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[RP] C'est une très jolie dague...que vous avez là !

Judas
Charlyelle a du caractère. Il l'a immédiatement perçu. Parler pour l'essentiel, trouver l'essentiel causant. C'est un gout immodéré pour la langue à poigne, c'est l'agréable au coin des lèvres. C'est avoir du caractère au féminin.

Il sourit un peu, comme s'il prenait la révélation du père de la dentelière à la façon dont on confie un secret de polichinelle sur une personne et non sur une société, sur le fonctionnement d'icelle avec ses us et coutumes. Judas entendit les moeurs de son père, point les moeurs de là d'où était issue Charlyelle. Les hommes ont l'esgourde bien sélective parfois. Elle riait. Elle riait et Judas restait accroché à sa lippe soudain plus bavarde, du bout des yeux. Dextre et senestre se rejoignent en coupe sous le visage expressif, laissant ensuite un doigt taquiner l'arête du nez fin.


Ton père est une personne très intéressante.

Puis les traits redevinrent graves. Il n'avait pas envie de parler. Il aurait préféré dans sa facilité toute moulée la laisser parler, l'écouter et commenter sobrement parfois. Mais non. Les femmes veulent toujours faire parler les hommes. Jamais le premier soir, non jamais. Mais passé celui-ci, chaque nouveau rendez-vous est un aveu tacite. Une acceptation silencieuse de parler à tous les suivants. Nous y sommes donc...

Il fit mine de réfléchir une subtile seconde à ce que lui disait la jeune femme. Belle enfant... Une vraie femme. Mais Judas avait tout entendu et sans y réfléchir savait déjà ce qu'il allait répondre. Les petites rides qui faisaient de lui l'homme à son bel âge, tendant à être l'homme mûr semblèrent se creuser. Le non observateur penserait que c'était la luminosité décroissante qui accentuait l'effet, sans doute.


Et mon épouse ne se moque pas que je prenne maitresse. Cela la mettrait très en colère...

C'est tout ce qu'il répondit. Avons nous déjà parlé de la sélectivit auditive innée chez les mâles?
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Vive le Roy !
Charlyelle
Elle aime ce geste qu'il a soudain et inattendu. Dextre et senestre se font enveloppantes. Caresse magique sur le visage. Puis le rire s'étrangle dans la gorge de velours.

Ton père est une personne très intéressante.

Une lente déglutition, alors qu'elle se redresse lentement, dans un souffle.

"- Mon père est un être ignoble".

S'appuyant de ses deux poings sur la couche, elle retrouve équilibre, se désarçonnant du long corps masculin. Comme à regret. La courtepointe est saisie de deux doigts qui se veulent assurés et la fine mais voluptueuse silhouette se déroule. Petit pied délicat chainé trouve le sol avant que le deuxième ne prenne l'appui.
C'est vers la cheminée qu'elle se dirige, brumes voilées. Le fin poignet se contorsionne avant que les doigts ne viennent se saisir du bien qu'elle est sensé être venue reprendre.
Les boucles brunes cascadent, la courtepointe glisse sur le dos sensuel, allant se nicher dans le creux des reins.
Charlyelle se retourne, faisant face à la couche. L'index caresse chaque nervure du pommeau de la dague qu'elle a récupérée. Elle n'a pas besoin de jeter oeil dessus. Le regard se perd un instant dans le vague, alors que le bout du doigt esquisse le halo de l'arbre de vie au-dessus duquel trône l'aigle familial.
Le petit pied chainé vient titiller le fin mollet. Comme hésitant. Embrumées qui se posent sur la silhouette allongée avec nonchalance sur la couche. Petit bout de langue qui vient humecter les ourlées de mûres. L'envie qui pointe là, au creux de son ventre.
Elle revient se glisser au creux de la couche, la senestre enserrant toujours ce pommeau sacré.

"- Pourquoi le fais-tu alors ? Ce n'est pas pour la faire enrager puisqu'elle l'ignore. Tu as donc une autre raison."


constatation ? Non ce n'est pas une évidence qu'elle énonce, mais un simple lieu commun.

Et le désir lui, se fait plus brûlant encore dans la chair du corps succubien qui en frissonne.

