Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2, 3, 4   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP]Fàilte ort a dh'Albainn, un tartan de ma vie.

Charlyelle
Fàilte ort a dh'Albainn*, un tartan de ma vie.

Quelque part, sur les chemins.


Il y eut un avant....

Toute une enfance innocente passée dans ses lacs des glaciers Ecossais. Ces mêmes glaciers qui ont laissé des surfaces rayées et bosselées avec des creux où se nichent des lacs. Sur ce sol rude, les conditions climatiques sont difficiles. Un climat très variable riche en bourrasques, tempêtes sur les côtes et grandes pluies qui occupent un grand nombre de jours et se répartissent dans toutes les saisons. Peu de neige.
Enfance qui se déroule aux côtés d'Ilug, qui lui enseigne tout ce qu'elle a à savoir avec une infinie patience. A se penser orpheline, à croire que l'on est rien et sans attaches aucunes, ça vous forge un mental d'acier. Mais l'année de ses 16 ans, la vérité se découvre, et horrifiée, meurtrie et emplie de haine, elle s'enfuit en France, Ilug sur les talons. Elle ne veut pas entendre parler d'eux, elle les hait. Et lui, son père, plus que les autres.
Sa rencontre avec le Sapineux qui forgera son destin Hydrique. Durant deux années et demi, elle est la Dentellière Hydrique. La jeune femme s'est cadenassée également après Lui. Se refusant la moindre parcelle de lumière dans sa vie. Fuyant ce qu'elle estime devoir fuir.

Puis, il y eut la pause....

Les premiers temps, elle s'était dit que ce serait une bonne chose. Elle n'est plus que l'Ex-dentellière Hydrique, même si elle garde cette Hyvresse Hydrique qui fait d'elle ce qu'elle est en son fort intérieur. Mais elle qui a la tête sur les épaules et qui porte une Noblesse à laquelle ses valeurs sont fidèles s'aperçoit, qu'elle est loin de partager celle qu'elle découvre. Elle est pourtant du genre tolérante et patiente, et ne pipe mot.
Les jours passaient, et elle s'efforçait à cette impassibilité, à cette froideur qui faisait sa réputation, se rattachant à ce masque pour ne rien laisser échapper. Il avait suffit d'une simple rencontre pour que son âme et son coeur alors se glacent instantanément, lui rappellant ainsi que malgré ses plus profondes convictions, elle n'était pas maître de ses sentiments. Elle avait même été jusqu'à l'aider. Lui qui s'était fait brigander. Elle avait fait en sorte qu'il puisse récupérer ses biens. Et au final, cela s'était retourné contre elle. Tout ça pourquoi ? Parce qu'elle avait eu l'audace de lui accorder quelque intérêt et de lui dire des paroles qui ne lui avaient pas plues, ça elle l'avait bien remarqué à l'expression de ses azurs. Apparemment cela avait fait d'elle un monstre. Qu'elle était loin d'être d'ailleurs mais peu importait.
Et si les jours qui avaient suivis lui avaient parus s'éterniser et sans reliefs, elle s'enfonçait de plus en plus dans un repli sur soi silencieux et douloureux.

A se sentir inutile dans ces lieux, à s'y sentir étouffer, à encaisser ce qui lui semblait prendre des proportions démesurées et complètement erronnées, c'est en silence qu'elle avait décidé de quitter les lieux.
Par pure conscience et parce qu'elle s'était prise d'affection pour la gamine, elle avait tenu à ramener Mae et à la déposer à bon port avant de s'en aller, sans un mot pour quiconque. Hormis de courts billets d' échanges avec Mae et Isleen. Puis son nom n'apparaissait pas sur le contrat elle n'avait encore officiellement rien signé. Ainsi c'était simple.
Elle n'était pas prête à remontrer un quelconque intérêt, qu'il soit Nordique ou pas. Et elle était avare de mots. Pour qui que ce soit. Cela faisait des années qu'elle ne partageait plus rien avec personne et il avait fallu que cette petite rouquine sache la toucher. L'Ecossaise qui se confie à une gamine, non mais on aura vraiment tout vu !

En souffrance. En perdition. Une autre missive était partie à laquelle réponse n'avait pas tardé de lui arriver. En résumé, elle disait différentes choses cette lettre mais c'était surtout un "Viens !" auquel elle n'avait pas l'envie de résister. Elle le devrait pourtant. Très certainement même. Mais elle irait.Parce que l'auteur lui a redonné goût en certains aspects de sa vie. Parce qu'il souhaite être le seul à la réconforter. Et qu'elle se sent perdue, trahie et seule dans son tourment. Et qu'il est le seul, à un moment donné, à l'avoir sauvée des sombres pensées qu'elles ressassaient en permanence.
Elle avait le sentiment d'être de retour plusieurs années en arrière, lorsque la drogue et les coups reçus lui avaient permis l'oubli, l'avait enfoncée dans cette amnésie et qu'Ilug soignait ses plaies.
Mais il n'y avait plus de drogue, et elle s'efforçait de laisser le vieil homme à l'écart de ses tourments. Tout était béant et à vif.

Et il y a un après...


Elle réfléchissait tant et si bien profondément qu'elle aurait été incapable de dire à quoi elle pensait à l'instant présent si quelqu'un venait à lui demander tant ses pensées étaient embrouillées et confuses. Tout ce dont elle était consciente est qu'elle avait des choix à faire, des choix cruciaux pour son avenir, et qu'elle était incapable de prendre la moindre décision.

A ses pieds, s'étendaient des riches pâturages, des vallées boisées, des landes de bruyères et surplombant l'ensemble, quelques pics montagneux. De petits oiseaux mordorés voletaient et seule le bruissement d'un cours d'eau, non loin, brisait le silence Mais cette vision même n'arrivait pas à tiédir cette glace qui broyait son âme et son coeur. Depuis combien de temps ne remarquait-elle plus ce genre de chose, elle fille du vent et des flots des océans.
Elle avait les joues rougies par le froid, et des mèches de cheveux sombres, balayées par le vent, caressaient son visage. Mais elle ne les sentait pas. Puis la brise fit voleter vers elle quelques feuilles, et elle fit un pas en avant pour ôter celles qui s'étaient perdues dans ses cheveux. Elle s'envoya une bonne rasade de son eau de feu, mais il était écrit qu'aucun alcool ne viendrait à bout de ses tourments. Ils étaient ridicules, et elle ne voulait plus ni y penser, ni même les ressentir.

Elle aurait souhaité s'arracher tout ce qui la faisait souffrir à cet instant précis. C'était ridicule bien sûr. Un coup de foudre ça n'existe pas. Et certainement pas sous la forme décrite par les poètes. Car oui, elle en a entendu parler. Certes plus jeune, elle avait nourri l'espoir d'une union agréable avec un homme de son milieu. Mais son père avait eu le don pour venir mettre à mal ce qui n'était qu'illusion. Elle avait également rêvée d'une maisonnée emplie de présence enfantine. Mais elle avait grandi depuis. Et avait appris à ses dépends ce qu'il en était. Elle avait alors compris une chose essentielle : elle n'entendait pas abandonner le contrôle de sa vie, de sa fortune, et de sa famille, à n'importe qui. Elle avait quitté l'enfance pour devenir une femme, avec tous les défis et les épreuves que cela représentait. Les sentiments ne pouvaient que lui attirer des ennuis et la preuve, c'est ce qu'il venait de se produire.

Tout comme la cendre qui couve sous le feu, elle savait désormais, qu'elle ne pouvait plus laisser la moindre étincelle jaillir. Quelle ironie. Elle qui appréciait tant la solitude, se sentait en cet instant totalement abandonnée. La brune secoua la tête dépitée. Puis d'un geste brusque, c'est le feu qu'elle éteint avant de se hisser à califourchon sur Moonblack, arrangeant ses sacoches. Une main qui se fait caressante sur le chanfrein de l'animal.

Elle voyagera de nuit. Comme à l'accoutumée.

Les yeux dans le vague, Ilug gardait quant à lui le silence. Une expression absente sur le visage. Il se mit à bourrer son brûle-gueule en poussant un long soupir avant de l'allumer avec une brindille enflammée dans les braises rougissantes du feu de bois. Il tira profondément sur le tuyau et l'odeur du tabac se répandit autour d'eux. Mais au lieu de savourer la fumée, le vieil homme se partit d'une longue et déchirante quinte de toux. Charlyelle lui versa un godet d'eau, ce qui eut pour effet de l'apaiser un peu. Ce silence se prolongea un moment entre eux, puis Ilug finit par prononcer quelques mots.


Je t' ai longuement observé Pallikari, ces dernières semaines. Tu marches toujours sur "la route rouge" depuis quelques temps.

Il était très rare que le vieux druide s'adresse à elle en la tutoyant et la jeune femme reste immobile sur sa monture. Se raidissant.

