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[RP ouvert] Sans doute vous étais-je destinée

Desiree.
Le soupe de potiron, c'est bon.
Surtout avec une bonne tartine de pain bien épaisse, et une tranche de viande froide bien saucée par dessus. Ou du fromage. Et surtout, avec de la crème fraiche droit sorti du pis de la vache Mâconnaise. Dans la soupe, pas sur le pain, hein !
Et même, comble du luxe pour la région, avec une légère pointe de sel.
Un régal.
Alors quand en plus on partage ça avec une amie chère, c'est génial.
Mais quand, en plus, pour une fois, on est en tête à tête avec la dite amie, c'est inespéré.

Aussi, quand un homme armé et braillard fait irruption au milieu du dit repas, on tique. On fronce même le nez quand il éructe ses imprécations.
Et on observe.
Elle ne dit rien.
Mais elle a bien senti Ellya perdre contenance quelques instants. Pourquoi ? Connait-elle l'homme ? Ou en a t-elle simplement peur ? Vrai qu'il est un peu effrayant.
Mais alors, pourquoi l'inviter à leur table, quand il suffirait de faire signe aux gardiens de l'auberge pour qu'ils boutent le malotru hors de leur vue ?

Donc, elle le connait.

Observer mieux.
Les rapports humains, mine de rien, ça la connait. On en apprend toujours long sur les hommes quand on est catin. Il est tellement nécessaire de les comprendre pour survivre.
Et elle ressent la tension. Elle capte, du coin de son œil unique, les regards.
On ne présente pas l'homme. Donc Ellya préfère nier le connaitre ? Quelle drôle d'idée, a-t-elle honte de cet homme ? Peur ? Ou envie ? Non, la prude Ellya n'aurait pas envie d'un homme, cela semble si improbable... Et à la fois, on a vu de plus prudes fauter, et même des catins tomber amoureuses, alors pourquoi pas ?
Et lui, que veut-il ? Que cherche-t-il en venant trouver Ellya ici, loin de chez elle ? Loin du foyer conjugal ?

Elle en était là de ses réflexions quand l'homme finit par lui adresser la parole.
Elle darde donc son oeil unique sur lui, le toise un moment avant de répondre, froidement :


A Genève, on ne s'embarrasse pas de curés, on parle au Très Haut directement.

Elle laisse passer un temps, celui d'adoucir sa voix et son ton, de les rendre légèrement moqueurs :

Peut être devriez vous envisager de faire comme eux, ainsi mon amie et moi pourrions savourer notre potiron plus calmement... D'autant que le ragout qui l'accompagne est délicieux. Alors soyez mignon, servez vous mon lapin, et remettez Dieu à un temps ultérieur.
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©Linda Ravenscroft, création Atelier des Doigts d'Or.
Ersinn
Un brin de pseudo-politesse pour contrebalancer la discourtoisie avec laquelle il interrompait le repas des deux femmes avait eu l'effet escompté sur Désirée. Le Warenghien employait souvent cette méthode. Une manière comme une autre de faire émerger immédiatement le caractère brut d'un inconnu. Un homme agacé ne prend bien souvent pas la peine d'user d'hypocrisie. Ou alors, sa personne naturelle est tout simplement directe. Il voulait connaitre la raison du comportement relativement particulier d'Ellya. C'était nécessairement lié à cette "graaande amie". Gardant les hypothèses pour lui, il n'esquissa pas la moindre mimique à la sèche réponse qu'on lui servait. Seule la mention de Genève et des sous-entendus de la réforme, le firent hausser légèrement les sourcils.

Ils font bien ce qu'ils veulent à Genève. Vous êtes réformée ?

Assuré d'une réponse positive, il esquissait déjà un bref sourire, sans la quitter des yeux. Il comprenait mieux l'attitude d'Ellya, c'est à dire ses réprimandes lorsqu'il l'avait publiquement appelé Prieuse, et son regard suppliant, alors qu'il s'installait à leur table. Elle n'ignorait pas qu'il pouvait déclencher, à sa guise et à tout moment, une douloureux supplice spirituel. Il n'en fit rien pour autant, et son sourire glissa rapidement de son visage.

... servez vous mon lapin ...

Il avait fréquenté suffisamment de maison closes dans ses jeunes années pour ne pas ignorer d'où venait cette familiarité. Une pointe de colère traversa ses yeux, tandis que cette simple évocation faisait remonter quelques mauvais souvenirs. Il ajouta d'une voix égale :


Dieu peut attendre, oui. Je suis un homme patient, et peu pressé d'avouer mes pêchés. Par ailleurs, vous pouvez m'appeler Amyr. Maitre Amyr. Bien. Si vous permettez, je vais me servir.

Ce qu'il fit.
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Ellya
Réformée? Comment cela, réformée? Son amie la plus chère, une hérétique?

