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[RP] « Changer de lit guérit la fièvre* »

Eliance
À trop tirer sur une corde, elle se rompt. Oh, pas de suite, non. Tout un processus se met en place. On tire, on tire, les mains s'égratignent, les muscles se crispent, les tendons s'échauffent, puis la corde se met elle aussi à souffrir. Elle s'use. Elle s'effiloche, pour peu à peu devenir moins coriace, moins résistante. Et c'est sans s'en rendre compte qu'elle cède brusquement. Eliance a trop tiré, trop abusé du temps d'effilochage. Elle est entrée dans la phase où elle peut rompre à tout moment. La phase critique qui hurle qu'elle doit s'arrêter maintenant.

L'aube s'est levée sur une Ménudière incapable de se lever de sa paillasse. Incapable de s'enquérir de l'état de santé de son Italien. Incapable d'aller préparer un déjeuner aux jumeaux. Incapable ne serait-ce que de battre des cils convenablement. Elle est allongée. Elle est seule. Elle a pris une autre chambre, avec les jumeaux, pour ne pas troubler Diego et son repos. Les jumeaux sont sortis seuls, d'ailleurs. Elle ne les entend pas jouer. Depuis que ces montres-là savent marcher, la course-poursuite est devenue le quotidien des Corellio. Aujourd'hui, personne ne leur courra après. Personne les ramènera par les oreilles, l’œil pétillant de colère (c'est bien Eliance qui fait ça, Diego étant toujours du côté admiratif de ses merveilles, quoiqu'elles fassent).

Elle est allongée et n'est plus elle-même. Sa tête s'est transformée en un fouilli de pensées fourmillant trop densément pour que son cervelas suive le choc. Tout son être est souffrance. Ses rêves, ses membres et surtout ce bras qu'elle préfèrerait ne plus sentir du tout. L'eau s'évapore de son corps à une allure fulgurante, trempant son front, collant les petites mèches sauvages à sa peau. Rester éveiller est un combat à chaque clignement de paupière. Et pourtant, elle sent qu'elle va sombrer si elle ne combat pas. Alors elle lutte avec elle même.

Dans un ultime effort, elle s'est levée et est allé s'installer devant la table où trônent les papiers et le crayon qui lui permettent de s'évader auprès de ses amis. Dans un ultime effort elle doit écrire, appeler à l'aide. Il le faut. Ils ne tiendront pas tous seuls, dans cet état-là, avec tous ces enfants.

La main est tremblante, mal assurée. Le crayon glisse sur la moiteur de la peau. Mais elle s'obstine à tracer les mots. Un à un. Des mots pas droits, pas beaux. Des mots qui appellent à l'aide.


Citation:
    Mary...

    Viens. S'il te plaît.
    Ça va pas.
    Je peux plus m'occup... des jumea...

    El...


Les mots se finissent pour la plupart par des traits qui mangent les dernières lettres, transformant la graphie habituelle de la Ménudière. De la chaise, elle peut se pencher pour ouvrir la porte et hèle un marmot qui passe dans le couloir.


Hé ! toi ! Amène ça à l'aubergiste. Dis-lui qu'il l'envoie pour moi. Il te fil'ra un quéque chose.

Le pli est confié et Eliance reste sur sa chaise, bien incapable de s'en retourner à sa paillasse. Elle s'endormira, assise, le bras douloureux. Et ce n'est que plus tard qu'elle aura le courage de traverser la sieste pour rejoindre sa couche.

À trop s'occuper des autres, elle a oublié ses plaies à elle. À trop s'occuper des autres, elle n'a pas refait ses bandages. À trop s'occuper des autres, elle ne s'est pas aperçu de l'infection qui gagne son bras. À trop s'occuper des autres, elle n'a pas pensé qu'elle aussi pourrait être terrassée.



* Thomas Fuller

_________________
Maryah


Samedi 6 Septembre de l'an de grâce 1462 ... MONTPENSIER


Soirée de franche rigolade en taverne. Percy raconte comment il se battrait contre un dragon, comme dans l'histoire de Sullyvan. Debout, au milieu de la grand salle de l'Auberge, il fait le spectacle, virevoltant de ci de là, les clients et voyageurs se gaussant de ce petit être qui se prend pour un Chasseur de dragons. Sullyvan lui a même prêté sa cape, bien trop longue, dans laquelle l'enfant s'est pris les pieds à deux reprises, manquant de s'étaler au sol. Et c'est l'hilarité générale.

De temps à autre, un habitué entre, boit et profite de l'amusement. Sauf que l'enturbanné qui entre sèchement n'est pas inconnu à Maryah, qui sent de suite qu'il y a un problème. Tapotant le bras de Sully, elle murmure :


L'homme du désert là ... j'le connais. Un ami ... Y a un souci ... Vous veillez sur Percy un instant siou plait ?

Elle se fraie un chemin au milieu des tablées et vient accueillir son vieil ami Sal. Un message urgent, dit il. Qui ne pouvait pas attendre. A quoi s'ajoute un :
- N'y va pas Apeau' ... ça peut être un piège. Ils t'ont déjà coincé en Savoie, ils le referont.
Maryah regarde le semblant de missive. Son cœur se serre, le sang dans ses veines s'affole, son regard se noircit, ses poings se contractent en un mouvement de rage.
Eliance ... la jolie Rousse ... Merdeuuuhhhh elle lui avait dit de faire attention ... Et les deux jumeaux. Comment ne pas porter secours ? Comment ne pas prendre tous les risques ? P'tain d'Italiens, et p'tain d'Impériaux.

Maryah rameute Sal à la tablée, elle explique la situation à Sully. Les cartes du Royaume sont étendues, lues avec attention, les calculs et les plans commencent, alors que Percy entame un recueil de chanson, debout sur le comptoir. Maryah l'observe un long moment. Percy ... elle ne peut pas l'emmener en Empire. Jamais. Trop de pourris, trop de traitres qui seraient bien heureux de s'en prendre à un gamin, et Sal le lui rappelle, son point faible. Elle doit le laisser à quelqu'un de confiance, et là c'est comme une évidence : Torvar. Percy voulait le voir, lui dire des choses, il en aurait tout le temps.
Cela lui éviterait également d'éviter de mettre le cosaque au courant, dans un premier temps. Elle se rappelle qu'il ne veut plus entendre parler de la Rousse. Mais là ... c'est une question de vie ou de mort ... Et en se pointant avec les jumeaux, deux bébés qui n'ont rien demandé à personne, elle doute que Torvar lui claquera la porte au nez.

Les préparatifs s'esquissent de plus en plus, de mieux en mieux :
Elle ira à la rescousse d'Eliance, l'enlever elle et les enfants,
Elle s'assurera d'appeler un médicastre pour Diego et les autres amis ; Sarah lui en voudrait si elle ne portait pas secours à Diego, il lui fallait y songer.
Percy restera sous la bonne surveillance de Torvar,
Il ne restait plus qu'à trouver des alliés.

Sal dit qu'il en était, il ne voulait pas que Maryah se retrouve face aux impériaux, sans bonne protection. Sully en était aussi. Maryah ajouta qu'il fallait faire vite, qu'elle avait quelques mauvaises connaissances en Orléanais qui pourraient aider. Ceux là même qui avaient démoli le portrait à Niallan. Sully enchaina, il avait aussi des connaissances là bas. Et ils allaient pouvoir être là très rapidement, grâce à la navigation. Un foncet, 8 places. Les calculs étaient vite fait.

Maryah lança un regard tendre et reconnaissant, tapotant la main de Sully, qui venait de réduire considérablement le temps d'intervention. Dans deux jours, rendez-vous à Nevers avec l'équipage. En une journée et demi, ils seraient à Montbrisson. Une nuit pour rejoindre Lyon, avec les meilleurs chevaux qu'ils trouveraient. Encore 8h de bateau pour rejoindre Belley. Et une nuit, un jour pour joindre Annecy. Enlèvement d'Eliance et des jumeaux. Sal se chargerait des soins, à sa façon ... . Le soir même, il leur faudrait refaire le chemin à l'envers. Pas plus d'une semaine aller-retour, pour mettre Eliance en sécurité chez Torvar, et lui donner les soins nécessaires. Quant aux jumeaux ... ils trouveraient bien sur Nevers, une nourrice en mesure de leur dire comment s'occuper de bébés. Car personne dans le groupe n'avait l'air au courant, Maryah précisa qu'on lui avait retiré Percy à la naissance, et qu'elle l'avait retrouvé à l'âge de 5 ans. A moins que Torvar ne sache ... il avait eu des filles lui.

Chacun envoya son lot de missives. La nuit fut alcoolisée, et les deux hommes tentèrent de rassurer Maryah, qui se rongeait les sangs. Et si elle arrivait trop tard ? Et si elle échouait ? Et si Eliance mourrait, alors qu'elle lui avait dit qu'elle pourrait toujours compter sur elle !
Le lendemain, les volatiles apportèrent un lot de bonnes nouvelles. L'équipage était disponible. En plus d'eux trois, il y aurait 4 autres hommes. Deux chargés de garder le navire, deux qui s'occuperaient des chevaux et d'assurer les arrières des autres.

Tout ne serait que question de temps !





Lundi 8 Septembre de l'an de grâce 1462 ... NEVERS


Maryah n'avait pas voulu faire de halte. Grâce à la charriote de Sully, ils se relayaient toutes les deux heures et elle avait pu un peu dormir. Arrivée à Nevers, elle se renseigna sur la demeure d'un certain Cosaque, Torvar, installé depuis peu. On le lui indiqua bien gentiment. Le village se réveillait peu à peu. Elle avait acheté des petits pains et de la brioche, réveillé Percy en lui disant qu'enfin ils arrivaient.
Elle avait demandé à Sal et Sully de se prendre une chambre d'auberge, de se reposer, qu'elle viendrait les rejoindre ce soir, et qu'ils partiraient.

Mais elle avait besoin de sa journée de retrouvailles avec le Cosaque. Elle avait besoin de l'étreindre, de le voir jouer et rire avec Percy, et de trouver les meilleures conditions pour lui demander de le garder quelques jours. Elle trouverait bien à prétexter quelque chose. Elle ne lui dirait pas de suite le motif. Elle pourrait toujours faire croire à une affaire à régler en Franche Comté.


Regardant les hommes partir, elle serra plus fort la petite main entre les siennes. Allez, montons sur Zéphyr, on va voir si ton Chevalier nous reconnaît !

L'enfant et sa mère montèrent à cru, besace en cuir de chaque côté ; ils s'arrêtèrent devant l'endroit indiqué, et Maryah tira légèrement sur les rênes, pour faire hennir Zéphyr. Puis elle héla, alors que le cheval trépignait d'impatience, en frottant les sabots au sol et en remuant sa crinière :

Y a t-il un Chevalier du nom de Torvar icelieu ?

Et de rire devant la même impatience que manifestait Percy, tentant de se tenir bien droit et de gonfler le poitrail comme le Cosaque lui avait appris. Son regard pétillait, et il était à l'affût du moindre cheveux argenté qui pourrait, qui devait apparaître.
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Torvar
La Bourgogne. Voilà où était posé le cosaque depuis quelques semaines. Il avait décidé de se couper du monde, de ceux qu’il connaissait de près ou de loin. Il était fatigué… non usé. Usé de protéger les autres et de se protéger lui-même contre toutes les folies du monde, les intrigues, les guerres, les contrats ou les broutilles que chacun venait lui confier... D’ailleurs il n’était plus tout jeune et à l’aube de cette vieillesse qui étendait son manteau sur sa vie il devenait de moins en moins conciliant. Et puis, à force de tirer sur la corde, il n’avait plus rien à offrir…

Donc la Bourgogne l’avait accueilli. S’offrant une petite bicoque, ni trop délabrée, ni trop grande, pour y vivre et y voir grandir son cheptel de chevaux, Torvar s’était même mis à la culture. Il aurait été étonnant pour les gens qui le connaissaient de le voir ainsi mais finalement, les cosaques lorsqu’ils n’étaient pas sur les chemins à guerroyer, ils étaient de bons propriétaires terriens. C’était donc dans cette optique qu’il avait pris quelques champs pour accroitre son besoin de s’attacher à cette terre qui l’accueillait. Alors chaque matin, il se levait à l’aube afin de faire le tour de sa propriété puis venait le temps de son entrainement. Il en avait besoin. C’était ainsi qu’il vivait depuis des lustres alors en changer ce n’était pas aujourd’hui. Donc, torse nu, son épée à la main, il s’était installé en plein milieu de l’un de ses champs pour mieux s’adonner à ses exercices. Même si sa main avait de plus en plus de mal à maitriser avec fermeté certains mouvements, Torvar ne s’en sortait pas si mal. Et il faisait ainsi illusion, du moins il l’espérait.

