiens donc, il l'a écouté l'autre nuit, c'est certain. Elle sortit de son rêve, très graduellement. Un passage très doux, très lent, très agréable. Avant de reprendre pied dans la froide réalité qui était la sienne, là, à l'instant présent.

Ho, cette lame. C'était un emprunt machinal à vrai dire, elle est chez moi, à deux pas d'ici.

A la désinvolture de ses paroles, Charlyelle sent alors la pire de ses craintes s'envoler. Il n'a nullement saisi l'importance de l'objet. Cette dague est le prix pour sa liberté à elle. Persuadée donc de la récupérer en toute quiétude. Alors à quoi bon refuser l'invitation qui tombe ?

Elle ne prendra pas le temps de lui répondre, que déjà elle est debout, il a glissé sa main dans la sienne et l'entraine vivement vers la sortie. Un autre que lui aurait fait cela, il aurait déjà goûté à la fureur de la Gaëlique. Mais elle lui avait déjà dit. Il quémande, il demande, il exprime. Elle est là.

Ce n'est qu'une fois dehors que tout en lui jetant un regard sans équivoque aucun, faisant ainsi comprendre à la Succube qu'il est loin d'être aussi imbibé d'alcool qu'elle ne pouvait le penser, il se saisit de son avant-bras qu'il glisse sous le sien.
Drôle de contact pour la Cavalière, fort peu habituée voire pas même encline à accepter ce genre d'attitude. Mais ce regard, les perlées de lune l'accrochent et le soutiennent. Ses pieds eux, commencent à se frigorifier au creux de ses bottes aussi trempées que le reste. Et elle ne peut s'empêcher de les taper l'une contre l'autre sur le sol.

Pourtant elle ne bronche pas, semble accepter et lève ses brumeuses vers lui.

Vous êtes étrangère n'est-ce pas? Dites moi d'où vous venez...

"- Je viens du Nord de l'Ecosse. Je viens d'un pays de rêve où l'onde des lacs vient mourir sur les roches de landes sauvages. Je viens des frontières de l'Ouest de la Valahia. Des montagnes où le gibier abonde et recèlent des mines de pierres et de marbre."

Elle a abrégé et quelque peu tronqué la vérité, omettant les détails les plus importants. Pas qu'elle ne souhaite pas lui en parler, mais elle a froid. La Pallikare est de nouveau traversé par d'intenses frissons alors qu'ils se retrouvent sous une pluie drue.

"Ilug doit être furieux" est la seule pensée cohérente qui lui vient alors à l'esprit, sa main se crispant d'instinct sur la manche du Satrape.

Vite, vite, emmène-moi au chaud.

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Ilug


Dans quelque chemin en Languedoc

Va au plus profond Pallikari. Suis la petite souris brune qui récolte ses graines et se cache pour l'hiver. Plonge dans la source secrète ou l'eau bouillonne et jaillit. Suis les racines du grand-père épicéa au tréfonds de la terre et au-delà. Trouve ton chemin.

