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[RP/IG] - Ruelle Derrière les Murs, 2e masure sur la droite

Rollin
*Rollin était absorbé dans la contemplation de Valentin endormi… Quelque part au fond de lui, il enviait ce petit être paisible et la douce béatitude dans laquelle il était plongé, allongé dans son couffin, insouciant et encore ignorant des misères du monde. Le bébé remua les lèvres dans son sommeil, rêvant surement d’une tétée goulue ou de quelque objet à suçoter. Le paysan sourit avec tendresse… et les plis de sa bouche et de ses yeux effacèrent pour un temps les marques de la fatigue et de l’angoisse. En cet instant, il ne pouvait être que convaincu que l’homme, en naissant, était destiné à la bonté et à l’amour… Charité… l’amitié des Aristotéliciens…*

*A l’autre bout de la pièce, un silence presque religieux s’était installé. Yzalba auscultait le petit garçon avec la plus grande attention. Rollin avait l’impression que le temps s’était arrêté… Et la boule au creux de sa poitrine qui ne cessait de croitre…*

*Enfin sa bien-aimée déboucha flasques et flacons et dans une suite de gestes précis, méthodiques, calculés, elle appliqua baumes et onguents. La douce odeur des simples envahit la petite pièce qui, sous les assauts conjugués du soleil d’août et de la flambée haute et claire de l’âtre de pierre, ressemblait de plus en plus à une étuve : la senteur épicée et légèrement fruitée de l’aigremoine, l’herbe de Saint Guillaume, les accents plus lourds, presque capiteux de l’achillée et de la camomille, les effluves vivifiants des têtes de girofle, la touche joyeuse et pénétrante de l’arnica et le subtil et délicat parfum du bleuet… La Perle d’Armavir jouait des propriétés curatives et mariait les odeurs… Et Rollin sourit en pensant que même les couleurs des pétales entraient en résonance… Il se promit de lui planter le plus beau jardin qui soit… un jardin qui donnerait aux anges eux-mêmes l’envie de sortir d’Eden pour se promener aux milieux des parterres exhalant des parfums merveilleux.*

*La jeune femme soupira… et tourna son regard vers son bien-aimé. Elle ne pouvait dissimuler ses sentiments… non, pas en cet instant… Ses yeux parlaient pour elle et Rollin savait y lire les secrets arcanes qu’y tissait l’âme de sa compagne. Sa voix douce avait des accents amers que le jeune homme n’aimait pas à entendre. Elle souffrait aussi, à sa façon, et il devait l’accepter, la soutenir et l’aider… Exactement comme elle le voulait faire pour lui… Le paysan fixa Yzalba intensément et il vit l’inquiétude qui l’animait. Sa voix éraillée sortit à grand peine de sa gorge douloureuse… tout juste un souffle rauque :*

Mes fantômes… Ils me suivent où que j’aille, ma Mie…*Un sourire douloureux marqua son visage, mais il continua :* J’pense aussi qu’le p’tit s’ra mieux au Moulin… Je… Je le porterai, ne t’inquiète pas, j’y arriverai… j’ai traîné des fardeaux bien plus lourds…

*Le jeune homme s’était levé et, sans honte ni fausse-pudeur, il avait ôté la couverture qui enveloppait son corps balafré pour traverser, nu comme au jour de sa naissance, la pièce surchauffée et rejoindre l’âtre. Les muscles roulaient sous sa peau et chaque mouvement laissait transparaitre la force tout en retenue. Ses vêtements étaient toujours sales, mais la chaleur étouffante de la pièce avait fait son œuvre, au moins étaient-ils presque secs. Rollin s’habilla de pied en cape, mais il garda sa chainse à la main.*

*Il fit deux pas vers le lit et prit les mains d’Yzalba dans les siennes. Il attira la jeune femme à lui et l’embrassa dans un élan irrépressible d’amour et de tendresse. La sentir ainsi près de lui le réconfortait et faisait s’évanouir la peur et l’inquiétude… Il l’aimait tellement… Il sourit et leurs lèvres se quittèrent… à regret.*

*Rollin se pencha sur le grabat et revêtit l’enfant de sa chainse puisque ses guenilles fatiguées et informes n’étaient plus que des lambeaux déchirés maculés de sang. Levant un sourcil étonné, il ramassa sur le lit son rosaire qui avait du choir de la dextre du petit garçon. Il le glissa à nouveau contre la paume tiède et referma avec délicatesse les petits doigts meurtris. Tout en douceur, il passa ses bras sous le corps abandonné et le souleva. Et les yeux débordants d’amour, il se tourna vers sa bien-aimée :*

Donne-moi ta trousse et ta besace, comme ça tu pourras prendre le couffin… Laisse tout l’reste, je r’viendrai les rechercher.
_________________
Rollin, membre de la corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry.