La route rouge, la route blanche.Sa façon à lui de décrire deux modes de vie qui n'avaient guère de chance en effet de se recouper jamais.

"- Mon coeur est toujours McAlayg, Ilug tu le sais."

Je suis à la fois heureux et triste que tu te sentes toujours des nôtres, Pallikari. Mais j'avais espéré que tu trouverais ta place parmi...

"- Auprès de mon père ? Sur cette autre terre au loin dans les Balkans ? Non Ilug. Demande moi tout ce que tu veux mais pas cela. Tu sais que je ne changerais pas d'avis sur le sujet."


Elle reste de nouveau silencieuse, le regard et les mains perdus dans le crin soyeux de son lipizzan. Décidément, cette journée était comme une lourde pierre dans son coeur.

Tu n'as pas oublié Charlyelle. Et être venu à l'aide de cet homme là suffit à me le prouver. Je ne te demanderais rien de plus. Mais peut-être que cela pourra t'aider à retrouver un juste équilibre dans ta vie.

"- Je ne crois pas non."

Je sais que tu ne souris plus et que ton âme souffre depuis quelques temps.Mais tu es la seule qui puisse en juger. Peut-être pourrais-tu maintenant vivre de manière plus agréable. Ne perds pas ta place dans le monde. Commence une nouvelle vie en effaçant tout ce qui te fait du mal dans l'ancienne.

Elle le regarde longuement. Ilug n'était pas prompt à vociférer, à blâmer, à juger. Il avait la colère lente et ne se battait qu'après mûre réflexion. Il connaissait le pouvoir incendiaire des mots et en usait avec circonspection. Si seulement d'autre avait été comme lui, elle n'en serait pas là ce jour.

"- Plusieurs fois Ilug, j'ai essayé de mourir honorablement. Je me demande bien pourquoi je suis toujours là tu sais."

Je pense que c'est parce que deux personnes sont en toi. Ta mère habite ton coeur, et tu dois l'honorer. En menant une bonne vie. Ce que ton père lui, malgré tout ce qu'il est n'a vraiment jamais su faire. J'étais avec ta mère lorsqu'elle est tombée durant cette bataille de la rivière des Grasses-Pâtures. Elle a combattue et est morte en brave.

"- Tu sais Ilug. Ces marques tribales qu'elle m'a faite, je les porte depuis toujours. Je les trouve belles. Et longtemps j'ai espéré qu'elles me ramèneraient màmag . Tous les matins quand je parle à La Mère, je vois rougeoyer le ciel et je me souviens de la couleur de ses cheveux, puisque je tiens les miens d'Elle. Je donnerais tout ce qui me reste de cette vie, pour la voir une seule fois près de moi Ilug."

Elle portait la marque des femmes McAlayg. Tout comme ta grand-mère. Tout comme toi. Et avec une femme aussi sauvage que toi, il faut adopter le même comportement que pour un animal. Ne pas crier, ne pas te prendre en chasse. Tu es emportée et indomptable, mais tu es brave ma petite-fille. N'oublies jamais ce que ta mère avait l'habitude de dire. Une McAlayg digne de ce nom ne se bat jamais sous le coup de la colère.

"- Je ne l'oublierais pas Ilug".


Déjà, elle avait talonné Blackmoon. Pour se détendre, elle essayait d'écouter les sons de la nuit. Mais on n'entendait guère que le bruit du vent dans les herbes et celui des sabots de la puissante monture sur le sol. Les taches grises du corps de l'animal brillaient dans la nuit. Tout autour partout des ombres. Au-dessus de sa tête, brillaient faiblement les premières étoiles. Elle respira profondément. Elle se concentrait sur le cou de son cheval et de sa tête qui dodelinait doucement, alors qu'il avait ralenti et s'était mis à marcher. Sa tête se mit à dodeliner également, au rythme de l'animal. Devant elle, les ombres cachaient les étoiles, formant une sorte de mur végétal dans l'obscurité. Trembles et saules poussaient près des cours d'eau, ils devaient donc se trouver tout près d'une rivière. Elle laissa Blackmoon boire tout son soûl. Quand il eut terminé, elle le talonna doucement.

Tout ce qu'elle arrivait à se promettre, c'était de ne plus jamais aider son prochain et de ne plus accorder la moindre once de confiance à quiconque.


"- Que les portes de l'Annwfn me soient fermées si je parjures avant la mort, que je soie condamnée à errer telle une âme en peine entre les mondes si j'ai volontairement renié ma parole, et si je trahis ce serment. J'ai dit !"

Elle essayait de rester attentive au souffle du vent pour ne pas s'endormir.

*Bienvenue en Ecosse
_________________
Ilug


Et il y a un vieil homme qui n'est pas dupe !

Ilug grogne entre ses dents, et laisse alors échapper dans un tonnement menaçant, tout en attrappant les rênes du lipizzan et y tirant dessus pour l'obliger à s'arrêter.

Charlyelle Ileana McAlayg de Pallikare tu vas descendre immédiatement de ta monture et tu vas me cracher ce qui se passe et ce qui ne va pas !

Sans laisser le temps à la jeune femme de se ressaisir, le vieil homme l'a déjà fermement agrippée par le bras et la tire à terre violemment, l'entrainant avec lui dans la clairière.

Maintenant je t'écoute. Tu vas m'expliquer et d'une, pourquoi depuis des jours et des jours tu tires une tête d'enterrement et que tu restes enroulée dans ce fichu plaid de malheur! Même ta grand-mère ne s'y est jamais avisée! Je veux savoir pourquoi tu t'es cavalée je ne sais où et tu es revenue deux jours après ! Je veux savoir ce que tu as actuellement et qui démolis ta jolie caboche à ce point. Je veux savoir où est ma Pallikare ! Cette fière jeune femme qui ne s'en laisse pas conter et qui a toujours eu la tête sur les épaules, digne, droite et fière.

Je t'écoute ! Car je ne suis pas dupe moi, et je te connais par coeur ! Je sais ce qu'il se cache là-dedans !

Et comme un peu d'entrainement au passage ça ne va pas te faire du mal car tu te rouilles ma fille, attrappes-moi ça et en garde ! Nous allons discuter en même temps !


Sur ces mots, il lança sa lame à la jeune femme, qui d'instinct, attrappe la bastârde. Une petite lueur satisfaite apparait alors dans les yeux d'Ilug. Le poids familier de l'acier semblait raviver en l'Ecossaise une flamme coupable.

Ah ! Qu'est-ce que je te disais ? Les bonnes habitudes ne se perdent jamais pas vrai ? Serais-tu devenue une poule mouillée ma fille pour te cavaler ainsi ?

Un petit rire secoue Ilug. Oui il la provoquait. Mais c'est justement parce que personne ne la connait mieux que lui qu'il se le permet. Et que si elle a des choses à évacuer, il n'y a pas meilleur moyen que celui-ci. Tant pis s'il s'en sort fourbu, car connaissant sa Pallikare, ça risque de ne pas être une partie de plaisir.

Enfin. Si tout du moins la Brune redevient elle-même.
Charlyelle
« Le coup porté par un mot frappe plus fort que le coup portée par une épée. »
- Robert Burton -

La voix rauque est douce, mais est taillée dans les cairns des Shetland. Aussi déchiquetée que ses côtes, ses falaises à pic ou ses crêtes escarpées, qui font la quintessence de sa patrie.

"- Il y a des gens qui retirent volontiers ce qu’ils ont dit, comme on retire une épée du ventre de son adversaire. Cela se nomme une excuse. Cela se nomme savoir se remettre en question. Cela s'appelle ne pas prêter aux gens des intentions qu'ils n'ont jamais eues. Mais il y a des personnes qui sont incapables de le faire".

La claicheamh mor(1) est en senestre. Plus précisément sa broadsword(2). La main bien glissée dans la coque de velours qui recouvre la poignée. Lame large en provenance de la meilleure forge de son Shetland natal. Et si sa dague, son skean dubh*est son arme de prédilection, l'épée n'en est pas moins redoutable lorsqu'elle en tient une entre ses mains.

Désormais, elle rendra le mal qui lui sera fait au centuple. Coup pour coup. Sa confiance qu'elle n'accordait déjà qu'à de rares occasions, c'est terminé. Elle n'est pas prête, la Dentellière pour en offrir une once à quiconque. Et le bien, elle ne le rendra plus. Egoïstement, elle le protègera, veillera dessus et n'en rendra plus rien.
Elle est ainsi faite l'Ecossaise. Taillée dans le roc des Shetlands, mais l'âme sensible et à fleur de peau. Capable de la plus grande générosité, elle est digne de ces cyclones ravageurs, qui s'apaisent alors tout aussi vite qu'ils se sont levés lorsque la colère sourde gronde en elle. Mais que du mal lui soit fait. Et c'est un menhir fait de glace insondable qui s'élèvera alors. Et tout comme lui, il lui faudra du temps pour que l'érosion se fasse.
Une Charlyelle meurtrie dans son âme, c'est bien plus fracassant qu'une Charlye dont la chair a souffert. Une dentellière qui sait pourtant pardonner lorsqu'elle sait que cela est sincère. Un coeur qui bat de nouveau mais qui restera glacé. Parce qu'il en est ainsi. Parce qu'elle l'a décidé et que lorsqu'elle se sent mise à mal, elle se retranche derrière cette glace qu'il est alors vain de tenter de briser.