Le vieil homme saupoudra une nouvelle pincée d'herbes sur la flamme de la lampe pour épaissir le rideau de fumée qui tremblotait. Il savait qu'elle était partie. Qu'elle lui avait menti. Il savait pour la dague. Il savait qu'elle était sur ses traces et sur celles de cet homme. Il l'avait vu. Mais il ne savait définir si sa Pallikari était en danger ou non. C'est qu'elle est coriace la brune, un tempérament cyclonique sous un visage de Madone. Mais elle est tellement fragile aussi sa protégée. Tellement cassée à l'intérieur qu'elle en est devenue totalement imprévisible et incontrôlable. Il est devenu son hencher, parce que c'est ainsi que le veut leurs coutumes, parce que c'est la tradition et qu'elle ne doit pas y déroger. Et elle est douée la petite. Bien plus qu'il ne s'y attendait, mais après tout, n'a t'elle pas été forgée ainsi depuis sa naissance. Mais elle a un tempérament qui ne veut pas plier. Or, la druidesse qu'elle devient pliera un jour, c'est certain. Elle est encore jeune bien que femme, mais Charlyelle a encore bien à apprendre sur elle même. Ses propres expériences à se forger. Et il a compris qu'il n'ira pas la chercher cette fois. Si elle lui a menti c'est que pour elle ça avait un sens et que sa quête lui est essentielle. Jamais elle ne serait partie ainsi sinon.
Il aurait du prêter plus attention à cet homme l'autre nuit. Il aurait du comprendre à l'instar où il l'a vu pénétrer dans la roulotte. C'est qu'elle n'y reçoit que peu de monde la Pallikare dans son refuge. Et si elle ne veut pas des terres que lui destine son père, elle a accepté d'être la gardienne de cette dague, mémoire de tout un peuple. Si cet homme ainsi qu'il le pense lui a subtilisé l'objet, elle n'aura de cesse que de le retrouver. Si elle ne lui avait menti il ne se serait pas inquiété le vieil Ilug. Mais il sent qu'autre chose a poussé la Pallikari à se mettre en chasse.
Ilug hoche la tête et s'efforce de ravaler l'anxiété qui remontait du creux de son estomac pour lui serrer la gorge. Pourtant, la fierté et la confiance éclairaient son visage parcheminé. Elle est comme sa fille Charlyelle. Il est ce père qu'elle a et qui pourtant est resté loin d'elle jusqu'il y a quelques mois. Ilug sait qu'elle le hait toujours. Pourtant un jour, il faudra bien qu'elle accepte l'inévitable.
Ilug avait des dents jaunes, séparées par des cavités obscures, ses yeux qui avaient du être marrons, se dissimulaient à présent derrière une pellicule grise semblable au limon qui couvrait la surface des étangs de la Vieille Ecosse en été. Il serrait entre ses genoux un tambourin garni d'une peau de cuir jaune. Dans sa main un maillet minuscule : molaire d'ours fixée sur une branchette de bouleau. Il regardait les mots qui fusaient dans son esprit, cherchant toujours à savoir si Charlyelle était en danger quelque part. Pour lui, elle l'était toujours lorsqu'il n'était pas dans les alentours à veiller sur elle. Il avait la langue collée au palais, la respiration bloquée dans les poumons. Le vieil homme parvenait encore à inspirer, il sentait sa poitrine se soulever à chaque souffle qu'il prenait, mais il ne pouvait plus expirer.
L'espace d'un instant qui lui parut s'étirer il s'en inquiéta, puis il poussa un long soupir.

La nuit était noire, cloutée d'étoiles. L'automne tout proche lui soufflait sur la nuque. Il arpenta le ciel, foulant la fumée molle à grand bond de cerf. Puis tandis qu'elle se dissipait, se délitait, il sauta d'étoile en étoile ainsi qu'on traverse le torrent d'un rocher à l'autre, la tourbière d'une touffe d'herbe à l'autre. Le vent nocturne ébouriffait sa chevelure.
Il monta encore jusqu'à voir loin devant lui le pelage pâle des rennes de la lune. Bien campé sur les plus hautes étoiles, il contemplait les bêtes éparpillées dans le ciel noir au-dessous des astres. Leur robe luisait comme la glace d'un lac et leurs bois blancs scintillaient. La tête courbée, ils broutaient le ciel. La vapeur de leur souffle formait les nuages, le choc de leurs bois les uns contre les autres présageait le tonnerre et la foudre.
Une respiration haletante s'éleva derrière lui et il sentit un souffle sur ses mollets. Lorsqu'il se retourna, il avisa le loup qui filait vers lui, escaladant les étoiles, la robe grise striée de noir. Sa langue pendait, rouge sang, le vert de ses yeux scintillait, ses pattes se déployaient à chaque foulée. L'éclat de la lune se tarissait peu à peu alors que le cri du loup se faisait lointain et appellait à la curée.
Le monde oscillait sur la lame du couteau qui séparait l'été de l'automne. Le feu devant lequel il se trouvait était bâti haut, alimenté de branches, sèches ou non et arrosé d'huile précieuse pour qu'il rugisse. Les flammes dansaient en jetant d'étranges ombres qui paraissaient se recroqueviller dans la chaleur inattendue. Des amas de suif s'entassaient dans la coupelle en pierre. La mèche de mousse tressée qui s'y dressait dardait une flamme haute. Le visage d'Ilug évoquait du cuir qui se serait ridé au séchage après avoir pris la pluie.


