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[RP] Le dolmen de Bagneux Saumur

Abraxes
Il était revenu sur les lieux du crime. Enfin, si tant est qu'il y eût eu crime, par omission peut-être, par désertion sans doute, par horreur des complications évidemment comme tout mâle normalement constitué (constitué d'un tiers de bon sens, d'un tiers de lâcheté et d'un tiers d'attrait pour les voyages au long cours). L'endroit était tel qu'en lui-même l'éternité le conservait. Il y avait bien quelques miettes ici et là… Traces de convives déjà repartis… Ou des petits poucets que l'Ogre avait mangés avant qu'ils n'aient pu retrouver leur chemin ?

En tout cas, lui avait d'instinct remis ses pas dans ses propres empreintes — effacées mais toujours présentes impalpables sous le semblant boueux du sol. De retour des lointains de la verte Irlande, de retour du port populeux de Vannes, de retour encore et toujours, mais comment recoller les morceaux du passé ? Il aurait fallu plus de talent que n'en avait le petit paysan, même poussé en graines et devenu capitaine, d'armée ou de bateau ou Capitaine d'Anjou, pour expliquer à une fragile enfant de Saumur qu'il avait, pour un drame passionnel qui la dépassait en l'impliquant, préféré larguer les amarres pour limiter la casse, même s'il savait qu'elle lui en voudrait et ne comprendrait pas. Mais qu'y avait-il à comprendre, sinon qu'elle attendrait toujours de lui plus qu'il n'était en mesure de donner, comme il ne s'en était jamais caché ? Et qu'un impossible trio d'amitié ne peut perdurer sans que l'un des angles n'explose à l'improviste en une géométrie ravageuse ?

Ainsi l'orage avait grondé, mais le dolmen était imperturbable. Demain, encore, Abraxes serait reparti, il y avait une mairie à reprendre, une mort à recevoir ou donner peut-être, une taverne laissée à une tavernière mal consolée. Incertitudes. Mais le dolmen était stable, le dolmen était rassurant.

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Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)
Lluwella
Comme pratiquement tous les jours ou plutôt les nuits, Lulu s’était rendu à « son » dolmen. Elle trouvait l’endroit un peu trop animé ces derniers temps, mais elle ne pouvait s’empêcher de s’y rendre encore et toujours. Elle avait cessé de s’asseoir sur la dalle de pierre où elle était trop visible, pour se cacher dans l‘arbre où sa chouette aimait se percher.

Celle-ci venait de prendre son envol, ayant probablement repéré une proie quelque part, quand Lulu sentit plus qu’elle ne vit un mouvement sur le chemin qui menait au site, et qu’elle n’utilisait plus guère, puisqu’en général elle arrivait de la forêt. Pas même nécessaire de fixer l’obscurité, elle savait que c’était lui. Elle savait toujours. Elle connaissait par cœur sa façon de bouger, chacun de ses gestes.

Il était rentré. Une nouvelle fois. Et il semblait que les choses avaient repris leur cours. Les apparences… trompeuses. Les choses n’étaient plus pareilles. Elles ne pouvaient plus l’être. Elle avait perdu quelque chose. La confiance. Elle se demandait s’il était dupe. S’il y croyait vraiment. Ou s’il voulait simplement y croire. Si lui aussi faisait comme si... Sans doute que oui. Il suffisait de voir la façon dont il fuyait encore, et encore, et encore, dès qu’il le pouvait. Et La Rochelle, et Vannes et… et… et… et plus jamais avec elle…probablement à tout jamais sans elle…

Mais il ne dirait rien.

Elle aimait le silence d’ordinaire. Mais là, elle aurait préféré des mots. Pas des discours sans fin, non. Mais quelques paroles de compassion ou de réconfort. Parce que les explications, il y avait beau temps qu’elle avait renoncé à ce qu’on lui en donne.

Elle le regarda s’approcher de l’édifice immémorial et toucher la pierre. Par Ari, comme elle l’aimait. Trop, ça c’était évident. Beaucoup trop. Et l’amour, et bien, c’était très nul. Pas pour tout le monde elle l’espérait, pas pour eux sans doute (qu’au moins ça ait valu le coup). Mais pour elle, oh oui, c’était sacrément con.

Il fallait qu’elle s’en débarrasse. Ne plus jamais, jamais éprouver ça. Elle y avait beaucoup réfléchi. Elle avait eu des semaines, des mois pour y penser. Partir. Quitter Saumur et l’Anjou. Probablement la seule solution. En restant, elle n’y parviendrait jamais.
Déjà elle avait failli s’en aller. Quand elle avait suivi Mae, c’était sans intention de revenir. Elle voulait disparaitre et elle était douée pour ça. Qu’il trouve porte à tout jamais close à son retour. Il avait fallu que les armées « royales » s’en mêlent. Enfin, les armées royales … Si elle était parfaitement honnête avec elle-même (et elle essayait de toujours l’être, même si se mentir pouvait être confortable parfois), elle avait surtout été incapable de partir comme ça, en douce. Sans le revoir.

Elle poussa un soupir. De toute façon, pas la peine de penser à ça dans l’immédiat. Elle verrait à la fin du mandat ducal. Où en seraient les choses. Où elle en serait, elle.

