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[RP] Hôtel de La Force

Pattricia
Milieu de la même nuit, la silhouette passe la discrète porte cachée par du lierre, un loup lui emboite le pas. La porte est refermée et les deux ombres traversent le jardin qui mène à l'arrière de l'hôtel particulier. Une fois dans le vestibule, Patt se débarrasse de son manteau, accroche ses armes que personne n'a le droit de toucher et rejoint l'escalier. Manon est là, enfoncée dans un fauteuil, émergeant au son de ses pas pour se redresser d'un coup.

- Pourquoi m'as-tu attendue ? Il est tard monte donc te coucher.
- Si vous croyez que je ne vais pas veiller alors que vous trainez à la recherche d'un coup fourré histoire de vous défouler vous vous mettez le doigt dans l'oeil Madame la Baronne.
- Manon...
De toute manière les malandrins doivent tous être planqués près d'un bon feu, je n'ai pas rencontré âme qui vive sur les rives de la Seine.
- Bah ils sont normaux eux, ils dorment à cette heure !
- Depuis quand te permets-tu de me surveiller et de me sermonner ?!
- Depuis que je vous prépares chaque soir une tisane qui sent bizarre et que je retiens votre tignasse pendant que vous vomissez la nuit.
- ...
Puisque tu en parles, tu peux me la préparer s'il te plait avant d'aller dormir ?
- Elle est déjà prête, j'ai juste à vous la réchauffer. Vous avez une mine à faire peur, vous devriez vous reposer.
- Plus tard... Je dois écrire.


Patt, suivie d'Evil, grimpe l'escalier à vis et rejoint son bureau/boudoir. Après s'être déshabillée, elle enfile une tenue confortable et chaude puis s'installe à son écritoire posé sur la grande table qui lui sert de bureau. La plume reste en suspend quelques instants puis petit à petit elle glisse sur le vélin. Elle répond d'abord à son époux, sans doute la missive est-elle un peu dure mais elle n'a plus le temps pour les faux-semblants.
Vient ensuite le moment de répondre à Lucie, tant de choses, si peu de temps...





Ma Lucie,


J'aimerais que tu me rejoignes à Paris où tu as toujours ta chambre, j'ai beaucoup de choses à te dire et sans doute as-tu le même besoin. N'attends pas trop longtemps pour me rejoindre, tu risquerais d'arriver trop tard. Je suis sur le déclin et nous retrouver devient impératif.

Pour le reste, disons que nous nous sommes loupées lorsque nous aurions dû nous soutenir. Personne n'est infaillible, à notre époque les voyages sont fastidieux et les responsabilités de toutes sortes nous imposent des déplacements ou des immobilités qui ne sont pas forcément opportuns, c'est ainsi..

La Saint-Noël arrive, je vais devoir me rendre brièvement en Périgord mais si tu pouvais être là courant janvier cela serait parfait.

Je t'aime ma fille rebelle mais je te fouetterais sans doute un peu verbalement quand nous serons enfin ensemble.






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Pattricia
Baronnie de La Force




Comme elle l'avait écrit à Lucie, elle s'était retirée à La Force pour les fêtes de la Saint-Noël. Jade avait été ravie de l'accompagner au cœur du sombre Périgord et de découvrir le château de sa mère. La petite avait fait mine de s'intéresser -et surtout de comprendre- ce qu'était la vinification, suivant la rousse dans tous ses déplacements. Le Maitre de chai avait semblé amusé par le nez froncé de la petite reniflant une nouvelle étape de maturation de ce qui avait été au départ du raisin pressé.

Patt n'avait pas désiré rejoindre ses amis pour le réveillon, préférant le calme et la simplicité de sa maisonnée. Le personnel avait préparé un festin de mets simples et savoureux, on avait dressé la table d'apparat, les tonneaux avaient été mis en perce et c'est dans la grande salle à manger réservée d'ordinaire aux pompeux repas que la rousse avait réuni tout son monde. Le tout était dressé en carré afin qu'un maximum de personnes puissent se voir et s'interpeler. Très vite chacun avait pris ses aises et Jade avait ponctué le repas de ses éclats de rire. Patt sentait son cœur se serrer "qui la fera rire une fois que je ne serai plus ? Son père saura t-il s'en occuper correctement ?" C'était sa seule angoisse, elle n'avait pas peur de la mort, elles étaient de vieilles compagnes toutes les deux, la rousse lui avait fait faux bond si souvent que la faucheuse l'attendait désormais de pied ferme...

Chaque membre du personnel avait reçu son petit cadeau et inconsciemment elle avait sû que ça serait sans doute la dernière fois qu'elle les voyait.



Hôtel de La Force



On était en janvier, il y avait eu deux semaines de pluie qui avaient rendu les chemins boueux et difficiles mais la rousse n'avait pas cédé, ils devaient rentrer à Paris. Le voyage fut assez pénible, Jade fut renvoyée boudeuse auprès de son père. Sa mère ne voulait pas qu'elle assiste à son déclin, non pas par coquetterie mais pour la préserver au mieux. Les derniers souvenirs intenses de la petite ne seraient que rires et achats compulsifs, chansons et histoires d'aventure. Patt devait bien reconnaitre que c'était également un soulagement, jouer la comédie lui était de plus en plus pénible et la maladie gagnait, ce qui ne lui facilitait pas la tâche...

Ce jour là, elle avait décidé de reprendre son récit familial mais les nausées et la migraine la clouèrent au sol, pliée en deux au pied du lit. C'est ainsi que Manon la trouva alors qu'elle lui apportait la mixture qu'elle devait prendre de plus en plus souvent. Une fois allongée et le liquide avalé, la rousse dû bien admettre qu'elle était incapable ne serait-ce que tenir une plume. Exsangue, elle sombra dans un sommeil qui ne serait malheureusement pas réparateur.