"Toujours Fidèle et Dévoué"
--Chimere
« Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d'un agneau, et qui parlait comme un dragon. »

Jean
Apocalypse, 13.11



Perdu dans la contemplation du paysage, l’adolescent entendit des pas précipités dans la tour d’escalier qui menait à la courtine où il se trouvait. Sa chevelure rousse brillait comme un nimbe d’or rouge sous le soleil estival et sa vesture de qualité, sa mise recherchée et son port presque affecté, lui donnaient des airs de Prince de haut rang. Accoudé au carneau de pierre, il pencha la tête et, prenant son temps pour viser, il cracha vers le pied de la muraille en contrebas. Un sourire de contentement arqua ses lèvres fines lorsqu’il vit son glaviot heurter de plein fouet le chapel de fer du garde qui se trouvait juste en-dessous. Goguenard, il plaqua son dos contre la maçonnerie et plia les jambes pour se laisser glisser jusqu’à ce que son fondement touche le dallage solide du chemin de ronde. Il inspira profondément, humant les parfums de Savoie, et sourit à nouveau… Les bruits de pas se rapprochaient…


« Écris à l'ange de l'Église d'Éphèse : Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, celui qui marche au milieu des sept chandeliers d'or : Souviens-toi donc d'où tu es tombé, repens-toi, et pratique tes premières œuvres; sinon, je viendrai à toi, et j'ôterai ton chandelier de sa place, à moins que tu ne te repentes. »


Tournant la tête vers le trou béant qui se trouvait a sa gauche, il attendit de voir qui déboucherait de la vis des escaliers. Un serviteur passablement débraillé jaillit d’un bond, courant comme un dératé, la main tendue en avant, les doigts serrés autour d’un petit parchemin plié.

« Messire… Messire… Un pli urgent pour vous ! »


« Écris à l'ange de l'Église de Smyrne : Voici ce que dit le premier et le dernier, celui qui était mort, et qui est revenu à la vie : Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie. »


L’adolescent leva un sourcil interrogateur. Il se redressa et, sans un mot pour le valet, il empoigna la missive d’un geste brusque. Le serviteur, l’échine courbée et le regard rivé au sol, hocha la tête dans une démonstration exagérée de respect. Le jeune noble parcourut les lignes serrées d’un œil inquisiteur, puis il se tourna vers son laquais.

« Dégage ! » Ce mot, brutal et sans appel, claqua violemment, faisant sursauter le larbin apeuré.

« Merci, Messire… » Il vida les lieux sans demander son reste.

« Écris à l'ange de l'Église de Pergame : Voici ce que dit celui qui a l'épée aiguë, à deux tranchants : Repens-toi donc; sinon, je viendrai à toi bientôt, et je combattrai avec l'épée de ma bouche. »


L’adolescent, bien qu’ayant certainement passé l’âge de seize ans, n’était pas très grand, ni spécialement taillé pour l’exercice et la guerre… mais il n’en souffrait pas. Ses meilleures armes étaient son imagination et son verbe. Il porta à nouveau le regard vers l’horizon et laissa ses yeux vagabonder au long des montagnes perdues dans le sfumato délicat du lointain. Appuyé nonchalamment contre le carneau, il avait l’air d’un poète maudit qui cherche l’inspiration dans la contemplation sensuelle et torturée des œuvres de la nature. Un éclat sauvage et un peu fou brillait dans ses prunelles bleues comme le ciel. Sa voix, empreinte d’une certaine nostalgie, s’éleva en voltigeant dans l’air : il chantait une pastourelle douce-amère.


« Écris à l'ange de l'Église de Thyatire : Voici ce que dit le Fils de Dieu, celui qui a les yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à de l'airain ardent : A celui qui vaincra, et qui gardera jusqu'à la fin mes œuvres, je donnerai autorité sur les nations. Et je lui donnerai l'étoile du matin. »


Soupirant, il interrompit sa chanson à la fin de la première strophe. Ainsi donc, il ne connaîtrait jamais la paix… Le jeune noble secoua la tête pour s’arracher à sa rêverie puis, ayant quelque peu recouvré ses esprits, il quitta la courtine d’un pas pressé. Il plongea dans les ténèbres de la tour d’escalier et dévala la spirale interminable de ses marches en courant. Ivre à force de tourner, il déboucha dans la cour et fonça ventre à terre vers le logis seigneurial. Il ouvrit la lourde porte à toute volée et, traversant en trombe l’office, il grimpa quatre à quatre les marches de marbre de l’escalier d’apparat.


