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Auberge du Vieux François

Zalina
Enguerrand s’éloigne un peu pour discuter avec un jeune homme. Est-ce le messager dont Mackx lui avait parlé ? Il lui avait dit de revenir à la forteresse et qu’il préviendrait la Prévôte. Mais personne n’était remonté. Et personne ne l’avait abordé depuis son entré dans l’auberge. On ne peut pas dire pourtant qu’elle était discrète, surtout avec sa dernière intervention.
Un Capitaine pour un Capitaine… Enguerrand s’en occuperait bien. Si cette missive était si urgente, il aurait fait le pied de grue devant la porte de la forteresse.

Zalina laissa donc son Frère s’occuper du messager et reporta son attention sur la jeune fille qui les accompagnait.
Un instant, elle sembla plus heureuse. Mais rien qu’un instant avant de reprendre sa moue timide. La jeune femme se demanda si elle n’avait pas tout simplement rêvée. Elle essaya donc de nouveau de mettre l’enfant en confiance.
C’est sa « presque » filleule nom d’une pipe !


L’aubergiste prépare tout ce qu’il faut pour votre estomac, damoiselle. Ce souci là devrait donc vite être réglé. Le temps de tout préparer et dresser la table.
Par contre, comment allez vous rentrer si vous ne voulez plus faire de cheval ?


Ce n’est qu’en posant la question à voix haute qu’elle réagit.
Avaient ils seulement prévu de rentrer en Condé retrouver Daresha ? Ou en un de leur fief du Sud ou du Nord ? La question de la gestion de Marchiennes, Adrian aurait pu lui poser par missive, sans faire tout ce trajet. En compagnie de sa jeune sœur de surcroît…
La Peste fixa un instant le jeune Fauconnier mais préféra attendre un peu avant de l'attaquer de front. Autant qu’il vienne à lui parler de lui-même. Elle revient donc à Bérénice.


Et d’ailleurs, je sais pourquoi votre Frère a fait le trajet jusqu’à Ryes, enfin un peu près, mais vous ? Cela fait une longue route.
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En deuil et à la recherche des triangles...
P'tit Louis
L'homme l'impressionne réellement. Cependant, il semblerait qu'il soit plus ouvert que les deux croisés là-haut. Plus accueillant aussi, moins... méprisant. Voiles qui passent devant le profond regard du Licorneux alors que le messager s'exprime. Le nom de sa dame semble éveiller une pointe de reconnaissance dans le brun fatigué des yeux du chevalier. Etrange, elle ne lui a pourtant pas cité son nom. Peut-être a-t-elle oublié qu'il était licorneux, peut-être ne sait-elle pas qu'il est au Haut-Conseil, peut-être...

Déchiffrage.

Les sentiments se bousculent sur les traits tirés du Capitaine. Le coup d'oeil est rapide, mais remarqué. Vers le petit groupe au fond. Louis suit le regard, vers la femme et les gamins qui étaient entrés bruyamment alors que Mackx venait juste de sortir. Qui s'étaient assis et avaient discuté vivement avec le tavernier alors qu'Enguerrand dont François avait parlé à Louis sortait juste de la pièce du fond. Que le messager ne connaissait pas... Il avait remarqué la jeune femme tout à l'heure... Son allure... Mais entourée, et puis François venait de lui servir le fromage et le pain... Et le Licorneux s'était approché...

Poids.

Du regard du Capitaine sur l'adolescent dépenaillé. Louis soudain a honte de sa mise, de sa mine. De nouveau, il se dit que s'il avait fait un effort, plus dormi, alors peut-être devant la herse on lui aurait laissé une chance. Mais la teinte bienveillante de l'ambre posé sur lui l'encourage plutôt à redresser ses épaules. Le P'tit sent le courage et l'espoir se tailler une route sereine en lui, l'échec s'enfuit au loin dans une course brouillonne, et ses noisettes brillent de la possibilité de voir sa mission couronnée de succès.

Sa voix.

Profonde, elle aussi est parée d'une fatigue, d'une lassitude qui d'ordinaire titilleraient la curiosité de Louis, mais le gamin est pour l'instant trop concentré sur sa missive, sur l'azur empli de fierté qui le récompensera d'avoir tenu le coup, pour faire autre chose que noter dans un coin de sa caboche cette impression.

Rougeur.

Qui grimpe sur les joues sales du P'tit. Les compliments assénés comme autant de vérités réchauffent les pommettes creusées d'un messager qui avait failli fondre de désespoir quelques minutes plus tôt. Quel changement d'atmosphère soudain, entre deux écuyers qui l'avaient considéré comme un pauvre hère ne méritant pas qu'on accorde d'importance à sa requête, et un Capitaine qui exagère les qualités...Voix aux accents fluets qui s'élève, avant de s'affermir sur les dernières syllabes.


Merci... Je... C'était juste je crois de respecter ses ordres. Et puis... Voix qui se fait presque chuchotement, regard qui surveille les côtés... Vous n'la connaissez pas... C'est inenvisageable d'la décevoir... Retour à la normale. J'fais de mon mieux, m'sieur le Capitaine. Respecter sa parole c'est important non ?

Sa jambe recommence à trembloter. Décidément cette journée aura été forte en émotion... Louis qui se contentait de vivre sa vie tranquillement aura expérimenté toute une nouvelle palette en quelques heures... Confiance, échec, désespoir, angoisse, tristesse, déception, puis reconnaissance, timidité, espoir, fierté...

Missive.

Il en oublierait presque la raison de sa venue. Il en oublierait presque le plus important. Une main malingre se porte à son coeur, se faufilant sous le mantel, sous la chemise, doigts qui attrapent un velin un peu froissé par le voyage, le scel de sa dame toujours en place. Louis extirpe le message et le tend d'une main un peu tremblante au Capitaine.


Voici l'objet de ma mission. La lettre d'Apolonie pour le Haut-Conseil de la Licorne. Alors qu'Enguerrand se saisit du parchemin, il manque défaillir le môme. J'ai réussi...

Ce qu'il avait pensé assez simple, ce qu'il avait cru pouvoir faire au départ, s'était avéré une mission difficile et périlleuse. L'échec avait marqué de son sceau brulant la confiance du messager, et le soulagement l'emplit d'une émotion allègrement légère. Il sourit. Il a réussi.
Enguerrand_de_lazare
Prenant d'une main gantée d'acier le parchemin par le gamin tendu, le Capitaine vit soudain les traits du porteur changer brusquement. D'une sorte de lassitude subite et profonde, qui manqua le faire défaillir, il arborait désormais le sourire satisfait et quelque peu surpris de celui qui venait d'arriver à ses fins.
Bien étrange gamin que celui la. Combien de temps, combien de semaines avait il du voyager pour parvenir, seul, jusqu'à la forteresse. Sa mine et son aspect épuisés indiquaient clairement qu'il n'avait pas ménagé se peine, s'attelant à sa tâche comme s'il s'était agi de la prunelle de ses propres yeux...Peut être était ce cela après tout.

Alors que résonnait en tête les dernières paroles du messager, et tandis qu'il retirait l'un de ses gantelets afin de pouvoir décacheter la missive, rapides pensées virent assaillir son esprit. Combien ce jeunot là devait se sentir heureux et satisfait d'avoir accompli sa mission. En ce jour il devait se sentir soulagé et délivré du poids des responsabilités qui lui avaient échues.
Soupire.
Et lui, Capitaine de la Licorne, quand aurait il achevé sa propre mission. Aurait il assez de toute une vie afin d'accomplir sa tâche. Savait il lui même ce en quoi elle consistait avec précision. Le jour où la faucheuse viendrait lui rendre son ultime visite sera-t-il celui de sa propre libération, à l'instar du gamin planté devant lui.

Tandis que cheminaient ses réflexions la lettre fut décachetée avec précaution. Écriture fine et régulière du femme lettrée et habituée aux correspondances manuscrites.
Les mots s'enchainaient sous l'ambre de son regard à mesure que celui-ci parcourait les lignes tracées à l'encre noire.
Peu à peu son visage se ferma à nouveau, sourcils froncés, muscles de la mâchoires contractés. Le regard se fit plus rapide, le chevalier accélérant sa lecture à mesure que les informations étaient à lui révélées.
Les mots se percutaient l'un l'autre, le contenu de la missive prenant vie et forme sous ses yeux. Ainsi donc voilà ce que le petit devait amener icelieu à tout prix. Missive importante s'il en était. Et capitale.

Quels sentiments pouvaient se lire sur le visage du Capitaine?
Peur, non point. Angoisse, de même. Irritation, se peut, face à la bêtise de l'espèce humaine et certains de ses représentants. Lassitude, probablement, mais comment ne pas ressentir cela après les épreuves traversées. Détermination, pour sur.
Plus que tout désormais s'était affiché visage de marbre, comme à chaque occasions où l'adversité l'avait mis face à épreuve majeure. Déjà en son esprit les calcules se faisaient, les plans se dessinaient, les desseins du futur se tissaient un à un, fils de soie fin comme ceux de l'araignée, s'entrecroisant en dizaine de possibilités fonction des choix et décisions.

Quelques instants de répit, l'homme parcourant à nouveau les lignes déjà lues, comme pour en retirer nouveau sens, en déchiffrer message à la prime lecture dissimulée.
Long silence, le regard désormais fixé sur quelque insignifiant détail sur le mur en face de lui.
A nouveau fixer le jeune garçon.