"- Il y a des personnes que tu aides, qui semblent te remercier sincèrement et qui deux jours après sont capable de te traiter comme une moins que rien pour quelques paroles ou un geste malheureux. Ceux là même dont tu dois respecter les sentiments mais qui eux sont incapables de respecter ce que moi je peux ressentir. Alors je suis partie c'est tout."

Non Ilug je ne t'en dirais pas davantage. Je ne te ferais pas part de ce qui a étreint mon âme quand je l'ai vu la première fois, je ne te dirais pas combien j'ai pu lire en lui et ce que j'ai pu y déceler, je ne te raconterais pas tout ce qui restera gravé en moi parce que cet homme là, est différent. Je vis avec mais je n'oublierais pas. No.

Elle s'était campée sur ses jambes, légèrement fléchie et prenait soin de bien garder l'équilibre de ses appuis. Son talon touchait toujours le sol en premier, effectuant des pas pulsés. Une habitude chez la dentellière qui marchait le plus souvent nu-pieds. L'impulsion était donnée avec la jambe arrière, pendant le déplacement de son pied avant. Elle savait gagner ainsi en puissance et rapidité tout en déplaçant le poids de son corps en même temps. En avant d'un pas, marche à dextre, marche à senestre, retraite.
La brune s'échauffait, en adossé. Et dans sa caboche, venaient danser les paroles d'Ilug qui avait su lui enseigner avec patience, et lui apprenait encore.

« Un homme a seulement deux mains et peut, à partir de sa main, réaliser deux frappes du haut et deux frappes du bas. »

Elle avait bien intégré oui et les embruns se focalisaient sur son adversaire de la nuit, au milieu des torches qu'il avait allumées. Les perlées lunaires reflétaient une ardeur qu'on ne lui voyait plus depuis quelques temps. L'écorchée vive laissait place à cette jeune femme combattante qui ne se laissait pourtant pas terrasser aisément. Le hoqueton(3) bien ajusté.

Saisir ! Frapper ! Mordre ! Je suis prête Ilug, envoies la saucée ! Je veux entendre le bruit des lames qui s'entrechoquent et qui crissent !

(1)grande épée.
(2)Contrairement à l'opinion publique, ce n'est pas la « claymore », l'arme du guerrier écossais, mais la broadsword. La lourde et longue claymore était réservée au « Braveheart », les Highlanders, grands et forts, habitués à porter de lourdes charges, et à manier, du haut de leur 1 m 80, de longues et lourdes armes.
La broadsword était une épée à une main, se portant côté gauche. Elle fut l'arme du célèbre Rob Roy, et de bien d'autres héros de l'Écosse médiévale.
(3)Le hoqueton est une variété de la cotte d’armes portée au Moyen-âge sur l’armure. Il se caractérise par des manches très courtes, voire absentes, un corselet assez ajusté, prolongé par une jupe à très gros plis. Appelé également sayon, il était aux couleurs du capitaine dans les compagnies d’ordonnance.

_________________
Ilug


Engagement, croisement des lames, attaque composée. Et c'est qu'il n'avait aucune intention de la laisser au repos. Ilug se mit à entrer en mesures, approchant d'elle à petits pas. Puis il se mit de main droite, à faire une large enveloppée avec sa lame, tentant de s'emparer du fer adverse adroitement pour le ramener sans le quitter, dans cette même ligne, avec un mouvement circulaire de la pointe.
Dans un même temps, il l'observait sa Pallikare. Elle semblait avoir retrouvé une lueur dans le regard. Fugitive encore. Mais elle était bien là.

Alors tu vois que ça ne fait pas de mal de te remettre en condition ! Ne te déclare jamais vaincue Charlyelle. Tu as fait ce que tu pensais devoir faire. Sois fière de cela. Et laisse le reste de côté.

Et il allonge une estocade.

Montre moi voir si tu sais toujours me parer ça mon Ecossaise !

Lui occuper l'esprit et le corps. La faire bouger et lui permettre de voir si elle a retenu ce qu'il a bien pu lui apprendre sur le sujet. C'est toujours ça de pris sur les altermoiements actuels de la brune.
Charlyelle
"Un mensonge qui fait l'affaire vaut mieux qu'une vérité qui l'embrouille."


Parer l'envolée de la pointe de la lame d'Ilug. Elle s'était déjà mise en position lorsqu'un volatile indéfini, croisement d'une mouette et d'un goéland sans aucun doute vient lâcher missive enrubannée aux senteurs de Haggis(1). Grognement de la brune, comme quoi ce n'est pas le moment mais le vol en rase motte du volatile qui vient lui flanquer un bon coup d'aile sur la tête, la fait interrompre son geste. Vélin déplié, elle s'y reprend à deux fois pour le lire.
Le fin visage s'illumine alors, un sourire presqu'incrédule se fait jour sur les lippes de mûres. La broadsword, d'un habile soubresaut de la main envoie gicler l'épée d'Ilug alors qu'elle se précipite sur lui en courant après avoir tournoyé deux ou trois tours sur elle-même.


"- Yeahhh !! Grand-père, elle arrive !! Grand-mère arriiiiiive !!! Elle a embarqué cette nuit !"

Et c'est sans aucune retenue que la jeune femme se jette au cou d'Ilug, annonçant sans ménagement la nouvelle au vieil homme. La vieille dame ne lui a pas raconté de mensonge, elle fait réellement la traversée pour la rejoindre. La brune n'y croyait pourtant qu'à demi, mais elle sait que cette vieille femme est sous la férule de son sanguin de père et refusera de l'entendre. Sauf que. L'Ecossaise l'a bien étudié son plan. Et qu'Ilug ne doit avoir vent de rien. Sinon c'est foutu. Elle est foutue de toute manière.

"- Il faut que tu fasses demi-tour ! Que tu retournes là-bas l'attendre et l'accueillir ! Tu vois ! Elle avait dit qu'elle viendrait et elle le fait vraiment ! Elle vient tenir tête à mon père !"

Encore plus heureuse pour lui que pour elle. Depuis combien d'années ne se sont-ils plus vus ces deux-là ? Pas dupe de leur histoire, Charlyelle a bien compris ce qu'il en était, même si Ilug s'est toujours montré très discret sur le sujet avec elle. Et pour la première fois, elle vient simplement de le nommer "Grand-père". C'est sorti du fond du coeur, dit de manière si naturelle . Que pourrait-elle dire d'autre face à ce vieil homme qui ne l'a jamais quitté depuis le jour de sa naissance ? Vingt-trois années de vécu et d'apprentissage, et ce fil particulier qui les unit l'un et l'autre se révèle enfin au grand jour. Sans que l'Ecossaise n'en soit choqué. Rien que le fait que la Matriarche ait pu un jour aimer un homme tel que lui, fait que Charlyelle lui pardonne bien des manquements. Ce qu'elle ne pardonne pas à son père, elle le pardonne allègrement envers sa grand-mère. Parce que celle-ci prend la peine de faire le voyage pour la rejoindre. Parce qu'elles ont tant à se dire, à se raconter. Et que s'il y a bien une femme sur cette terre qui peut faire fléchir le Vladimissime Focker, c'est la Matriarche.

Mais...mais nous faisons demi-tour ma Pallikare. Allez ! Il n'y a pas de temps à perdre ! Si elle a embarqué cette nuit, sous peu ils seront arrivés !

"- Non ! Tu fais demi-tour Ilug ! Et tu passeras voir Mae et tu lui amèneras ce que grand-mère emmène pour elle dans les cales du navire. Il est hors de question que je fasse demi-tour, vous me rejoindrez. Et de toute manière, elle a plus besoin de ton aide que moi. Ne t'inquiète pas pour moi, je saurais me débrouiller."

Va t'elle lui dire combien la nouvelle tombe à pic ? Certainement pas. Elle avait bel et bien prévu de renvoyer Ilug à la roulotte sur Montpellier mais elle pensait que la tâche serait plus ardue que cela. Et voila que La Mère venait à son secours, lui enjoignant l'arrivée attendue vaguement de la Matriarche. Mais c'était du concret cette fois et pas un "et si ceci ou si cela...". Peu lui chaud ce qu'il peut bien advenir d'elle, l'Ecossaise sait que maintenant Ilug ne sera plus seul. Elle a réussi le tour de force de faire se déplacer la Matriarche. Celle-ci ne se doute nullement du piège dans lequel la Brune l'envoie. Celui-ci porte les traits d'un vieil homme , jadis follement aimé. A tel point qu'ils ont eu une fille dont elle est la seule descendante aujourd'hui.
Du jour où elle a compris leur histoire, Charlyelle s'était mis en tête de les faire se retrouver ces deux là.