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Euridyce
    Lucie s'était toujours opposée à tout. A sa mère, à ses frères, à sa tante. A son géniteur, aussi, lorsqu'une pensée vindicative lui traversait l'esprit. Et pourtant, dans une dévotion qui lui venait de l'exemple maternel, elle revenait d'une guerre dans laquelle elle avait plongé à sa manière : tête baissée. Sur le chemin de son retour, flanquée d'une joyeuse bande, elle retrouvait les bords de routes poitevines, sans grande envie. La compagnie de Miriella et Thaïs rendait pourtant l'ennuyeux comté moins rude, moins désagréable. Elle s'élançait presque légère, avec la hâte des retrouvailles avec son lit, l'appartement étroit du Pigeon, les plumes trempées d'un Pierre vieillissant. La silhouette d'un ami, aussi, qui lui creusait le ventre de manque comme d'anxiété. Le retour promettait d'être secoué de quelques haussements de voix, et le mariage à venir compliquait encore les choses.

    Puis, toute cette réalité fut balayée. Oui, balayée. Plus rien n'exista, sur cette route de campagne. Pas même l'Ami de toujours. Pas même la séparation d'avec Couzage et Katina. Pas même les regards attristés de Thaïs. Il ne restait qu'un cœur qui s'écrasa dans la poitrine de Canéda. Un cœur qu'elle ne soupçonnait plus et qui se faisait brusquement bruyant. La missive à l'origine de cet arrêt de palpitant fut roulée dans une poche, alors que Lucie hurlait sur un Clément étourdi.

    - Prépare mes affaires. Rassemble tout. Oublie le reste, s'il faut ! On part.

    Les chevaux furent bien vite montés, besace sur le dos, et la limougeaude s'accrocha de toutes ses forces à son frêle commis, alors que la jeune bête les menait au galop jusqu'à la résidence parisienne de ses parents. Le visage dissimulé sous de larges étoffes et planqué contre le dos de Clément, les lippes furent rongées pendant tout le trajet. La Force arriva bien vite en vue, quoi que le voyage lui parut inhabituellement long. Pourquoi avait-elle tant attendu ? Pourquoi ne pas avoir rejoint sa mère plutôt que d'être allée enterrer ses angoisses en pleine guerre angevine ? Elle se sentait bien plus lâche, désormais, devant la possible mort de sa mère que face à des angevins armés.

    Se ruant sur le sol parisien, les pas pressés de la triplée retrouvèrent la chaleur d'un hôtel silencieux. Jade n'était manifestement pas icelieu, car ses rires aux éclats de cristal ne résonnaient plus de leur accent aigu. Un domestique fut rapidement attrapé, dans une indélicatesse qui ne lui était pas coutumière, et elle s'enquit d'une voix inquiète.

    - Où est ma mère ? Où est Manon ? Réponds, foutrecul !

    - Dans sa chambre, mademoiselle Lucie. Manon veille près d'elle.

    Et alors qu'accourait un Clément alerte, les bras chargés de sacs, Canéda filait déjà jusqu'à la chambre parentale. Les guiboles maigres tremblaient d'inquiétude, la fille indigne ouvrit la porte, sans même frapper, oubliant toute discrétion tant la situation lui paraissait urgente.

    - Manon ? Bonjour...

    L'aînée de la rousse s'approcha jusqu'au chevet de sa mère, le cœur serré devant une telle scène. Elle saisit sa main, avec douceur cette fois, et déposa un baiser sur le front fiévreux.

    - Maman, c'est moi, Lucie, je suis là...

    Ravalant des larmes angoissées, la Canéda junior s'appliqua à garder une figure honorable, pour sa mère, pour lui montrer. Oui, tu m'as bien élevée, mère, et ce malgré le foutu caractère que tu m'as transmis. Oui, je peux garder la tête haute, comme tu me l'as toujours enseigné, malgré l'inquiétude que ton état provoque. Lucie se pencha, murmurant, trahie dans sa peine par sa voix affolée.

    - Tu m'entends, petite maman ? Dis-moi quelque chose, s'il te plait... Hurle-moi dessus, mais parle.

    Montre-moi que tu vis toujours, maman.

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Artiste : A6A7 et junica-hots
Citation de Carlos Ruiz Zafon.
Servante_parisienne
L'humidité et la fatigue du voyage avait rendu la patronne plus malade qu'avant son départ. Manon avait donc jeté sa paillasse dans la chambre pattochienne. Évidemment la propriétaire avait bien protesté mais son autorité naturelle n'avait pas fait mouche. La brune savait tenir tête et aussi rabattre son caquet à la Baronne. Elles avaient donc passé deux jours et deux nuits particulièrement difficiles mais la troisième journée fut la bonne. A force de nourriture et de mixtures, les jades devinrent plus clairs et la peau moins diaphane. Néanmoins, la gouvernante avait encore dû mener une dernière bataille, celle de convaincre la malade qu'une nuit de repos supplémentaire était nécessaire et que seulement ensuite elle pourrait quitter le lit.

C'est au cours de cette troisième nuit, alors que Patt dort comme une souche, que Manon avait entendu un drôle de chambardement dans la cour d'apparat. Se redressant d'un coup, la première chose qui lui vient à l'esprit est que le Baron débarque et là ça serait pire que tout. Mais la voix qu'elle entend est féminine, Evil se précipite vers la porte en remuant la queue et soudain la porte s'ouvre assez violemment pour laisser passer une jeune femme hystérique.


Mademoiselle Lucie ? Heu... oui bonjour...