Petit. Si tu savais ce que tu viens d'apporter. Si tu avais la moindre idée de ce que tu détenais contre ta poitrine, Aristote sait que son contenu t'aurait brulé la peau et l'âme, te marquant profondément pour le reste de ta vie terrestre.
Un mot un seul, sortit alors de la bouche du licorneux.


Merci.

Un regard vers le vieux.

François. Apporte moi de quoi écrire et deux chopes de bière s'il te plait. Mon messager en aura bien besoin.

Vers le môme à nouveau.

Louis, si tu acceptes cette mission, je te chargerai de porter missive en réponse à ta maitresse. Je connais désormais ta célérité et ton dévouement...ainsi que ta discrétion...et tu ferais le parfait porteur de message en cette occasion.

Un regard vers Zalina non loin d'eux. Avait elle vu le chevalier lire la missive apportée? Avait elle pu déchiffrer l'expression sur son visage?
Il lui tardait de regagner la forteresse. Le Haut Conseil. Mais avant tout, répondre à la Vicomtesse.
Ensuite. Ensuite ils devraient se plonger vers cet incertain futur.
Vers le gamin désormais, le visage encore marqué par les nouvelles reçues.


Asseyons-nous de prime. A rester planté ainsi nous allons gaspiller force inutilement et ne pourrons faire honneur à la bière de François.

Joignant l'acte à la parole il s'assit, ne pouvant empêcher son regard par instants de s'éloigner de la réalité, traitreux témoin de l'effervescence intérieure qui venait de l'envahir.
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Adrian
Le soir était beau, ce jour-là. La nuit se préparait à tomber sur Ryes, enveloppant d'un linceul pastel les bords parcheminés de ce coin de Normandie exposé aux vents du large autant qu'aux parfums des forêts, mis à nu par les déboisages et les transformations du terrain, mis en bière entre les routes, les forteresses, et les villages. Bientôt, les hommes rentreraient des bois et des champs, les menus travaux achevés. L'eau était l'élément primordial de ce moment de l'année, mouillant uniformément les terres humides des bocages et des forêts normandes. Les hommes d'armes allaient sûrement sous peu se sortir les couvertures qui, la lance en émanant comme quelque substitut phallique, leur permettrait de se tenir drets et chauds, parés à mirer l'horizon. Peut être même des bouteilles d'eau-de-vie traineraient elles dans leurs mains. Qui pouvait savoir?

Au loin, nonnes sonnèrent. La journée s'achevait, et on allait s'acheminer lentement vers vêpres et complies, en plein milieu de la nuit. La première ronde du guet commencerait tantôt. Les lumières commenceraient dans quelques instants leur ronde dans les maisons, se nourrissant des feux de hêtre ou de bouleau, voire de noisetiers qui alimenteraient en chaleur les soupes et bouillons de ce soir de fin d'hiver. Marrons, racines, légumes parcheminés et restes de gras de viande, seraient plongés dans l'eau et feraient le repas rude des hommes et femmes de ce temps.

Adrian observait les deux jeunes femmes, face à lui. Il faisait tourner son verre entre ses mains, inspectant le liquide jaunâtre qui faisait des allers et retours insipides entre ses doigts. Zalina avait eu l'intelligence de détourner habilement une conversation mal engagée et de rétablir un climat d'apaisement. Adrian lui en savait gré, et préparait la suite de la discussion, observant du coin de l'oeil Enguerrand qui discutait avec le jeune messager. Il n'avait pas encore l'oeil acéré qui lui vaudrait entre autres son nom de Chevalier-Faucon, et ne remarqua pas le trouble créé par la missive et le soin apporté par l'homme affublé des gantelets qui se trouvait à senestre. Il observait Zalina, qui arborait les mêmes gantelets. Qui, ceux-ci étaient neufs: ceux de Zalina auraient parus anormalement neufs à un regard averti, les véritables gants du Prévôt s'étant évanouis après la mort de Deny Ferré, l'ancien prévôt, inexplicablement sortis de Ryes sans une trace (1). Ceux de Zalina avaient donc le goût du neuf, forgés sur les vieux modèles contenus sur les manuscrits de vélin emplissant la bibliothèque. Saurait-elle jamais ce qu'elle avait entre les mains? Les couches de métal, de mailles formant une structure défensive magnifique, rendant quasiment inutiles écus et protections? Plus intéressant dans l'affaire: Adrian savait bien que certains papiers propres à l'Ordre étaient contenus à Montbarrey, contenant des informations intéressantes sur certains Chevaliers. Cela ferait, s'il en avait besoin, des informations de choix sur certains éléments... De quoi appuyer sa demande. Mais il n'en avait et n'en aurait pas besoin. Du moins l'espérait-il. Il but, légèrement.


Et d’ailleurs, je sais pourquoi votre Frère a fait le trajet jusqu’à Ryes, enfin un peu près, mais vous ? Cela fait une longue route.

Petit sourire amusé du jeune Faucon. Ainsi, on pouvait être Capitaine d'un prestigieux Ordre Royal, et pas très observateur: car Zalina, n'as-tu pas vu le nombre n-1 de chevaux pour n cavaliers? N'as-tu pas pressenti ce que cela signifiait? A dire le vrai, il n'y avait rien d'économe, dans cette attitude. Le jeune Faucon, comme son oncle, le puissant Condé, savait très bien faire preuve de faste lors des besoins pompeux où l'on exhibait la famille. Trait qu'il partageait avec les Lévanides et plusieurs autres grandes familles: même s'il était infiniment plus économe que son oncle terrible et dépensier. Il savait montrer les pourpoints brodés, les brocarts richissimes et expansifs, les caparaçons chamarrés. Et là, étrangement, venait accompagné de sa soeur, sur le MÊME cheval. N'y avait-il pas là bizarrerie?

A moins que...

Le jeune Faucon tâcha de déceler la réflexion sur les traits de Zalina. Il se délectait intérieurement de son interrogation. Du fait qu'il contrôlait certaines cartes que l'Ordre ne connaissait pas. Elles étaient encore mineures, certes. Mais existaient tout de même. Il prit l'expression de satisfaction surfaite de celui qui contrôlerait les cartes invisibles un jour. Il prit une deuxième lampée de son verre, avant de répondre.


- " Elle a fait le chemin avec nous pour raison similaire à celle que je viens de présenter, Zalina.

La... dame de Condé-Riddermark, ma mère, n'a... pas toutes les capacités pour assurer l'éducation de ma jeune soeur en femme modèle. La situation a fait que j'ai jugé qu'elle ne gagnerait rien à rester à Condé, au milieu d'un oncle qu'elle ne verrait quasiment jamais et d'une mère absente."
Qui ne la reconnaissait pas.TAIS TOI! Qui ne t'a pas reconnue non plus.FERME-LA, BON DIEU! Non. Parce que tu sais que j'ai raison. Tu sais que tu ne dois ton pouvoir qu'au fait que ta mère t'ait renié.PAR LE CHRIST, CESSE. Ma mère est femme bonne et aimante, et tu le sais. Bonne? Aimante? Par Dieu, on croirait voir la Madonne! Tu as vite oublié, petit con, le regard de dédain qu'elle t'a lancé. Tu as vite oublié les pleurs de ta soeur, et les tiens. Tu as vite oublié la douleur, petit con. Tu parades, tu fais le fier. Tu avais plus mâle trogne, lorsque ta mère ne voyait en toi qu'un vulgaire valet, tout juste bon à nettoyer la merde de ses chevaux. Rah, suffit! Je l'ordonne! Pas maintenant!

Arrêt sur image. Il se rend compte qu'un long moment vient de se passer. Ses yeux sont humides. Sa main est devant sa bouche. Par le sang du Christ, quel est ce b...? Dieu, j'ai failli me montrer faible devant elle! Ressaisis toi, pourceau! Chien d'épicure! Saleté faiblarde! On ne se montre JAMAIS faible devant personne avec qui l'on négoce. J'ai dis!

Il la regarde. Ses yeux parlent, inexplicablement. Il réprime un reniflement lourd de sens. Il regarde par l'ouverture sur la rue, se donne contenance. Ses yeux sont étrécis à demi, durs. Les souvenirs mettent du temps à partir. Surtout quand ils sont associés à des pleurs... Il la regarde à nouveau. Pupilles dilatées, humides. Il montre le vacillement, mais est recentré. Il n'est plus faible. Il est noble, pardieu!


- " Je vais... avoir besoin de l'Ordre qui a été si fier des services de mon père autrefois. Je voudrais que... " Cherche ses mots. " Bérénice soit élevée à Ryes, en écuyer. Elle y sera en sécurité, loin des querelles de famille, loin des difficultés inhérentes au domaine de Jeneffe-Riddermark, loin de sa mère. Ce serait le mieux pour elle. Surtout en ce moment. Je... Je sais que je n'ai nul droit de le formuler, mais... "

Lâches. Allez.

" Vous êtes lors mon seul recours en ce monde, où même ma famille ne peut assurer ce que je vous demande séant. La seule possible que j'ai. Bien sûr, il pourrait être question de... dédommagement, je n'en disconviens pas... "

Voilà. C'est lâché. En mettant en avant les talents de Bralic, et intrinsèquement les mérites de l'ancien Grand Maistre de Jeneffe, il croit avoir mis sur la table point important de l'ancien serment de fidélité au Grand Maistre. Il se sent TRES faible, à un point difficile à imaginer. Pour un taciturne, montrer que l'on n'a aucune autre solution est peut être le plus dur déchirement possible, vous pouvez m'en croire. Sa tirade l'a presque épuisé. Il a du mal à parler longtemps, à négocier longtemps. Longue rasade de génépi. Bizarre, comment un breuvage aussi lointain, venu des montagnes de Dole, des forêts de Vesoul, peut parvenir en ces lieux. Devineras-tu la part de ton père en ceci, Adrian? Te souviendras-tu du visage de ton père? Après Bâal et Lilith, te souviendras-tu de qui t'a donné la vie?

