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[RP] Au Tengu immaculé

Ria


Depuis combien de temps vivait-elle ici ? Bien longtemps à présent. Elle avait connue Kokura peu avant sa prise par Otomo et s’il y avait bien une constatation qui venait, c’était que les choses avaient irrémédiablement changées. Ceux qui avaient été l’âme de ce village paisible mais non moins vivant n’étaient plus et Ria le déplorait un peu plus chaque jour. Non pas qu’elle ait eue une quelconque préférence sur la politique menée, ça, elle le laissait à ceux qui n’avaient rien d’autre à faire que de se déchirer. Elle se qui lui manquait c’était cette vie discrète mais bien établie ou l’on se rencontrait dans les gargotes autour d’un bol de thé ou d’une coupelle de saké. Les conversations aimables où les voyages, le goût des arts et de la culture ancestrale étaient encore de mises. Chacun discutait de ses projets, de ses rêves…

Qu’était-il arrivé à ce peuple si fier de ses origines et de ses coutumes ? La lassitude probablement. La même qu’elle éprouvait de plus en plus souvent.

Les nouvelles générations n’avaient plus que faire de tout ça. Trouver l’âme sœur en un laps de temps trop court pour dire bonjour ou même apprendre à découvrir l’autre, pour finir dans les larmes et les injures. La majorité voulait tout, tout de suite et sans le moindre effort à fournir. C’était d’un triste…

Et la vie poursuivait son cours au Tengu immaculé. La routine avait finie par s’installer, parfois éga
yée par la visite d’Asami et sa petite famille. Celle de Ria s’était vue amputée d’un membre. Himi était depuis de long mois recluse au sanctuaire et les rares nouvelles ne comblaient pas le vide laissé par la fillette. Cette enfant que Ria avait souhaitée en secret bien avant qu’elles ne se rencontrent sur la place du marché. Un don des kamis pour compenser ce que son ventre refusait de porter plus de deux lunes. Blessure secrète dont elle n’avait jamais parlé et qui la poussait à s’épuiser dans le travail pour ne plus y penser.

Quand elle n’était pas à aider à la carrière de pierres ou à tenir la gargote aussi propre que possible, elle s’installait à sa table de travail. De son voyage en Oda et de l’idée lancée par Tsune, elle avait gardée le goût du travail du bois et si elle ne prétendait pas rivaliser avec les grands maitres, elle était assez fière de ses créations. Objets de toutes sortes qui ne verraient probablement jamais autre chose que les boites où ils étaient entreposés, mais qu’importe, les longues journées consacrées à leur réalisation lui apportaient satisfaction.

Elle ne comptait plus les peignes, achevés ou non, à deux dents, traditionnels ou plus fantaisistes, aux décors simplistes ou plus détaillés. Aucun ne seraient portés, elle-même n’était pas assez coquette pour s’en parer et les occasions étaient trop rares pour se permettre pareil luxe. Les outils que lui avait fournis Tsune lui avaient permis d’affiner ses tracés, les rendant plus subtiles, plus réalistes.

Le chat roulé en boule sur ses genoux, elle observait le lent ballet des pétales que la brise faisait voleter. Peut-être que la vie reprendrait avec les beaux jours. Peut-être…
Ria
Quelques jours de voyages pour tromper l’ennui grandissant. Quelques jours peu engageants. Peu de rencontres plaisantes, peu de gens à proprement parler. L’Otomo semblait s’être vidé de tout ce qui avait un peu d’esprit ou de charme. De toutes les rencontres, une seule lui restait en souvenir. Les autres s’effaçaient déjà. Sa mémoire lui faisait de plus en plus défaut et il était difficile de ne pas le laisser paraitre. Comme tout le reste. Comme ce sentiment d’abandon, ouvrant la brèche à tout ce qu’elle pouvait concevoir de néfaste.

Plus d’envie, plus de joie de vivre. Rien qu’une coquille vide se laissant porter au gré des courants. Himi d’abord, puis Tsune. Son monde se déchirait sans qu’elle puisse en retenir les lambeaux. Elle l’avait laissé poursuivre seul, au risque de le perdre définitivement mais c’était toujours plus vivable que de se heurter au mur qu’il avait érigé entre eux. Ce mur sur lequel elle se blessait depuis des mois maintenant. Elle avait fait une erreur, il n’avait pas pardonné. Elle en payait le prix fort.

