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[RP] Les félins sont tous issus d'une seule et même famille.

Iban
Les traits du Lynx se modulèrent en une étrange expression de douceur. C’était pourtant avec une joie violente et crue, mais silencieuse, qu’il constatait la réussite et l’efficacité de ses perfides insinuations. La louve, à présent acculée, ayant sans le vouloir abattu son jeu, usait des ultimes ressources de son sarcasme et de son agressivité pour tenter de masquer la détresse dont elle était la proie. Etxegorry sentit qu’il devait faire preuve d’audace. L'état de désarroi de la Comtesse ferait le reste. Il risquait beaucoup à se montrer irrévérencieux, mais il était certain qu’une occasion comme celle qu’il entrevoyait en ce moment des plus embarrassants, ne se représenterait pas de si tôt.

« Étant donné votre beauté, votre noblesse et votre richesse, je gage que vos prétendants ne manquent pas. De surcroit, votre tempérament me laisse supposer que vous avez connu bien des idylles aventureuses. Je miserai donc davantage sur un amour insatisfait… »
, répondit il posément.

« De quoi flétrir trop rapidement les appâts des plus belles amantes. Cela dit, le mal ne semble pas irrémédiable. » ajouta-t-il en prenant un ton qui ressemblait à celui des doctes charlatans qui parcourent le royaume de villages en villages en se prétendant médicastres. Le sourire que fit naître sa plaisanterie au coin des lèvres du mercenaire, allié au regard résolu et captivé qui accompagna la ferme résolution du Lynx de sonner incessamment l’hallali, donnait au visage du Basque une curieuse harmonie.

Témérairement, mais avec la plus grande des douceurs, il saisit la choppe des mains délicates d’Agnès et la posa sur le coffre. Lectoure serait l’envers de Tarbes, il le voulait ainsi. Ce fut à son tour de s’approcher de la Comtesse pour lui chuchoter à l’oreille :


« Il est une autre ivresse bien plus efficace pour apaiser l’espace d’un moment les maux que le cœur nous inflige. »

Ses lèvres se firent plus caressantes et entreprirent une lente et lascive descente de son oreille frémissante jusqu’à l’orée suave de son épaule. Son bras se glissa bientôt autour de la taille de la Saint Just, lui barrant gentement toute retraite. Il la sentit frémir. Ne sachant s’il s’agissait là d’une condamnation de son impudence ou d’une invitation à poursuivre, il ajouta d’un ton tout aussi tendre :

« Laissez donc votre orgueil en sommeil, Comtesse, et acceptez que l’on vous guide… vous n’aurez point lieu de vous en plaindre… »
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Gnia
Il était surprenant de réaliser une fois encore qu'une image de grandeur et de richesse assortie d'une beauté sans d'autre attrait que sa froideur pouvait à ce point induire le monde en erreur. Que ce qui aurait dû susciter convoitise et concupiscence n'engendrait que l'exact contraire. De prétendants, il n'y en avait guère et les idylles aventureuses se comptaient sur les doigts d'une main.

Perdu, Extegorry. Il va de soi qu'amour inassouvi va de paire avec l'oppressante solitude. L'un ne va pas sans l'autre.

Parce que dans la défaite l'on peut conserver honneur et fierté, il arrive que les vaincus déposent les armes aux pieds des vainqueurs plutôt qu'à en être délestés.
Aussi, rien ne fut fait pour repousser la témérité du Basque. Le cou frémissant fut largement offert à l'avidité de ses lèvres, son bras ne trouva aucune résistance tandis qu'il l'accolait contre lui. En répond aux mots d'Iban, la voix se fit lascive.


Et qu'ai-je à gagner à taire un instant mon orgueil et à vous accorder le rôle de guide, Iban ? Qu'est ce qui me garantit qu'une fois que vous aurez goûté à ce que vous désirez vous aurez toujours à coeur la communauté de nos intérêts ?