Tendrement, elle vient déposer une caresse sur la joue de son grand-père.


"- Cesse donc Ilug de t'en faire pour moi. Va l'accueillir. De toute manière, son navire avait prévu cette escale là. Je te promets. Je te dirais où je suis. Et vous viendrez me rejoindre."

Et se détournant, elle va ramasser sa broadsword. Essuyant furtivement les larmes qui glissent sur ses joues. Mais non. Elle n'a jamais su dire adieu. Et il ne doit rien percevoir le vieil homme. Ne pas avoir le moindre soupçon. Elle sait très bien Charlyelle, que la Matriarche n'est pas venu pour la soutenir mais simplement pour affirmer les positions de son père. Et cela, jamais elle ne s'y pliera. Mais Ilug lui l'ignore. Et le plus beau cadeau qu'elle puisse lui offrir, c'est lui permettre de la retrouver, Elle.

Charlyelle. Où comment s'enfoncer un peu plus.



(1) Il est fait à partir des abats du mouton (plumer) qui sont coupés finement, mélangés à la farine d'avoine grillée puis cousus dans la doublure de l'estomac du mouton et bouillis pour des trois heures plus encore.
Haggis est traditionnellement mangé la nuit de brûlures, 25 janvier, quand l'Ecosse célèbre la naissance de son poèt plus célèbre, Robert brûle. Pendant la célébration, les poésies des brûlures sont lues, et les haggis est adressés par un membre de la partie, avec des vers de la poésie des brûlures, « adresse à un Haggis. »

_________________
Charlyelle
Long, is the way(1)

Elle tentait de mettre de côté sa déception. Vainement. Mais on ne pouvait pas dire qu'elle n'essayait pas. La brune souffrait. En silence. Pas un mot, pas un soupir ne s'échappait de ses lèvres. C'est comme si l'histoire se répétait. En moins dense, avec moins de profondeur. Mais le mal était là.
Pourtant, un sentiment de révolte l'habitait en permanence. Parce qu'il n'avait rien compris. Non rien. Ils ne devaient sûrement pas partager la même notion du druidisme alors. D'ailleurs, elle n'avait plus eu aucune nouvelle. Peu importait, les rites elle les connait par coeur, il lui reste peu à apprendre encore.
Mais cette injustice là lui a arraché une part d'elle-même. L'Ecossaise pourra dire ce qu'elle voudra, il pourra clamer tout ce qu'il veut, elle sait elle ce qui la ronge, et que rien ne vient apaiser cette foutue douleur et ce fichu froid. La machine à broyer le coeur et les esprits, ça marchait peut-être sur les autres, mais certainement pas sur elle.
Toutefois, bien qu'assez infâme, cette situation était, elle devait se l'avouer, bien plus confortable que la première. Pourtant, si son esprit acceptait l'idée que l'isolement et l'éloignement était le meilleur remède, son coeur lui, continuait de battre froid. Alors elle tâchait de brider ses émotions. Elle se mordit la lèvre pour l'empêcher de trembler. Et dire qu'elle avait obligé Ilug à faire demi-tour. Le vieil homme lui en voudrait sûrement dans quelques semaines. Mais elle aurait alors pris assez de distance pour qu'on ne puisse la retrouver. Douleur d'avoir été séparée de sa famille. Elle s'était alors volontairement plongée dans une culture et une langue complètement différente. Elle se sentait complètement désemparée, fragile comme ces premières couches de glace qui venaient emprisonner ses lacs si chers à son coeur. Et elle fuyait le monde. Ces derniers jours, elle les avait passé en solitaire. Quelques missives attendaient. Elle les avait glissées dans sa besace mais nulle envie de les desceller. L'Ecossaise s'éloignait de tout, vivait quasi hors du temps. Elle traversait les villages sans même ouvrir les portes des tavernes ou jeter un regard par les carreaux.

A croire qu'elle avait reçu le chagrin en héritage. Elle était le rappel de la souffrance de son père, cela elle l'avait bien compris. Le souvenir de ses années perdues et sacrifiées depuis que sa mère n'était plus. Quoi qu'elle fasse ou qu'elle dise l'Ecossaise, elle sait qu'elle n'est qu'un reproche vivant.

Ce vide là dans sa poitrine ne cessait de gronder depuis qu'elle était partie de Montpellier, se mêlant à celui qu'elle avait pourtant essayé de combattre toutes ces années. Un peu plus ou un peu moins après tout, elle n'est plus à ça près.

Le ciel bleu nuit se marbrait déjà de rose. Bientôt les sombres collines se dessineraient sous une ligne orange. Sa gorge était tellement serrée qu'elle pouvait à peine déglutir. C'était comme si des doigts glacés la saisissait à la gorge.

C'est avant la ville qu'elle établit son campement. Elle aurait tout aussi bien pu y aller. Mais elle ne le souhaitait et elle la contournerait ce soir à la nuit tombée. Dans l'immédiat, les genoux remontés contre elle et le menton posé dessus, assise à même le sol, elle pense à la croyance de cette grande boucle. Ce cercle universel auquel toutes choses sont reliées et donc connectées entre elles.
Le chemin qu'elle avait voulu suivre avait brusquement bifurqué. Avalé par les derniers évènements. Mais elle n'avait visiblement pas choisi de retourner auprès des siens.
Une fois au bord de la rivière, elle se dévêtit et entra dans l'eau jusqu'à la ceinture. Charlyelle se servit du sable fin du lit de la rivière pour frotter sa peau et la débarrasser de la poussière et de la sueur. Finalement, elle rinça ses cheveux, sortit de l'eau et les secoua. L'Ecossaise enfila sa robe sur son corps humide mais abandonna son corset sur la rive. Une journée passée à cheval avait suffit à lui démontrer que cet accessoire de mode était plus contraignant qu'il n'était utile.
Charlye revient à pas lents et précautionneux vers l'emplacement de son camp tout en ramassant du bois mort au passage. Puis elle s'assit sur la mousse, dans une tâche de soleil, la tête rejetée en arrière pour bien sécher ses cheveux. Instantanément, elle s'aplatit dans l'herbe. C'est d'une main leste et rapide que la dague voltigea soudain et que quelques minutes plus tard, elle vidait sa proie et allait préparer un lit de braise pour la mettre à griller. Puis elle prit une branche et y enfila la peau qu'elle tannerait plus tard. Elle l'étira, la cousant sur les bords avec du fil en nerf de cerf.
De sa besace, elle sortit les quelques tubercules sauvages qu'elle avait ramassé la veille et les déposa dans les braises. Leur peau fut vite noire et craquelée par la cuisson. Mais sous cette enveloppe, la chair était tendre et blanche.

Plus tard, renonçant à dormir, elle tressa ses longs cheveux bruns, en une natte qu'elle enroule autour de sa tête.

(1)Long est le chemin.
_________________
Charlyelle
Juchée sur Blackmoon, au fil des jours, elle s'enfonce dans les terres. Ame éperdue qui se calfeutre, elle, de nouveau, dans une solitude et une sauvageonnerie exacerbée. Elle reste néanmoins prudente. C'est qu'elle sait d'où elle sort la Brune et dans ces cas particuliers, le listage étant fréquent, elle ne serait point étonnée de s'en prendre une à travers la face ou le corps.
Mais jusqu'à présent, il n'en est rien. Pas qu'elle en soit heureuse ou soulagée. Car en fait. Elle s'en cogne. Plus rien ne la touche depuis son départ du Sud. Hormis une petite fille laissée là-bas. Elle est devenue l'un de ces coquillages échoué sur une plage aux vents d'Ecosse. Vide. A peine y entend on les échos de la Mer du Nord et il faut vraiment se pencher dessus pour y déceler les vestiges des cyclones dévastateurs dont la Dentellière fut coutumière.

Elle se laisse porter sur Blackmoon. Penchée en avant, ses courbes reposant contre l'animal et les bras perdus dans la robuste encolure, elle le laisse mener la danse. La joue trop pâle se perd dans les crins soyeux du lipizzan. Les narines et les poumons s'emplissent de l'odeur équine. Source bienfaisante qui arrive encore à remonter jusqu'à la caboche intrésèque de l'Ecossaise.
Confiance aveugle en l'animal dont elle suit le pas cadencé. Les sabots foulent le sol à leur rythme. De temps à autre, quelque renâclement. Pour la forme. Pour lui dire " Je suis là, moi, l'Ecossaise. Compagnon fidèle et sans détours".