« Écris à l'ange de l'Église de Sardes : Voici ce que dit celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles : Celui qui vaincra sera revêtu ainsi de vêtements blancs; je n'effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges. »


Comme une furie déchaînée, il escaladait les degrés de la demeure jusqu’à l’étage où se trouvaient ses parents. Sans frapper, il pénétra dans leurs appartements. Sa mère, le visage livide et les yeux hagards, était installée à l’un des coussièges, profitant de la lumière vive qui filtrait par la fenêtre pour achever un travail d’aiguille. L’adolescent passa près d’elle sans même la voir… Il fila vers la chambre.


« Écris à l'ange de l'Église de Philadelphie : Voici ce que dit le Saint, le Véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre, et personne ne fermera, celui qui ferme, et personne n'ouvrira : Je viens bientôt. Retiens ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne. »


D’un coup de pied, il ouvrit la porte ouvragée. L’air lourd et empuanti de la pièce assaillit les narines de l’adolescent et il sentit les poils de ses bras se dresser dans un frisson intense de délectation. Sous la tente confortable des tentures rouges du ciel de lit, un mouvement imperceptible attira son attention. Un râle rauque s’éleva. Le jeune noble écarta d’un geste brusque un des pans du baldaquin. Des relents méphitiques de chair en putréfaction et d’excréments le heurtèrent en pleine face. Au milieu des draps affreusement tâchés, un corps était allongé, mutilé, ravagé… rongé par un mal inconnu qui mettait ses chairs déliquescentes à vif. L’adolescent se pencha sur le corps… le moribond avait les yeux ouverts et, au milieu d’un délire étrange, il pleurait. Ses yeux roulants dans leurs orbites ignoblement creusées se figèrent soudain sur le jeune homme… les pupilles dilatées de terreur.


« Écris à l'ange de l'Église de Laodicée : Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu : Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j'aime. Aie donc du zèle, et repens-toi. Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. »


L’adolescent souriait, et il passa sa main dans les cheveux clairsemés du malade dans un geste empreint de douceur… de tendresse, même. L’homme tremblait de tous ses membres et sa respiration se fit haletante. Le jeune noble parla et à chacun de ses mots, il sentait la chair pourrissante trembler sous ses doigts, comme si elle eut été animée d’une vie propre :

« On réclame mes services à Chambéry… Tu seras bien sage, n’est-ce pas ?.. Mais… tu trembles ? Il ne faut pas, voyons, je ne risque rien… »

Au milieu d’un gargouillis obscène, l’impotent réussit à articuler deux mots…

« Arrière… Démon ! »

Le jeune homme bascula sa tête en arrière et éclata d’un rire sauvage :

« Hahaha ! Pauvre sot… tu m’as invité toi-même dans ta maison… tu m’as supplié de sauver ton fils et c’est ce que j’ai fait… son corps est ma demeure à présent… ». Tout en parlant, l’adolescent passa son doigt sur les plaies purulentes du malade, se délectant de sentir les frissons de douleur qui parcouraient le corps pourrissant. Puis, un sourire moqueur aux lèvres, il pencha la tête et prit un air angélique… Il avait l’air d’un enfant modèle, un de ceux à qui on donnerait le bon dieu sans confession : « Père, je dois m’absenter quelques temps, veillez bien à votre santé et sur celle de Mère… ». Il se leva et quitta la pièce d’un pas pressé.

Rivé à son lit, le seigneur du lieu pleurait de rage, de honte et de douleur… Son visage se figea dans une grimace atroce lorsqu’il entendit hurler du fonds de ses appartements, la voix de celui qui disait avoir pris la place de son fils :

« Je prierai Dieu tous les jours pour votre salut, Père ! »
--Colinet
Dans la spirale infinie de l’inconscience presque voluptueuse où il se trouvait plongé, Colinet ouvrit les yeux… Très lentement, comme au sortir d’un sommeil trop profond, ses paupières lourdes s’animèrent. Un étrange picotement, comme une douce brûlure, chatouillait ses iris. Pourtant aucune image ne se formait… Il faisait noir. Non pas comme l’ombre profonde d’une nuit sans lune ni étoiles, c’était plus sombre que cela encore… Le petit garçon avait presque l’impression d’être enfermé dans un four… ou sous la dalle pesante d’une tombe. Il sentait contre son front le contact tiède de ses genoux… Il était assis en boule, recroquevillé comme un nourrisson dans le giron de sa mère. Sous son céans et ses pieds, le sol était chaud… chaud et sec. Il fit jouer ses orteils et les sentit s’enfoncer dans la poussière, dans un bruissement d’herbe sèche. Colinet avait l’impression d’être assis sur une terre brûlée. Il leva la tête et une sensation désagréable de roulis assaillit ses sens. Il eut la nausée et son estomac son contracta une nouvelle fois. Le petit garçon bascula sur le côté et heurta le sol avec force. Une douleur atroce lui labourait le ventre alors que de la bile âcre, amère et atroce, jaillissait douloureusement par sa bouche desséchée.