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(1): Se reporter à la Gallerie des Braves, Tapisserie du combat des 30.
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P'tit Louis
Il en aurait presque oublié où il était. Comme un moment d'égarement, intemporel. Mission remplie. Flottement. Louis a fait ce qu'on lui a demandé. Ce qu'Elle lui a demandé. Il a donné la lettre, il a fini. Les secondes s'étirent, implacable pendule qui fait courir le temps. Louis reste bloqué à la seconde où la main libérée du gantelet du Capitaine s'est saisie de la missive.

Vague de soulagement, sentiment de fierté qui habille le coeur d'un messager qui avait cru ne jamais parvenir à sont but. Déjà il se revoit, dans il ne sait quelle contrée où la brunette aura décidé de se poser pour un temps, revenant vers elle la poche vide, soulagée du poids terriblement lourd de cette lettre.

Il se rend compte maintenant à quel point il avait été prêt d'échouer. A quel point il s'en était fallu de peu pour qu'il ne remette jamais le parchemin. Le chemin parcouru depuis le Berry jusqu'à Ryes, les paysages à peine aperçus, les chevaux épuisés rapidement remplacés, le chemin tortueux jusqu'à la herse... Un premier refus, un refuge ensuite, dans cette auberge, dernier affront avant la délivrance offerte par l'homme qui se tient en face de lui.

Le Capitaine.

Il l'a oublié, le messager. Velin confié, il s'est perdu dans le coton tranquille du soulagement, dans l'ouate agréable du succès. Il en a complètement effacé de son esprit le récepteur du message. Mais Enguerrand est en face. Et il lit. Lui sait déchiffrer les volutes tracées, donner un sens aux arabesques d'encre noire qui maculent le parchemin... Et à l'heur de son expression, Louis devine qu'Elle avait raison de le presser. Et qu'il avait eu raison de tenir.

Merci.

Confusion. A vrai dire, le P'tit ne s'y attendait pas, il avait accompli une mission, pas comme s'il avait fait quelque chose, lui, qui mérite reconnaissance. Non, il avait juste obéi aux ordres. Comme si on remerciait un paysan pour avoir labouré son champ, ou un forgeron pour chaque seau forgé...


Euh.. Y'a pas d'quoi r'mercier... Fallait...

Une commande au Vieux. Pour son messager et lui. Son messager ? Un des hommes sortis tout à l'heure ? Clin de paupières hyperactif pour Louis un peu perdu à qui le Capitaine remet immédiatement les points sur les i.

Mission.

Regard ébahi d'un messager exténué. De toute façon, il avait prévu de repartir immédiatement, se remettre de ses émotions et de sa peur dans le giron protecteur d'une brunette qui serait satisfaite de ses services. Et cette fois, il sait qu'on ne le refoulera pas à l'arrivée. Les noisettes, confiantes et toujours reconnaissantes, se pose sans ciller dans l'ambre du Capitaine qui s'enfuit vers la femme dans le coin.

Assise.

Le regard revient vers lui, et la proposition de prendre place ne tarde pas. Louis va le voir rédiger dans un mode incompréhensible pour l'illettré qu'il est la lettre qu'il devra remettre à Apolonie. Il se laisse choir plus qu'il ne s'assied, retrouvant le soutien nécessaire d'une planche de bois sous lui. Il est temps de répondre, même si le regard fuyant d'Enguerrand marque une... appréhension ? Non, ça ne ressemblerait pas à l'homme qui vient de lui sauver son âme. Mais Louis devine que le message avait vraiment un caractère spécifique.

Ampleur.

De la tâche accomplie. Du gouffre terrible de l'échec qui non seulement aurait été le sien mais peut-être celui d'autres. Sentiment de reconnaissance qui prend un sens encore plus large. Il tente de deviner les sentiments d'un Capitaine. Lui qui n'a jamais dirigé d'homme, encore moins d'ordre, ne peut absolument pas savoir ce que ressent l'homme qui lui fait face. Il n'a aucune idée du message, ne connait que son importance. Même en connaissant Apolonie, même en étant de ses plus proches, ce qu'il n'est pas, on ne sait pas ce qu'elle dira ou écrira, alors il n'a aucune idée.

Même.

De toute façon, même si elle lui avait lu le velin, il n'aurait eu aucune idée de ce que ça représente. Lui est un gamin, un pauvre vagabond transformé en Hermès d'occasion, il ne peut que regarder Enguerrand, et effleurer éventuellement les pensées qui habitent celui qui sera bientot le Grand Maitre de la Licorne. Réponse est à donner quand même.


Vous m'avez écouté et vous m'avez cru. Vous m'avez enl'vé le fardeau d'un raté. A moi d'vous remercier. Et... Oui, bien sur, je remettrai cette missive. D'toute façon j'y retournais...

Ou comment balayer les compliments qu'il ne pense pas mériter d'une évidence. Pas qu'il ne soit pas fier de les avoir reçus, pas qu'il dénigre les phrases du Capitaine. Mais pour lui, la simplicité est reine. Et il esquisse même un sourire.
Zalina
Tout en attendant la réponse de la jeune Lionne, Zalina ne put retenir une fuite de son regard sur la discussion entre Enguerrand et ce fameux messager. Mackx avait piqué sa curiosité avec cette histoire et cette missive avait finit par la titiller.
Devait elle pour autant céder à la tentation et foncer sur le Capitaine pour lui prendre le parchemin des mains ? Non. Elle attendrait patiemment. Difficilement mais patiemment.
Dieu que la patience n’était pas son fort !
Enguerrand finit enfin par décacheter la précieuse et mystérieuse lettre et la parcourut. La Peste ne le quitta pas du coin de l’œil, se foutant royalement de la discrétion, politesse et autres choses de ce type. Elle voulait savoir ce que cette lettre contenait pour que ce messager ait mit son Responsable du Poste de Garde dans un tel état.

Et elle finit par le savoir.
Sans même avoir vu l’écriture y figurant, sans même y avoir vu le sceau de près. Un simple échange oculaire avec le Maistre de Guerre suffit.
Il lui offrit le même regard qu’avait Guillaume au moment de les mener au combat. Le même regard qui s’était tourné vers la Peste avant de lancer son étalon à la charge le jour de sa disparition. Le regard qui dit qu’il va falloir y retourner. Parce que c’est notre mission, notre vie et que l’on ne saurait faire autre chose.
La jeune femme ne savait ni où, ni quand, ni qui. Mais elle savait que les armes allaient devoir être vérifiées et aiguisées, que les chevaux allaient devoir être ferrés et le matériel préparé. Une nouvelle mission venait de leur être confiée.

Zalina soupira, hocha la tête en direction de son Frère et reprit une bonne rasade de Génépi.
Le Maistre de Guerre commandant deux chopes de bière et de quoi écrire, elle avait encore quelques minutes devant elle. Peut être les dernières de relatif repos avant un long moment. Peut être les dernières avant un repos plus définitif.
Ayant obtenu la réponse qu’elle attendait de la missive, elle laissa le Capitaine gérer ses affaires. Autant profité de ces quelques minutes pour s’assurer qu’Adrian et Bérénice lui disaient tout. Si elle devait partir vers sa mort, elle ne pouvait plus attendre que le Fauconnier se décide à lever le mystère sur les raisons de leur présence, les vraies raisons de leur présence à Ryes.

Adrian jouait avec son verre et le précieux contenu. Tant que le dit contenu ne finissait pas sur la table elle n’avait rien à dire. Mais la Peste surveilla la moindre goutte perdue. Cela aurait été un sacrilège que de gaspiller du Génépi. Surtout qu’elle n’avait pas encore eu le temps de fouiller chaque pierre du bureau de Bralic et des catacombes pour y trouver les réserves du Destructeur.
Le jeune homme semblait plus intéressé par une autre étude. Tant mieux me direz vous. Il vaut mieux qu’il s’intéresse au travail des forgerons de Ryes qu’à l’alcool.
Mais cela ne répondait toujours pas à sa question. Que venaient ils chercher tous les deux à Ryes ? Protection ? Racines ? ou juste un passe temps ?
La technique de l’observation tout en faisant comme si on ne savait rien pour tout se faire expliquer, et par la même apprendre quelques détails intéressants non connus jusque là, était efficace, mais pas assez rapide au goût de la Peste ce jour. Elle devrait sûrement suivre Enguerrand dès qu’il sortira de cette auberge. Et elle n’avait pas du tout envie de partir sans savoir.

Le fauconnier se décida enfin à reprendre la parole. Sa mère était chez son frère en Condé et pas au mieux de ses capacités, çà il lui avait déjà dit.
Que son oncle ne s’occuperait pas de sa nièce, une nouvelle information mais qui ne faisait pas vraiment avancer le problème de base. Quoi que…
Visiblement le sujet touchait le jeune Riddeermark plus qu’il ne voulait le laisser paraître. Mais quelle partie exactement ? Et pourquoi ? Zalina fit comme si elle n’avait rien remarqué. Un petit jeu tout simple qui consiste à jouer les aveugles naïves pour obtenir la confiance et les confidences. Une simple habitude quand on le pratique depuis ses 5 ans.

