Ava_francesca
Quelques jours étaient passés. La fièvre était quelque peu redescendue mais la faiblesse du corps malade n'arguait guère de prompt rétablissement. Son appétit n'était en rien revenu, à peine si elle pouvait avaler un peu de bouillon clair.
Un matin, alors qu'un soleil d'hiver dessinait des arabesques lumineuses sur un mur, Mara posa son regard océan, délavé par la fatigue, sur la femme qui la soignait et murmura quelques mots.
Voudriez vous ... écrire ... pour moi ...
Cela lui demanderait un effort considérable, c'était certain. L'infirmière l'encouragea plutôt à se reposer, à ne pas parler pour ne pas gaspiller ses forces, qui lui seraient toutes nécessaires pour se rétablir.
Mais le sourire compatissant n'y fit rien, Mara savait bien que son temps était compté, que la maladie l'emporterait. Il lui fallait faire vite avant qu'il ne soit trop tard. Son insistance et ses suppliques firent céder la femme qui s'assit près d'elle, un vélin et une plume sous la main.
Dame Boulga,
Soyez indulgente avec moi, je n'irai pas plus loin. Mon corps renonce à la vie et à cette belle aventure que vous m'avez promis. Et je vous en remercie, vous m'avez donné l'envie ces derniers mois de continuer à arpenter les routes et les forêts que j'aime tant.
Je vous souhaite de réaliser ce qui vous tient tant à cur et d'en tirer le trésor que vous méritez.
Amicalement,
Mara Jade.
Puis elle passa à la personne suivante, cet inconnu qui avait surgi de la pénombre de ses souvenirs. Elle en avait retrouvé quelques traces, et cela la troublait. Le destin n'avait-il pas joué là pour les libérer ? Pour éviter qu'il ne souffre de la perte qui s'annonçait ? Il avait sans doute refait sa vie avec la femme grillon et c'était une bonne chose. Il était quelqu'un de bien, elle en restait persuadée, et il avait la vie devant lui, inutile de lui imposer la vision de sa mort.
Arthus,
Je suis désolée. Désolée de tout ce qui est arrivé par ma faute et bien malgré moi. Désolée de n'avoir pas pu répondre à tes interrogations, mais comprend qu'il m'était impossible de le faire.
Un jour, tout ceci ne sera que souvenirs, ils se rangeront gentiment dans ta tête et tu en souriras lorsque parfois un detail viendra te les rappeler.
Que ta vie soit celle que tu choisis, ne baisse jamais les bras. Car vois tu, j'en suis là et je m'en vais.
Cette fois ci, je ne t'oublierai plus.
Tendrement,
Mara.
Enfin il restait une dernière lettre à faire. Mara forma lentement un petit creux avec sa main et chuchota à l'infirmière de lui donner la pierre qu'ils avaient retiré de son cou. Celle-ci lui déposa l'ambre dans la paume et ses doigts se refermèrent dessus, la serrant avec le peu de force qu'il lui restait. Ces quelques jours en forêt, à mi-chemin entre France et Empire, cette liberté qu'elle avait ressenti entre ses bras, elle les emportait avec elle, là où elle se dirigeait à présent. Ce talisman avait été le lien avec lui depuis que leurs routes s'étaient séparées, elle était ainsi toujours restée près de lui.
Mon cosaque,
Il est venu le temps de te rendre ton bien. Il a fait son uvre, il a gardé une partie de toi contre ma peau, et permis que mes pensées soient toujours à tes cotés.
Tu vois, je t'avais dit que les liens que je tissais étaient rares, mais faits de ces sentiments qui durent pour l'éternité.
A présent, je pars. La vie me quitte, elle n'a jamais vraiment voulu de moi depuis que je suis née, et je vais l'âme et l'esprit en paix vers un autre monde qui sera sans doute meilleur que celui-ci, c'est l'espoir de tous.
Je pars avec la douceur, la tendresse, les mots qui nous ont fait rire et sourire. Je pars avec les effluves de ces caresses et de ces baisers que j'ai gardé de toi. Tu vois, mes bagages sont faits, je ne pars pas seule.
Je suis certaine que tu as réussi à trouver la sérénité qu'il manquait à ta vie lorsque nous nous sommes rencontrés, que tu as celle qu'il te faut à tes cotés. Je te souhaite simplement d'être heureux et de profiter de chaque instant de ce bonheur, d'en garder précieusement les miettes pour quand tu l'auras entièrement dévoré.
Je garde mon amour pour toi et je te rends l'ambre. Nous nous recroiserons peut-être dans une autre vie, Loup des Steppes, ici ou ailleurs. En attendant, prend soin de toi.
Ton petit chat sauvage.
L'infirmière avait tout noté, elle enverrait les missives quand la jeune fille ne serait plus. Elle gardait un espoir qu'elle s'en sorte, et ainsi ces lettres n'auraient pas lieu d'être. Mais Mara savait qu'il ne lui restait que peu de temps sur cette terre. Elle esquissa un faible sourire à la femme avant de replonger dans le sommeil, son corps et son esprit fatigués par une si longue tache, sa main gardant précieusement en son creux la pierre protectrice.
Quelques jours plus tard, la petite pierre fut retirée de la main blanche et déjà froide, et les lettres furent envoyées. Le corps fut transporté et déposé dans la crypte du couvent de Montpellier, dans un coin sombre, éloigné de tout passage, puisque la jeune femme était orpheline. Peut-être que quelques unes de ces rares personnes à qui elle avait voulu écrire ferait le déplacement jusqu'à la dépouille, si non, elle serait ensevelie dans quelques jours dans la fosse commune.