Colinet ne savait plus que penser car, bien plus que son corps perclus, c’était son esprit qui était mis à mal par la succession des événements de ces dernières heures… depuis la veille au soir, en fait… Il n’arrivait plus à ordonner ses pensées, ses sentiments et les informations que lui faisaient parvenir ses sens. Toute logique l’avait abandonné… Il était incapable de se rappeler son propre nom… Dans le capharnaüm de son cerveau, plus rien ne semblait fonctionner, les mots s’entrechoquaient sans qu’il ait pu donner un sens aux phrases aléatoires qu’ils formaient dans leur danse infernale. La crise passa et son corps s’apaisa. L’arrière-goût dégueulasse qui lui restait en bouche était tellement âpre qu’il lui donnait l’impression que ses gencives s’étaient flétries, déchaussant hideusement ses dents.

L’enfant n’avait aucune idée de l’endroit où il se trouvait, ni même s’il était éveillé ou en train de cauchemarder… A force de tendre l’oreille pour tenter de percer le silence pesant qui l’entourait, le moindre souffle, le moindre frôlement résonnait en lui comme une menace. Son cœur battait très vite et il entendait distinctement le sang battre derrière ses tympans. Pourtant, un bruissement étrange revenait régulièrement, lancinant, insistant… Une sorte de crissement ténu, comme si on trainait quelque chose de lourd sur le sol, au travers de l’herbe brûlée qui l’entourait. La peur revenait… et quelque part il en était content… car il l’avait ressentie plusieurs fois depuis la vieille et, en ce moment de perdition, tout ce qui pouvait lui sembler familier le rassurait un peu. Il fixa son attention sur le bruit, comme une ultime planche de salut qu’agripperait son esprit à la dérive.


« C’est étrange, non ? » La voix sifflante résonna tout près de son oreille. Colinet sursauta et laissa échapper un cri de surprise et de terreur. Le cœur battant et le souffle court, il frappa l’air autour de lui de ses jambes et de ses bras pour tenter de repousser celui qui parlait. Il rampait à reculons, enfonçant profondément les mains et les pieds dans la poussière du sol… L’enfant se sentait vide, comme si toute énergie s’était envolée, il avait l’impression que ses membres étaient appesantis, comme morts, et que sa poitrine devenait trop lourde pour encore pouvoir se soulever seule.

« Oui… étrange comme dans le noir tout est plus effrayant… mais tu ne dois pas avoir peur, Colinet… je suis là pour t’aider et te guider vers la lumière. » La voix masculine qui parlait était rauque et râpeuse, comme le souffle lugubre d’un vent de tempête dans les frondaisons. Et il y avait cette odeur… fétide, putride même, comme celle d’une vieille bête crevée qui se décompose mêlée aux relents piquants du sang frais… Colinet eut un haut le cœur. Sous ses doigts il sentait la poussière qui glissait, comme si le sol eut été fait de sable… Mais les grains de sable ne courent pas… Ce qu’il sentait c’était… c’était… comme des milliers de petites bestioles immondes qui courraient en tous sens. L’enfant terrifié hurla à nouveau, il gigota tant et plus.

« Calme-toi, fils, je suis là… »

L’enfant, comme prostré, tremblait de tous ses membres et il balançait nerveusement son buste d’avant en arrière, comme s’il était possédé…

« Voilà… Tu vois, quand tu fais un effort… Maintenant on va pouvoir parler un peu… on n’est pas bien, là ? »


Colinet perdait pied, la fêlure qui déforçait son esprit devint un gouffre béant et il cria de toute ses forces : « Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous m’voulez ? »

« Ce que je te veux ? Mais rien, voyons… Je ne veux que ton bien… Je connais ta vie, tu sais ? Je sais ce que tu as enduré et ce que tes semblables t’ont fait subir… Je suis la pour t’aider… Parce que je connais les moyens de t’accorder la vengeance, fils… »

Colinet hurla de plus belle, sa voix haut perchée et stridente déchirait le voile du silence : « Ne m’appelez pas comme ça ! »

« Soit… tu es un homme maintenant, tu peux décider par toi-même… tu es libre après tout… ». Le bruissement reprit, presque imperceptible, et cela donnait à Colinet l’impression qu’une énorme bête rampait sur le sol.