Elle était rentrée au Tengu malgré tout, se cramponnant à des restes de souvenirs heureux. Pourtant, dès qu’il rentrerait, elle devrait partir. Il l’aurait remplacée, elle ne se faisait pas d’illusion. Elle n’avait jamais eu d’assurance, contrairement à bon nombre de femmes qu’elle avait pu rencontrer. Elle n’était rien et ne deviendrait pas d’avantage. Il ne lui resterait plus qu’à s’effacer définitivement et peut-être que le temps apaiserait cette douleur qui la dévorait un peu plus chaque jour. Peut-être…
Ria
[Retour à la case départ]

La vie suivait son cours aussi paisiblement qu’il était possible. Un peu trop peut-être. Kokura n’était plus que l’ombre d’elle-même et s’il n’y avait eut la présence d’Asami, Ria aurait prit l’initiative d’aller voir ailleurs s’il y avait un quelconque espoir de croiser âme qui vive.

L’arrivé d’un courrier avait bien faillit faire basculer irrémédiablement sa vie. Elle avait été partagée entre la douleur et la confiance, hésitant à passer de vie à trépas. Tout avait été réglé en moins d’une journée, il ne lui aurait resté qu’à léguer sa fortune. Pourtant, la confiance avait fini par prendre le dessus et Ria s’était décidé à transmettre le fameux courrier avec pour seule demande, la version de Tsune. Bien lui en avait prit, découvrant deux jours après que ses soupçons sur la véracité des faits avaient été fondés. Pire encore, elle avait eu la certitude que ça n’avait été qu’aux seules fins de la blesser. Basse vengeance d’une femme repoussée à qui Ria n’avait pourtant jamais rien fait. Elle avait eue une pensée pour la mise en garde que Tsune lui avait fait à Nakatsu quant à ses fréquentations mais n’avait pas osée la lui retourner. Il y avait déjà bien assez à régler et à discuter pour laisser place aux taquineries.

Le simple fait qu’il eut prit la peine de revenir à Kokura le temps de s’expliquer avait réussit à taire les doutes et les inquiétudes de Ria. Les sentiments n’étaient peut-être pas les mêmes mais le respect était toujours bien présent et ça lui suffisait plus qu’elle ne l’aurait imaginée. Il lui avait même laissé le chat pour qu’elle se sente moins seule lorsqu’il repartirait. Là encore elle avait été partagée entre l’envie de le retenir et celle de le laisser faire. Si cela permettait d’apporter les réponses qu’elle attendait, elle ne pouvait laisser passer l’opportunité. Et bien que cela lui en coûtât, elle s’était contenté de lui souhaiter bon voyage au moment du départ.

L’absence laissait le temps à la réflexion et le temps pluvieux persistant la maintenait le plus souvent à l’intérieur. Cependant, elle était sereine. Contrairement à ce qu’elle avait craint, elle n’avait pas eue d’accès de mélancolie et c’est même avec une certaine objectivité qu’elle s’était confiée un soir à Asami. S’il y avait bien une personne avec qui elle pouvait parler, c’était bien sa seule et unique amie. Celle qui savait si bien écouter et ne jugeait jamais. Parler lui faisait du bien, c’était indéniable. Elle l’avait déjà fait avec Tsune, lui avouant ses doutes et ses craintes qu’elle taisait depuis trop longtemps. Peut-être que si elle avait su parler de ces choses là avant, tout aurait été différent. Peut-être. Au final, c’était encore et toujours à elle que revenait la décision. Elle en avait prit conscience en discutant avec Asami. Tsune avait raison sur le fond, rien ne serait jamais plus comme avant. Cependant, tout n’était pas non plus perdu. C’était à elle à présent de faire un choix. Accepter sans autre conditions que le respect mutuel à défaut des sentiments partagés.

C’est ainsi qu’avait débutée leur relation il y avait bien longtemps à présent. Elle avait franchie la limite imposée en tombant amoureuse mais ça n’avait jamais été réciproque. De la passion, de l’affection mais guère plus et la passion avait finie par s’essouffler d’elle-même. Ne restait que le respect et un certain attachement. Mais rien de ce qu’elle pouvait éprouver elle-même. C’était une évidence qu’elle avait toujours repoussée mais qu’elle avait dû admettre. C’est peut-être ce qui la rendait si sereine aujourd’hui, elle savait où elle allait et dans quelle condition. Seulement, elle ne savait pas si elle réussirait à s’en satisfaire véritablement ni même si lui le permettrait.

Pour l’instant présent elle avait prit possession de la chambre de Tsune profitant de son absence, se contentant de la compagnie du chat qui ne la quittait guère. Elle aurait encore de quoi s’occuper jusqu’au retour de Tsune et Asami n’y était pas étrangère.
Ria
[Une heure, le facteur n'est pas passé... Ne passera t-il jamais ?]