La lune était à son dernier quartier, additionnée de la clarté des étoiles. Le jour se levait, striant le ciel de vastes traînées roses qui donnaient au paysage du Bourbonnais-Auvergne un air menaçant. Un tapis de fleurs nouvelles piquetait l'océan d'herbe. Elle trouva un carré de verdure entre des arbres abattus, lesquels avaient ouverts dans ce bois sombre, un espace de lumière, propice à la végétation. C'était une herbe douce, tendre. Après avoir démonté Blackmoon, elle alla s'asseoir, se laissa tomber plutôt, sur l'un des troncs abattus. Les embruns se posent sur le lipizzan qui déjà, lui, plus affamé que fatigué, profite de cette herbe qui s'offre à son museau gourmand.

Charlyelle se redresse et étend son tartan. La mousse en dessous, lui faisait le plus doux des tapis. Le rustique boudin de chair de boeuf séché, aromatisé de quelques baies sauvages cueillies sur les orées des chemins fut un bonheur pour son estomac vide. Mais elle ne finit sa part, tant ses paupières se fermaient toutes seules, de sommeil.
C'était étrange de se coucher à cette heure-ci, alors que les rayons du soleil, de plus en plus hauts, striaient la forêt.
Alors elle mit sa tête sur son bras replié et ferma ses paupières lourdes. Roulée en boule, pelotonnée sur elle-même, l'Ecossaise s'endormit profondément, ce qui était plutôt rare chez elle. Terrassée par la fatigue.

_________________
Charlyelle
Ce sont les volatiles qui vont la réveiller. A coup de bruissements d'ailes. De pépiements. Elle reçoit même un léger coup de bec sur la joue. D'un geste brusque, elle s'empare de celui qui ose. Et c'est un léger éclat de rire ensommeillé qu'elle retient en voyant le scel. Pas étonnant que celui-ci fasse preuve de tant d'audace. Etonnée tout de même d'avoir quelques nouvelles. Du moins c'est ce qu'elle suppute, sinon, pourquoi écrire si ce n'est pour remplir un vélin qui apportera quelles qu'elles soient motif à lecture.
Le Seigneur lui a écrit. Non. Pas celui de Courceriers, mais celui de Falmignoul. Cela lui met en mémoire qu'elle doit réponse au premier. Qui se fait attendre alors qu'elle est toujours prompte à apporter écriture lorsqu'elle en reçoit. Mais la plume est devenue avare. Sans doute la faute à un trop plein d'écriture auquel elle n'a jamais obtenu réponse. Certains sont prompt à juger et se fient sur le paraître et n'ont point aptitude à creuser afin de comprendre. Juger et blesser tout en étant persuadé d'avoir eu l'attitude adéquate et parfaite. Tout ce que l'Ecossaise exècre.
Et il y a ceux dont on pourrait s'attendre à un silence sévère et belliqueux. Et il n'en est rien. Preuve en est le volatile porteur de quelques laconiques mots. Mais il est là. La main Enzonesque a couché quelques paraphes sur ce vélin qui lui sont adressé. C'est la seconde fois en quelques jours. Et sans l'attendre, elle sait qu'il lui a promis une réponse plus longue lorsqu'il aurait le temps pour lui. Ce n'est donc pas ce vélin là, mais il y aura sans doute prochaines nouvelles.
Il lui annonce être père et le nom de l'enfant.

La brune esquisse un sourire. A la fois heureux et triste. Il a donc un fils, lui qui désirait tant ce petit mâle, et lui pour qui la descendance est si importante. Il doit être heureux. Et fier. Elle aurait aimé être là, pour partager ce moment avec le Seigneur, autrement que par quelques écrits.

Mais...mais..

Il n'y a pas que le Nordique qui ait grièvement blessé. Il y a aussi Elle. Charlyelle n'éprouve pas de rancune particulière, non. Un simple mépris est suffisant et signifie l'essentiel. La noble de sang qu'elle est n' a pas apprécié. Celle en qui elle avait accordé sa confiance n'a désormais plus la moindre importance aux pourfends des embrumés celtique. Qu'elle l'ait fait volontairement ou non peut lui chaud. Cela fut fait et le mal est enraciné et ronge jour après jour, la Dentellière.
Mais curieusement, la brune s'était attachée aux manies et au caractère ombrageux du Seigneur de Falmignoul. Alors qu'il est détesté de beaucoup, elle l'apprécie elle. Et c'est pour cette raison qu'elle ne souhaitait pas le mettre à porte à faux. N'empêche que ces quelques mots qu'il a couché lui apportent un petit rayon de soleil dans cet univers glacé qui est le sien.

Elle répondra plus tard. Un autre volatile est posé près d'elle et elle hoche la tête. Le Cercle se rappelle à elle. Une pensée pour Ilug qu'elle tente de chasser aussitôt de son esprit. Elle n'ose imaginer quelle sera sa réaction lorsqu'il comprendra. Mais il sera alors trop tard, l'inéluctable était déjà enclenché.

Se lever et se remettre en route. Errance pour une souffrance que rien ne peut apaiser, ni même adoucir. Encore une fois, les portes des tavernes ne seront pas poussées. Et les autochtones et autres joyeusetés, soigneusement évités.
Ne pas laisser de traces afin de ne pas être retrouvée.

Gagner du temps sur le temps.

_________________
Charlyelle
"La couille que je subodore, elle m'arrive en pleine cambrousse et il fait nuit. Badaboum! Un choc violent..."
-Alphonse Boudard-


Elle regrettait de ne pas avoir pris de lanterne lorsqu'un bruit sourd résonna soudain derrière elle. Dans l'obscurité, un brin inquiète et les sens en éveil, elle jette un regard autour d'elle. C'était sûrement les branchages.
La brune n'était pas du genre à sursauter au moindre bruit. Mais elle avait parfaitement conscience de l'état de fragilité émotionnelle dans laquelle elle se trouvait depuis qu'elle avait quitté cette foutue ville de Montpellier, et des sentiments mitigés qui la traversaient régulièrement. Puis elle savait bien que pour nombre d'autochtone, elle portait gravée sur sa chair cette appartenance dont elle s'était pourtant détachée. Mais l'Hydrique Hyvresse était ancrée au fer rouge jusque dans les profondeurs de ses entrailles et provoquait plus d'hostilité que de réelle amitié.
Pourtant, elle n'avait pas failli à sa parole. Et sur les chemins, elle se tenait tranquille. Ne cherchant de noises à personne et perdue, la plupart du temps, dans ce profond silence givré qui la rendait chaque jour plus hermétique encore au monde extèrieur. Elle n'était que glace, qui se durcissait de lune en lune et qui prenait possession de tout son être, toute son âme, tel les neves éternelles sur les hauts pics de sa terre du Nord.

Un bruit sourd se fit de nouveau entendre. Elle se retourna, un peu plus suspicieuse à présent. Il lui semblait cette fois avoir perçu le bruit de pas foulant la terre. Avait-elle été suivie ? C'était ridicule. Et Ilug était reparti sur Montpelliers attendre la Matriarche. Bien sûr, elle l'avait joué sur la désinformation. Car la Matriarche n'allait pas débarquer dans cet endroit là. Mais bien plus loin. Néanmoins, Charlyelle savait que c'était le seul moyen qu'elle avait eu d'éloigner le vieil homme. Elle se doutait bien que le vieux druide sentirait vite l'entourloupe qu'elle lui avait faite, il s'apercevrait qu'elle l'avait gentillement baratinée. Mais le temps aurait passé et jouerait en sa faveur à elle.
Peut-être le bruit avait-il simplement été provoqué par un coup de vent ?
La nuit était sombre et la jeune femme se maudit encore une fois pour sa légèreté. Quelle idée que de vouloir planquer sa dague ailleurs que sur elle, lui avait-elle donc traversé l'esprit.

Charlyelle laissa échapper un léger hoquet lorsqu'une ombre surgit alors en face d'elle, lui coupant le chemin. Bien qu'il fasse légèrement moins sombre sous le clair de lune, l'ombre des sycomores obscurcissaient sa vision. Et l'inconnu en profite pour passer à l'attaque. Elle se retrouve le dos plaqué contre le torse de son adversaire, incapable de voir son visage. Prisonnière de bras puissants qui lui écrasaient la poitrine et lui interdisaient tout mouvement.
Choquée de cette intimité soudaine, l'Ecossaise sentit son sang froid l'abandonner. Rarement décontenancée en temps normal dans telle situation, elle était en cet instant submergée par des émotions qui lui étaient en général étrangères ! La force évidente de son agresseur. Son corps musclé collé au sien. Une odeur incroyablement masculine mêlée au parfum de quelque eau d'essence parfumée. Un noble !! Bordel de défection, c'était un noble qui s'en prenait à elle. L'espace d'un instant, son cerveau en reste pétrifié. Ce n'est pas n'importe qui qui est en mesure de s'offrir telles senteurs. A moins de les avoir lui-même volé. Mais quel abruti irait voler des essences de parfum.
La situation en serait risible. Deux nobles qui se battent tels des gueux chiffoniers en pleine nature. Mais à la différence que la brune elle n'est rien en ce royaume. Sa noblesse à elle vient d'ailleurs. Elle sentit sur ses cheveux, un souffle chaud.
Elle était audacieuse, mais pas impudente. Et Ilug lui avait appris à appréhender le danger. Si certains étaient éblouis par les titres de noblesse, la brune n'était pas dupe et pour cause. Derrière leurs manières élégantes, certains cachaient des personnalités dangereuses et troubles. L'Ecossaise n'usait que rarement de ces manières, elle était bien trop à fleur de peau et avait ses propres valeurs qui faisaient d'elle ce qu'elle était. Elle ne fréquentait que rarement les hautes sphères, car elle savait que les femmes y étaient souvent capricieuses, désagréables et pleine de mépris pour leurs inférieurs. Ce qui la répugnait toujours quelque peu quand elle voyait dans quelle fange certaines pouvaient se vautrer. Elle releva le menton furieuse, en marmonnant.