La gouvernante n'a pas le temps de réagir, Evil se met à japper joyeusement, la vénitienne se précipite sur la couche maternelle et commence à lui parler. "Pour une fois qu'elle venait de passer une bonne nuit... Pfff !". Mais Manon connait son monde et surtout veille férocement au bien-être de la rousse envers et contre tous, même sa famille. Elle s'approche donc de Lucie, la prend aux épaules, la tire en arrière et vers le haut pour la forcer à se lever. Et d'une voix douce mais ferme

Ma petiote, vous devez la laisser dormir, elle est droguée, au mieux vous lui apparaitriez à peine si elle ouvrait les yeux. Vous êtes trempée, il est 4h00 du matin, je vais vous faire monter de l'eau chaude dans votre chambre, vous allez prendre un bon bain et boire une tisane qui vous apportera un bon sommeil. Je vous promets que vous prendrez votre petit déjeuner avec votre mère, elle va mieux depuis hier.

Elle sent que la jeune femme résiste mais la brune ne cèdera pas.

S'il vous plait...
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Euridyce
    Tout d'abord, le vide.
    Lucie ne peut se décrocher de sa mère. Oubliée la foutue indépendance, oublié l'appel des chemins. Elle voudrait rester ainsi toute la nuit, et ce jusqu'à ce que la main maternelle presse la sienne avec la chaleur que la vindicative réserve à sa progéniture. Son corps, paralysé par l'inquiétude, semble incapable de s'écarter, tout comme son esprit ne peut penser à quelque autre futilité. Car, en cet instant, tout lui paraît bien futile. La Terre entière. Il ne reste que ce corps fatigué, dont les traits tirés ressemblent vaguement à la Vindicative mère. Quelque chose s'est brisé, dans cette guerrière du quotidien. Quelque chose que Lucie ne pourra jamais réparer, malgré toute la préoccupation qui la ravage désormais. Car Lucie ne sera jamais Plume, elle ne sera jamais le fidèle époux Dehuit, ni le petit rayon de soleil capturé que l'on nommait Jade. Lucie n'était que cette fille qui aime passionnément, de son Limousin lointain, et qui admire comme l'enfant qu'elle était il y a peu cette femme caractérielle et droite qu'est sa mère.

    Les bras de Manon la repoussent, et s'opère comme un déchirement dans la boîte crânienne agitée de Lucie. Il lui fallait cesser son égoïsme habituel, et prendre soin d'elle, maintenant. Chacun son tour, maman.

    - Je... Oui. Je suis désolée... C'est...

    C'est ma mère. C'est ma mère et j'ai peur de la quitter, je suis terrorisée comme une gamine à l'idée que son souffle s'éteigne si je tourne le dos. La phrase reste en suspend.

    - Réveillez-moi dès qu'elle sera levée. Balancez-moi de l'eau si c'est nécessaire, mais réveillez-moi. Et s'il lui arrive quoi que ce soit, appelez-moi, peu importe l'heure.

    Lucie peine à s'écarter, mais s'y résout, sachant pertinemment que sa mère ne pouvait se remettre flanquée d'une fille apeurée à ses côtés. Un dernier regard pour Manon, néanmoins, avant de retrouver sa chambre de petite fille.

    - Manon... Je... Enfin, merci.

    Merci de prendre soin d'elle, en mon absence. Et je suis là, maintenant.

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Artiste : A6A7 et junica-hots
Citation de Carlos Ruiz Zafon.
Pattricia
Si y'avait un truc qui la gavait grave c'était les léchouilles. Déjà du temps de Truffe elle pestait contre le grand mâle qui adorait la surprendre en forêt, la basculer au sol et lui tremper le visage de grands coups de langue. Là, la sensation est différente, c'est timide et c'est sonore. Les jades s'entrouvrent, leur première vision est assez étrange, une grosse truffe humide, une gueule d'où sortent des jappements et deux pattes posées sur son buste.

- 'tain Evil tu m'écrases les seins !

Le loup jappe à nouveau et quitte le lit pour s'assoir sagement la queue battant le sol. Elle ne peut s'empêcher de sourire, mais ses lèvres lui font mal, trop sèches.

- Soif...
- Tenez buvez lentement.


Miracle dû à une Manon attentive qui la scrute depuis que le loup a commencé à s'agiter, sentant sa maitresse revenir du pays des songes avant même que celle-ci ne soulève ses paupières. Le godet d'eau est placé devant sa bouche elle s'en saisit s'estimant assez grande pour boire toute seule. Ce qu'elle fait d'ailleurs, écoutant néanmoins le conseil de la brune, se délectant de chaque gorgée. Elle le pose, une fois vide, sur le guéridon près de sa couche.

- Merci...
J'ai beaucoup dormi ?
- Comme une souche, même l'arrive de Lucie en pleine nuit ne vous a pas fait bouger d'un cil
- Lucie ?
Lucie est ici ????
- On respire... elle va bien... elle veut juste est près de sa mère, elle a paniqué quand elle vous a vue cette nuit. Là elle dort encore, je me suis bien occupé d'elle ne vous inquiétez pas mais je lui ai promis que vous prendriez le petit déjeuner ensemble.
- Lucie est ici c'est fantastique, j'ai tant de choses à voir avec elle...
- Vous allez faire un brun de toilette histoire d'apparaitre rose et fraiche et moi je vais aller réveiller Mademoiselle Lucie.


Manon disparait suivie d'Evil qui a une envie pressante comme tous les matins. Patt reste encore blottie un instant sous la courtepointe. Un feu crépite dans l'âtre, le ballet des servantes commence pour aller remplir sa baignoire en cuivre afin qu'elle s'y prélasse. Mais déjà la rousse sort du lit, les presse souriant béatement toute à sa joie de retrouver Mini-Chieuse. Évidemment la gamine était devenue une belle jeune femme, un peu trop secrète au gout de sa mère qui aimait ses enfants d'un amour farouche peu récompensé en retour "c'est la vie...".