« Tu es libre… et qui serais-je pour vouloir t’imposer quoi que ce soit… Je respecte tes choix… Il s’en trouvera pour t’imposer des règles et des lois que tu n’aimeras pas… je ne suis pas comme eux… On te rappellera sans cesse tes obligations… mais moi je sais que tu as surtout des droits… »

Colinet avait peur et, allez savoir pourquoi, il repensa à cet homme aux yeux sombres et aux cheveux couleur de corbeau, celui qui s’appelait Rollin, et il sentit une douce chaleur poindre au creux de sa dextre. Il porta la main devant ses yeux pour être sur de regarder dans la bonne direction, désorienté qu’il était par la chape des ténèbres impénétrables qui le rendait aveugle. Une lueur naquit dans son poing fermé, si brillante qu’elle filtrait au travers de sa peau, rougeoyante, pure et joyeuse. Le petit garçon pouvait voir l’ombre de ses os noyés dans sa chair. Lentement, il desserra les doigts, et la lumière jaillit de son poing… une lumière vive, comme lorsqu’il avait revu sa mère ce matin-là… Sur sa paume, au creux de sa main entrouverte, un rosaire brillait d’une lueur surnaturelle, crevant l’obscurité de son halo rassurant. Son cœur cogna plus fort encore dans sa petite poitrine… la peur reflua un peu… Un besoin irrépressible de crier s’empara de lui… ses lèvres tremblèrent… et sa gorge se déchira dans un hurlement suraigu :

« Va-t-en ! »

La paix revint, et comme une chandelle que l’on souffle, son esprit lâcha prise… il dormait… sans rêve ni cauchemar… Il dormait… enfin !
Rollin
*Le paysan, les bras chargés de son fragile fardeau, s’était approché de la porte branlante de la masure. Un étrange sentiment naissait en lui… Il tourna la tête vers Yzalba.*

Ca va aller, ma Mie ? T’es toute pâle !

*C’est vrai qu’elle avait les traits tirés et qu’elle avait l’air passablement fatiguée, et ses beaux yeux gris, d’habitude tellement rieurs, qui reflétaient son inquiétude… mais ce que voulait surtout Rollin c’était entendre le son mélodieux de sa voix car, depuis leur rencontre, il ne pouvait plus s’en passer… comme un cordial soignant les bleus de son cœur, ou l’Ambroisie et le Nectar nourrissant son âme et guérissant ses plaies … Rollin affermit sa prise et serra l’enfant contre lui.*

Viens, rentrons…
_________________
Rollin, membre de la corporation des cueilleurs de fruits de Chambéry.

"Toujours Fidèle et Dévoué"
--Chimere
« Comment es-tu tombé du ciel, astre brillant, fils de l'aurore ? Comment as-tu été abattu à terre, toi qui foulais les nations ? »

Isaïe
14.12



La masse flamboyante des cheveux roux de l’adolescent flottait dans la bise délicieusement rafraîchissante qui soufflait au travers du quartier des quais de la Leysse, près de la Porte Saint-Antoine , au long du Bourg Reclus et du Bourg Nézin. Le jeune noble avait ôté ses heuses et ses chausses jointes pour profiter du délassement glacé qu’offrait la principale rivière chambérienne à ses jambes nues. Assis sur le rebord du hallage, il laissait l’eau glisser avec délectation sur ses membres presque glabres où se dessinait pourtant le galbe volontaire de muscles qui prenaient en ampleur un peu plus chaque jour. L’âge de l’enfance n’était pas très loin et, quelque part, les joies simples et puériles étaient rassurantes et pleines d’enseignements pour ceux qui savent voir…

En cette heure du jour, le damoiseau savait qu’il n’avait rien à craindre : l’activité incessante des brassiers et des portefaix lui assurait par son va-et-vient ininterrompu une relative sécurité. Il le savait, mais secrètement il espérait que la personne qu’il devait rencontrer ici viendrait avant la fin du jour. Penchant le torse vers l’arrière, il prit appui sur ses coudes fléchis derrière lui et battit des pieds avec force pour faire jaillir de l’écume, puis il contracta chacun des muscles de ses jambes, et sourit d’aise en sentant la fatigue du voyage s’en aller et laisser place à une sorte d’engourdissement agréable… Sur les dalles du quai, il vit une ombre se déplacer… il fit jouer innocemment ses orteils dans l’onde pure et fraîche, souriant d’une oreille à l’autre. L’ombre se figea puis disparut dans la masse sombre que projetaient sur le sol les empilements de denrées savoyardes qui attendaient d’être expédiées en aval. Le jeune garçon sentit ses cheveux se dresser le long de sa nuque et, fermant les yeux dans une sorte de simulacre de délectation ou de jouissance, il ouvrit la bouche et parla. Sa voix haut-perchée claqua comme un fouet :