Elle l’observait toujours. Elle savait qu’il ne resterait sans doute pas longtemps. Il devait prendre la route. Il regardait toujours les pierres d’un air songeur. Que ne donnerait elle pas pour connaitre le cours de ses pensées, pour savoir enfin? Elle haussa les épaules. A quoi bon au fond?
Abraxes
Un craquement le fit se retourner. Une brindille, une branchette ? Du bois, certainement… Évidemment, crétin, quoi de plus naturel, dans une forêt ? Il héla, presque à voix basse, sans conviction :

Quelqu'un ?

Mais il était bien difficile, dans le soir qui déjà tombait — de fatigue, comme un paysan au terme de son dur labeur —, de distinguer dans la masse sombre des taillis et des feuillages la moindre silhouette d'humain ou de bête. Et rien ne bougeait. Au moins ce n'était pas un sanglier, le raffut n'aurait pas manqué de s'amplifier, et les frondaisons de trembler (et Abraxes de prendre ses jambes à son cou, car on a beau être brave comme soldat, dans les bois quand personne ne regarde on a le droit de retrouver sa couardise originelle). Heureusement rien de tel n'arriva.

Il allait repartir vers le village, vaguement insatisfait, quand il perçut par un autre sens non pas le bruit mais le silence d'un vol.

Ça, c'était un nocturne, à n'en pas douter. Levant le regard, il eut une vision fugitive du rapace au masque si particulier, qui lui remémora instantanément l'effroi qui l'avait saisi lors de sa première rencontre avec… l'effraie.

C'était Blanc Bec. Ou ça lui ressemblait bigrement.

Blanc Bec ?

Il se sentait passablement benêt, que pouvait-il espérer en appelant une chouette par son nom ? Qu'elle lui répondît :
oui, c'est bien moi ?
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Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)
Lluwella
Elle le regardait toujours. Elle le vit sursauter, ce qui la fit vaguement sourire. C’était étrange qu’un homme qui avait conduit une armée pendant des mois, puisse encore s’inquiéter de tous les bruits insignifiants de la nuit.

Elle, c’était la nuit qu’elle se sentait le mieux. Elle aimait le léger frottement des hautes herbes en bordure de la pierre, les chuchotis des feuilles mortes sous une brise soudaine et même le cri à peine perceptible d’un prédateur nocturne ayant trouvé sa proie.


Quelqu'un ?

Presqu’un murmure, mais qui résonnait étrangement dans le presque silence ambiant. Elle crut un court instant qu’il savait qu’elle était là. Mais c’était impossible. Elle se tenait tellement immobile que son propre souffle lui était imperceptible. Mais peut être sentait-il juste son regard. C’était pesant les regards parfois.

Elle devrait peut être descendre, manifester sa présence. Mais était-ce bien nécessaire ? Après tout l’heure des explications n’était plus. Elle s’était pourtant montré persévérante, elle s’était présentée maintes et maintes fois. Mais personne ne l’avait jamais saisie. Et elle avait fini par s’éteindre.


Maintenant c’était l’heure du départ qui se profilait. Elle voyait l’idée se rapprocher lentement. Elle devenait de plus en plus concrète. Même si, pour l’instant, elle n’était liée qu’au hasard. Le hasard des routes. Elle en voyait tant, des voyageurs qui se laissaient dériver au fil de l’eau, si on pouvait dire, là où le hasard les porte. C’était tentant. Surtout être ailleurs.

Froissement de plumes sur air nocturne. Eclair blanc sur le noir du ciel. Sa chouette. Chasse accomplie ? Rassasiée probablement.


Blanc Bec ?

Pas de doute, c'était bien elle, son ami l’avait vue lui aussi.

Tandis que l’oiseau se posait sur le dolmen, monopolisant l'attention du boucher, Lulu se laissa glisser silencieusement au bas de l’arbre. Elle s’approcha d’Abra à pas feutrés, comme elle l’avait fait cette fameuse nuit, il y avait si longtemps maintenant. Elle glissa ses bras autour de sa taille et appuya son front sur son dos. Que lui avait elle dit ce jour là, histoire boucler la boucle?
Ah oui, elle se souvenait.


Vous aussi vous aimez vous promener la nuit ?
Sorianne
Parce qu'il fallait bien se dégourdir un peu les pattes, So s'était aventurée en dehors du village après avoir fait envoyer un courrier rédigé au matin. Il faisait bon y revenir malgré tout, et même si elle ne mettait pas bien souvent le nez dehors en ce moment, la jeune femme essayait d'en profiter. Laissant ainsi sa fille aux bons soins de l'angloys qui lui servait de nourrice, la noiraude avait prit le chemin de ce qu'elle n'avait pas eu l'occasion de bien voir à sa dernière venue, un voleur l'en empêchant.

Pressant les bras contre elle, elle en profita pour ajuster et s'emmitoufler davantage dans le châle de laine qu'elle portait. La fin de l'été se faisait sentir, et le ciel morne et la fraicheur revenus ne trompaient pas. A pas là, elle se dirigeait vers les bois, où elle espérait retrouver le monument de pierres... Ce qui était loin d'être évident avec son sens de l'orientation pour le moins défaillant.