Une fois lavée et ointe de son huile de fleur d'oranger, l'ancienne vindicative vit son premier psychodrame de la journée "qu'est-ce que je vais mettre ???" A partir du jour où elle avait pu se permettre d'avoir une garde-robe, le même dilemme dans les moments importants de sa vie, la tenue qui va pile-poil... Elle jette son dévolu sur une robe que lui avait confectionné Elysandre et qu'elle appréciait pour ses teintes et sa forme.

Après un dernier regard dans la psyché et elle sort pour avaler couloirs et escalier comme si sa vie en dépendait. Elle pénètre dans les cuisines, là c'est l'effervescence, la grossière table en chêne est déjà couverte d'une montagne de nourriture. La maitresse des lieux éclate de rire.


- Nous ne sommes que deux ! Vous voulez nous gaver comme des oies ?

Ca fait des révérences, ça bafouille, ça retourne aux fourneaux les joues en feu, la femme au loup sourit, amusée de voir tout ce petit monde complètement bouleversé par la présence de deux La Canéda pour le petit déj. "profitez... ça ne durera pas mes filles..." Elle chasse d'un imperceptible geste agacé de la main cette dernière pensée funeste, furieuse de l'avoir laissée s'immiscer dans l'agréable tableau que forment les bonnets immaculés qui s'agitent, les fourneaux qui ronflent et les commis qui courent sous les ordres des cuisinières. Malgré l'ambiance bruyante, sans se retourner elle sait que sa fille approche, toute sa peau lui signifie l'imminence de leurs retrouvailles. Inconsciemment, elle retient son souffle...
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Euridyce
    La nuit fut longue.
    L'apaisement d'un lit de jeune fille retrouvé fut de courte durée : au petit matin, le même lit honorablement fait la veille, s'était vu chamboulé. La couette avait souffert des mouvements somnambulesques, exilée au bout du matelas, et les draps portaient encore les traces du corps pourtant bien trop léger. Rapidement, il fut déserté, pour une occasion attendue toute la nuit : un moment mère-fille. Chose qui n'était pas arrivée depuis des lustres, et dont Lucie manquait cruellement.

    La limougeaude avait enfilé de simples habits, une houppelande bleue quotidienne, des cheveux lâchés et ondulés. Le teint était pâle, car peu reposé, mais bien plus coloré que celui de sa mère. Du moins le constaterait-elle, une fois le regard posé sur l'objet de son anxiété. Les noisettes, pour l'instant, se heurtaient au dos maternel, sans trop savoir que dire, que faire. Elle était debout, ce qui rassura aussitôt l'ainée de la tribu. Elle vivait, elle respirait. Tout allait bien.

    Quelques pas les rapprochèrent. Et sa voix qui retentissait, frappa Lucie en plein cœur. Un déclic après le choc de la vision de la veille, voilà ce qu'il lui fallait. Dans élan assuré, l'ex Minie-Chieuse rejoignait sa vindicative mère, posant une main sur son bras, n'osant s'accrocher à son cou de peur de briser la malade.

    - Maman. Tu es levée.

    Inquiétude ou joie ? Le minois de Canéda s'éclaire en rien cette question. Un sourire cependant s'empare de ses lippes, lorsqu'elle croise le regard de sa mère.

    - Mangeons. Tu en as bien besoin !

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Artiste : A6A7 et junica-hots
Citation de Carlos Ruiz Zafon.
Pattricia
Elle se retourne et regarde sa triplé fille. L'air hagard lui fait peine mais son humour intérieur lui fait penser rapidement "rôles inversés ma fille, c'est pour tous les jours d'angoisse que tu m'as fais vivre !". Immédiatement elle sourit, que peut-elle faire d'autre quand son côté vindicatif refait surface alors qu'elle le croyait disparu. Elle lui caresse la joue en silence, remet une mèche rebelle en place et finit par la serrer contre elle.

Non non c'est mon fantôme que tu vois...

Elle pouffe comme la jeune fille qu'elle n'est plus et s'écarte pour scruter en détail Lucie.

Trop maigre !
C'est toi qu'il faut remplumer ma fille. Pour ma part je mange toujours comme un ogre, l'ultime combat en approche n'y changera rien, gourmande un jour, gourmande toujours.


Elle lui prend la main et l'entraine jusqu'à un siège en bout de table.

Il faut que tu t'habitues, cela sera ta place bientôt...

Elle sourit, ni amertume, ni frayeur dans ses paroles, juste l'acceptation sereine d'une mère qui doit préparer son enfant à ce qui l'attend. Elle s'assied à sa droite, les voilà à partager un angle de la table devant ce qui s'avère être un festin des Dieux.

Mangeons ! J'ai une faim de loup.
Nous allons parler aussi mais moi d'abord. Tu ne m'interromps pas, tu écoutes bien et tu me poseras toutes les questions que tu veux après.
Le temps n'est plus au déni, je vais mourir et je compte bien que nous réalisions certaines choses toutes les deux avant que la grande faucheuse ne tape à la porte.
Je vous ai donné je pense beaucoup d'amour à tes frères et toi. Mais je vous ai appris très jeunes à faire face, peu importe les sacrifices ou les épreuves, vous êtes des durs à cuir parce que la vie est cruelle, sans pitié et que votre môman chérie a veillé à ce que vous vous endurcissiez.


Elle lui sourit, chaleureuse et s'attaque à une assiette de beignets aux pommes avec férocité. Elle ne pensais pas voir Lucie si vite et du coup elle n'avait rien préparé. Elle était brutale mais en même temps elle avait toujours été partisane de retirer d'un coup un bandage collé par le sang que de faire durer le plaisir minute après minute. Après avoir mâchouillé consciencieusement deux beignets d'affilé, elle pose ses jades sur sa fille.

