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[RP] Ce n'est pas qu'un au revoir...

--Dorilys

Albi, enfin ! Après une semaine de voyage dont elle avait cru ne jamais voir la fin, Dorilys pouvait enfin annoncer à sa mère qu’elles arrivaient à destination. Durant une semaine, elle avait elle-même mené le chariot. Durant une semaine, elle avait du gérer elle-même l’ardeur de ses sœurs à vouloir « s’occuper de maman ». Si Cyrielle commençait à comprendre, Ambre était loin de s’imaginer le drame que vivait Gyldas.

Dorilys tira sur les rênes et Feu Sauvage s’arrêta en piaffant. Le cheval n’aimait pas rester immobile dans le froid. Avant qu’il ne se mette à renâcler, la rouquine se retourna et murmura :


- Maman ? Maman, on est bientôt arrivé.

Gyldas bougea légèrement. L’adolescente ajouta, un peu plus fort :

- J’ai besoin que tu me guide jusqu’à chez tante Ally. J’étais trop petite, je ne me rappelle plus du chemin.

Elle laissa à sa mère le temps de se réveiller. Feu Sauvage frappait déjà le sol du sabot alors elle le fit redémarrer sans attendre la réponse. Au petit pas, pour ne pas aller trop loin.

Gyldas
Gyldas émergea du rêve pour retrouver son cauchemar : la réalité. Emmitouflée dans sa couverture, à l’arrière du chariot, elle avait froid et ressentait déjà le besoin de tousser pour pouvoir respirer convenablement. Elle savait que ça serait pire, mais la maladie était la plus forte et elle tacha encore un peu plus le mouchoir déjà ensanglanté dans sa main crispée.

- Maman ? …

Gyldas s’assit et jeta un œil à l’avant. Elle prit son temps avant de répondre, plus pour reprendre des forces que pour se réveiller véritablement. Mais c’est d’une voix à peine audible qu’elle réussit à indiquer le chemin à sa fille. S’installer à côté d’elle était au dessus de ses forces. Aussi resta-t-elle recroquevillée derrière le siège tandis que sa rouquine les menait à destination.
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Allyxia
Il était fort tôt ce matin-là quand Allyxia alla secouer vivement les épaules de Louison pour la réveiller, comme cela semblait être devenue une habitude depuis quelques jours, au grand dam de la nourrice, devenue un peu femme à tout faire dans cette maison. Et pour cause, Dame Allyxia savait d'un lointain courrier que son amie Gyldas viendrait lui rendre une malheureuse visite un peu avant que toute la Nature se mette en joyeuse ébullition, sans avoir plus de précision. Il était donc normal que la maîtresse de maison veille à ce que sa maison soit plus que présentable lors de cette arrivée tant redoutée.

Plongée dans un confortable fauteuil en bois assez rare et recouvert de velours rouge accordé à la couleur de ses cheveux, petite folie qui lui valut certaines remarques, lorsque son acquisition fit le tour du quartier, des religieux à qui elle ne filait plus un sou depuis longtemps lors des messes, Ally n'arrivait pas à apprécier sa détente. Ses pensées s'étaient perdues au milieu des tristes mots qu'avait adressé Gyldas quelques semaines plus tôt...ou quelques mois, elle ne savait plus.


La vie est cruelle...un jour nous avons tout, la beauté, la santé, les ambitions, le monde s'ouvre à nos pieds...et sans que l'on s'y attende, tout nous est repris..juste parce que notre tour est passé...saisissant alors un miroir à main qui se trouvait là, elle y regarda son reflet et continua sur le même ton las alors on a beau faire... s'afficher au bras d'un homme plus vieux pour paraître plus jeune, ou au contraire, s'afficher avec gamin dans l'espoir que sa jeunesse déteigne...porter des robes au luxe indécent et aux couleurs que seules les jouvencelles peuvent se permettre, s'abreuver continuellement de tisanes bienfaisantes, cacher sa mine blafard et ses rides sous une tonne de fard... le temps n'a pas de maître et il marque tout le monde...