Allez Fauconnier. Protection ou Racines ? Le simple passe temps ne cadrait plus avec son regard humide. La visite était officielle et d’importance pour lui. Et même capitale d’après l’hésitation dans le choix des mots.

Protection donc…
Zalina aurait préféré que ce soit Racines. Elle ne se sentait plus apte à protéger quoi ni qui que ce soit depuis la disparition de son Maistre. Si Lui, elle n’avait pas pu le garder libre et en bonne santé, que pouvait elle faire pour les autres ?
Elle ouvrit la bouche pour vérifier s’il n’y avait pas d’autres solutions quand Adrian l’acheva avec son « seul recours en ce monde ».
Et ba mes pauvres gamins, vous n’êtes pas dans la merde.

Bon on reprend.
Les services du Destructeur, oui. Ca, la Peste ne va pas le contredire. C’est lui qui a mis en place toutes les défenses de la forteresse. Et il était loin d’avoir réaliser que cet ouvrage et tout citer serait trop long. Mais essayer cette méthode avec la Peste était plus que risqué. Les résultats se résumaient principalement avec un renvoi à coup de pied dans le troufion.
Bérénice prise en écuyère à Ryes. Ca ne se fait pas comme çà. La gamine est bien gentille mais peu bavarde, ne lâchant pas son frère et n’aimant pas monter à cheval. Que sait elle du travail d’écuyère et saura t’elle tenir la cadence de la Licorne ? Intégrer la Licorne est loin d’être une sinécure.
Par contre, si c’est pour la mettre en sécurité loin des querelles de sa famille… là effectivement…
Les émeraudes de Zalina passèrent de la jeune fille à son frère à plusieurs reprises avant qu’elle ne prenne la parole.


Mmm.
Je ne puis vous donner de réponse sans en avoir référé au Haut Conseil. Mais j’ai deux questions avant. Une pour chacun d’entre vous.


Encore un balayement des deux paires d’yeux avant de se fixer dans ceux de la jeune Lionne. Honneur aux Dames parait il.

Jeune fille, votre frère m’a fait part de son souhait. Mais quand est il du votre ?
Avez-vous compris ce qu’il vient de demander ?


Bon oui, çà fait deux questions, mais qui n’en fait qu’une si on y regarde de près.
Quand à la réponse, la Prévôte la connaissait sûrement déjà. Vu le jeune âge de l’héritière et la façon dont elle s’accrochait à son frère, elle ne serait probablement pas emballée par l’idée et n’avait certainement jamais eu à prendre de décision.
Mais Zalina devait savoir. Ryes était un monde à part où les filles choisissent leur destin. Aucune n’était en ces murs suite à la décision qu’un chef de famille avait prise pour elle.

Il y avait aussi le cas d’Adrian à régler. La Haisneuse plongea son regard dans le sien. Elle attendit encore quelques secondes, tentant d’y lire tout ce qu’il essayait de lui cacher.


Et vous Vicomte ? Vous me parlez de la sécurité de votre sœur, des querelles de votre famille et des difficultés inhérentes au domaine… et de votre mère.
Si nous gardons votre sœur en sécurité à Ryes, qu’avez-vous prévu pour votre propre protection ? Ne me dites pas que vous comptez sur vos quatre amis.
regard qui se porte sur la porte par laquelle était sortis les hommes d'Adrien peu avant Ils sont très dévoués, à n’en point douter. Mais si vous pensiez que leur présence suffisait, vous leur auriez confié votre jeune sœur tout en la gardant à vos cotés. Et vous ne seriez pas ici.
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En deuil et à la recherche des triangles...
Bérénice de Jeneffe
Pour seule réponse de la jeune lionne flamande, Zalina reçu un étrange son impossible à retranscrire par une onomatopée comme c'est le cas pour la plupart de ses cousins, plus ou moins éloignés. Pour plus de précision et pour encourager les imaginations à se représenter la scène et la dite réponse lionesque, il faut imaginer la jeune de Jeneffe, toujours son menton collé sur la table et ses lèvres légèrement avancées et plissées comme un baiser qui se serait voulu exagéré. Si elle avait eu quelques années de moins, elle aurait pu faire des bulles comme les porteurs de langes en font régulièrement tout en se bavant inévitablement dessus. Mais elle se contenta seulement de son bruit buccal accompagné d'un regard en biais à la brune.

'Toute façon, elle avait rien à dire. A part attendre la tambouille qui se faisait attendre, mais qu'elle attendrait parce qu'elle avait pas vraiment le choix. N’empêche si on lui avait demandé son avis, elle n’aurait cessé de répété qu’elle avait fin et ça n’aurait pas fait avancé les choses mais qu’importe. Et re n'empeche, dans une histoire de maman, ben y en avait un qui avait une lampe magique qu’'il suffisait de gratouiller et hop ! Y avait un monsieur qui en sortait et qui exauçait tout ce qu’on demandait. Y a pas ça là? Non? Nan parce que bon, ça fait vraiment fin et ça grouillote la dessous. Pfff...
Et 'toute façon, le vieux lui a coupé l'envie de causer. Ben oui hein, elle a fait un effort et que dalle en retour. Mais il sait pas encore qu'elle lui en veut la mioche. Oh que non... Mais on dit rien. On dit rien! Comme pour le reste d'ailleurs. Parce que là, elle saurait pas quoi répondre de toute façon.


Bah... suis avec 'Drian.... Ben ouai quoi. Ils sont ensemble depuis des jours et des jours, même si pour ça il a fallu passer des heures à se faire peler la peau des fesses sur un canasson inconfortable : et ça on cessera jamais de le répéter. C'était bien parce que c'était lui mais quand même ! Ok elle le referait encore s'il fallait mais là… humm… Elle avait faim. Elle adressa un très léger sourire amusé à la brunette et la regarda avec ses grands yeux vert d’eau pétillants d’une étrange lueur : bêtise en approche ? Moquerie en puissance dans le genre « cause tant que tu veux, je m’en fous, parce que je suis avec mon frère » ? Elle en avait pas rien à faire de la brune, la trouvant gentille ET s’intéressant à elle. Mais c’était pas normal qu’elle soit gentille, personne l’était en dehors de sa maman – mais ça, c’était plus possible- et de son frère. A Condé, les servantes elles se forçaient à être gentilles pour éviter de se retrouver écarteler en place publique (non par le Condé qui en avait strictement rien à secouer, mais plutôt par la Rose en train de partir dans une crise de démence hystérique). Puis c’était pas pareil quoi. Nan alors donc elle l’aimait bien la brunette. Mais fallait pas le montrer ni le dire. Nan parce qu’on sait JAMAIS . Une ruse j’vous dis. Une ruse à tous les coups…

Ouai. Et elle est obligée de la fixer comme ça l’autre là ? L’héritière esquissa une moue de désapprobation lorsque la brune fixa son regard dans le sien. Son petit nez se mit à bouger sous l’effet de la réflexion, si tant est qu’elle réfléchissait la môme. ET non elle lâcherait pas son regard. Quoique là, elle aurait bien été se réfugier dans les bras de son frère. A la réflexion, même les gueuses du prinçouillet étaient moins méchantes. Elle avait rien fait pourtant ! Pour une fois… Elle tenta de glisser un regard d’appel à son aîné, mais n’y arriva pas. Gardant son air sévère, elle se carra finalement dans le fond de sa chaise, ses pieds balançant dans le vide, le bout de ses petites bottes venant taper volontairement contre le dessous de la table en une infantile provocation. Ne serait-il pas un léger sourire amusé qui se dessina sur ses jeunes traits ?


Han han… Finalement une réponse sortie, teintée d’un brin d’indifférence. Elle alla pour en rajouter mais l’autre s’était tourné vers son frère. Ouai alors là non. Non c’est pas potib ma ptite dame hein ! Non non non. Un long raclement de gorge de mécontentement se fit entendre. Non elle se laisserait pas faire de toute façon. Ca va bien. Groumph ! Et le frangin qui la regardait toujours pas ! Mais il avait causé… Juste avant que la brune intervienne.
Ah cette voix, unique repère dans ce monde comme son être si précieux. Elle le buvait en regards pétillants d'une admiration excessive. Elle buvait ses paroles même si elle n’en comprenait pas tous les sens. Sans doute le vocabulaire utilisé qui ne lui était pas accessible. Ou alors son incommensurable contemplation qui lui prenait toute sa concentration.

Ses pieds cessèrent de taper sur la table quelques secondes, le temps qu’elle le regarde. Lui et plus rien n’existait. Tout cela durerait-il ? Dans sa tête oui. Ils seraient toujours tous les deux. Ca ne pouvait être autrement. Mais ça serait inévitablement autrement, tôt ou tard. Lequel valait mieux pour elle ? Ce tôt si proche ? Ce tard toujours trop tôt ? Tout simplement, l’inévitable approchait plus vite qu’elle ne le croyait. A cause des affaires de grands vous voyez…. C'est toujours les affaires de grand qui pèchent de toute façon.

N'empêche que là, elle avait quand même pas dit son dernier mot la demoiselle. Elle avait de qui tenir, son sang était bien celui de ses parents. Et si elle les renierait avec le temps, les haïssant, les maudissant de les avoir laissés, abandonnés alors qu'ils avaient besoin d'eux... Elle avait besoin d'eux, de leurs repères. Adrian était devenu un pilier solide, mais remplacerait-il vraiment une mère et un père? Après tout, il n'était qu'un frère, lié uniquement à elle par le sang de leur mère. C'était la Rose et la Licorne les uniques déclencheurs de ce Destin qui approchait en trombe sur chacun des deux enfants. Si la Licorne d'Or était toujours là, ils ne seraient pas ici. Pas maintenant. Plus tard au moins pour Adrian. Pour elle... une vie terriblement différente l'aurait enveloppée. Mais ce ne sont que des suppositions.