« Et bien, Messire Duc, montre-toi… Qu’as-tu à craindre icelieu ? Sans doute pas un jeune coq sans ergot ni bec ?.. » Aucune réponse ne vint… et le damoiseau soupira, exaspéré. Il rouvrit les yeux et dans un mouvement gracieux comme une volte de danseur de mauresque, il s’extirpa de la bienfaisante fraicheur de la rivière pour se dresser fièrement sur le hallage. Les jambes nues et dégoulinantes, il attendait, les bras croisés, les yeux rivés sur le monceau de ballots et de caques entassés à moins de dix toises de lui. Son sourire se fit sardonique, presque mesquin, et son regard trahit l’espace d’un instant l’impatience qui l’agitait. « Duc, me forceras-tu à t’appeler par ton nom véritable, celui qui fait trembler la terre ? Faut-il vraiment que je ruine tous tes efforts d’un seul mot ?.. Je ne suis pas là pour jouer, tu le sais… et abuser de ma patience n’est pas une bonne chose ! Dois-je te rappeler qui tu as mandé aujourd’hui dans ton bourg de paysans ?»

« Ce… bourg… est la capitale de Savoie, Chimère ! »
L’adolescent avait sursauté malgré lui, la voix pleine de douceur qui avait crevé le silence de l’attente venait de sa droite, là où il avait laissé sa monture. Ses yeux perçants balayèrent l’espace devant lui et il vit son interlocuteur debout à côté de son palefroi à moins de deux toises de là : un jeune homme de haute stature, tout de fer vestu et brillant sous le soleil implacable. Les vagues de sa chevelure blonde s’échappaient avec une élégante indolence de son chapel de feutre posé légèrement de travers sur son chef. Ses reins étaient ceints d’un baudrier de cuir rouge où pendaient une bâtarde à sénestre et un court baselard à dextre. Le jeune homme tournait le dos à l’adolescent et flattait du plat de la main la joue du cheval docile. Les plates de son harnois milanais brillaient comme un miroir tant et si bien que le damoiseau dut plisser les yeux pour pouvoir continuer à le regarder. « Belle bête que tu as là, Chimère… Un cadeau de tes parents ? ». Un sourire carnassier souleva un coin de la bouche du damoiseau : « Oui, on peut dire ça, Duc… on peut dire ça.»

Le jeune noble trépignait… et sans ambages, il enchaîna sur un ton acerbe : « J’ose espérer que ce n’est pas pour me parler de la qualité de l’écurie de mes parents que tu m’as fait venir ? »

Le jeune homme en armure leva la tête et, enfin, daigna se tourner vers l’adolescent qui semblait perdre patience : « Non, en effet, ce n’est pas pour ça… ». Le chevalier s’approcha à pas comptés, dans un déhanché gracieux, presque dansant. Il s’arrêta à une demi-toise du jeune garçon roux qui lui faisait face avec détermination, posant avec nonchalance sa sénestre sur le pommeau de la bâtarde à son côté. « Comme je te l’ai écris, j’ai une mission pour toi… trois fois rien, tu verras, mais c’est une bonne occasion de montrer à l’Ennemi que nous ne cèderons pas un pouce de terrain. »

Le sourire du damoiseau s’était figé : « Trois fois rien ?... Tu te moques de moi, mon Duc… Ne me prends pas pour un novice, je suis trop vieux pour cela… Je sais de quoi il retourne, figure-toi… je sais ta rencontre avec l’Archange… et la défaite de tes Gardiens… et ce que tu veux que je fasse… ». Le chevalier leva un sourcil, l’air étonné : « Tiens donc ? Et me feras-tu le plaisir de me faire part de ta réponse, alors ? »

Le jeune garçon aux cheveux roux se figea et ses yeux semblèrent se révulser quelques instants. Sa voix se fit trainante… « J’ai sondé l’enfant… et ce que tu penses être une promenade de santé risque plutôt de ressembler à une guerre sanglante… Il n’est pas seul…».

Le chevalier leva la tête et lança un rire tonitruant vers le ciel : « Hahaha ! Nous y voilà ! Ne me dis pas que toi, le Serpent, le Tentateur, tu as peur de ça ? Si ? Hahaha ! »

L’adolescent s’était rapproché, son être tout entier était soumis à une tension intérieure extraordinaire et il tremblait d’excitation : « Tu as toujours été trop confiant… ».

Le chevalier, soudain piqué au vif, saisit le bras du damoiseau d’un geste d’une rapidité insensée.. Il sentait la chair tendre sous l’étau de ses doigts et il eut soudain des envies de meurtre : « Tu as toujours eu la langue trop bien pendue, Chimère ! Mais je ne suis pas de ceux que tu peux asservir par ton verbe… Je commande et je dirige… et toi, toi, misérable Serpent, toi, tu obéis à ma volonté ! ».