La religieuse darda un regard noir sur le Lorrain, convaincue qu'il ne posait une telle question que pour l'agacer elle, ne voyant en rien dans l'affirmation de Désirée une déclaration officielle.
Puis n'avaient-elles jamais parlé du Créateur, ensemble, et de leur foy, dans les nombreux courriers échangés? Elle eut un doute. Elle ne se rappelait plus.
Peut-être avait-elle trop évité le sujet, pour ne pas se confondre. Enfin, cela étant dit, Ellya ne lui avait jamais caché être croyante, archipieuse et prompte à interpréter le moindre signe divin.
Mais voilà qu'elle osait seulement douter de Désirée, offense!, et tout cela à cause de lui. Même le potage en perdait son goût. Elle reposa sa cuillère, navrée.

C'était tout le problème des non-dits. Quand vient le moment où l'on aurait besoin de savoir, ne demeurent que des suppositions qui, quand le cœur est abîmé, deviennent de plus en plus sombres, les minutes s'égrenant.

Le repas promettait définitivement d'être gâché. Et comme si cela ne suffisait pas, il fallait que le Warenghien en rajoute en donnant un faux nom. Amyr. Il n'avait même pas une tête à s'appeler Amyr! Excédée, la religieuse se terra dans son mutisme. Elle voulait qu'il fasse semblant, certes, mais pas de là à s'enfoncer dans le mensonge. Comment allait-elle tout avouer à Désirée, après, hein?

Comme si les raisons de sa propre présence n'étaient pas déjà assez compliquées!

La fin du repas se passa dans un silence quasi-religieux, meublé seulement par les coups de couteau et les bruits de déglutition.
Au fond, elle se doutait bien que son amie n'était pas dupe. C'était dommage, d'ailleurs. C'eut été plus facile. Alors quand vint l'heure salutaire de se séparer, elle laissa Désirée la devancer, lui promettant de la rejoindre plus tard, pour converser. Sans doute en profiterait-elle pour tout lui avouer, ou pas.

Elle posa alors son regard sur le Lorrain, partagée.


On n'a pas idée, franchement... Maistre Amyr? Vous n'étiez même pas crédible. Vous auriez pu au moins faire un effort dans votre tenue. Vous savez dans quelle position vous me mettez? ... Évidemment, que vous le savez! Vous auriez pu vous en passer. J'aurais pu m'en passer. Que vais-je lui dire, maintenant? Que vous êtes fou? Vous l'êtes peut-être. Je lui dirai cela, alors. Si seulement votre entrée en matière n'avait pas été aussi désagréable! Vous êtes impossible. Facilitez-moi la vie, la prochaine fois.
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Ellya
Quelques jours plus tard.

Ils allaient enfin rentrer à Dijon, après de trop nombreuses nuits à Mâcon.
Ce fait provoquait à la fois de la peine et du soulagement chez la religieuse.

Ayant reçu un courrier du Père Bardieu quelques jours plus tôt, elle savait qu'une fois arrivée en la capitale elle devrait reprendre la bure pour répondre aux besoins d'une comtesse. Et comme cette simple idée l'enchantait! Elle allait enfin pouvoir retrouver la sensation du sol froid contre ses pieds, en délaissant les chausses prêtées par Désirée. Et l'idée du tissu rugueux de la tenue monacale, loin de lui donner des irritations prématurées, l'emplissait d'une joie immense.

Malgré cela, redevenir la Prieure signifiait dire au-revoir à son amie. En effet, elle n'avait pu se résoudre à lui révéler sa soumission et son acceptation totale de l'Eglise, son plaisir à prier, ses occupations journalières à Sainte Illinda. Désirée avait si bien compris les ressentiments qu'elle avait envers son époux, qu'elle craignait que son opinion ne change en apprenant qui elle était. Elle ne souhaitait pas non plus salir le blason des religieux plus qu'il ne l'était. Alors, une femme d'église souhaitant ardemment la mort de son époux Spinoziste. Il y avait mieux, quand on espérait vraiment -mais alors vraiment beaucoup - garder l'amitié de cette femme.

Et pour entretenir le mensonge, car cela lui était devenu, au fil des ans, bien plus aisé que de dire la vérité, elle avait vaguement annoncé à Désirée avoir quelques affaires à régler avant de la remercier pour son hospitalité. La Duranxie s'était en effet décidée à prendre une chambre dans une auberge Dijonnaise, espérant passer ainsi inaperçue. Elle pensait farouchement être ainsi méconnaissable pour ceux qu'elle avait croisés en tenue bourgeoise, si tant est qu'elle ne les croisait pas trop près...


Plusieurs jours plus tard, encore.

Tout ne s'était pas passé comme prévu.
Elle quitta donc la Bourgogne, une fois sa mission finie, se promettant sans regret d'y repasser sur le chemin du retour.

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