Sans y être contrainte, elle se laissa aller contre lui, appuyant son bassin contre son ventre en un mouvement qui ne souffrait aucune équivoque, sa poitrine libre de toute entrave sous la fine chemise de toile effleurant le torse musculeux du mercenaire.

Je vous l'ai dit, tout a un prix et la peau satinée de Comtesse a le sien. Quel est donc celui qui vous consentiriez à offrir pour me posséder ?

Du fauve acculé, il faut se méfier des ultimes ruades et de la Saint Just battue en brèche, des ultimes soubresauts. Comment pouvait-on penser ne serait-ce qu'un instant qu'elle puisse rendre les armes quand elle pouvait forcer l'adversaire à se découvrir en tentant de les lui en défaire ?


Quant à savoir s'il y a lieu de se plaindre, permettez-moi toutefois d'en demeurer seule juge.
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Iban
Tandis que l’étreinte se faisait plus grisante, les lèvres empressées du mercenaire revinrent susurrer dans le creux délicat de l’oreille parfumée de la Saint Just.

« Pensez vous donc, Comtesse, que je ne vous considère que comme une vulgaire catin de plus ? Vos soupçons quant à la sincérité de la passion que vous avez su susciter en moi m’offensent… Comment pourrai-je assigner une chose aussi mesquine qu’un prix à une offre dont la valeur excède infiniment les luxurieux commerces d’une maison de passe ? »


Il se tut un instant pour accorder une fois de plus leurs regards délicieusement harmonieux. Leurs fronts fiévreux, l’un contre l’autre, se consumaient en une ardente communion.


« Il va de soi que votre abandon fera nécessairement de moi votre éternel obligé… »


Ces derniers mots se perdirent en un souffle lourd de désir et de chaleur, sur les lèvres d'Agnès. Prononcée sous le coup d'une passion dévorante, cette affirmation qui semblait ne l'engager que fort peu était bien plus lourde de sens que ne le supposait le luxurieux Félin. Gnia saurait sans doute le lui rappeler. Cependant, la parole cessa désormais de heurter les sens, pour laisser place à de plus intimes langages.

Une bourrasque de vent frais s'engouffra par la fenêtre ouverte de la chambre, soulevant le grossier rideau de soie bleu. La bouteille maladroitement posée sur le coffre chut sur le plancher de la pièce et se brisa en mille éclats de verre sonores. Qu'importait pour les deux amants !


Bientôt ils s’enlaceraient tous deux sur le lit blanc, dans leur plus sobre mise, tout aussi dépouillés qu’Adam et Eve au temps béni où homme et femme commerçaient amoureusement, unique l’un pour l’autre, passionnément seuls, dans les reculées foisonnantes et confidentielles des contrées édéniques, avant que ne frappe la Chute. Ce jour encore, dans cette chambre de Lectoure, les deux amants se donneraient l’un à l’autre sans réserve, sans se soucier du monde et de ses vaines agitations, perpétuant ainsi l’union première et pure qu’il fut donner aux étoiles du Saint jardin de veiller en silence. Quant à la fécondité ou non de cet accouplement étrange du Lynx et de la Louve, seules les Parques laborieuses pouvaient à cette heure en savoir quelque chose.

Ce qui était certain, néanmoins, c’est que de la liaison de ces deux êtres brûlants ne pourrait naître qu’un Caïn.

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Gnia
[Le lendemain]


Si tout se déroulait comme prévu, aujourd'hui serait le dernier jour de voyage avant d'atteindre Montauban. La Saint Just s'était tenue depuis le matin à l'arrière de la petite escorte, au grand dam de ses gardes qui l'implorait de ne pas rester à la traîne. La Comtese haussait les épaules et ralentissait encore le pas de sa monture si l'un de ses gens d'armes faisait mine de vouloir clore la marche.
Depuis quelques heures, l'on faisait route au travers d'une dense forêt et les inquiétudes de l'escorte n'étaient point vaines puisque c'était idéalement le genre de paysage propice à de mauvaises rencontres. Mais Agnès était d'humeur songeuse et, sous le couvert des arbres où le soleil au travers du feuillage projetait des ombres dentelées sur le sentier, il lui semblait qu'il n'y ait point de lieu plus à même de recueillir ses pensées.