Avec fougue, sautant au bas de son siège et le faisant tomber à terre dans un bruit lourd de bois claquant sur le sol, elle se précipita vers son frère. Nouvelle étrange lueur qui brûlait dans son regard, une lueur qui n'avait jamais brillé jusque là. Elle se posta devant son frère autant que faire se peut - c'est que bon, elle avait beau pas avoir la corpulence d'une baleine blanche, l'espace laissé entre son frère et la table était pas très très grand, et capta le regard de la brune.
Ca allait maintenant. Les mains sur les hanches, elle dévisagea la brunette. C'était un duel de femme. Fin, d'une femme et d'une même pas demi femme. Un petit quart et encore. Mais qui promettait d'être un sacré morceau avec le temps.


- Et tu laisses 'Drian tranquille toi! T'embêtes pas mon frère! Tu l'laisses tranquille!
Papa y te dirait de nous laisser tranquille! Ouai papa l'était chevalier! Et moi aussi je l'serais passque pour pas qu'on embête Drian! Ni ma maman!

Et vala que les yeux commençaient à piquer... Bordel elle pleurerait pas et personne approcherait son frère. namého!
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Le vieux François
Le Vieux est en cuisine...
Son domaine a lui de calme mais pas vraiment de volupté. Volupté dans le sens de soieries, de silence... du silence ? Pas vraiment. Dans la cheminée ronfle un grand feu ronflant et crépitant dans lequel une broche sur laquelle deux poulets dorent. Près de l'âtre sur les pierres une grande marmite se garde au chaud, protégeant dans ses entrailles un riche brouet avec un grand morceau de lard. Dans le fond au bout d'un couleur la porte du four à pain... François revient avec la grande pelle en bois sur laquelle la croute de grands pains continue de se fendre. Ils viennent reposer sur un linge posé sur la grande table qui est au centre de la pièce.
La servante revient du garde manger avec un grand bout de fromage, un peu de beurre et des pommes séchées. Un grognement du vieux. Elle doit préparer des verres et une cruche de lait. Puis les apporter sur la table du nobliaux, de la petiote et du chevalier Zalina. Enfin il avait retrouvé son nom. Tu te fais vieux, pense-t-il avec un sourire en coin, comme pour souligner l'euphémisme de sa pensée. Elle s'exécute, la jeunette, et dispose trois verres ainsi que la jatte avant de disparaître dans la salle où elle les posera sur la table.

Le Vieux sort quelques assiettes et entreprend de trancher de larges tranches de pain. Il n'ira pas encore en salle. Toute tempête est suivi d'un calme. Il n'est pas dupe, le jeune homme, il l'a offensé. Offensé dans son orgueil, dans sa position. Il aura le revers de la pièce qu'il a donné, il le sait déjà. Mais il est un vieux loup de mer, un observateur secret de la scène humaine. Il sait que pour l'instant , il ne fera rien. Il n'a pas passé outre les ordres des deux licornes... d'ailleurs il a cru noté dans son flair de vieux briscard que la jeune femme avait une certaine emprise sur lui. D'où la tenait-elle et pourquoi, François n'est pas devin, ni sorcier il ne le sait pas.... mais tout se sait ici, tout se sait et il le saura bien un jour.
Pendant qu'il pense le vieux, dans son mutisme habituel, il a disposé les grandes tranches de pain dans une corbeille tressée. Un poulet est sorti de l'âtre et a été découpé avec soin avant qu'une partie ne rejoigne un plat en terre et de se faire arrosée d'une sauce à l'hydromel. La servante a continué à dresser la table, amenant trois assiettes et des couteaux. Le plat avec quelques morceaux de poulets rejoint le reste entre les mains de la servante, suivi dans le cortège culinaire par le bout de fromage, le beurre et les pommes séchées. Le vieux sort enfin de sa tanière avec un gros pot de brouet et des cuillères et s'en va la poser sur la table.


Et tu laisses 'Drian tranquille toi! T'embêtes pas mon frère! Tu l'laisses tranquille!
Papa y te dirait de nous laisser tranquille! Ouai papa l'était chevalier! Et moi aussi je l'serais passque pour pas qu'on embête Drian! Ni ma maman!

La demi portion semble avoir pris la défensive... il faudrait être aveugle avec un bandeau sur les yeux pour ne pas le voir. Le tabouret est au sol, les poings sur les hanches et la voix se veut menaçante même si vibre à l'intérieur des trémolos de pleurs qui ne devraient pas tarder à descendre. Le Vieux ne dit rien et pose le pot de brouet sur la table avant de remettre le tabouret sur ses pieds.

François. Apporte moi de quoi écrire et deux chopes de bière s'il te plait. Mon messager en aura bien besoin.

Grognement intérieur. Ah ça ils écrivent oui... foutredieu d'merde, il se ruine en vélin. Mais le vieux s'exécute et va chercher le petit écritoire portatif, qui lui a couté les yeux et la tête, qui cache sous la planche qui sert d'appui au scribe, un pot d'encre, trois plumes, le nécessaire pour les tailler, un bout de cire rouge et du parchemin valable. Il le pose près du capitaine avant de retourner vers son comptoir servir deux verres de bières et en poser l'un devant le capitaine et l'autre devant le moineau qui a visiblement repris des plumes. Petit sourire du Vieux, presque imperceptible sous sa barbe...

Autre chose Capitaine ? De quoi manger ?
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Du rhum, des femmes et d'la bière... mais en silence foutredieu....
Adrian
Il regarde la jeune brune, et la réponse de sa soeur. Il se tend en arrière, et remonte l'une de ses jambes, plaçant le genou plié contre la table, en une attitude très djeuns. Il fait basculer légèrement la chaise en arrière, et entame un balancier lent sur les deux pieds arrières, ne quittant pas sa soeur des yeux. Il ouvre le bras droit, dans sa direction. La petite fille vient s'y nicher. Contact bref et éphémère de deux peaux qui se connaissent bien sans avoir longtemps vécues ensemble. Il l'attire contre lui, et lui baille baiser sur le front, lent, doux. Le Faucon aime beaucoup sa soeur, et fera tout pour elle. Il avait pris la décision qui favoriserait le mieux sa sécurité, et ferait en sorte qu'elle aille toujours bien. Il était plus que son frère. Plus que le père qu'il remplaçait. L'un pour l'autre, ils étaient un univers. Ils était comme l'Alpha et l'Oméga. Ils étaient deux présences, enlacées pour la vie, se séparant avec difficulté pour mieux se retrouver. Certains les nommaient âmes soeurs, âmes jumelles. Qui sait? Ils n'étaient peut être que deux âmes attachées, d'une façon ou d'une autre. Platon n'eut peut être pas formulé sa théorie de la même façon, s'il avait vu ces deux enfants enlacés, en un amour qui paraissait presque trop... adulte aux yeux du monde.

Il avait de la chance, le jeune Faucon. Le saurait-il jamais? Sa soeur aurait pu être vendue comme bougresse au bordeau du coin, elle aurait pu devenir nonne et faire cesser les problèmes qu'elle créait. A dire le vrai, elle aurait pu être détruite en d'autres temps, en d'autres lieux. Simplement parce que son frère ne pouvait tout assumer seul. Simplement parce qu'il n'était peut être pas aussi fort que son père...

Souvenir.

* Face à face bucolique avec son père. Son corps est toujous inanimé, en Franche-Comté, alors que son esprit sent un vent frais lui parcourir le visage. Il est face à son père, ce père redouté dont il n'a que très peu de souvenirs, et pas d'image. Il le voit blanc, livide, presque bleui, comme le Destructeur était lors de la présentation de son corps à la veuve. Il le regarde, souriant.

- " Fais toujours attention, petit, à toujours te montrer digne de ton père. Fais respecter le nom de tes ancêtres, et respectes toi-même ces armes qui te sont transmises. Celle-ci se nomme Tümnofengh, et a connu plus de porteurs que tu ne peux sans doute l'imaginer. Aussi dois-tu respecter à la fois ta famille, et ceux qui l'ont portée avant toi.

Souviens toi toujours de la devise de ton père, et de son visage. "


Le souvenir des yeux délavés. Le souvenir des pupilles dilatées à l'extrême. Le souvenir des cheveux collés par la sueur et le sang. Le souvenir de l'odeur de son père. De sa main. De sa présence. Puis... plus rien. *


Il était là, aujourd'hui. Il était à un tournant de sa vie. Allons, Adrian! En avant!


Et vous Vicomte ? Vous me parlez de la sécurité de votre sœur, des querelles de votre famille et des difficultés inhérentes au domaine… et de votre mère.
Si nous gardons votre sœur en sécurité à Ryes, qu’avez-vous prévu pour votre propre protection ? Ne me dites pas que vous comptez sur vos quatre amis. regard qui se porte sur la porte par laquelle était sortis les hommes d'Adrien peu avant Ils sont très dévoués, à n’en point douter. Mais si vous pensiez que leur présence suffisait, vous leur auriez confié votre jeune sœur tout en la gardant à vos cotés. Et vous ne seriez pas ici.