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Judas
Il l'avait contrariée. C'était bien visible, ces yeux qui se rembrunissent, cette gorge qui se tend, pis encore elle se dérobe à ses caresses pour aller parader pensive et errante loin de leur couche. Judas reste silencieux, notant mentalement que le Père de la Dentelière est un sujet délicat à bannir de leurs échanges. D'ailleurs on ne parle pas de parenté lorsque l'on est au lit, c'est ainsi et ce n'est pas pour rien. Tiens toi le pour dit Judas. Il la laisse s'apaiser, observe ses pas et leur trajectoire puis la dague. La dague. Il l'avait presque oubliée. Celle par qui tout était arrivée. Celle pour qui elle était revenue, plus que pour lui même et ses mots jolis. Sa main rejoignit la sienne, il s'avança contre elle jusqu'à la chevaucher en tenant loin d'eux l'estoc insidieux, d'une poigne de fer.

Pourquoi courrait-il les jupes, voilà une question existentielle à laquelle il avait tant et si peu de réponses! Non il n'agissait pas ainsi pour agacer Isaure, c'était un fait. Pour cela il avait acquis des techniques plus propres, quoi que. L'agacer en la protégeant en public et en la délaissant en privé. En faisant très mal semblant de s'intéresser à ce qu'elle disait parfois et en lui préférant ouvertement le vin. En ne la touchant pas et en passant son temps à la chasse. Et quelle chasse. En saisissant les moindres prétextes pour la tenir loin de ses occupations surtout et en la laissant aux bons soins de Rose avec une rente pour s'occuper. Non, Judas n'avait pas besoin de tromper sa femme pour l'agacer.Il y parvenait à merveille dans les seules scènes de leur quotidien et elle le lui rendait terriblement bien.


Parce que j'en désire d'autres...

Les lèvres imposèrent leur statut quo sur leurs jumelles, maitresses assistées de quelques doigts qui les pincèrent autoritairement. Lorsqu'il prenait son ton le plus discret, sa voix s'éraillait tellement qu'on l'entendait en chuchotis. Judas n'aimait pas sa voix cassée, pourtant il avait appris à la faire craindre et jusque là cela lui avait plutôt réussi.

... terriblement...

Les lèvres contournèrent la joue pour se nicher dans l'oreille qu'il mordit sans retenue, embrassa ensuite. Sa main abandonna la bouche prisonnière, vint chercher l'entrecuisse chaleureux et reprit possession du désir qu'elle avait tenté de lui soustraire.

... comme je ne l'ai jamais désirée une seule pauvre fois.


Parce que je ne suis qu'un homme.
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Vive le Roy !
Charlyelle
Dis moi encore que c'est ma bouche, que ce sont mes lèvres que tu désires
Laisse moi imaginer mes lèvres au bout de ta lance
Accepte ma prière à genoux, parle moi encore de nous.
Affleure à mon désir mais ne le laisse pas éclater encore
Suspends le à ta lance
Et laisse que sur ton orgueilleux trophée, enfin je me danse.
Les jeux que tu veux, je les veux aussi
Je veux jouer à tes jeux et je les aime, je crois, un peu,
Je veux être complice, laisse échapper l'aveu que tu me veux.
Remplis mon âme, demain plus qu'hier
Comme une première fois, deviens mon maitre complice
Celui du Carnaval, celui de nos délires.
Fais moi goûter à ta voix...

-Inconnu-

***
Peau qui se glisse contre sa peau jusqu'à ce que le grand corps se retrouve au-dessus du sien, pesant sur elle de tout son poids. La senestre de fer éloigne celle, gantée de velours mais tout aussi enferraillée parfois dont le creux renferme l'âme sacrée. Les dessous des oreillers recueillent l'objet tranchant.
Et c'est un petit cri de douleur, de surprise et de plaisir qui recueille les canines du Satrape en son esgourde, lorsque les crocs Judéens s’enfoncèrent le long du bord extérieur de son oreille, causant deux encoches profondes. Gémissement, les mains Celtiques venant répondre en lui griffant ses épaules alors que morsure se fait enivrante caresse. Les doigts d'acier emprisonnent ses lèvres, son souffle du sien le fait propre, la voix cassée se fait autoritaire, et dans les embrumées s'allument non pas le feu de la peur, mais celui d'une adoration provocante sans limites.

Elle le regarde de ses perles profondes qui se dilatent lentement, alors que la main glisse au coeur du joyau déjà imprégné du désir que cet homme lui inspire. Un jeu qu'elle connait bien et qu'elle pensait pourtant oublié. Un jeu dangereux.

Merveille. Equilibre délicat d'un plaisir qu'il joue avec un art conséquent à faire durer. Elle se tendit, haletant rapidement, goulûment… Une main glissée sur sa joue, l'autre agrippant désespérément l'étoffe drapée de leur couche.

Jouir de ce qu'elle peut. De ses doigts. De sa bouche. Empreinte de son amant. Marquage d'un autre fer que le rouge, du Maître.

Une reddition savoureuse à souhait.