Une semaine s’était écoulée et pas une nouvelle n’était venue briser un tant soit peu son isolement. Une semaine à s’épuiser à la carrière de Kokura jusqu’à la tombée de la nuit pour ensuite retrouver un lieu vide de vie. Enfin, vide, pas tout à fait. Le chat seul l’accueillait lorsqu’elle rentrait et lui seul encore lui témoignait un quelconque attachement. C’était toujours mieux que rien mais pas suffisant. L’absence d’Himi pesait chaque jour un peu plus et les quelques signes restant de sa vie passée ici n’arrangeait en rien le vague à l’âme de Ria.

Puis un jour elle avait vue entrer une jeune femme. Ria avait apprit que le navire qui devait ramener Nokina-san à sa famille venait d’être coulé dans le port de Kokura. La jeune femme avait survécus mais avait été séparé de son père et perdue tout ses biens. Ria l’avait aidé en lui fournissant de quoi s’acheter un repas et après une soirée agréable en sa compagnie ne l’avait plus revue depuis. Elle ne pouvait qu’espérer que tout aille bien pour la naufragée mais regrettait sincèrement de ne pouvoir faire plus pour elle.

Et la routine était revenue à la charge. Ou presque.

Elle n’avait pu confier ses doutes à Asami-san, pas sur le sujet qui la préoccupait réellement depuis quelques temps. Elle aurait bien été incapable de dire pourquoi mais c’était ainsi. Elle n’avait pas d’avantage pu en parler à Anzu-san alors que celle-ci lui avait fait la surprise d’une visite. Pourtant, ce jour là, elles avaient longuement échangés toutes les deux. Ce que la femme aux oracles lui avait confié n’avait pas aidé Ria à se sentir mieux mais au moins les choses avaient été dites. Et malgré tout, c’est avec un peu d’espoir bien que teinté d’appréhension, qu’elle avait fini par prendre le pinceau pour Lui écrire et lui avouer son état. Il n’y avait plus de doute possible.

Aucune réponse n’était parvenue depuis, ni même un retour qui aurait pu soulager l’attente malgré le fait qu’elle avait signifié que ce n’était pas impératif. Et l’attente se poursuivie, dans la monotonie d’une ville endormie avec pour seule occupation la gravure d’un petit lit de bois pour une amie.
Ria
[Dans toutes les larmes s'attarde un espoir.] (Simone de Beauvoir)

Elle avait promis d’attendre son retour, pourtant, il lui avait fallut quitter le seul endroit où elle s’était sentie chez elle. Les nausées avaient été violentes et incapable de s’occuper d’elle-même, elle s’était réfugiée auprès des nones du monastère. Les femmes aux cranes rasés n’avaient posés aucune question, se contentant de l’accueillir parmi elles et de faire en sorte que tout se passe au mieux. Elle y avait découvert un monde de silence et de paix intérieur. Forcée au repos, elle s’était laissé choyer sans résistance, se laissant baigner, coiffer et nourrir comme une enfant, pour finir par s’endormir, bercée par les sons étouffés si caractéristiques de l’endroit. Les jours passèrent ainsi, les cauchemars s’estompant peu à peu, son corps reprenant de la vigueur et son mal lui offrant enfin le répit espéré.

De nouveau sur pieds, elle s’efforça d’aider les nones dans les tâches qu’on voulait bien lui laisser, vivant au rythme du monastère, cherchant les réponses qui la taraudaient depuis qu’elle se savait porteuse de vie. Elle était bien loin de ses rêves de famille, loin des jours heureux où ils étaient encore trois, riant et partageant tout. Ironie du sort, cet enfant qu’elle avait tant désirée, lui arrivait alors que l’envie de vivre la quittait. Himi ne reviendrait probablement jamais de son séjour au sanctuaire et Tsune était parti, la laissant seule avec le chat, sans plus donner de nouvelle. De là était né son désespoir et l’envie de disparaitre.

Les échanges qu’elle avait eus avec Asami n’avaient pas réellement apportés les réponses escomptés. Comme elle s’y était attendue, son amie s’était contenté de respecter ses choix, ne condamnant ni l’une ni l’autre des alternatives qu’elle entrevoyait. Pourtant, au fil des jours qui suivirent, Ria avait commencé à douter de trouver solution dans la mort. L’enfant s’accrochait à la vie et la part d’elle qui voulait lutter prenait de plus en plus d’assurance. Elle avait prit le parti de l’attente mais peinait toujours à avoir foi en l’avenir.

Puis un matin, la nouvelle tant attendue était arrivée. Partagée entre la crainte et le besoin de le revoir, elle avait poussée la porte de la gargote. Elle l’avait attendue là. Ils avaient discutés longuement mettant les choses au clair, bien plus qu’elle n’aurait pu l’espérer. Toutes ses attentes ne seraient jamais comblées mais le plus important avait été dit et elle pouvait désormais se tourner vers l’avenir et accepter le nouveau rôle que les kamis lui envoyaient. Elle ne serait probablement plus jamais l’amante mais elle pourrait avoir la satisfaction d’être mère et c’est tout ce qui compterait dorénavant. Elle s’était retirée avec l’assurance de ne pas être seule ni abandonnée à son sort. L’enfant aurait un père quoi qu’il arrive.

