Le_sinitros
Aux abords de la grande prairie aux couleurs de terre qui témoignent de combats qui avaient fait autant force que rage, se tient droit dans un I un vieillard de haute taille. Vêtu de noir, mince, lhomme barbu et sinistre porte linfortune aux traits de son visage
Il observe, demi-sourire aux lèvres, fier davoir si bien pressenti en ces lieux la fortune qui lui ouvrait les bras. Tel un amant impatient, il savance, trainant lâne et la charrette, portant pelle en défense et laissant derrière lui le parfum menaçant de la mort quil porte depuis longtemps
Ainsi, il avait, avec sagesse, perçu les effluves du sang et des blessures, les cris et les geignements. Alors, comme souvent, il allait pouvoir sacquitter de sa tâche
Progressant encore, il voit quelques expressions de dégoût mêlé de crainte sur le visage des vaillants qui marchent encore fièrement. Au loin, quelques-uns se tiennent si rapprochés quils pourraient tenir dans un mouchoir.
Il y a donc encore de la force chez certains Dommage
Lhomme inquiétant se retrouve soudain nez à nez avec une femme certes valeureuse mais tout autant échevelée et dépoitraillée. Il sursaute, sent quil succombe à des charmes qui pourraient léloigner de son projet, de son commerce
Ah ! mon Dieu, je vous prie,
Avant que de parler prenez-moi ce mouchoir.
La brune, tout à son combat et davantage à la peur de voir la mort en face, de répondre simplement :
Comment ?
Couvrez ce sein que je ne saurois voir :
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. *
Elle hausse les épaules, et séloigne soulagée de voir quil nest quun homme et incapable dans ses belliqueuses pensées dimaginer quelques acrobaties sensuelles...
Lui, ne soffusque quun instant, il sait quun jour, elle reviendra à lui ..
Quelques pas plus loin, il décide de sinstaller suffisamment à couvert et assez à découvert pour ne point rater doccasion. Comment pourrait-il avec peur de cette amie que tout le monde craint ?
Encore une fois, il sourit à demi et se rappelant sa pensée favorite, expose bien en vue une pancarte où les preux et les couards peuvent lire :
Mouchoirs, pour tout à chacun 2 écus la paire !
Noubliez point que quelles que soient les larmes qu'on pleure, ça finit toujours dans un mouchoir.**
*Tartuffe, Molière
** Marcel Achard