Il réfléchit à ces paroles, logiques entre toutes. Il réfléchit à sa vie passée, si courte mais si longue pour lui. Il se sent vieillard dans une peau d'enfant, se sent vécu alors qu'il n'est qu'à l'entrée du tunnel, au départ de la route. Il se souvient de l'entrevue avec sa mère à Marchiennes, après le mariage. Il se souvient de la mort de son père. Il se souvient de la disparition du chevalier. Il se souvient des mois passés chez son cousin, Sirius, maintenant décédé. Il se remémore ce pour quoi on l'a préparé. Il déglutit, et parle enfin.

- " Je... suis partie prenante de la demande que je te fais, Zalina. Ce que je te demande pour ma soeur vaut aussi pour moi-même. Je... sais les démarches à accomplir pour moi, je sais les demandes inhérentes à l'Ordre. Je suis prêt à en passer par là."

Voilà, c'est fait. Il la regarde, le jeune Faucon, et ne peut camoufler une tristesse, et une peur aussi. Tristesse que le jeune neveu du Prince de Condé ne puisse s'occuper seul de lui-même et des siens, et Peur de l'inconnu. Peur de se dévoiler. Peur de se montrer faible, ou bien tel qu'il était réellement. Peur de ne pas être à la hauteur. Peur de faire ce qu'il désirait. Les charbons se plongent dans les yeux de la Peste, ne décillant presque pas.

- " Je pourrais... faire n'importe quoi. Récurer les douves, panser les bêtes, même enterrer les morts. Je pourrais donner argent, terres, à l'Ordre. J'en ai le pouvoir. La seule chose que je demande, avec l'examen de ma demande... Ce serait d'autoriser ma soeur à vivre à Ryes. "

Zalina n'imaginera sans doute pas ce qu'il lui en coûte. Il est à sa merci. Il est tel les vaincus qui, après avoir confié leur épée au vainqueur, se plaquent face contre terre en espérant la clémence. C'est peut être la première fois de sa vie qu'il s'incline devant quiconque autre que sa famille, parce qu'il n'a pas le choix. Non, il ne s'incline pas. Il se prosterne. Il se met aux pieds. Ce jeune adolescent bouillonnant de vie et de morgue n'est rien de plus qu'un petit être trahi par ses proches, blessé par la vie, qui cherche une terre, une maison, une famille. Rien de plus que tous ces enfants qui, désespérés par les morts, les guerres, les combats, les déceptions, cherchent à survivre. Il a simplement eu la chance de naître dans des draps de soie.

Lentement, le jeune Faucon cesse son balancier. Il entrouvre son pourpoint, et en tire d'une poche intérieure feuille de vélin, qu'il appose sur la table, devant le Capitaine de l'Ordre mythique. Il retient sa respiration. Car là se profilera tout son avenir.

En plongée.


Citation:
De Condé, fief du Prince Almaric de Bourbon-Condé, dict Coluche, avant-dernier jour des ides de février de l'An de Grasce du Seigneur Dieu MCDLVII, Anus XVI du Règne de Sa Très Aristotélicienne Majesté Lévan, IIIe du nom, Rex Franciae Dei Gratias (Roi de France par la Grâce de Dieu).

Au Haut-Conseil de l'Ordre Royal de Chevalerie de la Licorne, que Dieu veille éternellement, Salut et Connaissance de Vérité, à la Citadelle de Ryes, que Dieu Veille et Assiste, Duché de Normandie, Royaume de France.

Chevaliers,

Je, fils de Hubert Victor Abel Fauconnier dict Bralic, dict "Le Destructeur", ancien Prévôt de l'Ordre, nommé Adrian Fauconnier de Riddermark sur les fonds baptismaux, me présente lors à vous, gens d'honneur autant que de gloire, pour, parmi tant d'autres estimables personnes, demander séant entrant en le noble Ordre que vous représentez.

Il serait justice que de demander raison de ce choix, certes impétueux pour jeune homme de mon âge à peine en charge de terres, consistant à choisir voie de Chevalerie ce jourd'hui. Il fut en vérité nourri chez moi par les récits de bataille servis à la fois par mon père, Hubert Fauconnier, autant que par mon beau-père, le Chevalier Guillaume de Jeneffe. Je sais qu'il peut paraître orgueilleux ou futile que de dépeindre les exploits passés d'un Ordre tel que le vôtre, mais je ne puis que tâcher de vous exprimer par ces quelques vains mots les enseignements prodigués par mes aînés sur les vertus chevaleresques, sur l'Honneur, sur la Bravoure et la Justice de ces hommes qui aidèrent le Roy et son prédécesseur. Il fut nourri par cette image fameuse des bannières quittant Marchiennes ou Montbarrey, chevauchant au combat, les armures rutilantes et lustrées marchant au combat sur caparaçons chromés, et par la volonté de ressemblance à ces hommes et ces femmes qui risquaient leur vie chaque jour pour les faibles, sans attendre de retour.
Mais l'image n'existe pas seule. Elle n'est que coquille, à ce qui est réellement contenu de cette envie viscérale matérialisée lors en cette missive. Je reçus tôt formation de guerrier, et me targue de pouvoir manier correctement l'épée comme tout noble digne de ce nom. Je fus élevé tôt dans l'idée de poursuivre les oeuvres de mon père, et m'appliquais à retenir ce qu'il était, et ce pour quoi il s'était battu.

Qu'est ce qu'un Chevalier? Que doit-il incarner séant? Quels sacrifices nécessite lors cette voie? Quel renoncement implique t-elle? Là sont principalement les questions dont il faut répondre, mes seigneurs.

Un Chevalier est plus que l'image pieuse des Bibles arborant l'archange Michel face au Dragon. Il est plus que l'image populaire du défenseur de la veuve et de l'orphelin. Je le conçois comme celui qui fait régner Paix, Justice, et Honneur en notre beau royaume. Et je ne peux qu'adhérer à cette idée, depuis la mort de mon père et les circonstances qui s'en ensuivirent.
Il doit être un exemple pour la noblesse, et montrer avant tout Miséricorde, Humilité, Obéissance et Don de lui-même.
Il doit accepter de perdre la vie, sa famille, peut être ceux qu'il aime, et accepter parfois de perdre la face pour défendre ce en quoi il croit, ce qu'il estime juste et respecte. Il doit accepter de vivre chichement, sans chercher à tirer profit et Gloire de ce qu'il accomplira. Il doit lors bannir l'Envie de son coeur. Plus encore, peut être, que la Colère, que la Paresse. Il doit être l'Arche d'Espérance des faibles, et ce au prix que coûtera les sacrifices qu'il importe.

C'est lors cette voie que je veux emprunter, mes seigneurs. Pour la Gloire du Roy, celle du Royaume, celle de Dieu et celle de la Licorne. Je veux aider à la paix en le biau royaume de France, devenir l'être honorable et désintéressé qui secourt les faibles dans la nécessité. Je consens aux sacrifices, à la patience, à l'humilité qui en découle. Ad vitam et ultra(1).

Et si me le refusez, gentils seigneurs, de savoir que je mettrais tous moyens honorables en oeuvre pour m'enquérir de cette tâche, et devenir lors digne de l'Ordre, et de ce qu'il est, fut, et sera.

Longue vie à Ryes, à la Licorne, au Roy de France, au Royaume et à vous, mes seigneurs.

Vive la Licorne.
Vive le Roy.

Adrian Fauconnier de Riddermark,
Vicomte d'Isles et de Montbarrey,
Seigneur de Parcey,
Gardien des fiefs de Scye, Marchiennes, Wavrin, Calmont de Plancatge, et Saint-Laurent en Grandvaux.


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(1) : Pour la vie, et Au-delà.
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Zalina
Bah... suis avec 'Drian....
Ca, c’est de la réponse ou je ne m’y connais pas. Cela dit, Zalina y avait sa confirmation : ces deux là fonctionnaient par paire. On prend un, on prend les deux ou on avait droit à la marée de larmes. Elle suivrait son frère au bout du monde s’il ne lui faisait que la demande d’un regard.
Seulement là, c’était son avis à elle que la Peste voulait. Bien sûr qu’elle mettra tout en œuvre pour mettre la fille de son Maistre en sécurité. Mais elle ne pouvait pas non plus passer son temps à la surveiller pour éviter qu’elle ne fugue pour rejoindre son aîné. L’enchaîner dans une des cellules des catacombes était probablement le plus sûre, mais loin d’être l’idéal pour résoudre le problème.
Quoi que si elle continue à taper dans la table au risque de renverser le trésor de Génépi, çà pouvait encore s’arranger. C’est que la Peste a été enfant aussi, et pas des plus tendres. Elle ne compte pas se laisser faire par une gamine qui ressemblait beaucoup à celle qu’elle était il n’y a pas si longtemps que çà… Enfin un peu quant même.

Laissant la gamine bouder dans son coin, il parait qu’il n’y a rien de mieux pour embêter les enfants capricieux, Zalina s’était tournée vers le frère pour poser sa question.
Le bruit du siège tombant à terre lui détourna de nouveau les prunelles. La Lionne était déjà revenu près de son aîné, les mains sur les hanches.


- Et tu laisses 'Drian tranquille toi! T'embêtes pas mon frère! Tu l'laisses tranquille!
Papa y te dirait de nous laisser tranquille! Ouai papa l'était chevalier! Et moi aussi je l'serais passque pour pas qu'on embête Drian! Ni ma maman!