Montre moi combien tu me désires Judas Gabryel.

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Judas
    [ Ma petite dentelière,
    elle est pas haute couture,
    mais faut voir quand elle coud
    des ourlets à mon cœur.]*


Bien sûr il l'aima. Encore une fois, une fois pour lui et une fois pour elle. Il s'appliqua à partager un peu, juste un peu pour qu'elle ne s'enfuit pas. Les lèvres imprégnées de cyprine, les corps qui se souillent jusqu'au silence. L'amour à la parisienne, la garçonnière le connaissait bien.

Judas avait échoué entre les reins de Charlyelle alors qu'il avait gagné son petit pied à terre pour mettre la main sur l'Anaon. Et lorsque l'ivresse était retombée, lorsque son corps s'était assoupi contre cet autre corps il avait oublié ce but que le réveil lui rapportait comme le rivage rend ce qui ne lui appartient pas. Anaon. La favorite.

Bien sûr qu'il y avait une favorite, mais les femmes n'aiment pas se l'entendre dire. Alors même si la dentelière avait mit un mot là dessus, Judas n'escomptait pas lui livrer le contenu de son coeur. Pas encore tout du moins, un jour peut-être. Mais pas encore. Il est des favorites qui s'ignorent...

Et merde. C'était pour cela qu'il était revenu. Pas pour s'égarer entre les cuisses de cette brune là. Réveil amer. Réveil d'homme. Ce besoin irrépressible de se faire la belle qui les prend, quand ça les démange de déserter. Les hommes sont lâches... Mais Dentelière, toi, toi... Toi tu ne jugerai pas les faiblesses de ton Maitre, hein? Les hommes sont faibles et Judas profitait de quelque chose au mauvais moment. Oui, ce n'était pas qu'il ne la voulait pas, juste que ce n'était pas le bon moment. Judas joue des boucles brunes de sa senestre, finalement c'est peut-être ça le plus plaisant. Profiter d'Elle quand elle est endormie.

S'en aller, s'en aller. On se reverra, cette fois il ne lui prend rien, il lui laisse quelque chose comme une vague excuse, preuve que ce n'est pas un abandon.

Isaure était grosse, misère, c'était de l'Anaon qu'il avait besoin. Il fallait qu'il aille se perdre dans son aura rassurante, il fallait qu'il ait son pardon. Judas ne se sentait pas la fibre paternelle, lui qui n'était qu'une triste ébauche d'époux. Fait pour être amant, pas pour les serments. Dire qu'il était à Paris officiellement pour acheter un berceau au meilleur artisan de la capitale...

Avant de filer vers ses rendez-vous manqués le seigneur laissa la clef de l'endroit sur la veste de la jeune femme.

La prochaine fois tu n'auras pas besoin de me chercher... De patienter tout au plus. Je te saurai au sec, au moins.


* Saez
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Vive le Roy !
Charlyelle
A l'orée de sa jeunesse et pourtant déjà, elle se trimballe un coeur en perdition. Il peut pleuvoir. Il peut tomber à verse. Il peut grêler. Les éléments peuvent se déchaîner. Une pluie de larmes ne peut rien contre la sécheresse du coeur. Pas plus que l'eau.

La situation lui convient au final. Pas de sentimentalisme exacerbé. Un amant et une maîtresse, c'est tout de même à la base pour étancher un besoin d'amour charnel non ? Il ne peut y avoir de sentiment d'amour entre eux. Pas de cet amour que la brune a connu et auquel elle s'est damnée. Des confidences, des paroles échangées dans le creux des bras ou d'un oreiller. Des moments hors du temps pour mieux supporter l'après. Ou l'entre-deux. Soumise est-elle la rebelle écossaise balkanique. Il peut être certain que ce n'est pas elle qui va lui courir après. Certes elle vient de le faire mais c'était pour récupérer son âme. Sa dague. Elle n'est pas de ces pécores qui se lamentent pour un homme. Qu'est-ce que ça peut l'agacer quand elle en entend certaines, dans quelques tavernes pleurnicher. Pauvres femmes ! Mais si vous saviez...Elle maintenant, quand les hommes viendront l'ennuyer en quelques tavernes elle pourra leur dire fièrement qu'ils passent leur chemin parce qu'elle a un amant. Oui. L'excuse mirifique. Même si cet amant là elle ne le suit pas à la trace, au moins, elle n'est pas seule. Bonne raison de le cracher au paternel aussi. Jouissance terrible que ça va être le moment venu.

Ne pas chercher à comprendre dans l'instant ce que cette nouvelle donne implique pour elle. Elle y réfléchira. Plus tard.