La petite brune arrivait à l'orée du bois et leva le museau. Les feuillages commençaient à prendre des couleurs chatoyantes. L'automne était proche. Elle en plissa le nez. Bientôt le froid, le sombre et la solitude qui allait se faire plus pressante encore. A quoi aurait ressemblé son hiver si elle était restée auprès du prélat? Sans s'en rendre compte, elle avait stoppé sa marche. Et quand elle réalisa, la petite noiraude secoua la tête, il lui fallait se sortir certaines pensées de la tête.

Une dernière hésitation avant de pénétrer la forêt et la jeune femme s'y aventura. Mieux valait être là, que de passer pour indésirable auprès de quelqu'un qu'elle aurait pu penser ami... Le pied sûr malgré sa claudication, elle enjambait comme elle le pouvait les branches et autres arbres morts qui lui barrait le passage.

C'est essoufflée qu'elle arriva à destination. Les pommettes rougies, par la fraicheur et l'humidité ambiante, autant que par la marche effectuée, la petite So observa le lieu, stoppée dans son avancée. Une maison de pierres épaisses. Le lierre avait prit ses aises à certains endroits... Le silence était épais... Et cela lui fit presque regretter de ne pas avoir demandé à Miramaz de l'accompagner... Après un dernier regard derrière elle, la noiraude avança finalement vers l'entrée du vieux monument.

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Belzebuth_l_encapuchonne


Son insatiable besoin l’avait poussé hors des murs suintants de la Capitale. Avoir, faire sien, la possession pour unique raison. Et surtout que cela ne lui coûte rien. L’idée même d’ouvrir sa bourse, de céder le moindre écu lui est tout bonnement insupportable. Il avait donc suivi sur son bateau un marchand de ces tapis persans au toucher unique, de ces ouvrages dont le commun ne peut apprécier la beauté sans avoir connaissance des centaines d’heures où des mains lasses et usées avaient noué chaque fil avec une précision quasi chirurgicale.

Il l’avait égorgé bien entendu ce gras négociateur au moment où il espérait recevoir son dû. Ce qu’il avait eu à n’en point douter pour Belzébuth. Puis en bon Prince il était passé à un autre. D’un navire au suivant, tel le Bateleur honni, de la Seine à l’Eure. Négociant en vins fins qui aurait lui aussi espéré voir la couleur de son or et n’avait eu que le temps d’apercevoir l’acier de la lame qui lui ôtait la vie. Le dernier, sur le fil de la Sarthe, avait affecté de reconnaitre le Prince pour ce qu’il était, sans pour autant échapper à son funeste destin.

L’arrivée au port fut pour ce vendeur de pacotille la même que celle de ses prédécesseurs… La valeur de la marchandise avait valu qu’il manipula enfin son arme de prédilection, fracassant le crâne du malheureux dans un splendide éclat rubicond qui s’était éparpillé en une constellation miroitante sur les boiseries cirées de la cabine. Et l’Avarice s’était tout naturellement remerciée dans le coffret de pierres en rubis et saphirs… Ainsi s’était achevée l’épopée fluviale en vue de la Loire.

D’un relais à un autre, au gré de rencontres fortuites et fructueuses de son unique point de vue, il allait sans autre but que de toujours s’approprier plus de biens. A moins qu’il n’ait eu demeure à garnir aux environs, allez donc savoir.
Il cherchait l’inspiration. S’inspirer pour mieux faire siens les biens et valeurs marchandes, s’arroger le droit de jouir pleinement de que ce monde avait à offrir dans toute sa matérialité.

Entre les arbres, les mouvements fluides de sa bure bruissent à peine, répondant aux sonorités qui emplissent l’air, tout juste soupçonne-t-on un léger craquement lorsque d’une botte ferrée il écrase un branchage mort. Sa main gantée repose nonchalamment sur le manche massif de son goupillon et son pouce en caresse au travers du cuir le joyau à son embout.

Ayant enfin atteint sa quête du jour, d’inspiration architecturale, il reste un moment à contempler l’édifice païen. Trop imposant pour l’emporter, mais l’idée germe d’en faire reproduire un modèle légèrement réduit qui irait meubler l’atrium désertique de Saint Martin. Il voyait déjà les reflets d’une lune blafarde se poser sur la pierre, l’illuminant tel l’autel sacrificiel auquel chacun pourrait mener sa brebis pour la perdre. Tout à ses pensées somme toute joyeuses, il n’avait prêté jusqu’alors la moindre attention à cette souris qui semblait égarée.

Après tant de richesses accumulées sur son trajet, l’on pourrait penser qu’il s’en désintéresserait, repu. Et l’on s’y tromperait. Ils avaient toujours quelque chose à perdre, et lui, toujours quelque chose à prendre.
Il se remet en mouvement, concentré sous l’ivoire, à l’écoute de ce silence épais que rien d’autre que quelques cris d’oiseaux ne viennent déranger. Le Prince Démon sourit alors qu’il se glisse jusqu’à la petite forme engoncée dans ses lainages, comme une ombre portée gigantesque qui vient la recouvrir, l’envelopper dans la noirceur déjà prononcée des bois. Il la respire au travers du masque et pourrait la toucher s’il le voulait déjà.


Vous admirez sans oser y toucher ?

Tout juste un murmure soufflé au travers du masque alors qu’il effectue une ultime avancée. Si proche qu’il peut déjà sentir et s’approprier la chaleur de ce petit corps. Même prévoir le sursaut à venir, peut-être même un cri de surprise. A voir s’il la laisserait alors s’époumoner ou s’il musèlerait d’éventuels éclats d’une main gantée.