Ne pas éclater de rire… Ne pas rire du tout…
Nom d’une pipe que c’est dur de ne pas vexer une enfant voulant jouer les protectrices. La Peste ne put retenir un sourire. L’éclat de rire ne fut retenu qu’à l’image de Guillaume disparaissant de son champ de vision qui s’invita une nouvelle fois dans sa mémoire.
Ainsi ce petit bout de femme voulait devenir chevalier. Elle l’avait la réponse à sa question finalement. Pas vraiment comme elle s’y attendait, mais le résultat était bien là.


Ton père EST l’un des meilleurs Chevaliers du Royaume.
Et vouloir devenir chevalier toi aussi pour défendre ton frère et ta mère est honorable. Je te souhaite d’y parvenir, surtout à les protéger… C’est là une chose bien difficile.


Ba ouais, Guillaume n’est pas mort, juste introuvable. Il doit être en train de se prendre quelques jours de vacances quelque part pendant que sa filleule se fait un sang d’encre pour lui. Il va l’entendre d’ailleurs à son retour. La laisser comme çà, en pleine forêt et morte d’inquiétude aussi longtemps, sans parler de son épouse et de sa famille. Nanmé !

Famille qui allait pouvoir se remplir l’estomac.
Zalina remercie serveuse et tavernier d’un signe de tête. Puis elle indique la table à Bérénice qui avait si faim peu auparavant. Depuis, les évènements avaient peut être changé cet état de fait. Mais à son age, on s’emporte aussi vite que l’on pardonne. Du moins Zalina l’espérait. Elle pourrait ainsi se concentrer sur Adrian.
Petit sourire en coin lorsqu’il se décide à donner les vraies raisons de sa venue. Pas l’un sans l’autre. Et il était motivé. C’est vrai que les douves n’avaient pas été récurées depuis plusieurs années. L’enterrement des morts, la Peste ne voulait plus en entendre parler. Ni parler, ni voir d’enterrement ou de morts. Elle en avait assez de passer sa vie à enterrer les gens qu’elle aime.
Par contre, donner argent et terres à l’Ordre ? Zalina plissa les yeux, peu contente de ce qu’elle entendait. Essayait il d’acheter son intégration ? Son père et son beau père ne lui avaient ils jamais parlé de cette règle ? Les terres, les titres, l’argent et les relations ne donnent et ne donneront jamais aucun pouvoir ou passe droit à Ryes !
Gueux et Princes, riches et pauvres, valets ou Comtes avaient les mêmes chances d’intégrer les rangs. Seul la loyauté et le travail effectué étaient pris en compte. Et rien d’autre. C’était ainsi depuis la nuit des temps et le serait toujours. De même, tout ceux qui demandaient aide à l’Ordre verraient leur missive étudiée avec la même attention, sans aucune distinction de rang, quel qu’il soit.
Le jeune Fauconnier ne pouvait l’ignorer. Etait il à se point désespérer pour proposer argent et terre ?

La Peste se dérida en le voyant lui tendre un vélin. Elle le prit et le parcourut avec la plus grande attention. Elle jeta un coup d’œil à Enguerrand, toujours attablé un peu plus loin, puis le rangea soigneusement dans une fente de son mantel.


Je vais transmettre votre demande et cette missive au Haut Conseil dès mon retour à la Forteresse. Vous êtes bien moins avare de mots écrits que parlés, jeune Vicomte.
Les douves auraient bien besoin d’être récurées et les bêtes pansées… mais quel age avez-vous tous les deux ?

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En deuil et à la recherche des triangles...
Adrian
Le vieux reparaît, et dispose ses denrées sur la table. Petite interruption, alors que le jeune garçon lui tend un regard discret. Il plonge une main à sa ceinture. Bruit de cuir que l'on décroche.

- " Merci... "Point. Il a un minimum de conscience du don, et remercie donc en conséquence le don. Il est noble, mais sait ce que peut vouloir dire donner. Il remercie donc d'autant plus facilement. On le lui a appris. Un noble ne dit pas "s'il vous plaît", car on doit lui obéir. Mais il a devoir de remercier, car rien n'est dû et tout demande travail. Et toute peine mérite salaire, de même...

Le jeune homme fait apparaître une bourse en cuir, ronde, qu'il ouvre, et en extirpe 4 ou 5 écus qu'il prend entre deux doigts, et tend au vieux, le regardant au passage. Que comprendre? Cela peut se voir comme un "tu m'as cassé les roubignoles, mais il n'y a plus de problèmes!", ou bien comme un "tu as vu Zalina? J'suis super chevaleresque, en plus!". Qui sait? Le Vicomte ne réfléchit pas à cela. Calculateur, mais il a 12 ans. Il balbutie, dans la manipulation. Il sait que s'il doit rester dans le coin, se mettre le vieux à dos n'est pas la meilleure des idées. Aussi est-ce autant par automatisme que par réflexe pavlovien qu'il remercie, et tend pourboire. Puis, se tournant vers Zalina, il prend tranche de pain qu'il pose devant lui, de façon à s'en servir d'assiette. Il y appose beurre, fromage et pommes séchées, et sert grand verre de lait, avant d'apposer le tout devant sa soeur. Elle en premier. Elle est jeune, elle a besoin de forces, et il est là pour elle. Elle prime.

Puis il se sert, posant sur sa tranche de pain du fromage, du poulet en sauce et des pommes, avec un peu de beurre par dessus qu'il laissera fondre avant de manger le tout avec ses doigts. Sortant sa dague, il se permet de ne pas se servir de couteaux que la plupart des hommes ont sur eux, et se sert de ses propres ustensiles. Il découpe un morceau de poulet, et le porte à sa bouche, appréciant l'ineffable douceur au goût de miel de la sauce à l'hydromel. Il a de la chance: il s'est servi une cuisse, l'un des endroits les plus goûtus de la bête, son préféré. Avec l'épaule/hanche (l'auteur n'ayant pas de notions en anatomie poulaillère), cela lui faisait une bonne part, la sauce imbibant progressivement la large tranche de pain devant lui. Il fait un petit bruit de gorge, le genre de "MMMMMMHHHHH..." de celui qui apprécie une bonne nourriture, et écarquille légèrement les yeux, montrant ainsi à Zalina son appréciation de la cuisine du lieu. Sa bouchée finie, il regarde sa soeur manger quelques instants, puis se pourlèche les doigts quelque peu, guettant les restes de sauce. Il n'a pas spécialement faim: mais sait apprécier quelque chose de bon. Gourmet plutôt qu'ogre, devrait-on dire.
Comme d'habitude, il prend beaucoup de temps pour répondre, laissant passer un long moment où Zalina se sert, où il apprécie son repas. Il se ressert en génépi, et brusquement répond:


- " J'ai eu 12 ans voilà peu. Bérénice a 5 ans. "

Il retombe dans le laconique, en y étant sorti. On ne change pas si aisément la nature des gens...
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Bérénice de Jeneffe
Elle ne quitta pas la brunette des yeux. C’était à la première qui baisserait le regard et de toute façon ça serait pas elle. Hors de question. C’est que bon, elle avait de qui tenir : têtue comme une mule, action avant réflexion, je gueule et je parle après… Ah ben le mélange à corne et gênes floraux, c’est peut-être pas le meilleur du monde. Mais en même temps, en matière scientifique, niveau analyse des résultats faut quand même attendre un sacré bail pour en avoir des probants. Donc là on peut dire qu’on a qu’un aperçu d’une petite lionne en devenir. Et oui ma p’tite dame, on fait avec ce qu’on peut et ce qu’on a. Le truc c’est qu’il fallait peut être dire non le jour ou le chevalier a épousé la Rose… M’enfin on se serait ennuyé non ?

Elle aurait pu rester des heures et des heures et des heures à regarder une Zalina fortement impressionnée – oui on y croit dur comme fer. Mais c’était sans compter une interruption imprévue mais pas dénuée de charme. Comme une barrière symbolisant une frontière entre son monde et celui des autres, le bras de son ainé vint se refermer autours d’elle. Ca aurait été quelqu’un d’autre, ces cordes vocales se seraient probablement emballées en un cri perçant et fulgurant. Mais comme c’était pas quelqu’un d’autre, la question de posait pas. Elle se laissa faire d’autant qu’il y avait au bout le sésame suprême : un baiser fraternel.
Un regard acéré aurait blâmé une telle attitude, trop proche, beaucoup trop proche ; trop immorale. Et chaque contact, même rapide et léger, ne faisait que renforcer le lien déjà incassable qui les avait liés.

Ce n’était que quelques secondes mais cela suffit à calmer ses ardeurs. Mais ce n’était que quelques secondes et lorsqu’il fallut se séparer, son petit cœur se remplit d’un grand vide. Bon, oui, ce n’était pas une séparation comme on peut l’imaginer, mais du haut du regard d’une petite fille d’à peine cinq printemps, c’était une vraie séparation.
Elle lui jeta un regard en biais mais il était à nouveau ailleurs. Bientôt, hein ? Bientôt ? Oui c’était forcé que bientôt elle l’aurait pour elle toute seule. Haussant les épaules d’impatience, elle ne répondit même pas à la brune. Bah, elle connaissait pas papa, mais ça elle l’avait toujours pas compris. A ce stade, la lionne flamande, pouvait pas faire grand-chose pour elle.