Dans l'immédiat, elle est réveillée. Quelque chose l'a tiré de son sommeil, un mouvement, un geste, elle ne sait trop. Lui.
Les brumes ensoleillées sont entrouvertes, mais elle ne bouge pas d'un once. Le corps est au repos, repu de Lui. Dans l'immédiat du moins. Mais l'esprit est en alerte. Elle l'a laissé, en dépit de toute évidence ou rationnalité Charlyellesque, reposer tout contre elle. Corps imbriqués l'un dans l'autre. A croire que le sien a su trouver empreinte sur la peau masculine.
Un imperceptible soupir lorsqu'elle le sent quitter la couche. Ses doigts sous l'oreiller viennent caresser la fine lame ciselée qui y dort. Doucement elle l'attire à elle, la déposant contre sa poitrine. Autre soupir.
Ilug. Il doit la chercher. La panique envahit son ventre alors qu'elle s'imagine déjà qu'il ait fait prévenir les hommes de son père.
L'esprit s'évade mais perçoit le clanche qui se ferme. Il est parti sans un mot. Au moins Lui, elle l'a entendu. Fuite habituelle. Une de plus. Tu croyais quoi Charlyelle ? A quoi d'autre pouvais-tu t'attendre...

Visage quelque peu tourmenté et la Dentellière se dresse de toute sa hauteur, récupérant auprès d'un âtre aux braises quasi-éteintes, une à une, les étoffes séchées, composant sa vêture. Les longs cheveux de soie brune sont savamment relevés en un chignon de fortune, laissant s'échapper quelques sauvageries de ci-de là. Le fin corset délicatement ouvragé, comme le sont tous ses dessous d'ailleurs est lacé avec dextérité. Nul besoin de suivante pour cela. Jupons, bustier, chemise sont enfilés. Les fameuses bottes à revers aussi. Ici c'est Paris. Et elle a repéré dans le quartier des Halles quelque chose qui lui a sauté aux yeux. Charlyelle n'est pas sans ressource. Ce bâtiment, elle le veut et elle marchandera jusqu'à l'avoir. Un petit asile rien qu'à elle. Qui le saura ? Personne. Sauf Ilug à condition que le vieux Sage sache tenir sa langue. Faire commerce discret. Puis s'offrir un bout d'olivier dans le Languedoc. Puisque parole lui a été demandée. Elle réfléchit encore à l'accorder ou pas.
Les mains se saisissent de son mantel et s'arrêtent alors.

Cling !

Un petit bruit métallique au sol. Elle s'agenouille pour jeter un oeil et reste perplexe devant cette petite clé qui semble la narguer. L' a t'il déposé là pour qu'elle ferme en quittant les lieux et qu'elle la laisse sur le palier caché sous un tapis ou un pot de fleur ? Etrange. Dans ce genre de quartier, c'est justement la chose à ne pas faire.
Ou bien. Serait-ce tout simplement une invitation à revenir. Quelque chose de bien plus personnel tout de même. Dans un haussement d'épaule, elle porte dexte et senestre à sa nuque, défaisant habilement la chaine d'or qui l'orne et y glisse la clé qui vient rejoindre la perle identique à celle qu'elle lui a offerte lors de leur première rencontre.
Elle ne reviendra pas en ces lieux sans une demande expresse de sa part. Mais que cette clé repose là, entre ses seins, gardienne de ce qui ne peut être dit. Tête à tête préservé. Et l'espoir d'à nouveau le revoir. Message subliminal du Satrape.

La porte est soigneusement refermée derrière elle. La clé vient s'échouer au creux des monts. Coup d'oeil au-dehors et les brumes se lèvent au ciel. Il chante à son âme consumée le changement des rives en rumeur.

Le vent se lève! Dentellière, il faut tenter de vivre !

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Charlyelle
Sous la pluie de novembre,
Tous ces nuages
Au moment où je me jette à l'eau