"- Merveilleux. C'est mer-veil-leux ! Un noble françoys qui veut casser de l'Ecossais !"

L'esprit en ébullition, elle se rendit compte de ce qu'elle tenait en main. Levant bien haut le baton sur lequel elle s'appuyait il y a encore un moment, elle l'assenna de toutes ses forces sur le malotrus et le toucha à l'arrière des genoux. Le coup fut sans doute douloureux car le forcené se retourna violemment en hurlant.
Vite, il ne fallait surtout pas que l'Ecossaise laisse son adversaire reprendre le dessus. Il était bien plus fort qu'elle, énergie décuplée par la folie dont il faisait preuve. Dans un affreux hurlement d'hystérique, il frappa la main de Charlyelle, lui faisant lâcher son baton.
Grimaçant de douleur, la brune comprit qu'elle n'était pas de taille face à cet homme. Mais elle ne portait pas sa dague sur elle. Comble de malheur, la seule fois où elle décidait de la laisser dans les sacoches bien protégées, que portent Blackmoon.

L'attaque surprise était la seule stratégie possible. Et au lieu de se pencher pour ramasser son baton, comme son agresseur s'y attendait sans doute, elle bondit en avant, et balançant son bras avec toute la force qu'il lui restait, l'Ecossaise envoya un uppercut qui toucha l'homme juste sous le menton avec un craquement assez répugnant. Puis elle se penche au-dessus de lui, les embrumées pétillantes d'ironie.

"- Bon sang ! C'est l'Ecossaise qui t'a fracassé Bonhomme. Mais par Oghma* que ça fait du bien !"

Les lieux s'emplissait maintenant d'un silence assourdissant. Il lui aurait désormais été aisé à la Dentellière, de sortir sa dague des sacoches et d'en lacérer le visage du nobliaud avec sa lame dentellée. Il aurait pu ainsi porter à vie la marque de l'Ecossaise. Mais celle-ci n'en fit rien. Se contentant de glisser sa dague à sa place habituelle, contre sa peau. Elle aurait tout aussi bien pu l'achever la Pallikare.

Flùir na h-Alba**.

Et elle s'en reprit sa route.


*Dieu de la sagesse et de la connaissance. Il est l'un des patrons des Druides.
** Nul ne me provoquera impunément.

_________________
Charlyelle
- On m'a demandé de vous apporter ça !

Le jeune garçon en haillons qui avait eu quelques instants plus tôt l'insolence de tirer sur son mantel pour obtenir son attention, lui tendit alors de sa main crasseuse le message qu'il tenait fermement.
Non sans hésitation, Charlyelle prit la feuille de papier et scruta l'enfant. Le garçon fronça son nez constellé de tâches de rousseur, la regardant lui aussi.

- Il m'a donné le mot et ça !

Il ouvrit sa main sale, laissant voir quelques pièces de monnaie, avant de demander avec audace.

- Vous aussi vous allez me donner un petit quelque chose ?

La brune se ressaisit et murmura.

"- Oh oui bien sûr !"

Puis elle se mit à fouiller dans sa bourse et donna quelques piécettes au gamin en guise de pourboire.
Un sourire jusqu'aux oreilles, il les fit tinter sur celles qu'il avait déjà dans sa paume noircie. Ses doigts se refermèrent ensuite immédiatement sur les pièces et il détala, comme s'il craignait que l'Ecossaise ne puisse les lui arracher de la main pour les récupérer.
Charlyelle se remit en route à lente allure. Elle avait passé les remparts et le gué et elle déambulait dans les ruelles. Elle examina le mot avec une certaine curiosité, le vélin était scellé mais ne comportait aucun nom, ni aucune autre indication. Il y avait juste des traces de saleté laissées par les doigts du gamin. Elle allait le décacheter puis se ravisa, glissant le mot dans l'une de ses poches.

Elle ne met pas long à reprendre sa route, sans plus s'occuper des lumières, des tavernes et de leurs senteurs, leurs bruits. Comme à l'accoutumée depuis qu'elle a quitté le Sud, c'est la nature qui a sa préférence. Et c'est au pied d'un chêne vénérable qu'elle se laisse choir, plusieurs heures plus tard alors que l'après-midi est au beau milieu de son zénith.
L'écritoire est sorti. Enfin pourrait on dire. Car depuis quelques jours, la jeune femme ignore tous les vélins reçus. Mais la chouette qui a fondu sur son épaule a su la rappeller à l'ordre. Une chouette irlandaise forcément. Et ce qui interpelle la brune, c'est que la rousse signe en l'embrassant. Haan, mais il y a comme un souçis là. Depuis quand Isleen termine t'elle ses missives à l'Ecossaise en lui écrivant ce genre de choses ? Le contenu de la lettre ne semble pas être des plus réjouissants. En même temps, la brune n'est pas vraiment d'humeur à se réjouir non plus. Et elle soupire. Faut croire décidément que les Celtiques portent chacunes leur croix. Fichus hommes de malheur, qui sont aveugles, bornés, entêtés et n'y voient pas plus loin que le bout de leur nez.
La brune serre les mâchoires, replongeant dans quelques souvenirs récents qui lui ont laissé bien plus qu'un simple goût amer en bouche. Si ça n'avait été que cela, elle s'en serait remise. Mais non, ce n'est pas le cas. Et avec les jours qui passent, elle se retranche de plus en plus dans ce qui fait mal. Glaciale, glacée, de glace on pourra lui dire tout ce que l'on veut, mais la druidesse qu'elle est connait le cheminement de son esprit. Soupir qui lui échappe avant de se saisir d'une plume trempée dans l'encrier, et de délicatement coucher quelques mots à l'attention d'Isleen.





Citation:

De Charlyelle,
A Isleen.

Ainsi donc, tu es rentrée de ta balade. Tant mieux si tout s'est bien passé.

Quant à Audouin, je peux comprendre ton ire. Néanmoins, je ne le connais pas suffisamment pour me permettre de t'apporter conseil à son sujet. Je ne l'ai croisé que par trois fois. Pense seulement que parfois dans la vie, l'on ne fait pas tout ce que l'on veut, de la manière dont on le souhaiterait. Il y a des murs qui se dressent, il y a des failles qui apparaissent, il y a aussi ce que l'on voudrait faire et ce que l'on ne peut faire. Peut-être simplement Audouin souhaiterait être près de toi mais qu'il ne le peut pas à l'heure actuelle. Cela n'enlève en rien les sentiments qu'il peut te porter. Après, c'est à toi de voir, ce que tu es capable d'endurer ou pas. Mais je comprends que cela te mette en colère. Fais attention seulement à ne pas la diriger à mauvais escient. Je ne sais que trop combien cela peut faire mal à la personne contre qui elle est dirigée.

"Il" me manque. Et je te suis reconnaissante, toi qui est la seule à savoir, de ne rien en dire. Mais que veux tu, je ne suis pas comme toi. Je ne suis pas de celles qui pensent que l'on se remet de tout. Non Isleen. Il est de ces choses qui marquent d'une empreinte indélébile. On vit avec, mais on n'oublie pas. C'est ainsi. L'hiver et les frimas se sont installés en moi et y ont pris demeure.

J'ai reçu nouvelles d'Enzo m'annonçant entre autres, la naissance de son fils. Ne sois pas étonnée si tu croises Ilug, je l'ai quelque peu..forcé..à s'en retourner. Il ne doit pas être très content, mais je m'assure au moins qu'il garde un oeil lointain sur Maelysa.

Te dire que je vais bien serait mentir. Je vais. C'est tout.

Quelques petites surprises sur les errances de mes chemins. Si pour ma part je tiens ma ligne de conduite, d'autres ne le font pas. C'est tant pis pour eux. Je suis plus féroce qu'une louve lorsque l'on m'attaque.

Prendre soin de moi est superflu. Par contre fais gaffe à toi. Et ne t'inquiètes pas, pour le longbow, il faut du temps, je suis certaine que tu vas y arriver. C'est comme presque tout, suffit de persévérer.

Ne perds jamais espoir Isleen.