Un matin, alors qu'un soleil d'hiver dessinait des arabesques lumineuses sur un mur, Mara posa son regard océan, délavé par la fatigue, sur la femme qui la soignait et murmura quelques mots.
Voudriez vous ... écrire ... pour moi ...
Cela lui demanderait un effort considérable, c'était certain. L'infirmière l'encouragea plutôt à se reposer, à ne pas parler pour ne pas gaspiller ses forces, qui lui seraient toutes nécessaires pour se rétablir.
Mais le sourire compatissant n'y fit rien, Mara savait bien que son temps était compté, que la maladie l'emporterait. Il lui fallait faire vite avant qu'il ne soit trop tard. Son insistance et ses suppliques firent céder la femme qui s'assit près d'elle, un vélin et une plume sous la main.
Dame Boulga,
Soyez indulgente avec moi, je n'irai pas plus loin. Mon corps renonce à la vie et à cette belle aventure que vous m'avez promis. Et je vous en remercie, vous m'avez donné l'envie ces derniers mois de continuer à arpenter les routes et les forêts que j'aime tant.
Je vous souhaite de réaliser ce qui vous tient tant à cur et d'en tirer le trésor que vous méritez.
Amicalement,
Mara Jade.
Puis elle passa à la personne suivante, cet inconnu qui avait surgi de la pénombre de ses souvenirs. Elle en avait retrouvé quelques traces, et cela la troublait. Le destin n'avait-il pas joué là pour les libérer ? Pour éviter qu'il ne souffre de la perte qui s'annonçait ? Il avait sans doute refait sa vie avec la femme grillon et c'était une bonne chose. Il était quelqu'un de bien, elle en restait persuadée, et il avait la vie devant lui, inutile de lui imposer la vision de sa mort.
Arthus,
Je suis désolée. Désolée de tout ce qui est arrivé par ma faute et bien malgré moi. Désolée de n'avoir pas pu répondre à tes interrogations, mais comprend qu'il m'était impossible de le faire.
Un jour, tout ceci ne sera que souvenirs, ils se rangeront gentiment dans ta tête et tu en souriras lorsque parfois un detail viendra te les rappeler.
Que ta vie soit celle que tu choisis, ne baisse jamais les bras. Car vois tu, j'en suis là et je m'en vais.
Cette fois ci, je ne t'oublierai plus.
Tendrement,
Mara.
Enfin il restait une dernière lettre à faire. Mara forma lentement un petit creux avec sa main et chuchota à l'infirmière de lui donner la pierre qu'ils avaient retiré de son cou. Celle-ci lui déposa l'ambre dans la paume et ses doigts se refermèrent dessus, la serrant avec le peu de force qu'il lui restait. Ces quelques jours en forêt, à mi-chemin entre France et Empire, cette liberté qu'elle avait ressenti entre ses bras, elle les emportait avec elle, là où elle se dirigeait à présent. Ce talisman avait été le lien avec lui depuis que leurs routes s'étaient séparées, elle était ainsi toujours restée près de lui.
Mon cosaque,
Il est venu le temps de te rendre ton bien. Il a fait son uvre, il a gardé une partie de toi contre ma peau, et permis que mes pensées soient toujours à tes cotés.
Tu vois, je t'avais dit que les liens que je tissais étaient rares, mais faits de ces sentiments qui durent pour l'éternité.
A présent, je pars. La vie me quitte, elle n'a jamais vraiment voulu de moi depuis que je suis née, et je vais l'âme et l'esprit en paix vers un autre monde qui sera sans doute meilleur que celui-ci, c'est l'espoir de tous.
Je pars avec la douceur, la tendresse, les mots qui nous ont fait rire et sourire. Je pars avec les effluves de ces caresses et de ces baisers que j'ai gardé de toi. Tu vois, mes bagages sont faits, je ne pars pas seule.
Je suis certaine que tu as réussi à trouver la sérénité qu'il manquait à ta vie lorsque nous nous sommes rencontrés, que tu as celle qu'il te faut à tes cotés. Je te souhaite simplement d'être heureux et de profiter de chaque instant de ce bonheur, d'en garder précieusement les miettes pour quand tu l'auras entièrement dévoré.
Je garde mon amour pour toi et je te rends l'ambre. Nous nous recroiserons peut-être dans une autre vie, Loup des Steppes, ici ou ailleurs. En attendant, prend soin de toi.
Ton petit chat sauvage.
L'infirmière avait tout noté, elle enverrait les missives quand la jeune fille ne serait plus. Elle gardait un espoir qu'elle s'en sorte, et ainsi ces lettres n'auraient pas lieu d'être. Mais Mara savait qu'il ne lui restait que peu de temps sur cette terre. Elle esquissa un faible sourire à la femme avant de replonger dans le sommeil, son corps et son esprit fatigués par une si longue tache, sa main gardant précieusement en son creux la pierre protectrice.
Quelques jours plus tard, la petite pierre fut retirée de la main blanche et déjà froide, et les lettres furent envoyées. Le corps fut transporté et déposé dans la crypte du couvent de Montpellier, dans un coin sombre, éloigné de tout passage, puisque la jeune femme était orpheline. Peut-être que quelques unes de ces rares personnes à qui elle avait voulu écrire ferait le déplacement jusqu'à la dépouille, si non, elle serait ensevelie dans quelques jours dans la fosse commune.