Depuis sa tentative de départ manquée de l'Angoumois, elle n'avait cessé de tenter de sceller par des actes les malheureuses lignes qu'elle avait écrit. Et la nuit dernière encore, elle avait cherché dans d'autres bras ce qu'elle avait lâchement abandonné. Comme si à mesure que l'on approchait de la fin du voyage, il fallait absolument qu'elle oublie pourquoi elle venait à Montauban. Toute sa courte vie durant, elle n'avait finalement poursuivi que des chimères. Et la simple idée que ce qu'elle venait trouver à Montauban en soit également une suffisait à ce que la Saint Just et son esprit torturé transforment irrémédiablement ce qui pouvait être réel en mirage.

L'après-midi est bien avancée lorsque les cavaliers firent une halte à la faveur d'une étroite clairière où serpentait un ru que les chaleurs de cette fin d'été n'étaient pas parvenues à assécher.
La taciturne Comtesse du Lavedan démonta, laissant sa cavale se diriger droit sur l'eau, et elle se dirigea droit vers un arbre massif dont les racines plongeait dans le lit du ruisseau, à l'écart. Fidèle à son humeur du jour, elle s'allongea sur la tapis de mousse qui s'étalait à la base du tronc, et les bras croisés derrière la tête en guise d'oreiller, elle ferma un instant les paupières et se laissa bercer par le chant de l'eau.

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Iban
Le voyage du lendemain commença sans encombre. L’humeur joyeuse et rayonnante d’Etxegorry contrastait en tout point avec celle de la Comtesse. Il attribua d’abord la morosité de la Saint Just aux remords qui devaient à présent la saisir de s’être ainsi abandonnée à l’étreinte véhémente du mercenaire. Cela ne pouvait que le réjouir davantage car il n’ignorait pas que ce sentiment de regret chez la femme s’avérait généralement proportionnel à l’intensité des coupables plaisirs que l’on avait su lui prodiguer. Néanmoins, cet état de profonde et terne rêverie chez la Saint Just, qui n’avait en vérité rien de bien commun avec ces prudes jeunes femmes chez qui ce sentiment est plus enclin à naître, lui fit bientôt entrevoir que des raisons secrètes et douloureuses pouvaient expliquer cette froideur. Il en eut fallu bien davantage, cependant, pour tarir l’enthousiasme du Basque qui chevaucha à l’avant de la petite troupe toute la matinée durant.

Ils quittèrent bientôt les collines de l’Armagnac pour pénétrer dans les forêts de Guyenne. On accueillit avec soulagement la fraîcheur des bois, dont les épaisses frondaisons formaient une voûte d’ombre, protégeant des rayons agressifs d’un soleil d’été triomphant. Les feuillages immobiles répandaient comme un immense vitrail, une lumière mouvant selon les arbres, sur la gamme de toutes les nuances du vert. La troupe s’arrêta au bord d’un ruisseau qui coulait au travers d’une petite clairière, pour reprendre son souffle. Sans un mot, la Comtesse partit s’allonger au pied d’un arbre, visiblement désireuse de ruminer ses sombres méditations seule. Grand bien lui en fasse… Le mercenaire quant à lui, encore débordant d’énergie, et ne comprenant visiblement pas l’intérêt de s’attarder en ces lieux, entreprit, en bon éclaireur, d’étudier un peu les environs.