La matinée s’était donc étirée en longueur, lui offrant quelques heures de travail difficile et différent. D'ailleurs, après l' entrainement, le vieux cosaque avait été couper du bois et Torvar ne s’arrêtait que pour reprendre son souffle lorsqu’il sentait la fatigue venir lui vriller les muscles. Mais rester vif dans n’importe quel cas lui sauverait sans doute la vie un jour même sur ses vieux jours. Les démons du passé peuvent facilement venir vous hanter et de ça, Torvar ne voulait pas se laisser surprendre… mais quand on parle de passé, il peut surgir n’importe quand et ce fut ce jour-là qu’il arriva en la personne de Maryah et de son fils. Cette voix, il l’aurait reconnu entre toute et ce fut une hache sur l’épaule qu’il arriva au milieu de la cour où l’attendait la jeune femme perchée sur Zephyr accompagnée de Percy. Si le cosaque sourit au gamin, il se ferma en plongeant son regard dans celui de Maryah. Ça faisait des lustres qu’ils se côtoyaient et dernièrement, elle lui avait écris quelques mots qu’il n’avait pas voulu entendre et encore moins assimiler. Il ne voulait pas qu’elle l’apprécie et encore moins qu’elle éprouve quelque chose pour lui. Quand lui il avait ressenti les affres de la jalousie lui indiquant qu’il était sans doute prêt à se laisser envahir par quelques sentiments pour elle, elle l’avait refoulé avec perte et fracas en disparaissant de sa vie et en allant chercher bonheur ailleurs… Il n’en fallait pas plus au cosaque pour faire une croix sur une éventuelle idylle. Maryah restait quelqu’un qui allait et venait dans sa vie mais jamais il ne lui offrirait une place dans son cœur autre que celui qu’il avait décidé. Point final pour cette histoire. Mais aujourd’hui, ce n’était pas à elle qu’il offrirait son attention. Elle lui avait aussi écrit que Percy voulait lui parler à lui et à personne d’autre alors il serait présent pour le gamin. Après tout, ça ne mangeait pas de pain que de tendre l’oreille et de lui faire profiter de quelques conseils masculins parce que sa mère ne pouvait pas tout lui apporter. Le cosaque donna un coup d’épaule pour faire basculer la hâche qu’il avait sur cette dernière puis la planta dans un billot de bois vers l’entrée de la demeure.

Levant la tête à nouveau vers la mère et le fils, Torvar tendit la main afin de caresser l’encolure de Zephyr avec amour. L’animal semblait en bonne santé et ne reculait pas devant cette main qu’il avait déjà rencontrée. C’était tout à l’honneur de Maryah qui n’était pas particulièrement à l’aise avec les chevaux mais qui faisait de son mieux pour son fils… Reprenant le cours de ses pensées, il se mit à leur répondre.

- Chevalier je ne sais pas mais un vieux fermier, surement…

Tendant la main à Percy, il l’aida à descendre du dos de Zephyr.

- Et bien jeune dompteur, on dirait que tu as encore grandi depuis la dernière fois qu’on s’est vu… mais que viens-tu faire par ici avec ta mère ?
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Une idée, une envie d'un RP ? N'hésitez pas, je ne mords pas.
Maryah
Une journée qui commence mal, finit mal ... Il faut se le dire.

Il est là. Elle le scrute un long moment. Chevelure argentée, torse nu marqué, hache à l'épaule. Par Déos, qu'il est sensuel le Cosaque quand il évite de parler. Et Maryah déglutit bruyamment, regardant la vision s'approcher.
Arrive le moment où elle croise son regard, et là, elle comprend. Oui, elle comprend qu'il va lui falloir serrer les dents, l'homme s'est refermé ; elle pourrait même penser qu'il lui en veut. Peut être d'être là, ou ... non, Maryah reste persuadée que Matvei a dit des choses sur elle, choses qui semblent avoir mis Torvar dans une rage froide à son égard. M'enfin, c'est pas le premier à la détester, et déjà elle se prépare à entendre le pire : qu'elle n'est pas une vraie femme, qu'elle n'est pas une bonne mère, qu'elle ne sert à rien, qu'elle doit rester loin de lui et bla bla et bla bla.

Elle le regarde tendre la main à Zéphyr, et elle serre les dents quand elle voit, SON petit bonhomme, s'accrocher au cou du Cosaque et l'étreindre. En fait, elle ne sait pas duquel elle est la plus jalouse en ce moment même. Elle sait qu'elle ne suffit pas à Percy ; elle sait aussi qu'il lui en veut de ce départ de Sarlat, et de ses absences sur les routes, quand elle va à la mine ou chez les paysans pour gagner leur croûte. Et il lui en veut de ne pas vouloir accepter qu'il apprenne à se battre. Les enfants ... Humpf.
Bref, elle descend donc seule du cheval, faisant gaffe à pas se ramasser comme la dernière fois où elle a voulu faire sa maline, et passer sa jambe par devant ... et les laisse un moment à leurs retrouvailles. Il faut dire que Percy est intarissable ... du genre :


Hé bah je suis venu te voir. T'avais dit que je m'occupe bien de Zéphyr et que tu vérifierais et que je pouvais venir de voir quand je voudrais et ... oui je deviens fort ... et Zéphyr il écoute trop bien ... même que je lui ai appris à faire le mort ; c'est rigolo il roule sur le côté et il bouge même pas ... je te montrerai ... mais maman elle veut pas elle dit qu'un jour il va écraser quelqu'un parce que il se laisse tomber pour de vrai ... mais maman elle a peur de tout ! Toi aussi t'as grandi ... vient voir ta hache ... han c'est trop bien ... tu m'apprendras ? Tu sais maintenant je sais lire et écrire les lettres jusqu'à Z. Et j'ai fait un dessin de Vorobei et Zephyr et j'ai écrit leur nom. Et j'ai une épée en bois. Et je sais faire des petits gâteaux, c'est trop bon. T'as un four toi ? Je t'en ferai. C'est maman qui m'a appris et tu voudras plus nous quitter. Toi t'as une femme maintenant que t'es installé là ... Hannnnnnnnn c'est Vorobei !!! Mon frère !!!

Ouf ! Maryah l'adore vraiment ce cheval. Il a la capacité, que dis-je le pouvoir, d'interrompre l'enfant en pleine phrase. Hallelujah ! Déos est un cheval blanc à n'en pas douter ! Sauf que ... hum ... mauvaise idée que de les laisser seuls, Maryah et lui.
Petit sourire gêné de Maryah, contre regard glacé du Torvar.


Bien ... hé bien ... désolée pour tout ça ... je crois que tu lui manquais vraiment ... Et puis il est bavard et ... il a envie de te montrer comme il a bien fait les choses ... depuis ton départ. ... Et voilà Zéphyr qui a bien grandi aussi, on peut l'mettre au repos ?

Répliques cinglantes du Cosaque. Torvar gagne par KO. Maryah serre les dents. Vous savez, y a tous les ingrédients pour faire une jolie scène romantique, le Sauveur cosaque un peu sauvage, le Cheval blanc, la belle exotique sortie d'un conte des mille et une nuit. Et ça capote. Rien à faire. ça part en c... non justement, ça part en vrille. Il a la rage contre elle, mais elle insiste se disant qu'un jour ça passera, et qu'ils n'ont pas vécu tout ça ensemble pour "ça". Il l'ignore mais il est son repère, son phare, son seul endroit sécure en ces royaumes. Les hommes ne voient jamais rien, classique.

Sans un mot, elle le suit à l'enclos où l'enfant cajole un Vorobei plus que compatissant. Ce Percy est un magicien du cœur, et elle s'attendrit devant leur soi disant "bisous". Torvar s'occupe de Zéphyr, puis attire Percy et lui présente Snih. ça veut dire neige, dit il et l'enfant déblatère tous les mots de russe dont il se souvient, faisant rire Maryah. Complétant la scène, il ouvre sa chemise et dévoile son petit torse sur lequel il a fait une trace, comme la cicatrice de Torvar, en écrabouillant des baies en forêt. Elle sait qu'il ne faut pas, mais elle éclate de rire quand même, déclenchant le regard boudeur et mécontent du petit bonhomme.


Mais Môooomannn ... tu rigoles pas ... quand j'serai grand je serai comme Torvar ... hein oui ?!

Elle se retire un moment, se faisant houspiller de tous les côtés. Mode retraite. Elle observe la maisonnée, les écuries, le terrain. Elle les regarde, eux. Le grand, le petit. Une complicité comme s'ils ne s'étaient pas quittés. Cœur en vrac. Et pourtant, elle devrait se réjouir pour Percy, elle devrait remercier Torvar. Mais si elle le fait, elle va s'en prendre plein la tête, que c'est parce que justement elle est une mauvaise mère, que Percy vient vers lui et patati et patata, alors elle ne dira rien. De toute façon, ce soir, elle s'en va. Ils s'en vont, vu l'accueil glacial et les remarques déplacées de Torvar.

Alors, elle revient à la charge. Et à peine a t-elle rejoint Torvar et Percy, que ce dernier se précipite dans la maison. A croire qu'il fait exprès de les laisser ensemble ! Flûte !
Elle demande si Percy a confié à Torvar ce qu'il voulait, il dit que non. Elle ose demander comment ça s'est passé avec Matvei ; il ne veut pas en parler. Elle parle de son installation icy, comment se passe sa vie de sédentaire, il répond que ça ne la regarde pas. Un peu à bout, elle va droit au but et lui demande si éventuellement il garderait Percy. Il la rembarre en disant qu'elle n'a qu'à l'assumer, et part à la suite de Percy.

Elle s'adosse à la barrière un moment, ravalant les larmes de rage qui lui montent. Autant de froideur, comment fait il ? Après ces chemins parcourus, les confidences, les tendresses, la confiance grandissantes, et ses nuits de volupté où la glace et le feu se mêlaient ... Par Déos, elle en frissonne encore. M'enfin, sûre qu'elle a pas toujours été tendre avec lui ... enfin juste ... l'attirer dans son lit par potion mêlée à sa boisson, et tout ça pour s'assurer la défense de Percy ... c'était pas très honnête certes. En même temps, elle ne l'avait pas violé hein ... pis il l'avait repoussé au matin. Non ce qui était dur c'était les souvenirs du campement, quand elle avait joué sa femme. Instinctivement, elle porta sa main à la pierre d'ambre autour de son cou. Elle s'était prise au jeu, non pire ... oui elle le savait bien pire, et elle se rappelait le choc quand il avait écrit qu'il ne viendrait pas, que Matvei était parti et qui lui allait s'installer en Bourgogne. Comme une petite princesse, idiote et naïve, elle avait cru qu'il viendrait ; si ce n'était pas pour elle, alors pour Percy ou Zéphyr. Mais il n'était pas venu ...

Et Percy avait commencé à le réclamer. Horreur Malheur ... Elle ne savait pas dire non à son fils, elle ne supportait pas de le voir triste. Et depuis l'annonce de la Mort de Lexi et du départ définitif de son père, il n'était plus le même ; il avait changé. Se fallait il que Torvar le Froid, Torvar l'associal, soit son seul révélateur de pensées ? Mouarf ...

Toutefois, elle ne pouvait pas perdre de vue qu'elle devait porter secours à Eliance, vite, très vite. Elle n'avait pas le temps de réréréréréapprivoiser le Cosaque, ni de convaincre Percy qu'il fallait qu'il lui parle à elle, qu'il cesse de lui en vouloir parce qu'elle allait gagner des sous pour eux ! Rhaaaaaaa compliqué c'te vie.
Et là voilà à pénétrer dans l'antre du Loup Solitaire, appréciant la simplicité et le calme qui s'en dégageait. Percy, sans gêne, s'était attablé et racontait ses exploits de pêche et comment on faisait griller les poissons, et que ça lui donnait faim ... et encore tout un tas de choses, jusqu'à ce que le cosaque sorte de quoi manger, et fasse à peine un signe de tête pour faire signe à Maryah de les rejoindre. Ouf ... il n'allait pas la faire manger à part, parce que c'était une femme ! Hallelujah !

Repas intense, pendant lequel Percy parla de sa lutte contre les dragons, comme dans le conte raconté par Sully. Ni une, ni deux, il avait sauté à bas de sa chaise et imité les mouvements de chasseur de dragons, arborant fièrement sa fausse cicatrice sur le torse. Maryah raconta également comment il avait récupéré de la fiente d'oiseau pour tenter d'avoir les cheveux argentés ... et comment ils avaient du brûler l'oreiller. Le moment en devenait presque agréable, quand l'enfant leur demanda d'attendre là, et attrapa quelques pommes pour aller offrir une petite sucrerie aux chevaux. Là, Maryah commençait à avoir vraiment des doutes sur la volonté du petit à les laisser tous les deux ensemble. Mais qu'est c'qu'il magouillait ?!