Avait-elle dit qu'elle n'y mettrait pas les pieds sans y être invitée. Certes mais il est des nuits qui se font oubli. Après tout, ce n'est qu'une mésaventure de plus, une menace superflue parmi toutes celles qu'elle a déjà subie de sa part. Elle aurait eu besoin de sages conseils ce soir, alors que le découragement, de sa main funeste, s'imprégnait en elle. La Dentellière faisait front et pour pallier aux actes du Seigneur pour lequel elle avait fait la folie - ou pas - de signer contrat, elle s'en était venue jusqu'à son échoppe. C'est que le Seigneur de Falmignoul avait - encore - eu une brillante idée ces derniers jours. Il n'en manquait apparemment pas ces derniers temps et l'Ecossaise commençait à en faire les frais. Mais elle ne réalisait pas encore dans quel pétrin - ou pas -, elle était allée se fourrer.
Aussi lorsqu'elle l'avait vu arriver avec son aconit, passé le temps de surprise et s'étant assurée qu'il n'en avait pas pris, elle avait pris sur elle de monter chercher quelques anti-poison en son échoppe. Elle les gardait précieusement fermés à clef et cela la rassurait un brin que de se munir de quelques fioles en "prévision" des nouvelles lubies du Seigneur.
Oui. Elle commençait à comprendre qu'il était différent. Ses humeurs pouvaient paraitre effrayantes pour quelques uns mais elle ne le craignait pas lui. Non. Puis elle n'avait aucune idée qu'Enzo puisse être atteint de névroses. Néanmoins, elle savait contourner les folies du Seigneur et savait que cela portait quelquefois ses fruits. Bien qu'il y ait des moments, comme ce jour, où elle se percutait à tous les éléments à la fois, et en ressortait épuisée. Et son père qui commençait à la rendre folle en lui parlant d'obéissance, de déshonneur si elle n'acceptait pas ses conditions. Et ce foutu froid qui s'était emparée d'elle depuis qu'elle avait posé ses embruns sur cette haute silhouette blonde au travers de ce carreau de taverne. C'était à n'y rien comprendre.
Cette mascarade de mariage était la seule qu'elle pouvait espérer lui avait martelé son père, alors même qu'avec tout l'affront dont elle avait été capable de lui fournir, elle l'avait informé qu'elle avait pris amant, se gardant bien de lui signifier de qui il s'agissait. Pas folle non plus la Charlye. Oh il avait tempêté oui. Mais pas comme elle l'espérait. Alors qu'elle s'était imaginé qu'il mettrait un terme à son idée omniprésente, en fait, elle n'avait réussi qu'à le conforter dans sa folie.

Et ce soir, c'est ici qu'elle s'en était venue. Charlyelle savait pertinemment que Judas Gabryel ne serait pas dans les lieux puisque dans sa dernière missive il l'avait informé qu'il se trouvait en Anjou. Ce n'est donc pas dans l'espoir de le voir qu'elle s'était dirigée en ces lieux ce soir mais bien avec la ferme conviction de se cacher et de rester immergée dans les lieux aussi longtemps qu'elle se sentirait traquée.
Elle a hésité pourtant devant la porte, avant que de se dégarnir la gorge de cette clef qui la ceint et qui se fait discrète. Le clanche a tourné et elle a pénétré dans les lieux. Tout y est resté comme lors de la dernière fois, de toute évidence l'endroit n' a pas été souillé depuis.
Et comme le tout premier soir, c'est auprès de l'âtre qu'elle se réfugie, ne mettant que peu d'ardeur à faire jaillir l'étincelle qui embrasera les lieux d'une lueur douce et accueillante.
Au moins ici se sent elle en sécurité. Personne ne sait qu'elle se trouve en ces lieux. Tout le monde ignore qu'elle fut montée chercher de quoi contrer les folies du Seigneur de la Mesnie pour laquelle elle vient d'être embauchée. Elle possède l'art qu'il faut.
Et malgré le feu qui se fait plus vivace et les braises qui rougeoient, ce n'est pas pour autant qu'elle se sent réchauffée.
Fallait-il qu'elle soit devenue folle pour s'adresser à un feu. C'est qu'elle s'inquiète pour Gabrielle. D'ailleurs, étrange qu'elle pense à elle en ces lieux. Car les deux jeunes femmes partagent un secret. Un de ceux qui ne se dit qu'en confidence au sein de quelques étuves après plusieurs coupes de vin de Bourgogne bien tassées. Et oui. Elles ont ce lieu et son propriétaire en commun. Avec une vision bien différente chacune de l'homme en question. Voix rauque qui se fait entendre dans le silence de la pièce. Ce soir, la flamme est sa complice. Sa confidente. A défaut du Satrape, il y au moins une présence qui ne la réchauffe pas. Mais l'illusion est là.


"- Dis moi la Flamme. Comment t'y prendrais-tu pour sauver une pauvre Dame en détresse d'une méchante et affreuse sorcière aux pouvoirs maléfiques qui s'appelle Déni ?"

Car non. La Brune n'est pas entrée dans la Mesnie pour n'être qu'une simple décoration parmi les meubles du château. Et elle n'a pas manqué de voir et d'assister au déni de Gabrielle. Ni d'observer ce qu'il se passe depuis plusieurs jours. Et oui elle s'inquiète. Qui l'eut cru qu'elle en viendrait un jour à s'inquiéter pour quelqu'un d'autre qu'elle-même ou son vieil Ilug ?