Sans en avoir conscience, c'était tout haut qu'Allyxia avait laissé échappé ses complaintes, et ce fut la présence de Louison qui la fit taire, elle qui avait la jeunesse devant elle et qui, malgré ses vêtements d'un banal tout à fait correct, promettait d'être plus que jolie. La maîtresse de maison, quelque part, la jalousait sans pourtant lui vouloir du mal bien que cette insolente avait cru, plus d'une fois, être dans son droit en jouant d'œillades déplacées à l'adresse de l'amant de sa patronne.

Si tu as fini, tu peux te retirer, je m'occuperai moi-même des enfants dès qu'ils seront levés. Mais tiens toi prête à bondir sur tes pieds au plus vite si tu entends le moindre bruit de sabots s'approcher du perron !

Cela aussi était devenu recommandation quotidienne. Au premier bruit, pas de doute qu'il s'agirait de Gyldas car Ally ne recevait presque plus de visite et cela était normal, Ally s'était quasiment coupée du monde, rayant ses visites en tavernes et oubliant les ramponneaux. Parfois seulement elle invitait quelques proches amis à se joindre tout de même à une partie de cartes.

... Soupir lourd de tristesse.

Depuis plus d'une heure qu'elle était avachie sur son velours, Ally n'avait cessé de penser à sa propre personne alors qu'il s'agissait de sa meilleure amie ! Elle était malade...très malade...trop malade à ses mots... Comment le supporter, comment la soutenir, comment réagir...tant de questions auxquelles elle n'avait guère de réponse, car chaque fois qu'elle avait voulu s'y pencher sérieusement, en repensant au cas de son amie, il était difficile pour la rouquine de penser que la vie ne tarderait sans doute pas à la rappeler également...

Il était encore très tôt, et devant le feu de cheminée, Allyxia se permit une petite pause en fermant les yeux.

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On implore le Ciel si on nous piétine
Mais on devient fier quand on domine !
Gyldas
Assise à l’arrière du chariot, Gyldas termina de guider sa fille. La demeure de son amie grandissait à vue d’œil. Sans être un château, à côté de sa petite chaumière, elle en imposait tout de même. Bien que Dorilys connût parfaitement son rôle, Gyldas ne put s’empêcher de lui recommander la même chose que tous ces derniers jours.

- Tu t’occupes de tes sœurs, je ne veux pas qu’elles m’approchent.

Mais déjà l’adolescente avait pris ses sœurs en main en leur proposant de frapper à la porte.

L’effort pour descendre du chariot laissa Gyldas complètement essoufflée. Elle s’appuya sur la roue pour reprendre son souffle et renonça à descendre la malle. C’était au dessus de ses forces. Ally devait bien avoir quelqu’un pour s’en occuper. En s’appuyant sur son bâton, elle rejoint la marmaille en prenant soin de rester à distance, son mouchoir rougi toujours au creux de sa main.

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Allyxia
Au premier bruit inhabituel se faisant entendre fort près de la maison, Ally ouvrit les yeux et se dirigea précipitamment vers l'une des fenêtres pour se rendre compte, et en effet, il s'agissait bien du convoi de son amie.

Tendant de nouveau l'oreille, Allyxia apprécia fort bien la rapidité de réaction de Louison qui déjà se trouvait non loin de la porte, prête à l'ouvrir pour accueillir les invitées. La rouquine remit de l'ordre dans une robe un peu froissée et rejoignit Louison pendant que son cœur refusait de battre un peu plus tranquillement. Puis d'un coup, une montée de larmes la prit au dépourvu mais elle eut tôt fait de la chasser...les discussions à venir seraient assez tristes et douloureuses pour se réjouir d'abord de retrouvailles entre amies de longue date !

Et voilà que l'on frappait, tout doucement. Ally prit une grande inspiration avant d'autoriser, par un signe de tête, Louison à ouvrir, ce qu'elle fit sans tarder, et offrant à elles-deux le seul comité d'accueil, les enfants dormant toujours.


Ahhh vous voilà enfin !! On ne vous attendait plus...mais je suis heureuse de vous voir !