J'ai bien réfléchi, pesé le pour et le contre, sondé mon cœur et j'ai pris une décision. Évidemment il est hors de question que tu refuses, chouines ou que sais-je. Cela fait bien longtemps que je ne t'ai rien imposé mais cette fois je ne te laisse pas le choix. Je vais te nommer comme seule légataire de mes biens mobiliers, immobiliers et de mon titre de Baronne de La Force.

Le temps que Lucie réagisse, la rousse boit sa mixture quotidienne et se fait servir ensuite une boisson chaude plus gouteuse. C'était un moment clé, sa fille pouvait encore oser regimber mais cette fois Patt était prête à user de tous les artifices possibles et imaginables pour la faire plier. Ni Cantor, ni Floris ne s'étaient montrés à la hauteur avec leur mère, Chjara aurait mérité un fief mais hélas la jeune femme avait sombré dans la dépression et sa tante ne savait que faire pour l'aider. Jade, qu'elle avait élevée comme sa fille n'était pas une La Canéda, c'était à son père de gérer son avenir, pas à elle.
Quant à l'ours... elle avait fait beaucoup d'efforts, quitté son PA qui lui manquait tant, ses amis et même si à un moment elle avait été contente de partir cela n'avait pas duré. Tout ça pour quoi ? Se retrouver seule avec une lettre d'amour tous les 6 mois.
Seule sa chieuse bien que rebelle et éloignée avait été source de fierté. Elle aurait souhaité qu'elle quitte le Limousin qui ne lui apportait que peu de bonheur mais ça elle ne lui dirait pas. Lucie était assez grande pour se rendre compte que si elle voulait avancer dans la vie, certaines choses devaient changer.

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Euridyce
    L'enfant retrouve son sourire à la vue de sa mère. Tout change, le monde reprend des couleurs, le palpitant son calme. Elle la serre dans ses bras, ceux qui l'ont autrefois bercée lorsqu'elle avait faim, froid ou peur. Ce contact l'immobilise, lui fait perdre quelques secondes ses moyens, surtout quand cette pensée la traverse. Celle selon laquelle ce contact, si doux soit-il, fut l'un des derniers. Toute réflexion est interrompue lorsque la rouquine mère l'entraîne à table, sans trop lui laisser le temps de répondre.

    Elle ne semble pas abattue. Elle s'élance même sur la nourriture, avec l'appétit qui l'a toujours caractérisée. Les allusions à sa mort à venir sont ignorées, car trop violentes, trop dures à imaginer. Trop peu réalistes, devant un tel tableau. Sa mère vivra. Le déni s'impose comme la seule voie à prendre, l'unique possibilité dans l'état actuel du cabochon de Lucie. Comme pour dissimuler ses sombres idées sous une montagne de calories, Canéda s'empiffre à son tour, profitant d'un instant qui lui semble parfait.

    Jusqu'à cette phrase.
    "Ce sera ta place bientôt".

    La jeune fille perd à nouveau tout repère, et relève son regard sur la Mère. Et commence le monologue, interminable, ingérable. Chaque mot pèse sur les épaules de Lucie, s'ajoutant à tous ceux qu'elle n'ose prononcer, ou même penser. Y avait-il une douce manière d'annoncer qu'on va mourir ? Y avait-il une bonne manière de réagir, face à cette déclaration ?

    Et tombe la phrase, aussi râpeuse qu'une lame. "J'ai pris une décision". Et quelle décision. Lucie comme héritière, seule et unique héritière de tout ce que sa mère avait bâti. Tout ce qu'elle l'avait vu élever, tout ce qu'elle avait fait de ses mains, de ses bras, en vouant sa vie à des causes qui échappent toujours à Lucie. Des causes justes, évidement. Des responsabilités que l'aînée peine à porter, et se représente bien mal. Mais peut-elle refuser, cette fois ? peut-elle se rebeller toujours, en ignorant toutes les conséquences de ses paroles ?

    Le faciès de la jeune fille s'applique à garder sérénité et sérieux, le cervelet pourtant ravagé par les questions et les objections.

    - Je... Je n'ai pas envie que tu meurs.

    Etonnant, n'est-ce pas ?

    - Je suis encore jeune. Et inexpérimentée. Je sais que je n'ai pas été suffisamment présente pour le montrer, mais j'admire tout ce que tu as fait. Tout ce que tu as construit. Je ne veux pas le réduire en poussière avec mes idioties.

    Aveu de faiblesse ? Si rare, dans cette famille de dures-à-cuire. Lucie observe sa mère, avec cette admiration qui ne semble vouloir s'éteindre malgré le cordon rompu.

    - Je ne veux pas te décevoir, maman.

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Artiste : A6A7 et junica-hots
Citation de Carlos Ruiz Zafon.
Pattricia
Quand enfin Lucie prend son courage à deux mains et s'exprime, le cœur forgé d'un métal quasi indestructible fond... un peu. Les paupières se baissent sur les jades qui s'embuent "donne-moi la force !". Cette demande ne s'adresse pas à Ari, non ça c'est terminé. Elle s'adresse à la Mère, celle qui ne trahit jamais contrairement aux dieux des hommes. Celle qui l'avait aidée à survivre enfant, qui lui avait apporté "sur un plateau" l'âme sœur qui la guiderait dans sa vie d'enfant sauvage et muette, Truffe... Seules mère nature et l'entité du lac de Sarlat n'avaient son attention désormais et bientôt elle retrouverait l'une et l'autre à tout jamais.

Elle mâchouille donc une tartine à la confiotte de mûres, tradition de toujours, le temps que son regard prenne un éclat "dur" plutôt que dévasté et elle le pose sur sa fille si désemparée. Un sourire imperceptible éclaire son visage et une fois encore elle tend le bras pour caresser cette joue dans un geste retrouvé du jour de leur naissance au jour de leur départ à chacun du cocon familial, chaleureux certes mais trop emprunt de règles pour des jeunes voulant connaitre leurs propres limites et non pas celles de l'éducation maternelle. Les jades se parent donc du regard de la "barbière", celle qui peut annoncer le pire sans ciller à un blessé.