« On n'est que plus près du danger, Quand on croit n'avoir rien à craindre. »*

*François Paradis de Montcrif
Judas
Il garda pour lui cette révélation, l'accent portait désormais un nom et c'était bien ainsi. Comment considérer la dentelière à présent? Venue du froid et du gris, de terres qu'il ne connaissait pas. Judas avait dans sa prime jeunesse, à l'époque de Marie, arpenté les espaces du sud pour monnayer les cargaisons de galères et faire fortune. De noble naissance, quoi que considéré comme bâtard par les membres les plus émérites de sa famille, il n'en avait pas moins été de prime abord un grand marchand. Voilà que du tendron, lorsque ses cheveux étaient encore courts et qu'il ne vivait que pour asseoir sa réputation il restait bien peu. Son hymen en juillet avait mit un terme définitif à sa course perpétuelle, l'assignant à résidence avec une horde de valets et quelques chiens compatissants. L'âge avait fait son chemin, autour de ses yeux et aussi dans sa vie potache. Il lui fallait désormais être un époux, un maitre compatissant, un vassal scrupuleux, un homme pieu. Il était évident qu'il n'était rien de tout cela, pour qui le connaissait bien. D'ailleurs il n'était pas rare encore de le voir sollicité pour des services qu'il ne pouvait plus se permettre de dispenser... Adieu cadeaux vivants aux Duchesses, adieu ventes publiques décriées, adieu pièce aux fioles prenant de plus en plus la poussière... Ne restait plus de ces vestiges qu'un Von Frayner devenu sec, aux cheveux laissés au bon vouloir du vent et de la gravité et au regard sans doute trop lointain. Un simple seigneur, décrié pour ses frasques et pour ne pas avoir cherché à marcher dans les pas de feue sa Reyne de cousine, de son Prince de petit cousin, de tous ces autres qui ont par tout temps faire briller le blason familial d'un éclat... Royal.

Il était là ce soir, à courir dans Paris sous la pluie avec une cavalière de l'Hydre, un gout de vin agrippé au palais... Cette femme là n'était pas comme la Roide, barbare. Pouvait-on dire qu'elle était une de ces sauvages dont on vante la force et le statut prédominant au sein de leur hiérarchie? Frayner n'en savait rien. En voilà une part de mystère qui lui seyait bien, finalement. Ils débouchèrent sur la petite rue où le satrape avait son pied à terre, appartement Parisien qu'il gardait jalousement pour lui et n'aurai remis à sa femme en dot pour rien au monde. Sa garçonnière, sa planque, son petit coin de paradis, ou d'enfer, c'était selon. Avoir un lit dans une telle ville avec une Anaon quelque part, là tout près, à portée de main sans doute mais pourtant invisible... C'était à n'en point douter un enfer.

Lorsqu'il s'engouffrèrent dans le menu espace sec de la porte cochère et qu'il poussa le loquet d'étain sans doute que ni l'un ni l'autre de devaient regretter toute cette flotte. Insidieuse, elle avait pénétré au coeur de tout, Judas attira la brune dans un escalier étroit où une pauvre chandelle finissait de mourir avant que de n'ouvrir la porte de la chambre espérée. Il s'empressa de raviver le foyer qui grondait toujours les jours d'orage et d'inviter d'un geste sa voisine à prendre ses quartiers. L'espace se délimitait par un mobilier sommaire composé d'une couche, d'un baquet d'eau froide près d'une petite cheminée de ville, d'un fauteuil et de quelques peaux de cerfs ramenées en souvenir de ses battues sur le domaine royal. Un gros coffre ouvert vomissait son désordre de vêtements et de cuirs tandis que pour seule décoration murale les armoiries d'un VF: un écu frappé d'un aigle noir à double gueule tenant deux épées trônait, presque droit, et deux anneaux à bestiaux, inattendus à un étage... Pas de table, l'homme mangeait dehors. Une désorganisation toute masculine et cette poussière, partout, pour rappeler que les mains préféraient les hanches d'une femme plutôt que la disgrâce des tâches non associées à leur rang...


Entrez , fermez derrière vous et venez près de l'âtre. Ôtez tout cela, j'imagine que ce n'est pas parce que l'on vient du nord que l'on apprécie de grelotter.

Et de désigner avec une fausse indifférence les frusques - car détrempées - qui lui donnaient un air de garçonne. Nue, il l'avait vue déjà, et aucun des détails n'avait été oublié de ce corps jeune et frais.

Bienvenue chez moi.