Mais seule, une nouvelle question vient alors se faire entendre, ce vent glacial qui de nouveau s'infiltre dans tous ses pores ne la quitte plus depuis cette rencontre.


_ Et toi Charlyelle. Quand donc cesseras-tu de courir pour te fuir toi-même ?

Agacée, elle s'enroule un peu plus encore dans son plaid d'Ecosse, regardant les ombres jouer sur les murs de l'endroit désert. Elle n'a parlé de cette missive reçue à personne. Pas même à Ilug et elle n'ose imaginer la tête de celui-ci s'il découvrait le pli et en reconnaissait les calligraphies. Car oui, c'est bien la main de celle qui lui fut présentée comme sa grand-mère qui lui a écrit. Maternelle. Qui la met en garde. Contre le sauvage que lui destine son père. Ne pas l'appeller Barbare cela avait eu l'air de fortement contrarier le Nordique qui revendique ses origines lui.

Et un coup de froid encore qui s'insurge et la laisse décontenancée. Elle regrette soudain que Judas Gabryel ne soit pas là, elle aurait ainsi pu s'assurer qu'elle pouvait aisément se réchauffer. Il faudra qu'elle le fasse quand l'occasion se présentera. Ce ne sont pourtant pas ces azurs là qui vont la glacer. Foutredieu !
La main tremble et les lignes deviennent floutées sous les perles de lune qui glissent, s'assurant encore de ce que l'aïeule a pu lui écrire. Si seulement la vieille dame savait. Mais elle ignore que Charlyelle est damnée. Elle ignore qu'elle a fauté. Elle ignore tout des cauchemars qui la hantent certaines nuits. Et des conseils qui se veulent avisés. Mais emplis d'une froideur toute relative.



".... Il n'est point bon de tenir des jouvencelles telles que toi sous une cloche de verre, telles de délicates roses de Damas pour les arracher ensuite si rudement au terreau de leur foyer...C'est fort simple et ne peut s'exposer de trente six façons mon enfant : le soir de ton mariage, ton époux te dépouillera de tous tes vêtements et t'examinera de la manière dont il reluquerait une haridelle à vendre. Parce que c'est un sauvage, tout comme ton père...Après quoi il délacera ses chausses ou pas, ouvrira sa braguette, sortira son membre viril et le poussera entre tes cuisses dans la partie la plus privée de ta personne, sans aucune considération pour toi ou pour ce que tu pourras ressentir...Parce que c'est un sauvage tout comme ton père...Et non ma petite, ce n'est pas une plaisanterie mais la pure vérité. Et tu devras le laisser faire car c'est son droit d'époux. Parce que c'est un sauvage tout comme ton père le fut avec ta mère...Mais il me reste encore un avertissement à te livrer. Tu connaitras la souffrance et le sang. Si tu étais fortunée avec ton mari comme je le fus de mon temps avec Ilug, tu connaitrais dans un tel cas, baisers, caresses et autres roucoulades qui forment le miel de la vie conjugale ou intra-conjugale, je t'arrache les yeux moi-même si tu n'en dis qu'un seul mot à Ilug de ce que je viens de te confier. Mais le reste, cette chose nommée accouplement, en est le plat de résistance ma petite. C'est tout de même l'affaire la plus naturelle qui soit te dirait il ce vieux Sage. Mais. L'homme que ton père te destine est un sauvage. De ses terres. Et j'ai ouï dire que ces gens là ne sont pas les meilleurs experts en ce domaine. Tu feras comme les autres ma petite, tu fermeras les yeux, tu resteras allongée sans bouger et tu penserais à l'enfançon grassouillet et dodu que ton père souhaite que tu lui offres comme héritier..."

"- Ah mon père que ne feriez vous mieux que de m'envoyer dans les bras d'un Barbare que d'un Sauvage. Au moins leur culture n'est-elle pas si différente que la mienne, Celtique que je suis."