Choisissant un grand arbre au branchage solide, le Lynx y grimpa lestement et eut tôt fait d’en atteindre la plus haute branche. Une fois au sommet, il hissa son visage hors de la sombre voûte de feuilles pour affronter le redoutable éclat du soleil en son zénith. De son perchoir, il put lorsque ses yeux se furent accoutumés à cette lumière d’autant plus aveuglante qu’elle contrastait avec la semi-obscurité du bois, estimer l’étendue de ce dernier. Vers l’est, le ciel et la forêt semblaient deux vastes océans d’azur et de sinople se confondant au loin en un même horizon. Au sud, l’on apercevait encore nettement la frontière entre les vallées d’Armagnac et l’orée du bois. Des nuées sombres et menaçantes, parfois déchirées par la foudre, gagnaient rapidement du terrain sur l’azur limpide. Ils ne parviendraient pas à éviter l’orage. Il fallait prévenir Agnès pour que l’on reprenne la route sans tarder et que l’on se presse en chemin.

Aussi rapidement qu’il avait grimpé, Iban redescendit de branches en branches et posa bientôt pieds de nouveau sur le sentier. Celui-ci s’était rétréci à mesure que l’escorte de la Saint Just avait avancé vers le cœur du bois, et filait à présent vers l’est en un sillon minuscule, où deux cavaliers ne pouvaient assurément chevaucher côte à côte. L’endroit était idéal pour une embuscade. Certaines des connaissances montalbanaises peu recommandables d’Etxegorry auraient été fort aise qu’on leur indiquât un tel endroit, si elles n’en avaient déjà la connaissance…. Le Basque s’accroupit pour observer avec plus d’attention la piste poussiéreuse. Ca et là apparaissaient les traces imprécises de sabots et de bottes que, de toute évidence, l’on avait tenté d’effacer à l’aide de quelque branchage. Le Lynx, pour en avoir souvent usé, était accoutumé à ce genre de stratagème. Il avança, toujours près du sol, sur le sentier suspect pour y suivre cette étrange piste. Il fut bientôt hors de vue du reste de la troupe. Le chemin se rapprochait du cours du ruisseau et les traces se firent plus nettes au fur et à mesure que la terre se faisait humide. Les embûches ne devaient être loin. Le Lynx releva brusquement la tête et se tint immobile, à l’affut du moindre bruit ou du moindre signe.

Là, tapis dans les fourrés, on l’observait. Il en avait désormais la certitude. Il tira discrètement sa navaja de son fourreau.

Accroupi, Iban tâcha de s’approcher de la cachette de l’impudent indiscret en la contournant.

Tout se précipita alors soudainement. Sans doute inquiet de le perdre de vue, l’autre se découvrit alors tout à fait et, du plus rapidement qu’il put, balaya le sentier du regard pour y dénicher le Lynx à l’affut et le pointa de la flèche empennée de blanc dont il avait armé son arc. Ils n'étaient qu'à quelques enjambées l'un de l'autre.

Profitant de sa précipitation, le Lynx bondit sur le chasseur, toutes griffes dehors.

Le trait partit.

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--Corbaque


Leurs indications étaient bonnes, ils étaient là : la noble, son escorte, et lui. Pourquoi au juste devaient-ils mourir ? L'homme s'en souciait assez peu. Il était fidèle au comte d'Ossau depuis longtemps... depuis que sa bourse était régulièrement remplie par ce dernier, en fait. Et la loyauté de l'argent était la plus forte qu'on pouvait espérer de Corbaque. La petite troupe qu'il dirigeait allait donc faire ce pour quoi elle avait été payée, sans se soucier des implications morales, qui étaient l'apanage des nantis et des imbéciles.