La maîtresse des lieux effaça la distance qui la séparait de l'entrée en quelques pas et embrassa chaleureusement la belle et jeune Dorylis ainsi que ses petites sœurs. Au milieu d'un moment si heureux, son cœur se serra à la vue de leur mère qu'elle trouva amoindrie...La maladie pouvait-elle avoir pris possession aussi rapidement sur une femme aussi forte et déterminée à en découdre avec quiconque ou quoique ce soit qui fut en travers de son chemin ? Il fallait le voir pour le croire... S'efforçant au large sourire, empreint d'une compassion plus que visible, la rouquine accueillit son amie.

je suis heureuse de te revoir Gygy...je...hum..mais entrez donc, allez entrez ! Louison va vous préparer de quoi vous réchauffer pendant que vous allez vous installer confortablement. Cette route a dû être aussi longue qu'éprouvante...
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Gyldas
L’accueil toujours aussi chaleureux d’Ally réussit à arracher un sourire à Gyldas. Sa tirade suivant lui donna cependant l’impression qu’elle parlait pour ne pas penser. Comment la blâmer? Qu’il était difficile de résister à la tentation de courir la serrer dans ses bras, surtout après une absence aussi longue ! Mais Gygy tint bon et répondit à son salut :

- Merci. Moi aussi je suis heureuse de te revoir. Oui, c’était long. Beaucoup plus long que dans mon souvenir. J’aurais préféré qu’on puisse aller plus vite. Je suis littéralement épuisée.

Elle laissa volontiers les enfants à Louison. Les éloigner était la meilleure solution pour pouvoir parler en paix. Le temps de leur annoncer qu’ils allaient rester ici viendrait bien assez tôt. Trop tôt, et c’est pourquoi il ne fallait pas tarder à mettre le sujet sur le tapis. Allyxia était sa meilleure amie, mais Gyldas avait-elle le droit de lui imposer trois bouches supplémentaires à nourrir ?

Installée sur un confortable canapé, dans le salon, elle entra dans le vif du sujet. Elle parlait lentement, pour éviter de s’essouffler. Elle avait trop de chose à dire.


- Je ne sais pas comment te remercier de m’avoir dit oui. Trois enfants, c’est beaucoup, tu sais. Je t’en demande énormément et je m’en veux de t’imposer ça. Mais il le fallait. Je sais qu’ici ils seront bien. Et Dorilys est presque une femme. Je voulais qu’elle soit aux côté de quelqu’un qu’elle connaît. Sous ses airs de dure, elle est fragile, tu sais.

Il y avait plus. Contagieuse comme elle était, avait-elle le droit, elle, de rester ici ? Elle reprit son souffle et continua, toujours avec lenteur.

- Je ne sais pas combien de temps il me reste. Mais surement plus beaucoup. Si je reste ici, je vais contaminer tout le monde. Je sais que tu sais que c’est vrai. Je comprendrais que tu me demandes de partir. Je ne t’en voudrais pas.

Voilà, le décor était planté. C’est avec une bonne dose d’appréhension, il fallait bien l’avouer, que Gyldas attendit la réaction de son amie.

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Allyxia
Mais enfin !

A plus d'une reprise, Allyxia avait tenté d'interrompre son amie sur ce qu'elle avait à dire mais visiblement, les mots les plus difficiles devaient être prononcés pour éclaircir une situation dramatiquement sombre.

Crois-tu que notre amitié en soit au stade des paroles en l'air et des promesses que l'on fait en sachant qu'on ne peut ou ne veut les tenir ? Tes enfants seront ici chez eux, comme ils l'ont toujours été à chacune de vos visites.

La maîtresse de maison manqua de poser sa main sur celle de son amie en marque de sincérité mais se ravisa de justesse et la posa finalement sur son genou, recouvert des épais tissus de sa jupe hivernale.

je ne sais où tu en es...sans doute m'éclaireras-tu sur ce point dans quelques minutes...mais déjà tu nous imposes un départ que personne ne souhaite...ne rajoute pas à cette tragédie un adieu prématuré...tu le sais, la maison est assez grande pour tout ce petit monde, et nous te préparerons une chambre à coucher juste pour toi où on te donnera les soins utiles, et lors du quotidien, nous instaurerons quelques...règles pour que tout se passe au mieux jusq...hum...