Puis alors que s'élance la chouette irlandaise dans les airs, c'est sur le message délivré par le gamin que l'Ecossaise porte alors les embrumées. Elle reste stoïque. Son agresseur semble coriace. Il tient à lui dire combien il est heureux de l'avoir rencontré en tête à tête, et espère qu'une telle occasion se présente de nouveau prochainement. Cette missive était loin d'être conforme aux bonnes moeurs. Et la brune hésitait sur ce qu'elle devait faire. Si elle ignorait la missive, il se sentirait encouragé et en renverrait très certainement une autre. Il fallait donc lui faire savoir sans tarder et avec la plus grande fermeté qu'il était vain de la poursuivre ainsi de ce genre d'assiduité.
Tandis qu'elle y songeait, une évidence pénible vint la troubler. Cette vertueuse résolution, un autre homme l'avait très récemment et très aisément balayée, et il lui était absolument impossible de chasser le Nordique de son esprit. Soupir de souffrance et d'impuissance qui lui échappe alors qu'elle déchiquette le message aux quatre vents. Une peau de loup hantait ses pensées.
Elle aurait tellement voulu réagir comme lui l'avait fait, en considérant que cela n'avait pas la moindre importance. Au lieu de cela, elle ne cessait de revivre la scène. Par pur dépit sans doute tentait-elle de se convaincre. Etant donné le commentaire désobligeant qu'il avait fait. Dire à celle qui l'avait aidé à récupéré ses biens qu'il n'avait plus aucune confiance en elle. Elle ne savait pour les autres femmes, mais elle ne pouvait elle, l'Ecossaise au fichu tempérament, oublier un pareil affront et un tel manque de discernement.
De nouveau un long soupir exaspéré. Sors de mon esprit, sors de ma tête, sors de moi , défection !
Et plus ses pas l'éloignait d'un endroit, plus ils la rapprochait d'un autre lieu.

Avis de tempête qui s'annonce dans la trogne de l'Ecossaise.

_________________

Charlyelle
Quand on se trouve être la fille d'un homme tel que son père, on est forcément au courant de bon nombre de choses. Et plus particulièrement de tout ce qui ne se dit pas au grand jour, de quelques complots, de ce qui se joue en dessous des tables. Et ce n'est pas parce qu'elle ne veut pas de la vie dans cette cage dorée que lui offre le paternel, que la Dentellière est une ignare. Bien loin de là. Mais son passé tout récent oeuvre pour elle plus qu'il ne la dessert. On lui fiche une paix royale, on la prend pour une vil brigande et peu sauraient apercevoir ce qui se cache derrière cette couverture dont elle a su aisément se parer.
Pour tous ice-lieu, elle est la Dentellière de l'Hydre. Ou l'Ex. Druidesse sauvageonne pour d'autres. Ou simplement une gueuse d'Ecossaise. Ne jamais se fier sur le paraître. C'est l'un de ses préceptes, qu'elle applique toujours à la lettre.

Les premières lueurs de l'aurore commençaient juste à poindre au travers des frondaisons quand Charlyelle, après avoir contourné le village gravit la colline sur laquelle elle avait décidé de s'arrêter. Voyager de nuit. Toujours.

La brune s'enveloppe un peu plus dans son tartan et en caresse les deux fibules qui le maintiennent fermé. Exécutés avec un soin particulier, c'est presque tout ce qu'il lui reste matériellement de sa défunte mère qu'elle n'a connu que quelques mois. Bien évidemment qu'elle n'en a aucun souvenir, seulement les récits d'Ilug dont elle était avide, enfant.
La dextre qui joue avec remonte lentement sur sa gorge, et vient jouer de manière délicate avec la perle, trésor et subsistance de sa famille. S'entrechoque alors l'arrondi d'une clef qui repose à la naissance de sa poitrine. Bien sûr que non elle ne l'a pas oubliée. Délicieusement endormie, elle est là. Simplement. Et sous les paupières fermées de l'Ecossaise, un visage vient se dessiner.Flouté.Mais les sinoples perçantes n'ont rien perdues de leur éclat. Ni les longs voilés qui viennent doucement, s'ajouter à la mémoire d'une nature vivante mais dont elle garde avec ferveur le secret d'une rencontre improbable et que la druidesse qu'elle est pense prédestinée.
Les embrumées se glissent alors au lointain et s'assombrissent. Elle le sait qu'elle est tout près de cette terre qu'elle hait et dont elle porte à jamais quelques stygmates sur son corps. Un instant, l'esprit s'évade. Puis la raison reprend le dessus, et les dernières nouvelles recueillies dans le secret de ses esgourdes l'incitent à une prudence accrue. Les réflexes sont là, toujours.
La main fouille alors dans l'une des sacoches de cuir, en retirant une petite boîte ouvragée et finement sculptée de bois et d'entrelacs aux motifs celtiques. Dedans, reposent quelques vélins soigneusement rangés et descellés.
Embruns qui s'éternisent alors sur les liés masculins du Seigneur de Courceriers.



Citation:
Viens par ici, par l'Anjou, par Saumur si rien ne va, il n'y a encore que mes bras que je veux savoir te réconforter. Hâte toi, avant que je ne doive quitter mes pénates... Hâte toi ma belle. Fais toi discrète et languissante, c'est ainsi que je t'adore, c'est ainsi que je te veux. Viens!

J.


Mais il faut croire que l'hiver est bien installé en l'Ecossaise. Car rien ne bouge, rien ne frémit, rien ne tremble. Givrée complet. Et pourtant l'envie de le voir est là. Le manque est là. Amenuisé par un autre manque bien plus béant certes, mais il est présent. Comme un rai de lumière tout au bout du tunnel.
Son inconnu du perron qui garde une place à part, quelque part en elle. Ce Mainois, car oui, elle s'est faite renseignée, c'est si simple pour elle, Courceriers se trouve dans le Maine. Peut-être aurait-elle du faire creuser plus loin, mais la Pallikare n'y a pas prêté cas et est persuadée, dur comme fer, qu'il est Mainois.
Homme doté au demeurant d'un grand charme et dont les sinoples produisent sur elle un étrange effet. Elle a toujours du mal à en détourner les siens, comme s'ils détenaient un mystérieux pouvoir qui la retenaient captive.
Et cela, dès le premier instant, lorsqu'elle l'avait aperçu dans cette hostellerie.

Elle s'empresse de chasser cette pensée, trop troublante et incongrue à son gré. Si elle devait réfléchir, c'est à ce qu'il convenait de faire maintenant. La Dentellière plisse son front lisse, perdue dans un abîme de perplexité. Et pourquoi pas après tout ? Il l'a aidé la première fois à s'euthanasier d'un autre. Sans même le savoir. L'aidera t'il cette fois ci ? C'est moins certain qu'il ne sache souffler le contrefort de ce glacial cyclone qui s'est emparée d'elle, corps et âme. L'Ecossaise se penche sur quelques giboulées de mots.



Citation:

De Moi,
A Toi.

Es-tu toujours en Anjou ? Je me rapproche mais tu te doutes bien que je suis au courant des derniers évènements. Et je ne tiens pas à aller au massacre, pas celui-ci et pas de cette manière là, je suis certaine que tu peux le comprendre.
Je peux te rejoindre ailleurs. Je puis t'attendre autre part.
J'ai hâte d'entendre tes murmures, puissent-ils apaiser mon être et réchauffer mon âme.

C.


Sauras-tu m'enjôler de nouveau et m'extirper de cette tempête infernale que les vents du Nord ont déclenché ?...
_________________

Judas
Les temps sont troubles en Anjou. C'est la réflexion qu'il se fait en lisant les lignes de l'écossaise, les yeux fixés sur les mots voyageurs. Le seigneur n'a pas oublié les siens, lancés des semaines plutôt à une amante qui s'est faite attendre... Mais pris par des évènements inattendus l'homme avait laissé le temps faire son office. Entre les deux lettres bien de l'eau avait coulé à Saumur, où le Frayner avait pris ses quartiers temporairement... Il y avait l'Anaon bien sûr, sa grossesse de maheur, sa présence qu'il évitait au plus haut point depuis qu'il l'avait découverte, persuadé qu'elle était le fruit d'un autre. Il y avait Chimera ensuite... Des années de bataille et une conquête inespérée, mais encore fragile. Il l'avait bien compris. Et puis la disette, bientôt famine qui ébranlait la ville. Les armées, menaçantes, et leurs morts. Leurs dégats inéluctables. Oui, bien de l'eau avait coulé depuis l'insouciante fugue Angevine et le dernier échange avec Charlyelle...

Citation:

Je suis toujours en Anjou. J'ai cru ne jamais te relire, dentelière tu sais te faire désirer... J'espère que ce retard n'est pas dû a un évènement fâcheux, et tu aurais tort de trainer les routes en prenant ton temps. Ici c'est le chaos, crois moi il ne fait plus bon t'y aventurer. Je t'accorde cette part de sagesse, et te renvoie du coté de la Bourgogne où je rentrerai dès que cela me sera possible. Je t'y retrouverais. Porte-toi mieux qu'hier et moins bien que demain. Je n'aime pas t'imaginer mélancolique.