Une nouvelle vie s’ouvrait à elle et pour la première fois depuis des semaines, elle se sentait vivante.
Ria
[Ces vagues des glycines
Que j’ai plantées dans mon jardin,
Pour en faire un souvenir de vous
Quand j’aurai par trop de nostalgie,
Voici qu’elles sont maintenant en fleur.
(Yamabe no Akahito)]




La chaleur était étouffante, l’air moite vous collait à la peau et les orages se déchainaient sans que la moindre fraicheur n’apaise la touffeur. Ces derniers jours avaient été pénibles pour Ria mais elle avait néanmoins réussie à avancer dans ses projets. Longtemps elle avait rêvée d’étudier la navigation et après des mois d’hésitation, avait fini par franchir le pas et se présenter à l’université d’Otomo. Son acceptation s’était faite sans mal et malgré le monde qui se pressait entre les murs de l’académie, elle avait pu suivre quelques enseignements. Le chemin vers la connaissance serait long mais cela lui importait peu, du temps, c’est tout ce qui lui restait à présent.

Kokura de plus en plus moribonde, n’accueillait plus que quelques rares voyageurs. Ne faisant que passer, ils ne restaient que rarement plus d’une nuit. Les gargotes vides n’invitaient même plus à s’attarder sauf en de rares occasions et plus rarement encore pour une soirée entière comme c’était le cas par le passé. Plus âmes qui vivent dans les rues du village. Même les cultures peinaient à trouver des bras pour les entretenir. Reflet de la déchéance d’un kuni qui s’était voulu fort et model pour le reste du nippon, oubliant derrière lui ses valeurs et ses traditions.

L’individualisme avait remplacé la solidarité et le partage. Surproduction et amoncèlement de richesses inutiles sans se préoccuper des conséquences. La mauvaise gestion, les pertes au niveau provincial avait eu raison des bonnes volontés. De fait, plus personne ne tendait la main à son voisin et chacun ne vivait plus que pour lui-même. Triste réalité de longs mois de guerre et luttes de pouvoir qui avaient fini par retrancher les gens chez eux. Était-ce mieux ailleurs ? Elle en doutait. La nature des Hommes était ainsi depuis la nuit des temps et elle doutait de voir un infime changement de son vivant.

L’annonce du départ de Tien l’avait fait sourire. Les rumeurs allaient bon train et presque toutes le désignait comme traitre. Pouvait-on seulement le blâmer d’avoir rompu ses chaines d’avec un kuni en perdition depuis bien trop longtemps à présent ? Il n’était pas le premier et ne serait pas le dernier à vouloir retrouver une liberté toute relative et un équilibre de vie qui faisait défaut de plus en plus souvent. On ne pouvait demeurer toute sa vie esclave d’une province qui se laissait aller à l’oisiveté, trop persuadée que tout était acquit. Peut-être le regretterait-il plus tard, tout comme elle, regrettait certains de ses choix.

Elle s’était perdue en chemin et le payait aujourd’hui, mais elle ne pouvait nier avoir pu prendre conscience des changements qui s’étaient opérés en elle ces dernières années. Sa curiosité pour la vie avait fini par se transformer en désintérêt et peu à peu, elle s’était enfermée sur elle-même, emprisonnant dans ses rêves de vie meilleure ceux qui lui était le plus cher sans se douter un instant qu’elle étouffait son petit monde. Réveil brutal mais pas sans intérêt. Tout était à reconstruire mais au moins avait-elle retrouvée une certaine harmonie. Et l’enfant à venir n’était pas étranger à ce renouveau.

Peu à peu son corps se transformait et si la découverte de la vie qui grandissait en elle avait soulevé des interrogations et des inquiétudes, voir des accès de désespoir, c’est sereinement à présent qu’elle observait son ventre s’arrondir, ses hanches s’élargir et cette poitrine si discrète auparavant, tendre le coton fin de son yukata. Elle n’aurait certes jamais les courbes avantageuses tant recherchées par les hommes mais elle avait acquit une certaine plénitude harmonieuse qu’elle ne cachait pas. Et peu lui importait qu’on la taxe de vanité, elle était fermement décidée à profiter des mois qui lui restait à attendre pour apprivoiser sa nouvelle condition.