Bizarrement, aucune larme n'était venue noircir sa tirade malgré l'énoncé de vérités si dures à digérer, elle pourtant si effondrée quant au destin de son amie Gyldas... Le temps entre l'annonce de ce drame et la venue de Gygy avait-il fait son œuvre en forgeant le cœur d'Ally, de sorte à rester forte au moins pour les apparences? C'était à en jurer !

D'ailleurs tu vas tout de suite allez te reposer un moment tandis que Louison t'apportera quelque chose qui te réchauffera les entrailles et pendant qu'on descend vos affaires. Il n'est pas dit que dans cette maison, Allyxia tolère des personnes qui lui baillent à la figure. finit-elle dans un sourire apaisant et encourageant.
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Gyldas
Se reposer ! Oui, la malade en avait bien besoin. Pourtant, elle n’avait fait que ça durant tout le voyage.

- Je veux bien aller dormir, mais je suis bien incapable d’avaler quoi que ce soit.

Gyldas savait qu’Allyxia n’allait pas manquer de protester, mais elle ne lui en laissa pas le loisir. Une quinte de toux la plia en deux, ne laissant aucune place à la réplique. Elle s’écarta de son amie en se décalant maladroitement d’une place sur le canapé. Quand elle eut fini de tousser. Son mouchoir déjà usé était bon à changer. Après une longue inspiration forcée qui lui arracha une grimace, elle réussit à demander :

- Tu as une cheminée ?

Oui, bien sûr qu’il y avait des cheminées ! La vraie question était "Où ? Que je puisse jeter ça !" Mais Gyldas n’avait plus le réflexe des détails. Les autres devaient deviner. Elle avait mal et ça l’empêchait de réfléchir.

- Dorilys a… le sachet… dans lequel j’ai des racines… pour une tisane. Tu veux bien m’en faire préparer une ?… S’il te plait ?


Sa bouche avait encore le goût du sang. Elle devait être aussi pâle que son mouchoir était rouge, et elle avait envie de s’allonger, mais elle n’osait pas le faire sur le canapé, de peur de le tacher.

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Allyxia
Malgré un bel effort, Allyxia eut bien du mal à se défaire de la mine décomposée qui s'était affichée presque instantanément lorsque la maladie de son amie s'imposa de façon si brutale. Une forme de dégout et de pitié malgré elle, malgré ses envies de ne rien faire paraître par respect....tout s'était envolé en même temps que cette affreuse quinte de toux. La rouquine en éprouva des remords et une honte perceptible, tant et si bien que les premiers mots de Gygy lui échappèrent totalement. C'est lorsqu'elle évoqua le nom de sa fille que les esprits lui revinrent à peu près.

Oui..je m'en occupe...je... ah ben d'ailleurs j'entends Louison qui revient.... Louison, aide Gyldas à monter dans la chambre que tu lui as préparé....et demande à Dorylis de laisser les petites jouer et de venir me voir.

Ce disant, la rousse se tourna et vaqua à des occupations imaginaires dans le but de tourner le dos à Gyldas tandis que celle-ci se voyait proposer de l'aide par la jeune Louison qui ne savait comment l'assister sans risquer la contagion.
Lui tourner le dos n'était pas un manque de respect, non, juste un état de choc....puis elle repensa à cette belle et jeune rouquine Dorylis qui devait voir ça quotidiennement...dans quel état pouvait être cette petite si une presque vieille femme comme elle ne tenait pas le choc ?.... Etait-ce le bon moment pour lui parler de l'état de santé de sa mère ? Non sûrement pas...mais y avait-il seulement un bon moment quelque part?...

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On implore le Ciel si on nous piétine
Mais on devient fier quand on domine !
Gyldas
D'accord! Pas de cheminée, donc Gyldas allait garder son mouchoir. Elle commençait à se sentir empruntée avec son bout de tissu souillé. Elle se reprit en remarquant l'air contrarié de Louison, et après un dernier regard vers Ally qui ne semblait pas avoir envie de se retourner, elle décida de tirer la nourrice de son embarras.