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Vive le Roy !
Charlyelle
Ils étaient arrivés à l'abri d'une porte cochère s'ouvrant sur un étroit escalier dans un couloir sombre.
Pas même impressionnée Charlyelle le suivait. Pas la première fois qu'elle errait dans de tels lieux, au printemps dernier, elle avait même délaissé sa roulotte pour s'offrir chambrée dans tel genre d'endroit. Petite piaule en solitaire, discrète dans une ruelle pavée et sombre. Et puis était venu le départ sur le Kraken. Ce navire sur lequel elle aimait tant à s'isoler. Surtout lorsqu'il est amarré à son port d'attache et que personne n'y est à bord. Comme elle l'a fait il y a encore peu de temps avant qu'ils ne reprennent les routes. Fernand avait un peu grogné, il n'aime pas que l'on aille sur son raffiot ainsi. Pas comme le Bosco ! Oh que non, l'ancien sénéchal franc-comtois, celui-là, il en avait bien profité durant leur traversée l'été dernier en direction de la Catalogne. Elle l'avait bien cherché aussi, car elle s'était faite attrapper sur le raffiot au milieu des caisses de nourriture, en train de se faire des réserves propres.
Aussi la punition ne s'était-elle pas faite attendre, elle avait été d'emblée de corvée d'équipage. Et pas n'importe où. Non ! Sur le pont, et sur le grand mât. Aux ordres d'un Bosco qui ne s'était pas fait prier pour lui faire goûter à la dure vie de marin. Faut pas croire, la marine c'est tout un art !
Vengeance ! La brune les avait ensuite planté sur Barcelone s'octroyant quelques jours de farniente dans l'une des criques de l'île. Et pendant ce temps, elle avait eu la paix ! Et lors de leur retour sur Genève, elle les avait tous laissé débarqués et était tranquillement restée à bord, s'octroyant quelques sorties mais elle ne les avait rejoint que lorsqu'il avait fallu se mettre en route.
Quelques mois qu'elle se la joue sauvage. Faut dire qu'elle y est pas allé de main morte avec le Machette non plus. Ce Cavalier, le seul, qui ait pu l'approcher d'un peu plus près. Mais comment retrouver le goût épicé d'un Drannoc ? Car bien fade était-ce le peu qu'elle lui a accordé. Si peu que ce n'en était même rien en fait. Sans doute pas par la faute du Cavalier, mais bien par la sienne, qui ne lui a laissé aucune chance.
Malheureusement pour lui, l'Ecossaise a pris la tangeante lorsqu'il a eu le malheur d'un manquement. Un seul. Mais de taille. Un mois et demi de convalescence ça lui aura valu à la brune. Un télescopage fracassant sur les routes bourguignonnes, alors qu'elle n'avait rien demandé à personne. A tel point que c'est le trou noir, elle n'a rien vu hormis trois ombres masculines déferler sur elle. Alors pensez donc, la Bourgogne elle n'en connait rien, étant resté longuement alitée mais dans son esprit à elle, c'est une terre de malheur.

Fou ce qu'une cage d'escalier peut évoquer comme souvenirs dans l'esprit de l'Ecossaise. Et elle continue à le suivre et pénètre après lui dans une chambre. Son antre. Son abri sans aucun doute.

Dans l'entrée, d'emblée, elle ôte ses bottes totalement détrempées. Le croiriez-vous si l'on vous dit que ses pieds y étaient nus à l'intérieur ? Pourtant pas si étonnant de cela venant d'une Dentelière qui passe la plupart de son temps à marcher pieds nus.
Les brumes embrassent la pièce, notant combien l'endroit est spartiate. Mais combien il y fait bon. Oh oui ! Chaleur qui émane de l'âtre et la pièce l'enveloppe déjà tel un bienfaisant cocon.

Entrez , fermez derrière vous et venez près de l'âtre. Ôtez tout cela, j'imagine que ce n'est pas parce que l'on vient du nord que l'on apprécie de grelotter.

Fine main qui se pose sur le clanche et le verrouille. Biche aux abois prise au piège ? Cela ne lui effleure pas même l'esprit un instant. Et elle aime ce qu'elle voit. Les peaux de cerf peuvent savourer l'espace d'un instant le velouté de ses pieds et le léger frottement de la chaine aux perles noires qui orne une cheville.
Elle se rapproche du foyer.Le long mantel dont elle a auparavant récupéré foulard en poche git désormais sur le sol. Elle le ramasse néanmoins, l'étalant de manière à le faire sécher. Le jupon recouvrant les braies qu'elle porte prend le même chemin. L'étoffe trempée glisse également au bas des longues jambes de gazelle qui se dévoilent alors. Mais le foulard est hâtivement noué sur les hanches. Venant souligner leurs galbes arrondis. C'est au tour de la tunique de choir au sol, libérant corset soyeux cousu dans une fine dentelle ouvragée, bien incapable de cacher fiers tétons pointilleux. C'est le froid qui a fait son oeuvre.
Le tout fut fait le plus naturellement du monde. Pas de gêne aucune dans les gestes de la Pallikare, tellement en accord harmonieux avec les éléments de la nature, que ce soit la terre, l'eau ou le feu.
Et la Succube de se laisser glisser devant les flammes. Encore inconsciente du regard sombre qui glisse sur elle, tellement la simple vision de l'âtre l'emplit de bien-être. Les bras dénudés viennent encercler les genoux qu'elle remonte contre elle. Avant d'y déposer son menton dessus, voila que brumeuses sont attirées par la vision d'un aigle sur des armoiries. Elle en rirait presque nerveusement en le découvrant, pensant aux armoiries propres de son père si semblables et différentes à la fois.
Sans doute les siennes. Cela la ramène au fait de savoir que sa dague se trouve quelque part non loin.