Regard à >Torvar. Il va la bouffer. Il réclame la pierre, contrariée, elle refuse. Il lui en a fait baver, elle aussi. Il l'attrape par le col, il la menace, et elle lit sa détermination dans son regard. Il la hait c'est certain. Pourquoi ? pour tout, pour rien. Il passe ses mains autour de son cou, il serre, il veut l'étouffer. Instinct de survie, elle accepte de la lui rendre. Et si c'était là le but du Cosaque ? Tuer l'Epicée et s'approprier le fils qu'il n'a pas eu ; mais qu'il aurait du avoir avec elle, si elle avait été une vraie femme, si elle n'était pas frappée de stérilité. Elle parle sentiment, il parle tuerie. Elle se fait douce, il se fait impitoyable. Et elle craque. Elle ne lui confiera pas Percy. C'est décidé. Il l'a poussé à bout ! Elle s'énerve, elle pousse la table, se lève précipitamment et fait tomber le banc.

Elle marche sèchement au dehors :


- PERCY ! Selle Zéphyr, on s'en va !
- ah non, j'ai pas encore parlé avec torvar et pis je veux pas partir, je veux rester là toujours !
- Il ne me semble pas t'avoir demandé ton avis ! On n'est pas les bienvenus icy, on s'en va ! Que ça te plaise ou pas !
- T'as pas le droit de faire ça ! Déjà on est parti de Arles, et puis de Toulouse, et puis de Sarlat, et maintenant de chez Torvar ! Non je veux pas !
- Percy si je m'énerve, ça va être mauvais pour toi !
- M'en fiche, je vais le dire à Torvar !
- PERCY ! Vient icy !!!!


Et l'enfant s'était jeté à la taille de Torvar, pleurant de tout son saoul, qu'il ne voulait pas partir, qu'il voulait rester avec lui, et puis les chevaux ... et qu'il avait mal aux pieds, qu'il en avait marre de marcher.
Maryah s'était à peine calmée, mettant en avant qu'ils allaient prendre le bateau, qu'ils seraient vite de retour, que Torvar avait autre chose à faire ...
Mais Torvar n'avait pas autre chose à faire, avait il répondu, d'un regard qui glaça le sang à Maryah. Elle l'avait défié du regard, il avait dit qu'il garderait Percy aussi longtemps qu'il le souhaiterait. Que l'enfant était le bienvenu. Qu'il fallait qu'elle accepte qu'il allait devenir un homme. Et Maryah fulminait littéralement. C'est là qu'elle sut où elle mettrait Eliance en sécurité. Il voulait l'énerver ? Elle allait bien sûr lui rendre la pareille. Et quand il la verrait débarquer avec une Eliance en sang, on verrait bien qui rirait le dernier.


Bien ... puisque c'est comme ça, je m'en vais. Je serai de retour dans quatre jours, profitez en.

L'enfant s'était calmé, Maryah était atterrée en dedans. Pourtant, scellant Zéphyr qui l'accompagnerait jusqu'à l'auberge et que Torvar passerait récupérer plus tard, elle se fendit d'un nouveau discours, d'une voix plus douce :
Percy doit manger les matins, même s'il n'aime pas ça ... et je tiens à ce qu'il se lave chaque jour, et qu'il se lave les mains avant les repas. Il ne doit pas se coucher trop tard, et je lui mets souvent une branche de lavande dans son lit, ça l'aide à s'endormir. Il aime beaucoup les histoires aussi, et il doit lire une fois par jour ... voilà ses livres de conte ... Ah ... il a la peau fragile aussi, alors il faut qu'il mette une chemise les jours de fort soleil ... il doit finir aussi ses légumes, et je tiens à ce qu'il soit poli avec les gens. Il aime également aider pour la cuisine, et il sait poser des colliers en forêt ... et ...

Et merde, elle était à deux doigts de craquer. Et Eliance qui se mourrait ... Alors, elle s'éloigna après avoir laissé toutes les affaires entre les mains du Cosaque. Et s'il ne savait pas s'occuper d'un enfant ? Et s'il le rendait sec et froid comme la mort, comme lui ? Et si Percy venait à détester sa mère et ne voulait plus jamais rentrer avec elle ...

Blessée, elle n'osa pas dire au revoir à Percy. Têtu l'enfant lui sourit quand elle partit. Elle fit promettre à Torvar de répondre à ses courriers. Percy venait de gagner sa première bataille. Il avait mis KO sa mère d'une simple remballe affective. C'est donc le cœur lourd, l'eau salée au bord des paupières qu'elle s'en retourna, gardant l'image de Tovar et Percy, main dans la main, balafre aux poitrails.
Il fallait qu'elle s'endurcisse. 4 jours sans son fils, ça n'était pas la Mort. Ou peut être que si, pour celle qui n'avait appris cette année qu'à vivre pour son fils ...

_________________
Maryah


Quatre jours plus tard ... ANNECY


Par Déos, elle avait cru ne pas survivre ! Mais quelle idée, me direz vous, d'aller chercher une Rousse, en territoire savoyard là où elle s'était fait condamner pour 3 mois d'exil, là où elle avait failli se faire arrêter à deux reprises, une fois en s'infiltrant chez le Comte ou Vicomte Léonin de Monmouth, une autre en se glissant dans les écuries du Chancelier Impérial Elias ! Suicidaire la bridée ?

Non, juste fidèle. Inconsciente, butée, avec pour principe de ne jamais laisser les gens qu'elle a appréciés dans la merde. Et la Rousse, bah ça lui fait quelque chose. Si elle devait lui donner un surnom, ce serait certainement l'Enchaînée. Toujours retenue par milles fils ou cordes, toujours dans la retenue. Souvent dans la compréhension. Jamais dans le Sang. Sauf cette fois-ci, piétinée et attaquée sauvagement par une armée Italienne. Voilà c'qui arrivait quand on trainait trop avec le clan du Joker. Bande de rapaces incompétents, elle le lui avait bien dit pourtant. Mais l'appât du gain avait du les faire chanter, comme la pie devant un objet brillant.

Le truc en plus, la faiblesse de Maryah, savoir qu'ils étaient tous alités et que deux bébés étaient certainement sans attention. Sans soin. Impossible à vivre. Elle ne pouvait pas laisser faire ça. Sinon elle ne s'appelait plus Maryah.
Pas le choix, elle s'en était remise à Marie, qui avait fait venir un équipage. En débarquant à Annecy, sur les nerfs bien sûr, tendue comme la corde d'un arc de compétition, elle reposa le cadre à chacun :


Bon ... je répète une dernière fois ! On entre dans l'endroit, je demande une chambrée, je paie ; on grimpe, on fait l'tour des chambres. On entre, Louis et moi, on s'occupe de la Rousse, faudra la porter. Charles tu ramasses dans le sac tout ce que tu trouves de soins d'accord, t'es pas tire-laine pour rien, et tu t'arranges pour écarter les "autres" au cas où il y ait des valides. Guyllaume, tu nous ouvres la voix. Et toi Marie, bien sûr, j'te fais confiance ; tu veilles sur les p'tits comme t'as fait pour Percy. Ils sont juste un peu plus petit, mais si t'es douce, ils devraient pas chialer. Guyllaume au besoin, tu la secondes ...
C'est bon pour tout l'monde ?


Oui c'était bon pour tout le monde, puisque dans son état de nerfs grandissant, elle rabâchait le plan avec plus ou moins de détails au moins trois fois par jour. A raison de 4 jours ... Même le simplet du village aurait enregistré, et les racailles engagées pour l'occasion à raison de 100 écus chacun l'excursion avaient vite appris.

Ils entrèrent. Louis le limier ne mit pas grand temps à les repérer. Comme au bon vieux temps de la Cour des Miracles, Maryah oublia le décor, le contexte, pour ne se concentrer que sur Eliance, fiévreuse, qui délirait. Charles et Guyllaume durent assommer des gens qui s'interposaient, ils avaient tous bien remonté leur foulard sur le nez, et enfoncé le chapeau sur leur tête. ça c'était en souvenir de Sullyvan, et Maryah adressa un clin d'œil à Marie, qui déjà attrapait l'emmaillotage des bébés pour mieux les transporter.


Eliance ... ma toute belle, c'est la bridée t'en fais pas ... Je vais m'occuper de toi. On va emmener les jumeaux, t'es en sécurité. J'ai même fait déplacer un rebouteux pour Diego. Mais lui il reste là. J't'emmène chez un mec juste et fiable. Je vais te cacher et te soigner chez Torvar. Pas d'Empire là bas, tu vas guérir crois moi. Bientôt tu seras sur pied.
Laisse toi faire, voici Louis... un ami. Bouge pas ... Voilà ... Tient boit ...


Et une potion de Körbl, une. La demoiselle ferait dodo dans quelques heures, et elle se réveillerait sur un joli foncet.
Tout s'était bien passé.
Restait plus qu'à espérer que le retour soit aussi calme,

Un sifflement aigüe, et en moins de cinq minutes, ils avaient quitté les lieux. Elle n'avait eu d'yeux que pour Eliance et les jumeaux, le reste avait été géré par ses "associés associables".

En avant toute, dans 4 jours, ils seraient de retour ! Maryah retrouverait alors Percy ... son tout petit ...

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Marieladamnee
Motivé motivé, il faut rester motivé

Motivé motivé, il faut se motiver

Motivé motivé, soyons motivés

Motivé motivé, motivé motivé


C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères

La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse la misère

Il est des pays où les gens au creux des lits font des rêves

Chantez compagnons dans la nuit la liberté vous écoute*





Tout avait commencé dans un village, une rencontre, une amitié qui était née et l'avait ramenée à sa ville de coeur mais ce n'était que temporaire. Des mensonges, des discussions, le pardon... La vie quoi...

Et puis des nouvelles pas terribles étaient arrivées et tout était passé au second plan. Heureusement Marie avait gardé des contacts un peu partout à force de trainer les chemins. Des alliés d'un jour qui avaient changé de vie mais n'avaient rien oublié de la loyauté et de l'amitié et avait permis d'organiser un sauvetage.

Son ami Juan organisait des balades en bateau et il mettrait en place un service de relais avec de bons chevaux à chaque étape. Il connaissait pleins de monde dans le coin et il pourrait même trouver des gars sûrs, sur place. Marie grimaçait à l'idée de laisser Ironie à Lyon mais la femme de Juan en prendrait soin.

Le voyage aller fût simple, pas de raison de se méfier d'un groupe de voyageurs et puis le peu de temps où il s'étaient arrêtés c'étaient pour manger et les auberges choisies étaient sûres et hors des villes.

La mission sur place était acquise pour l'Infernale, attraper les jumeaux et les ramenait dans la charrette, une mission simple en soi sauf que la brune et les enfants ça faisait 23 même si ça c'était bien passé avec Percy ou Margaux. Mais là ils étaient plus jeunes et elle se voyait pas les assommer pour qu'ils se taisent même si après tout c'était des humains comme les autres et la vie ou des bosses, le choix était vite fait. Il y avait aussi le foulard sur la bouche mais c'est peut être un peu radical de baillonner des enfants si jeunes.

Elle pénétra dans la chambre et se dirigea directement sur les berceaux. De mouvements doux, elle attrapa les momes et leur murmura des mots que je ne répéterais pas ici, elle me tuerait si je le disais et je ne suis que narratrice moi^^.

Elle les serra contre elle et rejoignit les autres à la charrette, les enfants étaient installés près de la rousse et l'équipage se mit en branle pendant que les derniers gars effaçaient les dernières traces de leur passage. Elle prit les rênes et lança les chevaux au galop. Le bruit des sabots couvraient tout autre bruit et elle se retourna pour voir s'il n'étaient pas suivis et comment tout ce monde se portait. Elle vit derrière un groupe de cavaliers mais normalement ce devait être les hommes qui les accompagnaient.





Zebda Motivé, le chant des partisans*
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Torvar
Même installé dans une vie tranquille, paisible, il fallait que ça tourne au drame. Il avait bien cru la tuer la pauvre Maryah quand elle avait refusé de lui rendre son bien. Oh ce n’était pas grand-chose, juste un petit bout de cailloux d’ambre mais il y tenait… Sentimental le vieux alors il avait senti la colère monter et le sang bouillir. Et il aurait tordu le cou de l’Epicée si cette dernière n’avait pas cédé. Bien la première fois qu’il était brutal avec elle mais quand il disait qu’elle le poussait à bout… Donc sa décision de partir le soir-même l’arrangeait sauf qu’il ne s’attendait pas à ce que Percy lui joue un tour aussi pendable.

Le gosse, adorable au demeurant, ne voulait plus le lâcher. C’était bien la meilleure de l’année celle-là… et que pouvait-il faire alors qu’il lui avait promis d’être toujours là pour lui contrairement à son foutu père qui l’avait bassement abandonné ? Alors la main du patriarche était venue se poser sur l’épaule de l’enfant et contrariant à souhait, il avait affirmé à Maryah qu’il garderait l’enfant. Ce n’était pas le sien certes mais il le traiterait comme son propre fils ! Et puis ça lui permettrait peut être de lui enseigner quelques petites choses loin des yeux maternels qui commençaient à être trop restrictifs. Et à peine l’Epicée avait tourné les talons que le cosaque avait pris le gosse sur ses épaules et l’avait emporté en direction de la petite étable qui servait d’écurie pour les chevaux. Là il l’avait fait grimper sur le dos de Vorobeï avant de monter lui-même sur sa monture et de donner un petit coup dans les flans afin de faire avancer cette vieille carne qui ne se fit pas prier.