- Passez devant, je vais vous suivre… pas trop près, rassurez vous.

La malade avait suffisamment repris son souffle pour se lever sans manière. Cependant, elle n'eut pas à jouer la comédie pour se laisser distancer par la jeune femme. La chambre était plus que confortable, et Gyldas sut, en y entrant, qu'elle n'en sortirait plus jamais. Alors que Louison s'apprêtait à s'en aller, elle l'interpella doucement:

- Louison! Attendez!

Gyldas avait encore en mémoire la tragédie qui avait coûté la vie à Lénora, la nourrice de ses propres enfants. Il n'était pas question qu'elle reproduise ce souvenir ici. Qui plus est dans une maison qui n'était pas son propre toit.

- Louison, écoutez moi! Je vois que vous avez compris que j'ai la tuberculose. Il y a plusieurs années, la nourrice de mes enfants, est morte parce que j'ai été négligente. Elle a contracté la peste parce que je n'ai pas été assez vigilante. Je vous rassure, il n'est pas question que ça se passe ici. Ne laissez personne vous obliger à vous occuper de moi si vous n'en avez pas envie! Vous avez le droit de vous protéger.

Il lui sembla que la jeune femme se détendait un peu, mais elle n'aurait su le dire avec certitude. Elle continua.

- Arrangez vous pour que ma malle arrive vite. J'ai besoin d'un autre mouchoir.

Alors qu'elle refermait la porte derrière elle, Gyldas l'interpella une dernière fois:

- Pouvez-vous dire à Dame Allyxia que j'aimerais la voir quand elle en aura fini avec ma fille?

Un "oui madame" et un petit salut plus tard, la porte se referma pour de bon, et Gyldas resta seule. Elle s'assit sur le bord du lit. Avant de dormir, il fallait qu'elle parle à Ally.

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--Dorilys

Louison leur avait donné un petit déjeuner, puis s'était éclipsée. Devant son bol de lait qu'elle n'avait pas envie d'avaler, Dorilys réfléchissait. Ou plutôt, elle laissait son esprit divaguer. Ses petites sœurs mangeaient. L'appétit n'était pas vorace, mais au moins, elles faisaient honneur au pain chaud et à la confiture.

L'attente ne fut pas longue. Sa tante la demandait. La rouquine, laissant son petit déjeuner intact, s'empressa de se rendre au salon. En entrant, elle se remémora le temps où Astyxio et elle cumulaient les bêtises en courant dans les couloirs, et en entrant sans frapper partout où ils trouvaient des portes, interrompant souvent les conversations des adultes.

Allyxia lui tournait le dos. Soit elle ne l'avait pas entendue entrer, soit elle voulait éviter son regard.


- Tu m'as demandée? Qu'est-ce que tu veux que je fasse? Maman s'est endormie?

Voilà trois questions dont l'une sortirait bien Ally de son mutisme. Dorilys s'autorisa à s'asseoir et attendit.


Asticot
Ca y’est ! il avait quitté sa Normandie natale. Il avait fallu une raison majeure pour lui faire abandonner son bureau de recteur et les dizaines d’étudiants dont certains comptaient sur lui pour progresser dans leurs études. De même pour ses terres qu’il avait confié à Fernand, son métayer depuis presque toujours. Il avait grande confiance en lui, mais avait tout de même demandé à son vassal Filsdhelios de veiller sur son domaine et de pourvoir aux questions et problèmes qui pouvaient subvenir. C’est qu’il partait vraisemblablement pour de nombreuses lunes, ne serait ce que les trajets. Ally n’avait pas trouvé plus loin qu’à l’autre bout des royaumes pour s’établir et emporter avec elle leurs enfants quand ils s’étaient séparés.