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Bien mal acquis profite… mais plus à la même personne, voilà tout !
Sorianne
Elle n'avait pas fait deux pas qu'elle sentit quelque chose sous son pied. Fronçant sourcils, la noiraude baissa le museau et s'écarta doucement. Une cordelette? Curieuse, la jeune femme se baissa et tira dessus, en vain. Rhoo qu'est-ce que c'était que ça? Il n'y avait qu'un petit bout de tissu qui dépassait de terre. Un trésor? Il ne fallait pas trop y compter... Du bout des doigts, et s'aidant d'une pierre, elle creusa autour de cet objet mystérieux enfoui là, jusqu'à réussir à l'extraire du sol en un tintement joyeux.

De plus en plus perplexe, la So défit le nœud qui fermait la petite bourse et y plongea le nez, juste avant de s'en trouver ravie et étonnée. Ce jour, elle venait de tomber sur vingt écus, et se demanda même ce qui lui valait cette petite chance. Ô merci Très Haut, de prendre enfin mes prières en considération. Enterrée comme elle l'était, cette bourse ne devait être à personne, ou du moins, personne qui soit passé ici récemment. Et elle cacha son petit trésor dans les plis de ses jupons.

Une branche craqua quelque part, mais le bruit étouffé par la végétation, ne lui permis pas de savoir d'où cela pouvait venir. Puis elle était en forêt, il ne fallait pas s'étonner d'entendre craquer quelques arbres. Un coup d’œil méfiant tout de même, elle avait perdu toute naïveté, la brune... Même si elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait risquer ici. Un haussement d'épaules plus tard, la voilà qui commençait à faire le tour de l'édifice, cherchant l'entrée.

Depuis le matin, une pensée l'assaillait, une hésitation, une envie qu'elle essayait de refouler, sans trop de succès. Écrire ou ne pas écrire au pré... Un nouveau froncement de sourcils et lentement elle ralentit sa marche. Les pans de son châle furent resserrés davantage contre elle, et un frisson lui parcourut l'échine. Ne faisait-il pas plus sombre? Son imagination venait à lui jouer des tours... Combien de fois était-elle passée pour une gentille folle, en disant avoir parler à un fantôme dans une des nombreuses tavernes où elle était passée? Cela n'existait pas... Et pourtant... C'est un frisson glacé qui s'abattit sur elle en entendant susurrer derrière elle, et la chair de poule l'envahit en sentant presque le contact de quelque chose dans son dos, et c'est un sursaut de frayeur qui répondit à la voix étouffée.

Résistant à l'envie de prendre ses jambes à son cou, Sorianne se tourna sur elle même pour tomber nez à nez avec une vesture sombre, la faisant soudain pâlir. Lentement, et avec moult hésitations, la noiraude leva le nez, la respiration rendue difficile par l'angoisse. Qui s'amusait à lui faire ça? Arrivée au visage, elle faillit défaillir. Les Démons étaient venus la chercher, son heure devait être venue que la Lune envoie ses sbires. Un cri de terreur s'échappa de sa gorge serrée en même temps qu'elle effectuait un mouvement de recul et elle en oublia ce qu'elle était venue faire ici. Si tantôt elle se retenait de partir en courant... Ce n'était plus le cas maintenant!

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Belzebuth_l_encapuchonne


Ô combien furent délectables ces secondes où il la sentit frémir quand son ombre vint la recouvrir, celle plus exquise encore où le visage de la fille perdit ses couleurs, presque à se pâmer d’effroi. Le Prince Démon ne boude pas ces menus plaisirs. Gratuits.

Le pas qu’elle effectue en arrière était aussi prévisible que le cri qui transperce le silence et la brume. Sa main vient la saisir au poignet pour l’empêcher de s’enfuir alors qu’il abolit à nouveau la distance qui les sépare pour la dominer de toute sa stature. Noirceur enveloppante qui fait glisser sa main du poignet à la taille pour la maintenir dans une étreinte démoniaque. Le sourire sous le masque, il apprécie, évalue.


Criez… Hurlez… Personne d’autre que moi n’est là pour entendre.

Déroutant quand, à ses mots, il adjoint le geste et vient caresser du bout du gant le front de la jeune femme, sinuant le long de la cicatrice avant de glisser sur sa joue, dessiner sa pommette, retracer la courbe fine de sa mâchoire pour rester en suspens sur sa gorge fine… Le pouce effleurant le fil bleuté d’une veine qui palpite de plus en plus fort sous la peau blanche.

Belzébuth économise ses mots, ses gestes, et prend son temps. Cela ne lui coûte rien et rapportera toujours. Il attend, guette les réactions de la fille et s’attend à ce qu’elle commence à tenter de monnayer sa vie. Reste à voir encore ce qu’elle sera prête à céder, la valeur qu'elle s'accorde.