Leurs proies s'étaient arrêtées dans une petite clairière. Silencieusement, ses hommes se positionnèrent alentours. Un fin sourire étira ses lèvres... Travailler avec des hommes aguerris, qui étaient presque des amis, lui apportait un plaisir quasiment aussi important que sa rémunération. Il s'apprêtait à donner le signal de la curée lorsque leur cible principale fut saisie d'un désir incontrôlable d'escalade. Le front plissé par la contrariété, le meneur des embusqués attendit. Heureusement, l'homme-singe redescendit assez rapidement et s'enfonça dans les fourrés. Un léger signe de tête, et un des mercenaires le prit en chasse. Les autres allaient s'occuper de la balafrée et de son escorte, puis le rejoindraient : toujours garder le meilleur pour la fin.

Corbaque tâtonna au sol et tira une flèche de son carquois, qu'il encocha. La pointe se dirigea sur un des gardes, qui surveillait vaguement les alentours... l'archer retint son souffle le temps d'un ou deux battements de coeur et le trait partit. En quelques instants, un deuxième garde fut abattu, mais le troisième avait rejoint la noble et ils se trouvaient dans un angle mort. Les cinq mercenaires sortirent du couvert des arbres, épées au poing, et avancèrent sans précipitation vers les deux cadavres en devenir.
Gnia
Les paupières closes se soulevèrent soudainement. Quelque chose dans l'atmosphère avait alarmé la Saint Just et l'avait sortie de sa torpeur. Le front plissé, toujours allongée, elle essayait de définir ce qui flottait dans l'air et qui avait changé. Les oiseaux s'étaient tus. C'était ce silence soudain qui avait mis les sens de la comtesse en éveil. Elle s'était brusquement relevée, la main sur la garde de l'épée qui pendait à son ceinturon, juste à temps pour voir l'un des membres de son escorte s'effondrer, rapidement suivi d'un deuxième. Plus chanceux, le troisième l'avait prestement rejointe, épée au clair.

Agnès s'attendait à tout instant à le voir tomber, transpercé d'un trait, puis ce serait son tour. Le Basque n'était pas dans les parages et s'il s'était fait prendre par surprise comme les autres, il ne fallait donc point compter sur une aide de ce côté. Lorsqu'enfin l'ennemi invisible prit forme humaine et que les assaillants sortirent des fourrés, une coulée glacée lui dévala l'échine tandis que sa main se raffermissait sur le pommeau de son arme.

Elle n'avait jamais été douée pour le duel à pied, bien plus à l'aise du haut d'une forteresse sagittaire pour occire l'ennemi. De plus, depuis sa récente blessure, elle savait que le souffle finirait irrémédiablement par lui manquer. Autant dire que les probabilités de survie dans la situation présente s'étiolaient fortement. Le combat s'annonçait inégal mais quitte à perdre la vie autant la défendre chèrement, et qui sait, peut-être que le Très Hauct était dans l'un de ses bons jours et déciderait encore que l'heure de la Saint Just n'était pas encore venue.

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--Corbaque


Le dernier garde avait visiblement peur. Pas la peur irraisonnée et pathétique du novice jamais confronté à l'ennemi, mais plutôt celle froide et logique du vétéran qui sait reconnaître un combat perdu. Il n'était cependant pas un lâche : il se plaça devant la noble et fit face aux assaillants. Deux seulement s'élancèrent, pour ne pas se gêner mutuellement, et en vinrent à bout au prix d'une vilaine estafilade au bras. Derrière, la femme raffermit sa prise sur la garde de son épée, s'apprêtant visiblement à vendre chèrement sa vie. Elle ignorait peut-être que ladite vie avait été payée plusieurs jours auparavant.

Un cri à quelques distances lui accorda cependant quelques instants supplémentaires. Contrarié, Corbaque envoya les trois valides qu'il lui restait pour constater le décès de leur proie ou prêter assistance à leur comparse incompétent. Était-il si difficile de tuer quelqu'un par surprise dans un bois ? Si l'autre imbécile avait échoué mais survécu, il ne toucherait que la moitié de sa part, pour lui apprendre l'efficacité.