La missive qu’il avait reçue de sa part ne permettait aucun doute. Gyldas était au plus mal et il fallait se hâter pour la voir avant que le mal qui la rongeait ne l’emporte au loin. Il était entendu qu’en descendant dans le Sud, il passe chercher leur fils aîné Astyxio à son école monacale de Lyon. Cela ne faisait pas un grand détour et tous deux savaient combien cet enfant était attaché à sa Tata, sans compter que la présence du garçon serait d’un grand secours à Dorilys, son amie d’enfance. Ils avaient été élevé ensemble ou presque et à l’époque ces deux là étaient inséparables. La pauvre Dorilys était bien jeune pour se retrouver à charge de ses jeunes sœurs.

Pour tout le monde, l’objet de son voyage était universitaire. Nul besoin de faire état du drame qui se déroulait. Il faudrait pourtant qu’il avise son fils de ce qui se passait pendant le voyage, il faudrait trouver les mots et il savait que la chose ne lui serait pas aisé. Le garçon était sensible, probablement un peu trop élevé dans les jupes de sa mère. C’est d’ailleurs la raison qui l’avait fait mettre dans cette école, espérant qu’ainsi il s’endurcirait.

Arrivé à Lyon, il trouva sans mal l’école dont il avait pris soin de prévenir son responsable, le père Mathieu et découvrit un jeune homme grandit et mûrit. Certes, il n’était pas encore un homme et son regard était encore un peu trop candide, mais le baron fut assez fier du résultat de ces quelques mois d’apprentissage. Le père et le fils firent les premières lieues à pied, le baron tenant Danseur par la bride, jusqu’au premier bourg où il lui acheta un cheval qui ravit le garçon. C’est après quelques jours qu’il trouva le courage d’annoncer à son fils les raisons de cette « escapade » qui devaient les amener à Albi. Les jours qui s’ensuivirent furent lourds de silences et une ou deux fois, le baron entendit quelques reniflements étouffés qu’il feint de ne point remarquer, tant pour préserver la fierté de son fils que parce qu’il n’aurait su trouver les mots.

Depuis cette annonce, les deux hommes n’avaient que peu échangé pendant leur voyage et la peine semblait se muer en révolte. Le blondinet avait son visage durcit et son regard avait perdu de sa candeur. A l’arrivée à Albi, le Baron ralentit Danseur…


Allez mon garçon, montres nous la route, toi qui la connaît bien !

Un signe sec de la tête et Astyxio talonna un peu sa monture

Suivez moi, père. Nous y serons vite ..

Fait et dit, c’est peu de temps après qu’ils entrèrent dans une cour et le garçon démonta à quelques pas de la porte. Le Baron fit de même un peu moins souplement que son fils et lui remit les rênes de Danseur pour aller frapper le heurtoir.
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Allyxia
Il semblait si loin le temps où Ally convoquait la petite pour l'interroger, séparément d'Astyxio, pour démêler le vrai du faux pour une bêtise récemment faite...Levant la tête, Ally observa Dorylis un instant, prit une inspiration...et soupira longuement.

Oui, elle est montée se reposer. D'ailleurs elle m'a dit que tu avais les racines pour ses tisanes. Tu vas me les confier, tu en as déjà beaucoup fait, on va te soulager un peu mon enfant.

Malgré le tact dont elle usait, la rouquine première du nom avait une crainte : celle de blesser la jeune fille en lui enlevant le droit de s'occuper de sa mère. Et pourtant, l'intention d'Ally était loin d'être celle-là, au contraire, elle souhaitait juste que ses derniers moments avec Gyldas ne soient pas contraignants...et pour cela, elle voulait la libérer de son rôle de médecin malgré elle.

Mais avant qu'une quelconque réaction ne se fasse, on entendait du bruit du côté de l'entrée. Qui cela pouvait il être ? Fatra ? Peut-être mais son retour n'était pas prévu pour maintenant... A moins que ce ne soit.....? A cette pensée inachevée et malgré le voile de tristesse qui enveloppait la maison albigeoise, un rayon de joie illumina le sourire d'Allyxia.
D'un signe de tête entendu, elle s'excusa auprès de la jeune fille et ne laissa à Louison le temps d'ouvrir la porte. La surprise était bien au rendez-vous car derrière cette porte il y avait le Baron et son fils, ce fils qu'elle avait confié et qui avait drôlement changé en si peu de temps qu'elle en poussa presque un cri de surprise.