Et après sa lecture, Charlyelle passa une nuit agitée au coin de l'âtre, se tournant et se retournant dans ce plaid d'Ecosse qui ne la réchauffait pas, pour finir par sombrer dans un sommeil sans rêves.
Quand la cloche qui sonnait les matines l'éveilla, une lumière grise pénétrait par la haute fenêtre de la garçonnière. Dans l'aube brumeuse, la terrifiante missive de la veille ne lui semblait plus qu'un vague cauchemar seules, les images évoquées par les mots de sa grand-mère demeuraient gravées dans son esprit de façon aigüe. Si elle n'était plus l'innocente jeune fille que sa grand-mère s'imaginait qu'elle puisse être, elle n'en demeurait pas moins terrifiée par certaines paroles. Ce n'était pas tant celles de la douleur et du sang par lequel elle était déjà passée il y a plus de deux années, ce n'était pas tant ce dont elle avait vécu par la suite qui la tracassait. Non. C'était bien autre chose qui l'emplifiait d'une terreur sans nom au fil des jours qui passait. Et la grand-mère maternelle ne venait ainsi que raviver la hantise et la haine qu'elle pouvait éprouver.

Peut-être ce sauvage était-il une sorte de bête, est-ce donc ainsi qu'elle voyait son père elle aussi ? Elle se poserait le problème le moment venu, à croire qu'elle avait décidé de cesser le combat. Elle tentait de se persuader qu'elle avait des questions plus pressantes à régler.

Les lieux avaient été refermés après qu'elle ait soigneusement soufflé les braises. Sans doute verrait-il qu'elle était passée, sans doute pas. Il était plus âgé qu'elle, peut-être s'il avait été là aurait elle pu lui demander conseil. Elle les aurait pris pour ce qu'ils étaient. L'aurait-il réchauffée, peut-être aussi.Elle n'en saurait rien.

Et le retour lui paraitra insignifiant alors que perdue dans ses pensées, elle se persuade qu'elle devrait s'exercer à tordre sa langue pour maîtriser les rudes sons du parler occitan. Autant apprendre les rudiments des lieux où elle s'est posée actuellement.

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Charlyelle
Il est des nuits où elle ne cherche pas à comprendre ou analyser. Dans sa tête, ça avait percuté, c'est là-bas qu'elle devait aller, c'est là-bas encore qu'elle serait le plus en sécurité. Après tout, elle ne lui avait que sommairement désobéi. Et si ce n'était pas la première fois qu'elle était blessée, c'était bien dans son intention et une première que d'aller se cacher chez le Von Frayner.
La blessure était profonde mais pas mauvaise, néanmoins, si elle tardait trop cela risquait de s'infecter. Et c'est au calme et à l'abri qu'elle voulait s'occuper d'elle. Même si la douleur lancinante lui était insupportable, elle tenait le choc. Coriace la dentelière.

Elle parcourut rapidement la rue du regard. Même si son épaule blessée ne pouvait attirer l'attention, bien cachée sous ses étoffes, Charlyelle scrutait les lieux. Elle avait été extrêmement prudente et ce, pour diverses raisons. Qui la tenaillaient tout autant elle que sa prudence ne pourrait être néfaste au propriétaire des lieux où elle se rendait.
Elle avait voulu éviter toute question indiscrète de la part du cocher. Il aurait trouvé étrange en effet, de la déposer dans un quartier dépourvu de toute boutique où une demoiselle de sa qualité était susceptible de se rendre.
Aussi lui avait-elle demandé de la laisser dans un endroit bien plus recommandable, à distance raisonnable de l'endroit où elle souhaitait se rendre.
L'Ecossaise avait ensuite pris la précaution de suivre la calèche des yeux, puis d'attendre de la voir complètement disparaitre à l'angle de la rue, avant de se diriger, de sa démarche fluide et féline, vers le lieu espéré.

Le couloir sentait le renfermé. Charlyelle y avança à pas de loup, mais battit bien vite en retraite en apercevant un jeune employé qui était en train de griffonner sur un livre de comptes. On le voyait à peine derrière sa pile de paperasse en équilibre précaire sur le bord de son bureau. Il avait du apercevoir son ombre car il tourna la tête dans sa direction avant de se remettre au travail.
Ouf ! Décidément il était moins une. Et profitant qu'il était occupé, elle se hâte de passer le porche et d'entrer dans le bâtiment, grimpant jusqu'à la porte dont elle détient le sésame.

Porte qui se referme et elle s'y adosse, les yeux fermés et le visage en sueur. Reprenant un semblant de force et s'assurant que les lieux sont déserts.

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Charlyelle
« Chacun de nous a sa blessure : j’ai la mienne - Toujours vive, elle est là, cette blessure ancienne - Elle est là, sous la lettre au papier jaunissant - Où on peut voir encore des larmes et du sang ! »
-Edmond Rostand-



Tout en déchirant le tissu spongieux de mélange de sang séché et sang frais qui s'écoulait encore de sa blessure, elle se murmurait pour elle-même des paroles d'encouragement. Habituée à prodiguer soins sur les autres mais pas sur sa propre personne. Et pourtant, c'est bien ce qu'elle est venu faire en ces lieux. Avant toute autre chose se soigner. Se requinquer ensuite tout en se cachant. Et avec un peu de chance, verrait-elle rappliquer le maître des lieux dans le coin. Sait-on jamais. Même s'il ignore sa présence en ces lieux et qu'il la croit toujours dans l'Orléannais. Même si elle lui a désobéi. Il n'en sait rien pour le moment mais qu'en serait-il s'il l'apprenait ? Il y a comme un goût d'inachevé en ces lieux.