La vie simple et sans détour, un enfant et un vieux profitant de la vie… joli tableau qui valait son pesant d’or.
Mais les jours se succèdent et ne se ressemblent pas. La vie avec Percy s’était installée doucement. Le matin, Torvar réveillait le petit pour qu’il déjeune et l’aide aux corvées. Il y avait toujours à faire et puis à l’heure de son entrainement, le cosaque prenait soin de montrer au gamin quelques mouvements de défense afin que même avec un bâton, il puisse s’en sortir… il était encore trop jeune pour porter une épée et s’il lui offrait un couteau, il savait qu’une tempête se déchainerait sur lui mais un bâton de marche… tout bon voyageur en possédait un et c’était un instrument de combat pour qui savait le manier… Maryah ne pourrait rien dire contre ça… sourire aux lèvres, le cosaque avait contourné l’un des problèmes que la brune lui imposait…. Ce n’était pas merveilleux ça ?

Et puis dans les quelques jours qui suivirent, Torvar reçu un courrier. Etonnant qui le ramena là où il ne voulait pas aller depuis des lustres. Quelqu’un lui disait que la rousse souffrait, qu’elle était blessée, qu’elle le réclamait… il avait failli en cracher son breuvage au tempérament de feu puis il avait fini par éclater de rire… Eliance, le réclamer… elle préférerait réclamer un chien plutôt que d’appeler le cosaque à la rescousse, de ça il en était certain. Il avait eu des mots durs envers la jeune femme, des mots qui font mal, des coups portés pour qu’elle finisse par comprendre qu’il ne voulait plus entendre parler d’elle. Parce que jouer les amoureux transis c’était pas son fort. Torvar en était à un tournant de sa vie où il voulait plus et Eliance n’était pas prête à lui donner ce qu’il espérait. Elle n’avait qu’un seul nom en tête : Diego. Gand bien lui fasse, lui il n’allait pas tenir la chandelle en espérant recevoir les miettes… il n’était pas un chien à qui on donnait quelques caresses quand on y pensait… Alors la donzelle qui se nommait Atro s’était vue se faire rembarrer comme il se devait par retour du courrier. « Rien à foutre » et « Vous vous mêlez des affaires de la Rousse, grand bien lui fasse... ne vous mêlez pas des miennes...» étaient des morceaux de choix mais aussi un avertissement à ne pas prendre à la légère. Il n’était peut être plus aussi vaillant qu’auparavant le cosaque mais foutre une claque ou deux voir plus si affinités ne lui faisait absolument pas peur… non mais !

Donc retour à l’expéditeur mais cette histoire le torturait comme il se devait. Après tout, la rousse était une écervelée qui suivait son mari aveuglément et sans aucun doute sur les chemins, elle avait dû se faire attaquer. Soupirant devant cette constatation qu’il faisait de la douce Eliance, il ne put s’empêcher d’attraper un second vélin et d’y griffonner quelques mots. Il ne signa pas le courrier, elle saurait ou pas de qui cela viendrait, il s’en foutait. Mais au moins sa conscience le laisserait tranquille.




Puisque vous n'écoutez jamais personne ou plutôt toujours les mêmes qui vous conduisent à votre perte, cessez donc de me réclamer et de parler de moi à qui a de mauvaises oreilles pour ne me sortir que ce que je vous ai dis de mal...

Pour une fois, faites donc les choses correctement et BATTEZ VOUS !

VIVEZ


Les rires de Percy à l’extérieur de la maisonnée avaient attiré son attention. L’enfant jouait avec les chevaux et Torvar, après avoir mis son courrier dans la poche de sa chemise, il appela le petit.


- Percy, il faut que j’aille au village pour faire envoyer un courrier en Savoie… tu m’accompagnes comme ça on passera par chez le forgeron voir s’il peut te confectionner une hache à ta taille… ça te dit ?

Ne jamais remettre à demain ce qui doit être fait le jour-même…. Vieil adage que Torvar exécutait à la lettre
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Une idée, une envie d'un RP ? N'hésitez pas, je ne mords pas.
Eliance
[Annecy]

Les blessures, elle en a un peu. Sans doute moins que ses amis et mari. Sa souffrance à elle tient plutôt d'une caboche tricoteuse ressassant constamment le nouvel amour tout neuf de l'Italien qui s'est invité sans guère d'invitation officielle dans le couple Corellio. Et c'est connu, les blessures du cœur guérissent bien moins vite qu'une plaie à vif. Alors quand Atro l'a bousculé un peu, exigeant de savoir ce que la Ménudière veut, cette dernière n'a d'abord pas su quoi répondre. Des envies... elle n'en a pas. Du moins, elle ne parvient pas à les identifier comme telle. Et puis, sous l'insistance de la Teigne, elle a fini par réfléchir et par lâcher un « Voir Torvar » venu de l'espace.

Le Cosaque n'a jamais réellement quitté la cervelle ménudiérienne. Elle a aimé sa compagnie, aimé leurs conversations, ses lettres, mais a détesté les dernières. La dernière, surtout. Elle l'a lu et relu sans comprendre le pourquoi d'un rembarrage si soudain et agressif. Elle n'a pas percuté les envies lointaines du Cosaque, les sous-entendus, les rêves cachés. Elle a simplement aimé ses mots chaleureux et réconfortants sans jamais poser un nom véritable sur ce qui s'est tissé entre eux. Eliance, c'est l'innocence et la naïveté incarnée derrière un minois couleur d'albâtre, c'est la fidélité à tout épreuve, l'aveuglement de ce qu'elle ne saurait pas gérer ou surmonter. Atro lui aura écrit, au Cosaque. Elle le sait. Elle sait aussi que l'homme des steppes aura répondu sèchement à une inconnue. Fin de l'histoire.

Parfois, l'histoire chute pour mieux rebondir. L'histoire n'est pas finie. Maryah en a décidé autrement.
La rousse a écrit à Maryah, a demandé de l'aide, a voulu la voir, a même quémandé sa présence. Pourtant, Eliance est loin d'imaginer le remue-ménage que l'Épicée va entreprendre et plus encore ce que l'Épicée s'apprête à faire réellement. Non. Eliance n'a pas prévu que son amie allait arriver à grands renforts de pas-commodes, elle n'a pas prévu qu'elle aurait l'idée de l'emmener loin d'Annecy, de Diego, de ses amis. Non. Elle a rien anticipé de tout ça parce que pour la Ménudière, un appel à l'aide reste pour elle un simple appel à l'aide et elle s'attend à voir débarquer une amie avec son Percy sur les talons, le tout à dos de cheval cosaque, pour l'aider, la soigner, s'occuper d'elle, la veiller. Elle a pas pensé une seconde à ce que Maryah a mis sur pied rien que pour elle. La rousse a beau traîner avec des mercenaires, des sanguinaires, elle fuit la vue du sang, elle exècre les bagarres, elle ne vole rien, a une vie bien rangée derrière son mari. Cherchez l'erreur.

L'erreur, c'est sans doute qu'elle aime trouver en ces gens peu fréquentables, d'après la rumeur publique, les plus grandes qualités. Elle excelle dans cet art-là.
Diego, un inconditionnel choppeur de femmes ? Que nenni. Un homme blessé, torturé, généreux, qui ne demande qu'à offrir son amour et ses talents à une femme (voir deux... ou trois... ou plus...). Un homme plein d'honnêteté et d'attentions, toujours vigilant (ou presque) à être un mari à la hauteur.
Maryah, une sanguinaire féroce ? Que nenni. Une femme au passé douloureux, forgée dans les chaînes, libérée à coups de volonté, de force, domptée par son garçon et animée d'une amitié à toute épreuve, fidèle jusque dans le bout des ongles.
Torvar, un sauvage glacial tout droit venu des steppes ? Que nenni. Un homme fragile derrière une carcasse impressionnante qui craint la douleur de l'attachement et la cruauté des femmes, qui s'est convaincu que sa vie est finie et qu'il n'a plus rien à apporter à personne.
Atro, une teigne à l'esprit tordu et cruel ? Bon, un peu. Mais surtout, un petit bout de femme entier (heureusement...) au phrasé coriace, au mot franc et acerbe, serviable et drôle avec qui compte pour elle, habitée par des rêves simples de vie de famille.
Kachi, une cheffe de clan en puissance, sans pitié ni états d'âme? Que nenni. Une femme aimante qui ferait tout pour suivre son mercenaire de mari dans ses pires délires, simplement par amour.

Mais à ne voir que les côtés faibles et avantageux de chacun, elle en oublie souvent, trop souvent même, leur bête noire, leurs travers et tombe de haut quand les discussions tournent comme un mauvais vent de tempête vers la torture, le scalp, les contrats, les décapitation ou toutes choses du genre.


                    ***
[Annecy, toujours]

Eliance ne sait rien de toute l'agitation qui l'entoure. Elle a sombré dans un état tortueux empli de visions atroces, entre la torpeur et le délire. Tantôt la chaleur, tantôt le froid ont envahi son corps, alternativement, ne lui laissant aucun répit. Elle n'a pas réagi quand on a frappé à sa porte, pour y glisser la réponse de l'Épicée. Ni quand l'opération s'est renouvelée une seconde fois, la fente de la porte accueillant cette fois un pli anonyme. Dans son monde de cauchemars, elle délire le jour, elle délire la nuit. Elle ne sait plus si les gens qu'elle voit sont réels tant les morts côtoient les vivants, tant les mots prononcés paraissent fous.

Elle voit bien Maryah, parfois. Mais derrière elle, se trouve Gontrand, son premier mari mort des mains de Diego. Un Gontrand angoissant qui ricane en suivant l'Épicée comme son ombre, semblant la menacer de faire du mal à son amie. Elle voit bien Diego. Mais lui aussi a une ombre. Une ombre surdimensionnée qui semble l'engloutir totalement. Une ombre en forme de part de gâteau. Un gâteau aux fruits, si il est besoin de préciser. Elle voit Atro, ou plutôt la tête d'Atro sur un corps de vache laitière menaçant de lui planter un carreau entre les deux yeux si elle ose lui dire qu'elle est grosse. Elle voit Mike avec des jonquilles au bout de chaque doigt, riant avec une légèreté moqueuse et insolente comme lui seul sait le faire. Elle voit tout ça et bien d'autre choses hallucinantes entrecoupées de phases noires où elle ne voit rien, où elle n'est plus rien.

Quand Maryah est venu l'emporter, elle l'a trouvé sur sa paillasse, le corps trempé de sueur, frissonnant sous une couverture. La pâleur de sa peau avait pris une tournure dramatique, inquiétante, rendant sa tignasse arrogante de couleur et de vivacité. Le bandage de son bras, non changé depuis le premier jour, était constellé de tâches de toutes sortes, littéralement minable. Sous le tissu, la chair avait décidé de ne pas se refermer, mais plutôt d'insulter, de beugler, de cracher sa rage. Les os dessous étaient eux aussi en pétard, profitant de l'occasion pour jouer aux mikados à ciel ouvert. Un peu d'air semblait inédit pour eux et ne pas sauter sur l'occasion aurait été regrettable.

Quand Maryah est venue l'emporter, elle a trouvé sur le plancher deux plis qu'elle a capturé, sans prendre garde que sa dernière lettre était parmi eux, se disant qu'elle en ferait la lecture à Eliance plus tard.


                      ***
[Nevers]

Eliance ne s'est pas rendu compte. De rien. Elle s'est endormi sur une paillasse et se réveille sur une autre. La conscience n'est pas totalement au rendez-vous, encore. Ses lèvres murmurent des mots, par moment, des sons, sans doute adressés à ses visions. Ses paupières se soulèvent mais ne semblent pas distinguer autre chose que du flou. Le bandage est propre, à nouveau, entouré de bouts de bois formant attelle. Son front est épongé fréquemment par une main bienveillante. Son corps lavé, doucement, manipulé avec les plus grands soins. La plaie dans son cou est visible, ses cheveux tombant selon la gravité et la dégageant au regard. Elle aussi est nettoyée, pansée, choyée.

Elle sent une présence au-delà de la fièvre. Quelqu'un veille.

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Maryah
Le voyage est éprouvant. Bien que Maryah adore naviguer, soigner Eliance tout en s'occupant des deux marmots, et en trouvant le temps d'écrire au Cosaque pour expliquer son retard et glisser quelques mots pour Percy, reste quelque chose de compliqué. Les journées ne s'étirent pas, mais ses nuits se raccourcissent considérablement, la plongeant dans un monde de doutes et de failles :
Et si son fils ne l'aimait plus ? Et si Torvar la tuait pour avoir amené Eliance ? De toute façon, elle ne cédera pas ; et s'il veut un duel, il l'aura ! Et si Eliance venait à mourir pendant la traversée ? Et si elle se trompait dans les dosages des potions de Körbl ? Et si elle avait mal agi ? Et si elle avait laissé les jumeaux ? Et si elle avait ignoré le courrier ? Et si ... elle s'était occupée de ses affaires, pour une fois, comme lui dirait le Cosaque ... Et si elle n'était pas venue ?