Lucie...
Pour être honnête, je n'ai moi-même pas très envie de quitter ce monde mais c'est inévitable...


Les mâchoires se crispent et les sourcils se froncent. "Pardonne-moi mon enfant..."

Tu es jeune il est vrai, inexpérimentée je n'en crois rien et ton admiration est louable mais tout ça ne sont que des billevesées. Ne te trouve pas d'excuses Lucie pour ne rien accomplir. Je n'ai pas dit que ce serait facile, pas même toujours agréable mais c'est ainsi. Tu apprendras la connivence avec les membres de ta maisonnée, tu n'en seras pas moins exigeante pour autant et tu veilleras à ce que chacun n'oublie pas quelle est sa place.
Pour les gens, Manon sera toujours de bon conseil et pour tout tu ne seras pas larguée sur un océan inconnu en pleine tempête. Le Hérault du Périgord-Angoumois et la Comtesse Keyfeya Romanova sauront t'accorder aide et attention. Ils seront tes guides.


Patt boit une gorgée et regarde à nouveau Lucie, il y a plus de douceur que précédemment.

Évidemment me décevoir n'est pas une option et ce n'est pas en regimbant que tu éviteras tes futures responsabilités jeune fille.

Elle avait encore tant à lui dire, tant à écrire aussi, elle devait néanmoins la laisser respirer un peu. L'uppercut qu'elle venait de se prendre dans l'estomac l'avait laissé un peu sonnée à voir sa mine défaite.
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Euridyce
    Nouveau contact avec la peau maternelle, et Lucie retombe en enfance. La donzelle perd toute prétention dans son regard : l'habituel sourire pédant s'est changé en une bouille de marmot perdu, l'œil fuyant devant les responsabilités qui s'imposent. Gravement atteinte du syndrome de Peter Pan, Canéda raccroche ses doutes à la figure maternelle. Pour sûr, sa mère, si prévoyante, lui aura tout appris. Il leur reste du temps, n'est-ce pas ? Beaucoup ? Quoi, quelques semaines ? Moins ? Les interrogations s'accumulent, les regrets aussi.

    Les fins doigts brûlant d'un amour propre à celui d'une mère pour sa progéniture parcourent la joue d'une Lucie qui peine à se reprendre. Faire figure de femme capable et responsable, voilà la position qu'elle devait désormais prendre. Maintenant, Lucie. Cette fois, il n'y aurait ni Couzage ni Zolen pour te rattraper, aucun bras masculin pour te soulever lorsque la fatigue paralyse tes membres. Il n'y aura pas leurs mots pour t'apaiser, pas leurs regards pour te couver. Pire, encore, il n'y aura plus la possibilité d'un retour précipité entre les bras de celle qui est tout : ta mère. Le monde des enfants se ferme enfin devant tes candides yeux, et tu le retiens de toutes tes misérables forces, à t'en blanchir les phalanges. Après le déni, la colère.

    La colère contre elle-même, contre le monde, contre la Mort. Cette stupide faucheuse qu'elle aimerait voir assommée par la hache du héros paternel. Qu'elle aimerait écarter de sa mère, chasser un cauchemar qui se concrétise bien trop rapidement.

    - J'ai besoin de toi pour m'apprendre. Je ferais ce qu'il faudra. Mais je veux t'écouter, que tu me racontes tout ce que je ne sais pas. Je veux l'apprendre de ta bouche, maman. Profitons de tout ce qu'il nous sera donné de profiter.

    Puis, comme pour se convaincre elle-même, d'une voix plus ferme, imitant le ton de l'adulte face à elle :

    - Je veillerai à ne rien détruire.

    Et parce que tout de même, cela reste Lucie, aka Minie-Chieuse :

    - Y'a-t-il une chose que tu aimerais qu'on fasse ? Je t'emmène ou tu veux.

    Pas sûre qu'elle soit en état de voyager. Une balade, peut-être ?

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Artiste : A6A7 et junica-hots
Citation de Carlos Ruiz Zafon.
Pattricia
Ses jades la dévorent, elle ne peut se résoudre à ne plus pouvoir voir évoluer Lucie dans le futur, assister à son "vrai" passage à l'âge adulte, découvrir comment elle fera face aux premières embuches de la vie d'une femme titrée et célibataire.

Ta vie personnelle va changer. Évidemment cela serait mieux que tu t'installes en PA mais je sais que tu es attachée au Limousin et je comprends cela. Néanmoins, il faut que je te parle de ce titre que tu porteras toute ta vie si tu ne faillis pas à ton devoir.
"Un titre de mérite ma fille", pas un anoblissement fait par un copain ou une copine, un titre accordé par des gens que ta mère a combattus politiquement, c'est à mon sens celui qui a le plus de valeur. Ton géniteur ne voulais pas m'accorder une Seigneurie de mérite et moi j'aurai préféré la prison plutôt que lui devoir quoi que ce soit d'autre que votre naissance à tes frères et toi.

C'est son Conseiller le plus proche qui a bataillé pour que l'on m'attribue la Seigneurie de La Force, un homme qui est devenu Comte plus tard et dont le prénom est Renlie. Je lui ai mené la vie dure à celui-là, comme il soutenait ton géniteur politiquement, forcément il était l'ennemi. Comme quoi...
Plus tard, c'est Key qui a demandé à ce que ma Seigneurie soit élevée en Baronnie. Je t'expliquerai plus tard qui est la Vilaine Brune pour moi, son importance et nos connivences.