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--Dorilys

Avant même que Dorilys ait pu donner à Allyxia ce qu'elle lui demandait, le comportement de sa tante changea du tout au tout. En moins de temps qu'il ne fallut pour le dire, la jeune rouquine se retrouva seule au salon. Elle devina sans peine la raison de cet enthousiasme soudain, et choisit de la suivre à distance.

Son cœur s'affola et la jeune fille se plaqua contre le mur au détour du couloir. Que lui arrivait-il? Sa mère l'avait prévenue, pourtant.

** Même si tu le revois, dis-toi que, maintenant, vous en faites plus partis du même monde. Il restera sans doute ton ami, mais vos relations devront s'en tenir à ça. **

Serrant contre elle le petit sachet de racines qu'elle n'avait pas pris le temps de ranger, Dorilys suivit la scène de loin. Oui, c'était bien lui: son ami d'enfance, mais surtout son copain de bêtises. Alors qu'elle allait perdre sa mère, lui retrouvait la sienne. Ce n'était pas juste. Sa gorge se noua. Elle avait envie de pleurer.

S'efforçant de calmer les battements de son cœur, Dorilys préféra s'éclipser avant d'être vue et retourna à la cuisine. Si Ally lui avait demandé le sachet, c'est que Gyldas avait besoin d'une tisane. Elle trouva sans peine une casserole et une tasse. Avant de sortir de la cuisine avec la tisane chaude, elle se décida à avaler son bol de lait refroidit, car son estomac commençait sérieusement à protester. Puis elle se dirigea vers la chambre de sa mère.


Clody
Le voyage avait été long. Clody, accompagnée de ses filles, Doryanne et Abygaëlle, avaient fait la route avec deux de leurs plus fidèles amis Nodo et Amandière. Elle se sentait toujours en sécurité lorsqu’elle voyageait avec eux. Puis, Bermude et Zazous avaient décidé de rentrer à Albi et avaient donc eux aussi fait partie du voyage.

Ils y étaient enfin, le troupeau avait donc élu domicile dans une petite auberge à l’entrée du village. Bermude et sa copine avait quand à eux déjà choisi leur nouvelle maison.

Fatiguée par la longue route qu’ils avaient parcourus en si peu de jours, elle avait préféré faire ainsi, soit se reposer un jour avant de se rendre chez sa jumelle. Il y avait longtemps qu’elles s’étaient croisées. Lors de son dernier voyage en Alençon, Ally avait bien failli mourir, battue par des militaires normands. Malgré le fait qu’elles ne s’écrivaient que rarement pour ne pas dire presque jamais, Clody pensait souvent à sa rouquine de sœur.

Elle avait eu des nouvelles peu de temps avant d’entreprendre ce voyage, Gygy, la meilleure amie d’Ally était souffrante, c’est tout ce que savait Clody pour l’instant. Elle en saurait d’avantage dès qu’elle se rendrait chez sa sœur.

Le Baron était peut être, quant à lui, déjà arrivé à Albi. Elle le saurait en même temps. Clody et Asti avaient tenté de planifier un bout de chemin ensemble, mais les occupations ducales les avaient retenues Amandière et elle au château, et il avait été impossible de se libérer de leurs obligations avant la fin du mandat. Un peu de vacances bien méritées leurs feraient grand bien à toutes deux. Nodo allait pouvoir lui aussi se reposer quoi qu’il aurait certainement le gout de se balader au marché pour surveiller un peu, dur de changer ses habitudes.

Il y avait longtemps qu’elle était venue à Albi, Shirus et elle étaient passés voir leurs amis après leur mariage, avant de remonter s’installer en Alençon. Elle devrait même se renseigner pour trouver la demeure de sa jumelle, n’étant pas certaine de bien se souvenir du lieu.

Au petit matin du jour suivant elle irait aux nouvelles.

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