Elle avait l'habitude d'apporter soutien moral aux malades et aux blessés mais c'était bien une nouveauté pour elle. Elle rassemblait ses maigres forces pour tenter de se redresser afin de soulager la douleur qui lui coupait la respiration. Elle coupait et arrachait les bouts de tissu, dénudant bras et épaule. Celle-ci présentait une blessure qui d'apparence pouvait paraitre sale et impressionnante mais les muscles vitaux avaient été épargnés. Et de sa besace, elle en sort une bouteille de son eau de feu. Arrachant le bouchon au goulot de ses dents, elle se laisse glisser au sol, toujours adossée contre la porte d'entrée des lieux et serrant dents et mâchoires, elle se déverse les trois quart de son breuvage enflammé sur la blessure.
La plainte étouffée s'échappe malgré elle de ses ourlées, le souffle se coupe mais au moins la première chose à faire avant de passer aux choses sérieuses était celle-ci.

L'Ecossaise s'octroye un moment de répit. Elle se tenait à contre-jour et il n'y avait pas assez de luminosité dans la pièce. Elle réfléchit un instant. Il allait lui falloir allumer un feu, puis mettre de l'eau à chauffer pour un minimum de toilette dans le baquet avant de s'occuper sérieusement d'elle.
Elle finit par se lever, vacillant légèrement. Consciente de ne pas être trop stable sur ses jambes, elle se dirigea avec précaution vers l'âtre de la cheminée. Elle dut s'y reprendre à plusieurs fois, mais un moment plus tard, les flammes commençaient à se faire crépitantes dans les lieux. De plus, elle avait une sorte de vrombissement dans sa tête qui lui vrillait les tempes. Elle s'interrompit un instant de sortir ce dont elle avait besoin pour recoudre ses chairs dans sa besace, portant une main à son front.
Le mouvement auquel l'avait contrainte sa perte d'équilibre lui avait provoqué des élancements dans tout le bras. Et la douleur était telle qu'elle caressa l'idée de s'octroyer quelque mixture dont elle se serait volontiers passé, connaissant par coeur pour les avoir éprouvés par le passé, les effets néfastes qu'elles auraient sur son organisme.
Elle y mettra du temps mais le baquet enfumé est prêt et elle s'y plonge longuement dedans. Prenant bien soin de tenir sa blessure hors de l'eau. Doucement, l'écho de ses pensées tournent, virent et revirent.
Il y a eu les cris et le goût du sang. Cette fameuse nuit a été sanglante. Il y a eu cette bretonne qu'elle a secouru. Il y a eu des missives échangées, une arrivée annoncée. Et pourtant. Elle a pris le parti de venir se réfugier ici. Le lien qui s'était forgé entre eux ne s'était pas détruit, ni avec le temps, ni avec la distance. Etonnant.
Le bain se révèle court mais bienfaisant. Assez du moins pour la calmer et retrouver l'assurance de ses gestes.

De nouveau agenouillée auprès du feu, sur les peaux, il est temps maintenant. La dague. Les embruns se baissent sur la lame qu'elle vient de dégainer. C'est l'heure. Aucun cri, aucune plainte ne sortira. Tout son corps s'arque dans la douleur alors que le poignet pivote, la lame faisant son office. Elle s'enfonce et pénètre la chair. Pour soigner. Finalement elle aurait peut être du prendre sa mixture. Mais c'est son eau de feu qu'elle s'envoie dans le gosier. Les yeux s'emplissent de larmes sous la douleur mais elle n'a pas le choix. L'aiguille et le fil sont chauffés alors qu'elle entame son travail de dentellière. Sensation mordante, brûlante, dévorante. Mais elle s'attelle à sa tâche, besognant sa chair sans relâche et avec minutie. Et les paupières se font lourdes, mais malgré tout, elle continue. Les mains souillées de sang.

La clarté de la lune et des étoiles qui scintillent par la fenêtre s'éteint peu à peu. Et l'Ecossaise sombre dans un sommeil qui se veut réparateur afin de dissiper les brumes qui empreignent son esprit et son cerveau.

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