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Bien mal acquis profite… mais plus à la même personne, voilà tout !
Sorianne
Avait-elle vraiment cru pouvoir se sauver? ... A vrai dire, oui, du moins dans un rêve peut-être. La main de fer qu'elle sentit au travers du bracelet qu'elle portait, lui brisa le maigre espoir qu'elle avait eu. Son heure était venue, du moins c'était ce dont elle était persuadée en cet instant. Et comme le lui avait dit le curé, la Lune l'attendait. Ce visage blafard qu'elle avait vu n'en était-il pas la preuve? Un nouveau cri de surprise désespérée et teinté d'une profonde angoisse, cri bref, et en un instant elle se retrouva plaquée contre la bure noire, à en avoir le couffle coupé. Complétement paralysée par la peur qui l'avait prise, la noiraude gardait paupières closes, crispée, elle restait tendue contre le Démon venu la chercher. Elle allait se réveiller, il le fallait bien, cela ne pouvait être qu'un mauvais rêve. N'en faisait-elle pas à foison depuis un moment?

Nononononononononon....

Prière soudainement interrompue quand elle sentie la douceur du tissu sur son visage. Le souffle court, muette, elle ne pouvait qu'écouter les battements de son cœur et la respiration du monstre. Nerveusement, elle avait agrippé la tenue du masqué et ne cherchait pas à s'en défaire pour l'instant, bien trop préoccupée par cette main caressante et cette phrase prononcée. Oui, elle allait y rester, c'était certain, il était là pour elle, pour mettre à exécution les menaces qui avaient été proférées... Le cœur battant à tout rompre, elle s'imaginait déjà la poigne de fer sur sa gorge et l'air se raréfier, tandis que la peau frissonnait au contact offert. Où donc était passée sa fierté? Où lui avait-Il faite ranger? Les poings de la jeune femme se resserrèrent sur les tissus tenus, et finalement, So se mit à se débattre, doucement d'abord, hésitante, puis la brune tenta de repousser celui qu'elle était persuadée être La Mort elle même. La tête brune se secouant, et les yeux se rouvrant, hagards et perdus,

Pas la Lune, pas la Lune! Laissez moi!! Je veux pas y aller!

Oh non pas la Lune! Un nouveau cri déchira le silence de la forêt. Il lui fallait s'extraire de cette étreinte, partir, courir, oublier la douleur qui lui dévorerait la hanche, un beau Diable qu'il avait dans les bras à cet instant, lançant les poings, cherchant à atteindre quelque chose, essayant aussi du pied, OOh oui elle ne voulait pas la Lune! Si un bras, une main, passait à portée, elle l'aurait mordu au possible, Peut-être verrait-elle enfin l'intérieur du dolmen... Si elle pouvait se libérer, si elle pouvait s'y cacher... Comment était-ce? Devait-elle préférer la forêt?

Une douleur vive irradia soudain dans sa main, son poignet, elle avait touché quelque chose? Ou regretterait-elle d'avoir chercher à lutter?


Rien! Je n'ai rien fait, je ne veux pas y aller, je n'ai rien, je ne veux pas, non, nooon...

Sans cesse tournaient et retournaient les paroles , les coups assénés, les promesses et les prophéties, à s'en arracher ses cheveux maintenant défaits et emmêlés. Non.. Non, elle n'avait rien à donner en échange... C'était le moment de réaliser ce qu'il se passait, où ils en étaient : était-elle libre de prendre un peu d'avance sur Lui, Prince Démon, qui la rattraperait sûrement, à cause de son fichu handicap? Ou...
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Belzebuth_l_encapuchonne



Ouvre les yeux…

Si elle évite de regarder le Démon en face, la prise en est moins savoureuse. Et il ne sait encore quel appât lui tendre. Bélial la flatterait de la finesse de ses traits, de l’éclat de ses yeux ; Leviathan la trouverait belle dans sa terreur et l’encouragerait à la Colère ; Azazel poursuivrait en lui soufflant à l’oreille combien ses charmes pourrait lui faire obtenir tant et tant tandis que Lucifer tirerait sur sa pipe en étalant sa vérité sur la vacuité de lutter et de l’existence elle-même. Mais il n’est pas ses Frères. Pourtant, sa main gantée vient glisser sur la longue chevelure noire, caressante, presque rassurante…

Il laisse la pluie de coups s’abattre sur son torse, s’écraser vainement sur la cotte sous la bure. Les cris qu’elle pousse le font sourire sous le masque. Elle en dit déjà tant et pourtant rien qui ne satisfasse l’Avarice. Son bras resserre son emprise sur la taille de la brune et d’un pas il les entraine sur le côté pour qu’elle cesse enfin de s’agiter.



Chut… Tu n’as rien à craindre de moi…


Il est un Prince, pas une brute épaisse. L’étreinte se poursuit de son autre bras qui vient l’envelopper à son tour, protectrice sur ses épaules, pour l’enrober complètement de sa noirceur. Elle ferait presque parfaite proie pour l’Acédie. Sous le masque, son regard se fait plus acéré. La danse s’avérerait donc plus longue qu’il ne l’avait supposé. Le temps n’est qu’une mesquinerie humaine dont il ne ressent les effets que lorsqu’il le perd. Il l’entraine, d’un second pas, puis un autre, et encore et encore, la soulevant entre ses bras pour les faire tourner. Insuffler un peu d’ivresse dans son esprit, le trouble d’une étreinte avec le Démon…

Il a vu la grimace quand elle portait ses coups inutiles, presque sentit la douleur irradier dans le corps crispé de la jeune femme. Sous l’ivoire un sourire se dessine, cruel, se satisfaisant quelque part de ce qu’elle s’inflige à elle-même. Il se penche à son oreille, susurrant d’une voix suave en modifiant l’étreinte de ses mains, toujours ferme mais qui se fait presque caressante alors qu’il entame un nouveau pas.