Elle termine sa boisson chaude, se permettant un petit rot digestif. Elle sourit et clos un instant les paupières, "partir quelques jours ? Tu ne crois pas si bien dire ma fille..." Le sourire se fait malicieux, malgré les stigmates du temps et de la maladie, on devine la jeunesse toujours présente malgré les évènements.

Tu me donnes des idées ! J'ai reçu plusieurs invitations et je crois que nous allons bien nous amuser. D'abord les froufrous et ensuite le vin ! Oui voilà, on va faire ça, nous allons entamer un circuit formateur à la vie à la fois studieuse, mercantile mais ça chuuuut faut pas le dire et frivole d'une Baronne.
Oui très important, ne dis jamais que tu travailles ou fais du négoce, ce sont tes gens qui s'occupent de ça, la noblesse de ce Royaume n'a pas le droit de travailler. Ah et surtout passe à une messe une fois par semaine, très important mais au fait, es-tu baptisée ?????


Soudain l'angoisse, pas de baptême, pas de titre...
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Euridyce
    Lorsque sa mère était lancée, c'était un vrai délice. Les lippes maternelles retrouvaient leur vitalité, balançant des phrases bien senties, à la sauce Canéda. Lucie ne put contenir un sourire à l'entendre, se promettant de se souvenir éternellement de cette voix qui mêlait, dans un élan dynamique, douceur et témérité. Elle mémorisait chaque parcelle d'originalité qui composait sa mère, comme un petit rongeur se préparant à un hiver qui promettait d'être rude, long et douloureux. Mais le minuscule animal en question étant fille d'Ours et de Vindicative, sûr que les Canéda n'avait pas dit leur dernier mot.

    - Il faudrait que tu me racontes tout. Que je sache dans quoi je m'engage, l'histoire de ces terres... Et je devrais la rencontrer. Key. Je vais essayer, c'est promis, m'man. Mais je... j'apprendrai.

    Après tout, si elle devait reprendre les commandes, il lui fallait se présenter. Tout en sachant qu'il serait bien difficile d'être aussi droite que Patt. Le minois s'égaie un peu à l'annonce des festivités.

    - Voilà. Il faut qu'on s'amuse un peu, te changer les idées et peut-être que...

    Peut-être que ça te soignera ? Peut-être que tu y survivra ? L'idée lui trotte encore dans la tête, tant la mort possible de sa mère lui paraît impensable. Mais, coupant tout nouvel espoir, la mention de son baptême tombe comme un cheveu dans la soupe.

    - Ah... Euh... Non. Jamais. Mais... On peut me baptiser vite, peut-être ?

    Devenir baronne l'effrayait au plus au point. Mais décevoir sa mère n'était pas prévu.

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Artiste : A6A7 et junica-hots
Citation de Carlos Ruiz Zafon.
Pattricia
Elle vient de se prendre un coup de massue sur la tête. "Han ! J'aurais dû faire ça quand ils étaient enfants, pas de pastorale, une croix d'eau bénite sur le front et hop le tour était joué !" Évidemment elle ne l'avait pas fait. Il y avait une bonne raison pour ça, elle avait toujours pensé que l'on devait choisir sa religion et non pas s'en trimbaler une de naissance. Malheureusement, les règles de la Hérauderie étaient claires au Royaume de France, fallait être baptisé dans la religion aristotélicienne pour être titré... "Bordel manquait plus que ça !" Les jades fixent les mauves-noisettes de Lucie, le silence s'installe mais le cerveau pattochien est en ébullition.

Alors faut qu'on s'agite, pas question de se laisser emmerder pour une histoire de bain dans l'eau bénite !J'vais écrire au Seigneur Princesse des Poneys, Évêque du Périgord.

Ouais faut pas faire gaffe, c'est typiquement périgourdin et poney ce genre de titre débile mais y'avait pas moyen d'y déroger sans paraitre se prendre pour le centre du monde. Or le centre du monde c'est l'Évêque du Périgord Monseigneur Lotx. Personnage haut en couleurs, enfin surtout en rose et mauve, il était très chatouilleux pour ce qui était du prestige de sa personne.
Réclamant qu'on lui descende son écritoire, la rousse tapote du bout des ongles sur le gros bois de la table de la cuisine.


Sans baptême, pas de titre, donc c'est la priorité désormais. Nous allons peut-être rester un peu plus longtemps que prévu en Périgord du coup.

L'écritoire arriva et la rousse s'empressa d'écrire à Choubinet.
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Pattricia
La journée s'était déroulée en préparatifs divers, cela allait des bagages pour le long voyage qui les attendait, à la rédaction des diverses missives qui aideraient à la préparation de ce périple et évidemment le plus important... Mais qu'allaient-elles mettre pour les deux jours de défilé à l'Hôtel de Nesle ????? La rousse réservait une surprise pour le deuxième jours, elle défilerait elle-même mais autant garder cela secret juste pour voir la tête que ferait Lucie.

En soirée, quand elle réussit enfin à envoyer la vénitienne se coucher, Patt s'installe à son bureau, écritoire ouvert et plume en suspens, il était temps de reprendre la rédaction de ses brèves mémoires. Il est difficile de se pencher sur son passé, surtout quand on arrive à ce moment crucial qui allait changé le cours de jeunes existences et vouer une famille à bien des turbulences non sans funestes conséquences.




Hiver 1464-1465


J'ai eu une rechute violente et il était au-dessus de mes forces de reprendre la plume. Quand je me suis trouvée à nouveau en état de simple convalescente un évènement extraordinaire s'est produit, ma fille Lucie est arrivée à la maison. Faut-il qu'elle soit de mon sang et de celui de son géniteur pour faire fi des dangers et des intempéries pour arriver à la capitale en pleine nuit sous une pluie glaciale avec juste un domestique...