Le meneur de la petite troupe chassa ses préoccupations de son esprit, et se concentra sur la survivante. S'en débarrasser rapidement, puis aller vérifier que tout était bien terminé dans la direction du cri. Un léger sourire flotta sur ses lèvres... pas spécialement cruel, quasiment... désolé. Comme pour signifier à la balafrée qu'il n'avait rien de particulier contre elle. Il n'en avança pas moins sur elle, passant son épée d'une main à l'autre pour la désorienter et abréger le duel.
Gnia
Bon. Visiblement le Très Hauct semblait sur répondeur ou alors sa ligne directe était en dérangement. Une chose était sûre, à l'instant où sa dernière escorte s'était écroulée, il était vain de ne serait-ce penser laisser un message sur le répondeur divin. Les carottes étaient cuites et la messe était dite. Les doigts de la Comtesse blanchirent sur la garde de l'épée. Les causes perdues méritent toujours d'être défendues. Elle se mit en garde, prête à parer le premier coup lorsque...


Un cri poussé non loin lui offrit quelque répit. Tiens... Il semblait finalement que le Très Hauct écoutât ses messages... Mais peut-être pas ceux laissé par le Lynx.


De quatre assaillants et demi - si l'on comptait pour la demie part celui qui n'était plus capable de tenir l'épée de sa main droite - l'on était passé à un et demi, ce qui faisait bien plus l'affaire de la Saint Just. Il était plus que temps de songer à s'extraire de ce merdier. Dans son empressement plus tôt à se retirer loin des autres, elle n'avait pas attaché sa cavale et celle-ci broutait non loin des autres montures. Il suffisait de parvenir à s'approcher suffisamment près de l'animal pour se sortir de cette macabre impasse.

Celui qui semblait le chef s'avançait vers elle, persuadé de l'impressionner de son petit jeu "Epée à droite ? Epée à gauche ? Epée cachée ? Dans quelle main l'épée ?". Si la situation avait été moins critique, elle aurait bien levé les yeux au ciel pour marquer son agacement. Au lieu de ça, elle fit un pas de côté, le premier pour se rapprocher de sa monture, puis, sans crier gare, fila sur le mercenaire qui continuait à tenir son bras blessé.

Feinte ! revers ! Coup de taille à l'arrière du genou ! Jarret tranché ! L'adversaire, cloué au sol, poussa d'atroces hurlements.* Hurlements qui permirent à Agnès de profiter du flottement infime qu'ils provoquèrent chez son autre adversaire pour s'élancer vers son coursier, en saisir les rênes avant qu'il se s'effraie et de se hisser sur la selle.
Avant de l'éperonner d'un vigoureux coup de talon, elle abaissa son épée sur les longes qui retenaient les autres cavales à l'arbre où elles étaient attachées, avant de claquer du plat de l'épée la croupe de la plus proche, histoire de provoquer au sein des chevaux un mouvement de panique et qu'ils s'égaient au galop. Tout à fait le genre de chose qu'il lui fallait pour détourner plus encore l'attention du dernier mercenaire.

Cela dit, à l'instant où elle lançait sa monture vers le sentier qui traversait l'épaisse forêt, elle avisa son adversaire qui ne semblait pas plus déstabilisé que ça par le martèlement sourd des sabots sur l'herbe qui ne parvenait même pas à étouffer les cris de douleur de l'assaillant qui continuait de se rouler par terre dans son sang. Il était fermement campé sur ses jambes, prêt à l'affrontement inégal.

Le poing gauche serré sur les rênes, elle leva son bras droit, l'épée pointée vers le ciel, pour la rabattre à l'instant précis où elle croiserait son adversaire.
Elle ressentit le choc, entendit le fracas métallique des deux épées l'une contre l'autre, plus qu'elle ne vit véritablement la rencontre. Elle ne tourna même pas la tête pour s'assurer de l'état du mercenaire, il convenait maintenant de faire donner le maximum à sa monture et fuir le plus loin d'ici.