Mouais mais Maryah ne serait pas Maryah. On affronte pas une vie d'esclave ou de galérienne, sans compter sur la solidarité. Sans essayer tout et n'importe quoi jusqu'à la dernière chance, dernière possibilité. Sans privilégier avant tout la Vie. Ne lui avait on pas sauvé la vie à elle ? Quand on avait décimé sa famille, quand elle refusait de manger, quand elle avait été fouettée au sang, quand elle avait été marquée au fer rouge, quand elle s'était échappée, quand on l'avait agressée, quand elle échappait aux crises alcoolisées de Tord Fer, quand ... Elle ne les comptait plus. Y avait souvent eu une bonne âme pour la remettre sur pied, et Torvar l'avait d'ailleurs fait pour elle. Il le ferait pour Eliance. Et et ... elle ne lui laisserait pas le choix, foie de Maryah !

Une fois de plus, elle quitta le pont, alla vérifier que les bébés dormaient. Elle ignorait jusqu'à leur prénom, mais elle les savait enfants de Diego ; et elle savait que Sarah aurait voulu qu'ils soient traités au mieux, c'est ce qu'elle s'évertuait à faire. Et puis, Marie restait avec eux, ils n'étaient jamais seuls. Elle salua Louis qui surveillait Eliance, il lui fit un signe de tête : "non" ... non son état ne s'améliorait pas. Elle était entre cauchemar et réalité, peu lucide, peu consciente, fièvreuse, et elle appelait Maryah, "Alphonse". Par Déos, reviendrait-elle un jour à elle ? Maryah s'assit en tailleur près de la paillasse, et répéta les gestes appris sur les galères. Tissu, on mouille, on essore, on rafraichit le corps pour le ramener à la vie.
Elle remit un peu d'onguent sur la griffure qui recouvrait le côté gauche du cou si fin d'Eliance, vérifia le pansement du bras constatant que l'infection en sortait toujours, et finit par relever les jupons de la rousse, vérifiant que le limier ne regarde pas par là. La plaie a la cuisse ne semblait pas s'infecter ... pour le moment ... C'était déjà ça.

Elle se frotta les tempes et se rappela les courriers qu'elle avait ramassés dans la chambrée, ainsi que ceux qui s'étaient retrouvés dans une petite boite que Charles avait pris pour un matériel de bain.
Alors elle se posa et lentement à la lumière d'une bougie, elle lut. Elle découvrit ses courriers, mais aussi ceux de Torvar. Elle ferma les yeux en soupirant lentement. Alors elle avait vu juste ... Torvar, Eliance ... La colère lui monta, elle lança un regard noir à la Rousse qui n'avait même pas conscience de sa présence. Elle, la bridée, elle prenait conscience que d'un simple oreiller, elle aurait pu la tuer là. On l'aurait dit morte des suites de ses blessures, et elle n'aurait jamais eu à provoquer la rencontre entre le Cosaque et la Raffinée. Elle aurait eu toute la place, tout ... Pauvre fille. Voilà qu'en voulant vérifier qu'Eliance l'avait bien appelé elle, pour elle, et pas pour s'attirer les faveurs du Cosaque, elle se rendait compte qu'elle était tombée en plein dans le piège, sans que personne ne demande quoique ce soit.

Plouf ! en plein dedans. Et alors ? , lui dit une petite voix en elle. Tu vas laisser crever la rousse ? ou tu vas lui faire découvrir l'absence de chaînes ? la liberté ? le renouveau ? Et ton cosaque, ma pauvre fille, y a longtemps qu'il a fait un trait sur toi. La rousse n'a pas menti. Duel intérieur ...




A Nevers, Haras Chez Torvar !


Elle avait choisi la Liberté. Elle choisirait toujours la liberté. Le jour se levait quand ils débarquèrent non loin de Nevers, comme prévu. Elle allait revoir son fils, et cette simple pensée lui faisait oublier les cernes au visage, les mains tâchées par les potions de Körbl, le manque de sommeil, et cette fâcheuse douleur qui irradiait tout son corps.
Pendant que certains attelaient la charrette, d'autres vidaient le bateau. Maryah distribua les 100 écus par tête, discrètement, promettant aux gars qu'ils se reverraient.
Les enfants et Eliance furent mis dans la charrette, et Maryah veillait sur eux, tandis que Marie prenait les rênes. Elle devait se préparer au combat sans merci avec le Cosaque.

Haras chez Torvar.
Elle le voit. Son visage s'illumine, ses traits tirés s'efforcent de donner un grand sourire. La minute d'après, elle est descendue de la charrette, et reçoit dans ses bras son petit bonhomme, que dis-je, son trésor devant l'Eternel. Explosion de joie entre le fils et la mère !


Torvar ! Maman est de retour !!!
Elle l'aime, elle l'embrasse, elle le serre fort, la chair de sa chair, le sang de son sang. Elle ne fera pas de remarques au fait qu'il ne porte pas de chemise et qu'il n'est pas coiffé, non pas aujourd'hui.
Elle en oublierait tout ...jusqu'au Cosaque qui apparaît sur le pas de sa porte, menaçant, qui englobe d'un seul coup d'œil la scène et se met à gueuler :


Qu'est-ce que c'est qu'ce cirque ?


Le moment est venu. Elle doit trouver la force ... Elle écarte doucement Percy, en lui disant d'aller voir dans la charrette, ce qu'il fait sans rechigner et en saluant Marie la Farceuse, comme il aime à l'appeler. Maryah s'avance, se frottant la nuque pas très à l'aise, elle remonte le menton vers Torvar, pose son regard noir dans ses yeux d'argent, et calmement demande :

- J'ai besoin de ton aide, Eliance est gravement blessée. Je ne pouvais pas la laisser. Il nous faut un pied à terre où la soigner.
- ... Et forcément, dans ton imagination délirante, tu as pensé à moi... trop aimable mais tu ne peux pas rester.
- Nous devons rester ! ces derniers jours de voyage l'ont considérablement affaiblie ; son groupe s'est fait attaquer par une armée Iltalienne, et les bébés ... Eliance avait la charge de s'en occuper. Je pouvais pas les laisser sans soin, et ça l'aidera certainement à s'en remettre. S'il te plait Torvar ...


S'en suit une joyeuse cacophonie, dans laquelle Maryah commence à monter sur ses grands chevaux et parler plus fort, énervée. Du coup, les jumeaux se mettent à pleurer, ce qui entraine le hennissement des chevaux. Percy qui va des uns aux autres pour calmer le tout, Marie qui gronde les chevaux, Percy qui rassure les petits, et puis qui arrive, prend la main de Torvar et celle de Maryah et les met l'un dans l'autre.

Torvar ... la dame aux cheveux bizarres elle a très mal. On peut pas la laisser dehors. Et pis les bébés, ils ont pas de papa non plus, je connais ça, on peut pas les laisser. Et t'avais dit qu'il fallait pas laisser un cheval blessé sans soin, sinon c'est la mort. Je crois que pour la dame c'est pareil.
Quand j'ai dit que je voulais pas t'embêter, quand maman elle est partie, t'as dit que c'était grand pour toi ici. Qu'y avait de la place pour moi et les chevaux. Je peux partir avec les chevaux et eux y restent ...


Maryah était émue. Cet enfant était un magicien. Elle avait les doigts crispés sur la paume de Torvar, elle y passa doucement son pouce avant de retirer sa main pour serrer dans ses bras son fils. Par Déos, elle avait envie de pleurer ... c'était dur de résister à cette bouille prête à se sacrifier.
Le regard coléreux et dur du Cosaque avait changé. Il avait croisé les bras, résigné, avait soupiré, et tous attendaient le verdict. Il se retourna et Maryah crut que tout était perdu. Il se retourna vers eux, ouvrit la porte et d'un signe de tête, leur fit signe d'entrer. Elle lui aurait sauter au cou, mais elle ne préférait pas en rajouter ou risquer qu'il revienne sur sa décision. Elle se rabattit sur Percy, et fit signe à Marie d'avancer la charrette près de l'entrée.


Merci ... merci Torvar ... tu ne le regretteras pas ... On fera à manger, tu auras de la main d'œuvre pour les travaux du haras, et pour panser les chevaux... On va se faire tout petit, je ... je dormirai à l'écurie et ...
- Oh oui moi aussi ! avec Vorobei ! Et pis comme ça tu seras pas tout seul Torvar, on va tenir compagnie. Et les petits ils pourront monter sur Zephyr et ...


Hé oui. Elle avait failli oublier que son fils était plus bavard qu'elle ! Elle était émue, fatiguée, à bout de nerfs ; mais Percy était un ange. Il se proposa pour donner à manger à un des bébés, il faut dire que ce fut la seule façon d'arrêter tous ces pleurs. Marie en nourrissait un, Percy le second, tandis que Torvar, bon joueur, laissait sa chambre à Eliance. Ils la portèrent sur le lit, délicatement avait dit Maryah. Elle avait demandé à Torvar des linges, de l'eau, froide et chaude, et puis de l'aider à dévêtir Eliance. C'était un guerrier après tout, un second avis sur les blessures n'était pas de trop.
Il n'avait pas trop louché sur les cuisses, et avait de suite repéré la fracture ouverte du bras, inquiétante, car elle s'infectait. Maryah continuait à croire dans les remèdes sorciers de Körbl ; nouvelles tensions qui virent le cosaque quitter la chambre.
Maryah, empaffée, n'osait toujours pas révéler ses anciennes activités d'empoisonneuse, formée par la Fleur de poison... Il fallait qu'il croit en elle, bon sang. Rien qu'une fois.

Alors, elle reprit le rituel de lavage et de soins. Elle recouvrit le corps d'Eliance, il faudrait allumer un feu pour faire sortir la fièvre. Elle observait la rousse, rassurée qu'elle soit là, entre de bonnes mains, sans avoir rien à penser qu'à elle. Elle entendait Percy qui chantait un truc bizarre aux bébés, qui gazouillaient et riaient.Si Percy était heureux, elle était heureuse. Elle était lasse, elle avait besoin de dormir, de se rafraichir. Comme elle aurait aimé se baigner et s'allonger, à la rivière ... mais il fallait surveiller ce joli petit monde. Malgré cette pensée, elle caressa le front d'Eliance, et main dans la main, s'endormit à genou contre le lit. Il fallait prier pour que la fièvre tombe, prier pour que la fièvre ... zzzzzzzzzzzzzzzzzzz

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Torvar
C’est lorsqu’on s’imagine que tout va bien que ça dérape. Et pas qu’un peu.
Torvar et le gamin s’entendaient merveilleusement bien. Forcément, Percy qui n’avait pour lui qu’une présence féminine ne demandait que ça de devoir apprendre auprès de quelqu’un à la voix bien plus grave et au passé pas forcément mêlé de fil et d’aiguille. Et puis entre eux, il y avait cet amour pour les chevaux. Même si Percy s’imaginait être frère avec les équidés, Torvar ne pouvait que se féliciter de la fibre qu’il développait chaque jour pour ces animaux. Et bien malgré lui, il était fier le cosaque. Fier comme si ce p’tit bout guère plus haut que cinq pommes était son fils. Toutefois, chaque courrier que l’Epicée lui envoyait lui rappelait qu’il n’en était rien. Son fils par-ci, son fils par-là et il ne faut pas que tu lui fasses faire ci ou ça… Torvar répondait presque mécaniquement à ses missives sachant très bien que s’il oubliait quoi que ce soit, elle lui rappellerait dans la suivante. Et puis un beau matin, alors que les deux « hommes » de la maison avaient fini leur corvée quotidienne, le bruit d’une carriole et de sabots attirèrent l’attention.

Ce fut Percy qui se rendit compte de la situation le premier. Le gamin avait un don exceptionnel pour faire la vigie à la maison et se mettre à hurler quand quelqu’un arrivait. Et là, il ne pouvait pas louper sa mère. Laissant donc le gosse s’époumoner Torvar sortit sur le pas de la porte pour observer. Observer cette foutue équipée qui atterrissait chez lui avec bien entendu Maryah à sa tête. Ben oui, on ne change pas une équipe qui gagne. L’Epicée était synonyme d’embrouilles donc il devait s’attendre au pire et quand elle avait disparu, il s’était senti angoissé de la voir revenir moribonde et de devoir expliquer à son fils que sa mère ne serait plus… Bon ce n’était pas le cas mais son regard alla directement à la charrette qui ne présageait rien de bon. Et il n’allait pas mettre longtemps à réagir le cosaque. Œil noir, respiration retenue, il écume presque de rage en regardant ce tableau.


- Qu'est-ce que c'est qu'ce cirque ?