La main du chevalier se contracta encore plus et l’adolescent crut que son bras allait se briser. Il posa ses doigts fuselés sur la main gantée du jeune homme et, déployant une force incroyable et insoupçonnée, il lui fit lâcher prise : « C’est toi qui commande ici, Vépar… mais souviens-toi du temps d’avant la Chute… Souviens-toi bien de cela avant de proférer des menaces à mon encontre. N’oublie jamais que je suis Samaël et que je fus Son bras gauche et que mes ailes n’ont pas été brisées… rappelle-toi de cela, pauvre fou ! Et entends-moi bien en cette heure : le Déchu marche au côté de l’enfant… et il ne restera pas impassible… non, plus maintenant… Et si tu ne le crains pas, respecte au moins sa valeur ! »

« Sa… valeur ? Non, mais pincez-moi, je rêve ! Depuis quand t’attardes-tu à ce genre de considérations, dis-moi ? »
Le chevalier hocha la tête en signe de déni. Il ferma les yeux quelques instants, inspira profondément, puis reprit sur un ton sans appel : « Tu feras ce que je te demande, parce que ce sont là nos lois. Je veux l’enfant… dussè-je requérir l’aide d’Abaddon lui-même ! Maintenant cela suffit… Je sens une certaine agitation, il est temps d’agir. »

L’adolescent qui massait son bras douloureux pencha la tête et inclina le torse respectueusement en guise de salut et de soumission : « A ta guise, mon Duc… à ta guise… ». Le chevalier avait immédiatement tourné les talons et s’en était allé à grandes enjambées sur les quais de la Leysse, bousculant sans ménagement ceux qui restaient sur son chemin.. Le jeune garçon, la tête toujours penchée, regardait ses pieds nus maintenant maculés de la crasse du hallage. Sa vue se troubla et des larmes roulèrent sur ses joues.





Dans la pénombre de la petite chambre qu’il louait dans une auberge miteuse du Bourg Maché, le vieux clerc assis sur un tabouret bancale regardait le trou désormais obscur de la minuscule fenêtre rendue aveugle par le volet extérieur qu’il venait de fermer. Une odeur lourde et un peu âcre flottait dans l’air et cela donnait à la pièce des airs de cathédrale. Le vieillard bossu avait retiré ses bésicles et il massait de sa dextre son front plissé et gras dans un geste d’intense réflexion. Il était manifestement contrarié ou, à tout le moins, perplexe…

Soudain il se leva, comme si une idée subite avait éclairé le dédale tortueux et encombré de ses vieilles méninges fatiguées. Avec fébrilité il s’était précipité sur son escarcelle et en avait répandu le contenu sur sa paillasse grossière. Il farfouilla dans les menus objets et poussa un soupir de soulagement lorsque ses doigts boudinés et bouffés par les rhumatismes touchèrent son petit étui à méraulx. Le clerc fit glisser les petits disques de plomb au creux de sa paume ridée et il posa délicatement l’index de son autre main sur chacun d’eux, suivant l’ordre des chiffres romains inscrits sur leur face, comme s’il caressait le visage de vieux amis ou de parents depuis longtemps disparus. Et les contours et les chiffres de luire d’un éclat bleuté, doux et irréel, projetant sur les murs lézardés et le plafond défraichi des centaines de symboles étranges. Le vieux bossu sourit et, pour la première fois depuis longtemps, cela ne l’enlaidissait pas…

Le clerc semblait perdu dans une introspection intense, ses yeux globuleux toujours fixés sur les méraulx à l’éclat merveilleux. Du gouffre malodorant de sa bouche, d’entre ses chicots jaunis, une litanie aux accents profonds s’éleva. Et à chaque phrase susurrée dans l’obscurité de la pièce une silhouette pareille à une brume lumineuse et floue se condensait entre les murs sombres : « Qui ébranlera la Lance solide et roide ? Qui enfilera les Gantelets d’argent ? Qui revêtira le Haubert aux mailles brillantes ? Qui chaussera les Eperons aigus ? Qui endossera la Cuirasse d’acier poli ? Qui portera l’Ecu indestructible ? Qui brandira l’Epée claire et tranchante ? Qui s’armera de toute ces choses et, devant elles, montrera d’abord son Courage ?.. »