Ne te fais pas mal…

La chorégraphie se poursuit, étrange et langoureuse. Deux corps qui s’effleurent et partagent leur chaleur. Il la sent trembler contre lui alors qu’il se dirige vers l’entrée du dolmen. Sombre. Humide. Epuré. L’endroit idéal pour poursuivre ce délictueux ballet.

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Bien mal acquis profite... mais plus à la même personne, voilà tout !
Sorianne
Non. Non, elle n'aurait pas l'occasion de se sauver. L'étreinte se resserre même davantage, comme pour le lui signifier. Un pas sur le côté, et les poings de la jeune femme se serrent sur la robe sombre. En panique, elle ne saisit pas immédiatement ce qu'il lui murmure, continue même à chercher à s'extraire de ces bras qui la maintiennent.

Rien à craindre... Elle n'aurait rien à craindre de lui, comment pouvait-on ne pas avoir peur de la mort, quand bien même celle-ci était parfois appeler en période de désespoir? Sa main la lançait et à s'épuiser inutilement, les efforts se firent moindre à mesure que la danse se faisait. Combien de fois l'avait-elle appelé? Combien de fois l'avait-elle demandé? Le Démon était là maintenant...

Résignée? Elle l'était quand elle se trouvait auprès du prélat. Et là? ... Elle savait à quoi elle était condamnée, il ne servait à rien de lutter finalement. Petit à petit, la noiraude calmait sa frayeur, il ne lui ferait rien... La danse la berçait, et au désespoir, elle finit même par voir sa tête se poser doucement sur le corps chaud qui l'enlaçait, protecteur. La Mort était-elle douce à ce point? Trompeuse sans nul doute.

Ne plus sentir le léger vent de l'extérieur lui fit ouvrir doucement les paupières, il faisait sombre... Les bois avaient disparus, ne restait plus que la pierre envahie de mousse. C'était dépitée, qu'elle était. Dépitée, résignée, lasse. le Démon semblait doux, l'étreinte tendre. Pourquoi ne pas se laisser aller après tout... La tempe posée sur la bure, les yeux de nouveau clos, la voix de la brune s'éleva, hésitante, rauque d'avoir trop crié vainement, faible? Si elle n'avait rien à craindre de lui...


Il me l'avait dit que vous viendriez... Qu'est-ce que vous voulez...

Oui il le lui avait dit. Il lui avait bien dit que l'Enfer l'attendait. Et elle en était persuadée maintenant, la petite étincelle d'espoir ayant été étouffée dans l’œuf il y avait maintenant bien des mois.
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Belzebuth_l_encapuchonne



Il sent le petit corps encore agité de soubresauts de résistance vaine. Il la laisse éteindre d'elle même sa frayeur, se résigner à l'évidence que la lutte est inégale et vouée à un échec certain.

Sous le masque d'ivoire, un sourire satisfait étire ses lèvres lorsque, enfin, la brune cesse de s'agiter et vient poser sa joue sur son torse. Dans la pénombre du dolmen, il vient d'une main caresser la longue chevelure, la berçant presque comme une enfant que l'on veut rassurer.


Personne ne pouvait t'annoncer ma venue...

Lui même ne savait pas la veille qu'il serait là et pourtant il l'est. C'est une évidence.

Ton nom me conviendrait pour commencer...

Il ne la libère pas. Le Prince de l'Avarice la tient, la détient, captive en cette heure et en ce lieu abandonné. Elle est à lui pour l'instant et il n'est pas pressé de la rendre au monde des hommes.

Il la sent encore tremblante, presque brisée contre lui. Sa voix qui chevrote, hésite, après avoir tant donné. Dans son esprit germe l'idée de ce qu'il pourrait bien vouloir d'elle. Dangereuse. A s'y perdre.


Raconte moi...

Ses mains poursuivent leurs caresses gantées. Sans équivoque, elles en sont presque honnêtes et ne se permettent aucun geste déplacé. Seule l'intention pourrait le paraître à qui apercevrait la scène de cet étrange couple enlacé dans l'obscurité. Il attend, patiemment qu'elle reprenne son souffle et qu'elle réponde.


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Bien mal acquis profite... mais plus à la même personne, voilà tout !
Sorianne
Il y avait une éternité qu'on ne l'avait plus tenu de la sorte, qu'on ne s'était plus montré doux. La main ganté qui lui caressait les cheveux achevait de calmer la terreur qu'elle avait ressenti en voyant la Mort elle même venir la chercher. Finalement, il ne serait peut-être pas si horrible de passer de l'autre côté... Ne s'y était-elle pas déjà préparée? Cherchant tout et rien pour pousser à bout des hommes qui auraient pu la mettre en pièces... N'avait-elle pas cherché à la faire venir? Cette Faucheuse qu'elle avait appelé plus d'une fois? Quand l'acier d'une lame était venu caresser a peau délicate des poignets maintenant cachés sous d'épais bracelets... La main blessée d'avoir mal frappé fut ramenée contre elle, et machinalement, la noiraude se blottit un peu plus dans la noirceur qui l'enveloppait, se serrant un peu plus dans la chaleur de ce Démon au teint blafard.