Asami lui était d’une aide précieuse et ses conseils se révélaient bien utiles. Et puis, il y avait l’instinct, ce don que les kamis offraient aux femmes pour ces moments qui n’appartenaient qu’à elles. Elle aurait aimé partager ces choses là avec Tsune mais elle ne trouvait pas les mots qui auraient pu décrire les sensations et sentiments qui se bousculaient à mesure que l’enfant faisait sa place en son sein. Il n’avait pas semblé plus intéressé que cela lorsqu’elle lui avait fait découvrir son ventre naissant mais peut-être que le temps changerait les choses. Elle ne doutait pas qu’il saurait aimer cette partie de lui comme il avait aimé la petite Himi. Ils avaient un peu de temps avant la naissance pour trouver leurs marques et se familiariser avec leur nouvelle vie.

Et ainsi s’écoulait le temps entre les tâches ménagères, les cours à l’université et les soins qu’elle s’offrait, prenant le temps de vivre et de se reconstruire moralement, retrouvant peu à peu l’envie de vivre et de sourire.
Ria
[Boue
Qui s’écoule
S’éclaircit]
(Taneda Santôka)


Douceur de vivre malgré la chaleur accablante, village immobile, troublé seulement par le chant des criquets, berçant de leurs mélopées incessantes les âmes vagabondes. Ria profitait de la fraicheur relative des matinées pour s’occuper des corvées habituelles, gardant le Tengu dans un état de propreté impeccable. Repère immuable d’une longue habitude et d’un besoin d’activité dont elle ne pouvait s’empêcher bien que l’ayant réduite, fidèle à sa promesse d’être raisonnable. Tout comme elle ne niait pas découvrir ses limites à mesure que le temps passait, elle ne pouvait pas ignorer apprécier l’aide qu’on lui apportait pour tout ce qui était volumineux ou trop lourd.

Aux heures les plus chaudes, elle se réfugiait dans sa chambre, allongée, les mains sur son ventre, s’imprégnant des douces sensations de la vie qui se formait en elle. Il était encore trop tôt pour qu’elle puisse réellement sentir le moindre mouvement, cependant et sans pouvoir se l’expliquer, elle puisait un certain réconfort dans ce simple geste. Fille ou garçon, elle n’avait pas vraiment de préférence, elle souhaitait seulement que l’enfant soit en bonne santé. Pour le reste, Ria savait qu’il ne manquerait de rien, tout ou presque, était prêt pour sa venue. Sa seule inquiétude résidait dans son état de santé à elle. Elle ne pouvait s’empêcher de songer aux complications dues à sa faible constitution. C’était sa seule source d’anxiétés mais cela ne gâchait en rien son bonheur présent. Comment aurait-il pu en être autrement alors que les kamis lui donnaient un nouveau sens à sa vie ?

Et souvent, elle s’endormait en songeant à ce que serait l’avenir, le chat lové contre son flanc, la berçant de ses ronronnements. L’équilibre n’était pas encore tout à fait rétabli mais c’était en bonne voie. Il ne manquait que peu de chose pour que l’harmonie dont elle rêvait puisse enfin reprendre ses droits, mais ça, elle n’était pas la seule à pouvoir le décider. Le temps finirait peut-être par y remédier.
Akastuki
L'aube fatiguée peinait à s'étirer après cette longue nuit que les nuages ne semblaient pas vouloir céder à l'astre jour.

La journée ne serait que le prolongement d'une obscurité terrifiante, la pluie rien que les larmes d'une aurore sans sujets au royaume du soleil levant.

Akatsuki se levait avec elle, la déesse de la vie, qu'il saluait chaque matin par des prières de remerciement tel qu'en était l'usage parmi les siens, ou du moins parmi ceux qui le furent. Il s'était purifié au sanctuaire, avait médité aussi longtemps que le ciel pouvait flamboyer d'espoir, malgré les sombres nuages qui lui semblaient aussi lourd à porter qu'il ne l'était pour elle à tenir.

Il ne put oublier longtemps la douleur de la faim, il avait marché depuis plusieurs jours, s'était nourris de plantes, d'un lièvre pris au collet trop maigre et de quelques fruits volés dans le verger du village.

Il ne possédait rien, que la force de survivre, et de fuir. Peut-être trouverait-il quelques bonnes gens heureux à qui il ferait pitié, lui qui était jadis de l'autre côté de la main, donnant à la charité au temps des honneurs. Pourtant, il avait mal, mal de peur plus que d'orgueil.

Il était bien loin de Nagasaki, qui ici saurait reconnaitre un déserteur anonyme ? un fugitif sans poursuivant ? un meurtrier sans témoin ?

Pourtant, il avait peur.

Il choisi la première gargote venue, dans l'espoir d'y trouver de quoi manger, et au mieux nulle âme qui vive pour lui soutirer le sou qu'il ne possède pas. Le prix du pain est celui de la faim. Perdre la main pour ne pas perdre la tête, c'est peut-être un prix raisonnable. S'il n'y a personne, il sera un voleur et le tableau sera finis.