J.


L'heure n'est plus au jeu. Ou Frayner perdrait beaucoup. Judas est las des maitresses qui se devinent, l'heure est aux manoeuvres réfléchies. Régner sans partage sur chacune d'entre elles sans risquer de froisser le délicat attachement qui les relie à lui. Les diviser, pour mieux régner sur leur tendresse, ou amour. Et bientôt rentrer en Bourgogne, surtout. Isaure n'est pas dupe. Il aurait tort de le croire.
_________________
Charlyelle
Celui qui compose avec l'enfer se livre à l'enfer.
-Marcel Aymé-

***
Bourgogne ! Bourgogne !

La certitude qu'elle allait disparaître lui infligea ce serrement de la gorge, ce spasme de la poitrine qui décèlent le désarroi produit dans notre système nerveux par un choc trop intense. Tout ce qui est essentiel est inéluctable. L'amitié et l'amour prennent source en des lieux d'essence différente : l'amour dans la passion et la soumission ; l'amitié dans le jugement et la raison.
Et l'Ecossaise est en plein dans le concept. Qu'elle le veuille ou non. Qu'elle s'en aperçoive ou qu'elle le réfute.
Passion glacée farouchement enfouie en elle, la plongeant dans un hiver inéluctable. Soumission envers celui qu'elle appelle son maître-amant.
Parce qu'elle a perçu ce mélange des deux chez lui et que c'est ainsi et pas autrement. Vestiges de sa culture des Balkans qui est là et bien là, même si ses appartenances Celtiques sont bien plus ancrées en elle.

Embrumées plongées dans sa lecture. Elle doit s'y reprendre à plusieurs fois. Une phrase. Une. Dont elle déchiffre lentement le sens. L'esprit tournoie, virevolte sous les images qui s'entrechoquent. Les cris, le choc, le sang qui gicle, la douleur terrible, les sévices reçus et les ténèbres. Sa main se porte doucement sur son flan, comme si une invisible douleur venait de se réveiller dans ses entrailles à la lecture de cette phrase.
Putain de révélation qu'il lui sert ! Bourguignon. Il est issu de ces terres haïes. Il y vit. De cette terre sur laquelle elle ne voulait plus jamais poser pieds. Les deux mains en coupe glissent sur le fin visage de l'Ecossaise, allant se perdre dans ses cheveux. Elle n'en a pas assez encaissé ces dernières semaines voilà que maintenant elle se prend ça en pleine face.
Un Bourguignon ! Bordel ! Un Bourguignon quoi ! Damnée est-elle. Faut croire que dans une vie antérieure elle a du faire sacrément du mal, car sa vie quotidienne actuelle n'est qu'un éternel purgatoire. Dichotomie quand tu me tiens !

Décision prise, elle va aller affronter ses démons.
Bourgogne. Demain mes pas refouleront ton sol.

J' pouvais pas tomber plus bas. Un amant Bourguignon..

Bourgogne me voilà. Discrète et languissante comme tu le souhaites.

_________________
Charlyelle
"Les femmes pressentent les dangers qui les menacent avec une telle rapidité de coup d'œil et un instinct si merveilleux, qu'on peut être assuré que le péril leur plaît quand elles ne font rien pour l'éviter."
-Adolphe Ricard-


Les ruisseaux, alimentés par des sources abondantes, les douix, dessinent des vallées encaissées. L'Auxois, formé de lias fertile, apparaît comme un ensemble de plateaux disloqués que les rivières ont découpé en buttes isolées dominant de larges vallées. Coteaux viticoles, vallonnements bocagers sont traversés. Des bateleurs à l'office sont croisés.
Comme un mauvais présage, elle fut soudain glacée par un vent gelé qui s'engouffra lugubrement dans son col. Les pans de son mantel lui claquent sur les cuisses et ses cheveux n'en sont que plus ébouriffés encore, quelques mèches venant jouer sauvageonnes, sur son visage.
A la faveur de la nuit, elle avait gagné Nevers, mais prudemment avait continué sa route. Elle passa la journée à la fraiche dans un coin tranquillement isolé et boulotta une fouace au boeuf pour tout dîner. Frugal. Pas bien faim la brune. Sémur. C'est là qu'elle devait se rendre. Et pour combler le vide de sa journée, elle était restée penchée sur son carnet d'esquisses qu'elle traînait toujours dans l'une de ses sacoches. C'est sa grand-mère, la Matriarche qui le lui avait remis lors de l'une de leurs rencontres. Celle-ci, avant de se brûler les yeux à la mort de la mère de Charlyelle, aimait à dessiner et reproduire fidèlement portraits familiaux. Cette galerie semblait une danse macabre, et à combien manquait-il une date, qui pourtant avaient déjà passé l'arme à gauche ? Et elle dansait, comme une démente, avec chacun d'eux. Ses parents, ses aïeux, son sang ! La rencontre était un choc presque, pour elle pour qui la vie s'était résumée à "mère, qui est morte, père, qui est loin". Elle cherchait à croiser leurs regards fixés sur la toile, elle cherchait un supplément d'âme, dans ces pâles projections de ce qu'ils avaient, tous, été. Ou étaient encore. Dans chaque trait de l'artiste, elle cherchait une trace de son propre visage, dans chaque pli de peau, elle voulut voir qu'elle lui ressemblait. Charlyelle, resta longuement à contempler sa grand-mère, qui avait bien de la noblesse dans l'air, en plus que beaucoup de bonté et un foutu caractère. Et quand elle eût fini de les contempler un à un, ces acteurs figés de son passé, et de son présent, elle en fut quitte pour un claquement de main sur la hanche. Afin de se sortir de ces bribes de souvenir.

Et dans le vent sauvage de novembre, l'Ecossaise se remit en route. Avec toujours ce sentiment de malaise qui l'étreignait, comme si elle se sentait épiée depuis quelques jours. La plaine est morne, le soir la gagne, et au loin se tiennent fièrement quelques piteuses fermes aux pignons vermoulus.

Battue par le vent violent, qui se déchire sur les granges aux porte grinçantes. Des cheminées sortent les couloirs de fumée blanche aux odeurs de chênes et de hêtres.

Il y avait dans cette nuit là, quelques chose de malsain, d’amer et de fourbe. L’on eut dit que les fantômes du passé avaient suivis la Dentellière jusqu’ici et qu’ils s’étaient déchaînés sur cette froide plaine, comme en guise de viatique.

Matines, laudes, primes, et elle avance sur cette terre hostile. Le temps semblait s'écouler fort lentement cette nuitée. Elle s'attend d'un instant à l'autre à ce que le tranchant se fasse sentir. A ce que l'hallali résonne.

Le chemin se déroule dans la nuit.

_________________
Machette
Sur les bords du Léman, la glace prenait doucement ... le temps s'étirait, un ciel gris argent noyé de brume envahissait l'espace, les silhouettes defeuillées des grands arbres tendaient leurs brindilles vers le ciel comme des mains pointées vers on ne sait quel renouveau salvateur. C'était de ces matins ouatés où l'on se sent seul au monde, où le vent frais rougissait les pommettes, et glaçait le bout des oreilles.

Mach avait quitté la chambre douillette avant l'aube, y laissant un parfum de tiédeur, il aimait se retrouver seul, sans bruit parasite autour de son cocon. Chaudement vêtu d'une pelisse de loup, il avait sellé " Nuit " et enfourchant le frison, trottait bon train vers les vallées du haut jura, déjà recouvertes d' un léger manteau neigeux. Il passe Cecy et devine plus qu'il ne voit en contre bas les feux de Gex .

ç'a l'avait pris d'un coup , comme toute les envies pressantes, un mot reçu de l'écossaise alors que l'ennui lui faisait faire du gras , l'avait jeté sur la route en ce matin de fin d'automne ... l'appel de l'aventure ou le sourire de la belle .. un mélange des deux surement ... rien ne le retenait a Genève, il avait besoin de bouger ...

cachait 'elle toujours sous sa roulotte cette liqueur enivrante qui vous glissait dans le gosier, et vous explosait dans la panse ? avait elle toujours sa dague lacée sur sa cuisse ?

La missive était sibylline, " si tu veux m'engueuler, me botter les fesses , enfin me voir , viens . "

Ils s'étaient quittés a Montpellier après chamailleries et câlineries, je vais a Genève avait il dit , je reste ici avait 'elle dit .

Il lisait entre les lignes ... elle avait surement besoin d' un coup de main .. et il lui déplaisait pas de la revoir ....

Il pique des deux, l'étalon bondit déjà les tours de St Claude se dessinent .....
_________________
See the RP information <<   1, 2, 3, 4   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)