Et Maryah qui se perdait dans un semblant d’explications. Oh oui, elle avait l’imagination débordante si elle croyait qu’il allait lui ouvrir les bras pour cacher qui que ce soit chez lui. Il avait dit « changement de vie » pas « maison ouverte à tout mercenaire en fuite »… mais elle croyait quoi l’Epicée encore ? se demanda-t-il en sentant sa colère monter. Mais alors qu’il allait la renvoyer avec perte et fracas voilà que Percy s’y mettait… Bien les mêmes gênes ces deux-là ne put-il que se penser en laissant son regard aller et venir entre Maryah et son fils… Puis il avait laissé la place à cet attroupement dont certains membres lui étaient inconnus, vit passer la rousse et les marmots, soupira avant d’aller faire un tour jusqu’au puits. Le temps que tout le monde s’installe, il aurait le temps lui de se calmer les nerfs… D’ailleurs il en profita pour tirer deux seaux qu’il ramena à la maison. L’eau était fraiche et permettrait à Maryah de rafraichir Eliance.

Et il n’avait pas bronché quand l’Epicée lui avait demandé son avis. Que faire de plus que de l’aider. Elle lui imposait la rousse comme s’il était le remède à tout les maux de la terre alors il ferait ce pourquoi elle le sollicitait. Regards accusateurs envers Maryah pour mieux se concentrer l’instant d’après tandis qu’il cherchait les éventuels fractures ou blessures qui lui poseraient problèmes et nouvel affrontement entre les deux… les remèdes de Maryah, il y avait déjà gouté… à deux reprises… ça forgeait la méfiance mais finalement, le cosaque avait cédé sa place parce que de une il ne voulait pas s’engueuler avec Maryah, il risquerait cette fois de ne pas se retenir et de la faire passer de vie à trépas et de deux, Eliance n’avait pas besoin de ça. D’ailleurs avant de sortir, il se retourna sur le pas de la porte.


- Je te préviens Maryah, elle est sous ta responsabilité. Je ne veux rien savoir ni du pourquoi ni du comment et dès qu’elle ira mieux, tu la ramènes d’où elle vient… Et ne cherche pas à t’opposer à ma décision. Je suis ici chez moi… Tu m’imposes un choix… je ferais avec mais je te préviens que le contentieux entre nous se creuse… à force de tirer sur la corde, un jour elle casse…

Et il était parti comme il était venu. Silencieux, renfermé et froid. S’il y avait une personne qu’il ne voulait pas voir chez lui c’était bien Eliance. Eliance qui avait torturé son esprit durant quelques semaines, Eliance dont il avait cru avoir des sentiments qui allaient au-delà de la raison, Eliance qui, comme toutes ces femmes qui gravitaient autour de lui, ne l’écoutait jamais. La petite rousse avait fais un choix qu’il jugeait mauvais pour elle mais elle n’en démordait pas… il n’allait pas se battre avec elle pour lui faire entendre raison. Il n’était pas ainsi surtout concernant les femmes. Après tout, elles et lui c’était deux mondes différents et il préférait bien s’en passer.

Sortant rapidement de la maison, il alla grimper sur le dos de Vorobeï sans même le seller et après lui avoir donné quelques coups de talons dans les flancs s’élança dans la campagne environnante. Besoin de se retrouver seul, besoin de cet espace qui n’appartenait qu’à lui, besoin de ne plus réfléchir à ce qui se tramait dans sa maison. Et puis il se rappela qu’il y avait des bouches à nourrir alors il prit la direction du marché pour faire quelques achats nécessaires mais ça mangeait quoi des mouflets à cet âge ?
Tant bien que mal, le cosaque revint avec de quoi nourrir la tribu. Il lâcha ses achats sur la table de la cuisine devant quelques sbires de Maryah et de sa voix profonde et étrangère, il lança.


- Demerdez-vous… vous vous installez, vous cuisinez !

Le ton n’admettait aucune réplique, aucun refus, aucun mouvement contestataire puis les talons tournés, il prit un nouveau seau d’eau fraiche qui attendait sur la table avant de monter à l’étage où se trouvait sa chambre. Installée sous les combles parce qu’ainsi il voyait mieux ce qui se tramait au loin… pour ce que ça lui avait servi aujourd’hui… la pièce n’était guère grande mais accueillante. Un solide lit avec une couverture de bonne facture qui recouvrait en partie la rouquine, un fauteuil usé et fatigué qu’il avait gardé quand il s’était installé, une petite table sur laquelle il posa le seau. Son regard fut attiré par Maryah qui s’était assoupi et ses yeux allèrent de l’une à l’autre… Quel tableau… les pires fléaux que la terre pouvait porter… les femmes… mais Torvar avec son sens des responsabilités aiguisées à l’extrême ne pouvait pas laisser les choses aller d’elles-mêmes… elles étaient chez lui… chez lui…

Alors d’un mouvement rapide, il ouvrit la lingère qui se trouvait dans un coin sombre de la pièce, en tira une seconde couverture plus légère et la posa sur Maryah avant de venir tâter le front d’Eliance. Cette dernière était encore chaude de fièvre ce qui ne lui plaisait guère, il fallait bien l’avouer… D'abord hésitant, il sortit de la pièce pour aller chercher un verre de son remède à lui et avec douceur, en fit couler quelques gouttes sur les lèvres d'Eliance. Elle pourrait toujours lui en vouloir de l'avoir fait boire mais au moins ça donnerait un coup de fouet au sang qui réagirait en conséquence. Puis trempant un linge propre dans l’eau fraîche, il vint l’appliquer sur le front de la rouquine tout en observant son visage et ses traits fins qui avaient pris un sacré coup dans l’aile… Grinçant des dents, le cosaque maudit l’idée qu’elle avait eu de se balader sur les chemins constamment avec son époux. Mais d’ailleurs, il était où celui-là ?

Question banale dans l’esprit cosaque parce que finalement, du Diego, Torvar n’en avait rien à faire… C’était la dernière personne pour qui il aurait eu envie de s’inquiéter mais Eliance le réclamerait bientôt… Soupire échappé des lèvres, le cosaque lâcha avec regret sa contemplation pour s’éloigner. Des bruits de pas se faisaient entendre dans le petit escalier qui menait aux combles… les narines de Torvar palpitèrent. La bonne odeur de la pitance faisait son œuvre et redonnerait des forces à la blessée et à l’épuisée. Quant à lui, il avait encore des choses à faire… Prenant son mantel ainsi que l’une de ses sacoches de cuir qui traînait sur le vieux fauteuil, Torvar s’éclipsa rapidement pour aller s’installer dans l’étable qui lui servait pour les chevaux. C’était là qu’il serait le mieux, loin des ennuis.

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Une idée, une envie d'un RP ? N'hésitez pas, je ne mords pas.
Eliance

        « Je ne sais quand, mais il viendra le temps de nos retrouvailles. »
                      Torvar (extrait de lettre)


Il est parfois des présences qu'on ressentirait les yeux fermés, même emporté à des lieues nébuleuses par la fièvre. Il est des présences qui font quelque chose aux sangs. Il est des personnes qui imprègnent une pièce, qui l'englobent dès leur entrée, comme si une aura les entourait et annonçait leur présence en soulevant un souffle d'air, un tourbillon. Le Cosaque a ce pouvoir, sur l'Amochée. Une certaine agitation l'habite depuis leur arrivée à Nevers. Les cauchemars se font plus présents, les réveils furtifs en sursaut plus nombreux. Elle ne sait pas où elle est. Elle ne sait pas qui est là. Mais elle a senti une présence inhabituelle, rassurante. Et pourtant, la présence l'angoisse. Dans ses cauchemars, hormis les morts qui s'y baladent à volonté, des paroles résonnent dans le paysage de l'écho lointain qu'offrent parfois des gorges.

    Vous êtes faible...* Qu'est-ce que t'es faible... C'est incroyable comme t'es faible...
    Regarde-toi, une vraie chique molle...
    une gamine qui joue aux allumeuses les soirs de pluie.

Les voix sont graves, sans pitié. Des voix qui exècrent les défaillances. Eliance tente de surmonter ces voix. Ses bras s'agitent régulièrement pour les repousser. Mais les voix reviennent, se mêlant l'une à l'autre. Toujours plus proches. Toujours plus insistantes.

    Rien, vous êtes rien... Tu sais pas choisir... La vie est faite de choix... Tu sais pas vivre...
    Vous vous faites du mal... Eliance... Eliance... Eliance... Vous n'avez donc rien compris...
    Adieu et à jamais...Vous êtes mon pilier... Tu sers à rien... vous soutenir... vous retrouver...
    Je vous aime... Eliance... partez pas... jamais...

Les voix sont envoûtantes. Elles blessent autant qu'elles apaisent. Les mot sont durs. L'Amochée voudrait répondre. Les lèvres s'entrouvrent, tremblent, mais aucun son n'en sort. Elle voudrait se défendre. Expliquer. Dire qu'elle n'est pas faible. Et pourtant, ce serait un mensonge. Elle est faible. Assurément.

Le goût sur ses lèvres est étrange. Inconnu. Elle se calme. Ses muscles se détendent. Les voix sont parties. Mais jusqu'à quand ? Les bras son retombés. Elle ne sent pas la douleur. Elle ne ressent rien. Seulement ce souffle, ce courant d'air qui s'éloigne. Dans un effort ultime, les paupières s'entrouvrent pour laisser les pupilles claires être aveuglées par la lumière leur permettant de distinguer une forme floue qui s'éloigne. Les paupières se rabaissent pour se soulever à nouveau. Mise au point. Le flou persiste dans la vision, mais la forme s'anime. Elle reconnaît cette forme, ce courant d'air.
Et dans un souffle pareil à celui de l'aura, un son est formulé. Un son faible qui se propage dans une pièce silencieuse comme la mort.


torrr...varr... ?

Pas le temps d'assimiler la chose que la fièvre a repris ses droits, emportant à nouveau Eliance dans ses délires. Un délire calme au silence salvateur, où simplement la vue est agréable. Il est là. Et il lui sourit.


*
En gris, la voix de Torvar et des extraits de ses lettres qui ont marqués Eliance.
En vert, la voix de Diego, l'autre vert reflétant la propre conscience d'Eliance.

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Maryah
Et elle roupille Maryah. Le monde peut bien s'écrouler, elle a retrouvé son fils. Certes, elle a deux bébés à charge en plus, et une grande blessée. Certes, elle est chez l'empêcheur de tourner en rond, nommément Torvar. Mais elle est en vie, son fils a le sourire, et Marie est toujours là pour l'aider dans les tâches les plus ingrates. Parfois le besoin de se faire oublier, et plus important que l'envie de faire des choses intéressantes ou palpitantes. Fallait juste pas que Torvar apprenne son passé de brigande ... juste ça.

Un frisson sur la main la réveille en sursaut. Eliance ... elle a bougé. Ses doigts. Ses lèvres. Elle est loin mais elle demande quelque chose ... "oir"... voir ? boire ? Il faut plusieurs minutes à Maryah pour sortir de la chaude torpeur qui l'avait engloutie dans un sommeil profond, voir le tissu remis sur le front d'Eliance ... et comprendre. "Torvar" ... c'est ça que dit la Rousse. Gloups ... et puis zut, c'est bien ce que Maryah voulait qu'elle soit en vie et en sécurité. Elle vérifie le front d'Eliance, la fièvre semble moins importante, et Maryah remercie secrètement Körbl et ses potions imbuvables. Il sera bientôt l'heure de déjeuner, et elle glisse entre les lèvres encore pâles de Eliance, le contenu d'une petite fiole amère :


Allez Eliance ... j'sais qu't'es pas vraiment avec moi là ... mais faut boire ça ... . Là. Voilà. Je vais aller te chercher Torvar, reste calme ma belle ... Tout va bien, les jumeaux sont là, on s'occupe bien d'eux. Ne penses plus qu'à toi, jolie poupée. Tout va bien. Faut juste que tu nous reviennes ...

Maryah replia la couverture qu'elle avait mystérieusement trouvé sur elle, à coup sûr Marie était passée par là. Elle était attentionnée, malgré les faits passés. Elle descendit à la hâte les escaliers et retrouva ce joli petit monde, Marie en train de préparer le bouillon de légumes qu'elles préparaient ensemble depuis 3 jours pour les bébés, et Percy en train de faire l'alphabet avec les jumeaux, tentant de les faire parler. Scène qui ne manqua pas de faire rire Maryah aux éclats.