A cette heure, les villageois dorment encore, la pluie n'aime pas les réveils ... ou peut-être est-ce l'inverse !?

La porte ouverte n'annonçait rien de juteux, il passa sa tête dans l’entrebâillement et vit une femme qui dormait au milieu de la salle, à moitié renversée sur la table en face d'elle, comme une qui aurait dormis sans le vouloir, encore habillé de la veille.

Il s'imaginait à la place de la femme apercevant le museau d'un inconnu dépasser timidement de la porte comme un renard guettant l'arrivé du fermier.

Pétris de honte, mais de faim, il se décida d'entrer furtivement.
Ria
« Apprendre d'hier, vivre pour aujourd'hui, espérer pour demain. »
Albert Einstein


Des jours qu’elle n’avait vue âme qui vive. Des nuits que la chaleur étouffante la contraignait à un sommeil agité et entrecoupé. L’ennui refaisait surface et avec lui ses bonnes résolutions vacillaient. Si son ventre ne s’était pas tant arrondi au cours des dernières semaines, elle aurait cédée à la tentation et serait partie sur les chemins.

Au lieu de ça, elle s’occupait comme elle le pouvait avec les maigres distractions que lui offrait la vie. Les cours à l’université étaient peu nombreux et lui laissait assez de temps pour coudre, nettoyer ou encore travailler sur les peignes qu’elle avait négligée un temps. Même son visiteur avait cessé d’attiser sa curiosité. Trop entreprenant, il n’avait réussi qu’à la conforter dans son refus de lier sa vie à un autre homme. Comment l’aurait-elle pu, alors que l’absence produisait l’effet inverse de ce qui avait été voulu ? Le manque se faisait ressentir un peu plus cruellement à mesure que les jours passaient et aucune occupation n’arrivait à atténuer les sentiments qui la préoccupaient.

Son manque de sommeil venait en parti de là et les longues marche sur le bord de mer n’apportaient plus que fatigue. La sérénité s’en était allée.

Ce jour là, elle s’était levée bien avant que le soleil ne fasse son apparition, errant d’un bout à l’autre du bâtiment avant de finalement s’assoupir sur le coin de sa table de travail. Ses peignes et autres réalisations représentaient de plus en plus ses propres peurs et ses cauchemars sans que pour autant cela les fassent disparaitre.

Un léger bruit la tira de sa somnolence, la faisant se redresser et chercher la provenance, imaginant d’avantage avoir à faire au chat plutôt qu’un visiteur aussi matinal.

Pourtant c’est bien un homme qu’elle vit se faufiler par l’entrebâillement du panneau. La chevelure lui rappela celui dont elle pleurait la perte mais la similitude s’arrêtait là. Défroissant doucement son kimono, elle le salua d’une légère inclinaison.


Konnichiwa honorable visiteur.
Akastuki
L'homme rentra prudemment, sentant le poids du déshonneur peser un peu plus à chaque pas. Il lui fallait traverser la pièce pour atteindre l'arrière salle. Il n'avait aucun plan, si ce n'est celui de l'improvisation.

Pourtant loin de la jeune femme, Akatsuki vit dormir avec elle quelques outils de taille qu'il connaissait bien, des morceaux de bois et divers petites constructions plus ou moins achevées.
Intéressé par ses ouvrages, il en oublia le but de sa visite et resta quelques minutes à observer la scène qui somnolait devant lui.

Mais quelques grognements de ventre lui rappelèrent rapidement sa nécessité. Il avança à peine, qu'une lame de plancher grinça.

Stupéfait, il n'osa bouger plus avant, stoïque comme une statue dans une position grotesque.

" S'ils me voyaient ainsi, mes anciens élèves, il auraient honte d'avoir appris de moi quelques savoirs ! " pensa-t-il.

Les secondes passaient avec une lenteur dégoutante, la pluie martelant le pas d'entrée - il n'avait pas refermé la porte - lui donnait la mesure.

Mais puisqu'elle ne semblait pas se réveiller, il se remit en mouvement.

Deuxième pied, deuxième grincement.

Cette fois, la jeune femme bougea, son souffle s'altéra, ses mains s'éveillèrent et Akatsuki s’éteignit, retint son souffle, resta immobile.

Elle passa sa main sur son kimono, salua et lui dit :

- " Konnichiwa honorable visiteur "

Akatsuki riait intérieurement, car d'honorable, il n'avait même plus le nom, et encore moins l'allure.

Que faire ? Fuir comme un rat ou ...