Résignée, elle l'était.
Tout comme elle l'était quand ils venaient se glisser dans sa couche.

Lasse.
Il lui devenait difficile de garder enfoui tout ce qu'elle ruminait.
Autant de secrets... Qu'ils étaient devenus pesant...


Sorianne... Je ne suis pas une Dame.... Juste So... Juste une ombre...

Lui raconter... L'invitation avait été lancée... La confession avant de la juger? Une ombre... Oui, juste l'ombre de ce qu'elle était, Il l'avait faite poupée, jouet... Pouvait-elle tout raconter à l'envoyé de la Lune? Il le saurait...

Si Il m'avait dit... Il me le disait souvent...

Lui raconter... Comment?
Étroitement enlacée, elle prenait conscience qu'elle en avait besoin. Elle n'avait pas à avoir peur d'être jugée, elle n'avait pas à s'en cacher, persuadée qu'elle ne le verrait plus jamais une fois qu'il l'aurait déposé loin d'ici. Et de se sentir ainsi protégée, à l'abri loin du monde, dans les bras même d'un Ténébreux Prince, tous les murs qu'elle avait érigé s'effondrèrent petit à petit. S'il lui arrivait de pleurer dans le secret d'une chambre louée lors de ses voyages, jamais elle ne se le permettait devant quelqu'un. Quand était-ce la dernière fois? Longtemps... Brique après brique, l'esprit se libérait. Et la main de la brune se serra davantage sur la robe du masqué, tandis que les larmes s'échappaient.


Je ne suis plus moi, je ne le serai plus jamais... Plus jamais je n'aurai envie de rire, plus jamais je n'oserai aller vers les gens... Il a fait de moi un fantôme et j'ai cessé de lutter. Il me l'a dit, Il a raison, je subis, mais c'est Sa faute, juste la sienne, et pourtant Il me manque, avec lui je n'étais pas seule... Il n'y a personne qui pourrait comprendre, alors pourquoi expliquer...

Il a usé et abusé, Il punissait chaque péché, Il les effaçait par un autre. Il n'y a plus aucun plaisir, tout est fade, et triste. J'erre ici, me donne juste par besoin, juste pour sentir quelqu'un, sans envie, Il m'a faite catin alors que je n'étais rien de tout ça. Je me déteste, je hais ce que je suis, je ne suis plus moi, je ne suis plus rien, je n'aime plus...

Tous les soirs il prenait son dû, tous les soirs je devais me faire pardonner, j'ai peur d'un rien, plus rien n'a de goût, je suis mauvaise, et Il m'avait dit que vous viendriez, que j'irai sur le Lune, il l'avait dit, je le savais... Je fais du mal aux autres, je vais bientôt abandonner ma fille pour ne pas qu'elle subisse sa mère, je vais faire du mal à son Père en le rejetant. Et lui qui me veut comme Maitresse et qui s'est déjà servi...

Je ne suis pas catin, je ne veux pas être ça... Je l'ai promis, mais je n'ai pas réussi... Ils m'abandonnent tous, je suis seule, toute seule, sans personne, quand je m'attache, ils partent, ils me laissent, Veg, Col, le Père Scopolie, même Maleus ne m'aime plus, alors à quoi bon chercher la compagnie des autres... Je veux revenir en arrière, je veux être autre chose, je veux être moi, juste moi, juste So, je veux sourire, je veux vivre, être fière et pouvoir garder tête haute... Juste ça, je veux juste ça... Ne plus me faire pitié...


Juste ça... En sanglot dans les bras du Démon, elle avait dit, elle avait raconté. Il lui avait demandé, elle avait fait. Et la petite So s’agrippait au seul être qui l'enlaçait délicatement, qui la berçait et se voulait rassurant, quand bien même il pouvait mettre fin à cette vie qu'elle jugeait des plus misérable. Une bouée de sauvetage dans son petit monde en décrépitude et pitoyable...
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Belzebuth_l_encapuchonne



Si on lui avait annoncé la veille qu’il recevrait pareille confession, il n’en aurait rien cru. La veille, il n’aurait même pas songé à demander. Mais la fille dans ses bras lui est apparue si fragile soudain, si démunie qu’une bouffe de sentiments qu’il pensait éteints l’envahissait peu à peu.
A mesure qu’elle vient se blottir contre lui, sa main se fait plus douce encore sur sa chevelure. Il regrette même sur l’instant ce gant qui l’empêche de profiter lui aussi de la douceur de ce contact. Le Prince Démon qu’il est se contente d’écouter et de comprendre.


Sorianne…

Le nom roule dans sa gorge comme un fruit juteux dont il savoure longuement le goût exquis. Elle donne, tout ce qu’elle a par ces aveux, par ces larmes qui mouillent sa bure. Plus encore elle se livre, s’offre plus encore à lui qu’elle ne confesse l’avoir fait aux autres.

Chut… Ce n’est pas une ombre que je garde là, dans mes bras… C’est une femme, forte, qui a résisté…

Lentement, il vient relever son menton, en douceur. Il devrait chercher à la perdre, mais ses sens sont troublés, il se sent frémir. En vie à son tour. Il la devine, si fragile, si désemparée. Confiante au-delà des mots, généreuse dont on use et abuse… De ces âmes naïves, victimes presque faciles de la laideur de ce monde. Une proie de choix pour un Démon.