Và où tu veux - à Montauban, nom d'un chien, j'vais finir par y arriver - Meurs où tu dois - certainement pas ici, c'est merdique comme endroit pour mourir.



*[HRP : tiré et inspiré de De Capes et de Crocs, tome 8 : Don Lope apprenant à Eusèbe la botte de Jarnac]
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Iban
Le sang tombait de ses mains ouvertes en petites gouttes écarlates, à intervalle régulier, sur le sol boueux. A genoux devant le cadavre suintant abondamment la mort et les viscères, le Basque restait prostré, le front ruisselant et vermeil. Qui fut arrivé là sans avoir aperçut les évènements précédents eut pu croire qu’Etxegorry venait de déchirer les entrailles de sa proie avec ses seules dents. Sa respiration s’apparentait à un grognement rauque et son regard se perdait dans la contemplation morbide de son œuvre sinistrement dégoulinante. Sa fureur était passée, aussi brève et aveugle qu’un orage et s’était muée en un calme prostré. Les désirs destructeurs se bousculaient sans qu’il put bien les discerner dans son esprit abruti par la violence et la fascination du sang. Son flanc gauche, déchiré par la pointe de la flèche maladroite qui était allé se perdre plus loin, saignait lui aussi, mais sans que cela fut bien grave.

Le bruit furtif de l’arrivée du reste de la troupe le tira hors de sa torpeur. La bête était encore traquée. Sa volonté était de nouveau toute entière tendue vers la survie. Il se releva soudainement et se hissa dans les branches de cet arbre qu’il venait de grimper un instant plutôt. S’élever dans les hauteurs était souvent le moyen le plus efficace pour dissimuler sa présence. Cela pour la simple raison que les gens aussi rusés qu’ils soient ne pensent généralement pas à lever les yeux. Trois mercenaires surgirent bientôt hors des fourrés à la recherche frénétique du Lynx. Ils s’arrêtèrent brusquement. La vue de la dépouille mortelle de leur compagnon brisa en mille éclats leur enthousiasme meurtrier. Le cadavre était étendu sur le sentier, baignant dans une flaque vermeille. L’on avait méthodiquement procédé à l’ablation des yeux, du nez et des oreilles de leur camarade, organes que l’on avait cyniquement placés dans sa bouche, béante d’immondices. Son ventre se répandait jusqu’à la boue du chemin en entrailles sanglantes et informes. Le plus jeune des trois mercenaires, écœuré, rendit son déjeuner au pied de l’arbre sur lequel le Basque se trouvait perché. On frissona. Un cheval, emportant la Comtesse fusa à toute allure à quelques mètres du sentier. Puis, sous les exhortations du plus ancien, l’on reprit les recherches. En vain. Immobile derrière le feuillage, le Lynx pouvait assister en cachette à l’échec des investigations. Après avoir pris acte de la vanité des recherches, l’on s’en fut à la hâte, sans doute heureux que ces dernières se soient avérées infructueuses.

Les nuées se déchirèrent en un fracas lumineux qui fendit soudainement l’air. En un rien, des trombes de lourde pluie s’abattirent sur le bois redevenu silencieux. Le ciel semblait vouloir laver le sang trop abondamment versé. Détrempé, le Basque redescendit de son perchoir en s’accrochant à l’écorce ruisselante des branches basses. Il ne lui restait plus de cavale. Il avait mal au flanc, son crâne brûlait de milles haines. Encore étourdi par la violence de l’instant précédent, il tituba un peu, enjamba laborieusement le corps de sa victime et s’en fut en direction de Montauban tel quelque dément, semblant errer sans but, affrontant sans conscience le déchaînement des cieux.

Il disparut enfin derrière l’épais rideau de pluie, laissant seuls les quelques cadavres, pâles et pourrissants, rincés par les eaux dans cette clairière brumeuse, à côté du ruisseau gonflé par la tempête.


FIN

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