Elle ne s'y attarde pas plus, venant loger son menton dans le creux de ses genoux. Boucles brunes éparses le long du dos et des épaules. Les perles grisées remontent alors le long du corps de son hôte, détaillant les habits mouillés et il ne doit pas être bien plus réchauffé qu'elle.


"- Sans vouloir être inconvenante, je crois que vous devriez en faire de même".


Et même si elle l'était, faut croire que ça ne la dérange pas. L'éclat des brumes se figent sur les Sombres. Et leur lueur n'a sans doute rien à envier à celle dont Judas Gabryel l'enveloppait un peu plus tôt à leur sortie du bouge où ils se trouvaient.

Merci de m'accueillir.

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Judas
Il se dévêtit de son coté sans mot dire, sans dire que oui en effet il avait froid aussi. Cela sautait aux yeux rien qu'à la couleur de ses lèvres, inutile d'en rajouter... Fierté. Bottes, ceinturon et gants trouvèrent leur salut près du foyer tandis que le reste était jeté négligemment au pied du lit. Demain serait un autre jour. Il s'enquit de chercher dans sa malle une chaisne propre qu'il passa, couvrant ainsi sa nudité, mais les mains farfouillèrent plus en avant les entrelacs d'étoffes à la recherche de quelque chose. Ou de quelqu'un, puisqu'âme avait-elle. La dague fut retirée d'une poche-fourreau avant que le corps ne se déploie à nouveau, sortant de sa position accroupie. Il la déposa sur le linteau de la cheminée et imagina qu'elle devait avoir une certaine valeur sentimentale pour la brune, sans quoi elle ne serait pas venue la lui réclamer. Judas ne posa pas de question. Une à une il ôta les bagues qui ceignaient ses doigts, puis le collier de gemmes familial. Ses cheveux furent tirés en arrière, ses doigts brièvement passés en peigne dedans et enfin il s'assit, là, à une distance infinitésimale d'Elle. Le silence régna un instant simplement éprouvé par le doux ronronnement des braises.

Il aurait pu commencer par le commencement oui. Par un " Je suis marié", " Elle attend un enfant", " Pourquoi être revenue". Il aurait pu être franc quant à ses attentes, " Je vous veux" , " Notre rencontre m'a frustré" , " J'en veux tellement plus", ou encore jouer le boniment, " Je n'ai pas cessé de penser à vous", " J'ai compté chaque heure loin de vous " , " J'ai plus de remords que de regrets". Il aurait pu. Pourtant en guise de toute parole il se contenta de se pincer l'arête du nez entre le pouce et l'index, comme s'il avait un mal de crane abominable. Toutes ces configurations se bousculèrent dans sa tête formant un halo épais dont il n'arrivait à percevoir toute la profondeur. L'alcool aidant, le seigneur avait l'esprit embrouillé et une envie prédominante sur tout le reste, battant la mesure à ses tempes comme un énorme maillet sur une enclume.

Il faisait bon dans la pièce, les fesses à demi posées sur l'encoignure d'une peau de cerf. Ce n'est pas doux une peau de cerf, le poil est si dur. Pourtant assis là aux coté de cette femme tout lui parut plus doux, lentement mais surement. Sa propre peau reprit doucement une moiteur acceptable et une température agréable. Il savait pourquoi il l'avait fait venir ici, ce n'était pas une question de dague ou de pardon. Ce n'était qu'une question d'assouvissement. Le silence perdura encore un peu, le temps de jauger son seuil de patience. Il faisait bon dans la pièce, et tout lui parut plus doux encore lorsqu'il redressa le menton pour chercher sa bouche et lorsqu'il l'embrassa avec détermination.

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Vive le Roy !
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