Excusez-moi ... je me suis endormie. Merci Marie pour le bouillon, ça nous évitera les cris d'affamés des enfants ; et merci Percy de t'occuper d'eux ... mais tu sais ... ils ne peuvent pas parler, ils sont trop petits pour le moment.
- Bah ils sont pas trop petits pour me donner des claques en tout cas ; regarde si je fais une grimace comme ça ... T'AS VUUUUUuuuu ? ils tapent des mains et des pieds !!!
- Hé hé sont vivaces les petits ! Ils ne te tapent pas, ils jouent. J'crois qu'ils t'aiment bien.
- Moi aussi je les aime bien. Tu crois que Torvar il va les aimer comme moi ? On pourra toujours dire que c'est notre papa.
- Heu ... hum ... comment dire ... Torvar ne les connaît pas, et moi non plus d'ailleurs. Ce sont les bébés de la dame malade, enfin presque. C'est une amie, elle s'appelle Eliance. Et maman et Marie sont allées la chercher car elle était en danger. Tu comprends ? Ces deux garçons ont un papa, mais il se soigne lui aussi.
- Ah oui, les bébés, ça reste toujours avec les mamans. Comme moi. Enfin, maintenant je suis un grand. C'est pour ça que je peux rester avec Torvar.
- ... euh ... pas tout à fait. Tu peux rester chez Torvar, si Torvar veut bien.
- mais il veut bien parce que lui il a pas de fils et moi j'ai pas de papa.
- Percy !!! Torvar ne te doit rien ! C'est pas ton père.
- T'as qu'à lui demander, c'était bien avec lui ; mais c'est bien quand tu es là aussi.
- Tu sais qu'on le dérange Percy. Ne te mets pas des idées en tête ... s'il te plait.
- Bah quand c'est moi qui demande, ça dérange pas. Et toc !


Le lâcher prise. Ou mieux faire comme si elle n'avait rien entendu et se fendre d'un :
- Percy, tu peux mettre la table pour Marie, Torvar, toi et moi ?
- Et les bébés ?
- Ils ne mangent pas comme nous ; ils auront de la bouillie.
- La bouillie ? comme de la boue ?
- Non ... du lait avec de la farine d'orge pour épaissir un peu.
- Torvar a ramené du lait, du pain, des légumes et du fromage. Mais nous n'aurons pas assez de lait pour ce soir.
- Alors nous irons après manger tous au marché ! ça fera un peu de calme à Torvar, ça le rendra plus doux, pour organiser le coucher de ce soir.
- Moi je sais comment on peut lui faire plaisir ... et il aime beaucoup ça ...
- Hé bien livre nous ton tour de magie, parce que là ... j'ai comme dans l'idée qu'on lui fait pas trop plaisir. Et quand il va voir la chèvre qu'on va ramener ... j'ose même pas imaginer la crise ... Si on pouvait éviter qu'il nous jette à la rue, ça s'rait bien. Alors Messire Magicien, comment s'y prend on ?
- Faut lui acheter des poires. Il adore ça, même que avant y connaissait pas, parce que chez Matvei y en n'a pas.
- Hé bien on a le dessert de ce soir, une bonne tarte aux poires !
- Ouuuaiiiiisssssssss et faudra des pommes pour Vorobei, Zéphyr et Snih !
- Je crois qu'on prendra la charrette ...


Et de rire tous les trois, devant le regard curieux des jumeaux. Maryah aida Marie a mélangé le lait de chèvre, avec un peu de bouillie de légume et du pain écrasé. Elles mirent le tout dans les cornets **, les cornes de vache percées, et nourrirent les deux bébés, sous le regard fasciné de Percy. Et sa débâcle de questions.
Maryah en profita pour remercier Marie de son aide ; c'est sûr que la vie était bien différente, l'enlèvement était de son ressort, mais le cocooning de deux bébés depuis 4 jours ... humpf ... la bridée était consciente que la Damnée ne lui devait rien, et qu'elle pouvait claquer la porte du jour au lendemain. Son aide était pourtant indispensable pour le moment.
Les bébés prirent le temps de digérer, en déambulant à 4 pattes partout dans la Salle, heureusement que Torvar n'était pas là pour supporter les touche-à-tout. Et Maryah en profita pour consacrer un peu de temps à Percy ; ensemble ils firent la liste de course, Percy prit la plume tant bien que mal, et le moment partagé remplit de joie le cœur de Maryah. Malheureusement, pas son estomac qui se mit à chanter. L'heure des changes avait sonné, pourtant peu appétissant, et quelques temps plus tard, les enfants étaient langés, propres et dans le lit de Percy. Sieste pour eux.

Repas pour les plus grands. Il fallait qu'elle aille chercher Torvar. Elle ne pouvait pas repousser plus longtemps. Débarquant dans l'écurie, elle ne s'étonna pas de le voir en train de nettoyer et ranger le matériel des chevaux. Chacun son truc. Elle tenta de capter son attention d'un petit :

- Hum ...
Sans grand succès.
- Torvar ? Merci pour les achats du matin, tu me diras combien je te dois. Cet après midi, nous irons tous au marché, ça te laissera un peu souffler. Si tu as besoin de quelque chose ... n'hésites pas.
Et ... on mange ... Ragoût de lapin, légumes coupés par Percy, pain au maïs, et fromages. Tu te joins à nous, j'espère ?
Ho et euh aussi ... Eliance te réclame ...


Regard assassin du cosaque qui daigne enfin poser ses yeux sur elle. Comme elle aimerait être une souris à cette heure-ci ... toute petite pour se sauver, se faufiler dans un trou de mur ou autre ... Par Déos, ne pas baisser le regard, ne pas paraître faible devant le Loup.
Elle relève la tête et dit d'une voix plus affirmée :


- Je sais ... je sais ... mais j'pouvais quand même pas la laisser crever !
Et si ta seule présence pouvait l'aider à guérir, qu'est c'que ça te coûte ???
- ...
- Tu m'demanderas un service en retour, c'que tu veux, au moment où tu voudras ... J'ai une dette, je rembourse toujours mes dettes. S'il te plait ...


Petit regard quémandeur. Elle ne savait jamais où elle allait avec lui, comment il allait réagir. Mais il était certain qu'il en avait gros ... contre elle. Sûr, un jour elle le lui rendrait ... Parole de Maryah !



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Torvar
Elle avait dit son nom et sur le pas de la porte le cosaque s’était arrêté… quelques secondes pour la regarder. C’était comme s’il la retrouvait des mois auparavant lorsqu’elle avait voulu lui faire croire que son cheval était blessé… personne ne parlait aussi mal des chevaux qu’elle mais il l’avait laissé faire pour voir jusqu’où elle s’enfoncerait… grave erreur. Les heures passées à la côtoyer avait fait naitre quelque chose en lui qu’il ne pouvait maitriser. Alors il avait oublié… Adieu et à jamais… la revoir le mettait en péril et la rendrait vulnérable. Lui qui était si sûr de comment mener sa vie se retrouvait faible devant une rousse au regard attachant. Mais la dame était mariée. Certes à un goujat de première qui passait son temps à collectionner les femmes mais elle l’avait choisi et ne voulait pas penser autrement que faire sa vie avec lui. Torvar avait reçu le message en pleine gueule lorsqu’ils avaient échangé des courriers. Elle s’était confiée à lui, lui avait parlé de sa vie alors il avait érigé des barrières, l’avait envoyé bouler pour ne plus y penser, pour ne plus être tenter. Il n’était pas de ces hommes qui brisent des mariages… même les pires unions qui puissent exister… il laissait ça à des hommes comme lui…

Homme d’honneur même dans les pires situations, le cosaque ne voulait pas avoir honte de ses actes ni même faire honte aux siens. Chaque action avait des répercussions… pour cela que son mensonge envers Matveï concernant son mariage avec Maryah n’avait pas tenu longtemps… Et il en avait payé le prix. Une marque de plus pour avoir menti au chef de clan mais aussi à son neveu… double peine prononcée et exécutée… il pouvait encore ressentir la caresse du fouet sur le bas de son dos… Mais revenant à Eliance, il ne pourrait jamais la ravir à autrui… Cette certitude ancrée en lui, le cosaque détourna le regard pour mieux s’échapper de cette oppression qui le prenait. Jamais il n’aurait dû accepter ce que Maryah lui imposait mais il n’était pas homme à refuser à un mourant un dernier havre de paix…

Maryah et ses manigances, Maryah et ses combines, Maryah et son passé qu’elle lui cachait. Marmonnant en se dirigeant vers l’étable, il avait pris une fourche au passage et s’était mis à faire le grand ménage. A coups de grands mouvements comme pour chasser cette importune qui lui pourrissait la vie depuis des mois… Elle était née emmerdeuse ce n’était pas possible autrement. Il avait beau apprécier les quelques instants où chacun posait ses armes pour enfin passer un bon moment, il savait que ça ne durait jamais bien longtemps. Dès le lendemain, un regard, une parole, un mouvement et la poudre s’embrasait entre eux et tout partait en diverses directions… incontrôlables et malsaines. Pourtant, la vie se chargeait de les remettre en contact constamment… Torvar commençait à croire qu’il devait expier pour ses pêchés passés afin de voir la situation s’arranger…

Un coup plus violemment porté avec la fourche lui arracha une grimace de douleurs au niveau de l’épaule. Cette dernière le faisait souffrir le martyr depuis quelques jours… le temps allait changer et avec la pluie reviendrait les douleurs de la vieillesse. Certaines blessures se réveilleraient, d’autres se raviveraient… il n’était plus qu’une vieille branche qui craquait doucement jusqu’à se détacher complètement et tomber sur le sol… la mort viendrait bien assez tôt…

Crachant au sol alors qu’il arrivait vers Snih, il planta la fourche dans le foin puis il prit la brosse et se mit à la passer sur la robe du poulain. Mieux valait pour le cosaque de s’occuper afin de ne pas envoyer tout ce petit monde ad patres et avoir ainsi la paix. Il ne demandait rien à personne et voilà qu’on lui chamboulait sa vie. Que fallait-il donc qu’il fasse pour que tout redevienne comme avant ? Mais alors qu’il en était à se poser toutes ses questions, un bruit lui fit comprendre que l’équipée sauvage était de retour. Snih se mit à hennir et lui à maugréer… quelle fine équipe ces deux-là ! Du coup, il se mit à ranger les brides et autres longes qu’il avait acquises à Paris pour mieux dresser les équidés tout en restant lointain surtout lorsqu’il sentit la présence de Maryah. Sans même lui adresser un regard il lui lança.


- Qu’est-ce que tu veux ?

Et voilà Maryah lancée dans une tirade dont elle avait le don… il n’écoutait qu’à moitié d’ailleurs pensant que ça n’avait pas d’importance, rien n’avait d’importance. Puis il finit par la regarder, s’accoudant à une poutre qui accueillait les longes.

- Tu n’as pas à me faire la charité. Je peux encore payer la nourriture des gens qui sont chez moi… Et j’ai besoin de rien de ce qui s’achète au marché. Si tu veux me ramener quelque chose c’est simple, rend-moi la paix que tu m’as volé en arrivant ici !

Il se rapprocha dangereusement de Maryah avant de lui dire sur un ton froid et dur.

- Je me fous que tu la laisses crevé ou pas… tu t’arranges avec ta conscience mais tu aurais pu la soigner sur place… pourquoi faut-il toujours que tu me mêles à tes choix Maryah hum ? Pourquoi penses-tu toujours à moi quand ce n’est pas nécessaire ?

S’écartant de l’épicée, Torvar poursuivit en prenant la direction de la maison.

- Quant à ma présence, je doute qu’elle l’aide d’une quelconque manière. On ne se connait pas assez pour que cela puisse changer grand-chose, crois-moi. Tu aurais dû la laisser à son mari et ne pas la ramener ici…

Pénétrant dans la maisonnée, Torvar n’eut un regard pour personne. Il grimpa en direction de sa chambre afin de voir ce qu’il en était. Et puisqu’il était là… Le cosaque pris soin de se laver les mains avant de venir examiner les blessures. Gestes doux de la part du géant de l’est, Torvar faisait très attention à ne pas réveiller les blessures qui agiteraient à nouveau Eliance dans son sommeil. Son regard se portait plus près afin d’examiner les parties voyantes de l’iceberg. Il savait que ce qu’il ne voyait pas pouvait faire bien plus de dégâts que la partie visible et peu ragoutante de la blessure mais là, pas d’infections particulières du moins aucune nécrose des chairs qui l’obligerait à couper un membre. Au moins elle resterait la même… les doigts du cosaque replièrent le bras de la jolie rousse et il garda sa main posée ainsi tandis que l’autre venait remettre de l’ordre dans les cheveux collés sur le front encore chaud de fièvre. Et il ne put s’empêcher d’enfin lui adresser la parole comme si elle pouvait l’entendre, comme si il pouvait la tirer des griffes de la nuit.

- La vie est faite de choix Eliance, je vous l’ai toujours dis… aujourd’hui faites le bon, battez-vous pour vivre… rassemblez toutes vos forces pour sortir de ce brouillard qui vous retient… Si vous voulez revoir Diego, il faut devenir une guerrière…

Torvar inspira profondément puis s’activa à replacer un linge frais sur le front de la blessée. D’un autre, il le passa sur les joues et dans son cou afin de rafraichir ce qu’il pouvait, ne se permettant pas d’aller plus loin. Ça c’était le boulot de Maryah, lui ne ferait que le strict nécessaire. Puis se redressant, il s’assura que la couverture était bien en place avant de redescendre à l’air frais. Il lui fallait sortir de cette prison qu’était devenue sa chambre. Rester avec Eliance ne faisait que compliquer les choses. La voir à moitié en vie ou à moitié morte suivant comment son humeur le lui dictait lui donnait des envies de meurtres envers les gens qui l’accompagnaient et qui l’avaient entraîné sur les chemins, à la poursuite de chimères…

Passant par la cuisine en sortant, il lança à la tablée « ne m’attendait pas pour manger » puis retourna d’où il venait, l’étable. Là au moins on lui foutait la paix !