Son petit nez remua lorsque des odeurs de tambouille remontèrent jusqu’à lui. Un grand grouillement d’estomac vide se fit entendre et elle le mit sur la pointe de ses pieds pour jeter un coup d’œil rapide à ce qui venait d’arriver. Elle constata en plissant son regard que le vieux était revenu… Non elle avait pas oublié. Et non, la tambouille appétissante apaiserait pas son ressentiment. Mais l’estomac vide, on peut pas tout faire quoi…
Mais heureusement qu’il y avait le frangin. Avec son regard curieux, elle examina chacun de ses faits et gestes avec une grande attention. Ça avait beau être pour elle, fallait quand même pas qu’il oublie quelque chose… elle le gratifia d’un grand sourire comme lui seul serait sans doute voué à en recevoir dans les jours à venir. Mais comme une petite fille bien élevée – c’est surtout que les coups sur les doigts pour avoir osé mangé avant autorisation c’était pas le top-, elle attendit que tout le monde se soit servi. Mais fallait quand même pas qu’ils attendent trop… Et le tout le monde se résuma essentiellement a son Faucon. Dès qu’il se fut servi, elle s’attaqua sans demander son reste à ce qui se trouvait devant elle.

D’abord le grand verre de lait : causer ça donne soif, on notera que cette constatation est d’ordre général et irréfutable. Mais les autres, ça avait l’air meilleur… Regard qui se veut discret : elle gouterait bien, elle, c’est possible ? Enfin bon pour le moment c’est le lait qui laissa une grande trace blanche autours de ses lèvres.

Hummm…
Dilemme, dilemme, dilemme… Plus loin, que la nuit et le rouge… Dilemme, dilemme… Pomme, pim, poire, abricot, y en a une, y en a une, pomme, pim poire, abricot, y en a une de trop c’est l’abricot… Bon fromage éliminé. Oui mais non. Bon on recommence… Le choix est dur. Mais au finalement en piquant un coup des fruits, un coup du fromage, on finit par s’arranger.
Et les scrountch, scrountch, scrountch gourmands et peu silencieux fusèrent à sa grande satisfaction.

Mais c’est pas pour ça qu’elle gardait pas un œil autours d’elle. Pas folle le lionceau. Elle est pas née de la dernière pluie. Et il a l’air apetissant le volatile.. Elle peut elle aussi ? Allongeant une main discrète elle réussit à en attraper un morceau sans rien faire tomber. Miracle ! Miracle ! Miracle ! Haem, pardon la narratrice se calme c’est promis.
Et les scrountch, scroutch, se firent bien pire. Puis dans un élan de je me même de tout, elle releva son nez, montra ses neuf doigts – parce que le pouce de la dextre tenait maladroitement le morceau de viande – et regarda fièrement la brune.

Chinq ans… chais chinq ans…
Bon, causer la bouche pleine c’est pas le top hein… Et des morceau de poulaille à moitié machée volèrent sur la table, sans que l’héritère n’en ai fichtrement que faire…
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Zalina
Rassurée par le « don » du pourboire au tavernier, Zalina n’en reste pas moins sur ses gardes. Elle sait trop combien un simple mot prononcé ou compris de travers peut déclancher des guerres. Et elle ne tient pas spécialement à revoir les copains du Faucon débarquer. Bon oui, le premier coup elle avait fait bonne figure. Ca pour gueuler, elle sait faire. Mais s’il avait fallut se battre, cela n’aurait peut être pas été la même histoire.
La Peste a beau foncer tête baissée dans tous les conflits possibles et inimaginables en espérant que la Faucheuse l’emportera enfin, un combat dans une taverne devant deux gamins ne l’emballe pas des masses. Un coup mal placé est si vite arrivé.

Mais pour l’heure, le conflit semble bien loin et les enfants sont bien occupés à se remplir l’estomac. A entendre les Mmmm et les Scrountch, l’on pourrait dire que le repas était très apprécié par ces deux affamés.
La capitaine ne peut s’empêcher de remarquer qu’Adrian fait de nouveau passer sa sœur avant lui. Début de sens Chevaleresque ou grand sens de la Famille ? Seul l’avenir le lui apprendra. Mais son attention pour sa jeune sœur, demi-sœur pour être plus exact, la touche. Il fait parfois preuve d’une telle éducation de la Haute et pourtant si proche de sa sœur alors que les Nobles sont souvent froids et distants, y compris avec les membres de leur famille. C’est étrange et intrigue la Peste.

Perdue dans ses réflexions, pour un peu elle piquerait le surnom du Perplexe, Zalina finit par revenir à la table et ses virtuailles. Elle ne se sert qu’un peu de fromage et du pain. Cela fait des mois qu’elle a perdu l’appétit. Ces enfants finiront bien la totalité de ce qui leur a été servi sans elle.
En silence, elle déguste ce qui sera probablement son seul dîner, attendant que les invités finissent leur repas. Quand enfin Adrian, suivi par Bérénice, lui indiqua leur âge respectif. Là, il avait donné le sien avant celui de sa sœur.


12 et 5… Mmmm…

Il était encore plus jeune qu’elle ne le croyait. Trop jeune…
Zalina soupira avant de reprendre la parole.


Si vous savez les démarches à accomplir pour les demandes d’intégration à l’Ordre, vous n’êtes certainement pas sans savoir qu’il y a un âge minimum pour être intronisé Ecuyer de la Licorne. Et que vous n’avez pas l’âge requis pour y prétendre. Il existe une alternative pour les personnes dans votre cas, mais…

La jeune femme fit une pause et se pencha légèrement vers Adrian après un regard en coin à la Lionne. Puis elle reprit un peu plus bas. Autant qu’ils l’apprennent maintenant. La décision du Haut conseil était en l’occurrence dictée par les règles de l’Ordre et ne faisait que peu de doute.

Mais un Chevalier ne pourra vous prendre en charge tous les deux. Vous devrez être confiés à deux personnes différentes… et donc séparés.


C’était lâché… Le Haut Conseil décidera des suites à donner mais deux enfants, dont une de cinq printemps, pour un seul Chevalier, c’était impossible. Ils se croiseront sûrement à Ryes, mais les Chevaliers sont plus souvent en mission que dans les murs de la Forteresse. Pour accéder à leurs demandes, c’était inévitable. Ils ne pourront rester ensemble.
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En deuil et à la recherche des triangles...
Adrian
La bouchée démarrée reste dans la bouche, attendant la bascule de la glotte. Les pupilles s'écarquillent, les mains se figent. Une mouche passe, et trépasse. N'oublions pas que le froid de l'hiver est encore mordant. Surpris, le Faucon? Nooooonnnn... Disons que même s'il n'était pas dupe et savait qu'il serait séparé de sa soeur, ce n'était pas forcément la même paire de manches que de se l'entendre dire. Il y avait... pas mal de manque de contrôle, en fait, dans la situation. Il s'était imaginé pouvoir le lui dire de lui-même, à Bérénice, alors qu'elle serait installée, alors qu'elle aurait lit chaud, affaires, nouveau terrain de jeu. Pas vraiment dans une taverne rudimentaire du bourg de Ryes, pas vraiment par la bouche de Zalina. Il s'était imaginé pouvoir prendre du temps, pour mettre les formes, préparer les mots, permettre à son idée de s'élaborer et de se construire. Plus encore que d'un tuteur pour continuer à grandir, ce petit avait d'énormes besoins d'un cours de rhétorique. Bref. On peut imaginer donc la surprise inonder peu à peu les traits du jeune homme, la bouche légèrement entrouverte vite clapée pour empêcher les sauces de bailler hors de la gueule, les borborygmes créant quasiment bulles dans le potage dans le genre du "Mmmmaaaaaiiiiiiiibleub!".

Déglutition. Non, il ne faut quand même pas exagérer. Nous sommes noble, môôssieur de Riddermark. Un peu de tenue, que diable! Que penserait-donc votre père? Ferme-la. N'empêche. Je croyais t'avoir dis de la FER-MER. Roooh, un peu facile, jeune coq. J'ai donné un ordre. Cesse, tout de suite. Oooooh, on est importuné par ma présence. C'est mignooooonnnn... PAR LE CHRIST ET LES 14 CULOTTES DECREPITES D'ARISTOTE, J'AI DIS SUFFIT!

Et suffit.

Tout de même pas sorcier, non? On demande, et on s'exécute. C'est beau, l'obéissance.

Le jeune Faucon reprend sa mastication. Il cherche ses mots. Peu à peu, avec âpreté, les mots quittent sa bouche entrouverte, au milieu du poulet, des pommes cuites et du beurre fondu.


- " Je... je n'en pensais point d'autre sorte. Ma soeur a besoin de jouer, et... je ne doute donc point qu'elle puisse gagner sa... pitance. Mais... Pas réellement en âge de vous servir, ou de servir à Chevalier. Ce qui... lors n'est assurément pas mon cas. Je n'ai point expérience en la matière, je l'ai dis, mais... Adoncques, pensais-je pouvoir... suffire à un maistre qui pût... vouloir traiter du mien. "

Le tout étant entrecoupé de "Marf, miom, chop" propres à la digestion et l'ingurgition, et de "slurp, gasp, lip" marquant la descente significative du génépi. N'allez pas vous imaginer des choses: le jeune garçon n'avait pas le dixième de la résistance de son père au breuvage. Mais vous pouvez m'en accroire: habitué depuis jeunesse, s'il y avait bien un alcool qu'il pouvait boire tranquille, sans craintes de rejets, ce serait bien le génépi. Mais revenons à autre chose que ces bas instincts culinaires et éthyliques, voulez-vous? Car ceci étant dit, le jeune Faucon se saisit de la main de sa petite soeur par-dessus la table, même si l'étiquette interdirait furieusement cette sorte de marque d'attachement. Il sert les doigts de sa soeur, et caresse la paume du pouce.

Oui, décidément, il y avait proximité trop extraordinaire entre ces deux êtres pour qu'elle pût être anodine.

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