Les formes fantomatiques étaient au nombre de sept… sept à luire faiblement derrière le vieux clerc… sept à reprendre dans le chœur merveilleux de leurs voix éthérées les mots du vieil homme et à lui répondre… « Nous sommes les sept que tu mandes, toi le Reflet de Dieu… Je suis Sealiah, détenteur de la Lance, et je me mets à ton service… Je suis Ariel, je possède les Gantelets et te les livre sans condition… Je suis Asaliah et je te donne le Haubert qui protègera ton corps… Je suis Mihael et je te chausse de mes Eperons, car tu es le premier des chevaliers devant l’Eternel… Je suis Hahahel et je te fais don de ma Cuirasse de pureté pour qu’aucun mal ne t’atteigne… Je suis Veualiah et j’apporte l’Ecu en gage de Sa bénédiction… Je suis Yélaiah et je pose mon Epée sur tes épaules et ta tête… Nous sommes les Gardiens et tu es notre Seigneur… relève-toi, Archange, et prends les sept Armes saintes car tu es chevalier vertueux, honneur des hommes, serviteur de Dieu…Et devant elles, dresse la huitième, la plus puissante… fais du Courage le rempart de la Citadelle Céleste …»

Le vieil homme s’était redressé, comme nimbé d’une mandorle de gloire et de puissance et au milieu de la pièce minable où il se trouvait, il avait l’air d’un géant sur les épaules duquel quatre paires d’ailes blanches se déployaient scintillantes, lumineuses, chatoyantes… et avec elles le bruit d’un millier de cygnes prenant leur envol…

Le clerc referma la main sur les méraulx blottis au creux de sa main… tout s’évanouit… Dans un sursaut il ouvrit les yeux... Dans la pénombre de la petite chambre qu’il louait dans une auberge miteuse du Bourg Maché, le vieillard assis sur un tabouret bancale regardait le trou toujours obscur de la minuscule fenêtre. Avait-il rêvé? Seule restait l’odeur lourde et pénétrante qui rendait étouffant l’air de la petite pièce… et un sourire étrange sur la face tordue du vieillard.

« A la grâce de Dieu !.. » Le vieux bossu empoigna son escarcelle et, jetant son mantel défraîchi sur ses épaules tordues, il se précipita vers la porte de son pas claudiquant, quittant la chambre sans un regard en arrière.
--Le_vieux_du_coin
Le Vieux du coin sortit de sa maison de la Ruelle Derrière les Murs pour se rendre aux Halles. Passant devant la masure de Rollin, la petite maison à pans de bois qui jouxtait son étable, il eut un regard inquiet...

Son jeune voisin devait partir aujourd'hui avec sa compagne vers les montagnes et ce n'était pas pour le rassurer. Il inspira profondément et continua sa route, dandinant d'un pied sur l'autre. Il espérait secrètement que Rollin pourrait revenir avant l'hiver, sinon il devrait passer la mauvaise saison là-haut... et le Vieux savait la montagne peu amène lorsque les frimas de l'hiver s'installaient sur ses flancs.

Dans le silence de sa tête chenue, il pria pour le salut de ceux du moulin d'Armavir.
--Le_vieux_du_coin
Debout sur la courtine qui rejoignait la porte d'Italie, le vieux paysan laissait ses yeux vagabonder au long des maisons du Bourg Montmélian. De son regard toujours perçant, malgré l'âge et la fatigue, il cherchait un indice ou une trace du départ de son jeune voisin...

Au détour d'une boucle de la vieille route qui montait vers les Alpes, il discerna dans le lointain un chariot brinquebalant tiré par une paire de bœufs. Le sourire du vieux lui fit plisser les yeux encore d'avantage... cheminant à côté du chariot où s'entassaient pèle-mêle Yzalba, les enfants et leur bagage, Rollin allait d'un pas assuré.

Le paysan ne pouvait s'empêcher de sourire, mais un pincement amer lui étreignait le cœur. Du haut de la muraille, le vieil homme agita la main en signe d'adieu et sa voix âpre roula dans l'air pur de ce matin frisquet :

"Que le Très-Haut vous ait en sa bonne garde, les enfants... et qu'il me prête vie jusqu'à votre retour!"


Il détacha son regard du chariot et passa une main sur ses yeux... pour la première fois depuis tant d'années, des larmes avaient coulé...
--Le_vieux_du_coin
L'échine courbée sous le poids du départ, le Vieux était descendu de la courtine et avait flâné dans les ruelles de la capitale savoyarde... Le fond de l'air était frais et, maintenant qu'il y faisait attention, il y avait quelque chose qui flottait dans l'éther azuré et limpide. Quelque chose comme... l'amertume et l'humidité... L'hiver venait, c'était sûr!

Le vieil homme pressa le pas et rejoignit la Ruelle derrière les Murs sans s'attarder d'avantage... Il devait vérifier l'état de ses réserves sans plus attendre.
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