Mais revenons au jour funeste où une famille unie et heureuse fut pulvérisée par le destin... Nous descendions donc en direction de Sarlat La Canéda dans le Périgord Noir. Où nous trouvions-nous exactement ? Sincèrement, je n'en n'ai pas la moindre idée. Nous étions dans le coche de la famille avec notre mère et mon père se trouvait assis à côté du cocher. Seul le précepteur avait accepté de nous suivre hors des Flandres, je crois qu'il chevauchait sur une mule et fermait notre convoi. Nous n'avions pas de gens d'armes, mon père ayant toujours voyagé léger il ne lui était sans doute pas venu à l'idée de payer quelques mercenaires pour assurer notre sécurité, à moins qu'il ait été pingre, c'est trop loin pour que l'homme qui était forcément mon héros m'apparaisse dans ce qu'il était en réalité.

Ce qui se passa au départ est confus, des cris, des râles, ma mère qui se précipite hors du coche en nous ordonnant d'y rester tapis. Son cri d'horreur quand je suppose qu'elle a aperçu le corps gisant de son époux, puis le second, terrifié et l'agonie qui suivit. Depuis que j'ai retrouvé une mémoire parcellaire, je me souviens de l'heure qui suivit comme si c'était hier. Une des banquettes coffre du coche dissimulait une dague et c'est sans réfléchir que je la récupérais pour m'en servir. J'ordonne à Alrahir de sortir par l'autre portière avec Mycha et d'aller se dissimuler dans les buissons, de courir le plus loin possible et je me revois encore tapis dans la pénombre des rideaux toujours tirés.

Accroupie à l'intérieure contre la portière, je tends mon jeune bras de toute mes forces quand celle-ci est ouverte violemment. Sans que je n'ai rien calculé, la lame de la dague pénètre dans le corps de l'homme qui me fait face. Il râle et me repousse en arrière, je bascule sur le dos mes doigts blanchis par l'effort toujours serrés sur le manche de l'arme. La silhouette a disparue de mon angle de vue mais très vite la lumière filtrant par la portière ouverte est occultée par un homme beuglant dans une langue que je ne comprends pas qui me tire par les pieds pour me sortir du coche.

Je gigote dans tous les sens et je crois me souvenir qu'il se prend un coup de pied dans le visage, c'est juste le temps qu'il me faut pour m'asseoir et tenter quelque chose. Le visage est proche de moi, il se tient de douleur alors je propulse à nouveau mon bras en avant et ma lame rentre par chance dans son cou, nouveau cri puis un râle. Mes yeux s'habituent à l'éclat du soleil et ce sont quatre hommes qui se ruent dans ma direction. Mon bras n'a plus de force, j'ai la nausée de tout ce sang qui gicle, je suis terrorisée, tétanisée, je n'ai pas le temps de réagir, des bras m'arrachent de mon perchoir et me trainent violemment sur le sol. Je dois surement perdre connaissance à ce moment là car je me souviens être réveillée par une douleur atroce, un des hommes est en train de me violer... Mes vagues souvenirs me livrent une longue suite de douleurs, suppliques, pertes de connaissance et pour finir un vol-plané dans le vide, la sensation d'air frais et plus rien... J'avais huit ans...

J'ai souvent essayé de comprendre ce qui avait suivi, tenté de combler les blancs. Au fil des années, j'ai presque reconstitué mon histoire mais il reste des manques sans doute dus au traumatisme. J'ai néanmoins un souvenir très clair de mon réveil après le drame, là encore le destin allait faire son oeuvre et changer à jamais mon appréhension de ce qui m'entoure.

D'abord il y eu une sensation d'humidité rappeuse. Puis en émergeant, la douleur généralisée qui parcourt mon corps dans sa totalité. J'ai crié mais rien... le silence... aucun son ne sort de ma bouche, je pleure et mes larmes sont aussitôt happées par cette petite rappe qui continue son office. A travers la souffrance, je prends conscience de l'être qui "panse" mes plaies et "sèche" mes larmes. Il est haut comme un chat, il a des yeux d'or et remue la queue, jappant comme un jeune chiot. Pourtant, je n'ai jamais vu de chien comme lui, est-ce que je comprends qu'il s'agit d'un très jeune loup ? Aucune idée, mon corps est brisé de toutes parts, recouvert de multiples plaies, mon entrecuisse me brule, je ne peux même pas tourner la tête pour prendre conscience de mon environnement.

Soudain le louveteau grogne, mon regard braqué sur lui note qu'il est tout hérissé, menaçant. Juste avant de perdre connaissance à nouveau j'ai le temps d'entendre un gros rire. Le propriétaire de ce gros rire me racontera au cours de ma convalescence ce qui se passa à ce moment là. Il s'agissait un charbonnier solitaire qui avait perdu sa femme et ses enfants lors d'une épidémie de peste en Provence bien des années plus tôt. Quelques jours plus tôt, il y avait eu une battue, des troupeaux subissaient des attaques de loups et le seigneur du coin avait décidé d'en finir. Il s'agissait d'un couple, le mâle fut tué très vite, la femelle leur donna du fil a retordre car elle parcouru de nombreuses lieues avant que les hommes réussissent à l'encercler et à la mettre à mort.

D'après le charbonnier, la femelle avait tout fait pour donner une chance à sa portée de s'en sortir et éloigner la battue du terrier. Les louveteaux avaient dû finir par quitter leur refuge affamer et un seul avait survécu, jetant son dévolu sur moi. Quand l'homme était rentré chez lui après une journée au village voisin, il avait pris comme toujours le sentier de la falaise et s'était retrouvé face à ce qui semblait être un cadavre de gamine et un louveteau en mode "t'approche j'te crève !". Et il avait ri face à cet animal qui s'était érigé en garde du corps pas plus grand qu'un chat.
Je suis fatiguée, je continuerai un autre jour...

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