- " Konnichi wa "
Ria
Si elle paraissait surprise de la présence de l’homme, lui ne donnait pas l’air d’être mieux. Pourtant, lorsqu’on entrait dans ce type d’établissement, on devait s’attendre à trouver quelqu’un prêt à accueillir et servir. Du moins, pensait-elle ainsi pour sa part. Un voleur ? Il n’y avait rien de valeur ici et les clients étaient trop rares pour qu’il y ai un quelconque intérêt pour les kobans.

Observant l’homme avec attention mais sans trop d’insistance, elle nota que la pluie battait son plein et l’allure misérable du visiteur la renseigna assez sur l’état de sa bourse. Non pas qu’elle accorda plus d’importance à l’apparence qu’à l’individu lui-même mais ça orientait sur les besoins et ce qui poussait les gens à entrer ici.

Lentement elle se leva, réprimant une légère grimace sous les protestations de ses muscles endoloris par la position inconfortable où elle s’était assoupie. Une chance que celui qu’elle surnommait « sa nourrice » ne l’avait pas surprise ainsi, sans quoi elle aurait été bonne pour une réprimande. L’idée la fit sourire intérieurement.

Elle passa derrière le comptoir et s’affairant à préparer du thé, elle s’adressa à l’homme :


Bienvenue au Tengu. Je suis Ria. Que puis-je pour vous ?
Akastuki
Honte. Le mot virevoltait dans sa tête, perçait sa poitrine et lui courbait le dos.

Lui qui avait suivi la Voie de l'honneur fut un temps. Lui qui été promis à un avenir radieux, il était là, dégoulinant, sale, sans le sou ni la moindre politesse devant son hôtesse. Il était telle une bête à moitié sauvage, coincé entre l'homme et l'animal.

- " Ojama shimasu* "

Akatsuki s'inclina et réajusta son pauvre kimono souillé de terre, mouillé et puant pendant qu'elle se rendait au comptoir.

" Maintenant je vais en plus devoir mendier mon pain. " Se disait-il. " Shayou, ne me regardez pas !. "

- " Bienvenue au Tengu. Je suis Ria. Que puis-je pour vous ?"

Akatsuki resta d'abord silencieux, pensif. Il ne savait s'il devait s'installer comme un client normal, où s'il devait d'emblée lui quémander de quoi se nourrir. Finalement il s'en remit à l'honnêteté :

- " Excusez moi, je suis une humble vagabond. Je n'ai pas de quoi payer, j'ai faim et je suis trempé. Alors je vous le demande, en effet, que pouvez vous pour moi ? "

Sa voix était douce et calme, comme à son habitude.


______________________________________________________________


Citation:
* formule de politesse quand on entre quelque part, une façon de demander pardon pour le dérangement
Ria
Il n’était pas nécessaire de réfléchir longtemps quant aux besoins de l’homme devant elle. Tout en lui criait le manque et sans un mot de plus elle lui désigna un endroit où s’asseoir avant de lui apporter un bol de thé fumant, accompagné de galettes de riz au miel.

Elle ne pu réprimer un haut le cœur quand l’odeur du vagabond vint titiller son odorat mis à mal par sa grossesse. Il n’était pourtant pas le premier et ne serait certainement pas le dernier à se présenter de la sorte. De fait, elle n’avait manifestée aucune surprise ni même dégoût lorsqu’elle l’avait découvert ruisselant sur les tatamis. Les temps étaient difficiles et bon nombre de gens en souffraient.

S’inclinant légèrement, elle le laissa profiter du frugal repas qu’elle avait à lui offrir sur l’instant. C’était peu de chose mais nul doute qu’il y puiserait un peu de réconfort.

Malgré la pluie incessante, la chaleur demeurait. Sans autre bruit que le léger frottement de son kimono, elle alla ouvrir les panneaux donnant sur la petite terrasse entourant la gargote. S’abimant un instant dans la contemplation des arbres ruisselants, une main caressant doucement son ventre rond, oubliant un court moment l’homme derrière elle.

Elle aimait particulièrement ces moments de calme apaisants.

Abandonnant son observatoire, elle retourna derrière son comptoir, jetant un œil discret sur l’homme qui ne s’était pas présenté autrement qu’en simple vagabond.


Si vous cherchez du travail, la carrière de pierres embauche des journaliers. Le salaire est un peu plus intéressant qu’au sanctuaire mais le travail y est également plus difficile.

Marquant une légère pause, elle chercha une façon de proposer son aide sans froisser l’homme en le mettant face à son indigence.

Quant au logement… Je peux éventuellement vous proposer une chambre ici-même contre quelques menus travaux le temps que vous trouviez à vous installer chez vous.
Akastuki
L'homme s'agenouilla en silence. Cachant sa joie, il reçu avec beaucoup de politesse les mets de la jeune femme et le thé réconfortant. Il mangeait lentement, délicatement et toujours sans dire un mot, sinon des formules sincères de remerciement, mais ce n'était pas un de ces silences tonitruants qui vous accablent les oreilles. C'était le silence du respect. Elle de l'accueillir sans poser de questions, lui de recevoir sans rendre de compte.