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Une idée, une envie d'un RP ? N'hésitez pas, je ne mords pas.
Atropine
Le voyage devait être agréable. Le voyage devait leur permettre de prendre l'air, des vacances ... Le voyage devait être emplit de rires, de beuveries et de coups de gueules éphémère. Mais à la place le voyage avait tourné au cauchemar, pour tous. Diego et Mike furent les plus touchés, Atro un peu plus qu'Eliance au départ, mais, bien soignée son état s'était amélioré rapidement alors que celui de la rousse s’aggravait. Elle n'avait rien laissé paraître, pendant longtemps, empêchant quiconque de s'apercevoir de la dégradation de son état.
Mais la veille de la disparition de la rouquine, la demie portion fût alertée, par quelques signes. La meringue tremblait de froid sous la chaleur accablante, tremblotant légèrement. Le prétexte d'une maladie quelconque avait satisfait la Teigne, sachant qu'une épidémie faisait rage non loin. Mais lorsque le lendemain, au levé du jour, la balade fut annulée faute de trouver sa partenaire, la demie portion rageait, jusqu'à une lettre de la personne la plus détestable à ses yeux pour le moment.
Une lettre de menaces infructueuse et des recherches plus tard personne. La rousse s'était bien envolée, et les petits n'étaient plus avec leur géniteur non plus. La Peste reprit de quoi écrire et s'affaira, deux lettres, espérant que l'une au moins fasse son effet.




Eliance,

T'es où ? Si tu fuis Diego, dis moi au moins que tu vas bien.
Prends soin de toi
Atro

PS : Evite de refiler ta crève aux jumeaux et mange de la soupe !


Première note ficelée à la patte du piaf est expédiée avant que la deuxième ne soit rédigée, d'une main nerveuse.



N'avez vous aucun scrupule ?! Je vous demandais de l'aide pour Eliance, vous me balancez qu'elle a disparu, et soit vous êtes clairvoyant, soit vous y êtes pour quelque chose. Dites moi au moins qu'elle va bien !


Un soupire après le départ de la seconde missive. Elle ne peut pas quitter la ville dans son état sans prendre de risques, alors reste plus qu'a ronger son frein, en espérant des nouvelles.
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Eliance
Les délires se sont calmés. Tout du moins, les cauchemars dans la caboche ménudiérienne se font moins nombreux, laissant place à des visions un peu plus agréables. Plus de morts, plus de fantômes, simplement un homme. Un seul. Toujours le même. La réalité se mêle à la fièvre avec des touches de souvenirs parfois. Le tout se fait douçâtre et tire parfois un semblant de sourire sur les lèvres gercées de la rousse, apaisant ses traits. Elle semble dormir, simplement. Son visage, mis à part la petite bosse osseuse apparue sur l'arête de son nez, ne porte pas les stigmates de ses souffrances passées. Seul son corps endure et se tord.


    Ils se disent adieu. Non. Ils ne se le disent pas. Ils sont face à face et se contentent de s'observer une dernière fois, ne disent rien ou très peu et elle part. Elle part avec sa boule au ventre et le sourire aux lèvres. Elle part pour mieux apprécier sa rencontre. Leurs chemins se séparent, provoquant une drôle de sensation dans l'âme de la Ménudière. Ils se sont déjà dit adieu la veille furtivement. Et puis en fait, ils se sont vus à nouveau, parlé, souri. Elle n'oubliera jamais ce sourire. Elle n'oubliera jamais cet homme.

                      ***

    Il l'a écrit, à demi mot. Eliance l'a lu et refoulé au plus profond d'elle, se défendant d'y croire et d'imaginer une quelconque suite. Elle n'est pas une femme convenable pour lui. Elle est bourrée de défauts, de souffrance. Elle a tenté de lui expliquer. Tenté de lui écrire qu'il mérite mieux. Qu'elle ne lui apporterait que frustration et déception. Tenté d'expliquer pourquoi elle reste avec ce mari qui la fait souffrir.
      « Je ne le rends pas heureux, mais il ne le mérite pas forcément. C'est pour ça que je l'ai choisi. Il est loin d'être parfait, mais il sait comment je suis et fait avec. Et j'arrive à le regarder, justement parce qu'il ne mérite pas forcément mieux que moi. »
    Elle a fait son choix. Pour lui. Pour eux.
    Choix douloureux qui l'oblige à ignorer ses propres désirs, à les enfouir jusqu'à ne plus pouvoir les déterrer, les formuler. Elle n'est rien. Elle l'a choisi, sans s'en rendre compte, un soir de tourmente. Ses doigts sont mâchonnés, triturés. Il lui manque. Mais elle ne se l'avoue pas. Elle doit oublier. Elle oublie.


                      ***

    Elle le voit s'occuper d'elle. Elle l'entend parler. Elle le sent si proche, jusqu'à percevoir son souffle, sentir son odeur si particulière, sentir ses mains sur elle. Sa peau frémit. Rêve ? Réalité ?

                      ***

    Manolito, viens là ! Non mais c'pas possible ces mioches.
    Le temps de récupérer le garçonnet, de le prendre dans ses bras histoire qu'il s'échappe pas encore qu'elle se retourne et...
    Lucrezia ! Viens ici 'spèce de grougandine ! Pire que ta mère hein ! Pas vrai ça !
    Diego n'est pas là. Diego se repose. Diego est blessé. Diego les a défendu. Alors elle s'occupe des jumeaux qui ne sont pas les siens. Elle s'occupe des enfants qui forment pourtant sa famille. Elle a du mal. Sa cuisse la fait souffrir. Son bras aussi. Alors aussitôt les deux rassemblés, une corde est passée à un de leur poignet.
    Le premier qui raconte ça à votre père, j'le tue.
    Elle fait la dure, comme ça, l'insensible. Mais une fois de retour dans leur chambre, à l'abri des regards, elle s'assied avec eux à même le sol et les observe jouer, les couvant du regard, passant une main tendre tantôt sur le crâne chevelu de l'un, tantôt sur les boucles blondes de l'autre, indifféremment.

                      ***

    Ils parlent. Lui peu, elle beaucoup. Elle l'assomme de questions, cherche à le percer à jour. Cet homme l'intéresse. Elle trouve grisant qu'il puisse être son idéal contraire.
    Le Cosaque déteste les faiblesses non dissimulées, elle est la défaillance incarnée.
    Le Cosaque accueille la vie comme un don, elle l'affronte comme une fatalité sombre.
    Le Cosaque est taciturne, elle est joviale et rit souvent aux éclats.
    Le Cosaque est enchaîné à ses chevaux, elle n'a jamais grimpé sur un, sauf à en croire son mensonge premier.
    Le Cosaque a vécu, les reflets argentés en témoignent, elle est à l'aube de sa vie.
    Le Cosaque n'envisage pas de fuir la vie, elle y songe constamment.
    Le Cosaque accepte ses souffrances, elle tente de les ignorer.

    Mais une chose les rassemble pourtant. Ni l'un ni l'autre ne craint la mort. Pour des raisons différentes, ils la croient proches d'eux et s'attendent à ce que la délivrance arrive à l'incongrue.
    Il sourit. Furtivement, mais il a souri. Elle gobe ce sourire des yeux et l'emprisonne en elle. Il est une offrande. Elle l'accepte et s'efforce de mettre la saveur particulière du moment dans un coin de son crâne. Elle, Eliance, a fait sourire Torvar, l'homme des steppes.


                      ***

    Elle pleure. Elle s'est échappée de la ville, de sa vie, pour pleurer, pour crier sa faiblesse, sa nullité. Les mots sont durs. Les mots torturent. Elle est une allumeuse. Une gamine. Il sort de sa vie si violemment alors qu'il avait promis qu'il serait toujours à ses côtés en cas de besoin. Elle sait qu'elle l'a blessé. Mais ces mots-là sont au-delà de tout, surpassent tout par leur atrocité. Elle pleure loin de sa vie. Personne ne sait. Personne ne doit savoir. Diego ne doit pas savoir.
    Elle doit rester pour lui. Pour qu'il ne sombre pas.
    Pourtant, affalée en boule sur ce chemin, elle prie en silence pour qu'un drame se produise. Là. Maintenant. Tout de suite. Mais rien ne vient. L'amitié n'est plus.


                      ***

    La lecture d'une lettre résonne en elle. Pas la dernière, non. Celle-là est oubliée en cet instant. C'est bien la première que lui a fait parvenir le Cosaque dont les mots refont surface.
      « Sachez que vous avez été une bouffée d’air dans ma vie, une touche teintée de beauté dans ma vie sombre et ensanglantée. Vous avez effleurée du doigt quelques désirs que j’avais enfoui au fond de moi, dépoussiéré une existence qui fut autrefois mienne. »
    Elle les a tant lues, ces lettres, qu'elle les connaît par cœur. L'Amochée n'est pas spécialement conservatrice, pourtant elle a conservé tous les écrits du Cosaque dans une petite boîte, priant toujours pour que Diego ne tombe pas dessus. Il sait, mais si il lisait, sa jalousie rendrait le climat orageux, assurément. Cette première lettre qui faisait suite à son aveu de mensonge. Eliance ne ment pas. Jamais. Et pourtant, ce jour-là, le jour de leur rencontre, elle les a enchaînés pour la bonne cause.
    Les phrases résonnent en elle. La première lettre d'une longue série.


                      ***

    Elle le voit, assis dans le fond de cette taverne. Il est impressionnant, beau. Et pourtant, elle n'a pas peur. Étrangement, celle qui a peur de son ombre ne craint pas le géant. Ce n'est pas de son enveloppe corporelle – enfin si, mais pas seulement – qu'émane la beauté. Il est beau dans ce qu'il est, dans ce qu'il dégage, dans sa manière de vivre, de parler, de bouger, de respirer, dans ses mots, ses principes, sa vision de la vie. Il devient l'objet de toute son attention et elle tente de le faire sourire, de lui tirer les verres du nez, de le faire revivre, comme convenu avec Maryah. Elle y parvient, un peu, et s'en amuse. Maryah lui a demandé de lui rendre goût à la vie. La mission est largement remplie, pourtant, ils continuent à parler, à se confier. La mission n'aura été qu'un prétexte.

                      ***

    Il sera un ami. C'est décidé. Elle vient de décidé que cet homme sera son ami. Il lui a dit, il sera toujours là pour elle. Toujours là pour la secourir, l'aider, la soutenir. Il sera son ami. Un ami indéfectible. Un ami qui hante les rêves. Elle n'a que ça comme place à offrir. Elle croit que cette place est la meilleure. La moins tortueuse, la moins risquée pour lui. Elle est nulle en tout mais espère être à la hauteur d'une amitié.



Les paupières se sont ouvertes d'un coup, dévoilant les yeux clairs affolés à la pénombre de la pièce. Les yeux cherchent. La tête est lourde, encombrée encore, pourtant elle tente de la soulever. Son corps reste comme endormi, anesthésié par la souffrance. Les doigts se réveillent, bougent, s'agrippent doucement à la couverture. Le bras est douloureux, elle peine à le bouger. L'autre va bien. Elle prend appuie dessus pour essayer de s'asseoir en vain. La tentative l'épuise mais elle tient bon, elle ne replongera pas. Elle examine la pièce. Cherche quelque chose de connu. Ses affaires sont là. Ses frusques. Le coffret à lettres. Sa besace. Tout est posé sur le vieux fauteuil. Une pensée ne la quitte pas.

Les jumeaux... Où j'suis ?...

La voix est faible, aussi faible que sa maîtresse qui sent son corps être comme un étranger. Elle ne l'a jamais apprivoisé, ce corps, souhaitant plus que tout n'être qu'une âme flottante et pouvoir s'en libérer. Ce jour, ce moment, est pire que tous les autres vécus. Dans un ultime effort, elle tente de se redresser dans un élan rassemblant toute son énergie. Son corps amoché et pesant la fait rouler sur le côté, tandis que ses muscles amorphes ne lui permettent pas de réagir et de le retenir. Elle tombe lourdement, avec fracas, sur le plancher de la chambre, le nez dans la poussière. Le choc l'estourbit un peu, mais elle reste consciente coûte que coûte, se battant, clignant avidement des yeux, tentant de ramper pour... rien. Toutes ses forces sont concentrées dans ces mouvements lents et poussifs. Elle ne réfléchit plus, étalée au sol. Elle agit. Elle se bat. Simplement, elle est en vie. Elle a fait un choix.
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