Je ne sais qui ils sont. Mais ils ont tort. Et vous aussi. Oubliez les, oubliez chaque mot chaque geste qui vous a meurtri, oubliez jusqu’à leur existence. Ils souffraient et bien plus que vous. Leur attitude est le reflet de leur médiocrité, mesquine vengeance pour leurs propres maux.

Ses doigts glissent sur son visage, dessinent ses traits jusqu’à aller cueillir une ultime perle salée au coin de sa paupière. Le sourire sous l’ivoire est tendre, mais elle ne le sait pas. Elle reste face au masque figé sans soupçonner même l’émoi dans lequel elle l’a mis. Subitement, l’étreinte se resserre à nouveau, presque tragique, comme si elle devait être la dernière et que le monde allait sombrer au dehors. Il voudrait l’emprisonner là. Qu’elle reste à l’abri de ses bras, protégée à jamais par son ombre. Que les sanglots s’apaisent, que les larmes sèchent à tout jamais.

Un pas, une virevolte, la danse reprend. Endiablée. Il la soulève et tourne, tourne, encore et encore, comme si une ritournelle entrainante flottait dans les airs et l’enjoignait à la vie. Il en rirait. Presque. Il cherche les yeux au travers de la fente du masque, cherche l’étincelle, celle qu’elle prétend éteinte, alors qu’il continue de tourner. Leurs tissus se mélangent dans ce curieux ballet, flottant autour de leurs corps enlacés comme un halo fluide enveloppant leur transe.



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Bien mal acquis profite... mais plus à la même personne, voilà tout !
Sorianne
"- Qui sont les Princes de Saint Martin?
- De saint, ils n'ont que le nom de la rue sur laquelle ils règnent. Chacun de ces êtres démoniaques incarne un péché, à l'instar des Princes-Démons décrits dans le Livre des Vertus.
Rien ni personne n'ose les affronter, comme rien ni personne n'a vu leurs visages camouflés derrière leurs masques d'ivoire.
"
*

***

Le museau enfoui dans les plis sombres, le poing serré dans les tissus, elle se laissait bercer, calmant peu à peu les sanglots qui s'étaient échappés, libérés par la tendresse ressentie dans les gestes de l'Encapuchonné au teint blanc. Pas une ombre... Il ne la connait pas, il ne peut savoir, et pourtant les mots entendus lui offrent un soulagement certain. Oui, elle a résisté, en vain et ils ont fait d'elle ce qu'elle était maintenant... Mais lui ne voyait pas un fantôme, une femme vide...

Le visage se relève, suivant le mouvement imposé, mais elle conserve les yeux baissés. Si la Mort a l'air douce, la noiraude n'ose pourtant pas encore la regarder en face. De la tête, la jeune femme suivit la caresse qu'il lui dispensa, avant de finalement se décider à détailler ce visage qu'elle n'avait qu'aperçu avant de fermer les paupières. Les soubresauts dû à ses pleurs se calmaient doucement, et en posant les yeux sur le masque, elle ne put s'empêcher de penser à la réponse qu'avait apporté le prélat à sa questions, avant de sentir la noirceur l'envelopper de nouveau dans sa chaleur, serrée contre lui, en sécurité loin du monde. Qui était-il? Que pensait-il sous cette coque blanche?

Princes Démons... Une légende, pour elle... Ils n'existaient que sur un vélin qu'elle avait précieusement conservé. Et elle se laissa entrainer dans la danse, virevoltant avec lui, se serrant machinalement davantage contre lui. Achim, la douceur dont faisait preuve ce Démon lui faisait penser au chirurgien qu'elle n'avait plus vu depuis longtemps. Où était-il? Colhomban... A Col aussi.. So étouffa le chagrin qui remontait. Elle allait le faire souffrir à nouveau...

Tourne, tourne, laisse toi guider Sorianne, ne pense à rien... La brune se laissait porter, vidant son esprit trop chargé à mesure qu'il l'entrainait. Ne plus penser à rien, encore moins à ce qui pouvait être mal, s'enivrer de l'instant, on ne lui demandait rien, rêvait-elle? La tête lui tournait, mais un léger sourire pointait derrière les pleurs qui avaient commencé à tarir. La liberté grisante... Oh oui, c'était cela qu'elle ressentait... Un très bref éclat de rire, mélange de sanglot et de soulagement. Elle ne partirait pas aujourd'hui. La Lune n'aurait pas son dû maintenant.La terreur ressentie en voyant cette ombre avait fait place à autre chose... Une sensation étrange et éphémère... Aussi éphémère que cet instant qu'elle aimerait pouvoir faire perdurer.


Vous n'êtes pas la Mort...

Non... Pas même un Démon... Juste un Ange noir de nuit qui lui aura permis de se libérer un peu de ce qui lui pesait. De crever cet abcès douloureux qui ne faisait que prendre de l'ampleur. D'insuffler un peu de vie dans cet esprit perdu et moribond.

Qui?

La question fut lancée... Mais voulait-elle seulement savoir...? Non... Peu lui importait... Les yeux furent clos de nouveau, les pensées tournoyaient dans sa tête, effaçant par là, tout ce qui s'y trouvait. L'équilibre lui faisait déjà défaut, plus rien n'avait de sens dans l'obscurité du dolmen.
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