Akatsuki savourait son repas tandis que la jeune femme déambulait et restait à ses pensées, regardant au dehors comme elle regarderait à l'intérieur d'elle même.

Il vit pour la première fois qu'elle était enceinte, il observa sa silhouette sans la moindre malice que celle d'évaluer l'âge approximatif du futur enfant.

Retournant vers le comptoir, elle lui dit :

- " Si vous cherchez du travail, la carrière de pierres embauche des journaliers. Le salaire est un peu plus intéressant qu’au sanctuaire mais le travail y est également plus difficile. "

Travailler à la mine, c'est bien une chose à laquelle il n'aurait jamais pensé. Travailler même, lui était une idée absurde, pour quelqu'un de son rang, ou du moins du rang qu'il était avant ... les évènements des derniers jours.

Il savait pourtant qu'il lui faudrait dorénavant payer le prix de la vie.

- " Quant au logement… Je peux éventuellement vous proposer une chambre ici-même contre quelques menus travaux le temps que vous trouviez à vous installer chez vous. "

Il n'avait pas le projet de s'installer, en fait, il n'avait le projet de rien, si ce n'est d'échapper à la justice, et au sepuku.

Mais pour le moment, il ne pourrait aller bien loin sans argent. De plus, l'hospitalité de la jeune femme méritait bien cet effort. Il n'avait pas vraiment le choix.

- " Je vous serais reconnaissant pour vos bons soins Ria-san. Je me permet une fois de plus de vous remercier pour le bon repas que vous m'avez servi là. Quant à la chambre, j'accepte avec plaisir, surtout si vous avez de quoi se laver dans votre établissement. "

Akatsuki sourit gêné, ne se supportant pas lui même.

- " J'adresserais une prière spécial en votre honneur aux Kamis. "

Akatsuki se leva et se dirigea vers la porte d'entrée. Se retournant une dernière fois il dit :

- " Je me nomme Akatsuki, ce fut un plaisir de faire votre connaissance. Je m'en vais de ce pas m'affairer à rendre ma dette. A ce soir. "

L'entrevue n'avait duré que quelques instants, les présentations furent sommaire. Mais chacun en savait pourtant bien plus qu'il ne pouvait paraître l'un sur l'autre. Il été arrivé voleur et fugitif, maintenant il était déjà travailleur et habitant.
Ria
Qu’ajouter à cela ? Rien. Tout était dit ou presque. Du moins avaient-ils pu se jauger mutuellement. Toute discrète et effacée qu’elle pouvait paraitre, elle n’en observait pas moins les gens qu’elle côtoyait. Elle ne prétendait pas les juger au premier coup d’œil, mais il fallait reconnaitre que les premières impressions aidaient grandement à se faire idée de qui on avait à faire. Elle en était arrivée à la conclusion que l’homme n’était pas seulement le vagabond qu’il disait être. Trop poli et ses manières reflétaient une certaine éducation quelque peu incongrue en rapport à son apparence. Elle se garderait cependant de le questionner ouvertement. Après tout, cela ne la regardait en rien et si l’homme savait se tenir et n’apportait pas d’ennuis, c’était tout ce qui importait.

Elle esquissa un sourire à l’évocation d’un bain. Ce ne serait certes pas un luxe et les vêtements de l’homme n’en méritaient pas moins. A défaut de leurs rendre leur prime jeunesse, au moins seraient-ils propres.

Elle s’inclina légèrement sur ses dernières paroles et le salua alors qu’il partait.


Ne vous inquiétez de rien. Tout sera prêt à votre retour. Que les kamis veillent sur vous.

Elle le regarda s’éloigner un moment puis s’occupa de débarrasser le plateau qu’elle lui avait servi plus tôt, notant le soin avec lequel tout avait été reposé en ordre. Au moins n’avait-elle pas à craindre pour l’ordre et la propreté à laquelle elle consacrait son temps ici. Puis, pour la seconde fois en quelques jours, elle nota le nom de l’homme dans le registre, précisant la chambre occupée et l’arrangement fait pour le loyer. Il était plaisant de retrouver un peu de vie au Tengu, même si cela voulait dire qu’elle aurait un peu plus de travail pour les jours à venir. Au moins ne souffrirait-elle plus de l’ennui et du désœuvrement.

La matinée s’écoula au rythme de ses corvées, sans se douter un seul instant que l’après midi lui apporterait deux locataires de plus. Le Tengu n'aura jamais été autant fréquenté depuis longtemps et ce, pour le plus grand plaisir de Ria.
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